ALGÉRIE : LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT SACRIFIÉS SUR L'AUTEL DE LA POLITIQUE Mounir ABI - Cf2r.org
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Centre Français de Recherche sur le Renseignement 1 ALGÉRIE : LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT SACRIFIÉS SUR L'AUTEL DE LA POLITIQUE Mounir ABI Rapport de recherche #26 Février 2020
2 PRÉSENTATION DE L’AUTEUR Mounir ABI est un spécialiste reconnu des questions de terrorisme, journaliste au Temps d’Algérie, quotidien de langue française. Il a auparavant travaillé dans plusieurs autres journaux algériens (Le Soir d'Algérie, Le Matin, Le Quotidien d'Oran, Le Temps d'Algérie, Le Jour d'Algérie et le journal satirique El Manchar) où il a été en charge de ce sujet. C’est également un caricaturiste de talent, dont les dessins ont été publiés dans ces mêmes journaux et qui lui ont valu, en 1985 et 1986, d’obtenir le premier prix du concours national de bande dessinée organisé par le comité des fêtes de la ville d’Alger. Étudiant en biologie à l’Université des Sciences et de la Technologie (USTHb) de Bab Ezzouar, il a embrassé la carrière de journaliste en 1989, après les premiers attaques terroristes islamistes en Algérie. Gravement blessé lors d’un attentat perpétré par le Groupe islamique armé (GIA) en 1996, il a continué à enquêter sur les terroristes, leurs réseaux et leurs actions, réalisant notamment des reportages dans les fiefs du Groupe islamique armé. Il a également rencontré de nombreux chefs repentis du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC, devenu Al-Qaïda au Maghreb islamique/AQMI), après leur décision de déposer les armes. Il s’est enfin rendu à Kidal, au Mali, en 2012, où il a rencontré des djihadistes d’Ansar Eddine avant le déclenchement de l’opération Serval. Mounir Abi est l’auteur d’un autre rapport de recherche publié par le CF2R : Le financement criminel du terrorisme algérien, Rapport de recherche n°24, Décembre 2018 (https://cf2r.org/ recherche/le-financement-criminel-du-terrorisme-algerien/).
ABOUT THE AUTHOR 3 Mounir ABI is a journalist with Le Temps d'Algérie, a French- language newspaper. He is a acknowledge expert in terrorism issues. He previously worked in several other Algerian newspapers (Le Soir d'Algérie, Le Matin, Le Quotidien d'Oran, Le Temps d'Algérie, Le Jour d'Algérie and the satirical newspaper El Manchar) where he was in charge of this subject. He is also a talented caricaturist, whose drawings are published in these same newspapers and which led him, in 1985 and 1986, to win the first prize in the national comic book competition organized by the city of Algiers. A student in biology at the University of Science and Technology (USTHb) of Bab Ezzouar, he became a journalist in 1989, after the first islamist terrorist actions in Algeria. Seriously injured in an attack perpetrated by the Armed Islamic Group (GIA) in 1996, he continued working on terrorist groups, networks and activities through reports in the Armed Islamic Group strongholds. He met with many repentant leaders of the Salafist Group for Preaching and Combat (GSPC, today Al-Qaeda in the Islamic Maghreb/AQIM), after they decided to surrender. He also traveled to Kidal, Mali, in 2012, where he met with jihadists from Ansar Eddine, before operation Serval. He is the author of another research report published by the CF2R : Le financement criminel du terrorisme algérien, (The criminal financing of Algerian terrorism), Rapport de recherche n°24, Décembre 2018 (https://cf2r.org/recherche/ le-financement-criminel-du-terrorisme-algerien/ in French, with English summary).
4 RÉSUMÉ ALGÉRIE : LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT SACRIFIÉS SUR L'AUTEL DE LA POLITIQUE Les services de renseignement algériens ont été pour devenir Délégation générale de la prévention et créés pendant la guerre d'indépendance sous l'impul- de la sécurité (DGPS). Ce nouveau service ne vécut que sion du militant nationaliste Abdelhafid Boussouf. quelques mois, bientôt remplacé par la Délégation Successivement dénommés MALG (ministère de générale à la documentation et à la sécurité (DGDS). En l’Armement et des Liaisons générales), puis Sécurité 1991, en pleine crise politique, est créé le Département militaire (SM), ils ont pu opérer dans la discrétion du Renseignement et de la Sécurité (DRS), dissous à jusqu’à la fin des années 1970. son tour en 2019 par le clan présidentiel. Mais depuis cette date, ils ont été malgré eux De telles pratiques ont eu des conséquences très constamment impliqués dans des querelles politiques néfastes sur la capitalisation d’expérience au sein des et se sont vus médiatisés à outrance en 1979 et de différents services, mais aussi sur l’efficacité de la lutte 2013 à 2019, ce qui leur a fait perdre le caractère contre le terrorisme et sur les investigations contre confidentiel qui faisait leur efficacité. la corruption. Au cours des quatre dernières décennies, les services Ce rapport rappelle certains faits connus du grand de renseignement et de police algériens chargés public et en dévoile d’autres, inconnus jusqu’à ce jour, de lutter contre le terrorisme ou de combattre la dans le but d'alerter contre ces comportements qui ne corruption ont systématiquement vu, en dépit de servent pas l'Etat de droit et afin d’appeler au respect leurs succès et de leur efficacité, leurs actions et leur du travail réalisé par les services de renseignement existence remises en cause par le pouvoir, soit qu’il et d’enquêtes, qui oeuvrent au profit de la sécurité ait décidé de négocier avec les terroristes islamistes, nationale et de la lutte contre les comportements soit que ses représentants aient eu peur d’être mis en criminels portant préjudice à l’économie et à la cause dans le cadre d’enquêtes pour corruption dans cohésion nationales. lesquelles ils étaient impliqués. Ainsi, depuis 40 ans, de nombreuses réorganisations ont contribué à les fragiliser. En 1979, les services de renseignement algériens ont changé d'appellation
EXECUTIVE SUMMARY 5 ALGERIA : INTELLIGENCE SERVICES SACRIFIED ON THE ALTAR OF POLICY Algerian intelligence services have been created by the General Delegation for Documentation and during the war of independence under the impetus of Security (DGDS). In 1991, in the midst of a political nationalist activist Abdelhafid Boussouf. Successively crisis, the Intelligence and Security Department (DRS) named MALG (Ministry of Armament and General was created, but was in turn dissolved in 2019 by the Liaisons), then Military Security (SM), they were able presidential clan. to operate with discretion until the end of the 1970s. Such practices have had very negative consequences But since that date, they have been, despite them, on the capitalization of experience within the various constantly involved in political quarrels and have been specialized units, but also on the effectiveness of put under the spotlights of the media in 1979 and from the fight against terrorism and of investigations 2013 to 2019, which made them lose the confidentiality against corruption. which made their effectiveness. This report recalls certain facts known to the general Over the past four decades, the Algerian intelligence public and reveals others, unknown to date, in order to and investigation services responsible for combating alert against these behaviors which do not serve the terrorism and corruption have systematically seen, rule of law. It calls for respect for the work carried out despite their success and their effectiveness, their by the intelligence services, working for the national actions and their existence challenged by the power, security and fighting criminal behavior which harms either that it decided to negotiate with the Islamist the national economy and cohesion. terrorists, or that its representatives were afraid of being implicated in the context of anti-corruption investigations. In 40 years, many reorganizations have contributed to weaken them. In 1979, the Algerian intelligence services changed their name to become the General Delegation for Prevention and Security (DGPS). This new service only lived a few months, soon replaced
6 SOMMAIRE INTRODUCTION.. ............................................................................................................................... . . . . . . . . . . 7 1. LE DÉMANTÈLEMENT DE LA SÉCURITÉ MILITAIRE ET LA CRÉATION DU DRS (1979-1990). ...... . . . . . . . . . . 8 LA CRÉATION DU DÉPARTEMENT DU RENSEIGNEMENT ET DE LA SÉCURITÉ (DRS). ............................... . . . . . . . . . . 8 LE DRS ET LES ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE 2001. ......................................................................... . . . . . . . . . . 9 2. LA CRÉATION ET LA DISSOLUTION DE L’OFFICE NATIONAL DE RÉPRESSION DU BANDITISME (1992-2006).... ............................................................................................................................... . . . . . . . . 10 UNE UNITÉ D’ÉLITE D’UN GENRE NOUVEAU...................................................................................... . . . . . . . . 10 L’ÉLECTION D’ABDELAZIZ BOUTEFLIKA ET LA DISSOLUTION DU SCRB. ............................................. . . . . . . . . 10 3. LES ENQUÊTES ANTICORRUPTION DU DRS ET LA RIPOSTE DE LA PRÉSIDENCE (2012-2016).... . . . . . . . . 12 DES ENQUÊTES D'HABILITATION NON PRISES EN COMPTE................................................................ . . . . . . . . 12 LES POURSUITES CONTRE CHEKIB KHELIL. . ..................................................................................... . . . . . . . . 12 L'ARRESTATION DU GÉNÉRAL HASSAN.. ........................................................................................... . . . . . . . . 13 4. LA DISSOLUTION DU DRS ET LA REPRISE EN MAIN DES SERVICES PAR LE CLAN BOUTEFLIKA (2015-2019). . .................................................................................................................................... . . . . . . . . 15 LES BÉVUES D’UN JOURNALISTE ACCÉLÈRENT LA FIN DU DRS........................................................ . . . . . . . . 15 LE DÉMANTÈLEMENT PROGRESSIF DU DRS...................................................................................... . . . . . . . . 16 DES AFFAIRES DE CORRUPTION ENTERRÉES.................................................................................... . . . . . . . . 16 LE DRS DISSOUS POUR SAUVER UNE SEULE PERSONNE................................................................... . . . . . . . . 17 5. LE COUP DE FORCE DU GÉNÉRAL GAÏD SALAH ET LA CONDAMNATION DE L’EX-PATRON DU DRS. . . . . 18 L’ÉTONNANTE ALLIANCE SAÏD BOUTEFLIKA/MOHAMED MEDIÈNE. ................................................... . . . . . . . . 18 LA CONDAMNATION DE L’ANCIEN CHEF DES SERVICES. .................................................................... . . . . . . . . 19 MISSION ACCOMPLIE POUR AHMED GAÏD SALAH. ............................................................................. . . . . . . . . 20 CONCLUSION : CONSACRER L'INDÉPENDANCE DES SERVICES VIS-À-VIS DES POLITIQUES. ......... . . . . . . . . 21
INTRODUCTION 7 Les services de renseignement algériens ont été créés De telles pratiques ont eu des conséquences très néfastes sur pendant la guerre d'indépendance sous l'impulsion du militant la capitalisation d’expérience au sein des différents services, nationaliste Abdelhafid Boussouf. mais aussi sur l’efficacité de la lutte contre le terrorisme et sur les investigations contre la corruption. Elles ont Né en 1926 dans le Constantinois, Boussouf a rejoint très notamment contribué à la suspicion et à la décrédibilisation jeune le Parti du peuple (PPA), puis l'organisation secrète de la plus grande partie de la classe politique, particulièrement (OS), dont il devint l'un des membres éminents. En 1956, il symbolisée par le mouvement populaire (hirak) de 2019. est nommé au Conseil national de la Révolution algérienne avec le grade de colonel. En septembre 1957, il devient Ce rapport rappelle certains faits connus du grand public et en membre du Comité de coordination et d'exécution de l'Armée dévoile d’autres, inconnus jusqu’à ce jour, dans le but d'alerter de libération nationale (ANL), devenue Armée nationale contre ces comportements qui ne servent pas l'Etat de droit populaire (ANP) après l’indépendance. En septembre 1958, et d’appeler au respect du travail réalisé par les services de Abdelhafid Boussouf est nommé ministre des Liaisons renseignement et d’enquêtes, qui oeuvrent au profit de la générales et des Communications dans le gouvernement sécurité nationale et de la lutte contre les comportements provisoire de la République algérienne (GPRA). Il joue un rôle criminels nuisant à l’économie et à la cohésion nationales. important dans la création de l'appareil de renseignement et de communication national, ainsi que dans la formation de cadres dans ces domaines et créé la première école d’officiers de renseignement. Les services algériens sont alors connus sous l'appellation de MALG (ministère de l’Armement et des Liaisons générales). Lors de l'indépendance, en 1962, le MALG devient la Sécurité militaire (SM), laquelle est dirigée par Abdallah Khalaf, connu sous le nom de guerre Kasd Merbah, un ancien chef du MALG formé par le KGB. Au cours des dernières décennies, les services de renseignement et d‘enquêtes algériens chargés de lutter contre le terrorisme ou de combattre la corruption ont systématiquement vu, en dépit de leurs succès et de leur efficacité, leurs actions et leur existence remises en cause par le pouvoir, soit qu’il ait décidé de négocier avec les terroristes islamistes, soit que ses représentants aient eu peur d’être mis en cause dans le cadre d’enquêtes pour corruption dans lesquelles ils étaient impliqués.
8 1. LE DÉMANTÈLEMENT DE LA SÉCURITÉ MILITAIRE ET LA CRÉATION DU DRS (1979-1990) Les Algériennes et Algériens furent étonnés lorsqu’en 1979, du chef du gouvernement. Kasdi Merbah n'occupa toutefois un article parut dans l'hebdomadaire étatique Algerie Actualité pas longtemps ce poste puisqu’il fut limogé en 1989. sous le titre « SM : sécurité militaire ». L'article descendait en flammes Abdallah Khalaf - dit Kasdi Merbah -, le patron de Merbah quitta ensuite le Front de libération national (FLN) en la SM, les services de renseignement algériens. Un tel article 1990 et créa son propre parti politique, le Mouvement pour apparaissait jusqu’alors impensable à une époque où citer la justice et la démocratie en Algérie (MAJD), en novembre le nom de la SM était considéré comme tabou. Comment de la même année. Il devint alors un critique du pouvoir et un journal étatique pouvait-il se permettre de parler de du président Chadli. Selon les médias et certains politiciens ce redoutable service, héritier du ministère des Liaisons de l'époque, Kasdi Merbah aurait été en contact avec des générales (MALG), et de surcroît, critiquer son patron ? dirigeants du Front islamique du Salut (FIS) dans le but de négocier la réconciliation et mettre fin à la guerre lancée La suite des événements politiques en Algérie allait donner par les terroristes contre l'Algérie. Mais les terroristes du une réponse à l'opinion publique intriguée. Il y eut d'abord, en Groupe islamique armé (GIA), pour la plupart des vétérans de 1980, la nomination de Kasdi Merbah au poste de ministre la guerre d'Afghanistan, étaient hostiles à toute perspective de l’Agriculture, puis la dissolution de la Sécurité militaire de paix. Kasdi Merbah se vit alors menacé par les terroristes, et la création de la Délégation générale de la prévention et ainsi que par certains responsables politiques de l'époque qui de la sécurité (DGPS) confiée à Yazid Zerhouni. Ce nouveau refusaient la compromission avec les islamistes. service ne vécut que quelques mois, bientôt remplacé par la Délégation générale à la documentation et à la sécurité La dissolution de la SM eut de graves répercussions sur la (DGDS), dirigée par Lakehal Ayat. lutte contre le terrorisme car ce service avait tissé sur le pays une véritable toile d’araignée d’informateurs. Ainsi, Pour de nombreux spécialistes du renseignement, la ni la police, ni l’armée ne purent empêcher que 27 000 nomination de Kasdi Merbah à un poste politique était une personnes rejoignent alors les maquis du GIA, ni procéder façon pour le président de la République de l’époque, Chadli à leur identification. Alors que la guerre civile commençait, Bendjedid, de se débarrasser du patron de la SM. Le procédé la riposte contre les terroristes n'était pas préparée, faute choisi était d’abord de faire quitter à Merbah la direction du de renseignements. service en lui accordant une promotion. Il était ensuite plus facile pour le président de limoger Kasdi Merbah du poste de Pire, en 1991, dans sa précipitation à publier la liste des ministre que de celui du chef de la SM. Il devenait ainsi clair lauréats de son concours de recrutement, la Direction que l’article publié en 1979 dans Algérie Actualité avait été générale de la Sûreté nationale (DGSN) rendit publics les commandité par la présidence de la République dans le cadre noms et prénoms d'officiers de police qui furent les premières d’un plan de remplacement du patron de la SM. cibles des attentats terroristes. Cette décision avait été prise sans aucune évaluation de la situation politico-sécuritaire Mais les événements du 5 octobre 19881 fragilisèrent le dans le pays, travail traditionnellement effectué par les pouvoir du président Chadli Bendjedid. En novembre 1988, il services de renseignement. dut faire appel à l’ancien patron de la SM pour occuper le poste LA CRÉATION DU DÉPARTEMENT DU RENSEIGNEMENT ET DE LA SÉCURITÉ (DRS) En 1990, les services de renseignement algériens n’exis- de corps d’armée Mohamed Mediène - dit Toufik - et d‘autres taient pratiquement plus. Suite à la dissolution de la SM, les officiers supérieurs de l’Armée nationale populaire (ANP), organismes lui ayant succédé, DGPS et DGDS, avaient vu créèrent le Département du renseignement et de la sécurité leurs prérogatives considérablement réduites, alors même (DRS). Outre la lutte contre toute forme d'espionnage, la pré- que le terrorisme menaçait le pays. C’est alors que le général servation de la sécurité intérieure du pays et la défense des 1 Soulèvement populaire dû principalement aux pénuries de produits de grande consommation dans le pays.
9 intérêts vitaux de l'Algérie à l'étranger, le DRS se consacra à la Rappelé en Algérie en janvier 1992 en pleine crise politique - lutte contre le terrorisme, domaine dans lequel il joua un rôle caractérisée par la dissolution de l'Assemblée populaire décisif, apportant son soutien à l’Armée nationale populaire nationale (APN), l’annulation des élections et la proclamation et aux Groupes de Légitime Défense (GLD), qu’il arma contre de l'état d'urgence par le président démissionnaire, les terroristes. Mohamed Boudiaf fut nommé président de la république par le Haut Comité d'État constitué, suite au départ de Le 12 juin 1990, les premières élections locales qui eurent Chadli, le 16 janvier 1992. Mais son mandat sera de courte lieu sous le nouveau régime électoral furent dominées par le durée puisqu’il sera assassiné le 29 juin 1992, lors d'une parti fondamentaliste, le FIS. Le 25 mai 1991, ce mouvement conférence des cadres à Annaba, par Lambarek Boumaarafi, déclencha une grève générale et exigea du gouvernement un sous-lieutenant du Groupement d'intervention spécial des changements constitutionnels, l'application immédiate (GIS) affilié au DRS. Ce dernier considérait que le président de la charia (loi islamique), la démission du président et la Boudiaf était un obstacle à l'instauration d'un État islamique tenue d'élections présidentielles. En réaction, le 5 juin, Chadli en Algérie. L'assassinat de cette grande figure de la guerre Bendjedid déclarait l'état d'urgence et ordonnait à l'armée d'indépendance fut considéré comme un échec du DRS de restaurer l'ordre dans le pays. L’état d’urgence fut levé et porta un sévère coup à la crédibilité du service de le 29 septembre 1991 et des élections législatives furent renseignement algérien. annoncées. Les résultats du premier tour du 26 décembre consacraient une large victoire du FIS avec 188 sièges sur Un an plus tard, le 21 août 1993, Kasdi Merbah, ancien direc- 231, ce qui lui donnait la majorité. Les islamistes furent teur de la SM et éphémère chef du gouvernement, fut à son alors accusés de fraude et le président Bendjedid envisagea tour assassiné à Bordj El Bahri, en compagnie de son fils de négocier eux. Toutefois, les militaires s'y opposèrent et cadet Hakim (25 ans), de son frère Abdelaziz (42 ans), de son accusèrent le président de préparer le terrain à l’accession chauffeur Hachemi Ait Mekidèche (30 ans) et de son garde du des islamistes au pouvoir. Sous la pression de l’armée, Chadli corps Abdelaziz Nasri. Les raisons précises de cet assassinat Bendjedid démissionna le 11 janvier 1992. Dans une lettre ainsi que ses instigateurs demeurent inconnus. La famille de adressée à la nation, il déclara « Nous vivons aujourd’hui une Merbah considère que l'enquête a été bâclée et croit qu'il a pratique démocratique pluraliste caractérisée par de nombreux été éliminé « par un clan du pouvoir, hostile à la démarche de dépassements dans un environnement où s’affrontent des réconciliation » qu’il préconisait entre le FIS et les autorirtés. courants. Ainsi, les mesures prises et les voies nécessaires au Kasdi Merbah, en raison de son charisme, dérangeait règlement de nos problèmes ont atteint aujourd'hui une limite qu'il plusieurs courant politiques et s’était fait des ennemis au sein n'est plus possible de dépasser sans porter gravement préjudice à du GIA comme du pouvoir politique. la cohésion nationale, la préservation de l’ordre public et à l’unité nationale1 », témoignant ainsi des désaccords opposant différents courants politiques au sein du pouvoir. LE DRS ET LES ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE 2001 En septembre 2001, Mohamed Mediène le chef du DRS de grande ampleur contre les États-Unis. Mohamed Mediène se rend en mission confidentielle aux États-Unis. Au cours rencontre George Tenet, le directeur de la CIA pour l’alerter d’une rencontre avec des responsables de la CIA, il écoute un d’une menace imminente. Après la fermeture de l’espace exposé sur la lutte contre le terrorisme islamiste. Un officier aérien américain sur ordre de Washington quelques heures de l‘agence lui explique alors que les Américains excluent après les attaques kamikazes, seuls deux avions civils seront l’éventualité d’une attaque terroriste sur leur sol. Dubitatif, autorisés à décoller : celui qui transportait des membres de le chef des services de renseignement algériens répond au la famille royale saoudienne et des proches de Ben Laden… conférencier : « Vous les connaissez mal. Ils sont capables de et celui qui ramenait le chef des services de renseignement tout ». Au cours de ses nombreux entretiens avec ses inter- algériens Mohamed Mediène à Alger. locuteurs américains, le chef des services algériens, sur la foi d’un mémo secret envoyé le 6 septembre 2001 par Smaïn Lamari, numéro 2 du DRS, évoque une attaque imminente 1 http://www.conseil-constitutionnel.dz/index.php/fr/declaration-du-11-janvier-1992
10 2. LA CRÉATION ET LA DISSOLUTION DE L’OFFICE NATIONAL DE RÉPRESSION DU BANDITISME (1992-2006) En 1992, un décret signé par le président Mohamed Boudiaf de la Sûreté nationale (DGSN), de la Police, de la Gendarmerie créé l'Office national de répression du banditisme (ONRB). Il nationale et du DRS. est formé à partir d'éléments issus de la Direction générale UNE UNITÉ D’ÉLITE D’UN GENRE NOUVEAU Cette nouvelle unité d'intervention spéciale a pour vocation "ninjas". Les investigations sur les affaires de corruption la lutte antiterroriste - en particulier les actions de contre- ne sont pas appréciées par tout le monde, notamment à guérilla ainsi que dans la chasse aux terroristes dans les zones l’occasion de l’élection en 1999, du président Bouteflika. hostiles et complexes -, la libération d'otages, la protection En effet, certains responsables politiques avaient bénéficié rapprochée et tout autre type de missions à caractère spécial. illégalement de prêts bancaires importants sans présenter Possédant son propre budget et bénéficiant de formations aucune garantie de remboursement, ainsi que le révélèrent à l'étranger, l’ONRB dispose d’un personnel entraîné et à l'époque à l’auteur des officiers du SCRB, brisant la loi hautement qualifié et emploie des tactiques et des moyens du silence. d’action particuliers. Unité caractérisée par sa grande discrétion, elle constitue la force de frappe des services de Le SCRB a enquêté sur de nombreuses affaires de corruption renseignement algériens. Ses hommes, encagoulés en dont les affaires Khalifa, celle de la Banque nationale d’Algérie raison de la présence de nombreux informateurs du GIA dans (BNA) - concernant le détournement de 3 200 milliards de le pays, sont appelés les "ninjas" par les Algériens. L’ONRB centimes, équivalant environ 170 millions d’euros -, celle de est alors considéré comme l'élite des forces spéciales la Banque Commerciale et industrielle d'Algérie (BCIA), de algériennes et l'une des meilleures unités d'Afrique et du Sonatrach et du Crédit populaire d'Algérie (CPA). bassin méditerranéen. L’efficacité du SCRB a été reconnue par le RAID français, le En 1997, avec l'amélioration de la situation sécuritaire en FBI américain et les services de police de plusieurs autres Algérie, la Gendarmerie nationale et le DRS quittent l’ONRB pays, dont l’Espagne et l’Allemagne et tous ont développé qui change alors d’appellation pour devenir le Service central des coopérations avec lui. Des responsables du FBI ont, de répression du banditisme (SCRB). Une nouvelle mission plusieurs fois, rendu visite à la direction de la police judiciaire lui est confiée : la lutte contre la corruption. C’est alors que (DPJ) et au SCRB, reconnaissant son savoir-faire en matière commencent les ennuis pour les enquêteurs des légendaires de lutte anti-terroriste. L’ÉLECTION D’ABDELAZIZ BOUTEFLIKA ET LA DISSOLUTION DU SCRB Le 15 avril 1999, Abdelaziz Bouteflika est élu président de marchés conclus par Sonatrach et le ministère de la Défense la République. Il fait de la réconciliation nationale son objectif nationale avec Brown & Root-Condor (BRC), une joint-venture politique majeur et décide des mesures d'apaisement en entre Sonatrach et KBR, une filiale de la compagnie américaine direction des terroristes "repentis". L’unité d’intervention du Halliburton dont le principal actionnaire au moment des faits SCRB continue toutefois à traquer les terroristes toujours en était Dick Cheney, le vice-président américain. Le PDG de activité et les enquêteurs poursuivent leurs investigations Sonatrach, Mohamed Meziane, est arrêté pour passation contre la corruption. de marchés ne respectant pas les dispositions légales et réglementaires et espionnage au profit de la CIA. L'affaire Le 4 février 2006, le Premier ministre Ahmed Ouyahia charge instruite par le tribunal de Bir Mourad Rais à Alger n'a jamais l'Inspection générale des finances (IGF) d’enquêter sur les été jugée. On n'en a jamais parlé depuis.
11 Puis, en 2006, la dissolution du SCRB est décrétée, surpre- Evoquant l’assassinat d’un vice-président de l’Assemblée nant beaucoup d'experts de la lutte contre le terrorisme. populaire communale (APC2) de Bordj El Bahri, connu dans Certains dirent que la dissolution de ce service était un "geste cette commune pour s’être opposé à la « mafia du foncier », de bonne foi" en direction des terroristes qui ne pourraient ces officiers nous révélèrent que « l’arme du crime, un pistolet qu'être enchantés de la disparition de cette unité d'élite les automatique, n’a toujours pas été retrouvée. À qui appartient ayant combattus avec efficacité. D'autres eurent la conviction cette arme ? A-t-elle été utilisée dans d’autres assassinats ? », que la dissolution du SCRB avait été décidée pour mettre s’interrogaient-ils. Il est à noter que cet assassinat fut d’abord un terme aux investigations contre la corruption conduite imputé à un homme âgé de 75 ans, accusé d’être terroriste, pas ses enquêteurs et mettant en cause d'importants mais la thèse la plus vraisemblable était celle d’une exécution responsables politiques. ordonnée par la mafia du foncier. Le démantèlement d’un réseau de trafic de faux diplômes d’avocat et de cartes du Ce qui est sûr est que la dissolution du SCRB n’a pas respecté Sénat leva une partie du mystère quant à cet assassinat. Ce la législation. L’ONRB, dont la SCRB était le successeur, avait réseau fut accusé de dilapidation du foncier agricole mais été créé en 1992 par décret présidentiel, validé par un vote du l’homme de 75 ans demeura en prison. Parlement. L‘unité ne pouvait donc être dissoute que via une procédure similaire. Or, il n’en fut rien et le SCRB est dissout Le SCRB fut par ailleurs l’objet de fausses accusations. « Le en "catimini"par le patron de la DGSN, Ali Tounsi. SCRB est un service qui bénéficie, de par son statut défini lors de sa création, d’une caisse noire qui peut être utilisée pour financer À l'époque, l’auteur put recueillir les témoignages de des opérations d’infiltration de réseaux de trafic de drogue ou quelques-uns de ses officiers qui décidèrent de briser la loi autre. Les 30 millions de centimes dont il est question dans une du silence, « déçus » par la dissolution de leur service. « Rien affaire de cocaïne pour laquelle un commissaire, un policier et ne présageait de la disparition du SCRB puisque, à la veille de la trois inspecteurs de l’ONRB sont mis en détention préventive, fermeture du siège de ce service de police, l’unité avait bénéficié proviennent de la caisse noire de ce service de police pour le d’un programme d’équipement, de l’octroi de véhicules et venait financement d’une opération d’infiltration. Ces fonctionnaires de créer une cellule chargée de la lutte contre le blanchiment n’ont commis aucun délit » nous révélèrent ces officiers. d’argent » nous déclarèrent-ils. Ils s’interrogeaient sur la « Même si des éléments du SCRB avaient commis des délits, il légalité de la dissolution de leur service et le caractère fallait engager leur responsabilité pénale individuelle et non pas « précipité » de cette décision. « Comment a-t-il pu disparaître faire disparaître tout un service de police », ajoutèrent-ils, tout sans décret présidentiel et sans un vote de l’Assemblé populaire en insistant sur l’innocence de leurs collègues. nationale ? La promesse nous a été faite, verbalement, d’une recréation du SCRB, mais comment cela peut-il être possible Evoquant le terrorisme, ces officiers nous expliquèrent puisque de nombreux éléments ont été mutés à l’extrême sud du qu’avec la disparition du SCRB, c’était 15 années d’efforts pays ? » poursuivaient-ils. dans la lutte contre le terrorisme qui étaient remises en cause alors même que l’Algérie avait besoin de cette expérience « Des enquêtes sur la dilapidation du foncier dans les communes de pour maintenir la sécurité et que 72 membres du SCRB y ont Birkhadem, Bordj El Bahri, Douéra et Khraïcia ont été suspendues laissé la vie, tués par les terroristes. « Le SCRB dispose d’un avec la disparition de ce service de police », ajoutèrent-ils. fichier national du terrorisme identifiant les terroristes fichés dans « Nous avions commencé à recueillir des informations sur l’affaire les 48 wilayas du pays », ajoutent-ils. « Avec la disparition du Khalifa et nous allions enquêter sur d’autres affaires, dont celle SCRB, les terroristes ont gagné 50% de la guerre psychologique. » de la BCIA1 », nous dirent ces officiers. « Les interventions étaient nombreuses pour qu’un terme soit mis à ces enquêtes, De même, en matière de lutte contre la corruption, notamment dans l’affaire de la BCIA. Nous avions obtenu de la dissolution du SCRB a entraîné l’arrêt de plusieurs la justice une autorisation de perquisition au domicile d’un investigations qui n'étaient pas encore finalisées et qui des frères Kharroubi, frère du PDG de la BCIA, ex-conseiller au ont été mises au placard. Les principaux accusés dans ces ministère de la Justice. Celui-ci s’est présenté au siège du SCRB et affaires ont été, d’après les policiers, mis à l'abri par certains a appelé, en présence d’éléments de ce service de police, un haut importants responsables politiques. responsable pour intervenir en sa faveur » expliquèrent-ils. Une autre enquête fut stoppée avec la disparition du SCRB, « celle relative à la découverte d’un trafic de faux chèques du Crédit populaire d'Algérie (CPA), certifiés dans plusieurs wilayas, dont celles d’Alger, de Blida, de Constantine et d’Oran. L’un de ces faux chèques certifiés était d’un montant d‘1 milliard de centimes », nous confièrent-ils pour illustrer l’importance de cette affaire. 1 Un scandale financier- blanchiment d'argent, détournements de fonds et dilapidation de deniers publics - toucha en 2003 la Banque commerciale et industrielle d'Algérie (BCIA). 2 En Algérie, une Assemblée populaire communale est une mairie.
12 3. LES ENQUÊTES ANTICORRUPTION DU DRS ET LA RIPOSTE DE LA PRÉSIDENCE (2012-2016) À partir de 2012, le Département du renseignement et de la la corruption après avoir participé à la défaite du terrorisme. sécurité (DRS) se lance à son tour dans des enquêtes contre DES ENQUÊTES D'HABILITATION NON PRISES EN COMPTE Jusqu’à la dissolution du DRS, la nomination de cadres nomination de Chekib Khelil au poste de ministre de l'Energie, supérieurs de l'Etat, parmi lesquels les ministres, était mais le président de la République n'en tint pas compte. Ce précédée d’une enquête d'habilitation de ce service. Les service jugeait Chekib Khelil trop proche de Washington. Pour résultats de cette enquête étaient pris en considération par le de nombreux observateurs, le non-respect des avis du DRS président de la République jusqu'à ce que le clan présidentiel à l’issue des enquêtes d’habilitation contribua à favoriser la décide de réduire leur rôle à un simple avis non contraignant. corruption à grande échelle en Algérie. Le DRS avait notamment émis un avis défavorable à la LES POURSUITES CONTRE CHEKIB KHELIL Chekib Khelil, ministre de l'Energie considéré proche du que le DRS s’immiscait dans le fonctionnement de la justice président Bouteflika, fut alors accusé dans l'affaire Sonatrach et des parti politiques. et dut démissionner de son poste. Il quitta aussitôt l'Algérie pour se réfugier aux États-Unis. Les experts considéraient que le patron du DRS était directement visé car il ne soutenait pas la candidature Le 12 août 2013, le procureur général près la cour d'Alger, d'Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat présidentiel Belkacem Zeghmati, lança un mandat d'arrêt contre lui. en avril 2014. Amar Saidani affirma « le général Toufik n’est Mais Chekib Khelil dira n'avoir jamais reçu de convocation. pas en position de dire oui ou non à la candidature du président Pourtant, il confirmera avoir répondu à la convocation du 20 Bouteflika à la prochaine présidentielle ». Il accusa également le mai 2012 par le biais d'une lettre manuscrite adressée au DRS d’avoir fait éclater « le soi-disant scandale de Sonatrach juge d'instruction chargé de l'affaire Sonatrach II et parvenue pour cibler Chekib Khelil, l’un des cadres les plus intègres et le plus au parquet le 13 mai 2013, disant ne pas pouvoir répondre compétents d’Algérie ». à ladite convocation. En dépit de sa mainmise sur toutes les opérations financières de Sonatrach, Chekib Khelil ne sera Ces déclarations virulentes d’Amar Saïdani allaient marquer jamais cité comme témoin dans ces procès. l’histoire. Pour la première fois de l’histoire de l’Algérie, un responsable politique aussi important que le secrétaire Le cercle présidentiel fut très en colère contre l'incrimination général du FLN s’attaquait frontalement et violemment de Chekib Khelil dans l'enquête lancée par le département au chef des services des renseignement. Ces accusations d’enquête judiciaire du DRS. C'est à partir de ce moment de l'ancien patron du FLN contre le chef du DRS furent que la présidence se lança dans une guerre contre le service dénoncées par de nombreux politiciens qui comprirent que de renseignement, rappelant étrangement celle lancée en Mohamed Mediène était victime d’un règlement de compte 1979 par le président Chadli Bendjedid contre la Sécurité pour non-acceptation d'un nouveau mandat présidentiel militaire (SM). d’Abdelaziz Bouteflika. En janvier 2014, Amar Saidani portait publiquement de En février 2014, les médias annonçaient que le DRS avait graves accusations contre le général Mohamed Mediène. Il décidé de déposer plainte contre Amar Saidani, arguant que accusait le patron du DRS d’avoir échoué dans la mission de le secrétaire général du FLN « était allé trop loin en accusant le garantir la sécurité intérieure du pays, allant jusqu’à affirmer DRS d’avoir échoué dans sa mission de garantir la sécurité des
13 présidents de la République, en citant l’assassinat de Mohamed pour diffamation », précise la presse. Et d’ajouter que Amar Boudiaf et l’attentat manqué contre Abdelaziz Bouteflika à Saidani pourrait encourir de lourdes peines pour attaques Batna ». Le patron du DRS, en choisissant de porter l’affaire contre les corps constitués. Mais le procès n’eut jamais lieu, devant la justice, signifiait qu’il n’entendait ni polémiquer, ni confortant l’hypothèse d'accusations lancées contre le DRS encore moins justifier son travail et ses attributions. « Ce sur ordre du cercle présidentiel, lequel excellait en matière sera donc au patron du FLN d’apporter devant la justice, les d'empêchement de procès. Amar Saidani était donc chargé preuves de ses accusations, faute de quoi, il sera condamné par le clan présidentiel d'attaquer le DRS. L'ARRESTATION DU GÉNÉRAL HASSAN En février 2014, le général Hassan, chargé de la lutte a mis fin ce jour aux fonctions de chef du Département du antiterroriste au sein du DRS et proche collaborateur de Renseignement et de la Sécurité, exercées par le général de corps Toufik, est arrêté, accusé de « constitution de groupe armé » d’armée, Mohamed Mediène, admis à la retraite », annonça la et de « détention illégale d’armes de guerre ». De graves présidence de la République dans un communiqué daté du accusations qui auraient pu lui valoir la peine de mort. Il fut 14 septembre 2015. aussitôt jugé à huis clos par le tribunal militaire et incarcéré. Tous les détails de l'affaire ne sont pas connus du grand public Mais en décembre 2015, Mohamed Mediène, sortit de son et les informations de ce dossier sont contradictoires. Si la silence et réagit via une lettre adressée à la presse contre détention d’armes et de munitions semble avérée, certains l'arrestation et l’incarcération du général Hassan. C'est une disent que le général les avait acquises dans le cadre d’une première dans l'histoire de l'Algérie contemporaine. Voici le mission décidée par le DRS, afin d’acheter ces armes en Libye texte intégral de la lettre : avant qu’elles ne soient vendues aux terroristes. Le général Hassan fut arrêté à son retour en Algérie en leur possession. « Consterné par l’annonce du verdict prononcé par le tribunal militaire d’Oran à l’encontre du général Hassan, et après avoir usé D'après les experts, le clan présidentiel dirigé par Saïd de toutes les voies réglementaires et officielles, j’ai estimé qu’il est Bouteflika – le frère du président – écartait tous ceux de mon devoir de faire connaître mes appréciations à l’intention qui étaient opposés au quatrième mandat présidentiel de tous ceux qui sont concernés par ce dossier, ainsi que tous d’Abdelaziz Bouteflika. Les accusations portées contre le ceux qui le suivent de près ou de loin. général Hassan furent exploitées par les adeptes du « Qui tue qui ?1 », actifs depuis les années 1990. Ceux-ci s’attachaient Le général Hassan était le chef d’un service érigé par le décret à innocenter les terroristes du GIA et d’Al-Qaïda au Maghreb agissant sous l’autorité de mon département. À ce titre, il islamique (AQMI) de leurs crimes en les imputant injustement était chargé d’une mission prioritaire avec des prérogatives lui aux forces de sécurité. L'achat probable par le DRS d'armes permettant de mener des opérations en relation avec les objectifs libyennes leur permettait d’argumenter en ce sens, en fixés. Les activités de son service étaient suivies régulièrement détournant la réalité des faits. dans le cadre réglementaire. En 2015, le cercle présidentiel entama la dissolution du En ce qui concerne l’opération qui lui a valu l’accusation d’ DRS. C'est au très contesté secrétaire général du FLN, « infraction aux consignes générales », j’affirme qu’il a traité Amar Saidani – accusé du détournement de trois milliards ce dossier dans le respect des normes et en rendant compte de centimes du Plan national de développement agricole aux moments opportuns. Après les résultats probants qui ont (PNDA) – que le clan présidentiel confia la mission de diaboliser sanctionné la première phase de l’opération, je l’ai félicité – lui et d’écarter le patron du DRS, le général Mohamed Mediène, et ses collaborateurs – et l’ai encouragé à exploiter toutes les et de préparer la dissolution des services de renseignement, opportunités offertes par ce succès. Il a géré ce dossier dans via une guerre médiatique comparable à celle que fit le journal les règles, en respectant le code du travail et les spécificités qui étatique Algérie Actualité en 1979. exigent un enchaînement opérationnel vivement recommandé dans le cas d’espèce. Le patron du DRS fut alors abruptement mis à la retraite : « Conformément aux dispositions des articles 77 (alinéas 1 et 8) Le général Hassan s’est entièrement consacré à sa mission. Il a et 78 (alinéa 2) de la Constitution, Monsieur Abdelaziz Bouteflika, dirigé de nombreuses opérations qui ont contribué à la sécurité président de la République, ministre de la Défense nationale, des citoyens et des institutions de la République. Sa loyauté et 1 Principalement les islamistes et certains médias occidentaux qui attribuaient systématiquement les attentats terroristes à l'armée et à la police.
14 son honnêteté professionnelle ne peuvent être mises en cause. Il fait partie de cette catégorie de cadres capables d’apporter le plus transcendant aux institutions qu’ils servent. Au-delà des questionnements légitimes que cette affaire peut susciter, le plus urgent, aujourd’hui, est de réparer une injustice qui touche un officier qui a servi le pays avec passion, et de laver l’honneur des hommes qui, tout comme lui, se sont entièrement dévoués à la défense de l’Algérie. Les médias ont traité abondamment cette affaire en faisant preuve de beaucoup d’à-propos, malgré l’absence d’éléments d’appréciation officiels. J’ose espérer que mon intrusion médiatique, même si elle constitue un précédent, ne suscite pas de commentaires qui risquent de la dévoyer et de la détourner du but recherché ».
4. LA DISSOLUTION DU DRS 15 ET LA REPRISE EN MAIN DES SERVICES PAR LE CLAN BOUTEFLIKA (2015-2019) LES BÉVUES D’UN JOURNALISTE ACCÉLÈRENT LA FIN DU DRS Hichem Aboud, un ancien officier des services de Le 11 mai 2013, le ministère de la Communication affirma renseignement algériens était exilé en France car il était en qu'il n'avait jamais été question de censure concernant conflit avec certains généraux algériens. En 2012, il rentre les quotidiens Mon Journal et Djaridati d’Aboud Hichem. en Algérie et créé deux journaux : Mon Journal (version Le ministère n'avait donné aucun ordre de censure et ces francophone) et Djaridati (version arabophone). Le nouveau quotidiens pouvaient continuer à être imprimés par les code de l'information oblige en effet tout éditeur à créer un imprimeries publiques. Selon le ministère, « c'est le directeur journal arabophone s'il crée un journal francophone. Hichem de ces publications qui a initialement accepté de renoncer à Aboud est soutenu pour ces deux publications par de la leur impression après les observations qui lui ont été faites publicité étatique émanant de l'Agence nationale d'édition et sur le non-respect de l'article 92 de la loi organique relative à publicité (ANEP). l'information ». Aussi, il s’étonnait de la campagne lancée par le directeur du journal qui avait indiqué que ses journaux Dans ses deux journaux, Hichem Aboud opta d'emblée avaient été saisis à l'imprimerie1. pour le sensationnel mais les articles publiés se révélèrent souvent peu sérieux. L'un d’entre eux allait chambouler la Le 19 mai 2013, le parquet général près la cour d'Alger scène médiatique et sécuritaire de l'Algérie. ordonna des poursuites judiciaires contre Aboud Hichem pour « atteinte à la sécurité de l'Etat, à l'unité nationale, à la En mai 2013, le président de la République Abdelaziz stabilité et au bon fonctionnement des institutions ». Il fut Bouteflika était hospitalisé à l'hôpital militaire du Val de également accusé d’avoir tenu des propos tendancieux Grâce à Paris. Les rumeurs sur le sort du président victime tenus sur certaines chaînes d'information étrangères - dont qu'une attaque cardiovasculaire allaient bon train et l'absence France 24 - et serait allé jusqu’à déclarer que « le chef de l'Etat de communication de la Présidence n'arrangeait pas les est dans un état comateux »2. choses. Hichem Aboud publia alors une information dans ses journaux selon laquelle le président était rentré en Algérie La fausse information publiée par Hichem Aboud déplu pour mourir dans son pays. L'information était fausse et le profondément à Abdelaziz Bouteflika ni à son frère Saïd. ministère de la Communication réagit immédiatement face à D'après certains cadres du DRS, dès son retour en Algérie le « des informations erronées et totalement fausses sur l'état de 16 juillet 2013, le président aurait demandé qui avait accordé santé du Président de la République ». l'accréditation à Hichem Aboud pour la publication de ses deux journaux et pour la publicité étatique de l'ANEP. Le colonel Hichem Aboud fut prié de retirer l'information - ce qu'il fit Faouzi, responsable de la direction de la communication du selon lui - et fut attaqué en justice. La publication de ses deux DRS fut contraint – peut-être à tort – de prendre sa retraite journaux fut alors suspendue. L'ancien officier des services le 22 juillet et sa direction fut dissoute3. de renseignement cria à la censure et alerta les médias pour faire pression sur les pouvoirs publics. L’affaire prit ainsi une dimension politico-médiatique. 1 Selon certaines sources, le 2 septembre 2013, Hichem Aboud a été saisi par l'imprimerie étatique pour non-paiement de ses dettes. L'imprimerie d'Alger a refus, de procéder au tirage des journaux. L'imprimeur a exigé le paiement de toutes les factures en instance concernant ses deux journaux. 2 Le 6 février 2020, Hichem Aboud, a été condamné par contumace par le tribunal de Tebessa à dix ans de prison ferme et une amende de 100 000 Dinars. Le jour- naliste Abdessami Abdelhai, qui travaillait comme correspondant dans les journaux de Aboud, a été condamné à trois ans de prison ferme pour avoir aidé Aboud à fuir en Tunisie via le poste frontalier Bouchebka alors que ce dernier était frappé d'interdiction de quitter le territoire national. Le journaliste a déja purgé deux ans et demi en détention provisoire. 3 Fait peu connu hors d’Algérie, la suppression de la direction de la communication du DRS par le clan présidentiel a privé les médias d’une source d’information capitale. Dirigée par le colonel Faouzi, cette direction de la communication briefait les journalistes lorsque ceux-ci ne maîtrisaient pas les tenants et aboutissants d'importants événements géostratégiques. Une telle pratique n’est pas propre à l’Algérie et s’observe dans d’autres États. Aujourd’hui, les journalistes, dont très peu ont reçu une formation aux questions géopolitiques, sont livrés à eux-mêmes, ce qui nuit à la qualité de l’information médiatique. Pourtant, les défis internationaux auxquels l'Algérie est confrontée sont nombreux : conflit en Libye, terrorisme au Mali, activités de Boko Haram au Nigeria et présence d'AQMI dans la région.
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