Antibiothérapie et exacerbation des bronchopneumopathies chroniques obstructives Antibiotic therapy in acute exacerbations of chronic obstructive ...

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Réanimation 12 (2003) 46–52
                                                                                                                        www.elsevier.com/locate/reaurg

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                                 Antibiothérapie et exacerbation
                        des bronchopneumopathies chroniques obstructives
                                   Antibiotic therapy in acute exacerbations
                                   of chronic obstructive pulmonary disease
                                                  S. Nouira *, S. Marghli, F. Abroug
                                  Sercice de réanimation médicale, hôpital Fattouma-Bourguiba, Monastir, 5000 Tunisie

Résumé

    La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une pathologie singulière à bien des titres. Elle l’une des maladies les plus
fréquentes de part le monde ; elle évolue progressivement vers l’aggravation souvent précipitée par des épisodes d’exacerbation. L’exacerba-
tion est fréquemment prise en charge par le généraliste mais, en cas de gravité, elle nécessite l’hospitalisation parfois en service de réanimation.
Il n’y a pas de critères objectifs pour définir l’exacerbation. Les trois critères d’Anthonisen (augmentation du volume et de la purulence des
expectorations, majoration de la dyspnée) sont actuellement à la base de la définition courante. L’exacerbation est dite de type 1 quand elle
associe les trois critères ensemble, de type 2 quand elle associe deux des trois critères et de type 3 quand il existe un seul critère. Le problème
de l’antibiothérapie n’est pas résolu définitivement, cependant il y a de plus en plus de preuves en faveur de l’utilisation des antibiotiques
notamment pour les exacerbations dans lesquelles il y a au moins deux des trois critères d’Anthonisen ou bien les exacerbations nécessitant une
ventilation mécanique. La stratification en fonction de la comorbidité et de la sévérité du syndrome obstructif permet d’identifier les patients
à haut risque et choisir l’antibiotique adapté à la résistance des germes. Les germes habituels comme Haemophilus influenzae, Streptococcus
pneumoniae et Moraxella catarrhalis restent prédominants chez les patients à risque modéré ; un traitement à base d’amoxicilline–acide
clavulanique ou de macrolides de seconde génération ou les nouvelles quinolones semble être le plus approprié et le plus efficace. Chez ces
patients, l’utilisation d’antibiotiques classiques comme l’amoxicilline n’est pas préconisée compte tenu du haut niveau de résistance
bactérienne. Chez les patients plus âgés et ayant un degré de morbidité et d’obstruction bronchique sévère, à côté de la flore habituelle d’autres
germes à Gram négatif, comme les entérobactéries et les pseudomonas, sont fréquemment isolés ; la ciprofloxacine est probablement le
traitement de choix. Dans l’avenir, il faut valider ces recommandations et cibler de façon plus objective les patients qui justifient une
antibiothérapie et vérifier le bénéfice réel des nouveaux antibiotiques par rapport aux plus anciens.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

    Chronic obstructive pulmonary disease (COPD) is common and has an increasing worldwide prevalence. Patients with COPD may
experience several acute exacerbations of their disease. These are usually treated by general practitioners, although severe exacerbations must
lead to intensive care. The most commonly used definition of an acute exacerbation of COPD is a subjective increase of dyspnea, sputum
volume and/or purulence, according to Anthonisen’s criteria. Although the role of infection in exacerbation of COPD remains controversial
and incompletely understood, there is an increasing evidence that patients with severe episodes such as those requiring mechanical ventilation
and those with at least two of the three cardinal symptoms of exacerbation should undergo antibiotic therapy. Stratification of patients into risk
categories can identify high-risk patients and allow targeted antimicrobial therapy, particularly at resistant organisms. Haemophilus
influenzae, Streptococcus pneumoniae, and Moraxella catarrhalis are the predominant organisms in patients with mild to moderate
comorbidity and impairment of lung function. In this group of patients resistance to ß-lactams antibiotics such as ampicillin is high and
treatment with antibiotics such as amoxicillin-clavulanic acid, or second generation macrolide, or new quinolones are expected to be
cost-effective. In older patients with severe comorbidity and poor underlying lung function, beside the usual respiratory organisms, other
Gram-negative organisms, including Enterobacteriaceae and Pseudomoans species, are frequent. For this group, quinolones such as

   * Auteur correspondant.
   Adresse e-mail : Semir.nouira@rns.tn (S. Nouira).

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
PII: S 1 6 2 4 - 0 6 9 3 ( 0 2 ) 0 0 0 0 8 - 7
S. Nouira et al. / Réanimation 12 (2003) 46–52                                                  47

cirpofloxacin are probably the most suitable agents. In the future, we will need more prospective studies to corroborate and validate the current
guidelines, in order to select patients who will really benefit from antibiotherapy and to determine if new antibiotics have significant clinical
and economic advantages over standard ones.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved.

Mots clés : Bronchopneumopathie chronique obstructive ; Exacerbation ; Antibiotiques

Keywords: Chronic obstructive pulmonary disease; Exacerbation; Antibiotics

   La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)                        la grippe (Myxovirus influenza), les rhinovirus et le virus
est un état pathologique caractérisé par une limitation chro-                 respiratoire syncytial sont les plus fréquemment retrouvés
nique des débits aériens et le plus souvent par une accéléra-                 soit de façon isolée ou de façon associée à des bactéries.
tion du déclin du volume expiratoire maximum par seconde                         Les bactéries sont aussi fortement incriminées dans les
(VEMS) [1–3]. Les patients atteints de cette pathologie pré-                  exacerbations des BPCO. La fréquence d’isolement de ger-
sentent des exacerbations caractérisées par l’apparition ou la                mes dans les crachats varie de 40 à 60 % des exacerbations.
majoration de la dyspnée, l’augmentation du volume et/ou la                   Trois espèces bactériennes sont fréquemment isolées : Hae-
modification de l’aspect de l’expectoration. Ces trois critères               mophilus influenza, Moraxella catarrhalis et Streptococcus
définis par Anthonisen [4] sont largement retenus pour clas-                  pneumoniae[15–17]. Leur responsabilité respective varie
ser les exacerbations en trois types. L’exacerbation est de                   d’une étude à l’autre. Quand on fait une analyse composite
type 1 si les trois critères sont réunis, de type 2 si deux                   des principales études consacrées à l’écologie bactérienne
critères sont réunis et de type 3 si un seul critère est présent.             des exacerbations de BPCO, on retrouve H. influenzae en
La fréquence et la gravité de ces exacerbations sont un grand                 première place (28 %) devant M. catarrhalis et le Pneumo-
facteur de la morbidité et de mortalité associées à la BPCO                   coque (Tableau 1).
[5–7].                                                                           Les germes atypiques sont signalés dans 5 à 10 % des
   La cause exacte des épisodes d’exacerbation n’est pas                      exacerbations chez les patients non ventilés [18,19]. Il s’agit
toujours identifiée, mais leurs caractéristiques suggèrent une                le plus souvent de Chlamydia pneumoniae. Dans une étude
infection aiguë des voies aériennes distales. La cause infec-                 récente [20], il a été démontré une colonisation chronique
tieuse n’est pas toujours facile à prouver parce que les pa-                  fréquente (38 %) des voies aériennes par C. pneumoniae dont
tients atteints de BPCO sont fréquemment porteurs de ger-                     la présence est significativement associée à un syndrome
mes dans leurs voies aériennes en dehors de toute                             obstructif plus sévère et une colonisation plus importante des
exacerbation. On admet cependant que l’origine infectieuse                    voies aériennes par d’autres germes.
est derrière une bonne moitié au moins de ces exacerbations.
Ainsi, l’utilité de l’antibiothérapie systématique dans les                   1.2. Chez les malades ventilés mécaniquement
exacerbations de BPCO demeure un sujet de controverse
pour beaucoup de praticiens et experts.                                          Les prélèvements protégés au niveau des voies aériennes
                                                                              distales par la brosse télescopique ou les prélèvements par le
                                                                              lavage broncho-alvéolaire avec culture quantitative des ger-
1. Le rôle de l’infection                                                     mes ont été pour les patients ventilés mécaniquement une
                                                                              approche relativement nouvelle et plus précise du rôle que
   Les infections virales ainsi que les infections bactériennes               joue l’infection bactérienne dans les exacerbations des
des voies aériennes sont responsables d’une proportion im-                    BPCO. L’étude de Fagon et al. [21] a été à ce titre la première
portante d’exacerbations aiguës de BPCO. Tout le problème                     à avoir utilisé des mesures quantitatives pour estimer la
est de savoir dans quelle proportion ces micro-organismes                     fréquence d’isolement de bactéries chez les patients ventilés
sont isolés et quel est leur rôle dans l’exacerbation. Il                     mécaniquement pour une exacerbation de BPCO. Dans cette
convient dans ce cas de distinguer les patients ventilés méca-                étude, il a été démontré qu’un patient sur deux environ est
niquement et les patients non ventilés.                                       Tableau 1
                                                                              Fréquence des germes dans l’exacerbation de BPCO
1.1. Chez les malades non ventilés mécaniquement                                              HI      HPI     Mora     SP      Staph   Entéro Pyo
                                                                              Minimum (%) 13           0       4        7       1       1       3
   Des études longitudinales anciennes ont documenté par
                                                                              Maximum (%) 50          32      21       26      20      11      19
des sérologies ou par la culture des expectorations la pré-
                                                                              Moyenne (%) 28          12      15       12       7       4       8
sence des virus au cours des épisodes aigus à des taux de 2 à
                                                                                  BPCO : bronchopneumopathie obstructive, Min : minimum, Max :
50 fois plus élevés que ce qui est observé pendant les pério-                 maximum, Moy : moyenne, HI : Haemophilus influenzae, HPI : Haemophi-
des stables [8–13]. L’infection virale serait impliquée dans                  lus parainfluenzae, Mora : Moraxala catarrhalis, SP : Streptococcus pneu-
environ 30 % des exacerbations des BPCO [14]. Le virus de                     moniae, Staph : Staphylocoque, Entéro : entérobactérie, Pyo : pyocyanique
48                                                   S. Nouira et al. / Réanimation 12 (2003) 46–52

Tableau 2                                                                        fections virales diagnostiquées, S. pneumoniae ou Haemo-
Fréquence des germes isolés par la brosse télescopique chez les malades          philus (influenzae ou parainfluenzae) a été isolé simultané-
présentant une exacerbation de BPCO et nécessitant la ventilation mécani-
que [21]
                                                                                 ment et que la proportion de bactéries isolées est la même
                                                                                 dans le groupe infection virale et le groupe sans infection
                                       Total     Concentrations (cfu)
                                                                                 virale. Gump et al. [8] ont aussi montré que la négativation
Germes                                 %         ≥ 10 3                          des prélèvements (S. pneumoniae et H. influenzae) est la
• Bacilles à Gram négatif              64        48                              même, que l’exacerbation aiguë soit liée à l’infection virale
Haemophilus                            39        37
                                                                                 ou non.
Branhamella catarrhalis                 7          7
Pseudomona aeruginosa                   7        –                                  Le rôle joué par les bactéries est tout aussi problématique.
Autres                                 11          4                             La distinction entre infection et colonisation est encore loin
• Cocci à Gram positif                 36        27
                                                                                 d’être résolue. Ceux qui supportent l’hypothèse d’une colo-
Streptococcus pneumoniae               16        16
                                                                                 nisation bactérienne des voies aériennes se basent sur l’iso-
Autres streptocoques                    9          5
Autres                                 11          7
                                                                                 lement des mêmes germes au cours des exacerbations et dans
                                                                                 les périodes stables [8,21,26]. Les études se basant sur la
porteur d’un germe à une concentration ≥ 103 CFU/ml dans                         culture des expectorations bronchiques sont limitées métho-
75 % des cas (Tableau 2), ce qui est à peu près similaire à ce                   dologiquement par la méthode du prélèvement ; les sécré-
qu’on trouve par l’analyse des crachats chez les patients non                    tions trachéobronchiques sont souvent contaminées au ni-
ventilés mécaniquement. Quand plusieurs méthodes dia-                            veau de la sphère oropharyngée. En effet dans une étude
gnostiques sont utilisées (brosse protégée, aspiration tra-                      récente comparant le lavage buccal chez 195 asthmatiques et
chéale, lavage broncho-alvéolaire et sérologies) un micro-                       bronchitiques chroniques et 157 sujets sains, Suchs et al. [27]
organisme est mis en évidence dans 70 % des cas [22,23]. À                       ont identifié dans 25 % des lavages buccaux des deux grou-
côté des germes habituels isolés chez les malades non venti-                     pes de patients, des micro-organismes potentiellement patho-
lés, on trouve chez les malades ventilés des entérobactéries et                  gènes. Par ailleurs l’hypothèse de l’infection bactérienne est
Pseudomonas aeruginosa en plus grande nombre [22,24]                             fondée non seulement sur l’isolement de germes au niveau
(Tableau 2). C. pneumoniae est retrouvé dans 18 % des cas et                     des voies aériennes distales en proportion plus élevée en
les virus dans 16 % des cas [22]. Les infections virales et à                    exacerbation par rapport à l’état stable [20,23], mais aussi sur
C. pneumoniae sont concomitantes à des infections bacté-                         le nombre plus élevé de germes potentiellement pathogènes.
riennes dans la moitié des cas environ [22].                                     Mais ceci n’est peut être pas suffisant pour établir le lien de
                                                                                 causalité parce que la fréquence d’isolement de germes aug-
                                                                                 mente également en fonction de la sévérité de la maladie de
2. Problème de l’interprétation des données                                      fond [28]. Comparer des patients en exacerbation à des pa-
microbiologiques                                                                 tients en état stable pourrait être un biais dans ce cas de
                                                                                 figure. L’idéal est de suivre les mêmes patients sur une
    Le rôle des virus dans la survenue de l’exacerbation aiguë                   période assez prolongée pour étudier les variations de l’éco-
de BPCO n’est pas clair. Pour certains l’isolement plus fré-                     logie bactérienne pendant les exacerbations par rapport à
quent de virus au cours des exacerbations par rapport à l’état                   l’état stable. Cependant même les études ayant adopté cette
stable est une preuve de leur implication dans l’exacerbation                    méthodologie n’ont pas permis de résoudre le problème
[8–13]. Il y aurait entre virus et bactérie une interaction dans                 puisque les résultats ont été discordants (Tableau 3). Utilisant
laquelle l’infection virale fait le lit de l’infection bactérienne               la technique de typage génétique, Sethi et al. ont également
en diminuant l’immunité locale [25]. Ainsi, dans la prise en                     démontré que les germes d’une même famille retrouvés pen-
charge des BPCO, la vaccination contre le virus de la grippe                     dant l’exacerbation ne sont pas nécessairement les mêmes
fait partie de certaines recommandations [1–3]. Pour                             que ceux qui sont retrouvés à l’état stable [29]. Par ailleurs la
d’autres, l’isolement de virus en dehors des exacerbations                       discordance entre les résultats cliniques et les résultats bac-
rend leur rôle moins important. En fait, peu de travaux ont                      tériologiques est fréquente (Tableau 4). Même si d’une façon
étudié ce phénomène d’interaction. Dans une étude évaluant                       générale il a été démontré une bonne corrélation entre
l’interaction entre virus et bactérie chez les BPCO, Smith et                    l’échec clinique et l’échec bactériologique [34]. Langan et al.
al. [26] ont montré que sur 102 prélèvements parmi 168 in-                       [32], dans un essai thérapeutique utilisant l’amoxicilline, ont
Tableau 3
Fréquence d’isolement des germes en période stable et au cours d’exacerbations de BPCO
                       n                    Rythme (j)             Durée (ans)           Stable %          Exacerbation %      P
Fisher[30]              23                  60                     2                      9                40                  < 05
Mobbs[31]              137*                 60                     2                      9,6              15,4                < 05
Gump [8]                25                  14                     4                     60/30**           57/38**             NS
McHardy [13]            38                  28                     4                     22                30                  NS
     *Haemophilus influenzae **H. Influenzae S. pneumoniae
S. Nouira et al. / Réanimation 12 (2003) 46–52                                                         49

Tableau 4
Résultats cliniques et bactériologiques du traitement antibiotique des exacerbations de BPCO
                                                              Succès Clinique %                Succès Bactériologique %       Sensibilité du germe %
Langan [32]                    Grépafloxacine                 85                               91,5                           98
                               Amoxicilline                   85                               83,1*                          68
Habib M [33]                   Lévofloxacine                  92                               94                             98,1
                               Cefaclor                       92                               87                             77
   * p< 0,05

obtenu 85 % de succès clinique et 83,1 % de succès bactério-                    que l’antibiothérapie est significativement utile en particulier
logique alors que seulement 68 % des germes sont sensibles                      pour les patients de type 1. L’extrapolation des résultats de
à l’amoxicilline.                                                               l’étude d’Anthonisen et de la méta-analyse aux patients de
                                                                                réanimation est difficile bien qu’on puisse assumer a priori
                                                                                que les patients de réanimation sont à classer automatique-
3. L’antibiothérapie                                                            ment dans le type 1 de la classification d’Anthonisen. Les
                                                                                données à ce sujet sont rares voire absentes. Dans une récente
   Pour ce qui est de la place de l’antibiothérapie dans les                    étude prospective randomisée contrôlée et en double aveugle
exacerbations aiguës des BPCO deux questions demeurent                          [42], Nouira et al. ont montré le bénéfice de l’administration
l’objet de controverses :                                                       de l’ofloxacine en dose unique à la dose de 400 mg par jour
   Les antibiotiques sont-ils efficaces ?                                       chez les patients présentant une exacerbation sévère de
   Quel antibiotique doit-on prescrire ?                                        BPCO nécessitant le recours à la ventilation mécanique.
                                                                                Dans le groupe de patients assignés à recevoir l’antibiotique,
3.1. Données actuelles                                                          le taux de mortalité hospitalière et la nécessité d’une antibio-
                                                                                thérapie additionnelle ont été réduits par rapport au groupe
   La plupart des référentiels actuels recommandent la pres-                    contrôle. Le recours à une antibiothérapie additionnelle a été
cription d’antibiotiques dans les exacerbations des BPCO                        constatée chez 6 et 35 % (p < 0,01) des patients respective-
[1–3]. Seulement toutes ces recommandations sont au mieux                       ment du groupe traité par l’ofloxacine et le groupe contrôle ;
de grade B. En effet les essais thérapeutiques où le médica-                    il a été motivé souvent pour traiter une pneumopathie noso-
ment contrôle est un autre antibiotique (généralement un                        comiale. Comme le montre la Fig. 1 tous les décès sont
antibiotique classique) ne permettent pas de répondre à la                      survenus au delà du septième jour d’hospitalisation en réani-
question principale de l’utilité des antibiotiques ; leur but                   mation. La durée de ventilation mécanique, la durée de séjour
étant de démontrer une équivalence et non la supériorité d’un                   en réanimation et à l’hôpital ont aussi été réduites dans le
antibiotique par rapport à un autre [35–40]. Pour démontrer                     groupe antibiotique. Ainsi il semble de plus en plus évident
une supériorité (ce qui indirectement implique l’infection                      que l’antibiotique a une place considérable dans le traitement
dans l’exacerbation), il faudrait inclure un grand échantillon                  des exacerbations sévères de BPCO où l’infection bacté-
de patients, chose impossible à réaliser en pratique. Pour ce                   rienne semble jouer un rôle important.
qui est des essais thérapeutiques contre placebo, on dispose
d’une méta-analyse récente incluant des études randomisées
contrôlées [41]. Cinq essais thérapeutiques parmi un total de
neuf inclus dans cette méta-analyse n’ont pas montré d’effets
bénéfiques significatifs dans les groupes traités par antibioti-
ques. Les résultats globaux de cette méta-analyse ont été
favorables à l’antibiothérapie mais le bénéfice a été dans
l’ensemble modeste. L’analyse de sous-groupes a montré
que le bénéfice pourrait être cliniquement plus important
pour les patients les plus graves (patients hospitalisés versus
patients non hospitalisés). À ce résultat mitigé s’ajoute les
limites méthodologiques de cette méta-analyse : échantillon
faible (1021 patients), patients hétérogènes (ambulatoires :
847 patients, hospitalisés : 174 patients), ancienneté des
études (la plus ancienne remonte à l’année 1957), antibioti-
ques utilisés et critères de jugement différents. L’étude
d’Anthonisen et al. [4] est celle qui a certainement pesé le
plus dans le résultat de la méta-analyse et dans l’opinion
générale souvent favorable à l’antibiothérapie. Le message le                   Fig. 1. Dans le groupe ofloxacine (trait continu) la mortalité hospitalière est
plus important de l’étude d’Anthonisen est tout d’abord que                     significativement réduite par rapport au groupe placebo (trait discontinu)
l’utilisation des antibiotiques est supérieure à un placebo et                  (p = 0,01). Tous les décès sont survenus après le 7e jour d’hospitalisation.
50                                                S. Nouira et al. / Réanimation 12 (2003) 46–52

Tableau 5
Classification des exacerbations des BPCO (47)
Caractéristiques des patients         non compliquée                     compliquée                        risque d’infection à Pseudomonas
Âge                                  tout âge                           > 65 ans                          > 65 ans
Exacerbations (n/an)                  4                                >4
Comorbidité                           aucune                             oui                               oui
VEMS                                  > 50 %                             < 50 %                            < 50 %
Autres                                                                                                     Infections bronchiques chroniques
                                                                                                           Utilisation fréquente d’antibiotiques
                                                                                                           Traitement par corticoide

3.2. Schémas actuels de l’antibiothérapie                                   détriment du pneumocoque et de l’Haemophilus. La propor-
                                                                            tion d’isolement du Pseudomonas est passée de 30 % dans la
    Dans la pratique courante l’antibiothérapie est largement               classe de sévérité modérée à 42 % dans la classe de sévérité
prescrite dans les exacerbations de BPCO. Aux États-Unis                    plus importante alors que pour les deux autres germes (pneu-
comme en France, plus de 90 % des médecins prescrivent un                   mocoque et de l’Haemophilus) cette proportion a diminué de
antibiotique systématiquement en cas d’exacerbation de                      moitié.
BPCO [43,44]. Cette proportion serait plus faible en Angle-                     Par ailleurs, bien que la susceptibilité aux antibiotiques
terre et au Canada où l’abstention thérapeutique s’étend                    des Haemophilus et du pneumocoque soit variable d’un pays
parfois aux exacerbations de type 1 d’Anthonisen [45,46].                   à l’autre, un certain nombre de points communs peuvent être
Depuis quelques années une stratégie d’antibiothérapie com-                 identifiés comme il a été démontré dans une récente étude
mence à se dessiner ; elle consiste à sélectionner les patients,            épidémiologique internationale [48]. Le premier constat
les classer en groupes et puis proposer un antibiotique ou une              concerne l’ampicilline et le trimethoprime–sulfamethoxa-
liste d’antibiotiques pour chaque groupe. Cette sélection se                zole (TMP–SMX) qui selon l’avis de nombreux experts
base sur la classification d’Anthonisen combinée à une autre                n’ont plus de place dans cette indication. Pour le pneumoco-
classification proposée par la Canadian Thoracic Society                    que toutes les statistiques actuelles montrent que sa suscep-
[47]. Cette dernière distingue les BPCO en trois classes selon              tibilité à l’ampicilline et au TMP–SMX a franchement dimi-
leur sévérité : non compliquée, compliquée et classe à risque               nué, inférieure à 50 % dans de nombreux pays du monde
pour les surinfections à Pseudomonas (Tableau 5).                           notamment en France, en Espagne et au Japon. Pour Haemo-
    La première règle de cette sélection est que les patients               philus, la situation bactériologique est comparable au pneu-
ayant un seul critère de la classification d’Anthonisen ne                  mocoque avec un degré de résistance un peu moindre vis-à-
devraient pas recevoir d’antibiotique et que seulement les                  vis des deux antibiotiques classiques en question. Il se
patients de type 1 et 2 peuvent en bénéficier. Le choix de                  dégage également de cette étude épidémiologique internatio-
l’antibiotique à prescrire sera ensuite fonction de la sévérité             nale sur l’antibiorésistance que l’association amoxicilline-
et la nature de la BPCO (classification canadienne). Dans la                acide clavulanique est encore efficace du point de vue action
classe des exacerbations de BPCO non compliquée, les anti-                  sur le pneumocoque et Haemophilus notamment ; on peut
biotiques de choix sont les nouveaux macrolides (azithromi-                 superposer à ce profil d’action les nouvelles céphalosporines
cyne, clarithromycine) ou bien les nouvelles céphalosporines                comme la céfuroxime. La lévofloxacine, une des toutes nou-
(cefpodoxime, céfuroxime). La doxycyline pourrait être une                  velles fluoroquinolones possède actuellement l’activité la
alternative thérapeutique. Pour les exacerbations de BPCO                   plus stable contre le pneumocoque et Haemophilus avec un
de la classe compliquée, les antibiotiques de choix sont                    taux de résistance qui approche 0 % dans la majorité des pays
l’association amoxicilline-acide clavulanique et les nouvel-                où elle a été évaluée. Il est évident que le recul est encore
les fluoroquinolones avec en chef de file la lévofloxacine.                 insuffisant pour avoir une idée précise sur cette question [49].
Enfin, dans la classe à risque d’infection à pyocyanique, la                D’une façon générale, la plupart des études qui ont comparé
ciproflaxacine est l’antibiotique de choix, c’est le seul anti-             les nouvelles fluoroquinolones (lévofloxacine, grépafloxa-
pyocyanique pouvant être administré par voie orale.                         cine, ciprofloxacine) avec des antibiotiques classiques
    Cette nouvelle stratégie d’antibiothérapie trouve sa justi-             (amoxicilline, amoxicilline–acide clavulanique, nouveaux
fication à travers des observations bactériologiques et écono-              macrolides, céfuroxime) ont montré une réponse clinique et
miques.                                                                     bactériologique équivalente sinon supérieure des premières
                                                                            par rapport aux secondes dans le traitement des exacerba-
                                                                            tions des BPCO [32,33,37,38,40,49].
4. Considérations bactériologiques

   Dans une récente étude, Eller et al. [28] ont confirmé ce                5. Considérations économiques
que certains ont déjà suggéré en montrant que plus le syn-
drome obstructif de base est sévère plus le risque d’infection                 L’analyse des coûts du traitement des exacerbations de
par les entérobactéries et Pseudomonas est important au                     bronchite chronique n’a pas fait l’objet jusqu’à ces dernières
S. Nouira et al. / Réanimation 12 (2003) 46–52                                                       51

années d’études sérieuses. Une des premières études a été                ment ces patients comme étant des patients de type 1 (même
conduite aux États-Unis incluant 224 épisodes d’exacerba-                en absence des deux critères relatifs à l’expectoration).
tion [50]. Les épisodes d’exacerbation ont été classés en trois             L’évaluation doit également considérer l’impact écologi-
catégories en fonction de l’antibiothérapie empirique pres-              que qui résulte du choix des antibiotiques et qui n’est pas
crite. La catégorie 1 incluant les patients traités par des              toujours prévisible [48]. Enfin une des principales orienta-
antibiotiques dits de première ligne (amoxicilline, trimetho-            tions à venir doit être concentrée sur la possibilité de cibler
prime–sulfamethoxazole, tétracycline, érythromycine). La                 les patients à traiter, moins par les examens bactériologiques
catégorie 2 regroupant les exacerbations traitées par des                standards (aspiration, examen des crachats) qui ont démontré
antibiotiques dits de seconde ligne (cephradine, céfuroxime,             leurs limites que par les nouveaux marqueurs de l’infection et
cefaclor, cefprozil) et enfin la catégorie 3 regroupant les              de l’inflammation (CRP par exemple) et autres nouvelles
épisodes traités par des antibiotiques dits de troisième ligne           techniques [52].
(azithromycine, co-amoxiclav, ciprofloxacine). Dans ce tra-
vail, il a été montré que le nombre d’échecs thérapeutiques
est plus important dans les catégories 1 et 2 par rapport à la           Références
troisième catégorie. Il a été montré aussi et c’est le résultat le
plus important, que le coût thérapeutique total du traitement            [1]    Pauwels RA, Buist AS, Calverley PMA, Jenkins CR, Hurd SS. Global
d’un épisode d’exacerbation (incluant également le coût                         strategy for the diagnosis, management, and prevention of chronic
d’échec thérapeutique) est plus important dans la première                      obstructive pulmonary disease: NHLBI/WHO Global Initiative for
                                                                                Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD) Workshop summary. Am
catégorie représentant environ le double de celui nécessaire à                  J Respir Crit Care Med 2001;163:1256–76.
traiter un épisode traité par un antibiotique de la troisième            [2]    American Thoracic Society. Standards for the diagnosis and care of
catégorie (942 $ US versus 542 $ US). Dans une étude                            patients with chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit
allemande [51], dont l’objectif a été d’évaluer le coût du                      Care Med 1995;152(Suppl):S77–S121.
traitement d’un épisode sévère d’exacerbation de BPCO en                 [3]    Siafakas NM, Vermeire P, Pride NB, Paoletti P, Gibson J,
fonction de l’antibiotique initialement prescrit, il a été dé-                  Howard P, et al. Optimal assessment and management of chronic
                                                                                obstructive pulmonary disease (COPD). Eur Respir J 1995;8:
montré qu’un épisode d’exacerbation initialement traité par                     1398–420.
un macrolide coûte environ 60 % plus cher qu’un épisode                  [4]    Anthonisen NR, Manfreda J, Warren CPW, Hershfield ES, Hard-
traité initialement par une fluoroquinolone (1000 DM versus                     ing GKM, Nelson NA. Antibiotic Therapy in Exacerbations of
600 DM). Dans cette même étude, le coût du traitement par                       Chronic Obstructive Pulmnonary Disease. Ann Intern Med 1987;106:
une céphalosporine se situe entre ces deux antibiotiques. Le                    196–204.
surcoût retrouvé avec les antibiotiques qui ont pourtant un              [5]    Seemungal TAR, Donaldson GC, Bhowmik A, Jeffries DJ, Wedz-
                                                                                icha JA. Time course and recovery of exacerbations in patients with
coût d’acquisition modeste, est lié aux investigations et aux                   chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med
hospitalisations secondaires rendues nécessaires par l’échec                    2000;161:1608–13.
thérapeutique. Enfin un résultat similaire est retrouvé avec la          [6]    Connors AF, Dawson NV, Thomas C, Harrel FE, Desbiens N, Fulker-
ciprofloxacine comparée aux antibiotiques classiques notam-                     son WJ, et al. Outcomes following acute exacerbation of severe
ment dans les exacerbations sévères [37].                                       chronic obstructive lung disease. Am J Respir Crit Care Med 1996;
                                                                                154:95–959.
                                                                         [7]    Seneff MG, Wagner DP, Wagner RP, Zimmerman JE, Knaus WA.
6. Conclusion                                                                   Hospital and 1-year survival of patients admitted to intensive care
                                                                                units with acute exacerbation of chronic obstructive pulmonary dis-
   Il est peut-être surprenant que la question des antibioti-                   ease. JAMA 1995;274:18527.
                                                                         [8]    Gump DW, Phillips CA, Forsyth BR, Mcintosh K, Lamborn KR,
ques dans les exacerbations des BPCO soit jusqu’à ce jour un
                                                                                Stouch WH. Role of infection in chronic bronchitis. Am Rev Respir
sujet d’actualité et de controverse. L’évidence scientifique                    Dis 1976;113:465–547.
dans ce domaine n’a certes pas fait une grande avancée mais              [9]    Buscho RO, Saxtan D, Shultz PS, Finch E, Mufson MA. Infections
depuis quelques années, les preuves s’accumulent progressi-                     with viruses and Mycoplasma pneumoniae during exacerbations of
vement. On peut retenir déjà que l’antibiothérapie systéma-                     chronic bronchitis. J Infect Dis 1978;137:377–83.
tique est inutile. Le schéma qui est actuellement proposé par            [10]   Smith CB, Golden CA, Kanner RE, Renzetti AD. Association of viral
                                                                                and Mycoplasma pneumoniae infections with acute respiratory illness
nombreux experts et sociétés savantes et qui tient compte de
                                                                                in patients with chronic obstructive pulmonary disease. Am Rev
la sévérité de la bronchite chronique en tant que comorbidité                   Respir Dis 1980;121:222–5.
et de la classification d’Anthonisen paraît raisonnable. No-             [11]   Lambert HP, Stern H. Infective factors in exacerbations of bronchitis
tons néanmoins que ce dont on dispose actuellement comme                        and asthma. BMJ 1972;30:323–7.
données ne peut servir qu’à des recommandations dont la                  [12]   Lamy ME, Pouthier-Simon F, Debacker-Williame E. Respiratory viral
puissance ne dépasse guère le grade B. Autant dire que toutes                   infections in hospital patients with chronic bronchitis. Chest 1973;63:
                                                                                336–41.
les stratégies proposées devraient être validées et évaluées.
                                                                         [13]   McHardy VU, Inglis JM, Calder MA, Crofton JW, Gregg I,
Malgré sa simplicité, la classification d’Anthonisen ne man-                    Ryland DA, et al. A study of infective and other factors in exacerba-
que pas de subjectivité et ne s’applique pas à tous les patients                tions of chronic bronchitis. Br J Dis Chest 1980;74:228–38.
et notamment aux patients de réanimation qui nécessitent la              [14]   Sethi S. Infectious etiology of acute exacerbations of chronic bronchi-
ventilation mécanique. À moins de considérer systématique-                      tis. Chest 2000;117:380S–5S.
52                                                     S. Nouira et al. / Réanimation 12 (2003) 46–52

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[21] Fagon JY, Chastre J, Trouillet JL, Domart Y, Dombret MS,                         once daily for treatment of acute bacterial exacerbations of chronic
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