ABC Analyse & Perspectives - AGRICULTURE ET AGROALIMENTAIRE DE BRETAGNE EN CLAIR - Édition 2022 - Opera Connaissances
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Édition 2022 ABC Analyse & Perspectives AGRICULTURE ET AGROALIMENTAIRE DE BRETAGNE EN CLAIR chambres-agriculture-bretagne.fr
SOMMAIRE P04 Synthèse de l’année 2021 Face aux montagnes russes P06 Contexte politique et économique Egalim 2, pour une meilleure rémunération P08 Alimentation animale Flambée des prix de l’aliment P10 Grandes cultures Jusqu’où ira la flambée des prix ? P12 Lait Un avenir incertain P14 Porc Une organisation consolidée P16 Volailles de chair Un triptyque destructeur P18 Œufs de consommation L’œuf bio dans le dur P20 Viande bovine Une embellie mais des bémols P22 Légumes frais Des coopératives légumières dynamiques P24 Légumes transformés Rattrapage en fin de saison P26 Industries agroalimentaires Une reprise sous tension P28 Entreprises agricoles Des exploitations agricoles moins nombreuses P30 Commerce extérieur Record battu ! P32 Énergie renouvelable Un intérêt économique grandissant P34 Signes officiels de qualité La Bretagne renforce son positionnement P37 Glossaire 2
ÉDITO André SERGENT Président de la Chambre régionale d’agriculture de Bretagne Entre le marché et la loi Sanitaire, climatique, géopolitique, les crises qui se succèdent ne trouveront aucune réponse de long terme dans les postures dogmatiques : pour les uns, le marché qui réglerait les choses et où seul le plus fort s’en sortirait, pour les autres, le législateur et l’État devraient tout régler. Les deux sont hors sujet dans le contexte d’instabilité de ces dernières années. Pour la 3e année, les acteurs de la chaîne alimentaire s’adaptent à une succession de chocs sans précédent et continuent à investir dans des activités essentielles, permettant à la population de manger quotidiennement, avec le soutien actif d’un État redevenu interventionniste. 2021 devait permettre un retour progressif à la normale. La réouverture de la restauration a notamment donné une bouffée d’oxygène. Elle n’en cache pas moins des changements profonds liés notamment à l’essor du télétravail, avec une moindre fréquentation en semaine par exemple. Il s’agit là de transformations vraisemblablement irréversibles. Elles auront à l’évidence des impacts profonds sur le métier des producteurs, sur le maillon transformation, sur la distribution et la restauration. Le rebond 2021 apparait bien fragile avec la crise énergétique qui a accompagné la reprise économique, et portée à un niveau auquel personne ne s’était préparé avec le conflit en Ukraine. Il n’empêche, la Bretagne a quand même battu un record à l’exportation avec 4,7 milliards de chiffre d’affaires. Notre région n’est pas à terre et montre sa capacité de rebond quand il existe une dynamique du commerce extérieur, et quand la Puissance Publique soutient l’activité, comme cela a été le cas dans le cadre du Plan de Relance. En ce début 2022, deux menaces s’amplifient : - d’une part, la poussée inflationniste démarrée dès 2021 sur tous les marchés. Engrais, carburants, alimentation animale, matériaux de construction, tous les prix de nos moyens de production s’envolent, mettant singulièrement sous les projecteurs une forte dépendance énergétique ; - d’autre part, une perspective de pénuries, notamment dans l’hypothèse des pires scénarios sur la durée et la dureté du conflit en Ukraine. La souveraineté alimentaire et la souveraineté énergétique redeviennent des sujets stratégiques pour la France et pour l’Union Européenne. Si l’on a pu retrouver une unité au sein de l’Union pour réinstaurer une solidarité financière dans l’optique de faire face aux conséquences de la pandémie Covid-19, l’Europe est à nouveau mise à l’épreuve sur son projet commun sur les questions alimentaire et énergétique. Avec Egalim 2, la France tente de protéger son agriculture et ses agriculteurs, avec un dispositif que nous qualifions d’hybride dans notre synthèse. Hybride car il demande aux acteurs privés, par la loi, de soustraire aux seules règles du marché une partie de la production française, celle qui est vendue en grande distribution. Une option volontariste d’autant plus difficile à mettre en œuvre dans le contexte hyper inflationniste que nous connaissons. Une option volontariste d’encouragement à notre agriculture qui se heurte aussi aux stratégies européennes « de la ferme à la fourchette » qui exigent des progrès environnementaux, mais ne soutiennent pas aussi fermement l’obligation d’étiquetage promue par la France et poursuivent la signature d’accords de libre-échange. Un sanctuaire ne peut pas seul effacer les excès des marchands du temple, surtout quand autant de crises profondes dérèglent le monde. La souveraineté alimentaire ne peut donc se construire qu’à l’échelle européenne, avec des arbitrages à la hauteur des enjeux de ce début de siècle. Entre l’Europe des marchés et l’Europe des normes, il y a d’abord la démocratie européenne et la paix. Le bien-manger pour tous en est un levier de sécurisation de ces deux conditions sine qua non. 3
SYNTHÈSE DE L’ANNÉE 2021 Arnaud Haye - arnaud.haye@bretagne.chambagri.fr Face aux montagnes russes À peine remises de la crise du Covid, les filières agricoles et agroalimentaires bretonnes doivent affronter les conséquences de la guerre en Ukraine. À la désorganisation des débouchés succèdent la hausse vertigineuse des intrants et le risque de pénurie. Alors que les défis ne manquent pas pour l’agriculture et l’agroalimentaire de la région, ces crises ont le mérite de rappeler à tous que ce secteur économique est essentiel à la stabilité du pays. Après le Covid, l’Ukraine. Une crise chasse l’autre, ra sa logistique. La filière porc voit naître l’AOP du testant les capacités d’adaptation de l’agriculture et Grand Ouest, regroupant dix OP, après trois ans de de l’agroalimentaire bretonne. Malgré tous les défis négociations. Un de ses objectifs sera de renforcer auxquels ce secteur est confronté, il s’impose aux le pouvoir de marché de ses éleveurs adhérents qui yeux d’un nombre grandissant de personnes comme pèsent la moitié de la production nationale et ce un pôle essentiel à conforter dans un monde de plus malgré l’absence dans ses rangs du leader français en plus chaotique. du secteur. 26 355 Ce tableau de 2021 ne serait cependant pas com- plet sans évoquer l’envolée du prix des matières premières. Si le déclenchement de la guerre en SEMI-NORMALITÉ ÉPHÉMÈRE Ukraine en marque le paroxysme, l’inflation des exploitations agricoles 2021 devait permettre un retour progressif à la coûts de production a bien débuté en 2021. bretonnes en 2020 normale, après une année 2020 marquée par les restrictions hors normes liées au Covid. De fait, la restauration retrouve un niveau d’activité intermé- diaire entre 2019 et 2020. Son chiffre d’affaires na- DE L’INFLATION AUX RISQUES DE PÉNURIES tional est en hausse de 16 % par rapport à 2020 mais Que ce soient l’énergie, les engrais, ou les céréales, demeure de 21 % inférieur à 2019. Cela permet de tous ces marchés sont inflationnistes en 2021. La re- donner de l’air à des productions très dépendantes prise économique mondiale, la politique de contrôle de ce débouché et qui avaient particulièrement de production du pétrole menée par l’Opep, la forte souffert en 2019 : les volailles festives et le veau demande de la Chine, les politiques monétaires ex- de boucherie par exemple. Le détail des chiffres pansionnistes sont quelques-unes des raisons pour montrent que la restauration rapide s’en sort bien lesquelles les prix des moyens de production aug- mieux en 2021 (-1 %/2019) que la restauration tradi- mentent fortement pour les agriculteurs. Les éle- 5,7 % tionnelle (-30 %/2019) et que la restauration collec- veurs, en particulier de porcs et de volailles, sont tive (-26 %/2019). Les changements d’habitude des durement touchés par la hausse des prix de l’ali- Français pris ces deux dernières années, et notam- ment. L’Ifip l’évalue à 300 €/tonne en décembre en ment le développement du télétravail, auront des porc, soit une hausse de 17 % en un an. Les ordres de hausse du chiffre répercussions à long terme sur ce secteur. de grandeur sont les mêmes en aviculture. d’affaires des Les chiffres du commerce extérieur confirment que Ce choc inflationniste frappe durement la filière industries agricoles la levée partielle des restrictions a permis un regain porcine alors même qu’elle fait face à des prix de et agroalimentaires des échanges. La Bretagne bat même son record à vente moroses. L’État décide d’intervenir début bretonnes en 2021 par l’export avec 4,7 milliards d’euros de chiffre d’af- 2022 avec un plan d’urgence de 270 millions d’euros rapport à 2020 faires en 2021, en hausse de 8,3 %. Le marché des pour soutenir la filière. produits laitiers en profite plus particulièrement Le déclenchement de la guerre en Ukraine alors que la Chine assoit sa place de premier client ne fait qu’amplifier ce mouvement. Pétrole : de notre région, devant nos voisins européens. In- 132 $/baril, gaz : 200 €/MWh, urée : 1 000 €/tonne, directement, les cotations des bovins bénéficient blé : 380 €/tonne. Si ces prix demeurent volatils, ces aussi largement du dynamisme des échanges euro- ordres de grandeur détonnent par rapport à nos re- péens, les jeunes bovins retrouvant des niveaux de pères. Ils sont le reflet de l’importance qu’occupent valorisation bien plus enviables qu’en 2020. la Russie et l’Ukraine sur ces marchés et peut-être Le rebond des investissements de l’agroalimentaire aussi des phénomènes spéculatifs qui accom- 164 breton en 2021 résume bien l’année. Après un repli pagnent toute crise. Ces deux pays représentent le de 10,5 % en 2020, ceux-ci se redressent de 31,5 %. tiers des exportations mondiales de blé, la Russie Il faut cependant souligner que cette performance fournit 40 % de son gaz à l’UE et 27 % de son pétrole. est aussi permise par les subventions accordées Les conséquences de cette guerre sont imprévi- dans le cadre du plan France Relance. Pas moins sibles car elles dépendront de son évolution. Dans unités de méthanisation de 27 millions d’euros d’aides sont ainsi attribués le meilleur des cas, un règlement rapide du conflit agricole en Bretagne aux outils bretons pour la modernisation des abat- permettrait d’éteindre l’incendie. Dans le pire des en 2021 toirs. D’autres exemples illustrent la volonté des scénarios, une rupture des échanges entre Russie acteurs régionaux de se projeter vers l’avenir. Après et Union européenne, notamment énergétiques, dix ans de travail, la Sica de Saint-Pol met en ser- créerait des pénuries et des rationnements. vice sa nouvelle plateforme logistique qui optimise- Cet évènement met en pleine lumière la dépen- 4
dance énergétique et dans une certaine mesure mentionné que des indicateurs et non des prix alimentaire, de notre continent. Déjà revenue fermes. Est-ce que cela pourrait être exploité sur le devant de la scène à l’occasion de la crise par les acheteurs ? Dans tous les cas, les trans- du Covid, l’indépendance alimentaire, évoquée formateurs, qui devront respecter un prix agri- comme un enjeu de souveraineté, redevient une cole sacralisé sans avoir l’assurance de pouvoir 3 619 priorité. A contrecourant de la stratégie de l’UE reporter leurs propres charges à la distribution, « de la ferme à la fourchette », de plus en plus de n’apprécient guère ces nouvelles dispositions. voix s’élèvent pour exiger que les progrès envi- Au-delà de ces interrogations, la divergence ronnementaux se fassent à condition qu’ils n’en- entre l’approche française et européenne est travent pas le potentiel de production. Comme claire. La France cherche à protéger son agri- fermes bretonnes un symbole, l’UE autorise cette année la mise culture, l’obligation d’étiquetage de l’origine en engagées en bio en 2020 en culture des jachères. Est-ce le signe d’une in- étant le symbole, le blocage de l’accord de libre- flexion durable de sa politique et d’un retour à la échange avec le Mercosur un autre symptôme. fonction première de l’agriculture, qui consiste à L’UE, à l’inverse, continue de parier sur la mise nourrir la population avant tout ? Ou bien simple- en concurrence et l’ouverture des marchés. En ment une mise entre parenthèse d’objectifs en- témoigne l’interdiction de l’étiquetage d’origine vironnementaux qui retrouveront le devant de la s’il n’y a pas de lien avéré entre l’origine du pro- scène une fois les conséquences du conflit apai- duit et ses propriétés. Ou encore la poursuite de sées ? L’avenir le dira. la signature d’accords de libre-échange, celui Si les intentions de l’UE sur son agriculture avec la Nouvelle-Zélande devant aboutir en fin 2,1 % restent encore à affiner, la France, avec l’entrée d’année. en vigueur de la loi Egalim 2 en 2021, affiche sa stratégie nationale : la protection de son agricul- ture. DES DÉFIS MAIS UNE CERTITUDE Dans ce contexte mouvant, l’agriculture bre- de baisse des fabrications tonne continuera à s’adapter. Les risques ne d’aliments bretons en LES GMS COMME SANCTUAIRE ? manquent pas. Sanitaire, avec la FPA aux portes 2021 sur un an L’objectif principal affiché par Egalim 2 est l’amé- de la France et la grippe aviaire de plus en plus lioration de la rémunération des agriculteurs virulente année après année et à la saisonnalité français. Pour ce faire, la loi oblige les acheteurs de moins en moins prévisible, puisque les pre- de produits agricoles à intégrer dans leurs prix miers cas dans l’ouest surviennent en fin d’hiver. les coûts de production des agriculteurs. Pour Renouvellement, avec le dernier recensement simplifier, la loi ambitionne de permettre aux agricole qui montre que le vieillissement des ex- agriculteurs de vendre leurs produits à un prix ploitants bretons se poursuit : 54 % d’entre eux qui garantisse leurs revenus, au moins pour ceux ont actuellement plus de 50 ans. Consommation : qui sont valorisés sur le marché français de la l’érosion du pouvoir d’achat des Français fait pe- 62 ha grande distribution. Il est frappant de voir que ser une menace, au moins à court terme, sur les cette approche prend le contrepied de 30 ans de développements des signes de qualité pourtant Pac. Depuis 1992, l’UE a entamé la libéralisation largement mise en avant par les pouvoirs publics de ses marchés agricoles au terme de laquelle depuis les États Généraux de l’Alimentation, le prix ne doit être fixé que par la seule la loi de comme la conjoncture en œuf et lait bio l’illustre taille moyenne des l’offre et de la demande. A contrario, cette loi en 2021. exploitations bretonnes Egalim 2 vise à soustraire une partie de la pro- Malgré tout cela, cette guerre en Ukraine duction française à cette règle. Les produits pre- confirme ce que la crise du Covid avait déjà fait nant la direction des grandes surfaces (64 % des ressortir : l’agriculture et l’agroalimentaire sont débouchés de l’agriculture française) verraient des activités essentielles pour un pays, puisque leurs prix agricoles sanctuarisés, protégés, dé- si on ne mange pas, on meurt. De violentes crises couplés du reste du marché. Une sorte d’écono- sont parfois nécessaires pour rappeler les évi- mie administrée hybride puisqu’elle repose sur dences. des acteurs privés et non sur des outils de gestion de marchés publics. Ce choix français pose plu- sieurs questions. D’un point de vue fondamental, est-ce que deux marchés décou- plés, fonctionnant sur des principes opposés, peuvent cohabiter ? Quelle sera la réaction des concurrents européens et de l’UE ? D’un point de vue pratique, est-ce que les fournisseurs euro- péens bénéficieront de ces règles ? Cette tension entre approches européenne et française et vis-à-vis de ce qu’il est possible de régu- ler juridiquement ressort dans la loi, puisqu’il n’est 5
CONTEXTE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE Mary Henry - mary.henry@bretagne.chambagri.fr Egalim 2, pour une meilleure rémunération Trois ans après la loi Egalim, une nouvelle loi dite Egalim 2 a été promulguée le 19 octobre 2021 afin d’améliorer la rémunération des agriculteurs français en rééquilibrant les relations commerciales entre les différents maillons de la chaîne alimentaire. La contractualisation obligatoire entre les agriculteurs et leurs premiers acheteurs, et la sanctuarisation du prix de la matière première agricole sont au cœur de cette nouvelle loi. LES CONTRATS ÉCRITS PLURIANNUELS La mise en œuvre des contrats GÉNÉRALISÉS ET OBLIGATOIRES pluriannuels est progressive Les coopératives Avec Egalim 2, la contractualisation écrite entre les agriculteurs et leurs premiers acheteurs devient 2022 sont concernées par Egalim 2 : elles doivent obligatoire, pour une durée minimale de 3 ans. L’objectif 1er janvier - Jeunes bovins non castrés de 12 à 24 mois est bien sûr de donner plus de visibilité aux producteurs - Vaches et génisses de race à viande modifier leurs statuts - Bovins sous signes officiels de qualité agricoles. De tels contrats étaient jusqu’ici réservés à ou règlement intérieur - Porcs castrés un nombre restreint de filières (laitière notamment). Le en assemblée générale contrat doit comporter une clause relative au prix de vente - Lait de chèvre pour s’y conformer, et basé sur les indicateurs de coûts de production ainsi - Lait de vache informer leurs associés- qu’une clause de renégociation automatique des prix, à 1er juillet - Bovins viande mâles ou femelles maigres coopérateurs sur leur la hausse ou à la baisse, en cas d’évolutions des coûts moins de 12 mois rémunération de production. À noter que les contrats d’intégration en 1er octobre - Lait de brebis volailles et veaux de boucherie ne sont pas concernés. 2023 De même les interprofessions peuvent décider d’exclure certains produits. 1er janvier - Tous les autres produits agricoles LE PRIX DE LA MATIÈRE PREMIÈRE AGRICOLE CGV : trois options pour présenter le prix SANCTUARISÉ des matières premières agricoles Egalim 2 rend non-négociable, entre les industriels et les distributeurs, la part du prix correspondant au coût OPTION 1 : détailler la part de chaque produit agricole Un tunnel de prix des matières premières agricoles. Ce principe de non- dans le tarif fournisseur expérimenté pour la négociabilité s’applique à tous les produits alimentaires filière « bovins viande » : (sauf exceptions : produits bruts notamment), quelle OPTION 2 : afficher la part agrégée des matières le contrat entre un que soit la part de produits agricoles dans le produit premières agricoles dans le tarif fournisseur éleveur et son acheteur fini. Autrement dit, la négociation des prix des produits OPTION 3 : faire appel à un tiers indépendant pour doit comporter une alimentaires entre acteurs aval (industriels, coopératives, certifier que les éléments sur les matières premières clause fixant des bornes et distributeurs) ne pourra plus porter sur la part de agricoles sont exacts, ou que la négociation n’a pas minimales et maximales la matière première agricole composant un produit porté sur celles-ci à l’intérieur desquelles le alimentaire. Dans le cadre de la convention entre prix peut varier fournisseur et distributeur, le fournisseur doit faire Pour les options 1 et 2, la convention conclue entre le figurer le prix des matières premières dans les conditions fournisseur et son acheteur doit comporter une clause générales de vente (CGV) selon une des trois options de révision automatique des prix en fonction de la décrites ci-contre. variation du coût des matières premières agricoles. DES RESTRICTIONS POUR UTILISER LE DRAPEAU FRANÇAIS ET EXPÉRIMENTATION DU « RÉMUNÉRA-SCORE » A l’occasion du salon Un comité de règlement La loi Egalim 2 rend obligatoire l’étiquetage de l’origine international de l’agriculture des différends des produits agricoles, sous réserve qu’il existe un lien début mars 2022, l’enseigne commerciaux agricoles avéré entre l’origine et les propriétés du produit. Par de distribution Lidl et la ailleurs, il est désormais interdit de faire figurer un FNB (Fédération Nationale est créé. Il interviendra drapeau français, une carte de France ou tout autre Bovine) ont annoncé qu’ils pour résoudre les symbole français sur un emballage alimentaire lorsque allaient expérimenter l’affichage du rémunéra-score conflits en cas d’échec les ingrédients ne sont pas d’origine française. Dans les dans les prochains mois sur tous les produits issus de de la médiation devant le établissements faisant uniquement de la vente à emporter contrats tripartites sur des races à viande vendus dans médiateur des relations ou de la livraison à domicile, l’origine des viandes doit les supermarchés Lidl en France. commerciales obligatoirement être affichée. Et pour certains produits La note A+ correspond à une viande rémunérée au (lait, viande bovine et produits certifiés AB), l’affichage producteur sur la base du coût de production émise d’éléments relatifs aux conditions de rémunération des par l’interprofession. La note F correspondrait au prix producteurs (le « rémunéra-score ») va être expérimenté. moyen du marché. 6
Actualités UNE MISE EN ŒUVRE DANS UN CONTEXTE DE PRIX INÉDIT Cette nouvelle loi Egalim 2 est entrée en application dans un contexte d’ex- trême hausse des coûts de production avec la flambée des prix de tous les intrants agricoles (céréales, énergie, engrais…) et industriels (emballage, transport, énergie…). Très faible les an- nées précédentes, l’inflation a donc fait son entrée dans l’équation des négo- ciations commerciales, rendant encore plus complexe cet exercice annuel. tions alors qu’ils viennent de signer taires concernés, Egalim 2 introduit un Comment, en effet, concilier l’objectif les contrats avec les distributeurs. certain nombre d’obligations, globale- d’Egalim 2, à savoir mieux rémunérer Egalim 2 a d’ailleurs introduit la créa- ment favorables aux fournisseurs, no- les agriculteurs en prenant davantage tion d’une clause générale de renégo- tamment : en compte leurs coûts de production ciation des prix activable en fonction de • l’appel d’offres et le contrat devront qui explosent, tout en préservant le l’évolution des coûts industriels pour mentionner un engagement relatif au pouvoir d’achat des consommateurs ? les contrats aval, ce qui devrait facili- volume prévisionnel, Les négociations commerciales 2022 ter le processus. Courant mars, l’ABEA sur les marques nationales se sont (Association Bretonne des Entreprises • le contrat doit en outre faire figurer terminées le 1 mars. D’après les pre- er Agroalimentaires) a diffusé une tribune une obligation de prévenance dans un miers éléments communiqués par les dans laquelle elle pointe le risque de délai raisonnable, afin de permettre au parties prenantes, l’inflation sera per- désolidarisation entre les maillons des fabricant d’anticiper des éventuelles ceptible sur les produits alimentaires, filières agroalimentaires et d’un affai- variations de volume, mais moins que ce que les industriels blissement collectif. Pour l’éviter, elle • l’obligation de faire figurer dans le souhaitaient. En effet selon l’Ania (As- réclame, outre des mesures d’urgence contrat la durée minimale de préavis sociation Nationale des Industries Ali- exceptionnelles pour soutenir les en- et d’écoulement des stocks en cas de mentaires) et la Coopération agricole, treprises, la mise en œuvre de la ré- rupture du contrat et une clause de les négociations auraient abouti sur une vision automatique des tarifs en cours répartition des coûts additionnels au prise en compte partielle de la hausse d’année. Le 31 mars, sous l’impulsion cours du contrat, de leurs coûts se traduisant par une du gouvernement, les fédérations inflation de l’ordre de 3 % en moyenne représentant les industriels et les • l’interdiction de faire supporter au fa- pour les produits alimentaires sous distributeurs ont signé une charte en- bricant le financement des opérations marques nationales. Cependant, se- gageant leurs adhérents à respecter promotionnelles des produits MDD, lon ces deux structures, ces hausses certains « principes » dans le cadre de • le contrat doit également comporter de tarifs acceptées au forceps par les la réouverture des négociations com- une clause de révision automatique distributeurs, sont très loin de couvrir merciales sur les tarifs des produits des prix en fonction de la variation du les hausses des coûts de production alimentaires, réouverture qui semble des industriels. En moyenne le besoin coût des matières premières agricoles donc acquise. de revalorisation se situait plutôt aux supporté par le fabricant. A noter que alentours de 7 % : 3 % correspondant ET POUR LES MDD ? certains acteurs industriels auraient à la hausse des matières premières Oubliés de la loi Egalim 1, les produits souhaité que les législateurs aillent agricoles (MPA), et 4 % correspondant alimentaires vendus sous marque plus loin, notamment en imposant à la hausse des autres intrants in- de distributeur (MDD), qui occupent une durée minimale de trois ans pour dustriels (emballage, énergie, logis- une place croissante dans les rayons les contrats MDD. Ils reconnaissent tique…). Ainsi, il semble que la sanc- des grandes surfaces, sont égale- néanmoins qu’il s’agit d’un premier pas tuarisation du coût de la MPA a bien ment intégrés dans le champ de la loi dans le bon sens, qu’il faut désormais fonctionné mais les centrales d’achats Egalim 2. Pour les produits alimen- concrétiser. n’ont en revanche pas accepté de prendre en Non négociabilité du prix des matières premières agricoles : un exemple compte les hausses des coûts industriels (entre 0 et 1 % selon les enseignes). À la ques- Emballages, énergie, transport, tion posée plus haut, il semble donc que la va- main d’œuvre, marge… riable d’ajustement des = 96 % du tarif fournisseur négociations commer- = PART NÉGOCIABLE ciales 2022 ait été les ac- teurs industriels. Dans le contexte d’explosion des prix des intrants ag- Prix de la farine de blé, du sucre, gravé par le conflit rus- œufs, cannelle importée… so-ukrainien, il n’est pas = 4 % du tarif fournisseur surprenant que ces der- niers souhaitent revenir = PART NON-NÉGOCIABLE à la table des négocia- 7
ALIMENTATION ANIMALE Florian Martial - florian.martial@bretagne.chambagri.fr Flambée des prix de l’aliment Une hausse des prix de l’aliment a atteint la Bretagne en 2021 avec des secteurs porcs et volailles particulièrement touchés. La hausse des prix mondiaux des matières premières agricoles se répercute sur la nutrition animale. Grâce à leurs stocks, les entreprises de trituration d’aliments ont pu lisser leurs prix jusqu’en juin 2021. Mais avec les retards de paiement, la trésorerie des usines n’a pas suffi à limiter l’explosion des prix au 2d semestre. ACTIVITÉ Baisse sur un an de l’activité des Le secteur de l’alimentation animale perd des volumes fabricants d’aliments bretons en 2021 d’activité depuis des années en Bretagne. Néanmoins, -2% les volumes s’étaient stabilisés en 2020. En 2021, la 730 000 710 000 chute de la fabrication animale bretonne reprend avec 690 000 -2,1 % de production annuelle par rapport à 2020. La 670 000 En tonnes baisse de production bretonne suit finalement, mais 650 000 630 000 de manière amplifiée, les tendances françaises (-0,6 % dans les volumes 610 000 annuelle). Elle est en majorité due à la diminution de la 590 000 d’aliments fabriqués production d’aliments pour porcins (-3,2 % en Bretagne, 570 000 en 2021 par rapport à la 550 000 -2 % au niveau national) et pour volailles (-2,7 % contre moyenne 2016-2020 s nv ût in pt ov v c ill r t ai ar Oc Fé Dé Av Ju Ao Se M Ju Ja N -0,6 % respectivement). L’aliment pour bovins bretons M s’en sort plutôt bien avec +2,7 % de production en 2021, 2021 Moyenne 2016-2020 cependant que la tendance nationale est à la baisse très Source : Coop de France Nurition Animale et SNIA au 11/03/2022 légèrement (-0,5 %). DYNAMIQUES DE MARCHÉ Les prix des matières premières Après la première explosion des prix des matières continuent sur leur lancée en 2021 premières du 2nd semestre 2020, les prix tendaient 600 à se stabiliser voire à diminuer dans les premiers Prix rendus centre Bretagne en €/tonne 550 Un tourteau de soja à majorations mensuelles incluses mois de l’année 2021 avant de repartir à la hausse au 500 qualité alimentation animale presque 2nd semestre. Le blé fourrager a atteint un sommet à 450 A pour pois et blé 400 Tourteau de soja 283 €/tonne en novembre. La hausse annuelle est 500 Tourteau de colza 350 de 30 %. Les prix du maïs ont atteint un maximum à 300 250 320 €/tonne en août pour une augmentation des prix de Pois standard 200 +26 % sur l’année. Les prix du pois, des tourteaux de colza 150 Maïs Blé fourrager €/t et de soja ont flambé à partir de juillet pour atteindre 100 respectivement 364 €/tonne (+24 % annuellement), 20 21 22 0 1 19 20 21 9 0 1 r2 r2 t1 t2 t2 nv nv nv il il il oc oc oc av av ju ju ju 388 €/tonne (+13 %) et 499 €/tonne (+5 %) en janvier 2022. ja ja ja Pour résumer, les prix à la clôture de 2021 ont dépassé Source : Terres Univia au 07/03/2022 ceux des campagnes des trois dernières années. EN COMPLÉMENT Explosion du prix de l’aliment pour porc +17 La progression du prix de l’aliment industriel pour porc en 2021 à l’engraissement calculé par l’Ifip continue tout au long de l’année 2021. En début d’année déjà le prix dépassait 300 % 260 €/tonne. Il atteint 300 €/tonne en décembre soit 290 280 une hausse annuelle de 44 €/tonne (+17,2 %). Le prix En €/tonne sur un an, c’est la hausse 270 de l’indice de prix de moyen sur l’année est de 280 €/tonne soit une hausse 260 l’aliment pour poulet de 31,7 €/tonne par rapport à 2020. Début 2022, les 250 240 standard en janvier 2022, prix de l’aliment continuent leur inflation. Compte tenu 230 calculé par l’Itavi de la guerre russo-ukrainienne actuelle, les prix de 220 l’alimentation animale pourraient largement continuer Janv Fév Mars Avril Mai Juin Juil Août Sept Oct Nov Déc sur cette lancée. 2018 2019 2020 2021 Source : IFIP au 09/03/2022 8
le mag La revue des Chambres d’agriculture de des agriculteurs Bretagne Mai 2022 P.10 P.21 P.26 P.31 Recensement agricole Le référent bien-être animal Réglementation bio Les choucas des tours #01 Toute l’expertise, les dernières références, les conseils techniques et les informations pratiques et réglementaires des RETROUVEZ CHAQUE MOIS Chambres d’agriculture pour votre exploitation le mag des Agriculteurs GRATUITEMENT chez vous NOUVEAU de Bretagne sur www.chambres-agriculture-bretagne.com Le-Mag@bretagne.chambagri.fr
GRANDES CULTURES Florian Martial - florian.martial@bretagne.chambagri.fr Jusqu’où ira la flambée des prix ? Les pluies de juillet ont affecté la qualité et la quantité de la récolte 2021 en Bretagne. La situation devrait s’améliorer pour la nouvelle campagne avec une reconquête des surfaces perdues de blé tendre suite à l’augmentation des prix. Toutefois, la hausse du coût de production et les difficultés potentielles d’accès aux engrais pourraient pénaliser la production. En ce début d’année 2022, l’invasion de l’Ukraine rend le futur des filières grandes cultures bretonnes difficilement prévisible. PRIX ET REVENUS Le prix moyen du blé payé aux A l’issue du 1 semestre de la campagne de er producteurs bretons s’accroît 193 commercialisation 2021/2022, le prix moyen du blé payé au 1er semestre de 2021/2022 aux producteurs bretons a dépassé les 193 €/tonne, Campagne de soit 21 % de plus qu’à la fin du 1er semestre 2020/2021. 200 commercialisation 2020-2021 Il était déjà de 179 €/tonne en début de campagne, soit 190 2016-2017 180 2017-2018 supérieur de 26 % à celui du 1er trimestre de la campagne 2018-2019 €/tonne de commercialisation de 2020/2021. 170 €/tonne 160 2019-2020 150 2021-2022 Le prix moyen du blé Plus de 1,7 million de tonnes de blé ont été collectées 140 Trimestre de commercialisation payé aux producteurs en Bretagne le premier semestre de commercialisation 130 120 1T : prix au 30/09 2021/2022 contre 1,1 million lors de la campagne 2T : prix au 31/12 bretons au 1er semestre de 110 3T : prix au 31/03 médiocre de l’an passé. La hausse spectaculaire 100 4T : prix au 30/06 commercialisation 1T 2T 3T 4T des cours a pu compenser la hausse des coûts de 2021-2022 production. Si l’accès aux engrais s’avère difficile du fait Source : FranceAgriMer au 11/03/2022 du conflit russo-ukrainien, les rendements et la qualité des grains pourraient être pénalisés en 2022. 2021/2022 : nouveau record de production et de consommation DYNAMIQUES DE MARCHÉ de céréales dans le monde Cela fait maintenant quatre années que les stocks 2400 800 mondiaux n’ont pas augmenté et ils devraient rester 2200 Production 700 Stocks en millions de tonnes Consommation Production et consommation 2000 stables selon les projections. La production de céréales 410 1800 600 en millions de tonnes 2021/2022 atteint à nouveau un record avec 2 286 millions 1600 500 de tonnes produites soit un million de moins que la 1400 1200 Stocks 400 consommation mondiale. 1000 300 Le ratio stock/consommation du blé est confortable et 800 600 200 stable depuis l’année dernière (35 %). A contrario, le stock 400 €/tonne rendu Rouen du soja est plutôt inquiétant. Il est attendu à 16 Mt pour 200 100 pour le blé tendre en la période 2021/2022 soit seulement un million de tonnes 0 0 02 st. . mars 2022 20 09 20 10 20 11 20 12 13 3 20 014 15 5 20 016 17 7 18 8 20 19/ 9 20 /20 0 oj 20 2/1 20 201 20 201 20 201 20 201 2 e pr de plus qu’à la période 2020/2021 qui avait vu le stock / / / / 20 20 08 09 10 11 /2 /2 21 21 1 / / / / 2 20 14 16 /2 de soja chuter, passant de 24 Mt à 15 Mt. Le ratio stock/ consommation du maïs reste peu élevé (24 %) bien que Source : Conseil International des Céréales au 07/03/2022 les stocks aient augmentés de 10 Mt. AUTRES ÉLÉMENTS +21 % de surfaces de blé en Bretagne par Les surfaces de blé tendre breton ont augmenté de 2 % rapport à la campagne précédente en 2021 par rapport à la moyenne des cinq dernières +45 % en 1 000 hectares années. En 2020, elles avaient baissé de 21 %. La Bretagne -14,9 Maïs fourrage a emblavé 54 500 ha de cultures en 2021. -0,3 Pois protéagineux Les cultures de triticale gagnent 10 100 hectares en -3,0 Colza Bretagne. Cela représente +45 % de surfaces par rapport 0,3 Autres céréales à la campagne précédente et +44 % par rapport à la 10,1 Triticale C’est l’accroissement des moyenne des cinq dernières années. -35,3 Maïs (grain et semences) surfaces de triticale en La surface de maïs grain-semences augmente de 12 % 0,7 Avoine Bretagne en 2021 par rapport à la moyenne quinquennale bien qu’elle se -14,6 Orge soit réduite 35 300 ha par rapport à l’an passé où la culture 54,5 Blé tendre avait connu une explosion de ses surfaces (+51 000 ha Céréales 15,8 annuellement). L’orge et l’avoine perdent plus de 10 % de leurs surfaces par rapport aux dernières années. Source : Agreste - situation mensuelle au 09/03/2022 10
Les dynamismes de marchés en 2021 La fin de campagne de commercialisation 2020/2021 s’est céréales relance l’intérêt des fabricants d’aliments de bétail achevée avec des prix fluctuants sur les marchés. Avec un pour les protéagineux. pic à 224 €/tonne en février 2021 et des prix jonglant autour En ce début d’année 2022, la guerre en Ukraine rend im- des 215 €/tonne au 2nd semestre, la campagne 2020/2021 prévisible les marchés avec un cours du blé qui a déjà terminait déjà avec le cours du blé tendre (rendu Rouen) le dépassé les 410 €/tonne. Le maïs a également bondi à plus haut de ces dernières années (209 €/tonne en juin 2021 360 €/tonne. contre 179 €/tonne en juin 2020). Depuis, le cours du blé tendre a enregistré une croissance exponentielle avec un démarrage à 207 €/tonne en juillet, au début de la campagne 2021-2022. En décembre 2021, le cours avait bondi de 35 % par rapport à décembre 2020. Les causes de cette hausse des cours sont multiples. Parmi ces causes : les mauvaises récoltes européennes de 2020, les vagues de froid en Ukraine et en Russie ne protégeant pas assez les cultures, la diminution des stocks mondiaux de blé à l’échelle mondiale et la forte demande chinoise en cé- réales. En début d’année 2021, l’instauration d’une taxe russe à l’export dans le but de protéger le marché intérieur rajoute encore une tension supplémentaire sur les marchés. L’augmentation du cours du maïs, liée notamment aux sé- cheresses en Amérique du Sud et à la mauvaise récolte étasunienne, a également tiré le cours du blé à la hausse par effet de ricochet. Les cours étaient de 212 €/tonne en avril 2021 et ont terminé à 250 €/tonne en décembre avec un pic annuel à 267 €/tonne. Les difficultés d’accès aux engrais et l’explosion de leur coût pourraient pousser les pays produc- teurs à se focaliser sur des cultures moins exigeantes en in- trants comme le soja. Les protéagineux n’ont pas échappé à la hausse des cours. Le pois alimentaire est passé de 265 €/tonne en avril 2021, à environ 330 €/tonne en décembre. La flambée des prix des 11
LAIT Olivier Carvin - olivier.carvin@bretagne.chambagri.fr Un avenir incertain Le prix du lait payé au producteur a connu une forte hausse en 2021, conséquence d’un marché mondial des commodités laitières sous tension, en particulier depuis l’automne. Néanmoins, cette hausse des prix permet tout juste de compenser l’accroissement des charges qui pèsent sur les producteurs. Par ailleurs, entre diminution des cheptels, renouvellement des générations et crise du lait bio, la production bretonne doit faire face à de nombreux enjeux. PRIX ET REVENUS Un prix du lait en forte hausse Après un léger repli en 2020, le prix du lait est reparti à 390 23 000 378 la hausse en 2021, avec une croissance de la moyenne 370 369 annuelle de 4,8 %. Le prix du lait breton, toutes primes 357 Prix payé aux éleveurs bretons 356 352 et qualités prises en compte, atteint ainsi 369 € les 1 000 350 341 341 (€/1 000 litres) 338 litres, soit la 2e meilleure moyenne annuelle de ces dix 330 dernières années, après 2014. 327 320 €/UTA Le revenu disponible des exploitations spécialisées en 310 C’est le résultat courant lait conventionnel du réseau Inosys Grand Ouest s’établit 290 295 avant impôts des en 2021 à 32 000 €/UMO, soit 6 000 €/exploitant de plus 270 éleveurs laitiers bretons que la ferme laitière moyenne de l’Ouest selon le Rica. spécialisés en 2020 Le principal facteur explicatif de cette différence de 250 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 revenu est le niveau de production par vache plus élevé Source : enquête mensuelle laitière SSP-FranceAgriMer au (+800 litres/VL). 18/03/2022 DYNAMIQUES DE MARCHÉ Des livraisons bretonnes de lait En 2021, la collecte bretonne a atteint 5,3 Mds de litres, ce en faible repli qui correspond à un recul de -0,53 % par rapport à 2020. 5 500 Au niveau national, le recul est plus prononcé : -1,5 %. 5436 5443 19 809 5426 Au printemps, il a été observé une hausse de la collecte 5 400 5392 5394 5366 liée à la bonne productivité des prairies. Cependant, à Livraisons bretonnes de lait 5294 partir de septembre, la collecte bretonne a décroché. Cela en millions de litres 5 300 5240 est dû à une diminution de l’usage des concentrés dont le 5 200 prix s’est fortement accru cette année. En effet, l’indice 5162 5135 C’est le nombre de vaches des prix « Ipampa - aliments achetés » a augmenté de 5088 5 100 laitières en moins dans 13,6 % en un an. le cheptel breton entre le À ces éléments conjoncturels s’ajoute l’érosion 5 000 31/12/2020 et le 31/12/2021 structurelle du cheptel breton. En décembre 2021, le 4 900 nombre de vaches laitières présentes sur le territoire 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 est en recul de 2,6 % par rapport à décembre 2020. Le Source : Agreste - FranceAgriMer - SAA, enquête mensuelle laitière cheptel diminue pour la 4e année consécutive. au18/03/2022 Des exportations bretonnes de plus en plus tournées vers les marchés extra-européens AUTRES ÉLÉMENTS 900 12 % Les exportations de l’ensemble des produits laitiers de 800 Montant des exportations (M€) la Bretagne augmentent en valeur de 8,7 % en 2021. La 700 croissance est tirée par la Chine, qui devient le 1er client 600 496 392 426 de la région, et par le marché européen. En revanche, les 500 336 exportations bretonnes de la catégorie « produits laitiers 400 C’est la part en valeur et fromages » chutent en Algérie (-60,8 %), en raison de 300 de la Chine dans les l’arrêt des importations de poudres de lait à partir de 200 exportations bretonnes septembre, et au Royaume-Uni (-40,9 %), principalement 100 301 333 314 333 sur les fromages. À noter la mondialisation croissante 0 2018 2019 2020 2021 de la production bretonne, la part « hors UE » des UE Pays tiers exportations passant de 57,5 % en 2020 à 59,8 % en 2021. Source : Douanes au 11/02/2022 12
Les dynamismes de marchés en 2021 En 2021, la production laitière connaît et des engrais qui conduit à réduire leur cours des produits laitiers, en particu- un repli dans plusieurs des principaux usage et joue à la baisse sur la produc- lier depuis l’automne : +67 % sur le prix bassins exportateurs mondiaux, no- tivité des vaches laitières, et des condi- du beurre et +49 % sur les poudres de tamment : -3,3 % en Nouvelle-Zélande tions météorologiques défavorables lait écrémé en un an. Cependant, cette et -2,1 % en Australie. Seuls les Etats- en Nouvelle-Zélande. À l’opposé, la hausse ne se répercute pas avec la Unis voient leur production augmenter demande chinoise a été particulière- même ampleur sur le prix du lait payé en 2021 par rapport à 2020 : +1,4 %, ment dynamique cette année : +15 % aux producteurs français, les opéra- mais la dynamique depuis l’automne sur le beurre, +31 % sur la poudre de teurs profitant peu de cette valorisa- est à la baisse. Par exemple, sur le seul lait écrémé, +38 % sur la poudre de lait tion des produits laitiers en raison de mois de janvier 2022, la production est entier. Seules les poudres de lait in- contrats engagés avant la hausse des inférieure de -1,6 % par rapport à jan- fantiles ont été délaissées par le géant cours sur les marchés mondiaux. Ain- vier 2021. Les raisons sont diverses : asiatique, ceci étant dû à une chute de si, l’augmentation du prix du lait payé diminution tendancielle du cheptel la natalité infantile. Cette discordance au producteur breton (+10,5 % entre dans plusieurs pays européens, aug- entre offre et demande au niveau mon- décembre 2020 et décembre 2021) ne mentation des coûts des compléments dial entraîne une hausse marquée des permet pas de compenser l’accroisse- ment des charges mesuré par l’indice Les éléments de marché Effet attendu Ipampa – Lait de vache (+12,7 % sur la à surveiller en 2022 sur le marché même période). En France, la consommation des mé- Le coût de l’énergie. Un maintien du coût des intrants à des nages est à la baisse pour tous les pro- niveaux élevés aura un impact sur la production des principaux duits laitiers par rapport à 2020, suite bassins exportateurs, en particulier en Europe et aux Etats-Unis. à la réouverture progressive de la res- La demande chinoise. Si l’hypothèse de constitution de stocks en tauration hors domicile. Néanmoins, 2021 est avérée, la demande chinoise pourrait ralentir en 2022, en comparaison avec 2019, les achats ce qui dénouerait les tensions sur les marchés des matières des ménages sont en progression sur grasses. tous les produits laitiers convention- Egalim 2. Les négociations commerciales se réalisent dans le nels hors laits liquides. Les crèmes, cadre de la mise en œuvre d’Egalim 2, qui prévoit notamment que en particulier, sont plébiscitées : la les prix de production soient pris en compte dans les contrats. Cependant, nous n’aurons une visibilité sur l’impact de cette loi ? consommation des ménages a aug- menté de 10 % entre 2019 et 2021, tra- qu’à partir de la fin de l’année 2022. duisant l’attrait du fait-maison. Actualités de la filière À RETENIR EN 2021 La filière laitière bio fait face à une crise de surproduction. Portée par des conditions météorologiques favorables et par une vague de conversions qui n’a pas cessée depuis 2016, la collecte régionale s’est accrue de 14,2 % en un an tandis que la consommation des ménages a chuté sur tous les produits laitiers par rapport en 2020. Cepen- dant, 2020 avait été une année excep- tionnelle en termes de consommation des ménages, et la situation est moins de 50 ans. Cet enjeu est particulière- ciations commerciales indiquent que préoccupante comparée à 2019 : seule ment crucial pour les filières d’élevage sur une moyenne de 7 % d’accroisse- la consommation de beurre (-3 %) et et notamment la filière laitière : la Bre- ment des charges de production, de d’ultra-frais (-8 %) est déclinante. Les tagne a déjà perdu 25 % de ses exploi- collecte et de transformation, seuls 3 collecteurs ont eu recours à diffé- tations en bovin lait en dix ans (baisse à 4 %, correspondant à l’accroissement rentes solutions pour faire face à cette allant de 22,5 % en Ille-et-Vilaine à 29 % du coût des matières premières, ont situation : arrêt des conversions hors dans le Morbihan), et les effectifs de été pris en compte dans les contrats installations, déclassement d’une par- vaches laitières ont été réduits d’un négociés entre industriels et distribu- tie de la collecte en lait conventionnel tiers sur cette même période. teurs. Ces résultats sont jugés insuf- sans OGM, etc. En décembre 2021, le À travers l’entrée en vigueur d’Egalim fisants, notamment au regard des ten- lait bio breton s’est vendu 2,8 % moins 2, les relations entre les acteurs de sions sur les marchés provoquées par cher qu’en décembre 2020. la filière constitueront un autre enjeu la guerre russo-ukrainienne. LES ENJEUX DE LA FILIÈRE POUR majeur en 2022. Il existe une attente A ce titre, la structuration de la partie 2022 ET LES ANNÉES SUIVANTES forte vis-à-vis de la mise en œuvre amont en OP puis en AOP, ainsi que le L’enjeu majeur qui ressort du recen- d’Egalim 2 pour prendre en compte les développement des contrats tripar- sement agricole 2020 est le renou- hausses du montant des charges de tites, constituent autant d’opportunités vellement des générations. Plus de la production dans les négociations de de peser dans la balance des négocia- moitié des chefs d’exploitation ont plus prix. Les premiers retours des négo- tions sur l’ensemble de la filière. 13
Vous pouvez aussi lire