2018 : le rendez-vous manqué du RGPD - Insight NPA

 
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2018 : le rendez-vous manqué du RGPD

A l’heure des bilans de fin d’année, la data aura constitué l’un des marqueurs de 2018.
Pour le meilleur (théoriquement au moins) avec l’entrée en vigueur du RGPD ; pour le pire
aussi, avec une actualité régulièrement scandée par des affaires de piratages de données
personnelles. Révélé ces tous derniers jours, le détournement des données personnelles
(adresses, mails, numéros de téléphone) de quelques 500 policiers ne constitue pas le
moins spectaculaire.

Notamment destiné à « harmoniser la protection des libertés et droits fondamentaux des
personnes physiques en ce qui concerne les activités de traitement et à assurer le libre flux
des données à caractère personnel entre les États membres » de l’Union Européenne, le
RGPD est entré en vigueur le 25 mai. Mais faute d’avoir poussé la réflexion sur les données
réellement sensibles (une adresse professionnelle en est-elle vraiment une ?) ou d’avoir
adapté le niveau de la contrainte à la nature des entreprises (BtoB ou BtoC, en
particulier…), la vision maximaliste du RGPD a transformé sa mise en œuvre en cauchemar
pour ces dernières : nomination d’un délégué à la protection des données, mise en place de
registres de suivi, analyse des risques, établissement de procédures internes… Faut-il
vraiment s’étonner du bilan en demie teinte établie par la CNIL six mois après son entrée
en vigueur ?

Et avec quel bénéfice pour le consommateur ? Le volume de spams ne semble pas s’être
ralenti, le consentement « explicite » et « positif » de l’internaute au recueil de ses données
de navigation tourne au simulacre, avec les énormes panneaux qui masquent
presqu’entièrement le contenu des sites jusqu’à faire regretter les discrets bandeaux de
pied d’écran sur l’utilisation de cookies. Et on se surprend à recevoir, de la part de
l’application TV d’Apple (liée à l’Apple TV) une notification concernant la mise en ligne d’un
nouvel épisode d’une série… qui n’a jamais été visionné via cette application. Apple
s’affirme pourtant « GDPR compliant ».

Au final, le RGPD a placé les médias entre le marteau et l’enclume : rigueur du règlement
sur la captation de données personnelles d’un côté, attente des annonceurs de contacts de
mieux en mieux qualifiés, de l’autre. La mise en œuvre de ces tactiques de contournement
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en représente la suite, presqu’inévitable.

Que les pouvoirs publics soient vigilants à la circulation des données effectivement
sensibles est légitime et même louable. On imagine bien les effets de distorsion tarifaire,
voire d’exclusion, que l’accès des assureurs aux bilans de santé de leurs clients ou
prospects pourrait par exemple provoquer.

Mais s’agissant de promotion ou de publicité, la collecte de data comportementale s’inscrit
simplement dans la continuité des techniques de ciblage socio-démographiques utilisés
depuis la naissance de la publicité. L’annonceur est gagnant (plus d’efficacité), le
consommateur aussi (des messages plus pertinents).
                                                                                 er
Ces derniers jours, le SNPTV et l’AFMM ont affirmé leur souhait de lancer au 1 semestre
2020 « les premières campagnes de publicité TV segmentée ». Espérons que la CNIL et la
Commission Européenne sauront assouplir d’ici là leur vision du jugement à appliquer au
recueil de données, en fonction de leur utilisation.

L’équipe de NPA Conseil vous souhaite d’excellentes Fêtes de fin d’année.

Bilan 2018 : la publicité digitale accélère sur
la transparence

Au-delà du constat régulier de l’opacité du programmatique et des déséquilibres
patents entre les acteurs, en 2018, le marché français semble se mettre en ordre
de marche. Des solutions émergent (label DAT, Trust ID, ads.txt), des remises en
question apparaissent et la Blockchain pourrait jouer un rôle dans cette quête de
transparence.

En effet, des régies aux annonceurs en passant par les agences, tous les acteurs «
traditionnels » prennent conscience de l’importance de préserver un panorama médiatique
digital de qualité qui garantisse visibilité, Brand Safety et lutte contre la fraude, et soit
audité par des tiers.

Lancement et succès du Digital Ad Trust

2018 a vu les premières vagues de labellisation du Digital Ad Trust, porté depuis ces
dernières années par le SRI et l’Udecam, ainsi que le GESTE, l’UDA, l’ARPP, et l’IAB
France. L’objectif de cette certification est d’apporter une réponse aux problèmes de
transparence et de réorienter les investissements vers des régies autres que Google et
Facebook qui concentrent presque 80% des marché digital en France et captent l’essentiel
de la croissance. Mis au point par l’OJD et audité par le CESP, ce label vise à garantir aux
annonceurs le respect de 5 dimensions (comportant chacune 2-3 indicateurs) :
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Garantie de la brand safety (assurer aux marques la sécurité des environnements)
     Optimisation de la visibilité de la publicité en ligne
     Lutte contre la fraude
     Amélioration de l’expérience utilisateur (UX)
     Informations sur la protection des données personnelles

Ce label est officiellement opérationnel depuis mars 2018 et la publication des 69 premiers
sites certifiés. Depuis 2 autres vagues ont pris place, la 4ème aura lieu début janvier 2019 :
en un an, plus de 100 sites auront été certifiés. Témoin de la nécessité de disposer d’un tel
label de qualité sur le digital, des sites non médias ont demandé à être audités, à l’exemple
de Boursorama et Cdiscount. De plus, l’obtention de ce label n’est pas définitive. Des
contrôles continus sont pratiqués, « moins intenses que lors des audits » indique Jean-Paul
Dietsch, Directeur de l’ACPM OJD, afin de garantir les engagements des éditeurs.

Dans les premiers temps, le label DAT n’a pas généré de réorientation des budgets en
faveur des médias : « ces décisions prennent du temps à être implémentées dans les
stratégies média » explique Jean-Luc Chetrit, Directeur général de l’UDA. Cependant,
progressivement, les effets s’en font sentir.
En effet, le premier à avoir « surfer » sur la vague du DAT est Teads (groupe Altice), qui a
lancé dans la foulée des 1ères certification une offre « 100% Digital Ad Trust »,
« garantissant visibilité et brand Safety en vidéo et en display sur près de 50 sites
labellisés, issus de titres de presse nationale (Les Echos, L’Express, Le Parisien, 20Minutes,
Libération) et régionale (Ouest-France ou encore La Voix du Nord… ) » selon le
communiqué.
Trois mois plus tard, Mediasquare (issue de la fusion de La Place Média et d’Audience
Square) soutient le DAT en créant à son tour une offre spécifique. D’ailleurs, 80% des sites
labellisés Digital Ad Trust display sont membres de la place de marché programmatique.
En septembre, GroupM a annoncé que son entité Programmatic Business Unit s’alliait avec
80% des régies labellisées DAT [1] pour lancer une place de marché privée
« Trusted[place] ».
Enfin, dernière reconnaissance en date – et non la moindre – Philippe Boutron, Responsable
média France de Citroën et DS, déclare en novembre dernier vouloir investir uniquement
sur des sites DAT certifiés à partir de janvier 2019. Selon Jean-Luc Chetrit, DG de l’UDA,
« cette annonce devrait être suivie d’ici peu par un groupe d’annonceurs« .

Trust ID pour la transparence de la chaîne de valeur

Jean-luc Chetrit fait toutefois remarquer que le Digital Ad Trust est efficace pour répondre
aux questions de fraude, de visibilité et d’UX, mais pas aux enjeux de transparence totale
de la chaîne de valeur. Ces derniers font partie des priorités pour l’UDA et ses membres,
qui souhaitent tracker et faire la lumière sur les flux économiques entre tous les
intermédiaires de la publicité digitale, dont les Walled Gardens hégémoniques Google et
Facebook. Il cite les chiffres publiés par la World Federation of Advertisers qui estiment la
« taxe AdTech » entre 40% et 60%. C’est pourquoi, dans la lignée de la stratégie
Audace2020, l’UDA a publié le guide de la transparence et travaillé sur un identifiant
unique de campagne « Trust ID », qui devrait être opérationnel à la mi-2019. Ce projet est
initié par l’UDA, soutenu par le SRI, le SNPTV, le SEPM et l’Udecam et développé par
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EdiPub.

Les outils de l’IAB pour lutter contre la fraude

Autre outil œuvrant pour une plus grande transparence de la publicité digitale : l’IAB
développe 2 standards de marché. D’une part, ads.txt (Authorized Digital Sellers) qui a été
lancé mi-2017 et vise à accroître la transparence des transactions programmatiques, via la
création d’un registre public où les éditeurs identifient les prestataires autorisés à vendre
leurs inventaires et mis à disposition des acheteurs, fournisseurs tiers et responsables de
places de marché. Chaque éditeur indique sur ce fichier ads.text : le nom de domaine du
vendeur, le type de relation entre éditeur et prestataire (direct, revendeur), l’identifiant de
l’autorité de certification, ainsi que les formats concernés (vidéo, bannière, native…). De
cette manière, les acheteurs (DSP) peuvent savoir facilement si l’inventaire est « propre »
et vendu par le bon intermédiaire. Bien qu’il ne soit pas contraignant, cet outil connaît la
fin 2017 une adoption rapide, sous l’effet de la pression exercée par les acheteurs,
annonceurs en tête, mais surtout sous l’impulsion de Google qui a indiqué que ses outils
seraient paramétrés pour n’acheter que des inventaires avec un fichier ads.txt associé.
Aujourd’hui, L’IAB Tech Lab cherche à adapter l’outil ads.txt aux applications mobiles (qui
ne sont pour l’heure pas auditées par le DAT) : app-ads.txt enregistre les vendeurs d’espace
in-app reconnus par les éditeurs d’applications, et fonctionne aussi pour l’over-the-top
video. Le registre sera ouvert au public en février 2019.
En support de cet outil, l’IAB a également développé ads.cert, dont l’objectif est d’accroître
la transparence dans l’authentification des inventaires et le suivi tout au long des
transactions programmatiques. Telle une signature digitale cryptographique, ads.cert
valide les informations échangées entre acheteurs et vendeurs à chaque étape de la chaîne
de valeur programmatique, certifiant qu’elles n’ont été ni modifiées, ni détournées. En
novembre, l’IAB France a indiqué que 83% des sites français (267 sites analysés) ont
adopté son 1er outil. Ce qui place l’Hexagone au deuxième rang des pays où l’adoption est
la plus forte, derrière le Mexique et devant l’Argentine, les Pays-Bas, l’Italie et les États-
Unis.

Remise en question du duopole Google-Facebook

Cette exigence de transparence commence à toucher de plus en plus directement les
géants américains Google et Facebook. Alors que jusqu’alors les régies des médias
essayaient de faire la preuve de la qualité de leurs inventaires et des contextes de diffusion
de manière défensive, les investissements en faveur du duopole n’étaient absolument pas
impactés [2] et ce, malgré les révélations répétées d’erreurs de metrics, des problèmes de
Brand Safety (sur YouTube et face aux infox surFacebook) et des enjeux d’utilisation des
données personnelles des utilisateurs. Or, le vent commence à tourner. En témoigne les
déclarations en juin dernier de Capucine Pierard, Directrice générale adjointe chez Havas
Media Group & Chief Data Officer, qui déplorait « un décalage entre les parts de marché
des plateformes et leur efficacité ». Lors de l’IAB Summit 2018 en novembre, Gauthier
Picquet, président de Publicis Media France et de l’ACPM, a lui-aussi haussé le ton :
« chaque acteur doit être soumis aux mêmes règles, au même niveau de transparence, à la
même impartialité et au même système de mesures. Il n’est pas normal que les médias
français soient soumis à des règles plus contraignantes que les plateformes globales ». Il
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est rejoint sur ce point par l’UDA.

Gauthier Picquet rappelle que « si le digital a déjà 20 ans d’existence, on ne se pose
finalement cette question de la rentabilité et de la visibilité que depuis à peine deux ans. Je
pense qu’on s’est tous laissés porter par l’engouement généralisé pour le digital sans trop
se poser de questions. Nous n’avons désormais pas vraiment d’autre choix que de renouer
avec un dialogue permanent et tripartite, entre les annonceurs, les agences et les régies.
Que chacun arrête de fonctionner dans son coin, en silo, et qu’on ouvre enfin les données à
tous ».

La Blockchain, technologie de la confiance et de la transparence

La concrétisation de ce dialogue entre les acteurs de la publicité et de cette ouverture qu’il
préconise pourrait être facilitée par la Blockchain ; cette technologie permettant à chacun
de garder le contrôle de ses assets et de garantir la transparence. Elle concentre
actuellement tous les intérêts et se retrouve de plus en plus au centre des réflexions. Car,
comme l’explique Philippe Rodriguez, co-fondateur d’Avolta Partners et Président de
l’association Bitcoin France, interrogé dans le cadre de notre étude « Blockchain : solution
miracle pour les industries culturelles ? » publiée en décembre, la Blockchain est un « outil
de mécanisation de la confiance ». Fonctionnant tel un registre décentralisé permettant de
notariser toutes les transactions, de les horodater au sein de blocs inaltérables, elle séduit
bon nombre d’acteurs des médias. Beaucoup d’annonces ont émaillé ces derniers mois,
mais peu de cas d’usage ont été véritablement développés. Toutefois, l’intérêt à l’égard de
cette technologie ne faiblit pas. Jean-Luc Chetrit indique que « les outils développés par le
marché et la Blockchain peuvent tout à fait être complémentaires« . Pour Valéry Gerfaud,
Directeur général de M6 Digital, avec le label DAT,le marché a adopté une « approche
pragmatique, pas très moderne à l’heure de la technologie et du temps réel, mais
opérationnelle« . De l’autre côté, « la Blockchain est plus moderne et philosophiquement
sûrement plus intelligente, mais personne n’est en mesure de dire si elle sera plus efficace,
et surtout si elle permettra des gains supérieurs à l’ensemble de ses coûts de
fonctionnement« . Nicolas Rieul, Directeur de la stratégie EMEA de S4M et initiateur du
projet Adschain, explique de son côté qu’il « faut avancer par petits pas, plus facilement
atteignables rapidement » tant pour appréhender la technologie que pour évaluer la portée
de son potentiel facilitateur et/ou disruptif.
[1] Dont 366, 20 Minutes, GMC Média, Lagardère Publicité, leboncoin, MPublicité,
MEDIA.figaro, Mondadori, Prisma Media Solutions, M6, Team Media.

[2] Les chiffres d’affaires mondiaux de Google et Facebook ont respectivement progressé
de 24% et 41% sur les 9 premiers mois de 2018, à hauteur de 97Mds$ et 39Mds$.

L’Asie au cœur de la bataille des contenus

Dans la bataille des contenus que se livrent les diffuseurs actuellement, l’Asie est
devenue en 2018 un combattant sérieux sur le territoire international, que ce soit
en TV, SvoD ou sur les réseaux sociaux. Mais le continent fait aussi l’objet de
toutes les convoitises et le monde entier se presse déjà sur ce gigantesque marché.

Groupes audiovisuels : les regards tournés vers l’Est

Un gigantesque potentiel stratégique pour la SVoD

Selon les estimations du cabinet Digital TV Research, le nombre d’abonnés à la vidéo sur
demande par abonnement en Asie-Pacifique (APAC) passera de 141 millions en 2017 à 351
millions en 2023. De plus, avec une population de 4,3 milliards d’habitants, soit plus de la
moitié de la population mondiale, les ambitions internationales des entreprises de contenus
américains dans cette zone, qui pour l’instant n’a joué qu’un rôle modeste, sont clairement
affichées : Netflix en a ainsi fait sa cible pour 2019, en visant particulièrement l’Inde (« les
100 prochains millions d’abonnés à Netflix viendraient d’Inde[1] ») poussée par la
croissance d’Internet dans ce pays. En excluant l’Australie et la Nouvelle-Zélande, l’analyse
de Media Partners Asia estime que son nombre d’abonnés en Asie-Pacifique s’élèverait à
près de 2,4 millions en 2017, « grâce aux gains réguliers enregistrés au Japon, en Inde et
dans certaines régions de l’Asie du Sud-Est ».

La croissance des plateformes en Asie repose par ailleurs sur l’alignement des contenus
qu’elles proposent avec leur public dans ces territoires, mais aussi le développement de
partenariats avec des opérateurs télécoms, opérateurs de TV à péage ou des fabricants de
device. Ainsi, parmi les derniers partenariats en date, Netflix est sur le point de se lancer
sur les décodeurs IPTV en Corée du Sud après la signature d’un accord avec l’opérateur de
télécommunications local LG U +. Auparavant, en septembre 2018, Netflix s’est associé au
fournisseur d’accès haut débit indien, Hathway, pour fournir aux consommateurs un accès
à Netflix via leur décodeur. A noter que l’Inde est l’un des marchés d’Asie à la croissance la
plus rapide avec une infrastructure Internet en constante amélioration et un nombre
croissant d’utilisateurs. Ce potentiel a été clairement identifié lors de l’acquisition par
Disney de la Fox qui contrôle notamment le réseau de 60 chaînes de TV indienne, Star
India, qui détient elle-même la principale plateforme de streaming, Hotstar. Un potentiel
par ailleurs d’autant plus intéressant que les plateformes de contenus sont exclus de la
Chine, l’autre pays stratégique dans la bataille des contenus (le pays représenterait la
moitié des recettes en streaming dans la région Asie-Pacifique d’ici 2023).

En effet, en Chine, la législation ne permet pas aux acteurs étrangers de développer leurs
propres plateformes. Toutes les entreprises de télévision et d’OTT étrangères proposant
des contenus doivent obtenir une licence (Program Transmision Licence) renouvelable tous
les deux ans et ce, pour des raisons de contrôle politique et pour protéger et nourrir leurs
propres opérateurs nationaux. La voie du partenariat avec les acteurs locaux est donc la
seule issue, dans laquelle les Etats-Unis se sont déjà engouffrés.

La Chine impose des quotas de diffusion de contenus étrangers

Sous l’égide du président Xi Jinping, qui souhaite une reprise en main idéologique du
secteur audiovisuel en Chine, la télévision chinoise revoit sa stratégie concernant la
politique audiovisuelle étrangère. Tous les contenus d’origine étrangère seront ainsi
interdits de diffusion sur les TV et radios chinoises pendant les heures de grande écoute.
Entre 19 heures et 22 heures, seules des émissions produites localement seront diffusées.
Les contenus étrangers seront cantonnés à un quota de 30%, diffusés sur le reste de la
journée (Source : Le Figaro).

Les récents accords d’expansion des sociétés de production en Asie

La soif des consommateurs asiatiques pour les contenus devrait permettre à l’Europe de
défendre ses positions dans un marché en pleine expansion. Ainsi, en Chine mais aussi
partout en Asie, les partenariats avec les groupes audiovisuels asiatiques ou les
implantations locales se multiplient :

     ITV Studios Global Entertainment (ITVS GE) a prolongé ce mois-ci son accord de
     production exclusif avec KT Corp, la principale plate-forme IPTV en Corée, et a
     également signé des contrats séparés pour une série de titres clés en Corée et au
     Japon.
     En août 2018, la plateforme chinoise de streaming, IQIYI, signe un nouvel accord
     pluriannuel avec Viacom International Media Networks portant sur les contenus
     de Nickelodeon. « Alors que iQIYI cherche à élargir sa gamme de contenus pour
     enfants de haute qualité, il est plus important que jamais de s’associer aux plus
     grands producteurs mondiaux d’émissions pour enfants», souligne le vice-Président
     d’IQYI. L’animation, culturellement moins marquée en termes de zone géographique,
     traverse plus facilement les frontières
     Côté français, le producteur et distributeur de séries animées Cyber Group Studios
     a vendu en Asie depuis septembre plus de 250 demi-heures de programmes,
     notamment à la chaîne Sun TV.
     Endemol Shine China (qui existe depuis 2015) s’associe en octobre 2018 aux
     sociétés de production locale Croton Media, Kudos et Matador pour créer une
     adaptation en mandarin de la série américano-britannique de science-fiction Humans.
     En avril 2018, le groupe international avait par ailleurs signé un partenariat avec la
     plateforme de streaming Youku pour créer des contenus originaux.
     La société de production Banijay a ouvert une division en Asie et a conclu en mai
     2018 un partenariat stratégique avec la société de production télévisée Salman Khan
     (SK TV), afin de fournir des contenus TV et Web aux diffuseurs indiens et du sud-est
     asiatique.
     Gédéon Programmes vient de signer en Chine deux accords de coopération
     stratégique pour le développement, la production et la distribution de futures
     productions.
     Les réseaux sociaux investissent également l’Asie. Dernier exemple en date, français,
     le média en ligne Brut, après avoir investi l’Inde, s’est également installé en Chine
     depuis novembre 2018 et vise les Millenials chinois. Ses vidéos sont diffusées sur les
     plates-formes Toutiao, Weibo et Youku.

L’Asie à la conquête de l’Ouest

Les contenus asiatiques en SVoD

La puissance créative du continent asiatique est fortement recherchée par les plateformes
SVoD. Ted Sarandos, responsable des contenus Netflix, indique que « plus de la moitié des
heures de contenus asiatiques visionnées sur Netflix cette année l’est en-dehors de la
région ». Ainsi, plus d’une centaine de contenus devraient y être développés (en Inde,
Corée, Japon, Thaïlande et Taïwan) d’ici 2019 et 17 programmes originaux ont déjà été
commandés. Le service a créé un siège local à Singapour et recrute à Séoul, à Tokyo et à
Mumbai[2].

En France, au mois de novembre 2018, les contenus audiovisuels d’origine asiatique
représentent 9,6% de l’offre SVoD[3]. C’est Netflix qui dispose de la plus grosse part de
titres uniques[4] asiatiques, ceux-ci représentant 16,8% de son catalogue. Le service
américain est suivi par les deux services français dédiés à la jeunesse : TFou Max (11,8%)
et GulliMax (11,2%), ce dernier étant à égalité avec Amazon. Sur l’ensemble de services
étudiés et parmi tous les titres asiatiques disponibles sur les services de SVoD en France,
49,1% sont des films et 24,7% sont séries TV.

Les productions d’origine japonaise[5] sont les plus présentes dans l’ensemble de l’offre de
titres asiatiques en SVoD en France de l’ordre de 37,2%, suivies par les production
indiennes (32,3%).

En termes de volume d’épisodes, ce sont particulièrement les anime d’origine japonaise qui
fournissent un très grand nombre d’heures de programmes. En effet, dans le classement
des titres asiatiques disponibles en France au plus grand nombre d’épisodes, il faut
attendre la 9ème place pour voir un titre coréen, les 8 premières étant occupées par des
titres japonais, dont 6 anime. Le titre asiatique au plus grand nombre d’épisodes
disponibles est Power Rangers avec 834 épisodes[6]. Suivent au classement 6 anime
japonais dont Naruto Shippuden (458 épisodes sur Netflix) ou Pokémon (347 épisodes sur
Amazon). Quant au titre unique le plus présent en SVoD, il s’agit du film Astro Boy sorti en
2009, celui-ci étant une co-production entre les Etats-Unis, Hong Kong et le Japon. Il est
ainsi présent sur 4 services simultanément.

Les contenus asiatiques attirant un public en constante augmentation, plusieurs services
spécifiques y sont aujourd’hui consacrés. En effet, sur le marché français, on ne dénombre
pas moins de cinq services SVoD qui leur sont dédiés, mais seulement deux étant
véritablement filiales de groupes asiatiques, Wakanim de Sony Music Entertainment et Viki
de Rakuten.

      Services SVoD disponibles en France et dédiés aux contenus asiatiques

                                   Source : NPA Conseil

Les contenus TV : la Chine arrive en force

Au-delà des anime japonais et drama coréens exportés grâce aux plateformes
internationales de streaming, la télévision asiatique éprouve encore des difficultés à percer
en Occident, non pour des raisons économiques mais bien culturelles. Quelques exceptions
sont à noter comme la création japonaise Ninja Warrior adaptée d’abord aux Etats-Unis
puis en France, ou Takeshi’s Castle diffusé dans Menu W9 de 2006 à 2008. Netflix propose
également depuis 2016 la téléréalité coréenne Terrace House.

Mais, le dernier MIPCOM a vu l’arrivée en force de la Chine sur un marché audiovisuel au
sein duquel elle n’était pour le moment qu’acheteuse. Ainsi, en octobre dernier, près de
300 professionnels chinois de l’audiovisuel ont fait le déplacement à Cannes afin de vendre
à l’international leurs formats. En effet, la Chine investit désormais massivement,
particulièrement en Europe : selon un rapport d’IHS Markit, la Chine est le deuxième pays
au monde qui a investi le plus en 2017 dans les contenus TV avec une dépense de l’ordre de
10,9 milliards de dollars[7]. Cette croissance de la production de contenus nationaux
s’explique notamment par la réglementation du Parti Communiste chinois qui souhaite
restreindre à son maximum l’influence de la culture occidentale au sein du pays[8]. Elle
interdit également les magazines et les talks-shows pour ne proposer que des
documentaires, de la fiction ou du divertissement. Sont ainsi proposés à l’exportation des
programmes comme Super Star Singer (BTV) dans lequel des célébrités testent leurs
talents de chanteurs, The Nation’s Greatest Treasures (CDIMC Production) compétition
entre les plus grands musées du pays, ou encore My Future (Hunan Satellite TV & Viva
Media) où concourent des inventeurs qui présentent leurs dernières création, notamment
en termes de 3D ou de réalité virtuelle, le gagnant étant choisi selon les émotions captées
sur les spectateurs présents par un bracelet connecté à leurs pulsations cardiaques.

Pour le moment, l’exportation de programme chinois reste modeste mais commence à
croître. Ainsi ont été acquis par Fox Networks Group les droits du format Dunk of China
créée et produit par la plateforme en ligne Youku Tudou, émission de challenges sportifs
autour du basketball. Netflix a également co-produit la série The Rises of Phoenixes
disponible depuis septembre 2018.

Les réseaux sociaux chinois, des applis qui vont au-delà des frontières culturelles

Peu connus des utilisateurs occidentaux, les réseaux sociaux chinois tels que Tencent QQ,
Tencent video, Youku, Sina Weibo ou encore Miaopai comptabilisent chacun entre 300 et
800 millions d’usagers, se plaçant parmi les applications les plus utilisées dans le monde.
Juste après Facebook, Youtube et WhatsApp, l’application multifonction Wechat
(messagerie instantanée, plateforme de vente, réseau social) compte désormais plus d’un
milliard d’usagers mensuels actifs à travers le monde depuis mars 2018[9]. Selon Tencent,
l’entreprise qui la détient, celle-ci aurait enregistré une évolution de 15,8% du nombre de
comptes en un an. Cette forte croissance est favorisée par la censure partielle de WhatsApp
en Chine, qui incite ainsi les internautes à utiliser WeChat. Partie à la conquête d’un
nouveau public plus international, l’application aurait désormais plus de 100 millions
d’utilisateurs étrangers d’après le Financial Times[10], qui seraient principalement des
expatriés chinois aux quatre coins du monde souhaitant rester en contact avec leur famille
restée en Chine.

Mais plus récemment, le plus gros succès chinois faisant fureur chez les adolescents du
monde entier est l’application Douyin, plus connue sous le nom de Tik Tok. Soucieux de
s’exporter au-delà des frontières chinoises, ByteDance, propriétaire de cette application de
vidéos playback et chorégraphies, a racheté son concurrent Musical.ly pour un montant
oscillant entre 800 millions et 1 milliard de dollars. Grâce à cette fusion, Tik Tok est
devenue l’application la plus téléchargée sur l’Appstore au premier trimestre 2018 (hors
jeux). Avec plus de 600 millions d’utilisateurs dans le monde, et déjà 2,5 millions en France,
elle est la première à avoir autant de succès hors de la Chine, et démontre la volonté des
géants asiatiques de conquérir et dominer le marché occidental.

[1]                Source              :               Reed                Hastings,
https://www.hollywoodreporter.com/news/netflix-ceo-reed-hastings-why-next-100-million-su
bscribers-will-be-coming-india-1088301

[2] Source : NPA, Les contenus asiatiques : un potentiel stratégique pour Netflix

[3] Parmi les services Amazon, Canalplay, Filmo TV, Filmstruck, Gullimax, La BOX
Vidéofutur, Netflix, OCS, SFR Play, Tfou Max.

[4] Par titre unique, il faut entendre le nom d’une œuvre. Un film = un titre unique / une
série = un titre unique.

[5] Co-productions inclues.

[6] La série sino-américaine se place en deuxième place, tout genre et service confondu, du
classement des programmes au plus grand nombre d’épisodes disponibles au mois de
novembre 2018, derrière Plus belle la vie.

[7] La Chine se place ainsi derrière les Etats-Unis et devant le Royaume-Uni. Source :
MIPCOM

[8] Cf encadré ci-dessus

[9] Source : Tencent announces 2018 second quarter and interim results

[10] Source : Questions over pace of growth as WeChat nears 1bn users, Financial Times
Les GAFAN et la production de contenus :
une disparité de stratégies et de résultats

S’il est aujourd’hui acquis que les GAFAN font figure de poids lourds de la
production audiovisuelle, leur contre-attaque massive n’a finalement pas eu lieu
cette année et les cartes du secteur n’ont pas été rebattues. Simple latence en
attendant 2019 ou développent-ils des stratégies différentes ?

Netflix et Amazon défendent leur pré-carré

Les deux plateformes concentrent toujours la majeure partie de l’audience en alliant la
logique de production de contenus originaux à des moyens colossaux et une vision
« glocale ». Mais la concurrence se fait de plus en plus rude entre les deux géants et avec
leurs multiples challengers. En effet, cette année a vu exploser les lancements de services
OTT, mais aussi le regroupement de diffuseurs locaux pour la création de plateformes
communes, la reprise en main de la distribution de leurs contenus par les majors de
Hollywood (notamment la future plateforme Disney+, qui verra le jour en 2019)…

Pour se démarquer, l’entreprise de Los Gatos investit des sommes pharaoniques dans la
production de contenus (entre 12 et 13 milliards de dollars en 2018 selon The Economist,
citant une évaluation de Goldman Sachs basée sur la comptabilité de caisse – loin des 8
milliards initialement annoncés). Le financement se fait essentiellement sur de la dette, en
augmentation de 71%. D’où l’importance des accords de distribution entre Netflix et les
opérateurs FAI ou de pay-tv pour élargir sa base d’abonnés et soutenir son développement
international. Netflix multiplie les partenariats depuis 2013 mais a accéléré cette stratégie
de présence massive sur l’ensemble des terminaux et OS disponibles. Ainsi, le pure-player
trop faible en individuel sur de nombreux marchés, a pu élargir ses horizons en se liant
avec l’écosystème traditionnel des plateformes de télévision payante et des box
d’opérateurs télécoms. Un moyen pour le service de s’installer sur le téléviseur, soit un
équipement présent dans de nombreux foyers et qui permet de viser une cible plus âgée et
plus variée que celle du recrutement en OTT. Après les accords d’envergure avec Comcast,
Liberty Global, Orange ou Bouygues Telecom, les dernières résistances sont tombées cette
année et Netflix a intégré les offres de Sky et de Free.

Du côté d’Amazon Prime, avec un cours de l’action qui a été multiplié par six au cours de
cinq dernières années, il n’a pas de pression financière pour maximiser les profits liés à la
vidéo. Ainsi, la logique a longtemps été d’investir dans des contenus audiovisuels afin
d’attirer et de garder les abonnés sur l’offre premium et convertir les téléspectateurs en
acheteurs. Mais aujourd’hui, la vidéo tend à occuper une place à part entière dans
l’écosystème Amazon. En effet, depuis décembre 2016, Prime Video est disponible dans
240 pays et le nombre d’abonnés Prime a dépassé les 100 millions dans le monde en mars
2018. Des données qui laissent présager qu’initialement conçu comme produit d’appel,
l’activité pourrait devenir rentable en soi. Or le développement de la vidéo est onéreux : les
investissements d’Amazon en contenus audiovisuels originaux s’élèvent en 2018 à près de 5
milliards de dollars – des coûts que l’activité d’e-commerce ne peut entièrement financer.
Entre les acquisitions, les productions originales et les droits sportifs, l’élargissement de
l’audience pour amortir les coûts devient une nécessité.

Par conséquent, la société est présente sur tous les fronts avec une ambition tentaculaire :
comme Netflix, elle développe les partenariats de distribution avec les opérateurs
traditionnels ; cette année notamment BT au Royaume-Uni, Comcast aux US et Deutsche
Telekom en Allemagne. Mais aussi, pour contourner la question de l’acquisition des droits,
la société s’est lancée dans l’édition linéaire de chaînes avec Amazon Channels depuis
décembre 2015 aux Etats-Unis et mai 2017 en Grande-Bretagne et en Allemagne. Le
bouquet qui propose des chaînes à la carte et non en package bénéficie d’un succès
grandissant auprès des éditeurs, très réceptifs à l’offre d’Amazon puisque la diffusion sur le
Web constitue un mode de distribution complémentaire non négligeable avec d’une part,
une visibilité accrue compte tenu de la puissance marketing d’Amazon et d’autre part, une
reconnaissance de leur marque que ne procurent pas les agrégateurs de programmes
comme Netflix.

Google et Facebook : des expérimentations et des failles dans le modèle
gratuit

Cette année, YouTube et Facebook sont passés à l’offensive avec pour objectif de
concurrencer les mastodontes du secteur que sont Netflix ou Amazon Prime Video.

Leader incontesté dans le monde du streaming vidéo gratuit, YouTube a souhaité faire
évoluer son business model, mais avec un résultat pour l’instant mitigé. En effet, YouTube
Red lancé en 2015 n’a jamais décollé et a donc été refondu au mois de mai 2018 en une
nouvelle offre, YouTube Premium comprenant le service de streaming musical YouTube
Music Premium, l’intégralité de YouTube sans publicité mais surtout des programmes
exclusifs. La filiale de Google a largement investi dans des contenus originaux, notamment
les séries YouTube Originals telle que Cobra Kai (dérivée de Karaté Kid) ou Impulse et a
même annoncé ses deux premières séries françaises (Groom et Les Emmerdeurs). Le
changement de formule et de prix (11,99$ par mois au lieu de 9,99$ précédemment) devait
induire un repositionnement premium permettant de coller aux modes de consommation
des milléniaux, demandeurs de contenus qualitatifs et grands utilisateurs d’ad blockers (ce
qui a pour conséquence une érosion de la valeur des espaces publicitaires).

Toutefois, à partir d’octobre, la plateforme a commencé à proposer, dans le cadre de son
service de location, des films accessibles gratuitement mais avec des coupures publicitaires
(seulement aux États-Unis et de manière limitée avec une centaine de titres). Et le 27
novembre dernier, donc à peine huit mois après le lancement de Premium, YouTube a
annoncé que les nouveaux programmes YouTube Originals seront disponibles pour tous,
gratuitement et avec des publicités pour ceux qui ne paient pas d’abonnement Premium à
partir de 2019. D’après la direction, les revenus publicitaires potentiels que YouTube peut
récolter sur les programmes originaux sont si importants que l’entreprise ne peut passer à
côté de cette opportunité – même si cela diminue les chances de son modèle par
abonnement naissant. Un changement de stratégie qui révèle les tensions qui existent
entre les deux modèles économiques de la plateforme et son positionnement qui n’est pas
encore clairement tranché.

Chez Facebook, pas d’incursion dans le payant : avec le lancement mondial de Facebook
Watch en août 2018 (qui était déjà déployé aux États-Unis depuis août 2017), la firme de
Marc Zuckerberg reste sur un modèle de contenus gratuits avec de la publicité. En effet,
Facebook a pour principal objectif de capter un temps d’attention maximal de la part de
son audience pour recueillir le maximum de données permettant de vendre un ciblage
publicitaire pertinent. Pour cela, il lui faut maintenir la base des utilisateurs dans son
écosystème Instagram / Messenger / WhatsApp en enrichissant son interface d’offre de
services. Telle est la mission de la plateforme mobile Watch qui propose mini-séries,
programmes courts, docu- et télé-réalités, et même des retransmissions en direct
d’évènements sportifs… et d’une fonctionnalité d’interaction comme Watch Party intégrée
aux vidéos pour inciter les utilisateurs à commenter et réagir.

Mais la stratégie publicitaire de Facebook, basée sur le triptyque « stories, messageries et
vidéo » présente une faille notable : Watch, qui ambitionnait de concurrencer YouTube, est
encore loin de son rival et les audiences ne décollent pas (50 millions d’utilisateurs par
mois… contre 1,8 milliard pour la plateforme de Google). En cause, un déficit de notoriété
de la marque Watch (pas assez connue chez les utilisateurs qui n’ont pas l’habitude de
regarder des vidéos longues sur le réseau social), mais surtout un désintérêt croissant des
adolescents pour Facebook. L’entreprise a donc entrepris de faire évoluer les contenus très
orientés « teen » (Five Points, Strangers, Sorry for Your Loss…), dans lesquels elle a investi
plus d’un milliard de dollars. Pour faire revenir les annonceurs, le réseau social a déclaré
qu’il va désormais recentrer son offre sur un public plus âgé. L’accent devrait être mis sur
des formats plus classiques comme les talk-shows et la télé-réalité et même les têtes
d’affiche des nouveaux programmes (Catherine Zeta-Jones pour Queen America, Jada
Pinkette Smith pour Red Table Talk) sont plus connues chez les trentenaires que chez les
adolescents. Enfin, Watch mise aussi désormais sur la diffusion de classiques des années 90
: les intégrales de Buffy contre les Vampires, Angel et Firefly, ont été mises en ligne aux
États-Unis, mais sans exclusivité puisqu’elles sont aussi présentes sur Hulu.

Apple prépare le terrain

Initialement positionné sur la fabrication et la vente d’appareils électroniques haut de
gamme, Apple a mis le pied à l’étrier de la gestion d’écosystèmes avec iTunes et son offre
illimitée de musique (et accessoirement diversifié ses ressources eu regard à la saturation
du marché des smartphones).

Et sur la vidéo, la marque à la pomme avance peu à peu ses billes : une première étape a
été franchie avec le lancement en décembre 2017 (en France, Allemagne et Royaume-Uni,
un an après les États-Unis) de l’application « TV » : un agrégateur de contenus télévisuels
sur iPhone, iPad et Apple TV qui se charge de collecter les différents films, séries et
émissions, disponibles en replay ou en streaming, depuis des applications tierces
notamment MyCanal, Netflix, Hulu…

Toutefois Apple ne compte pas en rester là et s’est lancé dans la production de contenus :
tout au long de l’année 2018, les informations se sont accumulées sur les projets de séries
et de films originaux : contrat exclusif avec Oprah Winfrey, partenariats avec Steven
Spielberg, Jennifer Aniston, Reese Witherspoon etc., Apple a déjà investi plus d’un milliard
de dollars et n’a pas hésité à débaucher des cadres supérieurs issus de grandes majors
comme Sony.

D’après les dernières annonces de la firme, le service de SVoD devrait être lancé dans 100
pays en même temps dès mars 2019 avec comme point d’entrée l’application TV (même si
les abonnements, méthode la plus évidente de rémunération, seraient liés à Apple Music).
Les séries, films et documentaires exclusifs que l’entreprise développe seraient gratuits
pour tous les propriétaires d’appareils Apple, tandis que ceux qui téléchargeront l’app sur
d’autres systèmes d’exploitation (comme Android) devront payer pour visionner les séries
exclusives Apple. Par ailleurs, des abonnements à d’autres services SVOD sous forme de «
chaînes », comme HBO ou Starz, pourraient être proposés et des formules d’abonnement
incluant de la musique et de l’actualité. En somme, une manière d’aller plus loin dans le
processus d’agrégation de contenus qui pourrait propulser Apple au rang de diffuseur très
puissant, réunissant plusieurs types de contenus qui proviennent de différents diffuseurs,
dans une seule et même app… le tout gratuitement pour les usagers de son écosystème,
soit des millions d’individus dans le monde. Une formule jusque-là inédite.

Un environnement mouvant, des perspectives ouvertes

On parle depuis quelques années de « Peak TV », c’est-à-dire de l’explosion de la
production de séries aux États-Unis. Les chiffres sont croissants, vertigineux et ont doublé
en une poignée d’années. Toutes les chaînes veulent et ont leurs productions maison.
Netflix impose un rythme de nouveautés réparties sur toute l’année et l’arrivée des GAFA
sur le marché de la production de contenus avec leurs moyens financiers exorbitants, ne
risque pas d’atténuer ce phénomène. On peut donc craindre à terme une saturation du
marché et une homogénéisation de la production…

Par ailleurs, pour les GAFAN, le secteur des médias est un champ de bataille parmi
d’autres. Toutefois, la casquette de producteur de contenus implique de nouvelles
contraintes, de nouvelles obligations, et de nouvelles responsabilités que ces géants
endossent parfois malgré eux. Contenus illicites, fausses informations, rémunération des
créateurs, participation au financement de la création et utilisation des données : autant de
fronts ouverts et un environnement législatif qui se fait de plus en plus contraignant en
Europe mais aussi sur leur marché domestique aux Etats-Unis.

Et au-delà des contraintes normatives, les GAFAN doivent s’interroger sur leur ligne
éditoriale, leurs valeurs, leur discours, leurs engagements… au même titre que n’importe
quel média. Sans compter leur relation avec les médias traditionnels qui pourrait donner
lieu à une guerre ouverte ou à de possibles stratégies d’alliance.

Enfin, sur le plan technologique, les GAFAN qui s’attachent à construire des écosystèmes
articulés autour d’une multitude de points de contact avec les consommateurs investissent
largement dans l’intelligence artificielle qui pourrait être le levier à activer pour asseoir
définitivement leur position de leader.
La stratégie d’Amazon : imposer Alexa
comme «OS» phare de l’enceinte connectée

Avec une ouverture toujours plus poussée de son écosystème, Amazon cherche à
consolider sa position sur le marché des enceintes connectées. Hardware, software
et contenus convergent vers les produits du géant du e-commerce.

Jusqu’à la fin de l’année 2017, Amazon bénéficiait d’une situation particulièrement
dominante sur le marché des enceintes connectées. Le géant du e-commerce, innovateur
sur le secteur, a profité d’un quasi-monopole jusqu’à la montée en puissance d’une
concurrence menée par Google et son Google Home. Pour maintenir son leadership,
Amazon a choisi d’ouvrir l’écosystème qu’il a construit autour d’Alexa, le logiciel de ses
enceintes : 2018 fut l’année des grandes manœuvres en ce sens.

Évolution des parts de marché des principaux constructeurs d’enceintes
intelligentes en fonction des ventes trimestrielles / Q4 2016, Q4 2017, Q2 2018 en %

Sources : Strategy Analytics, Smart Speaker Service

Toujours plus d’inclusion pour le matériel et les logiciels
D’après Daniel Rausch, vice-président d’Amazon, Alexa permet à plus de 3 500 marques de
développer leur propre assistant personnel. Du début à la fin de l’année 2018, le nombre
d’appareils fonctionnant grâce au logiciel d’Amazon est passé de 4 000 à 20 000, cinq fois
plus en seulement un an. À titre de comparaison, Google a annoncé que Google Assistant
était présent sur 5 000 appareils domestiques en mai 2018. Pour expliquer cette évolution,
il faut s’intéresser aux annonces qui ont été faites par Amazon lors de sa conférence de
rentrée en septembre 2018.

Premier point majeur : l’ouverture des interfaces de programmation d’Amazon. Si les API
étaient déjà accessibles aux développeurs, elles ont été enrichies par de nouveaux « kits de
codes » facilitant largement l’intégration des objets connectés tiers à un réseau Alexa. On y
trouve notamment le kit Amazon Connect, qui permettra de connecter automatiquement au
Cloud Amazon les appareils tout en réduisant leur consommation d’énergie. Il ne s’agit plus
de permettre la compatibilité de la domotique avec Alexa – ce qui est déjà largement
possible –, mais de faire de l’assistant vocal d’Amazon la solution optimale en matière de
confort d’utilisation. Alexa se veut être un véritable « OS », voire un standard, auquel se
raccorde sans difficulté n’importe quel appareil.

Effet de réseau classique, plus il est d’appareils fonctionnant sous Alexa, plus la solution
d’Alexa est intéressante pour les concepteurs d’appareils. L’assistant d’Amazon porte en lui
l’assurance de voir son produit s’insérer dans un écosystème efficace. Amazon cherche à
ouvrir la voie et créer une véritable gamme en dévoilant lors de cette même conférence
toute une série d’objets connectés : horloge, micro-onde, nouvelles enceintes Echo, alarmes
et dispositifs de sécurité. Autant d’objets qui répondent aux attentes des clients en matière
de Smart Home. C’est le seul acteur du marché à développer en interne une telle variété
d’appareils.

Autre élargissement notable de l’écosystème Alexa, la connectivité. Pour inclure l’électro-
ménager connecté préexistant, Amazon a misé sur les prises électriques intelligentes : les
Amazon Smart Plugs. Celles-ci permettront aux utilisateurs d’Alexa d’inscrire dans leur
propre réseau des cafetières, des lampes, des stations météo ou toute sorte d’équipements
connectés. Du côté de la hifi, plusieurs solutions de raccordement ont été annoncées :
l’Echo Input permettra de brancher un micro sur une installation ou une enceinte pour la
transformer en assistant vocal, et les Echo Link et Echo Link Amp serviront de hub stéréo
pour les équipements disséminés dans l’ensemble de la maison.

Les FAI s’adaptent à Alexa et à ses usages
La nouvelle Freebox Delta, dévoilée au début du mois de décembre, est entièrement
contrôlable grâce à deux assistants vocaux : OK Freebox – développé en interne par Free
pour gérer les fonctionnalités multimédia et domotiques –, et Alexa. Si l’utilisation des
fonctionnalités TV requiert l’appel à OK Freebox, Alexa embarqué dans la box permet
d’utiliser les enceintes Devialet, et ainsi d’inclure la Freebox Delta dans un écosystème
Alexa préexistant. Free n’est pas le seul FAI en Europe à utiliser Alexa, puisqu’Orange et
Deutsche Telekom ont également développé en interne Djingo, leur propre assistant vocal,
dans une optique de collaboration avec Amazon.

Présenté mercredi 12 décembre à l’occasion du Show Hello sous la forme d’un partenariat
« unique » avec la firme de Jeff Bezos par Stéphane Richard, cette innovation inaugure une
nouvelle conception des assistants vocaux. Les logiciels semblent se diviser en deux
catégories bien distinctes : les interfaces vocales intégrées dans les appareils intelligents,
et ceux présents dans le cloud. Alors qu’Alexa gère la synthèse et les interactions entre les
différents objets connectés d’un même réseau, Djingo ou OK Freebox ne sont les logiciels
que d’un unique objet. Tout l’enjeu de ces nouveaux assistants « objets » repose désormais
sur leur capacité à communiquer avec l’écosystème Alexa et à s’y inclure.

Vodafone, de son côté, a misé sur le contenu disponible grâce aux commandes vocales. Le
FAI a développé un skill permettant aux abonnés de suivre leur consommation et d’accéder
au service client.

Au vu des nombreux terminaux équipés d’Alexa, il n’est pas exclu de voir d’ici les prochains
mois se développer des skills permettant d’articuler les assistants vocaux des FAI comme
OK Freebox, avec Alexa. Commandes vocales standardisées pour Alexa, les skills font figure
d’ « applications » pour l’assistant d’Amazon – il en compte déjà plus de 40 000. Nombreux
sont déjà les fournisseurs de contenus à s’être lancés dans le développement de leurs
propres skills.
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