Améliorer la qualité de l'éducation en Russie en transformant le système d'assurance de la qualité
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Améliorer la qualité de l’éducation en Russie en transformant le système d’assurance de la qualité Par : Victor Bolotov Elena Lenskaya Mark Agranovich À la fin des années 1980 et au début des années 1990, il était clair que la société changeait si complètement en Russie que le système d’éducation n’était plus en mesure de s’adapter aux nouveaux besoins. Les gens ne voulaient plus que leurs enfants apprennent les dogmes de la théorie marxiste ou lisent des livres écrits par les bons membres du Parti communiste. Ils souhaitaient plutôt qu’ils apprennent les langues étrangères – le savoir de qualité jadis réservé à un nombre limité de privilégiés – qu’ils comprennent l’économie de marché et qu’ils se préparent en vue de la nouvelle société qui, de l’avis de tous, serait une société ouverte. Une société ouverte devait avoir un système d’éducation ouvert. Les réformes menées avaient toutes pour objectif d’abattre les murs du système jusqu’alors fermé, ce qu’elles ont réussi à faire dans une certaine mesure. Début des années 1990 : Libéralisation du système Les discussions sur la création d’un nouveau système scolaire digne d’une société ouverte ont débuté au milieu des années 1980, quand Gorbachov a pris le pouvoir. Des débats publics ont accompagné l’élaboration du programme de réforme, tandis qu’une équipe de remue-méninges très diversifiée, formée de chercheurs, de gestionnaires de tous les paliers administratifs du système d’éducation, de directeurs d’école, d’enseignants et même d’éducateurs de la petite enfance ont pris part à la conception du plan de réforme final. À la tête de l’équipe figurait le futur ministre de l’Éducation, Eduard Dneprov. Malheureusement, l’équipe manquait de membres de l’extérieur du système d’éducation. La réforme reposait sur le désir de se départir du contenu soviétique hautement politisé du curriculum, ainsi que du système unitaire composé de programmes d’études à contenu entièrement obligatoire, de manuels scolaires identiques pour tous les enfants des quatre coins de l’Union soviétique et d’édifices scolaires standard du Nord au Sud. Seules les normes scolaires et procédures d’évaluation n’étaient pas convenablement normalisées.1 L’examen des dix principes de réforme du système d’éducation suivants, formulés à l’époque, permet de brosser un portrait de l’ampleur de la réforme envisagée : • démocratisation de la gestion scolaire et de la vie étudiante • diversification des modèles d’éducation, programmes d’études et autres • renforcement de l’identité nationale en tant que mission clé de l’école • ouverture du système • régionalisation des politiques des écoles • adoption d’une politique humaniste • adoption d’une approche antidogmatique • apprentissage centré sur la personnalité • éducation favorable au développement • apprentissage la vie durant 1 Dans l’ancienne Russie soviétique, les normes scolaires étaient axées sur les intrants, c’est-à-dire qu’elles définissaient le contenu à enseigner. Les résultats escomptés n’étaient ni définis, ni normalisés. L’établissement se chargeait de l’évaluation, qui ne reposait pas sur des critères définis. Par conséquent, chaque école ou université avait ses propres critères d’évaluation et le système de notation variait considérablement d’un établissement à l’autre.
Le pays manquait cependant de ressources pour opérer des changements aussi profonds. Le système était terriblement sous-financé; c’est pourquoi la plupart des modifications apportées à l’époque visaient surtout les lois sur l’éducation et la décentralisation de la gestion scolaire. Selon la communauté internationale, la loi sur l’éducation rédigée en 1992 est l’une des lois les plus libérales de l’histoire de l’Europe. Certains obstacles plus apparents à la création d’un système scolaire ouvert et démocratique, comme le curriculum politisé rempli de stéréotypes soviétiques, étaient plus difficiles à briser vu le besoin de changer la mentalité des enseignants avant de changer l’enseignement prodigué. Ravis de la transformation soudaine de la Russie sur le plan politique, les pays occidentaux étaient très disposés à contribuer aux projets les plus ambitieux et prêts à dépenser de grandes sommes pour appuyer les réformes scolaires. Or, les décideurs russes de l’époque, qui n’avaient pas l’expérience requise pour faire des choix éclairés, embrassaient presque toutes les idées venues de l’Ouest. Par conséquent, beaucoup de ressources ont été gaspillées à faire des transformations inutiles et à mener des projets peu prioritaires. La plus grande réalisation de l’époque s’est avérée être la diversification au sein du système, qui s’inspirait en partie de contacts à l’étranger : des nouveaux modèles scolaires ont vu le jour, les régions et les écoles ont obtenu le contrôle de 25 à 30 pour 100 du curriculum scolaire, et des choix et options ont été ajoutés au curriculum. Un marché des manuels scolaires a commencé à se développer et les parents ont pu se mettre à choisir l’école de leurs enfants. En l’absence d’une nouvelle compréhension de la qualité de l’éducation et de procédures rigoureuses d’assurance de la qualité, toutefois, la liberté nouvellement acquise a rapidement semé le chaos et réduit la cohésion au sein du système. 1998-2004 : Rationalisation du système et adoption de procédures valables sur le plan technologique À la toute fin du 20e siècle, la conjoncture économique du pays a commencé à se stabiliser et la haute direction du ministère de l’Éducation s’est mise à planifier une nouvelle réforme exhaustive. Cette fois-ci, le ministre Filippov et son équipe ont consacré beaucoup de temps à veiller à ce que la Russie tire leçon des meilleures réformes de l’éducation menées dans le monde et qu’elle dispose de données fiables sur le rendement de son système d’éducation comparativement aux pays où ces réformes ont été effectuées. La réforme envisagée par le ministère peut être qualifiée de technologique : elle formulait de nouveaux objectifs, comme l’acquisition d’habilités et de compétences essentielles que ne possédaient pas les élèves russes selon PISA, et mettait l’accent sur l’autonomie des apprenants, la règle de droit de l’école, la créativité, la tolérance et les aptitudes à communiquer en langue étrangère. À la différence de la première, cependant, cette réforme se concentrait sur l’adoption de mécanismes qui permettraient au système de fonctionner de façon efficace et efficiente. Des erreurs ont été faites au début. Les tentatives pour favoriser la compétition au sein du système ont entraîné l’apparition de quasi- marchés, comme celui des nombreux établissements privés d’enseignement supérieur spécialisés dans la vente de certificats d’études. Également, l’idée d’offrir des subventions de l’État pour payer les droits de scolarité des élèves les plus performants n’a jamais pris forme au sein du système. D’autres idées ont toutefois fait du chemin. À cette époque, la Russie avait entamé un vrai dialogue avec l’Occident; la plupart des mécanismes intégrés au système s’inspiraient de systèmes analogues occidentaux. Les plus importantes innovations touchaient : • une nouvelle génération de normes devant être fondées sur des résultats; • la réforme des TIC, peut-être la seule qui insistait sur la formation des enseignants; • la mise sur pied d’un système indépendant d’assurance de la qualité et d’examens externes; • l’adoption d’une méthode de financement selon une formule préétablie;
• l’optimisation du système scolaire et l’introduction d’autobus scolaires, dont la Russie ne disposait pas auparavant; • l’adoption de normes de qualité en vue de la production de manuels scolaires; • la collecte de données fiables en vue de la prise de décisions stratégiques fondées sur des éléments probants. La majorité de ces innovations ont survécu au passage du temps, à l’exception des normes scolaires qui constituent peut-être le seul échec. Les normes scolaires ont été élaborées par des universitaires qui manquaient d’expérience en milieu scolaire et adoptaient volontiers toutes nouvelles idées sans tenter de les comprendre. Ces universitaires ont cerné près de 450 « compétences essentielles » en plus d’élaborer des normes axées sur les intrants, c’est-à- dire des normes précisant le contenu à enseigner plutôt que les résultats à atteindre. Les résultats escomptés étaient définis très sommairement et, la plupart du temps, impossibles à mesurer. La réforme des TIC a été un succès et demeure peut-être la mieux reçue au pays. Du matériel a été acheminé vers toutes les écoles, y compris les petites écoles rurales, et des centaines de milliers d’enseignants ont reçu une formation. Malheureusement, la formation n’a pas eu les effets escomptés : la plupart des enseignants ont reçu une formation ponctuelle sans possibilité de poser des questions à mesure qu’ils mettaient en pratique leurs nouvelles compétences. La réforme la plus contestée concernait le nouvel examen de fin d’études, qui qualifiait aussi les élèves pour l’université. Elle a été sévèrement critiquée par le lobby des universités qui n’avaient soudainement plus le contrôle sur le processus d’inscription des étudiants, source importante de revenu fantôme. La résistance des universités a retardé de près de huit ans l’adoption d’examens unifiés à l’échelle du pays. La transition vers le nouveau système a cependant eu lieu et a inspiré des changements futurs, comme la création d’examens externes de 9e année et l’introduction du SYQARu, dont nous parlerons plus tard. L’optimisation du système scolaire a fonctionné dans certaines régions, particulièrement là où le système routier et les distances permettaient l’utilisation d’autobus scolaires. Les très petites écoles sont devenues redondantes ou leur administration a été regroupée, et l’utilisation des ressources a été optimisée. Un système de financement selon une formule préétablie a aussi été instauré à l’échelle du pays. Malheureusement, il ne dispose pas encore de l’expertise adéquate en élaboration de formules de financement pour fonctionner adéquatement. Dans certaines régions, les élèves en difficulté et les immigrants, en particulier, ne reçoivent pas assez de soutien dans les écoles ordinaires en raison de formules mal conçues. De toutes les réformes, le nouveau système de traitement des données mis en œuvre par le Centre of Educational Statistics a probablement constitué l’initiative la moins remarquée du grand public, malgré son extrême importance pour l’analyse judicieuse des données et la planification fondée sur des éléments probants. Pour la première fois de l’ère postsoviétique, la Russie s’est mise à produire des données fiables sur le fonctionnement du système d’éducation. Depuis 2004 : Investissement dans les chefs de file et centralisation croissante Durant le deuxième mandat du président Putin (2004-2008), d’importantes sommes ont été investies dans le système d’éducation et un système de pseudo-subventions nationales a été créé. C’était la première fois en Russie qu’on octroyait des fonds si considérables pour célébrer les meilleurs enseignants, les meilleures écoles et les meilleures universités. Les enseignants lauréats ont été choisis à partir de questionnaires que devaient remplir les parents, les diplômés et les directeurs d’école. Les personnes nommées meilleurs enseignants recevaient une prime de 3 000 $ à 3 500 $, qu’elles étaient libres de dépenser comme elles le souhaitaient. Les écoles devaient produire des plans de développement; celles qui satisfaisaient à tous les critères prescrits recevaient de l’argent à des fins d’approvisionnement et de formation.
Malheureusement, avant même qu’elles ne puissent voir la couleur de cet argent ($30 000 $ à 35 000 $ chacune), les écoles ont fait l’objet d’une vérification gouvernementale de leur façon de la dépenser. La période prévue pour l’utilisation des sommes était trop courte; pour respecter les échéanciers, les écoles ont acheté à la hâte du matériel superflu. Les universités se sont heurtées à des défis très similaires en matière de divulgation, mais leurs subventions étaient plus importantes et leurs possibilités de développement considérables. Malgré cela, de nombreux experts diront que cette initiative d’envergure n’a fait que creuser le fossé qui sépare riches et pauvres. Les écoles performantes, fréquentées par des enfants de parents riches ou des élèves choisis en fonction de leurs capacités ou compétences, ont pu acquérir du nouveau matériel, tandis que les écoles fréquentées par des enfants défavorisés sur le plan social, qui ne semblaient pas pouvoir rivaliser avec les premières, n’ont rien reçu. Les écoles russes ne sont pas regroupées sous forme de grappes. Le choix des gagnants n’a donc pas pris en compte les antécédents et le contexte. Les tentatives de diffusion des meilleures pratiques des écoles gagnantes n’ont également pas porté des fruits, en raison d’un manque d’organisation et d’une supervision déficiente. La nouvelle administration du président devait raffiner davantage certaines initiatives; malheureusement, la crise économique de 2009 est venue contrarier ses projets. Durant la première décennie du 21e siècle, la politique en matière d’éducation s’est caractérisée par une centralisation accrue (la « verticalisation » du pouvoir, comme le décrit le gouvernement). Une nouvelle série de normes scolaires, beaucoup moins axées sur la diversification, a privé les régions du pays de la possibilité d’inclure leurs propres composantes au curriculum scolaire. Étant donné le peu de latitude leur étant accordé par les auteurs des nouvelles normes, il est presque impossible pour les écoles de tenir compte des réalités ethniques sur le plan de la langue, de l’histoire et de la culture. Par conséquent, l’uniformisation se substitut graduellement au caractère fédéraliste de la politique en matière d’éducation. Dans un pays à ce point étendu et diversifié, qui compte plus de 120 ethnies indigènes et une population immigrante qui croît de façon exponentielle, toute tentative d’adoption de solutions universelles est vouée à l’échec. La croissance du nationalisme fait aussi croître la xénophobie et les soupçons à l’endroit de toute innovation venue de l’Ouest. L’intensité du dialogue avec certains des systèmes les plus performants a diminué; des partenariats avec l’extérieur demeurent, mais sont en proie à d’importants problèmes sur le plan logistique en raison de nouvelles mesures législatives russes adoptées en l’absence d’autres points de vue. « Comment changer les choses sans rien changer » pourrait être la meilleure façon de décrire les documents stratégiques produits par le ministère de l’Éducation. Ils formulent beaucoup d’objectifs, mais restent très vagues en matière de résultats escomptés. Par conséquent, l’initiative « Notre nouvelle école », rendue publique en 2009, décrit les objectifs suivants : • Transition vers de nouvelles normes • Évaluation externe à trois niveaux • Nouvelles exigences pour les enseignants • Soutien aux élèves doués et handicapés • Nouvelle infrastructure scolaire • Plus grande autonomie des écoles Tous ces objectifs sont valables, mais il n’est pas toujours possible de savoir ce qu’ils signifient exactement : le document nomme peu de politiques ou de mécanismes précis. Dans certains cas, comme celui de l’évaluation externe, les innovations escomptées sont déjà en place et requièrent très peu d’effort.
Devrait-on dire, alors, que la politique actuelle en matière d’éducation se trouve dans une impasse? Certainement pas. La Russie a toujours compté des partisans de la réforme qui mènent des activités de bas en haut là où l’administration locale y est réceptive et où il est possible d’obtenir des résultats mesurables. Ils continueront de mettre à l’essai des solutions novatrices et de rédiger des documents stratégiques dans l’attente d’une occasion de les mettre en œuvre à l’échelle du pays. Principales réalisations Lorsqu’on examine l’état du système d’éducation russe d’il y a 20 ans, et qu’on le compare au statu quo actuel, on peut dire que les plus importants changements apportés se situent au niveau de : • la diversification du curriculum et du système dans son ensemble, et de la multiplication des options; • l’adoption d’un système d’examens externes normalisés; • la mise sur pied d’un système de collecte de données valables en vue d’une gestion fondée sur des éléments probants; • l’adoption du principe de financement selon une formule préétablie. Bien que le gouvernement poursuive sa politique de centralisation et que, ce faisant, il ait restreint les options sur le plan des normes scolaires, de modèles institutionnels et du contenu des programmes d’études, le niveau de diversification du système demeure bien supérieur à ce qu’il était. Les écoles trouvent le moyen de contourner les restrictions pour enseigner le contenu que souhaitent les parents. Même les tentatives d’enseignement des rudiments de la religion orthodoxe dans les écoles d’État non confessionnelles d’un État multiculturel et multiconfessionnel ont suscité des réactions très variées au sein du système. Certaines républiques ethniques ont insisté pour substituer à la religion orthodoxe leurs religions prédominantes, tandis que d’autres ont choisi d’inclure un cours sur l’histoire des religions et l’éthique. Des tentatives soutenues visant à limiter le nombre de manuels scolaires offerts aux élèves ont occasionné beaucoup d’agitation et de malaise, et ont essentiellement échoué. Malgré toutes les critiques qui lui ont été adressées, le système d’examens externes normalisés a joué un rôle très important : il a remplacé le système désuet, subjectif et chronophage de doubles examens majoritairement oraux effectués par les élèves au moment de quitter l’école et d’entrer à l’université. Cela a eu pour résultat d’équilibrer les chances, surtout chez les étudiants des régions éloignées de la Russie qui peuvent maintenant être admis dans les meilleures universités sans engager d’importants frais de déplacement. Les examens externes sont une excellence source de renseignements qui permettent aux décideurs de comparer les écoles et les conditions d’admission des universités. Ces examens jouent aujourd’hui le rôle de normes axées sur les résultats : en l’absence de normes scolaires bien définies et mesurables, ils procurent une série de normes auxquelles les diplômés des écoles doivent satisfaire, et le font de façon transparente et ouverte. La qualité des questions individuelles d’examen et les éléments de procédure peuvent encore être améliorés, mais les avantages des examens en dépassent largement les inconvénients. L’amélioration du système de collecte de données a favorisé également la prise de décisions éclairées. La Russie peut maintenant participer à la grande majorité des enquêtes et examens internationaux, ce que le manque de données fiables ne lui permettait pas de faire auparavant. Les mécanismes actuels de financement selon une formule préétablie sont loin d’être parfaits, mais le seul fait d’en avoir établi le principe est important. Par le passé, le gouvernement russe finançait les établissements sans tenir compte de leur taille ou de leur capacité. Le principe de
financement des établissements selon leur population étudiante favorise la concurrence et le développement au sein du système, et assure une répartition plus équitable des ressources. Sources d’inquiétude Nous nous inquiétons vivement du fait que les élèves russes continuent d’obtenir des résultats faibles, à tendance négative, aux enquêtes internationales, notamment ceux du PISA. Malgré les résultats positifs stables et même à la hausse obtenus à l’étude PIRLS (l’an dernier, la Fédération de Russie figurait en tête du classement). La Russie affiche des résultats sous la moyenne des pays de l’OCDE pour toutes les compétences évaluées dans le cadre du PISA. Voir la Figure 1. Figure 1 : Sources d’inquiétude Résultats faibles, à tendance négative, des élèves russes aux enquêtes internationales (PISA) Un système d’éducation professionnelle ne répond pas adéquatement aux besoins du marché du travail moderne et comporte des normes qui sont encore élaborées sans consultation suffisante des employeurs. En outre, les employeurs peuvent rarement suffisamment contribuer aux normes de qualité pour assurer une transition adéquate vers un système d’éducation et de formation professionnelles (SEFP) dicté par le marché. La mauvaise qualité du système explique pourquoi de nombreux jeunes diplômés des établissements d’éducation et de formation professionnelles se retrouvent au chômage. Voir la figure 2.
Figure 2 : Sources d’inquiétude Incompatibilité entre le SEFP et les besoins du marché du travail moderne Au cours des dernières décennies, le système d’enseignement supérieur s’est grandement détérioré. Dans l’ensemble, les tentatives pour le réformer ont échoué. On a annoncé son remplacement par un système à deux niveaux à plusieurs reprises, mais les universités ont toujours saboté ces plans. La piètre qualité de l’enseignement supérieur est aussi attribuable à l’accès facile aux études postsecondaires. Selon certaines données (rapports du HSE), près de 100 pour 100 des diplômés des écoles sont admis dans des établissements d’enseignement supérieur en raison du laxisme considérable et croissant des conditions d’admission. Par conséquent, la Russie perd sa réputation au sein du marché international de l’enseignement supérieur. Voir la figure 3.
Figure 3 : Sources d’inquiétude Accès facile aux études postsecondaires et piètre qualité de l’enseignement supérieur Cela a pour effet de creuser davantage le fossé déjà considérable en matière d’accès à une éducation de qualité, ce qui pose un sérieux risque de marginalisation de certains groupes de la population. D’un examen du PISA à l’autre, le nombre d’étudiants se situant aux échelons supérieurs de la réussite scolaire ne cesse de baisser tandis que grossissent les rangs des étudiants des plus bas échelons. Voir la figure 4. Figure 4: Sources d’inquiétude Écart croissant en matière d’accès à une éducation de qualité et marginalisation de certains groupes
C’est pourquoi les investissements considérables dans le système d’éducation ont jusqu’à présent eu peu d’effet sur la croissance économique nationale. Voir la Figure 5. Figure 5 : Sources d’inquiétude Haut niveau de scolarité mais piètres résultats sur le plan économique Russia Les questions suivantes nécessitent donc une attention sérieuse de la part des réformateurs : • La gestion n’est pas fondée sur des éléments probants. Le système remplit maintenant la plupart des conditions requises à ce genre de gestion, mais des décisions stratégiques importantes sont souvent prises sans égard aux données disponibles. • La reddition de comptes à la population est rudimentaire. Le concept même de reddition de comptes à la population est absent du vocabulaire éducatif ou politique russe. • Les normes et le curriculum demeurent axés sur les intrants et sont donc impossibles à mesurer. • Dans la plupart des écoles, l’évaluation formative effectuée n’est pas efficace et la plupart des enseignants en comprennent mal le concept. • Le personnel enseignant n’est pas en mesure d’appliquer le programme de réforme. Le système d’éducation et de formation des enseignants est désuet et inefficace. • Le système de formation préparatoire et en cours d’emploi n’a pas été revu depuis l’ère soviétique et la politique en matière de personnel est déficiente. Les données internationales ne sont pas prises en compte et la recherche au pays est superflue. SYQARu et la transformation du système national d’assurance de la qualité Les tentatives de création d’un nouveau système d’assurance de la qualité à l’échelle du pays constituaient, dans une grande mesure, une réponse à la plupart des problèmes susmentionnés. Outre l’adoption d’examens unifiés, la Russie a mené à bien plusieurs initiatives dans le domaine de l’assurance de la qualité : • La reddition de comptes à la population, à tous les paliers du système, fait maintenant l’objet de discussions au sein du milieu professionnel et des échelons supérieurs du
gouvernement, qui examinent la possibilité d’adopter un modèle de « direction fondée sur les résultats ». On observe des manifestions de reddition de comptes à la population à l’échelle des écoles, comme des rapports de directeurs d’écoles aux membres du public. • Un système multipaliers d’examens nationaux a été créé pour faire office de système multipaliers d’évaluations normalisées externes. Deux examens externes prévus sur trois sont maintenant en place mais l’absence de normes multipaliers constitue l’obstacle principal au projet. • La réorientation des efforts sur l’évaluation formative est maintenant reconnue comme une directive stratégique et les aspects pratiques de cette réorientation font l’objet de discussions par le milieu professionnel. • Les efforts se poursuivent en vue d’obtenir des normes nationales en matière d’éducation qui sont fondées sur les résultats. Des groupes de concepteurs de normes de rechange ont été formés et des débats publics ont lieu au sein de l’administration du président (Chambre publique) et dans le cadre d’autres rencontres publiques. • Dans les premiers temps, l’évaluation fondée sur des éléments probants des systèmes locaux d’éducation et d’écoles – une conséquence des examens externes – créait plus de difficultés qu’elle n’apportait d’éclaircissements. Les tentatives d’utilisation des données des examens externes pour effectuer un classement des écoles sans égard à leur contexte ont agacé les écoles et lancé le débat sur les moyens d’évaluer celles-ci de façon équitable. Cela a mené à un début d’exploration des principes de valeur ajoutée. • Les premières étapes d’instauration d’un processus de vérification gouvernementale ont été franchies, sous la direction d’organismes de gestion scolaire nouvellement formés. Les associations d’administrateurs scolaires ont dressé des listes de vérification qui leur permettent de procéder à des vérifications non seulement des services offerts par l’établissement, mais aussi de sa philosophie et du climat qui y règne. En 2005, des discussions ont débuté sur l’élaboration d’un système d’assurance de la qualité à l’échelle du pays et des documents ont été publiés sur le sujet. Le but même du système d’assurance de la qualité de la Russie (SYQARu) est de rendre le système davantage responsable devant ses clients : les personnes, les familles, la société civile, les employeurs et les structures de l’État. Il est difficile de sous-estimer l’importance de ce changement de paradigme lorsqu’on tient compte du fait que, pendant près d’un siècle, le système n’était responsable que devant l’État.
Le concept de SYQARu Les éléments du système en cours d’élaboration sont les suivants : • Un système multipaliers d’évaluation de la performance scolaire des élèves après l’école primaire, à l’étape de transition au deuxième cycle de l’école secondaire et au moment de la collation des grades. • Un système multifonctionnel d’évaluation des écoles qui compte une méthode d’agrément des écoles reposant non seulement sur leur rendement, mais également sur leurs caractéristiques sociales et développementales, sur une évaluation de la valeur ajouté à l’échelle de l’école, sur d’autres formes d’évaluations menées dans le but de favoriser la croissance et le développement des élèves, des enseignants et des écoles, et sur des auto-évaluations et des vérifications gouvernementales des écoles, dont les données devraient être rendues disponibles aux parents. • Un système à composantes multiples d’évaluation de la performance de systèmes éducatifs complets qui inclut une infrastructure bien conçue de collecte des données requises provenant de l’intérieur et de l’extérieur du système (organismes de santé publique, services de police, travailleurs sociaux ou autres) et un mode de reddition de comptes à la population, comme des vérifications et des rapports publics régionaux et fédéraux. Les changements apportés au système d’évaluations de fin de programme et d’examens d’admission aux établissements d’études supérieures, jumelés à l’adoption des examens unifiés de l’État peuvent être considérés comme les volets les plus significatifs de la réforme du système d’évaluation et du système d’éducation national. Les principaux résultats, effets et leçons tirées de la mise en œuvre des examens unifiés sont mentionnés ci-après : Conséquences sociales Les examens unifiés se sont avérés un vrai mécanisme de soutien à la démocratisation de l’éducation qui a procuré aux diplômés des écoles la possibilité réelle de choisir un établissement d’enseignement supérieur. Les étudiants peuvent dorénavant faire parvenir leur certificat de réussite de l’examen unifié, accompagné de leurs résultats, à l’université de leur choix, ou à
plusieurs universités de façon simultanée, pour participer au concours d’admission, et ce, quels que soient leurs antécédents sociaux ou lieu de résidence. Depuis, un nombre croissant d’étudiants de régions extérieures ont convergé vers Moscou, Saint-Pétersbourg et d’autres villes importantes. Les grandes universités se sont mises à travailler au bénéfice de l’ensemble du pays. Les examens unifiés ont porté un grand coup à la corruption entourant l’admission à l’université. Maintenant, les étudiants y sont admis en fonction de leurs résultats aux examens unifiés uniquement et n’ont plus à payer de « prime d’admission » sous forme de pot-de-vin ou d’embauche d’étudiants-tuteurs de l’université. La moyenne des résultats des diplômés et des nouveaux étudiants aux examens unifiés donnent aussi à la société, aux parents et aux élèves une méthode efficace d’évaluation de la qualité des écoles et des établissements d’enseignement tertiaire. Le gouvernement de la Fédération de Russie utilise dorénavant les résultats aux examens unifiés comme indicateurs de rendement pour évaluer l’efficacité et l’efficience des administrations régionales en matière d’éducation, ainsi que le rendement général des autorités exécutives des sujets de la Fédération de Russie. Cette évaluation a un effet direct sur la taille des subventions accordées aux régions dans le budget fédéral.
Soutien politique en tant que facteur principal de changement La réforme du système d’évaluation a bénéficié d’un important soutien politique. La décision d’adopter les examens unifiés vient à l’origine du gouvernement central. Pour passer à une méthode de gestion et de financement fondée sur le rendement, le gouvernement fédéral avait besoin d’information fiable et objective sur l’état réel de l’éducation. En 2001, le ministère de l’Éducation de la Russie a reçu pour tâche d’élaborer un nouveau modèle d’examen. Il était essentiel que les examens unifiés reçoivent le soutien de la classe politique tout au long de la période d’expérimentation. Sans ce soutien, il aurait été presque impossible de donner aux examens unifiés le statut d’examens officiels de l’État étant donné l’appui minimal dont ils bénéficiaient dans la société. (Une règle bien connue s’appliquait ici : la voix des opposants enterre toujours celle des partisans.) Plusieurs groupes professionnels se sont immédiatement opposés ouvertement aux examens unifiés. Les enseignants et les écoles étaient habitués à évaluer seuls leurs élèves et n’avaient pas confiance dans les contrôles externes. De plus, une nouvelle pratique a commencé à gagner du terrain lorsqu’on a débuté à se reporter aux examens unifiés pour évaluer la qualité des enseignants et du travail scolaire à des fins de certification des enseignants. Les examens unifiés ont commencé à comprendre des caractéristiques d’évaluation de haut niveau, ce qui n’a pas plu au milieu professionnel. Les représentants du système d’enseignement supérieur n’avaient pas confiance dans les méthodes d’évaluation. Ils voulaient évaluer le niveau de connaissances et de compétences des candidats à l’admission au moyen de discussions en face-à-face. En réalité, ils avaient d’autres motifs cachés, comme le désir de garder la mainmise sur certains mouvements de trésorerie (comme des pots-de-vin payés directement à certains employés des universités ou des honoraires versés à des tuteurs privés ou en vue de cours préparatoires offerts par les établissements d’enseignement supérieur). Les recteurs ne voulaient également pas perdre leur « monnaie administrative » ou la capacité de garantir l’admission de candidats issus de la « liste du recteur », c’est-à-dire des étudiants dont les parents sont haut placés ou « utiles ». De nombreux politiciens et médias de masse ont tout fait pour persuader la population que les examens unifiés allaient ruiner le système d’éducation russe de renommée internationale en n’évaluant que les compétences les plus primitives aux détriment du potentiel créatif de la personnalité des étudiants. L’expérience démontre que la volonté politique et la constance sur le plan de la mise en œuvre jouent un rôle important dans la réforme d’un système d’examens nationaux unifiés. Soutien offert par l’entremise d’un dialogue public Un dialogue public d’envergure a été organisé dans le but d’accroître l’appui offert au concept d’adoption d’examens unifiés et de formuler des réponses songées aux objections des détracteurs. Des discussions ouvertes et systématiques sur les examens ont été amorcées dans les médias imprimés et électroniques, à la télévision et à la radio, sur Internet et dans le cadre d’une variété de rencontres, de conférences et de forums. Ces discussions ne se limitaient pas au milieu professionnel; des étudiants, des parents, des employeurs et des représentants de différents groupes sociaux y ont participé.
Il serait faux de dire que ces discussions ont occasionné un changement draconien des attitudes par rapport aux examens unifiés. Même aujourd’hui, la nouvelle mesure ne bénéficie pas de l’appui unanime de la population. Sans discussions, cependant, la société courait le risque de perdre les promoteurs des examens unifiés et tout le soutien que leur accordaient les membres du public. Il s’agissait de la première expérience de discussions publiques d’envergure dans le domaine de l’éducation en Russie. Les examens unifiés et le système national d’évaluation de la qualité de l’enseignement L’adoption des examens unifiés a incité la Russie à améliorer davantage son système d’évaluation de l’éducation. Les changements suivants ont été apportés : • Une culture de l’évaluation de l’éducation est née et a germé au pays, poussée par des spécialistes et des organisations complètes. • Des systèmes régionaux d’évaluation de la qualité ont commencé à prendre forme. Dans bien des cas, des centres régionaux de traitement de l’information issue des examens unifiés ont servi de base à des centres d’évaluation de la qualité de l’éducation. En plus du travail en lien avec les examens unifiés, ils ont organisé d’autres procédures d’évaluation de la qualité de l’éducation, y compris des enquêtes de surveillance. Cela nous a permis de tirer pleinement avantage des ressources humaines, de la méthodologie et des capacités technologiques issus des efforts de création des examens unifiés. • La technologie des examens unifiés a servi à élaborer et à mettre à l’essai un examen pour les diplômés des programmes scolaires de base (SFC-9). • L’analyse des solutions apportées à certains problèmes spécifiques de mise en œuvre a fourni l’occasion de formuler des recommandations sélectives détaillées pour les enseignants, conseillers en matière de méthodologie, auteurs de manuels scolaires et concepteurs de normes éducatives sur la façon d’améliorer les processus d’enseignement et d’apprentissage. • Les procédures externes d’évaluation et d’assurance de la qualité, dont l’agrément des enseignants et des écoles, se sont mises à inclure les résultats aux examens unifiés aux nombreux critères d’évaluation de la qualité des écoles et des enseignants. • En raison des examens unifiés, les résultats obtenus par la Russie aux études comparatives internationales sur l’évaluation de la qualité de l’éducation (PISA, PIRLS, TIMSS et autres) ont commencé à faire l’objet de discussions plus poussées. Questions relatives à l’adoption des examens unifiés Les examens unifiés ont aussi entraîné des problèmes et eu des conséquences négatives. Premièrement, leur adoption a réorienté le processus d’apprentissage des élèves du secondaire sur la préparation de l’examen. Les élèves se sont mis à concentrer le gros de leur attention sur les matières incluses à l’examen (mathématiques, langue russe et d’autres matières au choix) et leur motivation envers les autres matières a chuté de façon draconienne. L’intérêt envers les travaux pratiques et de laboratoire a connu un repli très net étant donné que les examens unifiés n’évaluaient pas les aptitudes à l’organisation et à la mise en œuvre du travail expérimental. De nombreux élèves ont choisi des programmes externes, dans le cadre desquels ils étudient pendant un an les programmes d’études du secondaire (10e et 11e années), souvent de façon superficielle et formelle, puis consacrent un an à la préparation de l’examen unifié en suivant des cours préparatoires spéciaux ou en retenant les services de tuteurs privés. Deuxièmement, les examens unifiés cherchent à vérifier les résultats scolaires (connaissances et compétences) dans une matière particulière. Ils n’évaluent pas les résultats scolaires de haut niveau (faculté d’apprentissage générale, aptitudes à la recherche, compétence, créativité, développement physique). Cette situation s’est méritée les critiques légitimes d’établissements
spécialisés dans la culture et les arts. Par conséquent, certaines universités et écoles professionnelles ont ajouté des examens d’admission sur des matières que n’évaluaient pas les examens unifiés, comme la musique et les arts. De plus, les gagnants de concours menés à l’échelle du pays ont eu le droit de s’inscrire aux établissements d’enseignement supérieur sans effectuer d’examen unifié. Les grandes universités du pays (une liste de 11 d’entre elles, approuvée par le gouvernement) peuvent soumettre leurs candidats à un examen additionnel dans la matière visée de façon à choisir les candidats les mieux préparés. Un autre facteur du manque de confiance accordée aux examens unifiés a trait à des questions de sécurité de l’information. Des preuves de la fuite d’information sur les questions des examens unifiés (p. ex. publication d’éléments de réponse sur Internet à la veille de l’examen) et du non- respect des procédures d’examen (recours au téléphone cellulaire, étudiants fictifs et « personnes chargées de résoudre les problèmes » qui sont parfois même des enseignants) ont fait surface. À cet égard, on ne peut surestimer l’importance de questions comme l’exercice d’un contrôle gouvernemental sur la mise en œuvre des examens unifiés, le caractère ouvert et transparent des procédures d’examen, la publication des résultats d’examen et la possibilité d’interjeter appel des résultats à l’examen. Le CICED et le contenu principal de son travail L’établissement du Centre for International Cooperation in Education Development (CICED) constitue une autre manifestation de l’attention croissante accordée aux questions d’assurance de la qualité. Le CICED a vu le jour à la suite de la rencontre du G-8 qui a eu lieu à Moscou. Il a pour objectif de renforcer la capacité en matière d’assurance de la qualité en Russie et dans les pays visés par le programme READ de la Banque mondiale (Kirghizistan, Tadjikistan, Vietnam, Mozambique, Angola, Kenya et autres). Le Centre est financé par le ministère des Finances de la Russie et appuie actuellement les activités suivantes : • Autonomisation du personnel de recherche et de développement de la Russie et des pays visés par le programme READ par l’entremise de formations et de séjours d’études • Soutien en vue de la mise au point de deux programmes MEd spécialisés dans l’assurance de la qualité en Russie (qui pourraient être mis en œuvre dans d’autres pays visés par le programme READ) • Soutien à l’élaboration de nouveaux examens en vue d’évaluer les compétences productives des élèves • Soutien en vue de la mise en œuvre d’une nouvelle génération de tests de compétences en TIC • Analyse secondaire des données des enquêtes internationales • Soutien à l’amélioration de la qualité fondée sur des éléments probants au moyen d’outils statistiques • Sensibilisation des décideurs Ces activités ont débuté il y a un an et demie et ont eu pour effet majeur de consolider le milieu de l’assurance de la qualité, d’encourager la création d’un réseau international et d’attirer l’attention des principaux décideurs sur l’assurance de la qualité et la reddition de comptes à la population. De plus, le CICED fera en sorte que l’intérêt ne s’estompe pas dès l’étape de planification franchie, comme c’est l’habitude en Russie : le centre structure ses activités autour de projets, et doit mener tous les plans à terme.
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