" ART ET TERRITOIRE " - Les actes - Tables rondes - Rouen.fr
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Tables rondes « ART ET TERRITOIRE » Animées par Emmanuel Gouache Jeudi 5 avril 2018, Rouen Les actes
SOMMAIRE PAGE PAGE Rouen et le réseau TABLE RONDE N°2 : européen CreArt « L’émergence et l’accompagnement de la jeune création : quels leviers ? » PAGE Discours d’ouverture PAGE TABLE RONDE N°3 : « Résidence d’artiste : outil de développement territorial ? » PAGE Le SODAVI, une démarche de concertation pour le développement des arts visuels en Normandie PAGE Contacts des structures citées dans les tables rondes PAGE TABLE RONDE N°1 : « Quels enjeux pour la mise en réseau PAGE des acteurs des arts visuels ? » Remerciements 2 // Tables rondes « ART ET TERRITOIRE » // 3
Rouen et le réseau européen CreArt En 2017, la Ville de Rouen a intégré réseaux, établissements d’enseigne- un réseau européen de coopération ment - cette journée a été l’occasion culturelle dans le champ de l’art de discuter, confronter et partager des contemporain, appelé le CreArt. enjeux et problématiques communs à l’échelle de l’Europe : Quelle place Constitué de 12 villes européennes (Val- pour les artistes dans leur territoire ? ladolid, Kaunas, Aveiro, Zagreb, Gênes, Comment accompagner la jeune créa- Lecce, Liverpool, Katowice et Lublin, tion plastique? En quoi les résidences Skopje et Clermont-Ferrand), ce réseau d’artistes peuvent-elles constituer un est, pour la Ville de Rouen, l’occasion levier de développement territorial ? de renforcer son soutien aux artistes Quelles réalités et quels enjeux pour plasticiens rouennais et de valoriser à les réseaux d’art contemporain ? une échelle européenne l’ensemble des professionnels de l’art contemporain du L’ensemble de ces réflexions vient dans territoire. le même temps trouver un écho régional avec la dynamique de concertation de Un programme riche et varié - expositions la filière arts visuels lancée tout récem- collectives ou en binôme, workshops, ment dans le cadre du Schéma d’orien- résidences, conférences, colloques, sé- tation pour le développement des arts minaires - est déployé dans chacune des visuels (SODAVI) en Normandie. ■ villes partenaires sur une période de 4 ans (2017 à 2021). La journée de tables rondes du 5 avril 2018, sur la thématique « Art et Territoire » a été organisée à Rouen dans ce cadre. Rassemblant un ensemble d’acteurs nor- mands et européens - institutions, lieux de production et de diffusion, artistes, Plus d’informations sur https : //www.rouen.fr/creart et sur https://creart2-eu.org/. 4 // Tables rondes « ART ET TERRITOIRE » // 5
DISCOURS D’OUVERTURE chacun. Nous voulons continuer à être une ville innovante et solidaire. En effet, pour nous, la commune, et a for- en initiant Rouen Impressionnée. Inscrire l’art contemporain dans l’espace public avec l’œuvre monumentale Camille a fait le tiori la ville-centre, institution de proximité pont entre les deux rives. L’œuvre a étonné, en lien direct et quotidien avec la société l’œuvre a choqué, l’œuvre a séduit. Elle a Christine ARGELES, civile et donc avec les artistes et les acteurs fait réagir les Rouennaises et les Rouennais Première adjointe en charge de la Culture, culturels, a pour mission de mettre place et au-delà. de la Jeunesse et de la Vie étudiante les conditions favorables à la création et à Ce choc puis la discussion qu’il a géné- à la Ville de Rouen. l’émergence sur son territoire dans une dé- rée renvoie à ce qu’apporte l’art dans la marche de soutien et d’accompagnement. ville : du questionnement, du dialogue, de Créer un cadre clément passe par le soutien l’émerveillement. Créer, c’est faire émerger Discours Christine Argelès à la formation initiale comme nous le faisons les conditions du changement. Le pont de avec l’École Supérieure d’Art et de Design Camille disait déjà la reconquête du fleuve ; Rouen-Le Havre. Cela passe aussi par le il mettait les Rouennaises et les Rouennais développement de dispositifs qui favorise face à cette question mais aussi face à celle l’émergence, notamment sous la forme de du lien entre rive droite et rive gauche. Rouen, Caen, Le Havre, Clermont-Ferrand, communément la ville-centre. Rouen est bourse comme la Bourse Impulsion et par En mettant le street-art à l’honneur lors de Lublin, Liverpool, Zagreb, Aveiro, Vallado- aussi une ville de patrimoine hors du com- le soutien aux lieux d’expositions associa- l’édition 2016 de Rouen Impressionnée, l’art lid : de l’ensemble de ces villes de Nor- mun. Elle est la « ville aux cent clochers » mandie, de France et d’Europe viennent dont parlait Victor Hugo avec sa cathédrale, tifs. Mais créer ce cadre nécessite aussi de urbain a envahi la ville, ses quartiers - le les intervenants de cette journée de table ses églises et ses nombreux monuments concevoir des espaces de synergies. Ces centre-ville, le quartier du port, les quar- ronde organisée dans le cadre du réseau historiques tant appréciés qui concourent à espaces naissent grâce au soutien apporté tiers des Hauts de Rouen -. Un dialogue CreArt pour échanger sur le soutien à la la renommée de notre capitale normande. par la Ville aux associations et aux réseaux est né entre les artistes et les habitants. création dans les domaines des arts vi- Rouen est également une ville fluviale avec d’acteurs comme le réseau RRouen dans Les fresques, œuvres pérennes ou non, ont suels. Cette journée illustre la dimension la Seine qui la borde et la traverse, voire la le domaine de l’art contemporain ou Mo- changé le rapport des habitants à leur en- régionale, nationale et européenne de sépare, une ville portuaire avec le Grand teur, le réseau des festivals de cinéma de vironnement en y inscrivant de la couleur, Rouen en matière artistique et culturelle. port maritime de Rouen, deuxième port eu- Rouen. Ils émergent également grâce au du commun et une nouvelle singularité. À l’heure où une réflexion est engagée sur ropéen en matière de transport de céréales. développement des résidences d’artistes, L’appropriation s’est faite petit à petit, par une éventuelle candidature pour faire de Rouen dispose enfin d’un important héritage comme nous l’avons fait avec la pérennisa- touches successives et le résultat dans la notre territoire la capitale européenne de industriel principalement sur la rive gauche tion du #LaboVictorHugo et les conventions ville a été saisissant. J’en suis intimement la culture, nous devons nous interroger de la Seine, qui la démarque de la rive éphémères de création qui permettent aux persuadée, soutenir la création artistique collectivement sur les priorités et atouts droite plus résidentielle. La proximité de la artistes professionnels et amateurs de trou- et culturelle renvoie à l’appropriation de la qui font et feront notre richesse culturelle. capitale, Paris, fait historiquement de notre ver les conditions propices à la création et ville, des espaces publics, d’un territoire. Et ville une base arrière artistique et culturelle aux partages. Probablement nous faut-il c’est en cela que le titre de cette journée, Favoriser la création et l’émergence est quasi naturelle de la culture française avec aller plus loin en soutenant un projet de Art et territoire, organisée dans le cadre notre ambition. Depuis plusieurs années, Corneille, Monet, Flaubert et plus près de tiers-lieux, élément indispensable aux nou- du réseau CreArt est éminemment actuel. définir et affirmer le rôle de la Ville en ma- nous, Marcel Duchamp dont nous célébrons velles pratiques culturelles, à la créativité et Il questionne la façon dont les collectivités tière de création artistique est au cœur de cette année les 50 ans de sa disparition. au développement de notre territoire ainsi et les institutions se mobilisent pour faire en nos réflexions. À l’occasion des Rencontres À l’issue des Rencontres de la culture, nous qu’à l’affirmation d’une culture moderne sorte qu’Aveiro, Clermont-Ferrand, Gênes, ancrée dans le XXIe siècle. Katowice, Kaunas, Lecce, Liverpool, Lublin, de la culture en 2016, que nous avons por- avons donc défini les axes stratégiques de Cette manière de voir, cet état d’esprit, la Skopje, Valladolid, Zagreb et Rouen soient tées en lien avec la métropole rouennaise et notre politique culturelle : d’une part une Ville l’a très tôt investi dans le domaine des des lieux bouillonnants, créatifs et inspi- auxquelles ont participé de nombreux élus, ville qui soigne la créativité de ses acteurs et arts visuels, dès 2010, sous l’impulsion de rants, des lieux de changements et de l’art acteurs culturels et artistes du territoire, de ses publics, qui favorise l’accompagne- Valérie FOURNEYRON alors Maire de Rouen, contemporain en mouvement. ■ nous avons re-questionné les grands axes ment et l’émergence de projets culturels, de notre politique artistique et culturelle qui accompagne les lieux structurants de actuelle. son territoire, d’autre part une ville qui favo- Rouen est une ville de 110 000 habitants au rise l’expression artistique de ses habitants, sein d’une métropole de 500 000 habitants. les parcours culturels des individus, œuvrant Elle en constitue le cœur ou comme l’on dit ainsi à l’émancipation et à la citoyenneté de 6 // Tables rondes « ART ET TERRITOIRE » // 7
INTRODUCTION Table ronde n°1 Le SODAVI, une démarche de « Quels enjeux concertation pour le développement des arts visuels en Normandie. pour la mise en Claire TANGY, membre du groupe de Le Schéma d’orientation pour le développe- ment des arts visuels (SODAVI) est une dé- marche de concertation des acteurs des arts juridiquement au réseau RN13bis qui réunis- sait déjà plus de 20 structures des deux an- ciennes régions normandes. Le groupe de réseau des acteurs des arts visuels ? » recherche visuels à l’échelle régionale. Alors directeur travail était composé pour moitié d’artistes sur le SODAVI adjoint de la direction générale de la créa- et pour le reste de représentants des mé- et directrice tion artistique au ministère de la Culture, tiers liés à la filière. Le SODAVI se déploie en de l’Artothèque Pierre OUDART a constaté que la politique 2 phases concomitantes. La première est un de Caen. publique des arts plastiques a peu évolué diagnostic profond et partagé de l’état des depuis sa mise en place dans les années lieux de la région en matière d’arts visuels 1980. Dans le cadre de la récente réforme : répartition des structures dans le territoire territoriale, il lui a semblé urgent de travailler normand, équité d’accès, nombre d’ateliers à une structuration de la filière des arts vi- d’artistes, population d’artistes, statuts de suels en développant une nouvelle politique ces derniers et moyens de subsistance, etc. qui ne serait pas fondée sur les œuvres La deuxième phase est la mise en œuvre Waldemar TATARCZUK, produites, mais sur l’intérêt porté à ceux qui de 3 chantiers thématiques : le parcours de artiste et directeur de la galerie les produisent. Se fondant sur l’exemple du l’artiste, le développement territorial de la Labirynt à Lublin ; spectacle vivant dont la filière profession- filière des arts visuels et son ancrage avec Paul SMITH, nelle est extrêmement structurée et s’inté- les autres secteurs culturels et d’activité et directeur général de la Biennale resse plus aux artistes qu’aux productions, il l’implication des publics dans la filière des de Liverpool et membre du ré- a souhaité créer un schéma équivalent pour arts visuels. seau Contemporary Visual Arts les arts visuels en proposant aux acteurs du Network (CVAN) Nord-Ouest ; secteur de travailler à la nouvelle politique Actuellement, le SODAVI est uniquement d’action publique en matière d’arts plas- financé par la DRAC, mais le groupe de tra- Marc HAMANDJIAN, tiques sur les territoires. Ces acteurs sont les vail appelle de ses vœux un financement artiste plasticien, enseignant à artistes, les commissaires, les critiques d’art, par la Région, notamment pour permettre l’ESADHaR et président les collectionneurs, le public des arts visuels la rémunération du futur salarié qui assurera du réseau RRouen ; et les amateurs d’art. la coordination logistique du SODAVI. Il est Sylvie FROUX, prévu un premier événement fédérateur directrice du FRAC Normandie La DRAC Normandie les a invités à travailler avant l’été auquel sont invités toutes les Caen et présidente du réseau à la mise en œuvre d’un SODAVI en 2016. personnes intéressées par le sujet et afin RN13bis. Le périmètre choisi est celui de la nouvelle de définir plus précisément les chantiers Région Normandie. Le SODAVI s’est adossé thématiques. ■ 8 // Tables rondes « ART ET TERRITOIRE » // 9
Table ronde n°1 Le réseau européen CreArt dans l’intérêt de leurs membres et ceux qui du réseau. Enfin, la survie du réseau passe publie un programme d’art contemporain rassemble 12 villes européennes agissent pour l’intérêt général supérieur. Le par la transformation des paroles en actions. qui est très apprécié du public. En 2017, le Contemporary Visual Arts Network (CVAN) réseau a réalisé une exposition commune qui échangent autour de la est à la fois un réseau représenté par un à Yvetot. Enfin, l’objectif de RN13bis est création artistique. Que permet contingent local basé à Liverpool, mais aussi Il existe autant de réseaux que évidemment de soutenir les artistes du ter- la rencontre d’acteurs européens un réseau régional qui couvre l’ensemble du de territoires. À quoi ressemble ritoire. Outre le désir de partager autour de au niveau de la création pays. Il est spécialisé dans les arts visuels à l’art et de susciter des rencontres, le réseau Liverpool afin de les faire reconnaître dans un réseau à l’échelle de la région combat une certaine solitude et développe artistique ? la ville, mais aussi sur la vie professionnelle Normandie, du nord-ouest des solidarités en permettant des partages des artistes, leur carrière, et sur le dévelop- de l’Angleterre ou de la zone d’expériences. La proposition du SODAVI Waldemar TATARCZUK pement du secteur. Un autre réseau est le est arrivée à point nommé pour relancer le Une galerie artistique n’est pas seulement frontalière entre Pologne et Liverpool Art Regeneration (LARC). En 20 réseau dans une réflexion sur le rapport aux un espace où exposer des œuvres d’art : ans d’existence, la Biennale de Liverpool a Ukraine, mais aussi à l’échelle artistes afin de faire la part belle à leur tra- elle relie les artistes avec d’autres insti- plus réduite d’une métropole généré 125 M£ (155 M€) de bénéfices éco- vail et de leur offrir des conditions de créa- tutions et acteurs de la sphère artistique. Depuis quelques années, Labirynt change nomiques pour la ville et attiré 5 millions ou d’une ville, comme pour le tion plus favorables, comme des résidences de visiteurs, devenant une véritable vitrine RRouen ? et ateliers d’artistes. RN13bis regroupe des de fonctionnement et organise des projets mondiale de ce que la ville peut produire. centres d’art contemporain, des FRAC, des invitant aux rencontres entre artistes, entre En Grande-Bretagne, 93 % des finance- musées, des lieux associatifs et des écoles étudiants des beaux-arts et entre artistes et Marc HAMANDJIAN ments publics sont contrôlés directement Le réseau RRouen rassemble 11 structures d’art. Certaines de ces structures ont reçu public. Du fait de sa proximité avec l’Ukraine, par Londres. Westminster a récemment des labels centre d’art ou des labels relais la galerie a d’abord initié des collaborations très diverses : petite association, Fonds modifié très légèrement ce pourcentage en régional d’art contemporain (FRAC), Centre culturel. RN13bis étant un réseau profession- avec les cercles d’artistes ukrainiens de changeant la provenance des fonds affectés nel, ses statuts prévoient que les membres Kiev, mais aussi de Lviv qui est la grande ville photographique, etc. Son objectif est de fé- aux autorités locales. Ainsi, les régions les doivent justifier d’une pratique régulière la plus proche de la frontière polonaise et dérer les actions, de les rendre cohérentes plus pauvres perdent certains financements, dans la présentation d’art contemporain, où la communauté artistique est très active. en interne et d’en assurer la visibilité à l’ex- mais Westminster a dissimulé cela en ar- dans le travail avec le public et dans la mé- térieur. Ainsi, la discussion menée entre les guant que les administrations locales béné- diation mise en place. ficiaient d’une autorité renforcée. Le LARC membres du réseau se tourne de plus en La prochaine Biennale de se mobilise pour que ce processus reste plus vers l’extérieur, notamment avec la Paul SMITH création d’une plateforme sur Internet et Liverpool, ville d’origine des favorable au secteur culturel. Par ailleurs, via des actions artistiques ponctuelles ou Pour le nord-ouest de l’Angleterre, la Bien- Beatles, de Frankie Goes to la Ville de Liverpool doit encore réduire son nale regroupe des artistes individuels et budget culturel de 50 %, ce qui représente récurrentes. des grandes organisations, à Liverpool ou Hollywood et d’Echo & The près de 1,1 M€ pour les 2 ans à venir. Cela en proximité. Au niveau international, elle Bunnymen, est prévue en juillet. suppose de réfléchir à la durabilité du fonc- Sylvie FROUX partage des intérêts communs avec d’autres Mais un sujet ne laisse pas tionnement financier et à la modification L’association RN13bis a été créée en 2011 biennales. Le gouvernement central a ré- des modèles commerciaux. De nombreux pour faire se rencontrer 22 structures des cemment proposé des crédits d’impôt aux d’inquiéter : le Brexit sera-t-il un deux anciennes régions normandes. Elle a réseaux artistiques internationaux réflé- théâtres, mais pas aux arts visuels : en ras- frein pour les réseaux anglais chissent à la façon de mieux travailler au ni- été fondée par un ensemble de structures semblant des représentants des arts visuels, en matière de culture et d’arts veau local, mais également, lors de périodes qui souhaitait imaginer un projet commun des théâtres ou de la production cinémato- visuels ? financièrement difficiles : en effet, comment pour renforcer l’art contemporain en Nor- graphique, la Biennale a réussi à obtenir du produire un art de meilleure qualité, en plus mandie et surtout sortir d’un isolement dû gouvernement un abondement de 20 % de Paul SMITH grande quantité, tout en soutenant les ar- à l’ancienne et dérisoire frontière entre la ses coûts de production. Les réseaux artistiques ont tendance à igno- tistes ? Trois éléments sont indispensables Haute et la Basse-Normandie. Son nom lui rer le Brexit, non pas parce qu’il n’est pas à la bonne gestion d’un réseau. En premier vient de la route nationale 13 qui traverse menaçant, mais parce qu’ils rencontrent des lieu, il faut définir un objectif visible et com- la Normandie ; quant au « bis », il souligne problèmes plus importants à l’échelle lo- préhensible à l’extérieur du réseau. Ensuite, l’idée de créer un itinéraire ludique sur le cale. Il faut distinguer les réseaux travaillant il faut viser sans cesse au-delà des limites territoire. Chaque semestre, l’association 10 // Tables rondes « ART ET TERRITOIRE » // 11
Table le projet INTERREG, en lien avec centre d’art théâtral au Royaume-Uni qui a abouti à l’in- la Capitale européenne de la culture, cepen- ronde Waldemar TATARCZUK Fabrica à Brighton, le Sainsbury Center for vestissement de 40 M£ supplémentaires dant certains quartiers de la ville comptent n°1 La Galeria Labirynt est une petite institu- Visual Arts à Norwich et la communauté du dans le théâtre afin de l’aider à se restruc- jusqu’à 60 % d’enfants grandissant dans des tion de 20 personnes. Elle concentre ses Musée de Calais. Les Français ont pu obser- turer. Cet exemple probant a suscité l’envie foyers où aucun parent ne travaille. L’objectif efforts sur son programme d’expositions et ver la difficulté des institutions anglaises qui, d’investir dans le secteur des arts visuels, de la Biennale était que chacun des 124 000 développe sa capacité à créer un réseau dans un système politique et financier très mais ce dernier ne s’est vu attribuer que écoliers de Liverpool bénéficie d’au moins au niveau de la ville et à l’international. La différent, doivent solliciter des fonds privés, 2 M£. Rapidement, il a semblé nécessaire une expérience culturelle dans l’année. La Pologne dispose d’une cinquantaine de mais qui disposent cependant d’une liberté d’établir un réseau national : il est constitué Biennale a aussi interpelé la municipalité galeries publiques d’art visuel – une dans plus grande dans le rapport à l’art, tandis de réseaux régionaux – dont le CVAN – qui en lui rappelant que réduire le budget de chaque capitale régionale – dont une ving- que les Anglais ont trouvé formidable que se réunissent chaque trimestre pour définir la culture revient à supprimer une méthode taine sont véritablement tournées vers l’art les structures françaises disposent de sou- la stratégie nationale et qui appliquent en- peu onéreuse pour améliorer la réputation contemporain et expérimental. En revanche, tiens plus importants et soient en mesure suite à leur échelle un ou plusieurs objectifs de la ville : chaque livre sterling d’argent l’Ukraine n’a pas d’institutions publiques : les de rémunérer les salariés et les artistes plus stratégiques. public investie dans le secteur culturel per- structures les plus importantes sont gérées régulièrement. met d’attirer 8 livres sterling extérieures, par les oligarques. Le pays offre des en- Sylvie FROUX soit via des sources privées, soit via d’autres droits complètement indépendants qui sont Paul SMITH Il existe une réalité similaire en France : les administrations, et génère également une des partenaires intéressants pour Labirynt. Il faut souvent beaucoup de créativité et secteurs, réseaux et organisations artis- dépense de 13 livres sterling par visiteur. La Les institutions sont importantes, mais dans d’effort pour impliquer les artistes dans les tiques sont constitués en associations. Par deuxième spécificité locale est que, en rai- le cadre d’un réseau, le plus important reste petites organisations. Les structures de taille exemple, les 23 FRAC sont regroupés dans son de la décentralisation, le gouvernement de rencontrer les personnes et les artistes, moyenne connaissent leur public, mais c’est l’association Platform qui porte des actions attribue certaines compétences aux Ré- même sans but précis : c’est dans ces temps plus difficile pour celles de taille réduite. Un sur la structuration des organisations, les gions. La Biennale a rédigé 30 objectifs sur libres vécus en commun que des idées des projets du CVAN a été de cartographier lois ou la professionnalisation des métiers. 30 ans et essaye d’influencer la Région sur nouvelles et des projets novateurs peuvent la zone pour identifier la provenance des vi- sa façon d’envisager la culture afin qu’elle Elle organise également des expositions naître. siteurs et analyser le public des arts visuels comprenne que la culture est partie pre- à l’étranger. Les artothèques ou les écoles dans la région. Par ailleurs, le CVAN a réussi nante du fonctionnement de la ville et doit d’art sont regroupées en associations qui Marc HAMANDJIAN à récolter des moyens pour aider les artistes mènent des actions spécifiques au niveau bénéficier des mêmes soutiens que le trans- En tant qu’artiste plasticien, présider le à libérer du temps pour participer au fonc- port ou l’éducation. Enfin, le problème de national, européen et international. réseau RRouen est important, car il est tionnement du réseau ou à des évènements gouvernance le plus inquiétant est le Brexit fondamental que le processus de décision éducatifs. Pour bénéficier d’une bourse, : le jour de sa signature, la Biennale a perdu inclue des artistes. Il n’est pas toujours aisé l’artiste doit rédiger un rapport sur ce qu’il a 12 k€ de valeur en raison de la modification d’alterner entre le rôle d’organisateur admi- découvert afin de partager son expérience. À l’échelle régionale, le réseau des taux de change défavorable à la livre nistrateur et celui de créateur, mais c’est de Il doit également s’impliquer dans la prise structure le territoire et peut sterling. Face à cette crise de gouvernance, plus en plus courant dans les réseaux artis- de décision et désigner le futur artiste ou mettre en avant les spécificités la Biennale fait son possible pour conserver tiques et essentiel pour la pertinence des groupe d’artistes qui recevra une bourse. les moyens de produire un art de qualité. décisions. de ce dernier. Quelles sont Pour ce faire, elle a créé un réseau couvrant Il faut savoir que le CVAN est rattaché à un réseau national. En 2004, Liverpool a été les spécificités régionales en le nord de l’Angleterre et qui organise des Sylvie FROUX désignée Capitale européenne de la culture matière d’arts visuels ? biennales et des triennales en Asie du Sud- Le SODAVI est pensé dans le même esprit : pour l’année 2008. Or, les organisateurs de Est. Cela lui permet de collecter des fonds il est important que le travail soit pensé avec cet évènement culturel ne connaissaient rien Paul SMITH dans des zones ou auprès de partenaires des artistes, notamment pour comprendre en la matière, étant plutôt spécialistes des Liverpool est contrainte de réduire d’environ auparavant inaccessibles, comme le British comment agir afin de faire émerger lesdits évènements sportifs. Le petit réseau qu’est 50 % son budget culturel, comme cela a déjà Council. La dernière spécificité régionale est artistes ou leur offrir de bonnes conditions LARC était résolu à ne pas voir échouer ce été le cas en 2009, au début de la crise fi- donc de s’adapter aux circonstances extra- pour commencer à produire. RN13bis portait grand projet de Capitale européenne de la nancière. Le réseau s’est alors emparé d’un régionales et de solliciter des aides en de- cette ambition dès sa création et le SODAVI Culture et à en faire une réussite pour l’art nouvel objectif, à savoir défendre la culture. hors du niveau local. lui donne l’opportunité d’agir en ce sens. visuel. À noter que pendant la période, 69 % C’est une première spécificité locale. Cela a Chaque réseau permet d’échanger, de dé- des Liverpuldiens ont fréquenté un musée commencé par la collecte d’informations sur couvrir l’autre et d’apprendre de fonctionne- ou une galerie, ce qui est très impression- le marché et les publics. Liverpool connaît ments différents. RN13bis a eu l’opportunité nant. À la fin des années 1990, le National une nouvelle croissance économique de- de travailler avec un réseau britannique sur Arts Council a demandé un audit du secteur puis peu, notamment grâce à son statut de 12 // Tables rondes « ART ET TERRITOIRE » // 13
Table ronde La pertinence des réseaux pas suffisamment leur vie pour être impo- Paul SMITH Freddy LOISELIER, européens, tel que CreArt sable. La situation est très certainement À Liverpool, il a longtemps été difficile de association La Seine n°1 identique en Grande-Bretagne : une étude faire venir les journalistes et critiques lon- est manifeste. Comment de 2015 a révélé que les artistes anglais gé- et le Mékong doniens, car les évènements s’échelon- Le SODAVI est financé par la DRAC : quel est les acteurs européens nèrent 60 % de leurs revenus à l’extérieur des naient sur l’année entière. En décidant de son budget ? Et comment est-il possible de irriguent-ils la réflexion sur galeries, avec du travail pédagogique dans regrouper les organisations et de proposer l’intégrer ? la façon d’appréhender l’art les écoles, les prisons, les hôpitaux. Ces ate- du contenu aux mêmes dates, le réseau contemporain et de le rendre liers ne sont pas représentatifs de leur activité a réussi à mobiliser les journalistes qui ne Sylvie FROUX et Claire TANGY principale qui est de créer de l’art. D’où la né- se déplacent qu’une fois et profitent d’une visible dans la société ? cessité de trouver des alliés et de se regrou- offre plus large. Dernier point, si la structure Le budget du SODAVI est de 11 k€ pour 2018, avec le soutien de la DRAC. Le SODAVI vient per en réseau. S’il est important de remettre est pensée de façon adéquate, avec un Sylvie FROUX objectif clair, le passage à l’action attire les d’être créé et ne peut que bénéficier d’une les artistes au premier plan, il faut également large participation, tant de la part d’artistes Le Brexit réduira peut-être les opportunités trouver les moyens de les aider à être plus ressources. que d’acteurs de la filière à tous les niveaux. de rencontre, mais il reste possible de créer de nouvelles circonstances d’échange, voire libres de mener leur activité principale. Les personnes ou structures intéressées un réseau pour continuer le travail commun, n’ont qu’à s’adresser au SODAVI. En outre, notamment depuis la Normandie qui est le ÉCHANGES il est important d’établir des porosités entre premier territoire français en lien direct avec Un des rôles des structures AVEC LA SALLE le secteur des arts visuels et ceux du tou- l’Angleterre. Le SODAVI est tout disposé à régionales est d’organiser des risme ou de l’économie afin que le premier réfléchir à son implication au niveau euro- évènements. À Liverpool, la participe de plein droit au développement péen. Il est vrai que les réseaux structurent Un intervenant territorial. Le prochain évènement sera fé- Biennale a fédéré les acteurs Un réseau se doit de porter constamment dérateur et rassemblera les acteurs des les territoires, mais ils doivent aussi structu- rer les filières. Il faut penser politiquement locaux et régionaux et dégagé des objectifs clairs. À Rouen, un salon d’art arts visuels. L’objectif du groupe de travail des fonds au profit des artistes contemporain existe depuis 2 ans, mais il est est de travailler concrètement à des projets, les effets de compagnonnage et de soutien encore fragile. Au lieu d’assurer la promo- comme la mise en place d’une plateforme à la filière d’art contemporain. Le SODAVI afin de structurer un cercle tion de tel salon ou de tel évènement, les veut comprendre comment fonctionne le numérique qui sera un lieu ressource où vertueux. RN13bis organise réseaux normands ne pourraient-ils pas se chacun pourra intervenir. Elle permettra aus- territoire et le mettre en valeur tout en dé- déjà des expositions, mais la fédérer et avoir pour objectif commun d’or- si de rendre effectif le diagnostic partagé fendant la liberté de programmation et la liberté de créer pour tous. Normandie a-t-elle besoin d’un ganiser la plus grande foire d’art contempo- sur les artistes du territoire afin de connaître évènement fédérateur ? rain de l’Ouest parisien ? Cela permettrait leur situation, leurs besoins en formation d’attirer des galeries et des réseaux euro- continue ou en termes d’exposition et de Marc HAMANDJIAN péens qui ont des contacts au niveau local, Il faut rappeler que l’art vivant contemporain Sylvie FROUX mobilité. Par ailleurs, il faut rappeler que la Le réseau existe déjà en Normandie et il lui mais souhaiteraient s’intégrer dans un élan Normandie n’est pas seulement proche du obtient de maigres subsides : les artistes plus large. ont presque tous un métier pour survivre appartient de définir les actions qu’il sou- Royaume-Uni, mais aussi de la Belgique et et consacrent donc moins de temps à leur haite mener pour l’intérêt commun, avec le du Grand Paris. La Normandie est une terre point de vue des artistes. Le SODAVI pour- Paul SMITH d’accueil des artistes : le SODAVI devra tenir art, voire de moins en moins à mesure que Il est important de se fixer des objectifs les années passent ou s’ils doivent prendre rait également lancer un évènement de plus compte de cela dans ses projets. Il pourrait raisonnables. Liverpool compte quelques être intéressant d’organiser une biennale en charge une famille. En outre, les artistes grande ampleur. galeries qui fonctionnent bien, mais dont ou une grande foire, mais les moyens du sont partout et notamment dans les cam- les œuvres ne dépassent pas 2 000 £. C’est Marc HAMANDJIAN SODAVI sont insuffisants pour le moment. pagnes où il leur est plus difficile de montrer à Londres, dans les grandes galeries d’art, RRouen organise RAOUT, un évènement an- Il faudrait pouvoir montrer ce qui existe et leur travail. Un travail est engagé en ce sens que s’achètent les œuvres plus onéreuses. articuler les offres, tout en étant attentif au et porte ses fruits, mais la problématique fi- nuel en octobre et espère lui faire prendre Ainsi, Liverpool ne bénéficierait pas vrai- parcours de l’artiste sur le territoire. nancière reste entière et ne s’améliore pas. de l’ampleur et attirer davantage de parte- ment d’une grande foire d’art contempo- naires. Par exemple, le directeur du musée rain, mais le CVAN s’est donné pour objectif Paul SMITH des beaux-arts de Rouen a ouvert les portes d’améliorer le marché afin que les artistes La situation est en effet difficile pour les ar- de son institution pour que RAOUT puisse locaux puissent vendre mieux à Liverpool, tistes de Liverpool. En Irlande, les artistes s’y tenir. Le SODAVI n’a qu’un an et a tout dans un réseau de galeries efficace. sont exonérés d’impôts, mais le constat est à inventer, mais une nouvelle fois, ce sont que près de 90 % des artistes ne gagnent les actes qui comptent, pas la pensée seule. 14 // Tables rondes « ART ET TERRITOIRE » // 15
Table ronde n°1 Tomislav BUNTAK En Croatie, de nombreux artistes souhaite- Waldemar TATARCZUK En tant que centre artistique et lieu de ren- Table raient intégrer des réseaux et des projets, mais peu sont disposés à construire ces ré- contre, Labirynt travaille avec les artistes qui souhaitent développer une coopération : ils ronde n°2 seaux, car ils ne sont pas des gestionnaires sont polonais, ukrainiens, anglais, etc. Un culturels. Comment régler cette difficulté ? sujet important est la sécurité sociale des Par ailleurs, à Liverpool, qui sont les per- artistes : contrairement aux pays de l’Ouest sonnes chargées de développer le réseau européen, la Pologne n’a pas de système culturel ? Dans les pays d’Europe centrale, il de protection pour les artistes ou les travail- « L’émergence existe une tradition d’interférence culturelle leurs indépendants. L’Ukraine raisonne dif- entre l’État et le financement : sans cela, les féremment : puisque l’argent n’est pas dis- scènes culturelles et les réseaux artistiques ponible, il n’y a pas de problème d’argent et disparaîtraient. L’organisation est différente les infrastructures s’organisent comme elles et l’accompagnement en Angleterre et ne cesse d’évoluer au gré le peuvent, de manière indépendante. ■ des changements de la politique écono- mique culturelle. Enfin, comment expliquer des partenaires commerciaux potentiels que de la jeune création : 1 £ investie permet de dégager 8 £ supplé- mentaires ? Marc HAMANDJIAN quels leviers ? » RRouen n’a pas besoin d’attirer les artistes : ils sont naturellement en demande de re- joindre le réseau. La Ville de Rouen organise de nombreux évènements et de nombreux artistes et collectifs underground savent se faire remarquer. À noter que les artistes se fédèrent souvent en petits réseaux et s’in- tègrent ensuite à des ensembles plus vastes quand ils y trouvent un intérêt. Tomislav BUNTAK, vice-doyen de l’Académie des Beaux-Arts de Zagreb et vice-président de l’Association des artistes plasticiens croates (HDLU) ; Svetlana SVETLOVA, chargée des arts plastiques pour la Région Normandie ; Thierry HEYNEN, directeur général de l’École Supérieure d’Art et de Design Le Havre - Rouen (ESADHaR) ; David GUIFFARD, conseiller pour les arts plas- tiques à la DRAC Normandie. 16 // Tables rondes « ART ET TERRITOIRE » // 17
Qu’en est-il de l’accompagnement du DEUG (Bac+2) par l’Éducation Nationale. Il annuels en Europe. La scène artistique de des jeunes artistes en Normandie ? est désormais reconnu au grade de Master 2. Zagreb accueille une vingtaine d’exposi- En 1987, pendant sa 4e année de formation, tions de jeunes artistes chaque année aux- Comment soutenir la jeune Thierry HEYNEN s’est inscrit en double cursus quelles sont conviées journalistes, direc- Svetlana SVETLOVA création, repérer les jeunes La Région offre son soutien aux écoles d’art à la faculté d’arts plastiques de Paris I afin teurs d’institution artistique, conservateurs, artistes en devenir et (l’ESADHaR et l’ESAM), aux FRAC et aux d’obtenir un diplôme reconnu. Il s’interrogeait etc. En outre, l’académie aide les étudiants sur son avenir et les expériences de ses pro- à développer des compétences particulières comprendre leur démarche ? centres d’art. La formation et la promotion fesseurs étaient peu rassurantes : nombreux pour répondre aux besoins de la nouvelle in- Comment leur permettre de la jeune création sont très importantes étaient ceux qui disaient devoir leur carrière dustrie culturelle. Actuellement, seuls 10 % et la Région propose 4 dispositifs pour des- d’obtenir la reconnaissance siner un parcours artistique. Le premier est artistique aux rencontres et au hasard. Il a alors des anciens étudiants vivent de leur art, les de la profession et du public ? décidé de fonder une association d’artistes : autres restent connectés à la production une aide à la création qui libère l’artiste de le groupe donne du courage pour solliciter culturelle, mais via des métiers nouveaux. Comment les accompagner la nécessité de travailler pour se consacrer à son art. S’il le souhaite, il peut diffuser ou des aides, contacter des lieux d’exposition pour les aider à trouver une voie ou présenter son travail. Au cours de sa Thierry HEYNEN professionnelle ? exposer son œuvre, mais ce n’est pas une 5e année, un professeur lui a suggéré de L’ESADHaR travaille en deux temps : prépa- obligation : il s’agit surtout de garantir la postuler à une résidence d’artiste en Égypte, rer les étudiants à la vie professionnelle, puis liberté de création de l’artiste, car s’il y a Tomislav BUNTAK | Témoignage contrainte, l’art n’est plus libre. Il existe aussi le Centre d’art El Shona. Il a été retenu et au accompagner les diplômés. La professionna- Quand une personne commence son édu- terme de la résidence, il a exposé dans la lisation des élèves repose sur des dispositifs une aide à l’édition du travail artistique, sous obligatoires, comme les stages en premier et cation artistique, elle réfléchit rarement à la galerie du directeur du centre, à Héliopolis. forme de catalogue, de graphie, de livre deuxième cycle, les voyages pédagogiques suite de son parcours et, si elle le fait, elle d’artiste, etc. La Région propose aussi une Mais il n’avait pas prévu la facture finale de est assez peu optimiste quant à son avenir. cette expérience : pour s’en acquitter, il a organisés par l’école ou les programmes aide à la résidence d’artiste pour aider les Erasmus. L’école travaille avec des structures Tomislav BUNTAK souhaitait enseigner dans structures à prendre en charge un créateur. proposé que le centre noue une convention le secteur artistique. Au cours des 20 der- avec l’École des Beaux-Arts afin de faire venir européennes et internationales en Corée et Enfin, il y a l’aide à l’exposition des artistes. au Brésil. nières années de sa carrière, il n’a jamais été Ces 4 dispositifs ont pour objectif d’aider d’autres étudiants. un artiste libre, mais un artiste sur son temps Par ailleurs, les étudiants ont besoin d’en- l’artiste à comprendre pourquoi et comment tendre des témoignages. Par exemple, le libre, en dehors de ses autres métiers. Après il s’intègre dans le territoire par son travail. avoir été professeur, il a assuré la direction Comment accompagner les futurs programme de conférences accueille des Les artistes plasticiens ou en arts visuels jus- professionnels, des artistes, des responsables artistique d’un centre culturel de Zagreb pen- tifient souvent d’un niveau Bac+5 ou Bac+6, artistes et comment les aiguiller ? de lieux culturels présentent dans le cadre dant 11 ans. La ville compte 16 structures de alors que leur niveau de vie se situe sous Les jeunes artistes doivent de séminaires, ce qui se fait au niveau de la ce type : elles sont très ouvertes aux jeunes le SMIC. La cartographie de la vie artistique artistes et leur permettent d’enseigner l’art répondre aux problématiques recherche, les anciens étudiants participent de la nouvelle Région permettra aux futurs aux groupes de recherche du laboratoire, ce au travers d’ateliers tout public. Les centres artistes de connaître leurs droits. locales, apprendre à démarcher qui leur permet également de développer culturels disposent, en outre, de galeries où ou remplir des demandes de des réseaux. En outre, l’école dispose d’un les jeunes créateurs peuvent exposer. La subvention. En bref, quelle est la espace d’exposition au sein duquel les étu- Croatie souffre encore de la crise de 2011 Avant d’en devenir le directeur, mission des écoles d’art en 2018 ? diants rencontrent les artistes au cours de et de nombreux artistes partent travailler Thierry HEYNEN a étudié à l’accrochage et du décrochage des œuvres. ailleurs en Europe. Mais la situation s’amé- l’ESADHaR, anciennement École Tomislav BUNTAK Enfin, les élèves sont invités à sortir de liore progressivement et les jeunes créateurs Les étudiants ont généralement une vision l’école dans le cadre du cycle de conférences tentent de travailler dans les technologies des Beaux-Arts, et a connu des romantique de leur avenir artistique, mais Écoute l’artiste proposé par RRouen dans de l’information ou de l’animation/illustration débuts mouvementés en raison la réalité les rattrape avec leur diplôme. l’auditorium du musée des beaux-arts. numérique. L’Académie des Beaux-Arts pro- de l’absence d’accompagnement. L’académie des Beaux-Arts porte divers L’ESADHaR a développé un dispositif de pose des formations en ce sens, mais elle dispositifs pour les aider à préparer leur speed dating : les étudiants de 5e année dis- offre toujours des formations aux métiers tra- Thierry HEYNEN | Témoignage vie après les études, dont 48 programmes posent de 3 minutes pour échanger avec Table ditionnels, tels que la restauration, la conser- Dans les années 1980, le DNSEP obtenu Erasmus noués avec des académies ar- des responsables de structure et présenter ronde vation ou l’enseignement de l’art. après 5 ans d’études était valorisé au niveau tistiques européennes et 15 programmes un petit book. C’est une façon d’apprendre n°2 18 // Tables rondes « ART ET TERRITOIRE » // 19
arts visuels ? Existe-t-il un parallèle de donner de la visibilité aux partenariats avec évoluer grâce au travail collectif du ministère avec le processus d’émergence les mécènes ou les galeries. Du point de vue de la Culture. La France, et l’Europe dans une du service public, le carnet d’adresses doit être certaine mesure, est fortement marquée par au futur diplômé à exposer son travail. En des artistes dans les musiques ouvert à tous, ce qui n’est évidemment pas un héritage patrimonial qui pèse sur la créa- outre, les campus de Rouen et du Havre ont actuelles ? ouvert des salles de contextualisation : ces l’avis du marché de l’art. En effet, s’il n’appar- tion et de la liberté artistique : dans les sys- galeries privées ne sont pas ouvertes au pu- tient pas au service public de commercialiser tèmes d’ancien régime, l’artiste qui émergeait David GUIFFARD les créations, il est important que les artistes était celui qui répondait à des commandes. blic, mais permettent aux étudiants de 3e, 4e Les musiciens ont une certaine tendance à et 5e année d’accrocher leurs œuvres, d’en puissent vendre leurs œuvres pour en vivre et Le système démocratique et républicain doit travailler, s’exercer et produire en groupe. ne pas avoir à travailler à côté pour subsister. convertir ce schéma de pensée pour que l’ar- discuter avec les professeurs et d’apprendre Pour les plasticiens, le travail est générale- à mettre leur travail en espace. C’est une tiste dispose dans la société d’une fonction in- ment plus individuel, voire plus solitaire. Ain- Tomislav BUNTAK dépendante de toute commande. Il faut que la démarche professionnalisante qui prépare si, le terrain professionnel qui s’est déployé les futurs diplômés aux problématiques d’ex- En Croatie, l’association HDLU, créée de- relation avec le public nourrisse l’émergence pour recueillir les talents émergents passe puis presque 150 ans, compte plus de 1 800 des artistes et que les systèmes publics et pri- position. L’école intègre aussi des projets par- naturellement par l’enseignement supérieur ticipatifs, comme la grande exposition autour membres et rassemble des artistes visuels de vés se rencontrent davantage pour favoriser la et les écoles d’art qui mènent un travail im- de l’affiche et du poster organisée par le FRAC tout âge et travaillant sur toutes les formes. Il production et les carrières des artistes. portant en direction des pratiques amateurs, Normandie Rouen. Au Havre, l’école est co- est important que les diplômés de l’Académie via des ateliers grands publics. Comme les fondatrice d’Une Saison Graphique en mai et SMAC pour le milieu musical, les centres d’art en deviennent membre. L’association encou- Thierry HEYNEN juin. Un partenariat insolite fonctionne très bien rage l’expression visuelle contemporaine, L’association croate HDLU mélange judicieuse- créés dans les années 1980 relèvent d’un avec le SMEDAR, syndicat chargé de la gestion améliore la liberté de création, organise des ment le modèle de la Maison des artistes qui label porté par le ministère de la Culture, des déchets de l’agglomération rouennaise : mais les structures plus spontanées, créées expositions, conférences et ateliers, et prépare gère les droits sociaux et celui d’un centre d’art les étudiants ont travaillé sur le site du syndi- à l’initiative de collectivités ou de collectifs des lois régissant la production d’art visuel et qui accompagne les jeunes artistes. S’agissant cat avec des matériaux de récupération. Dans d’artistes, participent à la programmation ar- les droits sociaux des artistes. Quand les jeunes de l’accompagnement des diplômés, l’ES- le centre hospitalier psychiatrique du Rouvray, tistique dans les territoires et sont finalement artistes commencent leur carrière, ils doivent se ADHaR s’appuie sur des partenaires, comme l’école intervient dans un pavillon qui lui est ré- des lieux de repérage, d’émergence et d’ac- préoccuper de 3 points essentiels : obtenir des le musée de Louviers qui met en place 3 rési- servé, dans le cadre d’un atelier hebdomadaire compagnement de jeunes artistes. Il ne s’agit contrats artistiques avec des avantages fiscaux, dences d’artistes par an avec la Villa Caldérón, qui permet aux étudiants de sortir du cocon de pas uniquement de presser un disque, mais cotiser à la retraite et aux droits sociaux et par- ouvertes à 3 nouveaux diplômés de l’ESADHaR l’école. de faire connaître et de faire voyager des ar- ticiper à des évènements culturels et artistiques ou de l’ESAM qui bénéficient d’un logement, tistes et des œuvres, voire de faire entrer ces internationaux. En raison de sa notoriété et de d’un atelier, d’une rémunération et d’un bud- dernières dans des collections. son ancienneté, l’association ouvre le champ get de production pendant 4 mois. À la fin de international aux jeunes artistes. la résidence, leur création est exposée au mu- Tous les jeunes artistes ne passent sée de Louviers et fait l’objet d’un catalogue. pas par des écoles. Pour les Svetlana SVETLOVA Quelle que soit la discipline, il est question d’un David GUIFFARD D’autres dispositifs existent pour les jeunes musiques actuelles, des lieux de travail artistique, mais chacune a ses spécifici- En France, la relation entre la formation artis- artistes diplômés depuis plus longtemps, répétition peuvent se transformer tés. Le travail du plasticien est effectivement tique et l’émergence de jeunes artistes d’une notamment avec la Galerie Duchamp ou les en lieu de soutien technique, plus individualisé que celui d’un musicien. part et la production destinée à un marché Iconoclasses qui proposent des résidences en voire en lieu de résidence ou Cela explique que le secteur soit le dernier à d’autre part reste à écrire. Le ministère de la établissements scolaires depuis plus de 15 ans. se structurer en réseau, car il a mis du temps Culture s’interroge régulièrement sur le lien En outre, de nombreux diplômés perçoivent la de rencontre. Pour les arts à prendre conscience qu’il existera mieux entre les pouvoirs publics et le marché de bourse Impulsion de la Ville de Rouen. Enfin, visuels, il est plutôt question de s’il dispose d’une voix forte. Des collectifs se l’art, et ce dans une perspective d’accompa- l’école reste attentive aux projets des jeunes compagnonnage ou de bureaux créent depuis toujours en fonction des intérêts gnement durable les artistes. En outre, il est diplômés, artistiques ou structurels, comme la ressources fournissant des communs des artistes, mais il leur est difficile évident que le mécénat intervient encore trop création d’espaces d’exposition alternatifs. Par conseils pour le démarrage d’une de se faire entendre auprès du grand public. peu dans le montage de projets artistiques exemple, le Full B1 est un lieu d’exposition et activité artistique. Comment L’émergence des plasticiens doit être por- au niveau régional. C’est probablement la un atelier permettant le travail de studio au- Table produire un terreau favorisant tée par le service public et par les centres et conséquence d’une conception franco-fran- dio et vidéo, et la galerie Trampoline installée ronde l’émergence des artistes dans les écoles d’art, mais cela suppose de fluidifier les rapports entre les maillons de cette chaîne et çaise de l’artiste et de sa place dans l’espace public et la société, deux notions qui doivent dans un magasin inoccupé depuis des années présente de l’art contemporain tout en s’inté- n°2 20 // Tables rondes « ART ET TERRITOIRE » // 21
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