VULNÉRABILITÉS EN DÉTENTION - Procédure à la frontière, procédure accélérée, visioconférence - NANSEN
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De janvier 2019 à mars 2020, l’équipe de NANSEN a effectué 34 visite en centres fermés et s’est entretenue avec 199 personnes détenues. Le rapport «Vulnérabilités en détention »présente, en cinq chapitres thématiques, l’analyse de nos constats. Vous trouverez ici nos objectifs et notre méthodologie. Ce rapport est représentatif des difficultés rencontrées en détention par les personnes ayant besoin de protection internationale. Il ne prétend pas être exhaustif. Il ne prétend pas non plus que les situations analysées sont, statistiquement, les plus représentées dans l’ensemble de la VULNÉRABILITÉS EN DÉTENTION population détenue en centres fermés en Belgique aujourd’hui.. Procédure à la frontière, procédure Auteur : Valérie Klein Rédaction finale : Marjan Claes – Julie accélérée, visioconférence. Lejeune 1
IV. Application de la procédure à la frontière et de la procédure accélérée (et focus sur les entretiens personnels par vidéoconférence) ........................................................................................................................ 3 IV.1. Constats ..................................................................................................................................................... 3 IV.2. Analyse ....................................................................................................................................................... 6 A. Traitement de la demande à la frontière et selon une procédure accélérée............................. 6 B. Detention .............................................................................................................................................. 9 IV.3. FOCUS : entretiens personnels par videoconference ...................................................................... 11 1. Absence de fondement légal ................................................................................................................. 11 2. Absence de garanties quant à la confidentialité des entretiens par vidéoconférence........... 18 3. Droit à l’assistance et à la représentation juridique..................................................................... 20 3. Impact de la vidéoconférence sur le demandeur de protection internationale ....................... 22 4. Nécessité d’une évaluation de la pratique existante dans les centres fermés ....................... 26 2
IV. APPLICATION DE LA PROCÉDURE À LA FRONTIÈRE ET DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE ( ET FOCUS SUR LES ENTRETIENS PERSONNELS PAR VIDÉOCONFÉRENCE ) IV.1. CONSTATS En 2019 et 2020, NANSEN a poursuivi ses visites à Caricole, où sont détenues la plupart des personnes qui introduisent une demande de protection internationale à la frontière. Toutefois, en raison d’un manque de place, lié à un nombre plus important d’arrivées à certaines périodes, des demandeurs de protection internationale ont parfois été transférés vers d’autres centres 1 , où NANSEN a pu les rencontrer. Bien que NANSEN ne visite pas les maisons de retour, certains dossiers de personnes qui s’y trouvaient ont été suivis 2. NANSEN constate que, dans les dossiers suivis, les demandeurs de protection internationale à la frontière continuent à être systématiquement détenus 3. Selon l’Office des Étrangers, c’est effectivement le cas des personnes qui ne remplissent pas les conditions d’accès au territoire. L’administration a expliqué à NANSEN que certains demandeurs ne sont pas placés en détention, mais n’a pas communiqué de données chiffrées. En outre, la détention a systématiquement entraîné l’application de la procédure à la frontière prévue à l’article 57/6/4 de la loi du 15 décembre 1980, et de la procédure accélérée visée à l’article 57/6/1, §1er de la loi du 15 décembre 1980. Ces deux constats avaient déjà été faits en 20184. Les situations analysées par NANSEN montrent que la décision du CGRA de faire application de la procédure à la frontière et de la procédure accélérée repose sur l’un des motifs suivants : Le demandeur a tenté d’entrer sur le territoire et, sans motif valable, n'a pas présenté une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs, Le demandeur a induit les autorités en erreur en ce qui concerne son identité et/ou sa nationalité, en présentant de fausses informations ou de faux documents ou en dissimulant des documents pertinents qui auraient pu influencer la décision dans un sens défavorable ou a induit les autorités en erreur quant aux motifs de son voyage, Il est probable que, de mauvaise foi, le demandeur a procédé à la destruction ou s’est défait d’un document d’identité ou de voyage qui aurait aidé à établir son identité ou sa nationalité, 1 Loi du 15 décembre 1980, art. 74/5, §2. 2 Ces centres sont visités par le Jesuit Refugee Service. 3 NANSEN, Beschermingstandaarden in detentie. Naar volledige implementatie – Bevindingen 2018, p.16 et NANSEN Note 2018-1, Demandeurs d’asile à la frontière : procédure à la frontière et détention, avril 2018, https://www.nansen-refugee.be/wp-content/uploads/2018/12/demandeurs-asile-frontiere-procedure-frontiere- detention.pdf. À propos de la détention des demandeurs de protection internationale à la frontière, voyez également les Conclusions de l’Avocat général M. Maciej SZPUNAR présentées le 30 avril 2020 dans l’affaire C-36/20 PPU, § 107 dans lesquelles il a rappelé que : « En outre, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, les autres paragraphes de l’article 8 de la directive 2013/33 apportent des limitations importantes au pouvoir conféré aux États membres de procéder à un placement en rétention. Notamment, l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, de cette directive énumère de manière exhaustive les différents motifs susceptibles de justifier un placement en rétention et chacun de ces motifs répond à un besoin spécifique et revêt un caractère autonome. Ainsi, lorsqu’il existe un motif susceptible de justifier la rétention, l’article 8, paragraphe 2, de cette directive exige que cette rétention ne puisse être ordonnée que lorsque cela s’avère nécessaire et sur la base d’une appréciation au cas par cas, si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées. 4 NANSEN, Beschermingstandaarden in detentie. Naar volledige implementatie – Bevindingen 2018, p.16, op.cit., et NANSEN Note 2018-1, Demandeurs d’asile à la frontière : procédure à la frontière et détention, avril 2018, op.cit. 3
Le demandeur a fait des déclarations manifestement fausses, ce qui rend sa demande peu convaincante. Les situations analysées révèlent également que le CGRA reprend fréquemment tels quels les motifs invoqués par l’Office des Étrangers pour justifier la détention sur la base de l’article 74/5, §1er, 2° de la loi du 15 décembre 1980, sans toutefois procéder lui-même à une analyse individuelle, ni faire référence dans sa décision aux éléments concrets du dossier. Ce constat est notamment illustré par la situation d’un jeune homme palestinien, arrêté à l’aéroport de Zaventem et placé en détention à Caricole. La décision de maintien, prise sur la base de l’article 74/5, §1er, alinéa 1er, 2° indiquait que « l’intéressé ne peut présenter aucun document de voyage valable. Il est uniquement en possession d’une carte d’identité palestinienne dont l’identité ne peut être garantie. L’intéressé s’est vu notifier une décision de refus d’entrée (…) car il n’était pas en possession d’un document de voyage ni d’un visa valable pour pénétrer sur le territoire. Le maintien est jugé nécessaire pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient être obtenus si l’intéressé n’était pas maintenu, en particulier car il y a risque de fuite du demandeur. L’intéressé a utilisé des informations trompeuses ou a employé d’autres moyens illégaux dans le cadre d’une procédure de protection internationale ou de refoulement (…). Le maintien se justifie par le fait qu’il a délibérément soustrait des informations aux autorités belges ». Dans sa décision relative à la demande de protection internationale, le CGRA indiqua, sans référence à des éléments concrets du dossier : « La circonstance qu’il était probable que, de mauvaise foi, vous aviez procédé à la destruction ou vous étiez défait d’un document d’identité ou de voyage qui aurait été à établir votre identité ou votre nationalité était jusqu’alors établie et a justifié qu’une procédure accélérée a été appliquée ou traitement de votre demande lors de cette phase de la procédure ». Suite à l’annulation de la décision du CGRA par le CCE5, l’Office des Étrangers délivra un nouveau titre de détention, fondé sur l’article 74/6, §1er, 2° de la loi du 15 décembre 1980, au motif ici encore de l’utilisation d’informations trompeuses ou d’autres moyens illégaux. Cette décision fut soumise au contrôle de la chambre des mises en accusation, qui ordonna la remise en liberté : « (…) la décision querellée ne donne aucune indication concrète relative aux fausses informations ou informations trompeuses (…) utilisées dans le cadre de la demande de protection internationale qu’il a introduite. Les informations qu’il aurait délibérément soustraites aux autorités belges ne sont pas non plus énoncées ». La chambre des mises en accusation, après avoir fait référence à la décision du CGRA et à l’arrêt du CCE, conclut que « dans la mesure où (…) demande une protection internationale, la simple circonstance qu’il n’est pas en possession d’un passeport valable ne justifie pas le risque de fuite invoqué par l’administration et il n’apparait pas que sa détention soit nécessaire pour vérifier son identité eu égard aux documents qu’il présente. Il n’apparait pas qu’il ait utilisé des fausses informations ou des faux documents ». Le constat de l’Office des Étrangers, qui avait mené à la délivrance de deux titres de détention, et à l’application par le CGRA, sans analyse complémentaire, d’une procédure accélérée, fut donc invalidé. Il arrive également que le CGRA motive la décision de recourir à la procédure accélérée sur la base d’autres éléments que ceux invoqués par l’Office des Étrangers pour justifier le maintien. Dans cette hypothèse, il n’apparait toutefois pas non plus qu’il soit procédé à une analyse individuelle. Ainsi, dans le cas d’un couple de Palestiniens 6 , l’Office des Étrangers avait retenu, pour motiver le maintien, l’introduction tardive de la demande et le fait qu’ils soient venus en Belgique pour d’autres raisons que l’introduction d’une demande de protection internationale. Le CGRA décida pour sa part d’appliquer la procédure accélérée au motif que les intéressés avaient induit les autorités en erreur en ce qui concerne leur identité et/ou nationalité. La lecture de la décision révèle toutefois le contraire, puisqu’ils ont déposé différents documents relatifs à leur identité ou leur nationalité, éléments non mis en doute par la même décision. 5 CCE n° 240 639 du 24 décembre 2019. 6NANSEN ne les a pas identifiés comme vulnérables, et leur situation ne fait donc pas partie des 26 situations auxquelles il est fait référence ailleurs dans le rapport. Il est toutefois fait référence à leur situation, dans la mesure où elle illustre la pratique du CGRA relative au recours à la procédure accélérée à la frontière. 4
Enfin, dans deux des situations analysées, la décision de faire application de la procédure accélérée ne fait l’objet d’aucune motivation7. Dans plusieurs dossiers, le CGRA a décidé, sur la base de l’article 57/6/4 de la loi du 15 décembre 1980, de procéder à un examen ultérieur de la demande. La loi du 15 décembre 1980 n’imposant pas d’obligation de motivation de cette décision, il n’est pas possible de connaitre les raisons qui la sous- tendent. NANSEN a constaté que certaines personnes ont été maintenues en détention suite à une décision d’examen ultérieur, ou à l’annulation par le CCE de la décision du CGRA 8. Il en est de même des personnes pour lesquelles une décision n’avait pas été prise par le CGRA dans le délai de quatre semaines prévu à l’article 57/6/4. Cette pratique est matérialisée par la délivrance d’une annexe 39bis. Les décisions de maintien sont fondées sur la nécessité de déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale et sur un risque de fuite. Il s’agit donc de motifs similaires à ceux des titres de détention initiaux. Enfin, dans plusieurs situations analysées, le constat par le CGRA de l’existence de besoins procéduraux spéciaux dans le chef du demandeur n’a pas fait obstacle à l’application de la procédure à la frontière, ou de la procédure accélérée. Selon l’Office des Étrangers, un dialogue s’établit entre ses services et ceux du CGRA au moment de la décision d’examen ultérieur, de l’annulation par le CCE ou de l’expiration du délai de quatre semaines. La décision de maintien en détention sur le territoire est prise en fonction des informations fournies par le CGRA sur les raisons qui fondent la décision d’un examen ultérieur, et sur la possibilité de prendre une décision rapidement. En outre, l’Office des Étrangers explique que sa décision est influencée par la présence d’un passeport en cours de validité 9. Les contacts entre l’Office des Étrangers et le CGRA au moment de l’adoption par ce dernier d’une décision d’examen ultérieur ont été confirmés par le CGRA, qui explique qu’il informe par écrit l’Office des Étrangers si une décision peut être prise à bref délai, et que l’Office des Étrangers décide, sur la base de cette information, si le maintien en détention reste justifié 10 . Bien que quelques-unes des personnes rencontrées par NANSEN lors des visites aient indiqué apprécier que la procédure se déroule rapidement, NANSEN constate que la procédure à la frontière est souvent inadaptée, en tout cas aux personnes les plus vulnérables. Ce constat est illustré par le récit d’une femme congolaise arrivée avec sa fille mineure. Elle fut placée avec sa fille en détention dans une maison de retour. Bien qu’elle ait mentionné, dans le questionnaire rempli préalablement à son audition et ensuite au cours de son audition, avoir été victime de viols dans son pays d’origine, le CGRA ne constata pas de besoins procéduraux spéciaux dans son chef 11. Le dossier fut signalé à NANSEN par les visiteurs des maisons de retour, qui eurent l’attention attirée par la grande vulnérabilité de l’intéressée. Ceux-ci mirent en place, dans un délai très court, un suivi psychologique et firent en sorte qu’elle puisse être examinée par un médecin de CONSTATS. En raison de l’application de la procédure à la frontière et de la procédure accélérée, aucun document médical ne put être transmis au CGRA avant la décision, qui rejeta la demande de protection internationale. Le CGRA estima, entre autres, que les propos de l’intéressée relatifs à sa séquestration, au cours de laquelle les viols furent perpétrés, n’étaient pas crédibles. NANSEN assista l’avocat dans la rédaction d’un recours auprès du CCE, par l’envoi l’informations juridiques. À l’appui du recours, furent déposés le rapport établi par CONSTATS, ainsi qu’une attestation de suivi psychologique. Le CCE annula la décision du CGRA, après avoir constaté que les documents déposés faisaient état de sérieuses lésions physiques et de troubles psychologiques importants 12. NANSEN estime que le recours à une procédure à la frontière, couplée à une procédure accélérée, constitue une approche trop souvent inadaptée à la situation des demandeurs de protection internationale. Bien que ces procédures requièrent un examen individuel, les décisions analysées 7 Une des deux situations ne fait pas partie des 26 situations de personnes vulnérables. 8 Cette pratique a été déjà constatée par le passé. Voyez CLAES, M., “Vasthouding van personen met een mogelijke nood aan internationale bescherming als uitzonderingsmaatregel na de wet van 21 november 2017”, T. Vreemd., 2019, n°3, p. 209. 9 Ces informations ont été communiquées à NANSEN par l’Office des Étrangers à l’occasion d’une réunion bilatérale, le 18.6.2020. 10 Lettre du CGRA à NANSEN, 14 septembre 2020. 11 Les besoins procéduraux spéciaux font l’objet du chapitre 3. 12 CCE n° 233 218 du 27 février 2020. NANSEN assista également l’avocat dans le cadre de la procédure devant la chambre du conseil, qui décida de libérer l’intéressée, au motif que la décision de maintien n’avait pas tenu compte de sa situation médicale, pourtant connue de l’administration. 5
montrent que le CGRA y recourt de façon très fréquente 13 et en justifiant sa décision de façon stéréotypée, voire erronée. Selon le CGRA14, les constats de NANSEN ne sont fondés que sur les dossiers dans lesquels il est fait application de la procédure à la frontière / accélérée, et NANSEN n’a donc pas de vue sur l’ensemble des décisions d’examen ultérieur prises par le CGRA, et partant, sur les situations dans lesquelles il n’est pas fait application de ces procédures, et donc sur la politique menée. Le CGRA indique en outre que, conformément à la loi, il n’applique pas la procédure à la frontière s’il estime qu’une décision d’irrecevabilité ne peut être prise, sur la base d’un des motifs permettant le recours à une procédure accélérée, ou s’il n’est pas possible de prendre une décision endéans le délai de quatre semaines (article 57/6/4 de la loi du 15 décembre 1980). Il indique également ne pas / plus appliquer la procédure à la frontière s’il estime que le demandeur a des besoins procéduraux spéciaux incompatibles avec cette procédure. Par contre, le simple constat de l’existence de besoins procéduraux spéciaux n’implique qu’il renonce à appliquer la procédure à la frontière. Comme indiqué ci-dessus, dans certaines des situations analysées par NANSEN, le CGRA a effectivement pris une décision d’examen ultérieur et NANSEN est bien consciente de n’avoir pas accès à la totalité des décisions d’examen ultérieur à la frontière ou de non-application de la procédure à la frontière prises par le CGRA. Un accès régulier à des statistiques détaillées et à jour sur la protection internationale est donc nécessaire 15. NANSEN regrette en outre que ces décisions ne soient pas motivées, ce qui empêche effectivement d’en connaitre des motifs et d’approfondir l’analyse de la mise en œuvre de la procédure frontière. Enfin, dans les situations analysées, NANSEN constate que la décision d’examen ultérieur a été prise après l’entretien personnel, voire après l’arrêt du Conseil du Contentieux des Étrangers. Or, vu les conséquences que peut avoir une procédure accélérée, couplée à un maintien en détention (voyez infra), NANSEN estime qu’une décision d’examen ultérieur doit être prise le plus tôt possible. La procédure à la frontière / accélérée devrait être abandonnée avant l’entretien personnel pour les personnes en situation de vulnérabilité et/ou pour qui des besoins procéduraux sont identifiés. À défaut, le demandeur sera privé de la possibilité de se préparer adéquatement à cet entretien, et de bénéficier d’un accompagnement pour ce faire. IV.2. ANALYSE A. TRAITEMENT DE LA DEMANDE À LA FRONTIÈRE ET SELON UNE PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE La procédure à la frontière a été introduite dans la loi du 15 décembre 1980 par la loi du 21 novembre 201716. L’article 57/6/4 constitue la transposition de l’article 43 de la Directive Procédure, qui autorise les États membres à instaurer une procédure d’asile à la frontière 17. L’article 57/6/4 stipule que le CGRA est compétent, à l’égard de l’étranger qui ne satisfait pas aux conditions d’accès fixées aux articles 2 et 3 de la loi du 15 décembre 1980 et qui a introduit à la frontière une demande de protection internationale, pour y déclarer la demande irrecevable sur la base de l'article 13 Comme il l’avait d’ailleurs annoncé lors d’une journée d’étude organisée en mars 2018, https://www.agii.be/nieuws/presentaties-studiedag-wetswijzigingen-in-de-asielprocedure-en-opvang-van- asielzoekers et NANSEN Note 2018/1, Demandeurs d’asile à la frontière : procédure à la frontière et détention, op.cit., p.4. 14 Lettre du CGRA à NANSEN, 14 septembre 2020. 15 Dans son exposé d’orientation politique, le nouveau Secrétaire d’État à l’asile et la migration a d’ailleurs indiqué : « (…) il est nécessaire de mettre en place une politique transparente dans le cadre de laquelle des chiffres et des décisions actualisés sont publiés régulièrement. De cette manière, la clarté est fournie aux parties prenantes et au citoyen » (La Chambre, Exposé d’orientation politique. Asile, Migration et Loterie nationale, 4 novembre 2020, DOC 55 1610/11, p.5, https://www.dekamer.be/FLWB/PDF/55/1610/55K1610011.pdf 16 Loi du 21 novembre 2017 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers et la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers, M.B., 12.3.2018. 17 Ces questions ont déjà fait l’objet d’une analyse par NANSEN dans la NANSEN Note 2018-1, Demandeurs d’asile à la frontière : procédure à la frontière et détention, avril 2018, op.cit., p. 3. Voyez également, CLAES, M., Vasthouding van personen met een mogelijke nood aan internationale bescherming als uitzonderingsmaatregel na de wet van 21 november 2017, T. Vreemd., 2019, nr.3, pp. 198-200. 6
57/6 §3 de la loi du 15 décembre 1980 ou pour y prendre une décision sur le fond de la demande dans l'une des situations énumérées à l'article 57/6/1 de la loi du 15 décembre 198018. Dans le cas où aucune des situations prévues à l'article 57/6 §3 ou à l'article 57/6/1 ne trouve à s'appliquer, le CGRA décide qu’un examen ultérieur est nécessaire, ce qui a pour conséquence que le demandeur est autorisé à entrer sur le territoire19. L’article 57/6/4 précise également que la procédure à la frontière exige du CGRA qu’il prenne une décision dans un délai de quatre semaines après réception de la demande de protection internationale. À défaut, le demandeur est autorisé à entrer sur le territoire. La demande introduite à la frontière est traitée en priorité, en vertu de l’article 57/6, §2. En outre, les articles 57/6/4 et 57/6/1, §1er combinés prévoient que certaines demandes de protection internationale traitées dans la cadre de la procédure à la frontière font l’objet d’une procédure accélérée. La décision d’appliquer ou non la procédure à la frontière doit être prise sur la base d’une analyse individuelle 20 . Le considérant 21 de la Directive Procédure indique par ailleurs que « l’absence de documents à l’entrée ou l’utilisation de documents falsifiés ne devrait pas entraîner en soi un recours automatique à la procédure à la frontière ou à la procédure accélérée ». Les articles 31, §8 et 43 de la Directive Procédure fixent un cadre strict pour l’application de ce type de procédure. Dans l’arrêt Samba Diouf, la CJUE a précisé que la procédure accélérée concerne « notamment les demandes dont tout porte à croire qu’elles sont infondées, car des éléments clairs et évidents permettent aux autorités de considérer que le demandeur ne pourra pas bénéficier d’une protection internationale, ainsi que les demandes frauduleuses ou abusives »21. Enfin, l’article 48/9, §5 de la loi du 15 décembre 1980 indique que le CGRA n’appliquera pas la procédure à la frontière si le demandeur a des besoins procéduraux spéciaux incompatibles avec une telle procédure. Cette disposition vise, en particulier mais pas uniquement, les victimes de torture, de viol ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle. Dans la mesure où elle a pour conséquence des délais de traitement et de recours raccourcis, NANSEN maintient que l’application de la procédure à la frontière est problématique, pour les raisons suivantes : La détention et le raccourcissement des délais augmentent la situation de vulnérabilité du demandeur de protection internationale Les délais très courts rendent difficile la préparation de l’entretien personnel Les délais très courts, et la détention elle-même rendent difficiles l’obtention de documents, en particulier médicaux. La grande majorité des auditions ont lieu par vidéoconférence 22 (cf. infra). Ce cadre procédural rend plus difficile pour le CGRA d’identifier les victimes de torture, ou les demandeurs souffrant de traumatismes 18 Il s’agit des hypothèses suivantes : - éléments non pertinents pour la demande de protection internationale ; - pays d’origine sûr ; - autorités induites en erreur sur l’identité et/ou la nationalité ; - demandeur probablement de mauvaise foi, qui aurait détruit ou se serait défait d’un document d’identité ou de voyage ; - déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent les informations suffisamment vérifiées ; - demande ultérieure traitée au fond ; - demande tardive ; - refus de prise d’empreintes digitales ; - danger pour la sécurité nationale ou l’ordre public. 19 NANSEN Note 2018-1, Demandeurs d’asile à la frontière : procédure à la frontière et détention, p. 3 20 Exposé des motifs de la loi du 21 novembre 2017 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers et de la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers, La Chambre, 2016-2017, DOC 54 -2548/001, pp. 150-151. Voyez aussi, CORNELISSE, G., “Territory, Procedures and Rights : Border Procedures in European Asylum Law”, Refugee Survey Quarterly 2016, p. 81. 21 CJUE 28 juillet 2011, C-69/10, Samba Diouf, ECLI:EU:C:2011:524, § 31. 22 Dans un des dossiers analysés par NANSEN, le CGRA y a renoncé, car le demandeur avait des troubles auditifs. 7
Ce cadre procédural rend plus difficile pour le CGRA de détecter d’éventuels besoins procéduraux spéciaux (alors qu’ils peuvent faire obstacle à l’application de la procédure à la frontière) Une audition insuffisamment préparée, l’absence de détection d’un traumatisme ou d’identification de besoins procéduraux spéciaux peuvent avoir d’importances conséquences sur la capacité du demandeur à livrer son récit, et donc sur l’issue de sa demande de protection internationale 23. En outre, plusieurs instances recommandent que certains types de demandes ne soient pas traités dans le cadre d’une procédure accélérée. Il en va ainsi, par exemple, des demandes liées au genre 24, à l’orientation sexuelle25, ou des demandes introduites par des victimes de trafic d’êtres humains 26. Les dispositions de la loi du 15 décembre 1980 ne prévoient pas de possibilité de recours contre la décision du CGRA de traiter une demande de protection internationale à la frontière, ou dans le cadre d’une procédure accélérée. Dans l’arrêt Samba DIOUF, la CJUE a confirmé que cela est conforme au droit européen, pour autant que cette décision puisse être contestée dans le cadre du recours contre la décision de rejet de la demande de protection internationale : « (…) l’article 39 de la directive 2005/85 et le principe de protection juridictionnelle effective doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle aucun recours autonome ne peut être introduit contre la décision de l’autorité nationale compétente d’examiner une demande d’asile dans le cadre d’une procédure accélérée, dès lors que les motifs qui ont conduit cette autorité à examiner le bien-fondé de ladite demande dans le cadre d’une telle procédure peuvent être effectivement soumis à un contrôle juridictionnel dans le cadre du recours dont la décision finale de rejet est susceptible de faire l’objet, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier27. La décision du CGRA de recourir à la procédure à la frontière et à la procédure accélérée est parfois contestée dans le cadre des recours auprès du CCE. Un argument y relatif a récemment été admis par le Conseil 28, qui a reproché au CGRA de ne pas avoir indiqué : « expressément dans ses décisions à quelle situation prévue par l’article 57/6/1, §1 er, de la loi du 15 décembre 1980, en application de laquelle, elle décide de traiter la présente demande de protection internationale selon une procédure accélérée, d’une part, ni auquel des a, b, c, d, e, 23 L’impact de la procédure accélérée sur l’égalité des armes et la collecte de preuves est d’ailleurs reconnu par le CCE dans une jurisprudence constante. Voyez entre autres, CCE n° 204 154 du 22 mai 2018. 24 Parlement européen, Demandes d’asile liées au genre en Europe, 2012, p.100, https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/etudes/join/2012/462481/IPOL-FEMM_ET(2012)462481_FR.pdf 25 UN High Commissioner for Refugees (UNHCR), Guidelines on International Protection nr. 9: Claims to Refugee Status based on Sexual Orientation and/or Gender Indentity within the context of Article 1A(2) of the 1951 Convention and/or its 1967 Protocol relating to the Status of Refugees, 2012, §59, https://www.unhcr.org/509136ca9.pdf 26 UN High Commissioner for Refugees (UNHCR), Guidelines on International Protection: the application of article 1A(2) of the 1951 Convention and/or Protocol relating to the Status of Refugees to victims of trafficking and persons at risk of being trafficked, 2006, § 45, https://www.unhcr.org/publications/legal/443b626b2/guidelines-international- protection-7-application-article-1a2-1951-convention.html 27 CJUE, 28 juillet 2011, C-69/10, Samba Diouf, ECLI:EU:C:2011:524, § 31, 36 et 70. Sur cette question, voyez également CLAE/S, M., Vasthouding van personen met een mogelijke nood aan internationale bescherming als uitzonderingsmaatregel na de wet van 21 november 2017, p. 199. Voyez également EASO, Analyse juridique. Les procédures d’asile et le principe de non-refoulement, pp. 110-111, https://easo.europa.eu/sites/default/files/Asylum- Procedures-JA-FR.pdf et UNHCR Statement on the right to an effective remedy in relation to accelerated procedures, https://www.unhcr.org/protection/operations/4deccc639/unhcr-statement-right-effective-remedy- relation-accelerated-asylum-procedures.html 28 CCE n° 234 256 du 19 mars 2020. Voyez également, CCE n° 225 004 du 19 août 2019, dans lequel le Conseil a conclu que la demande devait faire l’objet d’un examen plus approfondi, notamment pour permettre au requérant de faire traduire des pièces. Dans cet arrêt, le CCE a par ailleurs estimé que le CGRA n’avait pas correctement justifié le recours à la procédure accélérée : « Le Conseil ne comprend pas ce qui autorise la partie défenderesse à déduire du seul constat de l’entrée irrégulière des requérants en Belgique qu’ils ont tenté de tromper les autorités belges sur leur identité ». 8
f, g, h, i ou j, de cette même disposition qui l’autorise à prendre à la frontière une décision sur le fond de la demande, conformément à l’article 57/6/4, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980, d’autre part, correspond cette circonstance ». Le CCE a également relevé que l’argument soulevé par le CGRA, en l’espèce le fait que les requérants aient induit les autorités en erreur sur les motifs de leur venue en Europe, ne correspondait à aucune des situations visées à l’article 57/6/1, §1 er : « Pour sa part, le Conseil n’aperçoit pas en quoi la situation des requérants correspondrait aux hypothèses énumérées par l’article 57/6/1, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980. En particulier, il n’aperçoit, à la lecture des actes attaqués et des dossiers administratifs, aucun élément de nature à démontrer qu’ils auraient dissimulé leur identité et/ou leur nationalité. La circonstance qu’invoque la partie défenderesse pour estimer que les requérants ont « induit les autorités en erreur en ce qui concerne le motif de […] [leur] venue en Europe », ne correspond par ailleurs à aucune des situations visées à l’article 57/6/1, § 1er, alinéa 1er, a, b, c, d, e, f, g, i ou j, de la loi du 15 décembre 1980, qui l’autorise à prendre à la frontière, selon une procédure accélérée, une décision sur le fond de la demande, conformément à l'article 57/6/4, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980 ». Ce raisonnement rejoint le constat de NANSEN selon lequel les raisons invoquées par le CGRA pour faire application de la procédure accélérée ne trouvent pas systématiquement de fondement dans les éléments du dossier. Quant aux conséquences qui s’attachent à cette irrégularité, le Conseil a conclu : Dans leur requête, les requérants soutiennent que le recours à une procédure accélérée à la frontière a supprimé leur liberté de mouvement, ce qui a eu notamment pour conséquence de limiter leur accès aux garanties procédurales offertes par différentes dispositions européennes qu’ils citent et a nui à la qualité de la préparation de leur entretien personnel en réduisant notamment la possibilité de rencontre préalable avec un avocat et un interprète de leur choix. Au vu de ce qui précède, le Conseil estime qu’en invoquant un préjudice lié à leur détention et aux contraintes spécifiques à la procédure accélérée qui leur a été imposée à tort, les requérants justifient à suffisance leur intérêt à invoquer l’irrégularité substantielle viciant cette procédure et qu’il convient pour cette raison d’annuler les actes attaqués en application de l’article 39/2, §1er, 2° de la loi du 15 décembre 1980 ». D’autres arrêts analysés par NANSEN montrent que si le CCE est enclin à admettre que le recours injustifié à la procédure accélérée est constitutif d’une irrégularité substantielle, il appartient toutefois au demandeur de démontrer un préjudice lié à l’application de cette procédure (impact des délais de recours raccourcis, impossibilité de se procurer des documents pertinents, etc.). Faute de quoi, le Conseil conclut au défaut d’intérêt 29. B. DETENTION Les demandeurs de protection internationale sont détenus à la frontière conformément à l’article 74/5, §1er, alinéa 1, 2° de la loi du 15 décembre 1980, en attendant l’autorisation d’entrer sur le territoire ou d’être refoulés. La détention des demandeurs de protection internationale sur le territoire est prévue à l’article 74/6 de la loi du 15 décembre 1980. Selon les travaux préparatoires de la loi du 21 novembre 2017, qui a introduit cette disposition dans sa version actuelle dans la loi du 15 décembre 1980, elle s’applique également aux personnes initialement détenues à la frontière, mais qui ont par la suite été autorisées à entrer sur le territoire 30. Ces dispositions doivent être lues à la lumière de l’article 57/6/4, en vertu duquel le demandeur de protection internationale est autorisé à entrer sur le territoire lorsque le CGRA décide qu’un examen ultérieur est nécessaire, ou qu’il n’a pris aucune décision dans un délai de quatre semaines après réception de la demande. 29 CCE n° 228 232 du 30 octobre 2019 ; CCE 228 949 du 19 novembre 2019. 30Exposé des motifs, de la loi du 21 novembre 2017, op.cit., p. 151. Avant l’entrée en vigueur de la loi du 21 novembre 2017, cette pratique avait été invalidée par la chambre des mises en accusation, à plusieurs reprises. Voyez, entre autres, Bruxelles (mis.acc.), 8 mars 2018, n° 2018/932, et CLAES, M., op.cit., pp. 208-209. 9
Cette pratique de l’Office des Étrangers a été validée par la Cour de cassation 31. Elle a toutefois de nouveau été invalidée, dans l’hypothèse où aucune décision n’est prise par le CGRA dans le délai de quatre semaines. Dans un arrêt du 22 novembre 2019 32, la chambre des mises en accusation de Bruxelles a en effet conclu que cette pratique entrainait une violation des articles 5.1.f et 14 de la CEDH : Lorsque le commissariat général aux réfugiés et aux apatrides n’adopte pas une décision dans le délai de quatre semaines à dater de la réception de la demande, le demandeur de protection internationale à la frontière est autorisé à entrer sur le territoire. Ainsi, comme en l’espèce, le demandeur de protection internationale à la frontière se voit décerner une première décision de maintien, valable pour 2 mois mais prolongeable jusqu’à 5 mois, lors de l’introduction de sa demande à la frontière, et, ensuite, une deuxième décision de maintien, également valable pour 2 mois mais prolongeable jusqu’à 5 mois. Partant, la situation du demandeur de protection internationale est aggravée (par une possible prolongation de sa détention de plusieurs semaines) par le seul fait de la lenteur administrative du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides. Même si, à l’heure actuelle, il n’est pas établi que la durée de la détention de l’intéressé dépassera réellement une durée de 5 mois à compter de l’introduction de sa demande de protection internationale, le seul fait de l’existence d’une possibilité de prolongation amène une aggravation réelle de la situation d’une personne déjà fragilisée. (…) La cour, chambre des mises en accusation, considère n’existe pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens et le but visé entre, d’une part, les demandeurs de protection internationale à la frontière, à l’égard desquels le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides adopterait une décision dans le délai de quatre semaines à dater de la réception de la demande et ces mêmes personnes à l’égard desquelles une telle décision n’aurait pas été prise dans le délai de quatre semaines, ce dernières pouvant, de ce fait, être détenus pendant une durée supérieure à cinq mois (à compter de la date de l’introduction de la demande de protection internationale) et cette différence de traitement ne poursuit pas un but légitime. Le régime légal entraine une violation de l’article 14 combiné avec 5.1.f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales entre les deux catégories de demandeurs de protection internationale à la frontière et entraine une violation de ces dispositions légales dans le chef de l’intéressé ». Ce raisonnement est applicable tant lorsque le CGRA s’abstient de prendre une décision endéans les quatre semaines que lorsque le CCE annule la décision du CGRA, puisque l’Office des Étrangers considère dans ce dernier cas qu’aucune décision n’a été prise endéans les quatre semaines. En dehors de la question de la discrimination, NANSEN estime cette pratique de l’Office des Étrangers illégale, même dans l’hypothèse où le maintien en détention est consécutif à la décision du CGRA de procéder à un examen ultérieur. En effet, “De vraag stelt zich welk wettig doel de vasthouding op basis van artikel 74/6 van de Vreemdelingenwet nastreeft voor een verzoeker die toegang kreeg tot het grondgebied en tijdens de asielprocedure niet kan worden uitgewezen. Artikel 5, § 1, (f) EVRM bepaalt op limitatieve wijze dat vasthouding mogelijk is van een persoon om hem te beletten op onrechtmatige wijze het land binnen te komen of van een persoon waartegen een uitwijzings- of uitleveringsprocedure hangende is”33. Dans la mesure où le demandeur est autorisé à entrer sur le territoire, aucune mesure d’éloignement sur pied de l’article 52/3, §2 de la loi du 15 décembre 1980 n’a encore été prise. En outre, conformément à l’article 49/3/1, le demandeur est protégé contre l’éloignement jusqu’à une décision sur sa demande de protection. Dans cette hypothèse, la détention sur pied de l’article 74/6 n’a pas de but légitime, puisque la loi du 15 décembre 1980 interdit l’éloignement tant que la demande de protection 31 Cass., 21 novembre 2018, P.18.1108.F et Cass., 8 septembre 2019, P.19.0375.F. Ces arrêts sont commentés par M. CLAES dans l’article précité, p. 209. 32 Arrêt n°2019/4198, inédit. Voyez également Corr., Bruxelles, (ch.cons.), 10 janvier 2020 et et 20 avril 2020, inédits. 33 CLAES, M., op.cit., 209. 10
est encore à l’examen. Ce raisonnement trouve son fondement dans la jurisprudence de la CourEDH, en particulier l’arrêt Suso Musa c. Malte 34 . Dans cet arrêt, la Cour a estimé qu’un demandeur de protection ne pouvait être détenu pendant la durée de sa procédure d’asile, lorsque la législation nationale interdisait l’éloignement au cours de celle-ci. Elle a conclu à une violation de l’article 5.1.f de la CEDH. En tout état de cause, NANSEN rappelle que les articles 8 et 9 de la Directive Accueil prévoient que la détention des demandeurs de protection internationale doit rester l’exception, et doit être la plus brève possible, ce qui est incompatible avec une prolongation de la détention au-delà du délai légal de quatre semaines si le CGRA n’est pas en mesure de se prononcer sur la demande endéans celui-ci, ou s’il estime qu’un examen ultérieur est nécessaire. IV.3. FOCUS : ENTRETIENS PERSONNELS PAR VIDEOCONFERENCE En juin 2016, le CGRA a annoncé le lancement d’un projet visant à auditionner par vidéoconférence les demandeurs de protection internationale détenus à Merksplas35. Le système a depuis lors été étendu 36, et des entretiens personnels par vidéoconférence ont désormais lieu dans tous les centres fermés, ainsi que dans les prisons 37. En 2019, 475 entretiens par vidéoconférence ont été organisées (sur un total de 904 auditions en centre fermé)38. Selon le CGRA, le déplacement de l’officier de protection au centre fermé était exceptionnel 39. Au début du mois de novembre 2020, NANSEN a été informée de l’existence d’une enquête à destination des avocats, relative à la pratique des entretiens personnels en vidéoconférence en détention, dans l’objectif de l’étendre aux centres ouverts. À l’occasion de la réunion de contact du 18 novembre 2020, alors que le délai octroyé aux avocats pour répondre à cette enquête n’avait pas encore expiré, FEDASIL a annoncé que des entretiens personnels par vidéoconférence pour les demandeurs de protection internationale résidant dans certains centres d’accueil ouverts étaient déjà planifiés pour le mois de décembre, dans le cadre d’un nouveau projet-pilote40. L’exécution de cette décision a été suspendue par le Conseil d’État 41, au motif que l’organisation d’entretiens personnels par vidéoconférence requiert une modification de l’arrêt du 11 juillet 2003 fixant la procédure devant le Commissariat général aux Réfugiés et aux Apatrides ainsi que son fonctionnement, pour laquelle le CGRA n’est pas compétent 42. Entre-temps, les parties requérantes devant le Conseil d’État, dont fait partie NANSEN, ont été informées par le CGRA du retrait de la mesure litigieuse. Dans la mesure où le CGRA n’a renoncé, à terme, à l’organisation d’entretiens personnels par vidéoconférence, et où les entretiens personnels dans les centres fermés continuent à être organisés, NANSEN expose ci-dessous les raisons pour lesquelles elle est opposée à cette pratique, qu’elle estime par ailleurs illégale. 1. ABSENCE DE FONDEMENT LÉGAL 1.1. 34 CourEDH, 9 décembre 2013, requête n° 42337, Suso Musa c. Malte et CLAES. M., op. cit, p. 210. 35 https://www.cgra.be/fr/actualite/premieres-auditions-du-cgra-par-videoconference. Voyez également le courrier envoyé par le CGRA à l’ordre flamand des avocats (OVB), http://www.ordeexpress.be/UserFiles/ArtikelDocumenten/Brief%20van%20CGVS%2018%2005%202016%20ivm %20Horen%20van%20asielzoekers%20in%20gesloten%20centra%20via%20videoconferentie-1.pdf. 36 https://www.cgra.be/fr/actualite/davantage-dauditions-par-videoconference 37 MYRIA, Compte-rendu de la réunion de contact protection internationale 22 janvier 2020, p.13, https://www.myria.be/files/20200122_PV_r%C3%A9union_contact.pdf 38 Les chiffres relatifs à 2020 ne sont pas encore disponibles. À l’occasion de la réunion de contact protection internationale du mois de septembre 2020, le CGRA a indiqué que 18 auditions par vidéoconférence avaient eu lieu en centre fermé entre juin et août 2020 (https://www.myria.be/files/20200916_CR_r%C3%A9union_de_contact.pdf). Au mois de septembre, il y en a eu 7, voyez compte-rendu de la réunion de contact protection internationale du mois d’octobre 2020 (https://www.myria.be/files/20201021_PV_r%C3%A9union_de_contact.pdf). 39 MYRIA, Compte-rendu de la réunion de contact protection internationale 22 janvier 2020, p. 12. 40 Cette information a été confirmée par le CGRA, qui était absent à la réunion en question, mais qui a transmis ses communications écrites, qui ont été diffusées par MYRIA. 41 C.E., arrêt n° 249.163 du 7 décembre 2020. 42 M.B., 27 janvier 2004. 11
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