12 L'ANALYSE ENVIRONNEMENTALE - RTE
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12 L’ANALYSE ENVIRONNEMENTALE 12.1 L’objet du volet environnemental des « Futurs énergétiques 2050 » : analyser les caractéristiques environnementales des scénarios 12.1.1 Tous les modes de production, acheminement ou consommation d’énergie ont une incidence sur l’environnement La transition énergétique s’inscrit dans une préoc- conditions de leur production, souvent en Asie par cupation d’ordre environnemental plus globale : la des procédés énergivores dans des mix carbonés lutte contre le changement climatique en constitue et donc polluants. Les éoliennes en mer sont sus- l’un des piliers mais pas le seul, le respect de la pectées de perturber les espèces vivant à proxi- biodiversité figurant également parmi les objectifs mité. Le bilan environnemental des batteries, les majeurs. besoins en matières premières qui sont associés à leur développement pour les besoins du système Ce cadrage est d’autant plus important que les dif- électrique ou dans le cadre de la transition vers la férentes options pour réaliser la transition énergé- mobilité bas-carbone, sont pointés du doigt. Les tique suscitent toutes leur part de polémiques sur autres vecteurs énergétiques ne sont pas en reste : la question environnementale. contestation de l’implantation de méthaniseurs au titre de la pollution des nappes phréatiques, inter- Le nucléaire, qui n’émet pas de gaz à effet de rogations sur les conséquences d’une mobilisation serre, trouve des terrains de contestation sur le accrue de la biomasse, pollutions aux particules plan des déchets radioactifs à long terme pour les fines avec le chauffage au bois, réévaluation de générations futures, vis-à-vis de son influence sur l’effet anthropique des fuites de méthane dans les l’écosystème local (températures de rejet des eaux gazoducs, etc. utilisées pour le refroidissement) et des consé- quences en termes de dissémination de matières Cette liste, non exhaustive, souligne l’enjeu de la radioactives en cas d’accident. L’hydraulique est discussion : toutes les technologies de produc- contestée pour son impact sur l’écosystème local tion, de transport ou de consommation d’éner- (interruption du cours des rivières, créations de gie ont une incidence sur l’environnement. Cette retenues d’eau artificielles entraînant des inci- incidence peut prendre des formes différentes, dences sur l’environnement). Les nouvelles éner- qui sont généralement non mesurables même si gies renouvelables sont critiquées pour leur l’analyse socioéconomique permet dans une cer- consommation de ressources minérales et sont taine mesure d’en intégrer certaines à l’évaluation accusées de contenir des terres rares. Du fait de des choix publics et privés. Dans le débat, l’entre- la variabilité de leur production, les éoliennes et lacement de ces problématiques de natures diffé- les panneaux solaires sont suspectés de servir de rentes rend difficile la prise de décision en matière paravent au maintien de la production à base de énergétique, dans la mesure où aucun n’apparaît charbon ou de gaz et donc de ne pas permettre comme systématiquement moins-disant sur le ter- de réellement réduire les émissions. Les pan- rain environnemental, mis à la part l’absence de neaux solaires sont associés à une polémique sur consommation d’énergie. la réalité de leur bilan environnemental du fait des 524
Analyse environnementale . 12 12.1.2 La méthode d’évaluation environnementale des « Futurs énergétiques 2050 » L’objet du volet environnemental de l’étude « données à voir » les différentes conséquences des « Futurs énergétiques 2050 » est de sortir du débat options présentées. « par technologie » et « par projet » en proposant une analyse systématique de l’incidence environ- Les enjeux environnementaux de notre époque nementale « par scénario », selon une méthode s’articulent autour de multiples thématiques : la rigoureuse et un jeu d’indicateurs partagés. lutte contre le changement climatique, la préser- vation de la biodiversité, l’exploitation et l’épui- Sur le plan méthodologique, RTE revendique de sement des ressources naturelles, les déchets ou présenter les différents indicateurs sans chercher à encore la santé humaine. en déterminer une unique valeur socioéconomique. D’une part, l’analyse ne peut prétendre à ce stade Si le changement climatique est essentiellement à l’exhaustivité. D’autre part, certains indicateurs déterminé par la concentration atmosphérique sont difficiles à monétiser (cas de la biodiversité de gaz à effet de serre et peut donc s’analyser à par exemple), ou alors les méthodes pour y par- l’aune de bilans sur l’évolution de ces gaz à effet venir ne font pas consensus. Enfin, la réduction de serre, les autres thématiques sont plus diffici- de l’ensemble de la complexité du monde à un lement appréhendables dans la mesure où elles unique indicateur semble insuffisante aux besoins dépendent de facteurs multiples et ne peuvent se du débat démocratique, qui nécessite que soient résumer à un seul indicateur. Figure 12.1 Facteurs directs et indirects impactant les écosystèmes terrestres, marin et d’eau douce Facteurs indirects Facteurs démographiques Facteurs directs Valeurs et comportements et socioculturels Facteurs Terrestre économiques et technologiques Eau douce Institutions et gouvernance Marin 0 20 40 60 80 100 Conflits et épidémies Changement d’utilisation Pollution des terres/mers Espèces exotiques envahissantes Exploitation directe Autres Changements climatiques Source : issue du Rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques (IPBES, 2019) FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 525
La préservation de la biodiversité en constitue un espaces naturelles, utilisation intensive et exemple caractéristique : si l’IPBES1 alertait en dégradation des terres) ; 2019 dans son premier rapport d’évaluation sur uu L’exploitation directe, c’est-à-dire l’exploitation la détérioration de la biodiversité dans le monde des ressources vivantes, mais aussi de la bio- entier et si cette thématique constitue un point masse, des ressources en eau, en minéraux, d’attention important dans le débat public et la métaux, fossiles, etc. ; concertation, il n’existe à ce jour pas d’indicateur uu Le changement climatique qui affecte la biodi- agrégé permettant de résumer les conséquences versité principalement à travers l’augmenta- des scénarios de transition énergétique sur la tion du niveau des mers et l’acidification des biodiversité. Les enjeux autour de la biodiversité océans ; dépendent en pratique de facteurs très divers ainsi uu Les pollutions qui sont émises dans l’atmos- que de spécificités locales qui ne peuvent être étu- phère, dans l’eau et par les déchets solides ; diées de manière exhaustive à l’échelle nationale. uu Les espèces exotiques envahissantes. Toutefois, dans son premier rapport d’évaluation Pour certains de ces facteurs, il apparaît possible de 2019, l’IPBES a mis en évidence cinq facteurs de quantifier en partie l’incidence des différentes directs qui ont joué un rôle prépondérant dans la propositions sur l’évolution du système électrique. détérioration de la nature au cours des cinquante Ainsi, pour répondre aux attentes de la concer- dernières années : tation sur les enjeux en matière de préservation uu Le changement d’affectation des terres (agri- de la biodiversité, plusieurs de ces facteurs font culture, villes, fragmentation et mitage des l’objet d’analyses macroscopiques dans le cadre de Figure 12.2 Axes de travail de l’analyse environnementale 1 2 3 4 Les émissions Le volume L’occupation du système Les ressources de déchets et l’usage électrique minérales et matières des sols et des usages radioactives • Quelle empreinte • La transition du • Quelles sont les surfaces •Q uels impacts des carbone (en cycle de système électrique nécessaires au système choix de mix électrique vie) de l’électricité ? et l’électrification des électrique ? sur le cycle de vie usages entrainent-ils du combustible et • Quelle évolution des un accroissement • Quels impacts en matière le volume de déchets émissions directes significatif de la d’artificialisation et nucléaires à traiter ? et indirectes des demande en métaux d’imperméabilisation ? usages dans le secteur et minéraux ? • Q uelles conséquences des transports, du • Quels sont les enjeux en matière chauffage et de la • L’accroissement de du développement d’infrastructures production d’hydrogène la demande crée-t-il des infrastructures de stockage et (selon les variantes un problème électriques dans les de traitement des de consommation) ? d’approvisionnement territoires vis-à-vis déchets ? en matériaux critiques ? des autres usages ? 1. L’IPBES est un organisme intergouvernemental indépendant comprenant plus de 130 États membres. Mis en place par les gouvernements en 2012, l’IPBES fournit aux décideurs des évaluations scientifiques objectives sur l’état des connaissances sur la biodiversité de la planète, les écosystèmes et les contributions qu’ils apportent aux populations, ainsi que les outils et les méthodes pour protéger et utiliser durablement ces atouts naturels vitaux. 526
Analyse environnementale . 12 l’étude « Futurs énergétiques 2050 » : l’occupation 1) Les émissions de gaz à effet de serre induites par des sols et de l’espace, le changement climatique les scénarios (inventaire national et empreinte ou encore l’épuisement des ressources minérales. carbone) ; 2) La consommation de ressources minérales pour De la même manière, les enjeux autour de la le système électrique santé humaine relèvent de facteurs multiples, avec 3) L’emprise au sol des infrastructures générées des interdépendances fortes vis-à-vis des autres par chaque scénario enjeux évoqués précédemment : changement cli- 4) Le volume des résidus issus de la production matique, perte de biodiversité, dégradation des nucléaire (matières valorisables et déchets écosystèmes, pollutions, exposition, etc. ultimes) En définitive, au regard des principaux enjeux de À ces quatre axes s’ajoutera, dans la version finale protection de l’environnement ciblés par les poli- de l’étude, un cinquième sur les pollutions atmos- tiques publiques, et de ceux discutés dans le cadre phériques, ainsi qu’une analyse systématique sur du débat public et de la concertation organisée par toutes les variantes et les scénarios dégradés. RTE, le volet environnemental de l’étude est struc- turé autour d’indicateurs chiffrés regroupés dans L’étude d’autres enjeux ou indicateurs thématiques quatre axes de travail et développés dans le pré- pourra également faire l’objet de prolongements sent chapitre : au cours des prochains mois. FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 527
12.2 Les émissions de gaz à effet de serre : une transformation du système électrique qui contribue largement à la décarbonation de l’économie, même en tenant compte du cycle de vie des infrastructures 12.2.1 L’équation climatique de la France : un secteur électrique déjà quasi décarboné grâce aux choix historiques du nucléaire et de l’hydraulique, mais une production d’énergie totale encore dépendante à 60 % des énergies fossiles 12.2.1.1 Le secteur électrique français : un système atypique, décarboné à 93 % La France a fait le choix du nucléaire civil pour la été fermés depuis les années 2010, seules trois production d’électricité dans les années 1970 pour centrales au charbon sont encore en service et ne des raisons d’indépendance énergétique. Ce choix fonctionnent plus que de manière marginale. La est aujourd’hui le principal facteur de performance fermeture des trois derniers sites est désormais du pays sur le plan du climat, l’exploitation d’une actée par les pouvoirs publics : deux sites seront centrale nucléaire n’émettant pas de gaz à effet de mis à l’arrêt d’ici fin 2022 et le dernier site sera mis serre qui perturbe le climat. Depuis l’achèvement à l’arrêt au plus tard entre 2024 et 2026. du programme nucléaire, la France a ainsi pu s’ap- puyer sur une production de l’ordre de 400 TWh Une fois que ce mouvement sera achevé, il ne par an de production d’électricité bas-carbone. demeurera plus en France que quelques turbines à combustion au fioul et au gaz et qu’une dizaine Ce parc nucléaire s’est ajouté à un socle d’instal- de centrales à gaz. Ces dernières sont récentes lations hydrauliques (allant du petit barrage sur puisque construites entre 2008 et 2016 au moment différents cours d’eau aux grandes retenues d’eau de l’ouverture à la concurrence du marché de la artificielles en montagne) déjà largement constitué production, participant d’un cycle d’investissement à la fin des années 1970, également non émetteur commun aux différents pays européens avant que de gaz à effet de serre en exploitation. L’hydraulique les politiques publiques ne s’infléchissent vers la produit aujourd’hui de l’ordre 60 TWh par an d’élec- neutralité carbone. L’espace économique de ces tricité bas-carbone, en partie flexible et donc très centrales est appelé à se réduire progressivement utile au fonctionnement du système électrique. pour en faire des centrales d’appoint répondant à une logique européenne : leur durée de fonction- Dès les années 1990, la France disposait donc d’un nement, et donc les émissions de gaz à effet de système électrique largement décarboné. serre associées, devraient alors se réduire. Cette performance s’est encore accrue depuis vingt Ce mix électrique est fortement décarboné ans, de nouvelles technologies bas-carbone ayant (20 MtCO2eq en 2019) par rapport à ceux des été ajoutées. La production combinée de l’éolien pays voisins, et notamment ceux de l’Allemagne (40 TWh), du photovoltaïque (13 TWh) et des bioé- (222 MtCO2eq en 2019) ou dans une moindre nergies (10 TWh) est aujourd’hui équivalente à celle mesure du Royaume-Uni (59 MtCO2eq). Si ces pays du parc hydraulique français, contribuant ainsi à la se sont engagés dans l’objectif de décarbonation à réduction des émissions du secteur électrique. l’horizon 2050, leurs mix électriques restent encore à ce jour composés à moitié d’installations fonc- Durant cette période, une grande part des instal- tionnant au charbon ou au gaz. En conséquence, lations les plus émettrices de gaz à effet de serre l’Allemagne a émis en 2019 neuf fois plus d’émis- (installations fonctionnant au fioul et au char- sions par habitant (2,7 tCO2eq/hab) que la France bon) ont été mises à l’arrêt. Plus de 10 GW ont (0,3 tCO2eq/hab) pour la production d’électricité. 528
Analyse environnementale . 12 Figure 12.3 Évolution des émissions directes du secteur électrique entre 1990 et aujourd’hui en Allemagne, au Royaume-Uni et en France 400 350 300 en Mt CO2 eq 250 200 150 100 50 Allemagne Royaume-uni 0 France 1990 2000 2010 2017 2019 Source : Umweltbundesamt (2021) / «The Sixth Carbon Budget report, the UK’s path to Net Zero » Committee on Climate Change (2020) L’enjeu pour le système électrique français n’est de la consommation liée à des transferts d’usage donc pas, in fine, celui de la décarbonation de la vers l’électricité, et la fermeture d’ici 2050 d’une production d’électricité. Il s’agit plutôt d’assurer grande partie du parc nucléaire pour raison d’âge sa transformation vers un système qui resterait indépendamment des décisions politiques sur la bas-carbone tout en accompagnant la croissance diversification du parc. 12.2.1.2 La clé de l’atteinte de la neutralité carbone consiste à faire baisser les émissions dans les autres secteurs La performance actuelle du système électrique fran- uu d’autre part, il fait l’hypothèse d’une stabilité du çais conduit parfois, dans le débat public, à une secteur électrique alors que les scénarios de tran- interrogation : ce secteur étant déjà largement sition énergétique sont dans la plupart des cas bas-carbone, pourquoi devrait-il faire l’objet d’une fondés sur l’idée d’une électrification des usages. politique de développement des renouvelables ? Dans cette discussion, certains opposants aux éner- Dans la perspective générale de la neutralité gies renouvelables comme l’éolien ou le solaire uti- carbone, l’ajout/retrait de moyens bas-car- lisent ainsi largement ce point pour justifier l’inutilité bone (hydraulique, nucléaire, éolien, solaire) d’une politique de développement de l’éolien ou du doit ainsi être appréhendé non pas au péri- solaire en France. mètre du système électrique, mais du sys- tème énergétique tout entier et en particulier Ce raisonnement est statique (à parc inchangé et à vis-à-vis des usages de l’énergie. taille du secteur électrique constante). Il est donc inopérant à double titre : La partie suivante est organisée pour intégrer ces uu d’une part, il néglige le fait que les réacteurs enjeux : nucléaires actuels devront à terme être fer- uu la partie 12.2.2 est consacrée aux émissions més – voir la problématique générale exposée directes de la production d’électricité à long au chapitre 4 ; terme ; FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 529
uu la partie 12.2.3 permet un premier élargisse- uu la partie 12.2.5 évalue les perspectives d’accé- ment en intégrant le cycle de vie pour la pro- lération de réduction des émissions à l’horizon duction d’électricité et les moyens de flexibilité 2030 ; et de réseau ; uu enfin, la partie 12.2.6 élargit encore l’analyse uu la partie 12.2.4 analyse l’effet sur les émissions aux questions d’empreinte carbone de l’écono- directes de gaz à effet de serre des secteurs mie française, en lien avec les enjeux autour de concernés par la décarbonation des usages la réindustrialisation. énergétiques, au-delà du système électrique ; 530
Analyse environnementale . 12 12.2.2 Les perspectives pour les émissions dues à la production d’électricité d’ici 2050 : une décarbonation complète est atteignable dans tous les scénarios, avec un point de vigilance sur le thermique pour les scénarios à forte part en énergies renouvelables 12.2.2.1 La neutralité carbone peut être atteinte sur la base d’un système 100 % renouvelables ou d’un système « renouvelables + nucléaire » Par construction, les scénarios de l’étude « Futurs En conséquence, les émissions directes de la produc- énergétiques 2050 » conduisent à des systèmes tion d’électricité associées aux combustibles fossiles, électriques complétement décarbonés : à l’hori- déjà faibles aujourd’hui, disparaissent progressive- zon 2050-2060, seules des émissions résiduelles ment dans ces scénarios par construction. D’une liées à la valorisation de déchets pour la production part, l’augmentation de la part du biométhane dans le d’électricité et de chaleur (i.e. énergies de récupé- réseau de gaz (supposée évoluer en cohérence avec ration) peuvent subsister (2 MtCO2eq/an), celles-ci la trajectoire de la SNBC, soit 10 % en 2030, 37 % en étant difficilement compressibles. 2040 et 100 % en 2050) contribue à moyen terme à la réduction des émissions attribuables au fonctionne- L’essentiel des moyens de production construits ment des centrales au gaz. D’autre part, la transfor- sur l’horizon d’étude sont, pour les scénarios de mation complète du parc thermique actuel (fermeture type « M », des installations renouvelables et, pour progressive ou conversion à l’hydrogène des installa- les scénarios de type « N », des installations renou- tions fonctionnant au gaz fossile et construction éven- velables et nucléaires. Ces moyens sont complé- tuelle de nouveaux moyens thermiques fonctionnant tés, selon les scénarios, par des batteries et des exclusivement avec des combustibles décarbonés moyens thermiques pilotables, n’utilisant en 2050 comme le biométhane, l’hydrogène ou le méthane de plus que des combustibles décarbonés. synthèse) permet à long terme d’assurer la décarbo- nation totale du parc de production électrique. 12.2.2.2 Les scénarios de mix électrique n’ont pas le même bilan sur la trajectoire de décarbonation en France et surtout en Europe, avec un écart qui porte essentiellement sur le point 2030 pour lequel le nombre de réacteurs nucléaires en service diffère d’un scénario à l’autre Les trajectoires de diminution des émissions (iii) le scénario N03 ne prévoit à l’inverse aucune directes de gaz à effet de serre liées à la production fermeture de réacteurs d’ici 2030. d’électricité en France sont relativement proches dans les différents scénarios. Toutes choses étant égales par ailleurs, la ferme- ture de réacteurs nucléaires conduit à une dimi- Toutefois, des écarts sont observés entre les dif- nution plus lente de la production d’électricité férents scénarios à l’horizon 2030, pour lequel les d’origine thermique fossile, en France mais surtout scénarios sont équivalents en matière de consom- en Europe, car les exports français d’électricité mation et de production renouvelable mais se dis- s’en trouvent réduits. tinguent par la capacité nucléaire en service : (i) les scénarios M1, M23, N1 et N2 se fondent sur En conséquence, à l’horizon 2030, si les bilans la trajectoire de fermeture de tranches prévue d’émissions directes du système électrique en par la PPE (quatre tranches fermées en 2030, France présentent de faibles écarts, de l’ordre de en plus de celles de Fessenheim), moins d’un million de tonnes de CO2 équivalent (ii) le scénario M0 intègre la fermeture de deux entre les différents scénarios de mix, la réduction tranches supplémentaires par rapport à la tra- des émissions de gaz à effet de serre associées à jectoire de la PPE, l’échelle de l’Europe présentent des écarts notables. FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 531
Les exports français, dans le cas où aucune tranche Il convient toutefois de noter que cette performance de réacteur nucléaire n’est fermée en 2030 (scé- climatique n’est pas spécifique au scénario N03 ni nario N03), permettent de réduire les émissions uniquement aux scénarios avec nouveau nucléaire : de gaz à effet de serre en Europe hors France elle pourrait également être obtenue en ralentis- de 34 MtCO2eq, alors que la fermeture de quatre sant la fermeture des réacteurs nucléaires à l’ho- tranches (scénarios M1, M23, N1 et N2) prive rizon 2030 dans les scénarios M1, M23, N1 et N2, l’Union européenne d’une réduction d’émissions quitte à avoir un rythme de fermeture plus rapide de 6 MtCO2eq et de six tranches (scénario M0) de sur les décennies suivantes. Dans le scénario M0 en 8,5 MtCO2eq. revanche, une absence de fermeture de réacteurs Figure 12.4 Émissions directes évitées en Europe selon le maintien ou la fermeture des centrales nucléaires en 2030 2030 Aucune fermeture de réacteurs Quatre réacteurs fermés Six réacteurs fermés par les exports français (en Mt CO2eq) Émissions évitées en Europe de l'ouest 0 -5 -10 -15 -20 -25 -25 -30 -28 -35 -34 Figure 12.5 Évolution des émissions directes de la production d’électricité en France dans les différents scénarios 25 20 en Mt CO2 eq 15 10 Émissions difficilement compressibles associées à la production d'électricité à partir de déchets non renouvelables 5 0 2019 2030 2040 2050 2060 Scénario M0 Scénario M1 Scénario M23 Scénario N1 Scénario N2 Scénario N03 2019 532
Analyse environnementale . 12 d’ici 2030 paraît plus difficilement envisageable, car accélération des efforts d’efficacité énergétique, elle conduirait alors à devoir fermer un très grand actions de sobriété, accélération du développe- nombre de réacteurs entre 2030 et 2050. ment des énergies renouvelables, flexibilité des nouveaux usages tels que la recharge de véhicules Par ailleurs, d’autres leviers peuvent aussi avoir électriques qui permet de réduire la sollicitation des effets significatifs sur les émissions directes des moyens thermiques fossiles, etc. de la production d’électricité à l’horizon 2030 : 12.2.2.3 Un premier point de vigilance : l’atteinte de l’objectif de décarbonation du système électrique est en partie conditionnée à la faculté de décarboner totalement le gaz utilisé dans les centrales thermiques, notamment dans les scénarios sans nouveau nucléaire La disparition quasi complète des émissions Cette condition apparaît d’autant plus importante directes de la production électrique à l’horizon dans les scénarios « M » et N1 pour lesquels le 2050 est conditionnée à la fois par la capacité à développement de moyens thermiques en France développer suffisamment de moyens de produc- est nécessaire pour assurer la sécurité d’appro- tion renouvelables et nucléaires pour accompagner visionnement à long terme (voir détails au cha- l’évolution de la consommation énergétique, mais pitre 7), ceux-ci devant alors être alimentés par également par celle à convertir dans des délais rai- des combustibles bas-carbone comme le biomé- sonnables la nature des combustibles gazeux utili- thane, l’hydrogène ou le méthane de synthèse. sés dans les centrales thermiques. Dans les autres scénarios (N2, N03), une grande partie de la flexibilité de pointe étant assurée Figure 12.6 Évolution des émissions directes du système électrique français entre 2020 et 2050 selon l’atteinte des objectifs de décarbonation du gaz et selon le développement des gaz de synthèse et de leur utilisation pour la production d’électricité 25 20 Mt CO2eq 15 10 5 0 M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 M0 M1 M23 N1 N2 N03 2019 2030 2040 2050 Émissions directes du système électrique dans les configurations de référence des scénarios Émissions supplémentaires du système électrique en cas d’absence de développement du biométhane Émissions supplémentaires du système électrique en cas d’absence de développement des gaz de synthèse FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 533
par la mutualisation à l’échelle européenne, l’en- pratiquement pas modifiées par la non-décarbona- jeu consiste à s’assurer que les moyens ther- tion du gaz. miques situés à l’étranger contribuant à la sécurité d’approvisionnement française, sont également À des horizons plus proches (2030 ou 2040), c’est décarbonés. surtout le non-respect des trajectoires de déve- loppement du biométhane qui peut induire une La performance carbone des scénarios est donc augmentation des émissions attribuables à la pro- intrinsèquement liée au rythme de décarbonation duction d’électricité pouvant atteindre de l’ordre du secteur gazier. Si le développement des gaz de d’1,5 MtCO2eq supplémentaires par an dans tous synthèse ou du biométhane n’a pas lieu dans des les scénarios. volumes suffisants, alors le recours aux centrales à gaz d’origine fossile sera nécessaire. In fine, quels que soient les scénarios, les ordres de grandeur des émissions du seul secteur électrique en À l’horizon 2050, les scénarios les plus sensibles cas de non décarbonation du gaz restent relativement à l’atteinte de l’objectif de décarbonation sont les faibles. L’essentiel de l’enjeu de la décarbonation du scénarios de type M ainsi que le scénario N1. Sans gaz portera sur les autres usages des combustibles recours à la décarbonation du gaz, les émissions gazeux (consommation de 200 à 300 TWh PCI en atteindraient environ 8 MtCO2eq/an dans le scéna- 2050 selon les projections de la SNBC contre une rio M0. A contrario, dans le scénario N03, les émis- consommation de l’ordre de plusieurs dizaines de TWh sions du système électrique français ne seraient au maximum pour la seule production d’électricité). 12.2.2.4 Deuxième point de vigilance : en cas de non-atteinte des objectifs de développement des énergies renouvelables ou du nucléaire, un risque de compensation par des centrales au gaz fossile Si le risque de ne pas réussir à décarboner les com- éventuelles d’une non-atteinte des objectifs sur bustibles gazeux utilisés pour la production d‘élec- le développement du parc renouvelable et/ou tricité flexible est réel, celui-ci reste néanmoins nucléaire dans les différents scénarios des « Futurs de second ordre par rapport aux conséquences énergétiques 2050 ». Figure 12.7 Émissions supplémentaires liées à un retard de développement des moyens de production décarbonés (dans le cas d’une substitution par un moyen thermique au gaz) 4 3,6 3 en Mt CO2 eq/an 2 1,2 1 0,8 0,4 0 1,65 GW de nucléaire 1 GW 1 GW 1 GW Équivalent d'un EPR d'éolien terrestre d'éolien en mer de photovoltaïque 534
Analyse environnementale . 12 En cas de retard ou de non-développement de pro- Ce risque est significativement plus élevé dans le duction renouvelable ou nucléaire, le risque pour le scénario « M0 », et de manière générale dans tout système électrique serait de double nature : (i) un scénario prévoyant un rythme rapide de fermeture risque en matière d’émissions de CO2eq avec le du nucléaire par rapport aux rythmes envisageables recours à du gaz fossile pour compenser le manque de développement des énergies renouvelables. de production, mais aussi (ii) au-delà d’un certain Par exemple, le rythme élevé de développement retard dans l’installation des moyens de production, des renouvelables sur les dernières années en des risques sur la sécurité d’approvisionnement. Allemagne n’a pas conduit à une forte réduction de l’utilisation du charbon, et donc des émissions, Ainsi, dans le cas où des retards dans les moyens du fait de la fermeture progressive des réacteurs de production bas-carbone devraient être com- nucléaires (dont certains doivent encore être mis à pensés par le développement ou le maintien de l’arrêt d’ici fin 2022). La Belgique s’achemine vers moyens de production d’électricité à partir de gaz la construction de centrales à gaz pour compen- fossile en France, le surcroît d’émissions pour- ser la fermeture de son parc nucléaire et devrait rait atteindre de l’ordre de plusieurs millions ainsi voir les émissions de son secteur électrique de tonnes par an. augmenter. 12.2.2.5 Troisième point de vigilance majeur : un scénario de « substitution » plutôt que « d’addition » entre énergies bas-carbone conduit à faire augmenter les émissions Seule une logique « additive » entre les énergies nucléaire sont de plusieurs ordres une fois le bas-carbone permet au système électrique de rythme de développement des énergies renou- pourvoir à court/moyen terme à des besoins en velables poussé à son maximum sur une période augmentation. de 10-15 ans (rythme scénario M0) : diminuer la consommation d’électricité, soit par des mesures Dans un scénario de sortie du nucléaire à une date de sobriété soit en renonçant à l’électrification très rapprochée (2035), décrit dans la partie 5.5.1, de certains usages et/ou assumer un niveau de les leviers pour compenser la perte de production sécurité d’alimentation beaucoup plus faible et/ Figure 12.8 Évolution des émissions directes de la production d’électricité en France en 2035 par rapport à 2019 60 +55 +40 40 Mt CO2 eq/an 20 Scénarios M et N base émissions 0 de la production d'électricité en Sortie du nucléaire Sortie du nucléaire France en 2019 en 2035 avec scénario en 2035 avec scénario de de sobriété consommation de référence -13 -20 FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 535
ou compenser la production avec d’autres moyens La solution qui consiste à adopter une logique de que des énergies renouvelables, soit directement maximisation de la production bas-carbone est en France soit via les importations. donc bien la plus performante sur le plan des tra- jectoires climatiques à court/moyen terme. Même dans le scénario de consommation « sobriété » (décrit dans la partie 3.5), maintenir Les options permettant d’atteindre cet objec- un niveau de sécurité d’approvisionnement suffi- tif consistent donc à prolonger l’exploitation sant en cas de sortie du nucléaire à l’horizon 2035 de réacteurs nucléaires et à accélérer au nécessite le recours à d’autres moyens de produc- maximum le rythme de développement des tion carbonés, conduisant à tripler les émissions de renouvelables. A minima, respecter les tra- la production électrique à cet horizon par rapport jectoires de production décarbonée fixées par au niveau de 2019. Dans le scénario de référence, la PPE apparaît indispensable pour atteindre elles seraient multipliées par 3,5 alors même l’objectif. que ces émissions sont censées être divisées par 3 dans les scénarios M et N en France. 536
Analyse environnementale . 12 12.2.3 L’intégration des émissions indirectes liées au cycle de vie, même pour des technologies comme le photovoltaïque, ne modifie pas le bénéfice climatique du remplacement des énergies fossiles par de l’électricité bas-carbone 12.2.3.1 L’étude « Futurs énergétiques 2050 » intègre une vision prospective de l’empreinte carbone des différentes technologies Les émissions directes de gaz à effet de serre intégrant les émissions sur l’ensemble du cycle du système électrique français, aujourd’hui très de vie des installations) est également évaluée en faibles, tendent vers zéro à l’horizon 2050 dans le complément du calcul en émissions directes. cadre de l’objectif de décarbonation. L’analyse des émissions du système électrique Pour autant, l’empreinte réelle du système élec- en cycle de vie nécessite l’utilisation de fac- trique en termes d’émissions peut être partielle- teurs d’émissions pour chacune des technologies ment masquée. En effet, les émissions de gaz à qui composent le système. La base carbone de effet de serre des installations ne se limitent pas l’ADEME, la base de donnée ecoinvent (base de aux seules phases de production d’électricité. données d’inventaire internationale la plus exhaus- Les phases de construction ou de démantèle- tive à ce jour) ou encore la littérature scientifique ment des installations et l’approvisionnement en sont autant de sources qui permettent de dispo- combustible génèrent également des gaz à effet ser d’un certain nombre de facteurs d’émissions. de serre. Les émissions associées à ces étapes, Ces données correspondent toutefois à un horizon qu’elles soient réalisées en France ou à l’étran- temporel, une situation géographique et des tech- ger, doivent être prises en compte pour refléter nologies précises, qui présentent des limites pour au mieux l’impact carbone de l’évolution du mix se projeter à l’horizon 2050 ou encore s’adapter au électrique. contexte français. Aussi, afin d’éviter une délocalisation masquée Pour adapter l’analyse en cycle de vie au plus d’une partie des émissions de gaz à effet de serre juste des installations électriques et intégrer les qui serait contraire aux objectifs climatiques, l’em- évolutions possibles du contexte à long terme, preinte carbone du système électrique (calcul l’étude réalisée par RTE s’appuie sur des modèles Figure 12.9 Schéma de principe des émissions directes et en cycle de vie Émissions en cycle de vie Émissions directes Cycle de vie Extraction, des infrastructures fabrication, transport d’électricité – aval du combustible (démantèlement) Construction des infrastructures Production d’électricité Aval du combustible d’électricité (matières, (émissions de combustion (déchets) énergie, transport) en centrale) FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 537
paramétrés2, développés en lien avec le centre installations. Ils permettent également d’étudier de recherche OIE MINES ParisTech. Ces modèles l’influence des paramètres sur le résultat final. paramétrés visent à prendre en compte l’état le Une centaine de paramètres ont ainsi été intro- plus actuel des technologies, adapté au contexte duits dans les jeux de données tels que la durée de français, et les possibles évolutions des technolo- vie des installations, les modes de fabrication, la gies ou des mix énergétiques mondiaux qui inter- quantité de matières ou encore le contenu carbone viennent à certaines étapes du cycle de vie des des mix énergétiques utilisé pour la fabrication. 12.2.3.2 Dès aujourd’hui : les facteurs d’émissions des technologies bas-carbone (nucléaire et renouvelables) sont considérablement inférieurs à ceux des énergies fossiles même en intégrant les émissions indirectes sur l’ensemble du cycle de vie Certaines installations d’énergies renouvelables à la combustion dans les centrales représentent la sont parfois réputées avoir un bilan carbone très très grande majorité des émissions totales sur le important dès lors que l’on prend en compte les cycle de vie (entre 75 % et 95 %). La prise en compte émissions sur l’ensemble du cycle de vie. Pourtant, des phases d’extraction et d’acheminement du l’analyse met en évidence des facteurs d’émissions combustible conduit de plus à des volumes d’émis- faibles pour toutes les technologies renouvelables sions non négligeables qui rehaussent encore le et nucléaire, en comparaison de ceux associés aux bilan carbone de ces technologies. Sur l’ensemble technologies fossiles. du cycle de vie, les émissions atteignent ainsi entre 400 gCO2eq/kWhe (centrales au gaz les plus Ainsi, pour les installations utilisant des combus- performantes) et 1 100 gCO2eq/kWhe (centrales au tibles fossiles (gaz, fioul et charbon), les émissions charbon). Figure 12.10 Émissions en cycle de vie pour différentes filières aujourd’hui (émissions directes et indirectes) 1 200 1 100 1 000 930 en g CO2eq / kWh 800 600 600 530 400 400 200 66 70 43 16 14 6 7 0 Charbon Fioul TAC cogénération CCG Bois Biogaz Photo- Éolien Éolien Hydraulique Nucléaire agricole voltaïque terrestre en mer Gaz fossile Biomasse Énergies renouvelables Émissions directes (combustion dans la centrale) Émissions indirectes (en cycle de vie hors combustion dans la centrale) 2. (Cooper et al. 2012) Parameterization in Life Cycle Assessment inventory data: review of current use and the representation of uncertainty. https://doi.org/10.1007/s11367-012-0411-1 538
Analyse environnementale . 12 S’agissant des technologies bas-carbone (nucléaire vérifie même en considérant l’état actuel des tech- et renouvelables), celles-ci n’émettent pas de gaz à nologies (sans amélioration future) et une fabrica- effet de serre lors de la phase de production d’élec- tion des équipements en Asie sur la base de mix tricité, mais conduisent néanmoins à des émissions énergétiques encore largement carbonés (sans indirectes principalement lors des phases de fabri- relocalisation future), comme ceci est aujourd’hui cation, de construction et de démantèlement des le cas pour l’essentiel des panneaux photovol- infrastructures, ainsi que, dans le cas du nucléaire taïques. Dans cette configuration, l’empreinte car- lors des phases amont et aval du combustible bone d’une installation photovoltaïque moyenne (extraction et enrichissement de l’uranium, retrai- actuelle4 (autour de 43 gCO2eq/kWhe) est malgré tement du combustible et stockage des déchets)3. tout dix fois inférieure à celle des meilleures cen- trales à gaz et vingt-cinq fois inférieure à celle des En prenant en compte l’ensemble du cycle centrales au charbon. de vie, l’empreinte carbone des technologies bas-carbone (entre 5 et 43 gCO2eq/kWhe) Le développement des énergies renouvelables ne reste d’un niveau très inférieur à celle de cen- conduit donc pas à « délocaliser » des émissions trales thermiques fossiles, et ce quelle que hors de France dans des proportions significatives. soit la technologie considérée. Ce résultat se 12.2.3.3 Au sein des technologies bas-carbone, le nucléaire, l’hydraulique et l’éolien se distinguent aujourd’hui par une empreinte carbone particulièrement faible, tandis que celle du photovoltaïque, aujourd’hui légèrement plus élevée, devrait baisser à terme Parmi les technologies bas-carbone, les bilans fabrication. Ces progrès pourraient conduire la d’émissions des installations présentent quelques filière à réduire l’empreinte carbone des panneaux différences. Les filières nucléaire, hydraulique et à un niveau autour de 15 gCO2eq/kWh à terme éolienne sont celles pour lesquelles les émissions et d’avantage dans le cas de la décarbonation de totales sur le cycle de vie sont les plus faibles, avec l’énergie à la fabrication. des niveaux dès aujourd’hui inférieurs à ou proche de 15 gCO2eq/kWh. Les baisses d’émissions pourront aussi concerner la filière éolienne. Néanmoins, compte tenu de la Même si les émissions des installations photovol- maturité de la filière, les leviers semblent plus limi- taïques ont baissé, par exemple passant depuis tés, et concerner essentiellement la durée de vie 2005 de 80 gCO2eq/kWh à 43 gCO2eq/kWh5, elles des installations. restent néanmoins légèrement plus élevées que celles des autres installations décarbonées. Cette Enfin, les émissions associées à la combustion de baisse devrait se poursuivre dans les prochaines biomasse ou de biogaz agricole sont nulles6 mais années sous l’effet de plusieurs facteurs : (i) une les émissions en cycle de vie restent supérieures augmentation de la durée de vie des installations, (autour de 70 gCO2eq/kWh). Mais d’une part ces (ii) l’amélioration de l’efficacité des modules et émissions correspondent à un impact carbone dit (iii) la réduction de la quantité d’énergie pour la cut-off, c’est-à-dire que les émissions évitées par 3. Assessment of the environmental footprint of nuclear energy system. Comparison between closed and open fuel cycles. (2014, C. Poinssot) 4. Deux grandes familles de technologies existent dans la filière photovoltaïque, les cellules cristallines à base de silicium et les cellules dites couches minces. Cette dernière était présente sur le marché au début du développement de la filière pour son avantage économique, mais depuis les cellules cristallines ont vu leur rendement s’améliorer plus rapidement et leurs coûts de fabrication baisser, inondant ainsi le marché [Photovoltaics Report (fraunhofer.de)]. 5. Selon la base carbone de l’ADEME : https://www.bilans-ges.ademe.fr/fr/basecarbone/donnees-consulter/liste-element/categorie/71 et l’outil INCER-ACV : http://viewer.webservice-energy.org/incer-acv/app/ 6. Le carbone émis à la combustion de la biomasse d’origine agricole ou forestière correspond à du carbone biogénique. Quelle que soit son origine, biogénique ou fossile, une molécule de CO2 agit de la même façon sur l’effet de serre. Cependant, au contraire des énergies fossiles, la biomasse peut se renouveler à l’échelle humaine, avec des cycles plus ou moins longs (cultures annuelles, forêts). FUTURS ÉNERGÉTIQUES 2050 l PRINCIPAUX RÉSULTATS l OCTOBRE 2021 539
Figure 12.11 Émissions en cycle de vie des technologies bas-carbone en 2020 et en 2050 (évolution pessimiste et tendancielle) 80 70 70 66 en g CO2 eq/kWh electrique 60 50 43 40 28 30 20 16 15 14 14 13 10 10 7 6 6 6 7 6 6 0 Bois Biogaz agricole Photovoltaïque Éolien terrestre Éolien en mer Hydraulique Nucléaire Biomasse Énergies renouvelables 2020 2050 - Évolution pessimiste (faible amélioration technologique) 2050 - Évolution tendancielle (amélioration technologique) la valorisation des « co-produits » comme la cha- Ces niveaux d’émissions restent dans tous les cas leur, ou la valorisation de déchets (déchets verts très inférieurs à ceux associés aux énergies fossiles ou effluents d’élevage par exemple) ne sont pas et ne remettent pas en cause l’opportunité du déve- prises en compte. D’autre part, ces filières ne sont loppement des différentes filières pour décarboner mobilisées qu’à la marge dans les scénarios étu- l’économie. En particulier, le déploiement des éner- diés, qui intègrent uniquement les installations gies renouvelables permet non seulement d’éviter existantes ou les sites pour lesquels il n’existe pas le recours aux centrales thermiques fossiles pour d’autres débouchés possibles que la production la production d’électricité mais aussi d’accompagner d’électricité (par exemple, les sites agricoles éloi- l’électrification des usages et donc la réduction du gnés du réseau gazier et ne pouvant y être raccor- recours aux énergies fossiles dans tous les autres dés pour injecter le biogaz produit). secteurs (bâtiments, transport, industrie…) ce qui a globalement un bilan positif pour le climat. À titre Ces progrès sur l’empreinte carbone pourraient par d’exemple, même en prenant en compte les émissions ailleurs être accentués par la décarbonation des en cycle de vie, l’empreinte carbone de la mobilité mix énergétiques dans les pays producteurs des des français dans le scénario de référence passe- infrastructures des moyens de production. Pour rait d‘environ 2,8 tCO2eq/hab7 à 0,6 tCO2eq/hab, l’évaluation des émissions en cycle de vie du sys- sans prendre en compte la décarbonation des autres tème électrique, le choix méthodologique retenu pays. La publication complémentaire prévue pour dans les « Futurs énergétiques 2050 » consiste à début 2022 précisera les analyses en cycle de vie rester prudent quant à l’atteinte des objectifs de au niveau des usages. décarbonation des autres pays. 7. « L’empreinte carbone de la France » SDES, 2020 540
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