AMÉRIQUE DU NORD 2019 - FRANÇAIS 1ÈRES ES-S - Bac-S.net
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AMÉRIQUE DU NORD - 2019 FRANÇAIS 1ÈRES ES-S REMARQUES LIMINAIRES : - Le présent sujet porte sur l’objet d’étude « Le Théâtre : texte et représentation du XVIIème siècle à nos jours ». - Il ne comporte pas de difficultés majeures et ne présente pas de pièges. - Les libellés des sujets sont eux aussi limpides. ÉCRITURE I. Vous répondrez d’abord à la question suivante (4 points) : Comment les dramaturges expriment-ils le conflit entre les personnages dans les textes du corpus ? REMARQUE. Les trois textes sont des scènes d’exposition. Cette situation dans l’économie générale de l’œuvre les rend particulières en ce sens qu’elles présentent l’intrigue. Trois scènes d’exposition composent ce corpus qui s’échelonne du XVIIème siècle classique, en 1666 pour le Médecin malgré lui de Molière, en passant par le siècle des Lumières, époque du drame théâtral avec la Double inconstance de Marivaux pour
finir au XIXème siècle, en pleine époque du Romantisme naissant avec Alfred de Musset qui donne en 1830 La Nuit vénitienne, ou les noces de Laurette. Il s’agira de comprendre comment les dramaturges expriment le conflit entre leurs personnages. L’étude de la ponctuation d’abord et de la nature des répliques, ensuite, nous permettra de répondre. Tout d’abord, chacun des extraits comprend une ponctuation forte et expressive. Molière insère douze phrases interrogatives, dont certaines sont des questions rhétoriques, pour souligner l’opposition qui anime ses personnages : « Qu’appelles-tu bien heureuse de te trouver ? Un homme qui (…) me mange tout ce que j’ai ? ». Marivaux insère quant à lui dix points d’interrogation et de nombreux points d’exclamation qui donnent à ce dialogue un ton vif : « Ne faut-il pas être raisonnable ? ». Nous soulignerons les points de suspension qui montrent que Silvia coupe la parole à Trivelin, insistant sur le caractère trempé et la colère de la jeune femme. Enfin, Musset fait répondre des interrogations qui prennent la forme de suppliques « Adieu pour toujours ? » à des réponses exclamatives violentes : « Pour toujours ! », violence ici marquée par le point d’exclamation. Pour chacun de ces extraits, force est de remarquer que le conflit se marque par le dialogue qui suppose deux personnages et donc, une opposition et surtout que ces dialogues mettent tous en scène un homme et une femme. Par ailleurs, la colère, la révolte et l’opposition entre les personnages des extraits se retrouvent dans les didascalies : quand Molière dit explicitement « il prend un bâton et lui en donne », l’opposition est ici physique. Elle est plus nuancée chez Marivaux mais la colère de Silivia va progressant : « impatiente ; avec colère ; plus en colère », didascalies qui font monter le ton. Bien plus, Trivelin se trouve dans une situation d’infériorité : « Mais, Madame, écoutez-moi » dit-il, employant un impératif de supplique. « Vous m’ennuyez », répond la jeune femme, méprisant le propos de cet homme. Enfin, chez Musset, ce ne sont pas les didascalies mais les propos des protagonistes qui insistent sur leur opposition : « vous ne devez pas le faire », ordonne Laurette qui constate que Razetta est dans un état qui s’avère désespéré : « vous êtes au désespoir ». Bien plus, les exclamations « Hélas ! » ou « adieu…adieu » sont des marques de la tension qui existe entre les deux personnages.
Nous avons pu constater que les trois extraits présentent des personnages qui s’opposent par couple pour Molière et Musset et par paire, pour Marivaux, par l’étude des procédés théâtraux mis en place par les dramaturges. II. Vous traiterez ensuite, au choix, l’un des trois sujets suivants (16 points) : 1. Commentaire Vous proposerez un commentaire du texte de Marivaux (Texte B). REMARQUE. Nous proposons ici un exemple de corrigé avec une introduction rédigée et un plan détaillé. D’autres plans sont possibles. Pour mémoire, la conclusion, propose un rappel de la problématique, un rappel du déroulé du sujet et une réponse claire à la question. Le siècle des Lumières n’est pas d’abord considéré comme celui du théâtre mais plutôt comme celui de la philosophie. Pour autant, cela ne suppose pas que les dramaturges aient été inactifs à cette époque et Beaumarchais comme Marivaux en sont de bons exemples. La double inconstance annonce, en 1723, une intrigue à tiroir en ce sens que l’inconstance, l’infidélité donc, sera doublée. La scène d’exposition qu’il nous est donné d’étudier, met en scène deux personnages, Silvia, prisonnière et Trivelin, vil serviteur du ravisseur amoureux de la jeune fille, ce qui annonce une comédie de mœurs : Silvia et Arlequin sont des prénoms types de ces comédies et il s’agit par ailleurs d’une intrigue amoureuse. Nous pouvons nous demander dans quelle mesure cette scène d’exposition se révèle comme une scène tout à fait classique. Nous verrons tout d’abord que cette scène d’exposition remplit parfaitement son office en donnant toutes les informations nécessaires à la compréhension de l’intrigue puis que celle-ci annonce une pièce engagée en ce sens que l’on devine Marivaux revendiquant derrière Silvia criant sa colère.
I. Une scène d’exposition qui remplit son office. - A : une scène d’exposition en action : comme souvent, la scène d’exposition commence au milieu d’un dialogue, supposant un hors-scène lors duquel a débuté le conflit. Le spectateur est plongé dans une action alerte : « Mais, Madame, écoutez-moi ». Cette scène d’exposition en action s’ouvre sur des répliques courtes et incisives « Ne faut-il pas être raisonnable ? – Non », répliques soutenues par des didascalies qui donnent le ton : « impatiente ; en colère ; plus en colère », gradation montrant que les voix montent. Par ailleurs, le registre comique s’affiche dans cette pièce dès la scène d’exposition qui présente Silvia et Arlequin (absent mais cité), noms typiques de personnages comiques. - B : une exposition du nœud de la pièce : par ailleurs, le spectateur est plongé dans une intrigue houleuse « je hais la santé, et je suis bien aise d’être malade », affirme Silvia, ce qui fait d’elle une personne qui, étonnamment, désire ne pas bien se porter ; le spectateur comprend ensuite « faut-il que je l’aime, moi » qu’il s’agit ici d’un mariage forcé, canevas type des comédies des XVIIème et XVIIIème siècles. Trivelin souligne cela par l’argument d’autorité : « c’est votre souverain qui vous aime ». Le nœud de la pièce est désormais exposé et l’on peut dire que cette scène d’exposition joue son rôle en ce sens que le spectateur sait désormais que la jeune fille veut son amoureux « jusqu’à tant que j’aie vu Arlequin, dont on m’a séparée » et refuse le maître : « s’il m’avait dit : me voulez- vous Silvia ?, je lui aurais répondu : Non, seigneur ». TRANSITION : cette scène d’exposition joue parfaitement son rôle car toutes les informations nécessaires à la compréhension de la pièce y sont fournies. Mais nous pouvons aussi y lire un engagement, celui du dramaturge. II. Une pièce engagée. - A : une critique du statut de la femme : il ne peut échapper au spectateur que Silvia revendique sa liberté : « Force-t-on les gens à recevoir des présents malgré eux ? » s’interroge-t-elle dans une question rhétorique. Nous relevons ici le phénomène de la double énonciation théâtrale : Marivaux et ses idées
progressistes parlent ici. Silvia se présente alors comme le porte-drapeau des femmes mariées de force et dont la volonté était niée : « Il m’aime, crac, il m’enlève, sans me demander si je le trouverais bon ». Pourtant, elle fait montre d’un caractère bien trempé : les didascalies la montrent forte et de plus, elle domine Trivelin « je vous demande pardon ». Par ailleurs, elle menace son geôlier : « si vous voulez que je devienne folle, vous n’avez qu’à me prêcher ». Marivaux pose ici la question de la liberté de la femme par l’intermédiaire de Silvia, personnage de servante dont l’expression libre et parfois populaire « crac ; eh bien » présente une femme simple mais dont les idées sont arrêtées. - B : une critique du mariage et de la noblesse : Marivaux pose ici la question du mariage forcé « Songez que c’est sur vous qu’il fait tomber le choix qu’il doit faire d’une épouse entre ses sujettes » (développement du thème de l’arbitraire, qui déclenchera la révolution de 1789), et développe par ailleurs une critique de la noblesse opposant l’amour « non seigneur, il faut qu’une honnête femme aime son mari » à l’autoritarisme de la noblesse « c’est votre souverain qui vous aime ». Nous nous demandions dans quelle mesure cette scène d’exposition de la Double inconstance de Marivaux se révélait comme une scène tout à fait classique. Nous avons vu tout d’abord que cette scène d’exposition remplissait parfaitement son office en donnant toutes les informations nécessaires à la compréhension de l’intrigue puis que celle-ci annonçait une pièce engagée en ce sens que l’on devinait Marivaux revendiquant derrière Silvia criant sa colère. Nous pouvons donc affirmer que cette scène d’exposition se révèle comme un classique du genre. Pour autant, le XVIIIème siècle sera le siècle du drame bourgeois mais l’on découvrira avec le XIXème siècle un refus de ces règles directement héritées du XVIIème siècle et du théâtre classique. 2. Dissertation Un conflit au théâtre est-il toujours synonyme de violence ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur les textes du corpus, ceux que vous avez étudiés, ainsi que vos lectures personnelles.
REMARQUE. Le sujet ne pose pas de difficultés particulières. On devra entendre violence au sens large du terme, c’est-à-dire le fait d’exercer sur soi ou autrui une pression physique ou morale assortie d’une forme de menace. Si les origines du théâtre nous ramènent aux Dionysies, fêtes lors desquelles des tragédies étaient données en l’honneur de Dionysos, dieu de l’excès et du vin, nous pensons à Œdipe roi, de Sophocle, et imaginons le héros parricide et incestueux se crevant les yeux, s’acharnant à se faire mal pour ne plus voir l’horreur qu’il inspire. Sous cette acception, le conflit au théâtre apparaît comme synonyme de violence. Cependant, le théâtre en ce qu’il est une forme artistique qui évolue toujours peut proposer des formes de conflits dont la violence est absente. Ainsi verrons-nous que le conflit théâtral n’est pas systématiquement synonyme de violence. Il apparaîtra d’abord que la violence peut traverser le conflit théâtral ; ce dernier pourra se commuer en conflit intérieur et sa violence s’en trouvera changée elle aussi. Enfin, le conflit pourra s’expurger de toute forme de violence pour n’être finalement qu’un conflit qui fait grandir l’homme. I. Le conflit théâtral : une forme de violence parfois inouïe. - Il appert que le conflit théâtral revêt le plus souvent de la violence et surtout de la violence physique. Elle s’exerce sur un personnage qui aura à cœur de s’en défaire. Ainsi, Silvia, dans la Double inconstance, subit-elle une violence en ce sens qu’elle est enlevée à son amoureux, Arlequin, et démise de sa capacité à choisir, donc rendue à l’état d’esclave. Le spectateur prend alors automatiquement le parti de la jeune femme et le dramaturge peut faire passer un message, dans ce cas précis, une critique du mariage forcé. - Par ailleurs, le conflit théâtral peut mettre en scène l’opposition de deux rivaux. La tirade du nez, dans Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand, montre le héros éponyme ridiculisant d’abord, tuant ensuite, un jeune marquis qui l’avait préalablement provoqué sur la taille de son nez. Ce conflit est une occasion pour Cyrano de jouer les bretteurs et les poètes tout à la fois et ce morceau de bravoure est l’un des exemples les plus célèbres de conflit théâtral éminemment violent puisqu’il se termine par la mort de l’un des deux protagonistes.
II. Le conflit intérieur ou le dilemme cornélien. - Pour autant, tout conflit ne suppose pas une violence telle que nous l’avons définie. Le théâtre classique, Corneille en particulier, inventera la notion de dilemme cornélien, montrant un héros aux prises avec une fatalité qui le dépasse et l’oblige à affronter un choix qui n’en est pas un. Là, le conflit revêt la dimension d’une tension intérieure que le héros doit résoudre seul. Rodrigue, du Cid, monologue avant de prendre sa résolution. Si la violence est une conséquence du conflit qui l’agite, elle n’en est pas l’origine. - Par ailleurs, au théâtre, le conflit peut aussi se traduire dans un débat d’idées qui frôle la mise en abyme. Dans Art, de Yasmina Reza, la dramaturge met en scène trois amis qui se réunissent et échangent au sujet d’un tableau que certains considèrent comme une horreur quand d’autres le définissent comme une œuvre d’art. Le conflit théâtral devient ici une réflexion esthétique qui permet au dramaturge et au spectateur de s’interroger sur la notion d’art mais la violence est absente du dialogue. III. Le conflit comme débat : le conflit de comédie. - Il demeure que le théâtre s’appuie sur le dialogue et que ce dernier suppose par essence une discussion qui, si elle n’est pas forcément conflictuelle, met aux prises deux personnages. Le terme de conflit suppose un nœud qui amène lui- même à un dénouement. Lorsque le Comte, dans le Mariage de Figaro, croit parler la nuit à Suzanne alors qu’il parle à la comtesse sa femme, le conflit des deux époux permet d’aboutir au dénouement et ce sans violence. On voit ici que le conflit au théâtre peut aussi jouer un rôle de résolution, voire de négation de la violence. Le conflit est donc un éventuel dénouement théâtral. - Enfin, le théâtre, et en particulier la comédie, a un rôle éducatif. Castigat ridendo mores affirmait Santeul, faisant du théâtre un lieu et un moment où le rire permettait d’ouvrir à une réflexion. Le registre comique joue son rôle à plein et pousse le spectateur à poser sur les travers qu’il observe sur scène et qui sont parfois les siens, un regard distancié. Molière, dans Les Femmes savantes, fait échanger Henriette et sa sœur Armande au sujet du mariage que l’une voit comme le pire des esclavages et l’autre comme un aboutissement. Le conflit dans
le dialogue permet de réfléchir à la notion de mariage dans une société où la femme se retrouvait esclave de son époux. 3. Invention Vous êtes metteur en scène et vous rédigez à destination des comédiens et des techniciens un texte détaillant la façon dont vous souhaitez voir représentée la première scène du Médecin malgré lui (Texte A). Vous justifierez chacune de vos propositions dramaturgiques. Mes chers collaborateurs, Nous entamons un projet énorme, un projet d’importance, un projet fondamental : nous voulons faire rire. Le public oublie trop souvent que derrière un dramaturge, on trouve un metteur en scène, derrière un metteur en scène, des comédiens, derrière des comédiens, des coulisses où s’affairent les techniciens, la régie, les petites mains. J’ai choisi le Médecin malgré lui. Parce que j’aime Molière et parce que Molière est drôle. Mais pour cela, pour que Molière soit drôle, j’ai besoin de vous. Voilà comment j’imagine la première scène, et dieu sait qu’il faut de l’imagination, car Molière ne donne que peu de didascalies. Un intérieur pauvre et mauvais goût. Nous sommes au XVIIème siècle, pas aujourd’hui. Pourquoi me direz-vous ? L’alcoolisme et le charlatanisme sont aussi des phénomènes modernes ! Oui, mais voilà, je suis fidèle à Molière et je ne veux pas le transporter dans notre monde. Il a écrit pour le sien. Pas pour le nôtre. La scène, la voici : un poêle à bois, une table en bois, deux chaises et au fond une sorte de paillasse de paille, pour dormir. C’est drôle aussi parce que c’est sinistre. A table, je veux un homme : Sganarelle. Il boit. Il est affaissé. C’est une loque. Pour faire rire, il doit être ridicule. Sous la table, des bouteilles vides. Près du poêle, cuisinant, Martine. Elle se tourne vers lui, énervée, se remonte les seins avec vulgarité et fonce droit sur l’ivrogne. Les techniciens, c’est là que vous entrez en jeu. Une poursuite qui la met en valeur. Vous guiderez l’œil du spectateur. Les maquilleuses : forcez le trait et
faites-leur une ou deux dents noires, lui une trogne rouge, elle l’allure d’une mégère. Les costumières : ils portent des guenilles car Sganarelle a tout vendu pour boire. Le comédien qui sera Sganarelle (oui, j’ai dit que sera et pas qui jouera ; nous ne sommes pas là pour jouer mais pour être nos rôles. N’oubliez pas qu’un bon comédien est d’abord un bon menteur.) je le veux ivre, vulgaire, titubant, brutal. Mais attention, je veux aussi un alcoolique amusant, que ses répliques fassent mouche, qu’il ne récite pas « c’est vivre de ménage » mais qu’il s’amuse de sa pointe et crâne parce qu’il a trouvé un bon mot. Qu’il soit auto satisfait. La comédienne devra être agressive ; ces deux-là doivent avoir dans les quarante ans. Mais ils sont mal, très mal conservés. Alors qu’il est immobile, elle lui tourne autour. Alors qu’elle s’adresse à lui et le bouscule physiquement (il faut montrer son énervement), il regarde le public et le prend à témoin : non mais regardez-moi comme elle me traite ! A eux deux, la tension montera. La lumière devra s’intensifier ; on commencera dans le noir car nous sommes dans un bouge, un terrier, un cloaque. Puis la lumière arrivera jusqu’à la fin de la scène, lorsque l’époux ivre se lève et se saisit d’un bâton pour battre sa femme. Attention cependant : la violence conjugale est un fait grave aujourd’hui. Cette violence doit être revue, relue : il se saisit d’un bâton, oui. Il tente de la frapper, oui. Mais il la rate. Et l’effet comique, entendez-vous, mes comédiens, n’en sera que renforcé. Et elle se moque en redoublant ses cris. Que la comédienne hurle ! qu’elle beugle ! Le public sera ravi, Sganarelle, ridicule. Les alcooliques sont méprisables. Le message de Molière sera passé. Je compte sur vous, mes chers collaborateurs pour que cette pièce soit fidèle au grand dramaturge français. Soyons les porte-parole de Molière. Le metteur en scène.
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