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2009 La situation des marchés des produits agricoles Flambée des prix et crise alimentaire – expériences et enseignements
Messages principaux 1 En juin 2008, les prix des produits alimentaires de base sur les marchés internationaux ont atteint leurs plus hauts niveaux depuis 30 ans, menaçant la sécurité alimentaire des pauvres du monde entier. En 2007 et en 2008, principalement à cause de la flambée des prix des denrées alimentaires, 115 millions de personnes supplémentaires ont été plongées dans la faim chronique. 2 Depuis, les prix ont reculé sous l’effet de la crise financière, de la récession mondiale naissante, de la chute des prix du pétrole et d’un dollar EU plus fort. Ils n’en restent pas moins historiquement élevés et les problèmes structurels qui sont à l’origine de la vulnérabilité des pays en développement aux augmentations de prix sur les marchés internationaux n’ont pas été résolus. 3 De nombreux facteurs ont contribué à la hausse spectaculaire des prix alimentaires mondiaux, mais la demande de biocarburants et le prix record du pétrole ont été les deux facteurs principaux, ce qui a conduit certains analystes à se demander si de nouveaux liens entre l’alimentation et les marchés de l’énergie n’avaient pas inversé la tendance historique à la baisse des prix, en termes réels, des produits agricoles. 4 Les producteurs des pays en développement n’ont pas profité des prix élevés pour investir dans leurs moyens de production et accroître leur productivité parce que ces prix ne leur ont pas été répercutés. Par ailleurs, les petits producteurs n’ont eu qu’un accès limité aux intrants bon marché, leurs moyens de production sont restés médiocres ainsi que les institutions et les infrastructures mises à leur disposition. En outre, certaines politiques adoptées (comme le contrôle des prix et la réduction des tarifs douaniers) ne les ont pas incités à investir. 5 Il faut protéger les consommateurs contre des prix alimentaires élevés, mais il faut aussi inciter les producteurs à investir dans la production, à augmenter leur productivité et à répondre par l’offre. Les politiques mises en œuvre doivent être ciblées, éviter les distorsions et encourager l’investissement dans l’agriculture. 6 De nombreux pays en développement ont besoin d’une aide internationale pour résoudre leurs problèmes budgétaires et identifier et mettre en œuvre les politiques appropriées. Les pays développés doivent aussi examiner l’impact de leurs politiques agricoles, commerciales et énergétiques sur les prix et la disponibilité des denrées alimentaires au plan international.
2009 La situation des marchés des produits agricoles Flambée des prix et crise alimentaire – expériences et enseignements
Produit par la Remerciements Sous-Division des politiques et de l’appui en matière Le rapport sur La situation des marchés des produits de publications électroniques agricoles 2009 a été rédigé par une équipe de Département des connaissances et de la communication collaborateurs de la Division du commerce FAO international et des marchés dirigée par David Hallam. Le rapport a été préparé sous la conduite d’Hafez Les appellations employées dans ce produit Ghanem, Directeur général adjoint du Département du d’information et la présentation des données qui y développement économique et social de la FAO, et figurent n’impliquent de la part de l’Organisation des d’Alexander Sarris, Directeur de la Division du Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) commerce international et des marchés. aucune prise de position quant au statut juridique ou au stade de développement des pays, territoires, La contribution générale de Pedro Arias ainsi que les villes ou zones ou de leurs autorités, ni quant au tracé contributions particulières des personnes qui suivent de leurs frontières ou limites. La mention de sociétés ont été particulièrement appréciées: Adam Prakash sur déterminées ou de produits de fabricants, qu’ils soient les tendances et la volatilité des prix des produits ou non brevetés, n’entraîne, de la part de la FAO, agricoles, Abdolreza Abbassian sur les prix des aucune approbation ou recommandation desdits céréales, Josef Schmidhuber sur les biocarburants, produits de préférence à d’autres de nature analogue Hansdeep Khaira sur la spéculation, Merritt Cluff et qui ne sont pas cités. Holger Matthey sur les perspectives relatives aux prix ISBN 978-92-5-206280-6 des produits, George Rapsomanikis sur la transmission des prix, Jamie Morrison sur les contraintes du côté de Tous droits réservés. Les informations ci-après peuvent l’offre et la réponse par l’offre, Liliana Balbi, Ramesh être reproduites ou diffusées à des fins éducatives Sharma et Manitra Rakotoarisoa sur les réponses et non commerciales sans autorisation préalable apportées par les politiques et Alexander Sarris sur les du détenteur des droits d’auteur à condition que la mécanismes de financement des importations de source des informations soit clairement indiquée. Ces informations ne peuvent toutefois pas être reproduites denrées alimentaires. pour la revente ou d’autres fins commerciales sans Le rapport a bénéficié de l’examen détaillé et des l’autorisation écrite du détenteur des droits d’auteur. observations de collègues du Département du Les demandes d’autorisation devront être adressées au développement économique et social de la FAO, et tout Chef du Service de la gestion des publications, Division particulièrement des contributions des personnes de l’information, FAO, Viale delle Terme di Caracalla, suivantes: Hafez Ghanem, Alexander Sarris, Marcela 00153 Rome, Italie ou, par courrier électronique, à Villarreal, Keith Wiebe, Josef Schmidhuber, Jelle copyright@fao.org Bruinsma, Kostas Stamoulis, David Marshall, Hiek © FAO 2009 Som, Henri Josserand et Abdolreza Abbassian. Pour se procurer les publications de la FAO, s’adresser au: Groupe des ventes et de la commercialisation Division de la communication Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture Courriel: publications-sales@fao.org Télécopie: (+39) 06 57053360 Site Internet: www.fao.org/icatalog/inter-e.htm Note: Photos de la couverture (du haut vers le bas): Sauf indication contraire, les données pour la Chine © FAO/Roberto Faidutti comprennent aussi celles pour la Province chinoise © FAO/Giuseppe Bizzarri de Taïwan, la Région administrative spéciale de © FAO/KCII Hong-Kong et la Région administrative spéciale de © FAO/Giuseppe Bizzarri Macao. © FAO/Giulio Napolitano
Table des matières 4 À propos de ce rapport 6 Avant-propos 8 Première partie. Pourquoi une telle hausse des prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux? 9 Inflation des prix des denrées alimentaires dans le monde en 2007-08 15 Pourquoi les prix des denrées alimentaires augmentent-ils autant? 26 L’impact des prix élevés des denrées alimentaires 30 Deuxième partie. Pourquoi la hausse des prix alimentaires n’a-t-elle pas bénéficié aux producteurs agricoles pauvres? 31 Les hausses des cours internationaux se transmettent-elles aux producteurs des pays en développement? 35 Les prix ont augmenté, mais les coûts également 36 Contraintes du côté de l’offre 38 Troisième partie. Que doit être la réaction des pouvoirs publics? 39 Les options des pouvoirs publics 40 Qu’ont fait les pays en développement? 42 Sous quelle forme intervenir? 47 La nécessité de l’action internationale 54 Annexe 54 Tableau 1. Mesures de politique visant à répondre à la hausse des prix des produits de base dans certains pays 58 Tableau 2. Tendances des prix réels des produits alimentaires 59 Tableau 3. Prix mensuels des produits alimentaires, valeur nominale 61 Pour en savoir plus et s’informer 62 Publications de la Division du commerce et des marchés de la FAO, 2006-08 La situation des marchés des produits agricoles 2009 3
À propos de ce rapport D ans la seconde moitié de 2006, des prix et le sort tragique des consom- les prix mondiaux de la plupart mateurs pauvres ont dominé le monde des principales denrées alimen- médiatique, les conséquences de cette taires ont commencé à grimper. Au premier crise sur la situation des producteurs agri- semestre 2008, les prix des céréales en coles pauvres sont passées au second dollars EU avaient atteint leur plus haut plan. Les prix des produits agricoles ayant niveau depuis 30 ans, menaçant la sécu- été bas pendant des années, leur hausse rité alimentaire des populations pauvres soudaine aurait dû permettre aux produc- de la planète et déclenchant une vague teurs pauvres d’améliorer leurs revenus d’inquiétude quant à une éventuelle crise et les inciter à accroître leur production alimentaire mondiale. Alors que les prix au bénéfice de tous. Apparemment, il n’en des denrées alimentaires ont chuté au a pas été ainsi. Pourquoi? cours du deuxième trimestre 2008, sous La situation des marchés des produits l’effet d’une baisse spectaculaire des prix agricoles 2009 commence par examiner du pétrole, de la crise financière et d’une en détail la nature de la hausse des prix récession mondiale due à un ralentisse- sur les marchés mondiaux et la façon dont ment de la demande, les prix sont encore elle est répercutée sur les consommateurs bien supérieurs aux niveaux observés au et les producteurs agricoles. Les prix des cours de ces dernières années et ils denrées agricoles ont toujours été extrê- devraient le rester. De nombreux consom- mement variables, mais sur la base d’une mateurs pauvres sont encore confrontés courbe décroissante à long ter me. aux prix des denrées alimentaires qui conti- Cependant, certains commentateurs et nuent d’augmenter. Qui plus est, bien que analystes ont suggéré que de nouveaux ces prix aient pu baisser sur les marchés facteurs sont désormais entrés en jeu, internationaux, les nombreux facteurs notamment la croissance de la production défavorables de l’offre et de la demande des biocarburants, et que cela signifie que sont restés inchangés. La baisse des prix les prix des denrées alimentaires se sont n’a pas été causée par une augmentation écartés définitivement de leur tendance généralisée de la disponibilité alimentaire. historique. Pour l’instant, les données dis- Dans la plupart des pays en développe- ponibles ne permettent pas d’apporter de ment, la hausse des prix n’a pas donné preuves concluantes, même si certains lieu à une réponse positive du côté de paramètres économiques fondamentaux l’offre. Le moment est donc venu d’exa- laissent penser que l’ère des «aliments» miner la manière dont les choses se sont soi-disant «bon marché» pourrait être ter- passées et leurs raisons profondes, et de minée. Les caractéristiques de ces para- tirer des enseignements (notamment pour mètres et la manière dont ils ont pesé sur les politiques). les prix des denrées alimentaires sont exa- Si les principaux mécanismes de la minées en détail. «flambée des prix» ont été assez bien iden- Une attention particulière a été portée tifiés, des questions subsistent quant à au rôle joué par les différents facteurs en l’importance relative des divers facteurs cause – demande de biocarburants, prix considérés comme responsables. On peut records des carburants et augmentation se demander par ailleurs si la nouvelle de la demande alimentaire due à l’accé- conjoncture a radicalement changé le lération de la croissance économique en comportement des marchés et si les prix Chine et en Inde – dans l’inflation sou- élevés constituent désormais la norme. daine des prix alimentaires dans le monde La manière dont les gouvernements et la et par les contraintes traditionnelles des communauté internationale doivent réagir marchés comme le faible niveau des stocks dépend des réponses à ces questions. ou l’insuffisance de l’offre due aux mau- D’autre part, si la hausse spectaculaire vaises conditions climatiques. La question La situation des marchés des produits agricoles 2009 4
de savoir si la situation a été aggravée par prix des denrées alimentaires ne semble budgétaires complémentaires, car les poli- l’afflux de fonds spéculatifs ou par des pas avoir déclenché de réponse significa- tiques «adaptées» sont souvent plus coû- politiques appliquées par certains gouver- tive au niveau de l’offre de la part des pro- teuses. nements est aussi examinée. En réalité, ducteurs des pays en développement. Le but de La situation des marchés des même si la demande de biocarburants et Comment aider les producteurs à pro- produits agricoles 2009 est de faire connaî- la flambée du prix du pétrole ont eu un duire davantage est un problème de poli- tre à un public plus large et sous une forme impact important, tous ces facteurs, in- tiques auquel sont confrontés les gouver- accessible les débats concernant les mar- dépendamment ou ensemble, ont contri- nements des pays en développement. chés des produits agricoles ainsi que les bué à l’envol des prix alimentaires. Plusieurs Comment faire en sorte que les consom- politiques adoptées en la matière. Bien que d’entre eux pourraient même avoir un mateurs aient accès à des denrées alimen- les résultats et les conclusions présentés effet durable; ainsi, il est peu probable que taires à des prix abordables est un pro- reposent sur des analyses techniques ré- les prix alimentaires retrouveront leurs blème plus pressant. Dans la plupart des centes conduites par des spécialistes de la niveaux précédents à court terme. cas, sous la pression des troubles sociaux FAO des questions liées au commerce et La situation des marchés des produits déclenchés par la flambée des prix ali- aux produits, il ne s’agit pas fondamenta- agricoles 2009 réunit les preuves des dif- mentaires, les gouvernements ont adopté lement d’un rapport technique. Cette pu- férents impacts de la flambée des prix des mesures à court terme visant à résou- blication s’efforce en effet de fournir un alimentaires. L’impact négatif de la haus- dre dans l’urgence les problèmes de sé- traitement sans arrière-pensées et objectif se des prix sur la sécurité alimentaire est curité alimentaire, à ralentir les hausses de questions économiques qui peuvent plus élevé sur les consommateurs pauvres de prix et à accroître les disponibilités sembler compliquées. Elle vise les déci- des pays en développement, dont les po- alimentaires. Ce faisant, ils ont négligé les deurs, les observateurs du marché des pro- pulations rurales comptent de nombreux besoins à moyen et long termes des pro- duits et tous ceux qui sont intéressés par pauvres. De nombreux pays en dévelop- ducteurs, et certaines mesures à court les évolutions du marché des produits pement ou moins avancés sont importa- terme – notamment en matière commer- agricoles et leur impact sur les pays en teurs de denrées alimentaires et leurs dé- ciale – ont eu un impact négatif. En conclu- développement. penses annuelles d’importations ont plus sion, La situation des marchés des produits que doublé depuis 2000, ce qui les a pla- agricoles 2009 examine les choix de poli- cés dans une situation d’autant plus pré- tiques qui s’offrent aux gouvernements et caire qu’ils dépendent également du pé- évalue la manière dont les pays en déve- trole importé (dont le prix a aussi explosé) loppement ont répondu à la flambée des et qu’ils connaissent une sous-alimentation prix alimentaires. Le rapport recomman- chronique très importante. En revanche, de de mettre en œuvre des mesures com- la hausse des prix des denrées alimentaires plémentaires et cohérentes pour traiter les devrait inciter les producteurs à augmen- problèmes les plus pressants et des me- ter leur production et leur productivité. sures à plus long terme pour répondre au Cependant, comme La situation des mar- besoin stratégique d’une sécurité alimen- chés des produits agricoles 2009 l’explique, taire durable. Il reconnaît cependant que la question de savoir si la hausse des prix certains pays en développement ont des peut bénéficier aux producteurs des pays difficultés à choisir des politiques appro- en développement dépend de leur capa- priées et à mettre en place des politiques cité à y répondre, ce qui est loin d’être concrètes et efficaces, constatant qu’ils garanti. Les prix d’intrants essentiels com- n’ont tout simplement pas les moyens de me l’énergie et les engrais ont augmenté fournir des denrées alimentaires aux pau- avec les prix des produits – parfois plus vres, de payer des dépenses d’importation rapidement – au point que l’intérêt de pro- plus élevées et de corriger, du jour au len- duire davantage est désormais moindre. demain, des années de négligence à l’égard Par ailleurs, les petits producteurs des pays de leurs secteurs agricoles. L’aide inter- en développement n’ont qu’une capacité nationale qui se mobilise est une néces- limitée de produire davantage car leurs sité urgente. Elle fournira une assistance moyens techniques sont médiocres et leur en matière technique et de formulation accès aux intrants réduit. La hausse des des politiques, ainsi que des ressources La situation des marchés des produits agricoles 2009 5
Avant-propos D ans la première moitié de 2008, le sous le double effet de la crise financière et monde a été confronté à la plus forte de la récession mondiale. Cependant, les explosion des prix des denrées ali- prix dépassent encore largement les niveaux mentaires depuis 30 ans et à une crise d’in- observés encore récemment et tout porte à sécurité alimentaire mondiale. En effet, les croire qu’ils resteront élevés par rapport aux prix de ces denrées avaient augmenté de tendances historiques. Dans de nombreux près de 40 pour cent par rapport à leur pays en développement, les prix des denrées niveau de 2007 et de 76 pour cent par rap- alimentaires se situent encore à des niveaux port à 2006. La brutalité de ces hausses de jamais atteints précédemment. En fait, les prix et leur persistance, qui ont plongé de prix de ces denrées restent très élevés et les nombreux pays en développement dans une causes fondamentales de la crise alimentaire situation précaire qu’ils peinent à maîtriser, dont ils sont à l’origine n’ont pas été élimi- distinguent cet événement des autres haus- nées. La flambée des prix des denrées ali- ses des prix alimentaires qui ont pu avoir mentaires et la crise alimentaire ont mis en lieu dans le passé. évidence les menaces qui pèsent sur la sé- La stabilité politique et sociale a été me- curité alimentaire mondiale et l’urgente né- nacée car la hausse des prix des denrées cessité de renforcer le système alimentaire alimentaires et la baisse du pouvoir d’achat international. ont déclenché des émeutes et des désordres L’impact négatif de la flambée des prix sociaux un peu partout dans le monde. Il alimentaires sur la sécurité alimentaire des suffit d’imaginer un instant la violence de consommateurs pauvres dans le monde l’impact de cette crise sur les pauvres des est évident. On aurait pu s’attendre cepen- pays en développement qui consacraient dant à ce que l’impact sur les producteurs déjà, dans certains cas, jusqu’à 80 pour cent soit positif et les encourage à investir da- de leurs maigres revenus à l’achat de denrées vantage et à accroître leur production. Cela alimentaires. La FAO estime que la flambée ne s’est pas produit. Pendant des années, des prix alimentaires a plongé 115 millions les prix agricoles sont restés bas, ce qui de personnes supplémentaires dans une n’a pas incité, à juste titre, les producteurs famine chronique en 2007 et 2008. Le nom- à investir dans des moyens de production. bre de personnes souffrant de la faim est Mais pourquoi de tels niveaux de prix, les donc désormais proche d’un milliard. La plus élevés depuis 30 ans, ne les ont pas malnutrition s’aggrave lorsque les pauvres poussés à investir? En principe, une haus- ne peuvent pas acheter d’aliments de se aussi importante des prix des denrées meilleure qualité. Ils mangent moins et moins alimentaires devrait être l’occasion d’inver- bien. Les pays à faible revenu importateurs ser la baisse tendancielle de l’investissement de denrées alimentaires sont tout particu- dans l’agriculture, qui dure depuis des dé- lièrement vulnérables à cause de l’inciden- cennies, et de stabiliser durablement les ce élevée de la famine chronique et de la disponibilités alimentaires mondiales. «En pauvreté. Les dépenses d’importations ali- principe» seulement, parce que des prix mentaires de ces pays ont été estimées à alimentaires élevés ne sont pas à eux seuls près de 170 milliards d’USD pour 2008, soit suffisants, d’autant qu’une partie de l’inté- 40 pour cent de plus qu’en 2007. L’impact rêt à produire davantage a été annulée par est le plus violent en Afrique, où de nombreux la hausse des coûts des intrants, par exem- pays sont très dépendants des céréales im- ple les prix des engrais, qui ont augmenté portées (qui représentent parfois jusqu’à 80 plus vite que les prix à la production. Les pour cent de leur disponibilité énergétique petits producteurs des pays en développe- alimentaire) et la sous-alimentation y est ment doivent surmonter les nombreuses déjà omniprésente. contraintes liées à l’offre avant de pouvoir Les prix alimentaires internationaux ont apporter concrètement une réponse par reculé et retrouvé leurs niveaux de 2007 l’offre à moyen et long termes. Le manque La situation des marchés des produits agricoles 2009 6
d’infrastructures rurales, l’accès limité à De plus, comme on a pu l’entendre lors doivent créer des conditions qui lui sont des intrants modernes et à l’irrigation, le de certains événements récents, notamment favorables. Sans cela, les investissements mauvais état des routes et des installations la Conférence de haut niveau susmentionnée, dans l’agriculture n’auront pas lieu d’être. de stockage, la médiocrité des moyens le Sommet du G8 au Japon en juillet 2008 Outre son appui direct par le biais de techniques, une connaissance limitée des et la Session spéciale de la Conférence de l’Initiative contre la flambée des prix des techniques agricoles modernes et un accès la FAO en novembre dernier, il est urgent denrées alimentaires, la FAO joue aussi son limité au crédit sont autant de facteurs res- de renforcer la gouvernance de la sécurité rôle en aidant les pays à définir et à mettre ponsables de la faible productivité, de la alimentaire mondiale. La communauté in- en œuvre des réponses appropriées en ma- participation limitée aux marchés et du ternationale doit en effet disposer d’un sys- tière de politiques. Toutes ces activités sont manque d’investissement. Seule la levée tème amélioré pour prévenir les crises ali- fondées sur des analyses actualisées et com- de ces obstacles permettra de libérer l’offre. mentaires internationales et mettre en œu- plètes des variations des prix alimentaires, Enfin, des politiques adaptées doivent être vre les politiques qui conviennent aux ni- de leurs impacts sur les consommateurs et appliquées afin de rompre le cercle vicieux veaux national, régional et international. En les producteurs et des diverses politiques qui a plongé tant de petits producteurs dans outre, des règles et des mécanismes doivent mises en place pour y répondre. Nombre la pauvreté, contraint de nombreux pays être élaborés pour que le commerce des de ces travaux sont présentés dans cette en développement à dépendre exagérément produits agricoles soit non seulement libre nouvelle édition de La situation des marchés des importations de produits alimentaires mais aussi équitable. Il s’agit donc de conce- des produits agricoles. Cette publication et les a rendus vulnérables à la hausse des voir un système qui donne aux producteurs dresse un bilan complet de la situation en prix. des pays en développement et des pays s’appuyant sur les recherches menées par Dès juillet 2007, la FAO a prévenu qu’une développés les moyens d’obtenir un revenu des spécialistes de la FAO sur les questions crise était imminente. En décembre, elle a décent comparable à celui des citoyens des ayant trait à la flambée des prix et leurs lancé une initiative contre la flambée des secteurs secondaire et tertiaire. conséquences. Elle explique pourquoi les prix des denrées alimentaires, financée Les connaissances techniques permettant prix des denrées alimentaires ont augmen- d’abord sur ses propres ressources pour d’éradiquer la faim dans le monde et de té et quelles mesures les pays en dévelop- stimuler rapidement la production de produits doubler la production alimentaire mondia- pement et la communauté internationale agricoles en facilitant l’accès des petits agri- le d’ici 2050 pour nourrir une population de doivent adopter pour que les producteurs culteurs aux semences, aux engrais, aux neuf milliards de personnes sont disponibles. des pays en développement puissent tirer aliments pour animaux ainsi qu’à d’autres Il faut désormais passer de la parole aux parti des prix élevés afin que les disponibi- outils et fournitures agricoles. Cette initia- actes. Il est urgent également d’établir un lités alimentaires mondiales soient mainte- tive devrait catalyser le soutien apporté par consensus international sur l’éradication nues durablement à des prix abordables. les donateurs, les institutions financières et finale et rapide de la faim et sur un plan les gouvernements pour que les intrants d’action. soient fournis à une bien plus grande échel- L’approche à double front prônée par la le. Les pays les plus concernés par la crise, FAO dans son programme contre la faim notamment l’Afrique subsaharienne, ont reste valable. Elle consiste à donner un besoin d’au moins 1,7 milliard d’USD pour accès à la nourriture aux plus vulnérables revitaliser une agriculture qui a été négligée et à aider simultanément les petits produc- Jacques Diouf pendant des décennies. teurs à augmenter leur production et ac- Directeur général de la FAO La flambée des prix des denrées alimen- croître leurs revenus. Les consommateurs taires et la crise alimentaire qui en a dé- pauvres doivent pouvoir se procurer des coulé sont des questions qui doivent préoc- denrées alimentaires bon marché, ce qui cuper la communauté internationale et atténuerait l’impact de la sous-alimentation. exigent des mesures d’envergure. Elles ont Certains pays ont déjà mis en place des été au centre des priorités de la Conférence mécanismes de protection, d’autres doivent de haut niveau sur la sécurité alimentaire le faire, sans doute avec une aide interna- mondiale organisée par la FAO à Rome en tionale. La flambée des prix des denrées juin 2008. Cette conférence a réuni des gou- alimentaires a permis à la communauté vernements, des organisations internatio- internationale de se rendre compte que la nales, des donateurs, des organisations non solution structurelle au problème de l’insé- gouvernementales, le secteur privé et la curité alimentaire est d’augmenter la pro- société civile, qui ont examiné les mesures duction et la productivité dans le monde en à prendre. Cent quatre-vingt-un pays, dont développement, notamment dans les pays 43 chefs d’État ou de gouvernement et plus à faible revenu et à déficit vivrier. de 10 ministres, y ont participé. La décla- L’investissement doit être stimulé d’une ration adoptée unanimement par la manière déterminante et durable pour amé- Conférence a clairement indiqué qu’il fallait liorer la productivité et accroître la produc- accroître la production dans les pays en tion alimentaire. Tous les obstacles qui développement et stimuler l’investissement pénalisent l’offre doivent être levés et des dans le secteur agricole. politiques et des institutions appropriées La situation des marchés des produits agricoles 2009 7
Première partie Pourquoi une telle hausse des prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux? La situation des marchés des produits agricoles 2009 8
Inflation des prix des denrées alimentaires dans le monde en 2007-08 L’ inversion de tendance des prix des denrées alimentaires dans le Évolution des indices FAO des prix des produits alimentaires monde a commencé en 2006 avant de se transformer en une poussée inflation- Indice (1998-2000 = 100) niste généralisée qui a aggravé l’insécurité 250 alimentaire, déclenché de violents mouve- Indice FAO élargi des prix réels des produits alimentaires ments de protestation et fait craindre l’insé- 200 curité sur la scène internationale. L’Afrique a peut-être été la plus gravement touchée, 150 mais le problème était mondial. La publica- 100 tion de rapports sur l’impact de l’explosion Indice FAO élargi des prix des produits alimentaires des prix des denrées alimentaires sur les 50 pauvres de nombreux pays en développe- ment a incité la communauté internatio- 0 1961 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2008 nale à prendre des mesures pour empêcher Source: FAO. l’aggravation de la pauvreté et de la sous- alimentation. Les organismes d’aide alimen- taire comme le Programme alimentaire Indice FAO des prix des produits alimentaires ajusté pour tenir compte mondial (PAM) ont eu des difficultés à ache- des variations de taux de change ter, du fait de leurs coûts plus élevés, les denrées alimentaires qu’ils prévoyaient de Indice FAO (1998-2000 = 100) distribuer et ont sollicité des ressources 250 financières supplémentaires. L’indice FAO des prix des denrées ali- 200 mentaires1 a augmenté de 7 pour cent en 2006 et de 27 pour cent en 2007, et cette 150 augmentation a persisté et s’est accélérée pendant la première moitié de 2008. Depuis, 100 les prix ont reculé nettement tout en restant 50 supérieurs à leurs niveaux tendanciels à plus long terme. En 2008, l’indice FAO des prix 0 des denrées alimentaires était, en moyenne, 1961 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2008 Indice FAO des prix des produits alimentaires encore supérieur de 24 pour cent à celui de Indice FAO des prix des produits alimentaires ajusté pour tenir compte des variations de taux de change 2007 et de 57 pour cent à celui de 2006. entre l'USD et les SDR Indice FAO des prix des produits alimentaires ajusté pour tenir compte des variations de taux de change Si l’on considère les prix en termes réels entre l'USD et le franc CFA (corrigés par l’indice de la valeur unitaire des Note: les Droits de tirage spécial (SDR), créés par le Fonds monétaire international (FMI), produits manufacturés de la Banque mon- se composent d’un panier des principales devises (euro, livre sterling, yen et USD); 14 économies africaines utilisent actuellement le franc CFA dont la valeur est liée à l’euro. Sources: FAO et FMI. diale [MUV]), les augmentations sont encore très importantes. Les prix réels sont depuis longtemps caractérisés par une baisse ten- progressif à partir de 2000 et d’une augmen- lequel les prix internationaux sont générale- dancielle entrecoupée par quelques flambées tation brutale en 2006. Le taux de crois- ment libellés. Exprimées dans d’autres de- des prix généralement de courte durée. Une sance annuel moyen, de 1,3 pour cent pen- vises, les hausses sont moins spectaculaires certaine stabilisation est perceptible depuis dant la période 2000-05, s’est envolé depuis et correspondent aux variations historiques. la fin des années 80, suivie d’un redressement 2006, pour atteindre 15 pour cent. Elles restent néanmoins importantes. Le lien entre les devises et les prix des Quelle est l’incidence produits de base est un facteur qui complique 1 L’indice FAO des prix alimentaires est un indice des taux de change? l’évaluation des hausses de prix des produits de Laspeyres, pondéré en fonction des échanges internationaux, qui repose sur les cours mondiaux agricoles. Il a aussi une incidence sur la ma- de 55 produits alimentaires exprimés en USD (voir Une part de ces hausses de prix peut être nière dont les différents pays sont concernés www.fao.org/worldfoodsituation/FoodPricesIndex). attribuée à la dépréciation du dollar EU, dans par les variations des taux de change. La situation des marchés des produits agricoles 2009 9
des prix des denrées alimentaires Pourquoi une telle hausse sur les marchés mondiaux? Évolution des indices FAO des prix de groupes de denrées de base Indice (2002-04 = 100) Sucre Céréales Graisses végétales 300 Viande Produits laitiers 250 200 150 100 50 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 Source: FAO. Évolution des prix des produits tropicaux d’exportation Prix Riz Blé Café Cacao 800 600 400 200 0 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 Note: Les prix du riz et du blé sont exprimés en USD/tonne; ceux du cacao et du café, en cents d’USD/livre. Source: FAO. L’ampleur de la répercussion de la hausse Les prix de tous les produits des prix au niveau international sur la haus- agricoles ont-ils augmenté se des prix à la consommation et à la pro- de la même façon? duction dans certains pays a varié selon leur taux de change avec le dollar EU et d’autres Bien que la plupart des prix des produits facteurs comme les droits d’importation, les agricoles aient augmenté, au moins en va- infrastructures et les structures commercia- leur nominale, les hausses ont nettement les, qui déterminent le degré de transmission varié d’un produit à l’autre. En particulier, des prix. La plupart des prix des produits de les prix internationaux des produits de pre- base étant exprimés en dollars EU, la dépré- mière nécessité, comme les céréales, les ciation de la devise des États-Unis réduit le oléagineux et les produits laitiers, ont aug- coût des produits de base pour les pays dont menté de manière beaucoup plus specta- les devises sont plus fortes que le dollar EU. culaire que les prix des produits tropicaux Il en résulte donc une atténuation de l’impact comme le café et le cacao, et ceux des ma- des hausses des prix des denrées alimen- tières premières comme le coton ou le caout- taires, dans une mesure plus ou moins chouc. Les pays en développement qui grande. En ce qui concerne les pays dont dépendent des exportations de ces produits les devises locales sont rattachées au dollar ont donc constaté que leurs recettes d’ex- EU, la dépréciation de celui-ci renchérit le portations avaient certes augmenté mais coût d’achat des denrées alimentaires. Plus moins rapidement que le coût de leurs im- de 30 pays en développement ont aligné leur por tations de denrées alimentaires. devise sur le dollar EU. Importateurs nets de produits alimentaires, La situation des marchés des produits agricoles 2009 10
les pays en développement ont été confron- tés à de graves déséquilibres de leurs ba- La crise alimentaire mondiale des années 70 lances des paiements. Lors des deux décennies précédant la crise des abondantes pour reconstituer les stocks et dé- Qu’est-ce qui distingue années 70, la production de céréales dans les samorcer la hausse croissante des prix. les augmentations de prix pays en développement a augmenté de 80 pour Malheureusement, le Canada, l’ex Union sovié- des denrées alimentaires cent. La «révolution verte» a entraîné des gains tique, les États-Unis d’Amérique et une grande de la période 2007-08? de productivité considérables et l’extension des partie de l’Asie n’engrangèrent que des récoltes surfaces cultivées. Cependant, en 1972, de médiocres à cause de mauvaises conditions L’envol des prix des denrées alimentaires mauvaises conditions climatiques ont endom- climatiques. À la fin de 1974, les réserves cé- constitue une rupture brutale avec la baisse magé les cultures dans le monde entier et la réalières mondiales étaient au plus bas depuis tendancielle et l’effondrement continu des production alimentaire mondiale a chuté pour la 22 ans et correspondaient à près de 26 jours de prix des produits de base de 1995 à 2002, première fois en 20 ans, reculant de 33 millions consommation contre 95 jours en 1961. Fait au point qu’une relance des accords inter- de tonnes à une période où 24 millions de ton- aggravant, le Gouvernement des États-Unis nationaux sur les produits a été demandée. nes supplémentaires étaient nécessaires pour d’Amérique mit son veto à l’exportation de 10 Quelques analystes estiment que les haus- couvrir les besoins d’une population s’accrois- millions de tonnes de grains (en grande partie ses ont marqué la fin de la baisse à long sant rapidement. L’année suivante, un nouveau destinées à l’Union soviétique), craignant qu’une terme des prix des produits agricoles, la choc lié à l’offre – le quadruplement du prix du vente aussi massive déclenche une inflation des revue The Economist (2007) annonçant pétrole – joua un rôle important dans la hausse prix des denrées alimentaires au plan intérieur. même «la fin des aliments bon marché». des prix agricoles, menaçant la révolution verte Après la flambée de 1974, les prix de la plupart D’autres ont vu les prémisses d’une crise dont le succès dépendait en grande partie de des produits alimentaires sont restés élevés alimentaire mondiale. On peut se demander l’application de pesticides, d’herbicides et d’en- jusqu’au début des années 80. Les estimations si ces hausses brutales sont fondamentale- grais azotés, c’est-à-dire de produits dérivés du officielles du nombre de décès directement im- ment différentes des flambées des prix pré- pétrole. Après avoir payé leurs factures pétro- putables à la crise alimentaire mondiale des cédentes et si la baisse tendancielle des prix lières, de nombreux pays en développement ont années 70 n’ont pas été conduites, mais si l’on réels aurait pu s’interrompre, signalant un été à court de ressources pour acheter des pro- procède à une extrapolation tendancielle des changement radical du comportement du duits chimiques et des nutriments que le mode taux de mortalité pendant la période de crise, marché des produits agricoles. Les périodes de culture intensif, à rendement élevé, exigeait. on obtient un chiffre, non officiel, de près de cinq de prix élevés, comme les périodes de prix En 1974, le monde attendait avec impatience millions de personnes (The Oil Drum, 2009). bas, ne sont pas des phénomènes rares sur que les pays riches engrangent des récoltes Sources: FAO et Time, 1974. les marchés agricoles, bien que les premiè- res soient souvent beaucoup plus courtes que les secondes, qui ont tendance à se les végétales, les produits d’élevage et le coles. Parallèlement, d’amples variations de prolonger. Ce qui distingue cet épisode est sucre ont aussi connu des variations de prix prix peuvent avoir un effet déstabilisateur que la hausse des prix n’a pas concerné que nettement plus marquées que dans un pas- sur les taux de change des pays, qui voient quelques produits destinés à l’alimentation sé récent. Une volatilité élevée est syno- leurs économies mises à rude épreuve et humaine ou animale mais la quasi-totalité nyme d’incertitude, qui gêne les acheteurs leurs efforts pour réduire la pauvreté qua- d’entre eux, et que les prix pourraient rester et les vendeurs dans leurs prises de décisions. siment réduits à néant. à des niveaux élevés lorsque les effets des Cette incertitude, lorsqu’elle s’accroît, li- chocs à court terme se seront dissipés. mite également l’accès des producteurs aux Qu’est-ce qui distingue L’explosion des prix a aussi été accom- marchés du crédit et conduit à l’adoption la flambée des prix de 2007-08 pagnée par une volatilité des prix2 beaucoup de techniques de production peu risquées des crises précédentes? plus élevée que dans le passé, surtout dans au détriment de l’innovation et de l’esprit les secteurs des céréales et des oléagineux, d’entreprise. Par ailleurs, plus les variations L’examen du comportement des prix dans ce qui illustre la plus grande incertitude des de prix d’un produit sont amples et impré- le passé permet de mettre en évidence le marchés. Pendant les quatre premiers mois visibles, plus les gains résultant de la spé- caractère unique de la récente flambée des de 2008, la volatilité des prix du riz et du culation sur les cours anticipés de ce produit prix. Les graphiques (voir page 9) montrent blé a atteint des niveaux records (la volati- peuvent être importants. La volatilité a donc qu’une flambée des prix ressort en particu- lité des prix du blé était deux fois supé- un attrait spéculatif qui, à son tour, crée un lier, celle correspondant à la crise alimentaire rieure à celle de l’année précédente, celle cercle vicieux qui déstabilise les prix au mondiale des années 70. Quelques analogies du prix du riz était cinq fois supérieure). comptant. Au niveau national, de nombreux existent entre les deux situations. Le double L’accroissement de la volatilité n’a pas pays en développement sont encore extrê- choc pétrolier et climatique d’alors a en- concerné que les céréales. En effet, les hui- mement dépendants des produits de pre- traîné une contraction de la production ali- mière nécessité, à l’importation et à l’ex- mentaire alors que la demande de denrées portation. Si les brusques envolées des prix alimentaires commençait à croître sous l’ef- 2 La volatilité mesure les fluctuations du prix d’un peuvent gonfler temporairement la balance fet de l’emballement démographique des produit pendant un intervalle de temps donné en utilisant l’écart type des prix. D’amples fluctuations des paiements d’un exportateur, elles peu- pays en développement. Des restrictions des prix pendant une courte période sont le signe vent aussi renchérir les coûts d’importation aux impor tations, identiques à celles d’une «forte volatilité». de produits alimentaires et d’intrants agri- d’aujourd’hui, ont été imposées pour maî- La situation des marchés des produits agricoles 2009 11
des prix des denrées alimentaires Pourquoi une telle hausse sur les marchés mondiaux? termes réels montre donc une situation sans Flambées des prix des produits rapport commun. Si l’on se fonde par exem- agricoles ple sur les prix et les taux de change de 2000, le coût d’une tonne de riz en 1974 Une flambée des prix est une augmentation était quatre fois supérieur à la moyenne brutale et prononcée des prix au-dessus de observée pendant les quatre premiers mois la valeur tendancielle. Pour des raisons pra- de 2008. tiques, une flambée des prix peut être consi- dérée comme une variation annuelle en La fin des «aliments bon marché»? pourcentage supérieure à deux écarts types des cinq années précédant l’année à partir L’explosion des prix des denrées alimentaires de laquelle la variation en pourcentage est a été un choc notamment parce que les calculée. En utilisant cette définition, il est consommateurs s’étaient habitués aux «ali- possible d’identifier les années durant les- ments bon marché». Jusqu’en 2006, le coût quelles de fortes variations de prix des pro- réel du panier alimentaire mondial avait duits alimentaires de base (en utilisant l’in- quasiment diminué de moitié au cours des dice FAO des prix alimentaires) sont inter- 30 années précédentes, les prix de nombreux venues au cours de la période 1961-2008. produits alimentaires baissant en moyenne En rapportant les variations en pourcentage de 2 à 3 pour cent par an en termes réels. de chaque année à deux fois l’écart type Cette baisse tendancielle s’explique par les calculé selon la formule: progrès techniques, qui ont nettement réduit le coût de production des produits alimen- taires, et par les larges subventions versées dans les pays de l’Organisation de coopé- ration et de développement économiques il est possible d’identifier quatre périodes (OCDE), qui ont permis à leur production distinctes au cours desquelles les prix ont d’être plus rentable et plus efficace qu’ailleurs. accusé de fortes hausses: 1972-74, 1988, Ces deux facteurs ont cantonné quelques 1995 et la période actuelle. Seules la pre- pays dans le rôle de fournisseur d’aliments mière et la période actuelle ont connu des pour la planète. Le modèle agricole fondé variations sur plusieurs années consécutives, sur l’offre a donc provoqué une baisse ten- trois années de suite (1972, 1973 et 1974) dancielle des prix qui a duré pendant des pour la première période et deux années décennies. Par ailleurs, les changements pour la dernière période (2007 et 2008). opérés sur les marchés et les politiques Toutefois, en appliquant la même méthodo- adoptées ont joué un rôle déterminant dans logie aux prix exprimés en termes réels, la réduction des niveaux des stocks et ont quatre années seulement apparaissent conduit les pays à s’appuyer davantage, de comme significatives en termes de variations manière planifiée, sur les importations pour de prix: 1973 et 1974, 2007 et 2008. couvrir leurs besoins alimentaires. Profitant de ces évolutions, les principaux pays ex- portateurs ont endossé l’habit de premiers triser l’inflation au plan intérieur. Mais contrai- fournisseurs des marchés internationaux. Il rement à la crise actuelle, celle des années n’est donc pas étonnant que lorsque des 70 a été causée par des chocs liés à l’offre, baisses de production se succèdent plusieurs alors que les facteurs liés à la demande années de suite dans ces pays, la tension (notamment la demande de biocarburants) sur les marchés internationaux tend à s’ac- ont joué un rôle considérable dans la crise centuer et la volatilité ainsi que les variations de 2007-08 et leurs effets pourraient être de prix s’amplifient lors d’événements im- durables. prévus. Ce fut précisément le cas dans la Au moment le plus critique de la crise période précédant l’envolée récente des prix. des années 70, les cours internationaux du Dans ce contexte, la demande mondiale riz et du blé s’élevaient respectivement à croissante de produits agricoles, tirés par la 542 USD et 180 USD par tonne. Les prix hausse des revenus et la poussée démogra- atteints au début de 2008 étant nettement phique au niveau mondial, et par l’accrois- supérieurs à ceux observés dans les années sement de la production de biocarburants, 70, on pourrait en conclure que le monde n’a pas permis aux principaux exportateurs traverse une crise analogue. Mais le pouvoir de reconstituer les stocks. d’achat actuel du dollar EU est très différent La volatilité extrême des prix de plusieurs de ce qu’il était alors. L’examen des prix en produits a été un autre facteur suscitant La situation des marchés des produits agricoles 2009 12
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