Arbres admirables - Château de Versailles
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Avec le mécénat de la maison rémy martin l’histoire de france D’arbre en arbre Fondée en 1724 et reconnue dès 1738 par l’Accord royal de Louis XV, Les arbres racontent tous des histoires, serrées entre leurs cernes. la Maison Rémy Martin partage avec le château de Versailles le À Versailles, c’est à une véritable épopée qu’ils doivent leur respect absolu du temps, l’esprit d’ouverture et d’innovation, la existence. Songez que, du haut de leur frondaison, certains d’entre volonté de transmettre des savoir-faire d’exception et le respect eux ont vu passer les rois de France, ont suivi la Révolution et subi environnemental, autant de valeurs qui les réunissent autour des les deux Guerres mondiales, ont été les témoins des plus grands Arbres admirables de Versailles. drames de la nation et des plus belles festivités. Se promener d’arbre en arbre, c’est parcourir une certaine histoire de France, marquée par le rayonnement de Louis XIV, les expéri- mentations de Louis XV, la passion pour la chasse de Louis XVI, mais aussi les grandes expéditions maritimes et les facéties de Marie-Antoinette. C’est aussi prendre conscience du renouvellement, inexorable, de ces géants qu’une bourrasque peut mettre à terre et que des années sont nécessaires pour faire grandir. Chêne pédonculé, avant-cours des Trianon ; né sous le règne de Louis XIV, en 1668, ce chêne est le doyen des arbres du domaine de Versailles 1
2 Du jardin à la française, devant le Château, au Jardin anglais de Trianon, le domaine de Versailles est ponctué d’arbres extraordinaires. Composé à l’origine essentiellement de tilleuls et de marronniers locaux, le patrimoine arboré de Versailles s’est enrichi d’espèces rares provenant de lointaines contrées : cèdre du Liban, tulipier et genévrier de Virginie, sophora du Japon… Si certains arbres histo- riques n’ont pas survécu à la tempête de 1999, plusieurs spécimens parmi les plus remarquables y ont échappé et on peut encore les admirer aujourd’hui. 1. Séquoia géant, parterre de l’Orangerie de Jussieu, domaine de Trianon 2. Genévrier de Virginie, Jardin anglais, 1 domaine de Trianon 2 3
Dès 1661, Louis XIV Trois parties à distinguer fAit venir à Versailles dans le parc de Versailles des arbres de Le parc de Versailles offre la France entière l’archétype du jardin régulier, dessiné selon un plan rigoureux de part et d’autre Il les aimait et souhaitait en avoir beaucoup dans les d’un axe central et conçu jardins qu’il fit aménager, à partir de 1661, par André comme une extension Le Nôtre (1613-1700). Or, le terrain, marécageux, n’y des bâtiments. Il comprend était pas propice. Aussi furent transplantés quantité trois zones distinctes : d’arbres de taille adulte, « levés en motte » jusque dans les espaces découverts, avec les forêts de Normandie. leurs parterres de buis et de fleurs, destinés 2 Les moyens colossaux mis en œuvre pour les transporter à la contemplation depuis frappèrent les esprits. Claude Desgots raconta comment les fenêtres du Château ; milliers de chêne ou de châtaignier, cinq cent milliers le Roi « dépeuplait les campagnes vingt lieues à la ronde les bosquets, architectures de de plan d’épine, ormille, érable et autres en rayons et de marronniers et de tilleuls ». Le duc de Saint-Simon transition entre les parterres cinq cents bottes de buis ». évoqua également ces « forêts toutes venues et touffues », et les grands arbres qui faites de « grands arbres de Compiègne, et de bien plus Les jardiniers du Château firent face à cette activité les encerclent. Véritables loin sans cesse, dont plus des trois quarts mouraient et intense en rivalisant d’ingéniosité, notamment pour 2 1 salons de plein air dissimulés qu’on remplaçait aussitôt ». Des cargaisons vinrent de l’acheminement des arbres, avec la conception de au cœur des espaces l’Artois, de la Flandre et du Dauphiné. L’on fit venir le véhicules spéciaux, et pour leur taille, avec la fabrication boisés, ils sont réservés jardinier du prince de Nassau qui savait « transplanter de grandes échelles doubles. au divertissement ; 1. Vue cavalière les plus grands arbres sans qu’ils en reçoivent aucun du château, jardins bas la forêt, traversée de larges Quant à Jean-Baptiste de La Quintinie (1624-1688), il préjudice ». et de la ville de allées rectilignes pour fit du jardin potager de Versailles, à partir de 1678, un Saint-Cloud (détail), la chasse à courre. véritable laboratoire à ciel ouvert. Le premier, il mit en L’on développa des pépinières où furent améliorés, au vers 1675, par Étienne fil du temps, les rendements. Un premier site avait été Allegrain (1644-1736) ; évidence le rôle de la sève dans la croissance et la créé à la porte Saint-Antoine d’où se déployèrent, à huile sur toile fructification des arbres fruitiers, ainsi que leur système partir de 1693, de vastes surfaces destinées à appro- 2. Gravure tirée de racinaire et les précautions à prendre lors de leur l’Instruction pour visionner en arbres et en arbustes l’ensemble des les jardins fruitiers et transplantation. potagers, avec un Traité domaines royaux. Des officiers provinciaux de la France des Orangers, suivy entière firent parvenir graines et jeunes plants. Dans de quelques Réflexions sur l’Agriculture, par feu les années 1730, plus de 60 ha du Domaine étaient M. de La Quintinie, réservés à cette production. Selon un marché de 1755, Directeur de tous ces pépinières versaillaises pouvaient fournir, chaque les Jardins Fruitiers et Potagers du Roy année, « trente mil arbres de toute espèce et grosseur, (détail), Tome I, 3e partie, dix mil fruitiers, trois cent milliers de charmille, cent Claude Barbin éd., 1690 4 5
Louis XV se passionnE VOYAGE ÉPIqUE répondre aux besoins pressants de bois pour la marine. Quant au magnolia, il fut très apprécié pour la conception pour la botanique Parfois au grand dam du capitaine, qui voit son des jardins anglais qui devenaient à la mode. et les essences rares périple sans cesse interrompu Des commandes passées entre 1753 et 1772 permettent par les escales et son bateau d’en savoir un peu plus sur les arbres qui composaient envahi de caisses, de pots alors les jardins du Château. Les bosquets, notamment, et de paniers d’osier, comportaient tilleuls, érables sycomores, « bois les boutures bénéficient de blancs », frênes et marronniers. Leurs palissades Dès 1750, il confia au jardinier-fleuriste Claude Richard tous les égards. Afin qu’elles intérieures étaient plantées d’ifs, de marronniers et de (1705-1784) le développement d’un jardin expérimen- reçoivent la lumière buis. Celles qui les entouraient comprenaient, outre les tal à proximité du Grand Trianon. Des serres furent indispensable à leur survie, tilleuls et érables sycomores, de la charmille et des construites pour cultiver des espèces jusqu’alors mécon- on les installe autant que ormes. L’ Allée royale était bordée d’ormes et le Grand nues, comme le café, la cerise ou la pêche. Tout d’abord possible sur le pont supérieur Canal de « bois blanc » tandis que les épicéas regarnis- potager et fruitier, ce jardin devint botanique avec tout en les protégeant des saient certaines parties précises des jardins comme les l’arrivée, en 1759, de Bernard de Jussieu (1699-1777), embruns, des coups de vent rampes de Latone. Enfin, le buis nain et les ifs taillés puis le principal terrain d’expérimentation de l’époque. et des oiseaux. Il faut, bien agrémentaient les parterres. sûr, les arroser régulièrement Ce milieu du xviiie siècle vit l’organisation de grandes Quant aux bois du Grand Parc, ils étaient essentiellement à l’eau douce. Sans compter expéditions maritimes à vocation scientifique. composés de chênes et de châtaigniers. À la mort de les caprices du naturaliste, Les Lumières n’exigeaient-elles pas une meilleure Louis XIV, on sait qu’ils occupaient, au niveau du 2 1 grand savant souvent imbu connaissance des terres lointaines ? Soutenus par le domaine entier, 4 963 arpents (soit 2 534 ha), mais l’on de lui-même ! Malgré la Roi, les naturalistes se joignirent aux astronomes, signalait déjà leur état préoccupant dû à leur âge patience des marins, physiciens et artistes pour partir sur les navires affrétés avancé, à la terrible gelée de 1709 et à une exploitation seulement 5 % des plantes par la marine militaire. Antoine Richard (1735-1807), irrégulière. L’on commença vraiment à s’alarmer dans récoltées survivent au voyage. fils de Claude et élève de Jussieu, fut, notamment, les années 1760. envoyé par Louis XV en mission aux îles Baléares, en Une fois arrivés à bon port, Espagne ou au Portugal. Graines, plantes séchées sous les végétaux ne sont pas forme d’herbiers et boutures étaient embarquées sur directement plantés en terre, les bateaux avec d’infinies précautions. Les échanges où ils n’auraient pas avec des botanistes étrangers comme le Suédois la capacité de résister à leur Carl von Linné (1707-1778) et des marins passionnés nouvel environnement, comme l’amiral de la Galissonnière favorisèrent l’enri- mais mis en culture. chissement de la collection de Trianon : devenue la plus À Trianon, ils sont installés célèbre d’Europe, celle-ci comptait, à la mort du Roi, dans la serre chaude où plus de 4 000 variétés différentes. sont mentionnés, en 1762, des figuiers, des caféiers, L’on découvrit les vertus de ces plantes nouvelles, tant des ananas… sur le plan utilitaire qu’ornemental. Le bouleau blanc 1. Bernard de Jussieu (1699-1777), botaniste révéla son efficacité dans le traitement des affections français, par Ambroise cutanées tandis que le pin blanc, proliférant, permit de Tardieu (1788-1841) ; gravure 6 7
En 1774, Louis XVI qu’Hubert Robert autour d’un – aujourd’hui bosquet de la Reine – où furent soigneu- étang au bord duquel furent sement disposées, comme on commençait à le faire replantE entièrement disposées, à partir de 1783, pour les jardins paysagers, des essences exotiques. les maisonnettes du Hameau. le parc de Versailles Les comptes des bâtiments du Roi font apparaître la Les arbres plantés provoquent, plantation, en 1776, de 280 000 chênes. cette fois-ci, l’admiration Sa passion pour la chasse poussa le Roi, en effet, à du duc de Croÿ qui en précise procéder à d’importants aménagements du Domaine. la tonalité alpestre, en accord Par le biais d’acquisitions, l’aire de chasse fut étendue Et Marie-Antoinette avec le style champêtre de 4 400 arpents, dont plus de la moitié en bois, auxquels fit dessiner un en vogue : « Mais ce qui est s’ajoutèrent les forêts prises sur le Grand Parc avec parc anglais pour superbe, c’est que Monsieur l’établissement de nouvelles clôtures. Ainsi, en 1778, la le Petit Trianon Richard se livrant à son goût surface en bois du Domaine atteignait-elle 9 545 arpents, et à son talent y mettait de Son époux lui ayant fait don, soit 4 874 ha. grands arbres rares de toutes dès son accès au trône, du sortes […] C’est surtout pins, Petit Trianon, la jeune Reine mélèzes superbes, puis en se lança avec enthousiasme s’élevant, grands sapins, puis dans le réaménagement du sapins rabougris à petites domaine de Louis XV. feuilles, puis ce qu’on appelle Elle fit disparaître le jardin aulnes dans le pays. » botanique, dont les richesses innombrables furent transférées à Paris, dans l’actuel Jardin des Plantes, et détruire ses extraordinaires 2 1 installations. De grands abattages s’imposaient afin de remédier Le duc de Croÿ en témoigne au délabrement des arbres. Ils furent décidés par le amèrement : « Je crus être fou nouveau Roi dès la fin de 1774. Deux tableaux du ou rêver de trouver, à la place 1. L’entrée du Tapis Vert peintre Hubert Robert illustrent les bouleversements de la grande serre chaude qui à Versailles (détail), 1777, que subirent alors les jardins bien qu’il ait été convenu était la plus savante et chère par Hubert Robert (1733-1808) ; huile sur toile ; de conserver l’œuvre d’André Le Nôtre plutôt que de de l’Europe, des montagnes le tableau montre le Tapis céder à l’anglomanie ambiante. assez hautes, un grand rocher Vert au moment de l’abattage des arbres (hiver 1774-1775) et une rivière ». Un jardin dans les jardins de Ce fut néanmoins l’occasion de quelques mises au anglo-chinois était, en effet, Versailles ; au 1er plan, goût du jour qui furent entreprises avec l’aide de l’abbé dessiné par le comte de Louis XVI et Marie-Antoinette Nolin, agronome et « décorateur des jardins du Roy », Caraman et réalisé par 2. Vue du bosquet des Bains d’Apollon (détail), pour les bosquets. Celui du Labyrinthe, notamment, Antoine Richard et l’architecte 1777, par Hubert Robert fut détruit pour laisser la place au bosquet de Vénus Richard Mique ainsi (1733-1808) ; huile sur toile 2 8 9
Après la révolution, louis xviii aménage le parc se dégrade le jardin du roi « La hache est au pied des arbres de ses immenses En 1818, ce jardin paysager remplaçait le bassin de avenues », affirmait, à propos du parc de Versailles, l’Île royale et réunissait une remarquable collection l’administrateur Charles Delacroix qui menaçait, en d’essences exotiques. La navigation à vapeur avait 1793, de « faire passer la charrue » et de « rompre le accru l’importation de plantes nouvelles, notamment charme qui semblait veiller à la conservation de tous des fleurs, du monde entier, contribuant à l’atmosphère les embellissements du séjour des tyrans ». de sérénité recherchée par le mouvement romantique. L’harmonie entre les volumes et les couleurs des Des bois du Grand Parc furent abattus pour les différents végétaux était particulièrement étudiée dans bateaux de la marine, des arbres fruitiers furent plantés ce jardin. à des endroits incongrus comme le pourtour du Grand Canal et du bassin d’Apollon, mais l’on faisait 2 encore visiter les bosquets dont des gardes avaient les clefs. Antoine Richard put rester en place et de la maturité prendre soin des arbres exotiques qu’il avait lui-même plantés au Petit Trianon. à la replantation En 1802, Napoléon Ier donna l’ordre de planter des 2 1 peupliers d’Italie, originaires en réalité d’Asie et très Peu transformé au cours du xixe siècle, le Parc voit ses appréciés au xix e siècle, au bout du Grand Canal. arbres atteindre leur maturité. Pour leur régénération, Le jardinier Lelieur n’hésita pas à leur sacrifier de une nouvelle replantation générale s’effectua entre jeunes ormes qui avaient été placés là quelques années 1863 et 1880 sous la direction de l’architecte Charles- plus tôt par Jean Duchesne, jardinier de Trianon. Auguste Questel, puis la restauration des jardins par Pierre de Nolhac à partir de 1887. 1. Le débuché devant le Grand Trianon (détail), 1810, par Jean Bidauld (1758-1846) et Antoine Vernet (1758-1836) ; huile sur toile 2. Jardin du Roi, bosquet de la frange sud des jardins du château de Versailles 10 11
Les tempêtes de 1990 Quant à la vente aux enchères des plus beaux arbres historiques déracinés, ses bénéfices ont contribué au et de 1999 déciment remplacement de leurs essences par des espèces iden- tiques. Parmi les acheteurs, un artiste, Giuseppe Penone les arbres exposera, treize ans plus tard, au Château, rapportant l’un de ses grands cèdres : vidé de son cœur, il servait de matrice à un jeune arbre plein de vie. « Un jour loin- tain, cet arbre touchera les écorces de bronze ». 2 La restauration du Grand Parc Paradoxalement, la tempête de 1990 et, surtout, celle de 1999 attirèrent l’attention sur l’état de fragilité d’arbres qui avaient jusqu’à 130 ans. Il était grand temps de les remplacer. Mieux encore, ces tempêtes donnèrent l’occasion de reconstituer certains des jardins dans leur état du xviiie siècle, notamment le Jardin anglais du Petit Trianon, l’ensemble du parc du Grand Trianon et des bosquets. Aujourd’hui, le domaine de Versailles dispose d’un patrimoine végétal en bon état sanitaire dont les arbres, replantés il y a vingt ans, témoignent du redéploiement. 2 1 1. Le patrimoine végétal La nuit du 25 au 26 décembre 1999, ce sont plus de du domaine de Versailles 18 000 sujets qui ont été détruits par une tempête qui dévasté par la tempête balaya le nord de la France. Des arbres historiques des 25 et 26 décembre 1999 furent définitivement perdus, comme le tulipier de 2. Entre écorce et écorce Virginie planté sous Marie-Antoinette et le pin de Corse, (Tra scorza e scorza), témoin du séjour de Napoléon Ier au Petit Trianon. Giuseppe Penone ; œuvre présentée sur le parterre Mais les arbres ont des ressources insoupçonnées : leur d’Eau lors de l’exposition d’art contemporain disparition provoqua une vague de solidarité à l’échelle Giuseppe Penone internationale. Entre 2000 et 2003, furent récoltés plus à Versailles de juin de 2,5 M € et 10 000 arbres replantés. Cinq mille particu- à octobre 2013 3. Le patrimoine végétal liers du monde entier répondirent présents, ainsi que de du domaine de Versailles grandes entreprises, pour rendre au Parc sa splendeur. en juin 2019 2 3 12 13
domaine de trianon Tulipier de Virginie Ginkgo biloba Séquoia géant Sophora du Japon pleureur Pin de Corse Catalpa commun Chêne pédonculé fastigié Chêne pédonculé If commun Hêtre tortillard Tilleul à petites feuilles Des arbres Sophora du Japon Catalpa commun Genévrier de Virginie Cyprès chauve à admirer Catalpa commun Cèdre du Liban « Au royaume des arbres, les rôles Platane dit « Pied d’éléphant » sont assez bien distribués. On y reconnaît le monarque, les PArc grands seigneurs et les barons, la Cour et une multitude de petits marquis poudrés et légers qui Marronnier à feuilles laciniées se dispersent dans les corridors », lance Robert Bourdu dans un essai sur l’if * qui évoque, selon lui, « l’inévitable confesseur, discrète éminence grise ». Hêtres pourpres Le chêne, toujours selon l’auteur, garde la place la plus éminente. Hêtre à feuilles laciniées Platane à feuilles d’érable Le hêtre et le tilleul font partie de sa garde rapprochée et les conifères des troupes ordonnées jardins et bosquets tandis que les cèdres, les séquoias Cyprès chauve et les platanes anciens « sont les ambassadeurs de terres lointaines, exotiques et mystérieuses ». * Robert Bourdu, L’If, éd. Actes Sud, 1997 Pin de Corse OrANGErIE Palmier dit « à deux têtes » Bigaradier Eugenia Grenadier N Grenadier Avec le mécénat de Pamplemoussier la Maison rémy Martin 14 15
Bigaradier ce qui fut plus tard aménagé Le catalpa porte de très grandes Cèdre du Liban Les Romantiques y voyaient longtemps de tailles inopportunes Citrus x aurantium à Versailles, aux dimensions tout feuilles et des fleurs en grappes Cedrus libani le lieu privilégié d’une méditation qui auraient pu le contrarier dans à fait inédites. Sortis de l’Orangerie, auxquelles succèdent, à la fin de sur le cycle des civilisations son déploiement. Aujourd’hui, les bigaradiers, l’été, embaument l’été, de longues gousses, remplies et la précarité de la grandeur. sa hauteur atteint 36 mètres, tout le parterre. De leurs troncs de graines, qui ressemblent à « Ce sont des êtres divins sous ce qui est notable pour son espèce, lisses, qui noircissent avec l’âge des haricots. Ce serait d’ailleurs la forme d’arbres », écrivit et la circonférence de son tronc et contrastent avec la couleur la signification du mot « catalpa » Lamartine lors de son périple, 5,24 mètres. Il est dit « pédonculé » de leurs feuillages, ils rythment chez les Indiens de Caroline, en 1833, à propos de ces cèdres parce qu’il retient ses glands les volutes de gazon. au Sud des États-Unis, dont l’arbre auxquels les peuples du au bout de longs pédoncules, est issu. Cela en fait l’une des Moyen Orient prêtaient, en effet, de 2 à 10 centimètres. Originaire du Sud-Est de l’Asie, rares espèces à avoir conservé des vertus de sagesse et de cet agrume aime les climats Consacré à Zeus par les Grecs, son nom d’origine lorsqu’il fut prédiction. chauds, mais résiste bien au froid. à Jupiter par les Romains, introduit en Angleterre en 1726, Son espérance de vie, même en le chêne symbolise, par son bois puis en France en 1754. caisse, est extraordinaire. Ainsi, Chêne pédonculé dur et résistant, la force, la majesté. à l’Orangerie de Versailles, vécut De modestes dimensions, quercus robur Sa feuille crénelée sert, avec le « Connétable » qui, raconte-t-on, le catalpa atteint avec difficulté celles du houx et du laurier, de La bigarade, ou orange amère, mourut à plus de 470 ans. les 15 mètres de hauteur : La légende raconte que Bernard motif décoratif. Elle devint, à partir est reconnue comme l’ancêtre les deux qui se font face dans de Jussieu (1699-1777) aurait du xviiie siècle, un emblème du officiel de l’orange. Louis XIV le Jardin anglais de Trianon lui-même planté ce cèdre mérite, puis de la victoire. Elle Catalpa COMMUN s’élèvent respectivement à 10 apparaît sur des objets militaires adorait ce fruit à la couleur du Liban en 1772. Un examen Catalpa bignonioides et 12 mètres tandis que celui du – képi des généraux et médaille du soleil couchant, son emblème. approfondi prouve que cet arbre, Aussi fit-il construire une nouvelle Théâtre de la Reine culmine à qui culmine à plus de 30 mètres, de la Légion d’honneur – et et magnifique orangerie par son 15 mètres. Mais la majesté de serait né en 1840. figure en de nombreux endroits architecte, Jules Hardouin-Mansart, sa ramure, souvent très étendue, du Château où sont célébrés et de ses apprêts – larges Il est vrai, néanmoins, que tant de hauts faits guerriers. en 1684. feuilles d’un beau vert, fleurs le célèbre botaniste du Jardin Dans le Château, traversé d’odeurs blanches délicatement ourlées des Plantes, à Paris, a introduit les plus diverses, de nombreux et marquées à la gorge de l’espèce en France au début Chêne pédonculé bigaradiers en caisse exhalaient jaune et de pourpre – fait de lui du xviiie siècle. Il alla la trouver fastigié leur parfum. De leurs fleurs un arbre d’ornement très en Angleterre qui s’enorgueillissait quercus robur délicates, l’on tirait une essence prisé que l’on recommande, de posséder plusieurs de ces Déployant majestueusement ’fastigiata’ légèrement amère dont se voilait dans les parcs, d’isoler pour en arbres, originaires du mont sa ramure, il est le doyen la Cour et qui prendra le nom apprécier pleinement les effets. Liban, depuis 1638. En 1734, des arbres de Versailles : plus de « Néroli » lorsque la princesse Bernard de Jussieu rapporta de de 350 ans ! Selon les études de Nérola en répandit la mode, Il est dit « bignonioide », par Londres deux bébés cèdres qui dendrochronologiques, il aurait, au xviiie siècle. un curieux détour sémantique, lui auraient été généreusement en effet, germé en 1670 en référence à la fleur de bignone, offerts par le directeur des et aurait donc connu Louis XIV Dès la fin du xve siècle, le roi en forme de trompette. jardins de Kew. Les aurait-il fait s’interrogeant, avec André Charles VIII, de retour de sa La classification de Linné, à tomber par terre ? De l’eau Le Nôtre, sur les aménagements campagne d’Italie, encourageait laquelle de nombreux végétaux s’écoulait-elle du pot ? Toujours en cours du Parc. Le roi le plus l’aménagement de « resserres », doivent encore aujourd’hui est-il qu’il arriva avec son précieux puissant d’Europe se serait-il avec le plus grand nombre leur nom, s’appuyait sur leur butin logé dans son chapeau, penché sur la jeune pousse, possible de fenêtres au midi. mode de pollinisation, lié comme il a été ensuite relaté. imaginant son avenir superbe ? La première d’entre elles fut, aux caractéristiques des fleurs. tout naturellement, celle de sa Au xixe siècle, la forêt de Cèdres Curieusement, il n’a laissé résidence, au château d’Amboise, était une étape incontournable aucune trace dans les archives mais elle n’avait rien à voir avec du voyage en Orient. du Château, ce qui l’a préservé 16 17
Le chêne pédonculé est dit Il ne fait pas, en réalité, partie Eugenia Genévrier de Virginie le cambium, où circule la sève et se teinte magnifiquement « fastigié » lorsqu’il se développe de la famille des cyprès, mais Syzygium paniculatum Juniperus virginiana se développent les cellules qui le à l’automne et prend l’allure en forme de flamme ou de de celle des Taxodiacées, font grandir et épaissir, est de milliers de pièces d’or faisceau. Il ne pousse pas ainsi comme le séquoia, et c’est un toujours reliée à ses racines dont l’éclat joue avec le soleil naturellement, mais en pépinière. conifère, mais qui perd ses et à ses feuilles, ce qui lui permet déclinant. De celles de Louis XV à Trianon feuilles à l’automne. Décidément, de poursuivre la photosynthèse Originaire de Chine, il a été est très probablement issu ce cet arbre aime la contradiction ! indispensable à sa survie. découvert par les Occidentaux chêne planté près de l’Orangerie Plus encore, ses racines, plutôt Le genévrier de Virginie a au Japon dans les années de Jussieu : en effet, il a germé que de rester profondément de multiples vertus. Son bois, 1690, puis introduit en Angleterre en 1768. Sa pousse s’est stabilisée dans le sol, émergent à l’air. que craignent les mites, était en 1754. Le naturaliste Banks à 30 mètres de hauteur et la Comme son nom l’indique, Protubérances en forme de utilisé pour la fabrication en offrit un pied au Jardin circonférence de son tronc atteint, il provient d’Amérique du Nord. genoux, elles permettent de capter de coffres à vêtements. C’est des Plantes de Montpellier en à 1 mètre du sol, 5,13 mètres. Les circonstances de son l’oxygène nécessaire à cette pourquoi il symbolise le secours 1778. Linné lui avait néanmoins, espèce typique des régions introduction en Europe restent et la protection. dès 1771, donné son nom, marécageuses où elle se trouve controversées, mais il est en lien avec la forme bilobée Cyprès chauve le pied dans l’eau ! Ses racines mentionné en Angleterre dès de ses feuilles. Taxodium distichum contribuent aussi à l’ancrer 1664. En France, Linné décrit Ginkgo biloba très précisément un spécimen Ginkgo biloba Arbre très ancien, remontant dans les terres amollies par du Jardin des Plantes, à Paris, à la fin de l’ère primaire l’humidité. Rien d’étonnant en 1750. À Versailles, en 1777, (300 millions d’années), il est à ce que le sujet du Hameau figurent, sur une commande aux connu pour sa résistance : de la Reine ait été planté, pépinières royales pour le Jardin il fut l’une des premières espèces probablement au début du anglais de Marie-Antoinette, à repousser aux alentours xixe siècle, en bordure du lac. deux de ces « cèdres rouges », d’Hiroshima après l’explosion Dès 1857, les guides de visite Originaire d’Océanie, il doit appelés ainsi en raison de de la bombe atomique du 6 août du Château incitaient le visiteur son nom au prince Eugène la couleur de leur bois. Enfin, 1945. En revanche, la foudre, à aller l’admirer jusque-là. (1663-1736), généralissime des l’inventaire révolutionnaire fait en 1960, terrassa un ginkgo du Originaire de Louisiane, armées impériales du Saint-Empire Jardin anglais de Trianon. état, en 1795, de plusieurs du Mississippi et de Floride, romain germanique, qui passa genévriers de Virginie à Trianon. Cette essence est dioïque, le cyprès chauve a été introduit son enfance à la cour de France. Ce spécimen a très certainement c’est-à-dire qu’il existe des individus en Angleterre par le jardinier du Comme l’if, il est parfait pour les été planté lors de la restauration mâles et femelles. À Versailles, roi Charles Ier, John Tradescant II, topiaires, ces arbustes taillés en du domaine de Trianon voulu on en planta à Trianon en 1789 vers 1640. En France, il était de multiples silhouettes que l’on par Napoléon Ier, en 1810, à l’occasion des saisies classé, en 1788, parmi les trouve partout dans les jardins lorsqu’il en fit don à son épouse révolutionnaires. C’est vers 1820 « arbres précieux » de la pépinière du Château. Il est persistant, Marie-Louise. Le genévrier de qu’une reproduction sexuée de Sèvres tenue par l’Anglais supporte très bien la taille qui Virginie était, en effet, cultivé de l’arbre fut lancée à partir John Williams. Le sujet de la plaine ne provoque pas l’épaississement dans la pépinière située à On le surnomme « l’arbre aux d’un greffon femelle provenant du des moutons date très de ses branches et ses petites proximité : plus de mille plants y quarante écus », mais pas à jardin botanique de Montpellier. certainement des pépinières feuilles restent compactes, gardant étaient comptabilisés en 1819. cause de l’aspect caractéristique En 1847 étaient ainsi développées à cet endroit fidèlement la forme qui leur a Déjà surnommé « le vieil arbre » de ses feuilles : c’est le prix comptabilisés soixante-six au xixe siècle. été donnée. Son aspect sévère sur des cartes postales des exorbitant qu’il coûta, raconte- plants dont ce couple s’accorde avec l’allure baroque de ginkgos, planté vers 1850, années 1900, l’arbre a été très t-on, à l’amateur français des grenadiers. est probablement originaire. abîmé par la tempête de 1999, de botanique, M. de Pétigny, Durant l’été, il se couvre de fleurs mais continue de vivre grâce lorsqu’il en ramena blanches qui donneront naissance à la béquille installée pour le d’Angleterre vers 1770. à des petits fruits roses. soutenir. La partie de son écorce, N’empêche, son feuillage 18 19
Grenadier son fruit donna son nom à la ville donnent cet aspect douillet. Elles Comment est-il arrivé en Suisse En forêt de Verzy, un millier de aménager son jardin pittoresque. Punica granatum de Grenade, au Sud de l’Espagne, se colorent à l’automne dans où il est signalé pour la première ces « hêtres tortillards » arborent Elle s’y est souvent réfugiée, où il fut introduit dans le courant de magnifiques teintes rouge fois en 1680, dans le canton leurs folles circonvolutions dont prenant rendez-vous dans cette du viie siècle. Il séduisit Louis XIV orangé. Jusqu’aux années 1990, de Zürich, à Buch ? Le nom de ils tirent parfois des surnoms excavation discrète à deux qui en fera développer la culture s’y trouvaient « le père » et ce village veut dire « hêtre » évocateurs : la Lyre, la Tête de entrées… Comme il aime la en Provence ainsi qu’au Nord « le fils », le second ayant été en allemand et la légende y situe Bœuf, la Mariée… roche et les endroits tranquilles, de la Loire, dans des caisses. Très planté à côté du premier lorsque un drame abominable : cinq l’if s’y est bien développé, S’il avait été tout bonnement peu d’endroits comme l’Orangerie celui-ci donna des premiers frères s’y seraient entre-tués et atteignant, ce qui est rare, planté, à Versailles, dans le sol, de Versailles renferment autant signes de faiblesse, en 1960. leur sang aurait éclaboussé 3 mètres de hauteur. il serait devenu, on le sait, un de grenadiers aussi vieux. les arbres dont les reflets auraient Sa lenteur de croissance, la Sa stature droite et ample, d’autant hêtre commun. Mais il a été ainsi gardé le souvenir. permanence de son feuillage La grenade, rouge et contenant plus impressionnante qu’elle est greffé sur un autre hêtre, ce qui de nombreux pépins, évoque la isolée, fait du hêtre une essence À Versailles, il a daigné pousser témoigne du génie botanique vert sombre et la production fécondité. Promesse de postérité ornementale comparable au avec des congénères, ce qui des jardiniers qui l’ont introduit de fruits colorés en automne nombreuse, ses rameaux ornaient, chêne. Cité en France à partir des n’est pas habituel. Cet arbre ici, au début du xixe siècle. l’ont associé à l’éternité, cousine à Rome, la coiffure des mariées. années 1800, le hêtre lacinié est royalement paré de rouge de la mort. Il hantait les cimetières D’une croissance dix fois moins comme symbole de la résurrection Mais c’est également un emblème mentionné dans les pépinières sombre apprécie normalement rapide que celle des hêtres de l’âme : l’on imaginait ses de la royauté, car son sommet de Versailles/Trianon en 1847 : la solitude et étouffe volontiers communs, mais d’une longévité racines plongeant dans le sol forme une petite couronne. 220 plants y étaient alors cultivés. les autres espèces. Par sa haute exceptionnelle, cet arbre pour la faire remonter jusqu’au stature, le hêtre a d’ailleurs L’homogénéité et la souplesse surprenant incarne les vertus sommet de l’arbre, puis les pu servir autrefois de repère sur Hêtre du bois de hêtre rendent son du temps qui passe. oiseaux l’emportant vers le ciel. des points culminants ou de à Feuilles laciniées utilisation facile et très diversifiée. Présent, au Moyen Âge, sur poste d’observation, dans le Nord, Fagus sylvatica On le trouve aussi bien dans les tombes des personnages durant les deux Guerres mondiales. If COMMUN ’asplenifolia’ le contreplaqué, les ustensiles les plus éminents, ne serait-il pas, de ménage, l’outillage, les jouets Taxus baccata juché sur cet antre souterrain, d’enfant ou les instruments Hêtre TOrTILLArD un présage funeste ? C’est bien de musique. Fagus sylvatica là que le 5 octobre 1789, ’tortuosa’ un page pria Marie-Antoinette Hêtre pourpre de rejoindre au plus vite le Roi : Fagus sylvatica le peuple était déjà aux grilles F. atropurpurea du Château ! Mais taxus peut aussi avoir L’arbre est au moins aussi beau le sens de l’ordre, du classement. que son fruit. Son tronc noueux L’if, à Versailles, participe sans semble exprimer les mille aucun doute à la structuration tourments d’un être séculaire du Parc. On lui doit de nombreuses qu’égayent ses petites fleurs, Très courant en France, le haies qui constituent les cadres d’un rouge profond. Il est issu hêtre a vu son nom se plier aux stricts du jardin à la française, mais du haut plateau irano-afghan dialectes locaux, comme ce aussi les topiaires qui bordent dont il s’accommode des sols On se sent à l’abri sous sa « fau de Verzy » qui ne s’est les parterres et les animent rocailleux et désertiques, splendide couronne dont naturellement développé que de leurs mimiques végétales. le vernis de ses feuilles les les feuilles, légères, sont autant près de Reims. Cette variété a, Pris, à sa base, dans les pierres Sa base, en effet, redouble de protégeant de la chaleur. de frisottis. Ce sont elles qui en effet, la particularité de ne de la Grotte de Marie-Antoinette, vie lorsque l’on coupe l’extrémité Appelé par les Romains malum sont « laciniées », c’est-à-dire pousser qu’en des territoires il a très certainement été planté de ses rameaux, ce qui explique granatum, ce qui veut dire découpées irrégulièrement sous très localisés, sans que l’on en au moment de sa construction, sa docilité à la taille et sa faculté « pomme bien pourvue de graines », forme de fines lanières, et qui ait identifié la raison exacte. en 1780, lorsque la Reine faisait à adopter des formes multiples. 20 21
Marronnier Paradoxalement, le marronnier xixe siècle. Beaucoup plus tard sont beaucoup plus jeunes, bien lorsque celui-ci en fit don à son à feuilles laciniées resta longtemps une espèce que le palmier-dattier qui apparut qu’ils produisent également épouse Marie-Louise, en 1810. Aesculus mystérieuse. Jusqu’à la fin sur le littoral méditerranéen de beaux fruits à Noël. Comme Celui du bosquet de la Reine, hippocastanum du xixe siècle, on le crut originaire dès le début du xviie siècle, cette ils ne sont pas nombreux, on les haut de 25 mètres, date ’laciniata’ du Nord de l’Inde jusqu’où des espèce fut introduite en France dispose, l’hiver, en cercle autour de l’époque Louis-Philippe. botanistes allèrent à sa recherche, par le comte Viguier en 1864. de la statue de Louis XIV qui en vain. Il se trouvait, en réalité, Elle le supplanta à la fois par se tient au centre de l’Orangerie. beaucoup plus près, dans le Nord sa robustesse et ses attraits Platane Originaire de Malaisie, à feuilles d’érable de la Grèce et de l’Albanie. décoratifs : tronc plus large et le pamplemoussier est connu Platanus X acerifolia moins haut, feuilles très odorantes De premières graines parvinrent en Extrême-Orient depuis ET Platane d’un beau vert brillant qui en en Europe occidentale en 1576 des millénaires pour ses fruits. à feuilles d’érable firent une essence d’ornement par l’entremise de l’ambassadeur C’est un capitaine anglais dit « pied d’éléphant » et d’alignement très appréciée. du Saint-Empire à Constantinople qui l’introduisit aux Barbades à Platanus X acerifolia qui en envoya à Vienne où Son genre, Phoenix, provient la fin du xviie siècle. La plante elles furent semées dans les du nom donné par les Grecs parvint en Jamaïque en 1750 Provenant de l’Île de Beauté, jardins impériaux. En France, le au palmier-dattier : rien à voir et suivit la route des Antilles c’est le pin des régions marronnier fut introduit en 1615 avec l’oiseau renaissant de ses jusqu’en Floride, début 1800, méditerranéennes qui supporte par le botaniste Bachelier. cendres, mais une allusion où elle est toujours aujourd’hui néanmoins le climat de Paris. Un premier pied fut planté dans à la Phénicie d’où provenaient très cultivée. En Europe, elle fut Celui qu’a planté, en 1784, une des cours de l’hôtel Soubise, de nombreuses dattes. longtemps considérée comme Bernard de Jussieu au Jardin à Paris, et un second, en 1650, une espèce décorative aux fruits des Plantes existe toujours. Deux au Jardin des Plantes. à l’écorce épaisse et à la texture ans plus tard, André Thouin, à la Pamplemoussier peu juteuse. Ceux-ci ne furent tête de ce jardin, recommandait Ce sujet n’a pas du tout l’air Citrus maxima appréciés qu’après avoir été de le multiplier dans les parcs. qu’on lui connaît, avec ce port Palmier croisés avec un oranger doux, Il en vantait la solidité et la retombant et ces feuilles dit « à deux têtes » autour de 1823. souplesse, très appréciées pour finement découpées qui lui Phoenix canariensis le bois de mâture. donnent cette appellation « laciniées ». Cela en fait un végétal Pin DE corse Son espérance de vie est particulièrement rare qui Pinus nigra var. largement supérieure à celle témoigne de l’activité botanique corsicana des autres pins et c’est l’un de Trianon à la charnière des plus grands, pouvant atteindre entre le xixe et le xxe siècle. 45 mètres. L’on distingue en France vingt-quatre espèces Le marronnier est pourtant différentes, certaines très l’arbre le plus commun en France, répandues comme le pin Arbre familier des places et des caractérisé par ses fleurs en sylvestre et le pin maritime, routes du sud de la France, il fut, thyrses dressés qui envahissent d’autres liées à un biotope au cours de l’histoire, très admiré. sa ramure au printemps et ses particulier, comme le pin à crochets Dès l’Antiquité, notamment en marrons, piquant en dehors, et le pin cembro en montagne Grèce, il apparaît comme un sujet luisant en dedans, qui font Les jardiniers de l’Orangerie ou le pin parasol et le pin laricio d’agrément. Il a toujours été la joie des enfants à l’automne. racontent que c’est le doyen des près de la Méditerranée. considéré comme l’arbre des héros Sa masse habituellement À l’évidence, son originalité vient arbres en caisse. C’est surtout et des rois auquel furent associées puissante abrite pelouses des de ses deux stipes, une rareté qu’il est très grand, 4 mètres de Le spécimen de Trianon, haut de de nombreuses légendes. parcs et cours des villes, pour cet arbre originaire des Îles hauteur, malgré sa situation 25 mètres, date probablement marquant en novembre les Canaries où il fut identifié par un inconfortable. Les autres de la restauration du Jardin anglais On s’interroge encore sur les trottoirs de ses feuilles rainurées. botaniste anglais au début du pamplemoussiers de l’Orangerie commandée par Napoléon Ier origines du Platanus X acerifolia. 22 23
Serait-il issu d’un croisement Les séquoias disparurent Sophora du Japon la chinoise et doté, justement, de 1540 pour Diane de Poitiers C’est tout simplement sa fleur, entre le platane d’Orient, introduit d’Europe il y a 12 000 ans Styphnolobium de toitures à versants retroussés, au château d’Anet. Le traité en forme de tulipe, qui lui en Gaule au iiie siècle avant pour n’y ressurgir qu’au milieu japonicum comme les pagodes ? de jardins de Dezallier a donné son nom, associé au Jésus-Christ puis réapparu à la fin du xixe siècle. La ruée vers et Sophora du Japon d’Argenville affirmait, en 1767, fait que l’arbre provient de l’Est Ce sophora du Petit Trianon, du xvie siècle, et le platane l’or entraînait alors jusqu’à pleureur qu’il s’agissait de l’une des des États-Unis. Dans sa terre qui atteint aujourd’hui 15 mètres d’Occident, ramené d’Amérique la Sierra Nevada les Européens Styphnolobium espèces les plus prisées pour natale, il peut s’élever jusqu’à de hauteur, est un miraculé en Angleterre, puis en France qui découvrirent ce conifère japonicum ’pendulA’ les allées et les bosquets, 50 mètres et il émerveilla de la tempête de 1999. grâce à Buffon au milieu du immense. Aujourd’hui, le ce que confirmait Du Breuil, les naturalistes européens par xviiie siècle ? Ce qui est sûr, c’est « général Sherman », en Californie, Ceux de l’Orangerie de cent ans plus tard. son port majestueux, accentué que les premiers exemplaires de est considéré comme le plus Jussieu, plantés vers 1920, par le fait que son fût, très Le tilleul est souvent associé à platane « à feuilles d’érable » ont gros arbre connu au monde, sont « pleureurs ». Leurs droit, s’élague de lui-même sur l’image de la féminité. Il produit, été plantés en 1750 sur ordre de avec près de 84 mètres de branches tortueuses retombent une grande hauteur. en tous les cas, de tendres Louis XV dans le parc de Trianon. haut et une base de 24 mètres naturellement sur le sol, nectars, infusions et miels de En Angleterre, il est connu dès de circonférence. sans aucune intervention des Celui du Hameau de la Reine date ses fleurs recommandés, au 1640, ramené par le jardinier du jardiniers. de 1798 et atteint aujourd’hui Des premières graines parvinrent Moyen Âge, contre les troubles roi Charles Ier, John Tradescant II, 30 mètres de hauteur. Il ajoute à en Angleterre en 1853. Ce nerveux. On plantait ainsi puis décrit avec enthousiasme cette majestueuse ramure un spécimen, près de l’Orangerie Tilleul des tilleuls près des hôpitaux. par l’écrivain John Evelyn en pied volumineux, de 7 mètres de de Jussieu, est l’un des premiers à petites feuilles 1662. En France, c’est en 1732 L’origine de son nom est circonférence, qui lui vaut le à avoir été plantés en France, Tilia cordata que l’Amiral de la Galissonnière, controversée, mais tilia, en latin, surnom débonnaire de platane aux alentours de 1870. Haut revenant d’Amérique, en a donné le mot telum qui signifie « Pied d’éléphant ». Celui du Jardin de 38 mètres, avec un tronc d’une rapporte des graines à Trianon. « javelot ». Le bois léger et flexible du Roi est forcément postérieur circonférence de 7,40 mètres, Elles ont peut-être fourni du tilleul servait, en effet, à la à l’aménagement de ce bosquet, il est encore jeune. Il peut vivre les arbres qui ornèrent, dès Il n’est pas originaire du Japon, fabrication des lances romaines. en 1818, lorsque fut comblée plus de 2 000 ans et a encore sa création, en 1775, mais de la Chine ! Très présent Dans les pianos traditionnels, l’Île royale. Il a probablement beaucoup de choses à voir, du le bosquet de la Reine. Ceux-ci au Pays du Soleil Levant, il reçut il forme la matière des touches vu passer Louis-Philippe qui en haut de son houppier, à Versailles. ne manquèrent pas, à leur cette appellation de la part sous le placage d’ivoire. ordonna la réalisation. tour, de produire des graines Le séquoia a besoin du feu pour de Linné en 1767. Pour ne pas dont l’abbé Nolin, directeur se reproduire. En effet, ses cônes se tromper, on peut utiliser son Tulipier de Virginie des pépinières royales, en Séquoia géant s’ouvrent, libérant leurs graines, surnom : « l’arbre des pagodes ». Liriodendron octobre 1788, évoquait, dans Sequoiadendron sous l’effet de la chaleur extrême. C’est pourtant bien de Pékin tulipifera un courrier, la cueillette pour giganteum Pour ne pas brûler tout entier qu’un missionnaire jésuite, leur mise en culture. Quant à son contact, l’arbre possède le père d’Incarville, envoya en au tulipier du jardin des une écorce épaisse et fibreuse, 1747 à Bernard de Jussieu Sources, il date de 1820 gorgée d’eau. Paradoxalement, C’est l’espèce la plus répandue les graines d’une espèce alors et a donc quasiment 200 ans. il est, à Versailles, protégé par en France où le tilleul se sent plusieurs paratonnerres situés inconnue ou Arbor sinarum L’arbre pousse relativement chez lui : originaire d’Europe, il à proximité. incognita. Les graines furent vite, mais ne fleurit qu’après s’accommode parfaitement de dispersées en France, puis en vingt-cinq ou trente ans, tous ses types de sol. Parmi les Angleterre d’où Antoine Richard arborant, en juin-juillet, feuillus de nos régions tempérées, rapporta un sujet en 1764. ces grosses tulipes odorantes il est celui qui peut atteindre La reine Marie-Antoinette le fit mêlant des tons de jaune, les plus grandes hauteurs. planter près du Petit Trianon, de vert et d’orange. à côté du Jeu de bague qui Sa grande plasticité fait de lui agrémentait alors son jardin un arbre apprécié pour les pittoresque. Quoi de mieux pour alignements dans les jardins. abriter ce carrousel traité à Le premier d’entre eux daterait 24 25
Établissement public du CHÂTEAU, Téléchargez gratuitement DU musée et du domaine national l’application de Versailles « Château de Versailles »* RP 834 - 78008 Versailles Cedex sur onelink.to/chateau Renseignements et réservations +33 (0)1 30 83 78 00 chateauversailles.fr Retrouvez-nous sur Boutique en ligne Tout l’univers du domaine de Versailles livré directement chez vous : souvenirs, livres, épicerie fine, décoration… boutique-chateauversailles.fr … et partez à la rencontre des Visites guidées Arbres admirables du domaine Réservation obligatoire de Versailles. par téléphone +33 (0)1 30 83 78 00, Utilisez la carte interactive en ligne chateauversailles.fr pour vous orienter dans l’ensemble ou sur place le jour même, au château du Domaine. de Versailles, aile des Ministres Nord Accédez aux informations (dans la limite des places disponibles). pratiques, horaires et conseils de visite. Pour profiter pleinement de votre visite, l’application propose de vous informer en temps réel. Cet ensemble monumental est inscrit sur la liste L’application intègre également du Patrimoine mondial de l’UNESCO. la visite des jardins, du château de Versailles, du domaine de Trianon Photographies © Agence Corbis Sygma / Pascal Le Segretain ; © Château de Versailles / Christophe Fouin, Thomas Garnier, et de la galerie des Carrosses. Didier Saulnier ; © Musée Marmottan / Giraudon / Lauros / * disponible sur iOS et Android, The Bridgeman Art Library ; © Muséum national d’Histoire naturelle en français, anglais et espagnol. (dist. RMN-Grand Palais / image du MNHN, bibliothèque centrale) ; © RMN-Grand Palais (château de Versailles) / Gérard Blot ; © Tadzio. Tous droits réservés Illustrations © Jean-François Péneau ; © Emmanuelle Tchoukriel Conception graphique Des Signes, Paris – février 2020 26
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