Avant-propos - Université Laval

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Avant-propos

Ce mémoire est constitué d'un chapitre rédigé en anglais et destiné à être soumis pour
publication dans un journal scientifique ainsi que d'une introduction et une conclusion
générales écrites en français. Les Dr. Steeve Côté et Mike Hammill ont participé à la
réalisation de l'étude de même qu'à la rédaction et la révision des textes de ce mémoire.

Ce mémoire de maîtrise est le résultat de plusieurs mois de lectures, de temps passé devant un
ordinateur devenu trop vieux un peu trop rapidement, d'analyses statistiques et de réflexion
par lesquels j'ai tenté de parfaire ma formation de biologiste. Mon cheminement durant les
dernières années, et donc ce mémoire, auraient certes été très différents sans l'influence de
plusieurs personnes qui, de près ou d'une manière un peu plus indirecte, ont teinté mon travail
et ma pensée, et ont certainement contribué à faire de moi une scientifique et une personne
peut-être un peu meilleure que je ne l'étais avant d'entamer ce projet. Avant de vous laisser
lire les pages qui suivent, laissez-moi leur adresser les mercis éternels qui leur reviennent.

À Mike... Merci pour m'avoir fait confiance et permis de jouer avec tes données. J'ai appris
énormément de tes connaissances sur le monde marin, sur les écosystèmes nordiques mais
aussi des histoires de vie et des conseils que tu m'as généreusement partagés. Merci aussi pour
ton temps et ta patience. Et comment te remercier pour le calme avec lequel tu regardais mes
gaffes, les hélices un peu brisées que je te ramenais et celui aussi avec lequel tu m'as sorti de
l'eau lorsque j'en avais jusqu'au cou?

À Steeve... Pour ta disponibilité et tes réflexions. Pour le pouvoir magique que tu possèdes,
sans doute, avec lequel tu réussis toujours à calmer mes angoisses et mes doutes de fin de
journée. J'ai appris, je crois, beaucoup plus que ce qu'est la science en ayant la chance d'être
dans ton labo. Un merci grand comme le ciel de m'y avoir accueillie (et de m'y avoir hébergée
aussi longtemps!) alors que, à l'époque, une biquette et une armée de Bambi s'y affairaient. En
111

espérant que les phoques, les gris du moins, n'aient pas trop perturbé l'équilibre qui régnait
dans ton royaume composé, à cette époque, exclusivement d'herbivores.

Aux personnes que j ' y ai rencontrées, celles qui y sont encore présentes, celles qui en sont un
peu plus éloignées qu'à mon arrivée... Sandra, Ariane, Jean-Pierre, Joëlle, Anouk, Sonia,
Antoine, Marie-Lou, Vanessa, Marie-Andrée, Etienne, Julien, Jeff, Robert, Martin, Léon,
William, Serge, Nathalie... Quel plaisir c'était de se retrouver parmi vous tous les jours,
d'écouter le récit de vos vies, de vos projets, de vos analyses. De sentir votre réconfort et de
pouvoir recourir sans retenue à votre travail d'équipe devant des analyses, des réflexions et
des bouts de phrases parfois un peu difficiles. Il y a des pensées pour lesquelles on a
malheureusement oublié d'inventer des mots exacts. Alors je vous dis : merci d'être vous, tout
simplement. Les analyses statistiques que j'ai effectuées auraient certes été beaucoup plus
obscures sans l'aide de Christian Dussault et Hélène Crépeau. Je suis reconnaissante du temps
que vous m'avez accordé, des réponses que vous m'avez allouées et des doutes et des
questionnements que vous avez suscités.

À la division des Mammifères Marins de l'Institut Maurice-Lamontagne et à tous ceux qui
gravitent autour d'elle... Quelle chance j'ai eu d'avoir pu vous côtoyer! Les moments passés
auprès de vous étaient pour moi des plus formateurs. Merci spécialement à Jean-François
Gosselin pour ta disponibilité, ta bonne humeur et pour ton aide parfois grande comme des
après-midi. À Hélène Dussault et Catherine Bajzak pour avoir vécue une vie de phoque en
même temps que moi et donc avoir partagé les moments heureux et les doutes que ça
implique. À Gilles Fortin, pour la bienvenue avec laquelle tu accueillais mes questions et la
générosité avec laquelle tu me livrais sans retenue tes plus grands secrets d'ArcView. Et
comment oublier ou passer sous silence les efforts de tous ceux qui ont déployé leur force lors
du travail de terrain et sans lesquelles la capture de phoques, et donc la réalisation de cette
étude, aurait été bien difficile. Un merci (gros comme un phoque! ce qui, vous le savez, peut
être vraiment gros...) à Samuel Turgeon, Pierre Carter, Jean-François Gosselin, Sébastien
Champagne, Gary Stenson, Yannis Souamis car sans vous, mes bras de fille trop peu forts, n'y
seraient jamais arrivés.
IV

Et il me vient en mémoire aussi une isle pas très loin vers laquelle s'évader quand les idées
devenaient trop confuses et où retrouver le répit nécessaire avant le début d'une nouvelle
semaine est toujours à mes yeux, le plus apaisant des réconforts. À cette famille aimante qui
m'y attends toujours impatiemment... Comment vous exprimer la reconnaissance de votre
soutien intarissable durant toutes les heures qui m'ont mené jusqu'ici?

Et aux autres... Ceux qui de près ou d'un peu plus loin, accompagnent mon monde mais qui
occupent une place infinie dans mon coeur. Pour vos sourires, vos attentions, votre présence.
Les bouts de vie qu'on effleure. Les moments qu'on partage. Ceux que vous m'avez offerts
quand mon quotidien devenait trop lourd, mes nuits trop courtes et que les matins revenaient
trop tôt... Je garderai de vous tous et de ces années un sourire douillet où retourner lorsque le
temps sera trop gris et que mes nuits seront trop longues...
Résumé

L'objectif de cette étude était d'accroître la compréhension de la répartition et des patrons
d'utilisation de l'espace des phoques gris (Halichoerus grypus) de l'Atlantique Nord-Ouest.
En utilisant des animaux munis d'émetteurs satellites, nous avons quantifié la taille des
domaines vitaux, testé l'influence de la profondeur de l'eau sur l'utilisation de l'habitat des
phoques et déterminé la fréquence des plongées en fonction de leur profondeur maximale.
Nous avons démontré que le phoque gris est une espèce côtière. Il utilise préférentiellement
les habitats de moins de 50 m de profondeur et plonge généralement à moins de 40 mètres de
profondeur. La taille des domaines vitaux et l'utilisation des habitats profonds augmentent en
hiver. La préférence pour les habitats peu profonds est aussi plus grande pour les femelles que
pour les mâles, de même que pour les adultes que les juvéniles.
VI

Abstract

The main objective of this study was to improve our understanding of the repartition and space
use patterns of Northwest Atlantic grey seals (Halichoerus grypus). We quantified seasonal
home range size, tested the influence of water depth on seals' distribution and space use, and
determined the frequency of dives they performed according to their maximum depth. We
demonstrated that the grey seal is a coastal species. It used preferentially habitats less than 50
m deep and concentrated its diving activity within the first 40 m depth. Home range size and
the use of deep areas increased in winter. Préférence for shallow habitats was higher for
females than maies and for adults than juvéniles.
Vil

Table des matières
Avant-propos                                                                   ii

Résumé                                                                         v

Abstract                                                                      vi

Table des matières                                                            vii

Liste des tableaux                                                            ix

Liste des figures                                                              x

Introduction générale                                                          1

  L'utilisation et la sélection d'habitat                                      1
  L'étude de la sélection d'habitat dans les écosystèmes marins                5
  Les mammifères marins                                                        6
  Contexte et Problématique                                                    7
     Écologie des phoques gris                                                 7
       Distribution saisonnière de la population de l'Atlantique Nord-Ouest    7
       Variabilité du comportement du phoque gris entre les sexes             10
       Variabilité comportementale liée à la maturité sexuelle                10
     Problématique et objectifs de l'étude                                    11
  Méthodologie                                                                12
     Estimation de la taille des domaines vitaux                              13
     Sélection de l'habitat en fonction de la bathymétrie                     14
     Utilisation verticale de l'habitat                                       15

Chapitre l.Space use by grey seals in Atlantic Canada                         16

  Résumé                                                                      17
  Abstract                                                                    18
  Introduction                                                                19
  Methods                                                                     22
     Study area and habitat description                                       22
     Animal handling and data recording                                       22
Vlll

    Seasonal home range size                                                                    25
    Habitat sélection                                                                            28
    Dive analyses                                                                                30
  Results                                                                                        30
    Seasonal home range size                                                                     31
    Habitat sélection                                                                               35
    Diving behaviour                                                                                38
  Discussion                                                                                        39
  Acknowledgments                                                                                   47

Conclusion générale                                                                                 48

  Patron général de répartition                                                                     48
    Effet de la saison                                                                       .....49
  Utilisation de l'habitat : taille des domaines vitaux et sélection verticale et horizontale des
  habitats de différentes profondeurs                                                               50
    Effet de la saison                                                                              51
    Effet de l'âge                                                                                  52
    Effet du sexe                                                                                   53
  Limites de l'étude et perspectives de recherche                                                   54

Bibliographie générale                                                                              57
IX

Liste des tableaux

Table 1. Characteristics of grey seals captured between 1993 and 2004 in the Gulf and the
    lower estuary of the St. Lawrence and fitted with satellite linked transmitters. Capture
    locations can be found in figure 1                                                       23

Table 2. Summary of grey seal captures in the Gulf and the lower estuary of the St. Lawrence
    between 1993 and 2004. Characteristics of satellite relay data-loggers used in each year
    areshown                                                                                 26

Table 3. Linear mixed effect models on seasonal home range size of grey seals of the Atlantic
    Northwest (a) and Hotelling's tests (Manova), controlling for year (see text), on habitat
    sélection at the home range level (b), within the home range (c) and on the percentage of
    dives made in each water depth class (d)                                                 34

Table 4. Mean (± se) Manly's standardized ratios for Northwest Atlantic grey seals. A ratio is
    presented for each water depth class for ail significant effects detected by Manovas at the
    home range scale (a) and within the home range (b). Différent letters indicate significant
    différences (p) and (=) symbols, which respectively indicate significant
    préférence or the absence of préférence. (*) indicate significant multiple comparisons
    (p
X

Liste des figures

Figure 1. Aire d'étude et bathymétrie du Golfe et de l'estuaire maritime du Saint-Laurent et du
    plateau néo-écossais                                                                     14

Figure 2. Paths of two grey seals fitted with satellite transmitters in June and followed until
     March in the Gulf of St. Lawrence in a) 1995 and b) 2004                            .....32

Figure 3. Summer (a) and winter (b) home ranges (95% fixed kernels) of three grey seals fitted
     with satellite devices between 1993 and 2005 in the Northwest Atlantic                 33

Figure 4. Seasonal variation in the mean (± se) proportion of dives according to their
     maximum depth for Northwest Atlantic grey seals. Variations according to a) sex and b)
     âge class of individuals are shown                                                     40

Figure 5. Locations of adult Northwest Atlantic grey seals tracked between 1993 and 2005
     with satellite telemetry devices during February and March One location per day per
     individualis shown                                                                      44
Introduction générale

L'utilisation et la sélection d'habitat

La répartition des organismes dans l'espace a une influence prépondérante sur la dynamique
des écosystèmes qu'ils habitent. La connaissance des patrons de distribution des individus et
des facteurs qui influencent ces patrons est donc nécessaire à la compréhension du
fonctionnement des écosystèmes. La relation entre les individus et comment ils utilisent leur
environnement est toutefois souvent méconnue, empêchant une gestion éclairée et adéquate
des écosystèmes. Devant l'exploitation humaine sans cesse grandissante, la dégradation de
plusieurs habitats et la précarité de plusieurs populations animales et végétales, les études
visant à déterminer la manière dont les individus utilisent leur habitat ont retenu
considérablement l'attention aux cours des dernières décennies (Fretwell et Lucas 1970; White
et Garrot 1990; Alldredge et Ratti 1992).

Un habitat se caractérise par un ensemble de variables abiotiques et biotiques permettant la
survie et la reproduction d'un individu d'une espèce donnée (Hall et al. 1997; Garshelis 2000).
Parmi la mosaïque d'habitats présents à l'échelle du paysage, les individus tentent de
privilégier l'utilisation de ceux dont les caractéristiques leur permettent de maximiser leur
aptitude phénotypique, amenant ainsi une utilisation disproportionnée des habitats préférés
comparativement à leur disponibilité (Rettie et Messier 2000; Manly et al. 2002). À cet effet,
l'utilisation de l'habitat reflète la manière dont les individus utilisent les ressources présentes
dans les habitats alors que la sélection d'habitat reflète le choix d'utiliser ou non les ressources
disponibles (Hall et al. 1997). Cette utilisation sélective des ressources permettrait à l'animal
de maximiser l'acquisition d'énergie tout en minimisant l'exposition aux facteurs limitants et
donc, par exemple, les dépenses énergétiques liées aux déplacements, au risque de prédation et
aux stress thermiques (Rettie et Messier 2000; Dussault et al. 2005). L'utilisation de l'espace
est donc intimement liée aux coûts et aux bénéfices associés à l'exploitation des ressources
d'un habitat donné et résulte d'un processus de sélection au cours duquel les individus
privilégient l'utilisation des habitats offrant le meilleur compromis entre la survie et
l'utilisation des ressources en vue de la reproduction (Rettie et Messier 2000).

Il a été démontré que les choix faits par les individus d'utiliser ou non les habitats disponibles
influencent leurs déplacements à différents niveaux spatiaux et temporels (Johnson 1980;
Orians et Wittenberger 1991; Schaefer et Messier 1995). Dans un premier temps, la sélection
d'habitat correspond à l'aire de répartition d'une espèce ou d'une population donnée. Un
deuxième niveau de sélection se traduit par le choix d'un site à l'échelle du paysage où
l'individu établit son domaine vital (Johnson 1980). Le domaine vital est l'espace occupé par
un animal au cours d'une période de temps déterminée, par exemple une saison, et où il
accomplit ses activités journalières (Burt 1943; Millspaugh et Marzluff 2001). Celui-ci doit
donc être suffisamment grand pour permettre à l'individu d'accéder à l'ensemble des
ressources dont il a besoin mais assez petit pour minimiser les coûts sous-jacents à
l'acquisition de ces ressources (Millspaugh et Marzluff 2001). Là taille et l'emplacement du
domaine vital sont donc les résultants de la relation entre un individu et son environnement
(McLoughlin et Ferguson 2000). L'hétérogénéité spatiale de la distribution des ressources
amène par la suite l'individu à utiliser les parties de son domaine vital selon différentes
intensités pour ses activités (Johnson 1980). Les habitats de protection, par exemple, diffèrent
généralement des endroits utilisés pour l'approvisionnement. Ceci est notamment observé
chez plusieurs espèces de pinnipèdes qui reviennent constamment se reposer sur des surfaces
solides entre les sorties en mer (Renouf 1991; LeBoeuf et al. 2000) et chez les ongulés dont les
chevreuils {Capreolus capreolus) qui privilégient les habitats de couvert pour se reposer aux
habitats plus ouverts dans lesquels ils s'alimentent (Mysterud et 0stbye 1995). Un dernier
niveau de sélection d'habitat s'exprime par le choix des ressources alimentaires d'un individu
(Johnson 1980).

Les buts poursuivis par les individus peuvent différer entre ces différents niveaux d'analyse
notamment parce que la distribution des ressources, les coûts liés à l'obtention de ces
ressources, de même que le risque de prédation peuvent varier entre les différentes échelles
(Boyce et al. 2003; Dussault et al. 2005). Les décisions prises par les individus à chacune de
ces échelles d'analyse reflètent généralement la hiérarchie des facteurs qui limitent l'aptitude
phénotypique des individus (Rettie et Messier 2000). Les variables affectant le plus le succès
reproducteur telles que, par exemple, le risque de prédation sont possiblement sélectionnées au
niveau supérieur, soit à l'échelle du paysage. Par contre, les patrons de sélection permettant
d'éviter les facteurs moins influents sur le succès reproducteur apparaissent possiblement aux
niveaux de sélection plus fins, soit à l'intérieur des domaines vitaux (Rettie et Messier 2000;
Dussault et al. 2005). Il est donc particulièrement important de prendre en compte l'échelle
spatiale afin de bien comprendre les relations entre les organismes et leur environnement
(Johnson 1980).

L'abondance des ressources et les besoins individuels peuvent aussi influencer les choix et
donc la distribution des individus (Manly et al. 2002). L'utilisation de différents sites selon les
saisons ou les périodes du cycle vital est un comportement couramment observé chez les
individus des populations qui exploitent des environnements où la répartition des ressources
subit de fortes fluctuations temporelles (Stewart et DeLong 1995; Bergman et al. 2000; Heide-
J0rgensen et al. 2003). L'utilisation de sites d'alimentation éloignés des côtes en hiver par les
phoques annelés (Phoca hispida) est favorisée par la formation de glace qui fournit des sites
de repos et traduit l'influence que peut avoir la variabilité spatiale des ressources sur les
patrons de distribution des individus (Lowry et al. 2000; Eide et al. 2004). De même, les
migrations qu'effectuent les éléphants de mer (Mirounga angustirostris) entre les sites utilisés
pour la reproduction et ceux utilisés pour l'alimentation illustrent l'utilisation de sites
différents en fonction des périodes du cycle vital (Stewart et DeLong 1995).

Les besoins des mâles et des femelles peuvent varier différemment au cours du cycle vital et la
ségrégation spatiale selon le sexe est couramment observée chez plusieurs populations
animales (Catt et Staines 1987; Nicholson et al. 1997; Kie et Bowyer 1999; Kato et al. 2003).
Ceci est particulièrement le cas chez les espèces qui présentent un dimorphisme de taille
important où les différences dans la morphologie et les stratégies de reproduction entraînent
des besoins énergétiques et des stratégies alimentaires différentes entre les sexes (Conradt et
al. 1999; Ruckstuhl et Neuhaus 2000; Wolf et al. 2005). Les femelles sont généralement plus
sélectives, favorisent les sites d'alimentation où la nourriture est de meilleure qualité et
passent plus de temps à s'alimenter que les mâles qui semblent être moins sélectifs dans leur
stratégie d'approvisionnement et exploitent des sites où les ressources sont de moins bonne
qualité mais plus abondantes (Main et al. 1996). Cette différence de sélectivité entre les mâles
et les femelles d'une même espèce peut mener à l'établissement de domaines vitaux qui se
chevauchent ou non, mais au sein desquels les stratégies d'approvisionnement diffèrent selon
le sexe. Ceci a notamment été observé chez plusieurs espèces d'ongulés dont les girafes
(Giraffa camelopardalis) et les wapitis (Cervus elaphus) (Ginnett et Demment 1997; Jones et
Hudson 2002).

L'utilisation de l'habitat peut également varier selon d'autres caractéristiques propres à
l'individu comme l'âge et le statut reproducteur. Chez les orignaux (Alces alces), les femelles
qui allaitent ont des stratégies d'utilisation de l'habitat différentes des mâles ou des femelles
sans jeune (McLoughlin et Ferguson 2000; Dussault et al. 2005). Due à la grande vulnérabilité
des jeunes à la prédation, les femelles avec jeune utilisent davantage les habitats de couvert,
qui sont plus sécuritaires que les milieux ouverts, que les femelles sans jeune.

Les études de sélection d'habitat nécessitent donc une connaissance fine de la structure des
écosystèmes et de la distribution des individus (Kareiva et Wennergren 1995; Macdonald et
Rushton 2003). La réalisation de ce type d'étude est donc complexifiée dans les
environnements dynamiques où la variabilité de l'abondance des ressources et la répartition
des individus ne peuvent être mesurées qu'à un haut niveau de résolution. Ceci est d'autant
plus vrai dans les écosystèmes marins où la variabilité des caractéristiques physiques entraîne
une hétérogénéité spatiale importante dans la distribution des ressources et où les phénomènes
qui se passent sous la surface de l'eau sont difficilement quantifiables sans l'aide de
techniques d'observations indirectes. L'utilisation de l'espace par les organismes marins est
donc moins bien connue que celle des organismes des milieux terrestres.
L'étude de la sélection d'habitat dans les écosystèmes marins

Les progrès technologiques       des dernières décennies ont permis de perfectionner
considérablement les méthodes permettant d'effectuer le suivi des déplacements individuels.
La radio-télémétrie à haute fréquence (VHF), les émetteurs GPS, la télémétrie par satellite
ARGOS, les enregistreurs de pression et de profondeur (TDR), de même que les enregistreurs
de température stomacale sont désormais couramment utilisés afin d'effectuer le suivi des
déplacements horizontaux, verticaux et d'obtenir des informations permettant d'étudier les
habitudes d'approvisionnement des prédateurs marins (Lesage et al. 1999; Wilson et al. 2002;
Amstrup et al. 2004; Austin et al. 2006; Bailey et Thompson 2006). Ces méthodes permettent,
par exemple, d'obtenir jusqu'à plusieurs localisations quotidiennement, d'enregistrer à
intervalle constant et régulier des données relatives à la position des individus dans la colonne
d'eau et d'enregistrer des changements de température stomacale permettant de déterminer la
fréquence d'ingestion de proies. Les données recueillies à partir de ces méthodes de suivi ont
notamment permis d'accroître la quantité d'information disponible pour estimer les
mouvements des individus et ce, sans influencer leur comportement de manière significative
(Stewart et al. 1989).

Ces technologies permettent d'augmenter l'effort d'échantillonnage et de multiplier le nombre
d'individus suivis simultanément. Ainsi, en plus de saisir une partie de la variabilité
comportementale individuelle, cette méthode d'échantillonnage indirecte permet d'estimer une
partie de la variabilité présente à l'intérieur de la population à l'étude. De plus, des senseurs
parfois présents sur les émetteurs permettent d'acquérir des informations sur les
caractéristiques océanographiques telles que la température et la salinité de l'eau. Les mesures
simultanées du comportement et des propriétés physiques du milieu marin offrent ainsi
l'opportunité de déterminer l'influence de diverses variables abiotiques sur le comportement
des individus. Ce type d'information est difficile à obtenir avec précision à partir des
techniques d'observations conventionnelles telles que l'observation directe ou les techniques
d'inventaires par abondance. L'utilisation de la télémétrie s'avère ainsi particulièrement utile
pour étudier le comportement des organismes marins, notamment celui des grands prédateurs.
Les mammifères marins

Par leur taille, leur mobilité et la position qu'ils occupent dans les niveaux supérieurs des
réseaux trophiques marins, les mammifères marins sont perçus comme des composantes
importantes de la dynamique des écosystèmes océanographiques (Harwood 2001; Morissette
et al. 2006). Plusieurs populations de mammifères marins ont présenté d'importantes
variations d'abondance au cours du siècle dernier. D'une part, la fin de leur exploitation
commerciale a favorisé l'accroissement de plusieurs populations (Payne 1977; Bowen et al.
2003). D'autre part, une augmentation du risque de mortalité lié à la chasse, à la dégradation
de la qualité de leur habitat par l'exploitation humaine ou à la diminution de la densité de leurs
proies, est souvent citée comme étant le principal facteur responsable du déclin de plusieurs
populations de phoques, de cétacés et d'ours polaires (Ursus maritimus) (Hammill et al. 2001;
Harwood 2001; Reid 2002).

La structure des écosystèmes marins est généralement hétérogène, ce qui entraîne une
variabilité spatiale et temporelle importante dans la distribution et l'abondance des ressources
marines. Les prédateurs marins doivent constamment modifier leurs comportements afin de
trouver leurs proies et satisfaire leurs besoins énergétiques (Benoit-Bird et Au 2003; Laidre et
al. 2004). Pour minimiser les coûts associés à leur approvisionnement, ils ont avantage à
concentrer leurs activités dans les endroits où les proies sont abondantes. De nombreuses
études ont ainsi démontré que la distribution des mammifères marins est étroitement liée à
celle de leurs proies ou aux facteurs favorisant la productivité des écosystèmes marins (Boyd
et al, 2002; Naud et al. 2003; Bradshaw et al. 2004; Sinclair et al. 2005). Ainsi, en dépit du fait
que les mammifères marins soient largement présents dans tous les écosystèmes marins du
monde, leur distribution, et donc la pression de prédation qu'ils exercent, est inégalement
répartie et concentrée dans les habitats qui favorisent leur survie et leur succès reproducteur.

La méconnaissance des stratégies fines de déplacement et des comportements des mammifères
marins empêche toutefois d'identifier précisément les endroits qui leur sont critiques. L'intérêt
de quantifier les déplacements et le comportement des mammifères marins et de comprendre
les facteurs menant aux patrons de distribution observés est donc grandissant afin d'assurer
une saine gestion et la conservation des ressources marines. Favorisées par la sophistication
des méthodes d'observation indirecte du comportement, les études visant à déterminer la façon
dont les mammifères marins utilisent leur habitat ont connu une ampleur considérable au cours
des deux dernières décennies (McConnell et al. 1992; Moore 2000; Heide-J0rgensen et al.
2002). Mon projet d'étude s'inscrit donc dans cette vague d'études visant à mieux comprendre
les relations entre les mammifères marins et leur environnement.

Contexte et Problématique

Écologie des phoques gris

Répartition saisonnière de la population de l'Atlantique Nord-Ouest
Les techniques télémétriques ont été abondamment utilisées afin de caractériser les
déplacements, la distribution ainsi que les comportements de plongée et d'approvisionnement
des phoques gris (Halichoerus grypus) (Thompson et al. 1991; McConnell et al. 1999; Sjôberg
et Bail 2000; Goulet et al. 2001; Austin et al. 2004). Jumelées aux connaissances acquises par
des observations directes quant à la distribution et à la biologie de l'espèce, les informations
recueillies ont permis de mieux comprendre comment les phoques utilisent leur
environnement.

Le phoque gris fréquente de façon permanente les régions côtières de l'Atlantique Nord-Ouest
(Lesage et Hammill 2001). Le patron de répartition général des phoques de cette région est
bien connu. À la fin décembre, près de 90% de la population se regroupe à l'île de Sable,
située à environ 300 km au sud-est de la Nouvelle-Ecosse, et sur les glaces qui se forment dans
le détroit de Northumberland pour mettre bas et se reproduire (Stobo et Zwamenburg 1990;
Stobo et al. 1990; Lavigueur et Hammill 1993; Goulet et al. 2001). La période de reproduction
est asynchrone entre les individus et s'étend de décembre à février (Stobo et Zwamenburg
1990; Baker et al. 1995). Durant cette période, les individus limitent leurs sorties en mer.
8

À la fin de la période de reproduction, les individus quittent le site de mise bas et se dispersent
le long du plateau continental néo-écossais, dans le sud du Golfe Saint-Laurent ou remontent
vers le bord du Golfe en longeant la côte est de Terre-Neuve (Lavigueur et Hammill 1993;
Goulet et al. 1999). Les phoques gris semblent toutefois être absents du nord du Golfe, une
région où les températures sont probablement trop froides et les conditions de glace limitent
leurs déplacements et donc leur succès de chasse (Lesage et Hammill 2001).

Ce mode de vie pélagique est interrompu lors de la période de mue survenant en mai et juin.
Les phoques se rassemblent alors à l'île de Sable, ou sur les rives de l'île d'Anticosti, de la
Basse Côte-Nord ainsi que le long des côtes du Nouveau-Brunswick ou de la Nouvelle-
Ecosse. Ils limitent alors leurs sorties en mer, mangent peu ou jeûnent pendant la presque
totalité de cette période (Stobo et Zwamenburg 1990; Stobo et al. 1990; Lavigueur et Hammill
1993; Goulet et al. 2001). C'est autour de ces sites de mue de même que le long des côtes du
Nouveau-Brunswick et de la Baie des Chaleurs que les plus importantes concentrations de
phoques présentes dans le Golfe et sur le plateau néo-écossais sont observées durant l'été.
C'est par ailleurs durant cette période que la population atteint son aire de distribution
maximale : les phoques se distribuent alors de l'état de Virginie, situé le long de la côte est
américaine, à la pointe la plus nordique du Labrador et de plus en plus d'entre eux remontent
le fleuve Saint-Laurent (Lesage et Hammill 2001). Le retour vers les sites de reproduction
s'effectue à la fin de l'automne et serait possiblement induit par le départ des proies des aires
de distribution estivale et automnale (Lavigueur et Hammill 1993; Goulet et al. 2001).

Les phoques gris plongent habituellement à des profondeurs entre 30 et 70 m, et rarement à
plus de 200 m (Thompson et al. 1991). La profondeur des habitats qu'ils exploitent excède
aussi rarement 200 m (Thompson et al. 1991; Goulet et al. 2001). L'analyse du comportement
de plongée a révélé que la répartition saisonnière des phoques gris varie autant sur le plan
vertical qu'horizontal (répartition spatiale) alors que le nombre de plongées profondes qu'ils
effectuent augmente signifïcativement en hiver (Goulet et al. 2001).
L'analyse des contenus stomacaux et de la fréquence des prises alimentaires obtenue à l'aide
d'enregistreurs de température stomacale ont démontré que l'intervalle entre les périodes de
prise alimentaire successives semble être irrégulier et peut être espacé de plusieurs jours, ce
qui suggère que l'abondance et la distribution des proies limitent . les événements
d'alimentation des phoques (Mûrie et Lavigne 1992; Austin et al. 2006). L'effort de prédation
des phoques varie de manière plus régulière en fonction des saisons du cycle vital. En période
de mue et de reproduction, les phoques jeûnent ou mangent peu (Mûrie et Lavigne 1992;
Bowen et al. 1993). Les réserves énergétiques sont donc cruciales pour assurer leur survie
durant les périodes de jeûne. L'effort de plongée dans la période précédent la mue (mai-juin)
et durant les semaines qui précèdent la reproduction (novembre-décembre) est par ailleurs plus
intense qu'en juillet-septembre (Mûrie et Lavigne 1992; Beck et al. 2003a; Beck et al. 2003b).
Entre les périodes de mue et de reproduction; les phoques gris sont couramment observés sur
les sites de repos puisque les individus y reviennent constamment entre les sorties en mer
(McConnell et al. 1999; Sjôberg et Bail 2000). Il a par ailleurs été estimé que les phoques gris
passent près de 80% de leur temps à moins de 50 mètres d'un site de repos (Sjôberg et Bail
2000).

Le phoque gris est situé dans les niveaux supérieurs des réseaux trophiques marins. L'espèce
se nourrit principalement de poissons de fond généralement présents pendant toute l'année ou
de poissons pélagiques qui transitent dans son environnement à différents moments de l'année
(Mûrie et Lavigne 1992). La morue (Gadus morhua), le lançon {Ammodytes americanus), les
poissons plats {Pleuronectidae sp.) et le capelan {Mallotus villosus) sont les espèces les plus
consommées par le phoque gris (Benoit et Bowen 1990; Bowen et Harrison 1994; Hammill et
Stenson 2000). Néanmoins, le régime alimentaire du phoque gris varie de manière importante
selon les changements saisonniers et annuels de l'abondance et de la disponibilité des proies,
ainsi que selon les régions exploitées (Benoit et Bowen 1990; Bowen et al. 1993; Hammill et
Stenson 2000).
10

Variabilité du comportement du phoque gris entre les sexes
Le phoque gris présente un fort dimorphisme sexuel, le mâle adulte étant 1,5 fois plus gros et
ayant des besoins énergétiques absolus environ 1,3 fois plus élevés que ceux de la femelle
(Mohn et Bowen 1996; Beck et al. 2000; Dussault 2007). Possiblement engendrés par les
différences de taille corporelle (McLoughlin et Ferguson 2000), il a été démontré que les
mâles avaient des domaines vitaux plus grands que ceux des femelles (Austin et al. 2004).
Bien que ceux-ci se chevauchent considérablement au cours de l'été et de l'automne, les sexes
occupent des espaces spatialement distincts suite à la reproduction (Breed et al. 2006). Les
stratégies d'accumulation des ressources et l'effort de plongée varient aussi différemment
entre les sexes en fonction de la période du cycle vital (Beck et al. 2003a; Beck et al. 2003b).
Le nombre de plongées quotidiennes des mâles augmente progressivement entre la période de
mue et le début de la période de reproduction mais s'intensifie dans les trois mois qui
précèdent celle-ci (Beck et al. 2003b). Tout comme les mâles, les femelles intensifient leur
effort de plongée entre les mois d'octobre et novembre. Elles démontrent toutefois un effort de
plongée important au cours des mois qui séparent la reproduction et la mue (Beck et al.
2003b). Généralement, l'effort de plongée des femelles est supérieur à celui de mâles. Elles
passent moins de temps sur les sites de repos, passent aussi plus de temps au fond de la
colonne d'eau et elles effectuent des plongées plus longues mais moins profondes que les
mâles (Beck et al. 2003b). Les femelles semblent plus sélectives dans le choix de leurs proies,
elles consomment une moins grande variété d'espèces que les mâles et, alors que les mâles se
nourrissent principalement de poissons de fond à faible contenu énergétique, le régime
alimentaire des femelles est majoritairement composée de poissons pélagiques à haute teneur
énergétique (Beck et al. 2005; Beck et al. in press).

Variabilité comportementale liée à la maturité sexuelle
Contrairement aux adultes, le comportement des juvéniles est peu connu. L'étude du
comportement de plusieurs espèces de pinnipèdes a cependant démontré que les juvéniles,
n'ayant pas les mêmes habiletés à la nage ou les mêmes connaissances de leur milieu que les
adultes, présentent des comportements de plongée différents de ceux-ci (Burns 1999; Noren et
al. 2005). Sjôberg et Bail (2000) ont observé que les jeunes phoques gris de la mer Baltique
semblent avoir des domaines vitaux plus grands que ceux des individus plus âgés. Le régime
11

alimentaire des juvéniles est aussi plus diversifiée que celle des adultes et est
vraisemblablement de plus faible teneur énergétique (Beck et al. 2005; Beck et al. in press).
Ces différences pourraient possiblement mener à des stratégies d'utilisation d'habitat
différentes de celles des adultes.

Problématique et objectifs de l'étude

Depuis le début des années 60, la population de phoques gris de l'Atlantique Nord-Ouest
s'accroît à un rythme exponentiel et le nombre de nouveaux nés augmente de 12,6%
annuellement (Stobo et Zwamenburg 1990; Bowen et al. 2003). Estimé à 20 000 individus au
début des années 60, le nombre de phoques gris présents dans l'Atlantique Nord-Ouest a été
évalué à plus de 200 000 individus en 1997 (Lesage et Hammill 2001; Bowen et al. 2006). Par
son abondance, le phoque gris est considéré comme un prédateur important de l'Atlantique
Nord-Ouest (Morissette et al. 2006). Bien que le comportement de l'espèce soit en général
bien connu, les facteurs qui influencent la distribution spatiale des individus et donc les
habitats qu'ils préfèrent sont, quant à eux, méconnus. Ce manque de connaissances empêche
notamment d'évaluer avec réalisme la répartition de l'effort de prédation des phoques gris et
conséquemment de quantifier avec justesse son impact sur la dynamique des composantes des
niveaux trophiques inférieurs (Boyd 1996).

Nous avons tenté d'accroître la compréhension des relations entre l'utilisation de l'espace des
phoques gris de l'Atlantique Nord-Ouest et les composantes de leur environnement. Nous
avions comme objectifs de 1) déterminer la taille des domaines vitaux des phoques gris de
l'Atlantique Nord-Ouest, 2) identifier les patrons de répartition des phoques en fonction de la
profondeur de l'eau à l'échelle du domaine vital et des composantes du domaine vital et 3)
d'examiner la fréquence des plongées en fonction de leur profondeur maximale.

Il a été démontré que la bathymétrie influence de manière prépondérante les déplacements des
phoques gris autour des sites de repos (Sjôberg et Bail 2000). Nous avons donc émis
l'hypothèse générale que la distribution des phoques gris serait reliée à la profondeur de l'eau.
12

Considérant la dépendance des phoques pour les sites de repos et la faible profondeur des
plongées réalisées par les phoques gris, nous avons prédit que les phoques gris seraient
concentrés dans les habitats peu profonds. Considérant les variations intraspécifiques du
comportement et de la distribution des individus de la population à l'étude et ce qui est
communément observé chez les espèces sexuellement dimorphiques, nous nous attendions à
ce que l'espace utilisé par les phoques et l'utilisation qu'ils font des habitats profonds
augmente en hiver et soit plus grande pour les mâles que les femelles. Le comportement des
jeunes phoques gris est relativement peu connu. Chez la population de phoques gris de la mer
Baltique, il a toutefois été observé que les individus moins expérimentés concentraient leur
effort de chasse dans des régions plus grandes et de taille plus variable que les individus plus
expérimentés (Sjôberg et Bail 2000). Aussi, dû à leur taille plus petite, les juvéniles ont un
métabolisme plus élevé et ont une moins grande capacité à emmagasiner des réserves
d'oxygène que les adultes (Lapierre et al. 2004; Greaves et al. 2005; Noren et al. 2005) ce qui,
chez plusieurs espèces, limitent la profondeur et la durée des plongées qu'ils effectuent
(Hammill 1993; Merrick et Loughlin 1997; Lesage et al. 1999; Pitcher et al. 2005). En
s'appuyant sur ces observations, nous avons émis la prédiction que les jeunes phoques gris
exploiteraient des zones plus grandes mais sélectionneraient moins les habitats profonds que
les adultes.

Méthodologie

Entre 1993 et 2005, 59 phoques gris ont été capturés à proximité de différents sites
d'échouerie, soit des sites de repos où les phoques gris reviennent constamment entre les
voyages en mer dans le Golfe et l'estuaire maritime du Saint-Laurent (Figure 1). Les captures
ont été réalisées à différents moments de l'année, soit suite à la mue en juin, durant l'automne
et sur les sites de reproduction en janvier. Le sexe des phoques capturés a été déterminé et une
incisive a été prélevée afin de pouvoir déterminer l'âge (Bernt et al. 1996). Étant donné que
l'âge à la première reproduction est estimé à 5,6 ans pour les femelles et l'âge à la maturité
sexuelle à 5,5 ans pour les mâles, tous les individus de 5 ans et moins ont été considérés
comme des juvéniles et ceux de 6 ans et plus comme des adultes (Hammill et Gosselin 1995).
13

Un émetteur satellite ARGOS a été collé derrière le lobe occipital de chaque individu. En plus
de permettre aux satellites de localiser les individus, ces émetteurs, munis d'un enregistreur de
temps et de profondeur, enregistraient le nombre de plongées, la durée des plongées et le
temps passé à différentes classes de profondeur et à la surface de l'eau par période de 6 heures.

Une des principales limites liée à l'utilisation d'émetteurs satellites ARGOS réside dans
l'incertitude des localisations obtenues. La précision des localisations est généralement
évaluée entre 150 m et 1 km selon le nombre de transmissions émises par l'émetteur et reçues
par le satellite au cours d'un passage (Argos 1989). Plusieurs études ont cependant démontré
que l'erreur associée aux localisations obtenues pouvait être beaucoup plus importante que
celle prédite par le système ARGOS (Stewart et al. 1989; White et Garrot 1990; McConnell et
al. 1992; Goulet et al. 1999). Afin d'accroître la précision des patrons de déplacement des
individus suivis, nous avons éliminé les positions improbables en se basant sur la vitesse de
nage moyenne des phoques gris et la distance et le temps entre les localisations successives
suivant la méthode de Austin et al. (2003).

Estimation de la taille des domaines vitaux

La migration automnale de l'aire de distribution estivale vers les sites de reproduction est
généralement rapide et dirigée (Goulet et al. 2001). En analysant visuellement les patrons de
distribution des phoques, il nous a d'abord été possible d'identifier cette migration. La période
précédent cette migration a été considérée comme la saison estivale et la période comprise
entre le jour suivant la fin de la migration automnale et la fin du suivi a été identifiée comme
la période d'hiver. En utilisant les localisations obtenues pour chacune des périodes d'été et
d'hiver, nous avons ensuite élaboré les domaines vitaux saisonniers pour chacun des individus.
Un modèle linéaire mixte a par la suite permis de déterminer si la taille des domaines vitaux
variait en fonction de la saison, du sexe et de la maturité sexuelle des individus.
14

Sélection de l'habitat en fonction de la bathymétrie

Le deuxième objectif de l'étude visait à identifier les patrons de répartition des phoques en
fonction de la profondeur de l'eau. Nous avons comparé l'utilisation de 4 classes de

   50°

   48°

                Site de capture
          Classe de profondeur
          H • 0-50 m

               1100-200 m
                >20Ô m : : :
                                                                                          44°

                                                                                          42"

   42°

Figure 1. Aire d'étude et bathymétrie du Golfe et de l'estuaire maritime du Saint-Laurent et du
plateau néo-écossais.

profondeur, soit 0-50 m, 50-100 m, 100-200 m et 200 m et plus, par les phoques gris à leur
disponibilité déterminée à l'aide de cartes bathymétriques. Les ratios obtenus ont par la suite
été standardisés en divisant chacun des ratios par la somme de l'ensemble des ratios obtenus
pour un même individu (Manly et al. 2002). Ces analyses ont d'abord été effectuées à l'échelle
du domaine vital où la proportion occupée par chacune de ces classes de profondeur à
15

du domaine vital où la proportion occupée par chacune de ces classes de profondeur à
l'intérieur de chacun des domaines vitaux a été comparée à la proportion de chacune de ces
classes de profondeur dans l'aire d'étude. Les analyses de sélection d'habitat ont par la suite
été réalisées à un niveau plus fin d'analyse, soit à l'intérieur du domaine vital. À cette échelle,
la profondeur associée à chacune des localisations obtenues pour un individu a été comparée à
la proportion occupée par chacune des classes de profondeur à l'intérieur du domaine vital.
Une analyse multivariée des ratios standardisés a par la suite permis de comparer les patrons
de sélection en fonction des saisons, de l'âge et du sexe des individus.

Utilisation verticale de l'habitat

Afin d'évaluer si les patrons de sélection horizontaux et les déplacements verticaux des
individus coïncidaient, les profondeurs maximales des plongées obtenues par les émetteurs ont
été analysées. Nous avons tout d'abord déterminé la proportion de plongées dont la profondeur
maximale se situait dans chacune des classes de profondeur utilisées pour les analyses de
sélection d'habitat sur le plan horizontal. Une analyse multivariée a par la suite permis
d'évaluer si les fréquences de plongées observées dans chacune des classes de profondeur
différaient en fonction de la saison, du sexe et de l'âge de l'animal.

Le chapitre qui suit présente le détail des analyses statistiques effectuées et l'ensemble des
résultats que nous avons obtenus. La signification des patrons de répartition et d'utilisation de
l'espace observés y est par la suite discutée en tentant,d'intégrer les connaissances biologiques
et écologiques propres aux pinnipèdes. La conclusion générale de ce mémoire résume les
résultats obtenus, rappelle les principaux points de la discussion et les interprète dans un
contexte écologique. Des avenues des recherches y sont aussi proposées.
CHAPITRE 1. SPACE USE BY GREY SEALS IN ATLANTIC
                                      CANADA

VALÉRIE HARVEY, STEEVE D. CÔTÉ AND MIKE O. HAMMILL

Valérie Harvey
Département de biologie & Centre d'études nordiques, Université Laval, Québec, PQ, G1K
7P4, Canada

Steeve D. Côté
Département de biologie & Centre d'études nordiques, Université Laval, Québec, PQ, G1K
7P4, Canada

Mike O. Hammill
Department of Fisheries and Océans, Maurice Lamontagne Institute, 850 Route de la Mer,
P.O. Box 1000, Mont Joli, QC Q5H 3R4, Canada.
17

Résumé

La disponibilité des ressources et les besoins individuels influencent la distribution des
individus à différentes échelles spatiales et temporelles. Nous avons 1) déterminé la taille des
domaines vitaux saisonniers des phoques gris de l'Atlantique Nord-Ouest, 2) testé l'influence
de la profondeur de l'eau sur l'utilisation de l'espace des phoques, et 3) examiné la répartition
verticale des phoques en fonction de la profondeur maximale de leurs plongées. Entre 1993 et
2005, 49 phoques gris ont été munis d'un émetteur satellite à différents endroits du Golfe du
Saint-Laurent. Nous avons estimé la taille des domaines vitaux saisonniers individuels par la
méthode des Kernels à 95%. Pour chaque phoque, la sélectivité et la préférence pour 4 classes
de profondeur à l'échelle du domaine vital et à l'intérieur du domaine vital ont été testées en
comparant l'utilisation de chacune de ces classes à leur disponibilité. La proportion du nombre
de plongées effectuées à chacune de ces profondeurs a aussi été évaluée. Les domaines vitaux

étaient beaucoup plus grands en hiver (x ± é-t - 91 000 ± 24 000 km2) qu'en été (9 000 ± 2
000 km2). Les phoques préféraient généralement les habitats de moins de 50 m et la
profondeur de la majorité des plongées qu'ils effectuent est de moins de 40 m. Aux deux
échelles d'analyse, l'utilisation des habitats de moins de 50 m diminuait en hiver. Les adultes
utilisaient davantage les habitats peu profonds que les juvéniles. Une ségrégation spatiale des
sexes a aussi été observée puisque les femelles étaient plus concentrées dans les parties peu
profondes de leurs domaines vitaux que les mâles. Des différences similaires ont aussi été
observées dans la fréquence des plongées effectuées dans chacune des classes de profondeur.
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