L'EXPOSITION VIOLLET-LE-DUC AU GRAND PALAIS À PARIS (1979-1980)

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 L’exposition Viollet-le-Duc
 au Grand Palais à Paris (1979-1980)

Bruno Foucart
docteur ès lettres, professeur honoraire, université Paris-IV,
commissaire général de l’exposition Viollet-le-Duc à Paris en 1980.

La pratique des anniversaires, commémorations et célébrations, du privé au national, peut
quelquefois lasser ; elle a l’avantage de donner des états de situation. Comment Viollet-­le­-­Duc,
cent ans après sa mort, réapparaissait-il ? Quel était au vrai ce personnage si divers, si com-
plexe, si talentueux, si présent et si contesté, avec lequel le patrimoine n’allait plus cesser
de vivre, en mal ou en bien, en guerre ou en paix ? Un véritable revival de Viollet-le-Duc était
en tout cas en cours, depuis les années 1960, comme en témoignent la thèse de ­Robert
­Middleton en 1958, les articles parmi d’autres de Besset et de Revel de 1960 et 1964, com-
 me le confirment la recension de Geert Bekaert dans son À la recherche de Viollet-le-Duc
 publié chez Mardaga en 1980 et, bien sûr, la bibliographie réunie dans le catalogue de 1980,
 où l’année 1965 marque le début d’un long, contesté et passionné retour en honneur.
Cette année 1965 était celle où la Caisse nationale des monuments historiques (CNMH) célé­
brait le cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Viollet-le-Duc, le 27 janvier 1814.
L’exposition n’eut pas, semble-t-il, tous les égards qu’elle aurait mérités mais Pierre-­Marie
Auzas, cet inspecteur général qui s’était intrépidement voué à Mérimée et Viollet-le-Duc,
­publiait avec l’actif engagement de Geneviève Viollet-le-Duc et de sa sœur, Mme Henriquet,
 un faux catalogue qui était une vraie et substantielle biographie-chronologie. La consultation
 directe des archives familiales transparaissait et donnait toute sa valeur à cette somme qui a
 été republiée telle quelle en 1980, comme accompagnement de la CNMH au centenaire de la
 mort de l’artiste survenue le 17 septembre 1879, à Lausanne.
Le centenaire, précisément, ne pouvait-il donner l’occasion d’un hommage solennel et rai-
sonné ? Après tant de polémiques le temps de la compréhension n’était-il pas venu ? L’idée
de Michel Guy, alors secrétaire d’État à la Culture, était d’initier les nouvelles protections du
xixe et du xxe siècle. Il aimait Pierrefonds comme la villa Savoye et, inversement, Bram Van
Velde comme Gérôme. L’entreprise d’Orsay avait-elle un sens si on ne se réconciliait pas avec
le plus flamboyant inspirateur du siècle ? L’Association du centenaire de Viollet-le-Duc1 avait
le sentiment que Viollet-le-Duc méritait plus. Michel Guy voulut donc symboliquement que
l’exposition eût lieu dans les Galeries nationales du Grand Palais. Viollet-le-Duc ne serait pas
ainsi limité à son action de restaurateur ; il apparaîtrait comme un créateur universel, un phare.
Convaincu, Jean-Philippe Lecat, ministre de la Culture, donna son accord ; la ­conjonction
avec l’année du Patrimoine fournissait une bonne opportunité. Viollet-le-Duc n’était-il pas
dans l’histoire patrimoniale celui qui avait le mieux et continûment célébré les noces renouve-
lées du passé et du présent ? Ainsi patronnée et baptisée, l’exposition ouvrit le 19 février et
se termina le 5 mai 1980.
L’honneur du Grand Palais fait à un architecte – ce qui n’a pas été renouvelé depuis, fût-ce
pour Le Corbusier ou Perret – impliquait des efforts particuliers de présentation. Michel Guy
pensa à Richard Peduzzi ; celui-ci fit confiance à Christian Siret. Avec Bruno Donzet, ils réus-
sirent à reconstituer des espaces, à créer une atmosphère colorée directement prise à la
palette de Viollet-le-Duc. La salle des Preuses de Pierrefonds par l’intermédiaire de ses plâtres
ressuscités, les chambres d’Eu et de Roquetaillade avec leur mobilier présent en personne,
et même le grand salon du donjon de Pierrefonds, avec des éléments de boiserie, apparurent
en trois dimensions. Au secours du commissaire général, la direction de l’architecture avait
envoyé Françoise Bercé et le musée d’Orsay, alors en gestation, ainsi qu’Henri Loyrette et
Caroline Matthieu, jeune stagiaire. Il revint donc à cette société des quatre de mettre en œuvre
cette « montre » mise en situation par l’équipe Christian Siret-Bruno Donzet.

1. Association dont les animateurs, autour de Michel Guy, son président, étaient son arrière-petite-fille Geneviève Viollet-le-Duc,
Jean Musy, directeur de l’École des beaux-arts, Jean-Jacques Aillagon et moi-même.
L’exposition Viollet-le-Duc
                                                        au Grand Palais à Paris (1979-1980)
                                                                                                          Bruno Foucart

Le parti de l’exposition ne pouvait être que celui de l’universel. Il fallait servir Viollet-le-Duc
dans tous ses états : restaurateur, constructeur, décorateur, théoricien, artiste ; il fallait aussi et
d’abord que l’homme et sa sensibilité fussent présents. Comment permettre les lectures les
plus compréhensives de celui qui fut une sorte de Léonard-Jules Vinci-Verne ? L’exposition
se voulut donc comme le spectre de l’arc-en-ciel viollet-le-ducien. Il fallait qu’elle traduise les
diversités du grand homme et qu’en même temps elle s’ouvre aux différentes approches que
celui-ci permettait. La variété des contributions vérifiée par la table des auteurs du catalogue
traduit cette préoccupation. Dans cet hosanna il y eut sans doute des absents, peut-être des
oubliés mais sûrement pas d’exclus. Les trente-sept signatures du catalogue, toutes généra-
tions et formations mêlées, conservateurs, inspecteurs, universitaires, indépendants, ­ancêtres
et jeunes loups représentaient assez fidèlement le « viollet-le-ducianisme » des ­années 1980.
L’une des vertus secondaires de cette exposition est donc d’avoir témoigné, en ces temps
post-modernes, pour l’histoire de l’histoire de l’art et de ses acteurs2.
Quant aux sections, elles concernaient dans l’ordre le restaurateur, le constructeur, le
déco­rateur, le dessinateur, la postérité. Chacune était organisée en dossiers, de sorte que
­Pierrefonds était par exemple traité à la fois par Louis Grodecki pour la restauration, par
 Marie-­Hélène ­Thibierge pour la sculpture, par Colombe Samoyault-Verlet pour le mobilier, par
 François Loyer pour le décor peint. Avec ses cinq grandes entrées, ses soixante et un dos-
 siers, ses six cent quarante-neuf numéros, le catalogue comptait des annexes où l’on trouvait
 un premier inventaire des dessins conservés alors au centre de recherches des monuments
 historiques de Chaillot et une « liste des écrits de Viollet-le-Duc » due à Jean-Jacques Aillagon
 – liste inédite et non remplacée à ce jour. Certes il y eut des manques comme par exemple
 les châteaux d’Abbadia ou de Pupetières ; l’influence du théoricien aurait pu être davantage
 approfondie. Mais, en faisant une place privilégiée au dessinateur, et d’abord celui du massif
 des Alpes, on suggérait bien que là était l’intuition essentielle de Viollet-le-Duc : dans l’unité
 de l’homme et de l’univers, dans l’analyse logique du créé. Le catalogue avait une ambition :
 rester utile. Il semble qu’il n’ait pas encore démérité.
L’exposition du Grand Palais s’était très vite transformée en étoile du berger d’une nouvelle
constellation. À peine la décision prise et connue surgirent de multiples autres propositions.
Cette floraison d’expositions pouvait poser quelques problèmes à un commissariat général
qui risquait de se voir privé de documents essentiels ; elle témoignait d’abord de la force du
sigle VLD. Les lieux et édifices qui avaient connu ses interventions commençaient enfin à s’en
glorifier, même si à Saint-Sernin de Toulouse un projet de dérestauration se posait en excep-
tion. Des accords sur le calendrier furent à chaque fois trouvés.
Le festival Viollet-le-Duc se déroula sans heurts. De mai à novembre 1979 le château d’Eu,
à partir de ses propres archives, fit l’historique des travaux exécutés de 1874 à 1879 pour
le comte de Paris. Martine Bailleux-Delbecq proposa tout simplement une nouvelle lec-
ture du château, en l’analysant comme consubstantiellement « viollet-le-ducien » puisque
­Viollet-le-Duc réinventait pour Eu le mobilier Louis-Philippe-Bidermeier, dans le même esprit
 d’avant-gardisme qu’à Pierrefonds pour le mobilier médiéval. Les meubles de la chambre
 dite « dorée » furent exposés à Paris. Au musée Bargoin de Clermont-Ferrand, Marie-Laure
 ­Hallopeau présenta Viollet-le-Duc en Auvergne. Le parti était celui d’étudier toutes les pré-
  sences et activités de Viollet-le-Duc dans une même région : du voyage de 1831 en Auvergne
  jusqu’à l’achèvement de la cathédrale de Clermont-Ferrand à partir de 1864, l’ubiquité du
  grand homme se vérifiait. Au tour de Lydwine Saulnier et Claude Hohl : Viollet-le-Duc dans
  l’Yonne fit l’objet d’une enquête comparable. Les chapiteaux de Vézelay, déposés, restaurés,

2. Nous ne résistons pas au plaisir de rappeler les noms des « 37 » : Jean-Jacques Aillagon, Martine Bailleux-Delbecq, Claudine
Berger, Françoise Bercé, Marie-Claude Béthune, Nicole Blondel, Françoise Boudon, Patrick Bracco, Yvonne Brunhammer, Ghis-
laine Cazenave, Régine Couennaux, Marcel Durliat, Alain Erlande-Brandenburg, Bruno Foucart, Jacques Foucart-Borville, Patrick
Goulet, Louis Grodecki, Marie-Laure Hallopeau, Dominique Hervier, Jean-Claude Lasserre, Bernard Lauvergeon, Bertrand Lemoine,
Jean-Michel Leniaud, Annie Lotte, François Loyer, Henri Loyrette, Catherine Marmoz, Caroline Mathieu, Mathieu Meras, Robin Mid-
dleton, Jannie Mayer, Françoise Perrot, Léon Pressouyre, Colombe Samoyault-Verlet, Lydwine Saulnier, Marie-Thérèse Thibierge,
Geneviève Viollet-le-Duc.
L’exposition Viollet-le-Duc
                                                         au Grand Palais à Paris (1979-1980)
                                                                                                           Bruno Foucart

firent l’objet d’une présentation particulière. Enfin les catalogues étaient modestes mais riches
en faits et révélations. Ainsi se dessinait ce que pouvait être à l’échelon national un véritable
« tout Viollet-le-Duc », dont l’exposition de 1980 ne pouvait malgré son ampleur donner une
synthèse, fût-elle arborescente.
Deux manifestations tranchaient par leur différence : celles de Lausanne et de l’École des
beaux-arts parisienne. Lausanne, où Viollet-le-Duc vécut ses dernières années et mourut,
se devait de lui offrir un hommage particulier. L’exposition présentée de juin à octobre 1979
célébrait bien sûr le restaurateur de la cathédrale, mais aussi le concepteur de l’exemplaire
chalet « pré-wrightien » de la Vedette que l’on n’avait su ou pu conserver (cette disparition
alors récente était une blessure vive). Les dessins de montagnes apparaissaient comme l’ex-
pression finale et synthétique du grand œuvre de celui qui fut capable de comprendre et de
réunir Notre-Dame de Paris et le ­Mont-Blanc dans un même élan. Le catalogue ajoutait des
contributions générales, réunissant des grandes signatures, de Georg Germann à Jacques
Gubler, et de Philippe Junod à Robin Middleton.
À Paris, Geneviève Viollet-le-Duc, Jean Musy et Jean-Jacques Aillagon tenaient à ce que que
le voyage en Italie (1836-1837) fasse l’objet d’une présentation particulière3. La beauté des
dessins et aquarelles conservés dans ce que l’on appelait le « fonds Viollet-le-Duc », le retour
dans l’École des beaux-arts qui n’avait pas encore vraiment réparé le drame de 1863 justifiait
cette présentation qui, de janvier à mars 1980, dans la chapelle réouverte, se révéla un lieu
de grande émotion. Le catalogue était le commentaire illustré et pratiquement exhaustif de ce
voyage, dont le jeune Viollet-le-Duc sut renouveler les charmes et les enseignements.
Le centenaire du 17 septembre 1979, marqué par une telle explosion d’expositions, mani­
festations, publications, prolongé sur deux ans de 1979 à 1980, célébrait le triomphe de
­Viollet-le-Duc ; on ne se demanderait plus s’il était bon où méchant : il existait4. Mais l’impor-
tant était bien dans tous ces nouveaux regards convergeant vers un Viollet-le-Duc aimable,
et de mieux en mieux aimé. Pierrefonds reconnaissait enfin sa véritable paternité. En repu-
bliant, quatorze ans après sa parution, un texte de Louis Grodecki, admirable de lucidité, en
investissant les salles du Grand Palais avec les plâtres de la salle des Preuses et les meubles
références du salon du donjon, enfin, en commandant à Jean-Michel Leniaud une présen-
tation dans les murs de ce que fut cette restauration-création, le château montrait qu’il était
décidé à assumer fièrement son destin : celui d’avoir été le laboratoire et l’atelier du premier
des architectes-savants-poètes du xixe siècle.

3. Geneviève Viollet-le-Duc avait publié, en 1971, les lettres de ce voyage initiatique.
4. Certes, le projet de dérestauration de Saint-Sernin de Toulouse présenté par Yves Boiret et libéralement accroché aux cimaises
du Grand Palais désespérait tous ceux qui le considéraient au mieux comme un anachronisme.
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                          Sommaire                                                      English contents below

                                                         Sous la direction de Christophe Vallet,
                                                         président du Centre des monuments nationaux

                                Christophe Vallet,       Ouverture du colloque
     président du Centre des monuments nationaux

              Président de séance : Bruno Foucart,       L’exposition Viollet-le-Duc au Grand Palais à Paris (1979-1980)
             docteur ès lettres, professeur honoraire    Résumé Abstract
        de l’université Paris-IV, commissaire général
          de l’exposition Viollet-le-Duc, Paris, 1980

                                        Jean Mesqui,     Le château du xve siècle. L’œuvre de Louis d’Orléans à Pierrefonds
                docteur ès lettres, ingénieur général    Résumé Abstract texte non communiqué
                           des Ponts et Chaussées

             Jean-Paul Midant, docteur en histoire,      Le château de Pierrefonds reconstruit : résidence ou musée ?
      maître-assistant à l’École nationale supérieure    Résumé Abstract
                    d’architecture de Paris-Belleville

     Nicolas Faucherre, professeur d’histoire de l’art   Le parc du château de Pierrefonds, un projet singulier
           à l’université de Nantes (Loire-Atlantique)   Résumé Abstract texte non communiqué

  Étienne Poncelet, architecte en chef et inspecteur     Un château reconstruit dans les années 1860 (la leçon d’architecture)
              général des monuments historiques          Résumé Abstract

                              Jean-Pierre Reverseau,     Le cabinet d’armes de Napoléon III à Pierrefonds
                conservateur général du patrimoine,      Résumé Abstract
        directeur adjoint du musée de l’Armée, Paris

                                    Martin Bressani,     Empire, nation et idéologie militariste chez Viollet-le-Duc
            professeur agrégé, école d’architecture,     Résumé Abstract
                université McGill, Montréal (Canada)

     Laurent Baridon, docteur en histoire, professeur    Une « histoire naturelle à part » :
à l’université Pierre-Mendès-France, Grenoble (Isère)    la sculpture d’invention du château de Pierrefonds
                                                         Résumé Abstract
Sommaire
       Président de séance : Jean-Michel Leniaud           Le chantier de Pierrefonds, œuvre d’État :
professeur à l’École nationale des chartes, directeur      nation et spécificités locales
d’études à l’École pratique des hautes études, Paris       Résumé Abstract

                 Aron Vinegar, Assistant Professor,        La photographie panoramique
                    département d’histoire de l’art,       et la restauration du château de Pierrefonds
       Ohio State University, Columbus (États-Unis)        Résumé Abstract

               Marie-Laure Berdeaux-Le Brazidec,           Viollet-le-Duc, les fouilles de Champlieu et du camp de Saint-Pierre,
         docteur en archéologie, chercheur associé         et le dessein archéologique de Napoléon III
                     à l’UMR 5140, Lattes (Hérault)        Résumé Abstract

                  Arnaud Timbert, docteur en histoire      Les illustrations du Dictionnaire raisonné :
             de l’art médiéval, maître de conférences      le cas de la cathédrale de Noyon et des églises de l’Oise
       à l’université Lille-III-Charles-de-Gaulle (Nord)   Résumé Abstract

      Présidente de séance : Marie-Paule Arnauld,          Présentation générale des archives publiques
              conservatrice générale du patrimoine,        concernant l’œuvre de Viollet-le-Duc
directrice du musée des Monuments français, Paris          Résumé Abstract

          Jean-Daniel Pariset, conservateur général        Les archives Viollet-le-Duc à la Médiathèque
         du patrimoine, directeur de la Médiathèque        de l’architecture et du patrimoine
            de l’architecture et du patrimoine, Paris      Résumé Abstract

                                     Bruno Ricard,         Le fonds d’archives du château de Pierrefonds
                conservateur en chef du patrimoine,        conservé aux archives départementales de l’Oise
   directeur des archives départementales de l’Oise        Résumé Abstract

                                     Michel Clément,       Clôture du colloque
         directeur de l’Architecture et de Patrimoine
                           au ministère de la Culture
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