Avant-propos - Université Laval
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11 Avant-propos Ce mémoire est constitué d'un chapitre rédigé en anglais et destiné à être soumis pour publication dans un journal scientifique ainsi que d'une introduction et une conclusion générales écrites en français. Les Dr. Steeve Côté et Mike Hammill ont participé à la réalisation de l'étude de même qu'à la rédaction et la révision des textes de ce mémoire. Ce mémoire de maîtrise est le résultat de plusieurs mois de lectures, de temps passé devant un ordinateur devenu trop vieux un peu trop rapidement, d'analyses statistiques et de réflexion par lesquels j'ai tenté de parfaire ma formation de biologiste. Mon cheminement durant les dernières années, et donc ce mémoire, auraient certes été très différents sans l'influence de plusieurs personnes qui, de près ou d'une manière un peu plus indirecte, ont teinté mon travail et ma pensée, et ont certainement contribué à faire de moi une scientifique et une personne peut-être un peu meilleure que je ne l'étais avant d'entamer ce projet. Avant de vous laisser lire les pages qui suivent, laissez-moi leur adresser les mercis éternels qui leur reviennent. À Mike... Merci pour m'avoir fait confiance et permis de jouer avec tes données. J'ai appris énormément de tes connaissances sur le monde marin, sur les écosystèmes nordiques mais aussi des histoires de vie et des conseils que tu m'as généreusement partagés. Merci aussi pour ton temps et ta patience. Et comment te remercier pour le calme avec lequel tu regardais mes gaffes, les hélices un peu brisées que je te ramenais et celui aussi avec lequel tu m'as sorti de l'eau lorsque j'en avais jusqu'au cou? À Steeve... Pour ta disponibilité et tes réflexions. Pour le pouvoir magique que tu possèdes, sans doute, avec lequel tu réussis toujours à calmer mes angoisses et mes doutes de fin de journée. J'ai appris, je crois, beaucoup plus que ce qu'est la science en ayant la chance d'être dans ton labo. Un merci grand comme le ciel de m'y avoir accueillie (et de m'y avoir hébergée aussi longtemps!) alors que, à l'époque, une biquette et une armée de Bambi s'y affairaient. En
111 espérant que les phoques, les gris du moins, n'aient pas trop perturbé l'équilibre qui régnait dans ton royaume composé, à cette époque, exclusivement d'herbivores. Aux personnes que j ' y ai rencontrées, celles qui y sont encore présentes, celles qui en sont un peu plus éloignées qu'à mon arrivée... Sandra, Ariane, Jean-Pierre, Joëlle, Anouk, Sonia, Antoine, Marie-Lou, Vanessa, Marie-Andrée, Etienne, Julien, Jeff, Robert, Martin, Léon, William, Serge, Nathalie... Quel plaisir c'était de se retrouver parmi vous tous les jours, d'écouter le récit de vos vies, de vos projets, de vos analyses. De sentir votre réconfort et de pouvoir recourir sans retenue à votre travail d'équipe devant des analyses, des réflexions et des bouts de phrases parfois un peu difficiles. Il y a des pensées pour lesquelles on a malheureusement oublié d'inventer des mots exacts. Alors je vous dis : merci d'être vous, tout simplement. Les analyses statistiques que j'ai effectuées auraient certes été beaucoup plus obscures sans l'aide de Christian Dussault et Hélène Crépeau. Je suis reconnaissante du temps que vous m'avez accordé, des réponses que vous m'avez allouées et des doutes et des questionnements que vous avez suscités. À la division des Mammifères Marins de l'Institut Maurice-Lamontagne et à tous ceux qui gravitent autour d'elle... Quelle chance j'ai eu d'avoir pu vous côtoyer! Les moments passés auprès de vous étaient pour moi des plus formateurs. Merci spécialement à Jean-François Gosselin pour ta disponibilité, ta bonne humeur et pour ton aide parfois grande comme des après-midi. À Hélène Dussault et Catherine Bajzak pour avoir vécue une vie de phoque en même temps que moi et donc avoir partagé les moments heureux et les doutes que ça implique. À Gilles Fortin, pour la bienvenue avec laquelle tu accueillais mes questions et la générosité avec laquelle tu me livrais sans retenue tes plus grands secrets d'ArcView. Et comment oublier ou passer sous silence les efforts de tous ceux qui ont déployé leur force lors du travail de terrain et sans lesquelles la capture de phoques, et donc la réalisation de cette étude, aurait été bien difficile. Un merci (gros comme un phoque! ce qui, vous le savez, peut être vraiment gros...) à Samuel Turgeon, Pierre Carter, Jean-François Gosselin, Sébastien Champagne, Gary Stenson, Yannis Souamis car sans vous, mes bras de fille trop peu forts, n'y seraient jamais arrivés.
IV Et il me vient en mémoire aussi une isle pas très loin vers laquelle s'évader quand les idées devenaient trop confuses et où retrouver le répit nécessaire avant le début d'une nouvelle semaine est toujours à mes yeux, le plus apaisant des réconforts. À cette famille aimante qui m'y attends toujours impatiemment... Comment vous exprimer la reconnaissance de votre soutien intarissable durant toutes les heures qui m'ont mené jusqu'ici? Et aux autres... Ceux qui de près ou d'un peu plus loin, accompagnent mon monde mais qui occupent une place infinie dans mon coeur. Pour vos sourires, vos attentions, votre présence. Les bouts de vie qu'on effleure. Les moments qu'on partage. Ceux que vous m'avez offerts quand mon quotidien devenait trop lourd, mes nuits trop courtes et que les matins revenaient trop tôt... Je garderai de vous tous et de ces années un sourire douillet où retourner lorsque le temps sera trop gris et que mes nuits seront trop longues...
Résumé L'objectif de cette étude était d'accroître la compréhension de la répartition et des patrons d'utilisation de l'espace des phoques gris (Halichoerus grypus) de l'Atlantique Nord-Ouest. En utilisant des animaux munis d'émetteurs satellites, nous avons quantifié la taille des domaines vitaux, testé l'influence de la profondeur de l'eau sur l'utilisation de l'habitat des phoques et déterminé la fréquence des plongées en fonction de leur profondeur maximale. Nous avons démontré que le phoque gris est une espèce côtière. Il utilise préférentiellement les habitats de moins de 50 m de profondeur et plonge généralement à moins de 40 mètres de profondeur. La taille des domaines vitaux et l'utilisation des habitats profonds augmentent en hiver. La préférence pour les habitats peu profonds est aussi plus grande pour les femelles que pour les mâles, de même que pour les adultes que les juvéniles.
VI Abstract The main objective of this study was to improve our understanding of the repartition and space use patterns of Northwest Atlantic grey seals (Halichoerus grypus). We quantified seasonal home range size, tested the influence of water depth on seals' distribution and space use, and determined the frequency of dives they performed according to their maximum depth. We demonstrated that the grey seal is a coastal species. It used preferentially habitats less than 50 m deep and concentrated its diving activity within the first 40 m depth. Home range size and the use of deep areas increased in winter. Préférence for shallow habitats was higher for females than maies and for adults than juvéniles.
Vil Table des matières Avant-propos ii Résumé v Abstract vi Table des matières vii Liste des tableaux ix Liste des figures x Introduction générale 1 L'utilisation et la sélection d'habitat 1 L'étude de la sélection d'habitat dans les écosystèmes marins 5 Les mammifères marins 6 Contexte et Problématique 7 Écologie des phoques gris 7 Distribution saisonnière de la population de l'Atlantique Nord-Ouest 7 Variabilité du comportement du phoque gris entre les sexes 10 Variabilité comportementale liée à la maturité sexuelle 10 Problématique et objectifs de l'étude 11 Méthodologie 12 Estimation de la taille des domaines vitaux 13 Sélection de l'habitat en fonction de la bathymétrie 14 Utilisation verticale de l'habitat 15 Chapitre l.Space use by grey seals in Atlantic Canada 16 Résumé 17 Abstract 18 Introduction 19 Methods 22 Study area and habitat description 22 Animal handling and data recording 22
Vlll Seasonal home range size 25 Habitat sélection 28 Dive analyses 30 Results 30 Seasonal home range size 31 Habitat sélection 35 Diving behaviour 38 Discussion 39 Acknowledgments 47 Conclusion générale 48 Patron général de répartition 48 Effet de la saison .....49 Utilisation de l'habitat : taille des domaines vitaux et sélection verticale et horizontale des habitats de différentes profondeurs 50 Effet de la saison 51 Effet de l'âge 52 Effet du sexe 53 Limites de l'étude et perspectives de recherche 54 Bibliographie générale 57
IX Liste des tableaux Table 1. Characteristics of grey seals captured between 1993 and 2004 in the Gulf and the lower estuary of the St. Lawrence and fitted with satellite linked transmitters. Capture locations can be found in figure 1 23 Table 2. Summary of grey seal captures in the Gulf and the lower estuary of the St. Lawrence between 1993 and 2004. Characteristics of satellite relay data-loggers used in each year areshown 26 Table 3. Linear mixed effect models on seasonal home range size of grey seals of the Atlantic Northwest (a) and Hotelling's tests (Manova), controlling for year (see text), on habitat sélection at the home range level (b), within the home range (c) and on the percentage of dives made in each water depth class (d) 34 Table 4. Mean (± se) Manly's standardized ratios for Northwest Atlantic grey seals. A ratio is presented for each water depth class for ail significant effects detected by Manovas at the home range scale (a) and within the home range (b). Différent letters indicate significant différences (p) and (=) symbols, which respectively indicate significant préférence or the absence of préférence. (*) indicate significant multiple comparisons (p
X Liste des figures Figure 1. Aire d'étude et bathymétrie du Golfe et de l'estuaire maritime du Saint-Laurent et du plateau néo-écossais 14 Figure 2. Paths of two grey seals fitted with satellite transmitters in June and followed until March in the Gulf of St. Lawrence in a) 1995 and b) 2004 .....32 Figure 3. Summer (a) and winter (b) home ranges (95% fixed kernels) of three grey seals fitted with satellite devices between 1993 and 2005 in the Northwest Atlantic 33 Figure 4. Seasonal variation in the mean (± se) proportion of dives according to their maximum depth for Northwest Atlantic grey seals. Variations according to a) sex and b) âge class of individuals are shown 40 Figure 5. Locations of adult Northwest Atlantic grey seals tracked between 1993 and 2005 with satellite telemetry devices during February and March One location per day per individualis shown 44
Introduction générale L'utilisation et la sélection d'habitat La répartition des organismes dans l'espace a une influence prépondérante sur la dynamique des écosystèmes qu'ils habitent. La connaissance des patrons de distribution des individus et des facteurs qui influencent ces patrons est donc nécessaire à la compréhension du fonctionnement des écosystèmes. La relation entre les individus et comment ils utilisent leur environnement est toutefois souvent méconnue, empêchant une gestion éclairée et adéquate des écosystèmes. Devant l'exploitation humaine sans cesse grandissante, la dégradation de plusieurs habitats et la précarité de plusieurs populations animales et végétales, les études visant à déterminer la manière dont les individus utilisent leur habitat ont retenu considérablement l'attention aux cours des dernières décennies (Fretwell et Lucas 1970; White et Garrot 1990; Alldredge et Ratti 1992). Un habitat se caractérise par un ensemble de variables abiotiques et biotiques permettant la survie et la reproduction d'un individu d'une espèce donnée (Hall et al. 1997; Garshelis 2000). Parmi la mosaïque d'habitats présents à l'échelle du paysage, les individus tentent de privilégier l'utilisation de ceux dont les caractéristiques leur permettent de maximiser leur aptitude phénotypique, amenant ainsi une utilisation disproportionnée des habitats préférés comparativement à leur disponibilité (Rettie et Messier 2000; Manly et al. 2002). À cet effet, l'utilisation de l'habitat reflète la manière dont les individus utilisent les ressources présentes dans les habitats alors que la sélection d'habitat reflète le choix d'utiliser ou non les ressources disponibles (Hall et al. 1997). Cette utilisation sélective des ressources permettrait à l'animal de maximiser l'acquisition d'énergie tout en minimisant l'exposition aux facteurs limitants et donc, par exemple, les dépenses énergétiques liées aux déplacements, au risque de prédation et aux stress thermiques (Rettie et Messier 2000; Dussault et al. 2005). L'utilisation de l'espace est donc intimement liée aux coûts et aux bénéfices associés à l'exploitation des ressources d'un habitat donné et résulte d'un processus de sélection au cours duquel les individus
privilégient l'utilisation des habitats offrant le meilleur compromis entre la survie et l'utilisation des ressources en vue de la reproduction (Rettie et Messier 2000). Il a été démontré que les choix faits par les individus d'utiliser ou non les habitats disponibles influencent leurs déplacements à différents niveaux spatiaux et temporels (Johnson 1980; Orians et Wittenberger 1991; Schaefer et Messier 1995). Dans un premier temps, la sélection d'habitat correspond à l'aire de répartition d'une espèce ou d'une population donnée. Un deuxième niveau de sélection se traduit par le choix d'un site à l'échelle du paysage où l'individu établit son domaine vital (Johnson 1980). Le domaine vital est l'espace occupé par un animal au cours d'une période de temps déterminée, par exemple une saison, et où il accomplit ses activités journalières (Burt 1943; Millspaugh et Marzluff 2001). Celui-ci doit donc être suffisamment grand pour permettre à l'individu d'accéder à l'ensemble des ressources dont il a besoin mais assez petit pour minimiser les coûts sous-jacents à l'acquisition de ces ressources (Millspaugh et Marzluff 2001). Là taille et l'emplacement du domaine vital sont donc les résultants de la relation entre un individu et son environnement (McLoughlin et Ferguson 2000). L'hétérogénéité spatiale de la distribution des ressources amène par la suite l'individu à utiliser les parties de son domaine vital selon différentes intensités pour ses activités (Johnson 1980). Les habitats de protection, par exemple, diffèrent généralement des endroits utilisés pour l'approvisionnement. Ceci est notamment observé chez plusieurs espèces de pinnipèdes qui reviennent constamment se reposer sur des surfaces solides entre les sorties en mer (Renouf 1991; LeBoeuf et al. 2000) et chez les ongulés dont les chevreuils {Capreolus capreolus) qui privilégient les habitats de couvert pour se reposer aux habitats plus ouverts dans lesquels ils s'alimentent (Mysterud et 0stbye 1995). Un dernier niveau de sélection d'habitat s'exprime par le choix des ressources alimentaires d'un individu (Johnson 1980). Les buts poursuivis par les individus peuvent différer entre ces différents niveaux d'analyse notamment parce que la distribution des ressources, les coûts liés à l'obtention de ces ressources, de même que le risque de prédation peuvent varier entre les différentes échelles (Boyce et al. 2003; Dussault et al. 2005). Les décisions prises par les individus à chacune de
ces échelles d'analyse reflètent généralement la hiérarchie des facteurs qui limitent l'aptitude phénotypique des individus (Rettie et Messier 2000). Les variables affectant le plus le succès reproducteur telles que, par exemple, le risque de prédation sont possiblement sélectionnées au niveau supérieur, soit à l'échelle du paysage. Par contre, les patrons de sélection permettant d'éviter les facteurs moins influents sur le succès reproducteur apparaissent possiblement aux niveaux de sélection plus fins, soit à l'intérieur des domaines vitaux (Rettie et Messier 2000; Dussault et al. 2005). Il est donc particulièrement important de prendre en compte l'échelle spatiale afin de bien comprendre les relations entre les organismes et leur environnement (Johnson 1980). L'abondance des ressources et les besoins individuels peuvent aussi influencer les choix et donc la distribution des individus (Manly et al. 2002). L'utilisation de différents sites selon les saisons ou les périodes du cycle vital est un comportement couramment observé chez les individus des populations qui exploitent des environnements où la répartition des ressources subit de fortes fluctuations temporelles (Stewart et DeLong 1995; Bergman et al. 2000; Heide- J0rgensen et al. 2003). L'utilisation de sites d'alimentation éloignés des côtes en hiver par les phoques annelés (Phoca hispida) est favorisée par la formation de glace qui fournit des sites de repos et traduit l'influence que peut avoir la variabilité spatiale des ressources sur les patrons de distribution des individus (Lowry et al. 2000; Eide et al. 2004). De même, les migrations qu'effectuent les éléphants de mer (Mirounga angustirostris) entre les sites utilisés pour la reproduction et ceux utilisés pour l'alimentation illustrent l'utilisation de sites différents en fonction des périodes du cycle vital (Stewart et DeLong 1995). Les besoins des mâles et des femelles peuvent varier différemment au cours du cycle vital et la ségrégation spatiale selon le sexe est couramment observée chez plusieurs populations animales (Catt et Staines 1987; Nicholson et al. 1997; Kie et Bowyer 1999; Kato et al. 2003). Ceci est particulièrement le cas chez les espèces qui présentent un dimorphisme de taille important où les différences dans la morphologie et les stratégies de reproduction entraînent des besoins énergétiques et des stratégies alimentaires différentes entre les sexes (Conradt et al. 1999; Ruckstuhl et Neuhaus 2000; Wolf et al. 2005). Les femelles sont généralement plus
sélectives, favorisent les sites d'alimentation où la nourriture est de meilleure qualité et passent plus de temps à s'alimenter que les mâles qui semblent être moins sélectifs dans leur stratégie d'approvisionnement et exploitent des sites où les ressources sont de moins bonne qualité mais plus abondantes (Main et al. 1996). Cette différence de sélectivité entre les mâles et les femelles d'une même espèce peut mener à l'établissement de domaines vitaux qui se chevauchent ou non, mais au sein desquels les stratégies d'approvisionnement diffèrent selon le sexe. Ceci a notamment été observé chez plusieurs espèces d'ongulés dont les girafes (Giraffa camelopardalis) et les wapitis (Cervus elaphus) (Ginnett et Demment 1997; Jones et Hudson 2002). L'utilisation de l'habitat peut également varier selon d'autres caractéristiques propres à l'individu comme l'âge et le statut reproducteur. Chez les orignaux (Alces alces), les femelles qui allaitent ont des stratégies d'utilisation de l'habitat différentes des mâles ou des femelles sans jeune (McLoughlin et Ferguson 2000; Dussault et al. 2005). Due à la grande vulnérabilité des jeunes à la prédation, les femelles avec jeune utilisent davantage les habitats de couvert, qui sont plus sécuritaires que les milieux ouverts, que les femelles sans jeune. Les études de sélection d'habitat nécessitent donc une connaissance fine de la structure des écosystèmes et de la distribution des individus (Kareiva et Wennergren 1995; Macdonald et Rushton 2003). La réalisation de ce type d'étude est donc complexifiée dans les environnements dynamiques où la variabilité de l'abondance des ressources et la répartition des individus ne peuvent être mesurées qu'à un haut niveau de résolution. Ceci est d'autant plus vrai dans les écosystèmes marins où la variabilité des caractéristiques physiques entraîne une hétérogénéité spatiale importante dans la distribution des ressources et où les phénomènes qui se passent sous la surface de l'eau sont difficilement quantifiables sans l'aide de techniques d'observations indirectes. L'utilisation de l'espace par les organismes marins est donc moins bien connue que celle des organismes des milieux terrestres.
L'étude de la sélection d'habitat dans les écosystèmes marins Les progrès technologiques des dernières décennies ont permis de perfectionner considérablement les méthodes permettant d'effectuer le suivi des déplacements individuels. La radio-télémétrie à haute fréquence (VHF), les émetteurs GPS, la télémétrie par satellite ARGOS, les enregistreurs de pression et de profondeur (TDR), de même que les enregistreurs de température stomacale sont désormais couramment utilisés afin d'effectuer le suivi des déplacements horizontaux, verticaux et d'obtenir des informations permettant d'étudier les habitudes d'approvisionnement des prédateurs marins (Lesage et al. 1999; Wilson et al. 2002; Amstrup et al. 2004; Austin et al. 2006; Bailey et Thompson 2006). Ces méthodes permettent, par exemple, d'obtenir jusqu'à plusieurs localisations quotidiennement, d'enregistrer à intervalle constant et régulier des données relatives à la position des individus dans la colonne d'eau et d'enregistrer des changements de température stomacale permettant de déterminer la fréquence d'ingestion de proies. Les données recueillies à partir de ces méthodes de suivi ont notamment permis d'accroître la quantité d'information disponible pour estimer les mouvements des individus et ce, sans influencer leur comportement de manière significative (Stewart et al. 1989). Ces technologies permettent d'augmenter l'effort d'échantillonnage et de multiplier le nombre d'individus suivis simultanément. Ainsi, en plus de saisir une partie de la variabilité comportementale individuelle, cette méthode d'échantillonnage indirecte permet d'estimer une partie de la variabilité présente à l'intérieur de la population à l'étude. De plus, des senseurs parfois présents sur les émetteurs permettent d'acquérir des informations sur les caractéristiques océanographiques telles que la température et la salinité de l'eau. Les mesures simultanées du comportement et des propriétés physiques du milieu marin offrent ainsi l'opportunité de déterminer l'influence de diverses variables abiotiques sur le comportement des individus. Ce type d'information est difficile à obtenir avec précision à partir des techniques d'observations conventionnelles telles que l'observation directe ou les techniques d'inventaires par abondance. L'utilisation de la télémétrie s'avère ainsi particulièrement utile pour étudier le comportement des organismes marins, notamment celui des grands prédateurs.
Les mammifères marins Par leur taille, leur mobilité et la position qu'ils occupent dans les niveaux supérieurs des réseaux trophiques marins, les mammifères marins sont perçus comme des composantes importantes de la dynamique des écosystèmes océanographiques (Harwood 2001; Morissette et al. 2006). Plusieurs populations de mammifères marins ont présenté d'importantes variations d'abondance au cours du siècle dernier. D'une part, la fin de leur exploitation commerciale a favorisé l'accroissement de plusieurs populations (Payne 1977; Bowen et al. 2003). D'autre part, une augmentation du risque de mortalité lié à la chasse, à la dégradation de la qualité de leur habitat par l'exploitation humaine ou à la diminution de la densité de leurs proies, est souvent citée comme étant le principal facteur responsable du déclin de plusieurs populations de phoques, de cétacés et d'ours polaires (Ursus maritimus) (Hammill et al. 2001; Harwood 2001; Reid 2002). La structure des écosystèmes marins est généralement hétérogène, ce qui entraîne une variabilité spatiale et temporelle importante dans la distribution et l'abondance des ressources marines. Les prédateurs marins doivent constamment modifier leurs comportements afin de trouver leurs proies et satisfaire leurs besoins énergétiques (Benoit-Bird et Au 2003; Laidre et al. 2004). Pour minimiser les coûts associés à leur approvisionnement, ils ont avantage à concentrer leurs activités dans les endroits où les proies sont abondantes. De nombreuses études ont ainsi démontré que la distribution des mammifères marins est étroitement liée à celle de leurs proies ou aux facteurs favorisant la productivité des écosystèmes marins (Boyd et al, 2002; Naud et al. 2003; Bradshaw et al. 2004; Sinclair et al. 2005). Ainsi, en dépit du fait que les mammifères marins soient largement présents dans tous les écosystèmes marins du monde, leur distribution, et donc la pression de prédation qu'ils exercent, est inégalement répartie et concentrée dans les habitats qui favorisent leur survie et leur succès reproducteur. La méconnaissance des stratégies fines de déplacement et des comportements des mammifères marins empêche toutefois d'identifier précisément les endroits qui leur sont critiques. L'intérêt de quantifier les déplacements et le comportement des mammifères marins et de comprendre
les facteurs menant aux patrons de distribution observés est donc grandissant afin d'assurer une saine gestion et la conservation des ressources marines. Favorisées par la sophistication des méthodes d'observation indirecte du comportement, les études visant à déterminer la façon dont les mammifères marins utilisent leur habitat ont connu une ampleur considérable au cours des deux dernières décennies (McConnell et al. 1992; Moore 2000; Heide-J0rgensen et al. 2002). Mon projet d'étude s'inscrit donc dans cette vague d'études visant à mieux comprendre les relations entre les mammifères marins et leur environnement. Contexte et Problématique Écologie des phoques gris Répartition saisonnière de la population de l'Atlantique Nord-Ouest Les techniques télémétriques ont été abondamment utilisées afin de caractériser les déplacements, la distribution ainsi que les comportements de plongée et d'approvisionnement des phoques gris (Halichoerus grypus) (Thompson et al. 1991; McConnell et al. 1999; Sjôberg et Bail 2000; Goulet et al. 2001; Austin et al. 2004). Jumelées aux connaissances acquises par des observations directes quant à la distribution et à la biologie de l'espèce, les informations recueillies ont permis de mieux comprendre comment les phoques utilisent leur environnement. Le phoque gris fréquente de façon permanente les régions côtières de l'Atlantique Nord-Ouest (Lesage et Hammill 2001). Le patron de répartition général des phoques de cette région est bien connu. À la fin décembre, près de 90% de la population se regroupe à l'île de Sable, située à environ 300 km au sud-est de la Nouvelle-Ecosse, et sur les glaces qui se forment dans le détroit de Northumberland pour mettre bas et se reproduire (Stobo et Zwamenburg 1990; Stobo et al. 1990; Lavigueur et Hammill 1993; Goulet et al. 2001). La période de reproduction est asynchrone entre les individus et s'étend de décembre à février (Stobo et Zwamenburg 1990; Baker et al. 1995). Durant cette période, les individus limitent leurs sorties en mer.
8 À la fin de la période de reproduction, les individus quittent le site de mise bas et se dispersent le long du plateau continental néo-écossais, dans le sud du Golfe Saint-Laurent ou remontent vers le bord du Golfe en longeant la côte est de Terre-Neuve (Lavigueur et Hammill 1993; Goulet et al. 1999). Les phoques gris semblent toutefois être absents du nord du Golfe, une région où les températures sont probablement trop froides et les conditions de glace limitent leurs déplacements et donc leur succès de chasse (Lesage et Hammill 2001). Ce mode de vie pélagique est interrompu lors de la période de mue survenant en mai et juin. Les phoques se rassemblent alors à l'île de Sable, ou sur les rives de l'île d'Anticosti, de la Basse Côte-Nord ainsi que le long des côtes du Nouveau-Brunswick ou de la Nouvelle- Ecosse. Ils limitent alors leurs sorties en mer, mangent peu ou jeûnent pendant la presque totalité de cette période (Stobo et Zwamenburg 1990; Stobo et al. 1990; Lavigueur et Hammill 1993; Goulet et al. 2001). C'est autour de ces sites de mue de même que le long des côtes du Nouveau-Brunswick et de la Baie des Chaleurs que les plus importantes concentrations de phoques présentes dans le Golfe et sur le plateau néo-écossais sont observées durant l'été. C'est par ailleurs durant cette période que la population atteint son aire de distribution maximale : les phoques se distribuent alors de l'état de Virginie, situé le long de la côte est américaine, à la pointe la plus nordique du Labrador et de plus en plus d'entre eux remontent le fleuve Saint-Laurent (Lesage et Hammill 2001). Le retour vers les sites de reproduction s'effectue à la fin de l'automne et serait possiblement induit par le départ des proies des aires de distribution estivale et automnale (Lavigueur et Hammill 1993; Goulet et al. 2001). Les phoques gris plongent habituellement à des profondeurs entre 30 et 70 m, et rarement à plus de 200 m (Thompson et al. 1991). La profondeur des habitats qu'ils exploitent excède aussi rarement 200 m (Thompson et al. 1991; Goulet et al. 2001). L'analyse du comportement de plongée a révélé que la répartition saisonnière des phoques gris varie autant sur le plan vertical qu'horizontal (répartition spatiale) alors que le nombre de plongées profondes qu'ils effectuent augmente signifïcativement en hiver (Goulet et al. 2001).
L'analyse des contenus stomacaux et de la fréquence des prises alimentaires obtenue à l'aide d'enregistreurs de température stomacale ont démontré que l'intervalle entre les périodes de prise alimentaire successives semble être irrégulier et peut être espacé de plusieurs jours, ce qui suggère que l'abondance et la distribution des proies limitent . les événements d'alimentation des phoques (Mûrie et Lavigne 1992; Austin et al. 2006). L'effort de prédation des phoques varie de manière plus régulière en fonction des saisons du cycle vital. En période de mue et de reproduction, les phoques jeûnent ou mangent peu (Mûrie et Lavigne 1992; Bowen et al. 1993). Les réserves énergétiques sont donc cruciales pour assurer leur survie durant les périodes de jeûne. L'effort de plongée dans la période précédent la mue (mai-juin) et durant les semaines qui précèdent la reproduction (novembre-décembre) est par ailleurs plus intense qu'en juillet-septembre (Mûrie et Lavigne 1992; Beck et al. 2003a; Beck et al. 2003b). Entre les périodes de mue et de reproduction; les phoques gris sont couramment observés sur les sites de repos puisque les individus y reviennent constamment entre les sorties en mer (McConnell et al. 1999; Sjôberg et Bail 2000). Il a par ailleurs été estimé que les phoques gris passent près de 80% de leur temps à moins de 50 mètres d'un site de repos (Sjôberg et Bail 2000). Le phoque gris est situé dans les niveaux supérieurs des réseaux trophiques marins. L'espèce se nourrit principalement de poissons de fond généralement présents pendant toute l'année ou de poissons pélagiques qui transitent dans son environnement à différents moments de l'année (Mûrie et Lavigne 1992). La morue (Gadus morhua), le lançon {Ammodytes americanus), les poissons plats {Pleuronectidae sp.) et le capelan {Mallotus villosus) sont les espèces les plus consommées par le phoque gris (Benoit et Bowen 1990; Bowen et Harrison 1994; Hammill et Stenson 2000). Néanmoins, le régime alimentaire du phoque gris varie de manière importante selon les changements saisonniers et annuels de l'abondance et de la disponibilité des proies, ainsi que selon les régions exploitées (Benoit et Bowen 1990; Bowen et al. 1993; Hammill et Stenson 2000).
10 Variabilité du comportement du phoque gris entre les sexes Le phoque gris présente un fort dimorphisme sexuel, le mâle adulte étant 1,5 fois plus gros et ayant des besoins énergétiques absolus environ 1,3 fois plus élevés que ceux de la femelle (Mohn et Bowen 1996; Beck et al. 2000; Dussault 2007). Possiblement engendrés par les différences de taille corporelle (McLoughlin et Ferguson 2000), il a été démontré que les mâles avaient des domaines vitaux plus grands que ceux des femelles (Austin et al. 2004). Bien que ceux-ci se chevauchent considérablement au cours de l'été et de l'automne, les sexes occupent des espaces spatialement distincts suite à la reproduction (Breed et al. 2006). Les stratégies d'accumulation des ressources et l'effort de plongée varient aussi différemment entre les sexes en fonction de la période du cycle vital (Beck et al. 2003a; Beck et al. 2003b). Le nombre de plongées quotidiennes des mâles augmente progressivement entre la période de mue et le début de la période de reproduction mais s'intensifie dans les trois mois qui précèdent celle-ci (Beck et al. 2003b). Tout comme les mâles, les femelles intensifient leur effort de plongée entre les mois d'octobre et novembre. Elles démontrent toutefois un effort de plongée important au cours des mois qui séparent la reproduction et la mue (Beck et al. 2003b). Généralement, l'effort de plongée des femelles est supérieur à celui de mâles. Elles passent moins de temps sur les sites de repos, passent aussi plus de temps au fond de la colonne d'eau et elles effectuent des plongées plus longues mais moins profondes que les mâles (Beck et al. 2003b). Les femelles semblent plus sélectives dans le choix de leurs proies, elles consomment une moins grande variété d'espèces que les mâles et, alors que les mâles se nourrissent principalement de poissons de fond à faible contenu énergétique, le régime alimentaire des femelles est majoritairement composée de poissons pélagiques à haute teneur énergétique (Beck et al. 2005; Beck et al. in press). Variabilité comportementale liée à la maturité sexuelle Contrairement aux adultes, le comportement des juvéniles est peu connu. L'étude du comportement de plusieurs espèces de pinnipèdes a cependant démontré que les juvéniles, n'ayant pas les mêmes habiletés à la nage ou les mêmes connaissances de leur milieu que les adultes, présentent des comportements de plongée différents de ceux-ci (Burns 1999; Noren et al. 2005). Sjôberg et Bail (2000) ont observé que les jeunes phoques gris de la mer Baltique semblent avoir des domaines vitaux plus grands que ceux des individus plus âgés. Le régime
11 alimentaire des juvéniles est aussi plus diversifiée que celle des adultes et est vraisemblablement de plus faible teneur énergétique (Beck et al. 2005; Beck et al. in press). Ces différences pourraient possiblement mener à des stratégies d'utilisation d'habitat différentes de celles des adultes. Problématique et objectifs de l'étude Depuis le début des années 60, la population de phoques gris de l'Atlantique Nord-Ouest s'accroît à un rythme exponentiel et le nombre de nouveaux nés augmente de 12,6% annuellement (Stobo et Zwamenburg 1990; Bowen et al. 2003). Estimé à 20 000 individus au début des années 60, le nombre de phoques gris présents dans l'Atlantique Nord-Ouest a été évalué à plus de 200 000 individus en 1997 (Lesage et Hammill 2001; Bowen et al. 2006). Par son abondance, le phoque gris est considéré comme un prédateur important de l'Atlantique Nord-Ouest (Morissette et al. 2006). Bien que le comportement de l'espèce soit en général bien connu, les facteurs qui influencent la distribution spatiale des individus et donc les habitats qu'ils préfèrent sont, quant à eux, méconnus. Ce manque de connaissances empêche notamment d'évaluer avec réalisme la répartition de l'effort de prédation des phoques gris et conséquemment de quantifier avec justesse son impact sur la dynamique des composantes des niveaux trophiques inférieurs (Boyd 1996). Nous avons tenté d'accroître la compréhension des relations entre l'utilisation de l'espace des phoques gris de l'Atlantique Nord-Ouest et les composantes de leur environnement. Nous avions comme objectifs de 1) déterminer la taille des domaines vitaux des phoques gris de l'Atlantique Nord-Ouest, 2) identifier les patrons de répartition des phoques en fonction de la profondeur de l'eau à l'échelle du domaine vital et des composantes du domaine vital et 3) d'examiner la fréquence des plongées en fonction de leur profondeur maximale. Il a été démontré que la bathymétrie influence de manière prépondérante les déplacements des phoques gris autour des sites de repos (Sjôberg et Bail 2000). Nous avons donc émis l'hypothèse générale que la distribution des phoques gris serait reliée à la profondeur de l'eau.
12 Considérant la dépendance des phoques pour les sites de repos et la faible profondeur des plongées réalisées par les phoques gris, nous avons prédit que les phoques gris seraient concentrés dans les habitats peu profonds. Considérant les variations intraspécifiques du comportement et de la distribution des individus de la population à l'étude et ce qui est communément observé chez les espèces sexuellement dimorphiques, nous nous attendions à ce que l'espace utilisé par les phoques et l'utilisation qu'ils font des habitats profonds augmente en hiver et soit plus grande pour les mâles que les femelles. Le comportement des jeunes phoques gris est relativement peu connu. Chez la population de phoques gris de la mer Baltique, il a toutefois été observé que les individus moins expérimentés concentraient leur effort de chasse dans des régions plus grandes et de taille plus variable que les individus plus expérimentés (Sjôberg et Bail 2000). Aussi, dû à leur taille plus petite, les juvéniles ont un métabolisme plus élevé et ont une moins grande capacité à emmagasiner des réserves d'oxygène que les adultes (Lapierre et al. 2004; Greaves et al. 2005; Noren et al. 2005) ce qui, chez plusieurs espèces, limitent la profondeur et la durée des plongées qu'ils effectuent (Hammill 1993; Merrick et Loughlin 1997; Lesage et al. 1999; Pitcher et al. 2005). En s'appuyant sur ces observations, nous avons émis la prédiction que les jeunes phoques gris exploiteraient des zones plus grandes mais sélectionneraient moins les habitats profonds que les adultes. Méthodologie Entre 1993 et 2005, 59 phoques gris ont été capturés à proximité de différents sites d'échouerie, soit des sites de repos où les phoques gris reviennent constamment entre les voyages en mer dans le Golfe et l'estuaire maritime du Saint-Laurent (Figure 1). Les captures ont été réalisées à différents moments de l'année, soit suite à la mue en juin, durant l'automne et sur les sites de reproduction en janvier. Le sexe des phoques capturés a été déterminé et une incisive a été prélevée afin de pouvoir déterminer l'âge (Bernt et al. 1996). Étant donné que l'âge à la première reproduction est estimé à 5,6 ans pour les femelles et l'âge à la maturité sexuelle à 5,5 ans pour les mâles, tous les individus de 5 ans et moins ont été considérés comme des juvéniles et ceux de 6 ans et plus comme des adultes (Hammill et Gosselin 1995).
13 Un émetteur satellite ARGOS a été collé derrière le lobe occipital de chaque individu. En plus de permettre aux satellites de localiser les individus, ces émetteurs, munis d'un enregistreur de temps et de profondeur, enregistraient le nombre de plongées, la durée des plongées et le temps passé à différentes classes de profondeur et à la surface de l'eau par période de 6 heures. Une des principales limites liée à l'utilisation d'émetteurs satellites ARGOS réside dans l'incertitude des localisations obtenues. La précision des localisations est généralement évaluée entre 150 m et 1 km selon le nombre de transmissions émises par l'émetteur et reçues par le satellite au cours d'un passage (Argos 1989). Plusieurs études ont cependant démontré que l'erreur associée aux localisations obtenues pouvait être beaucoup plus importante que celle prédite par le système ARGOS (Stewart et al. 1989; White et Garrot 1990; McConnell et al. 1992; Goulet et al. 1999). Afin d'accroître la précision des patrons de déplacement des individus suivis, nous avons éliminé les positions improbables en se basant sur la vitesse de nage moyenne des phoques gris et la distance et le temps entre les localisations successives suivant la méthode de Austin et al. (2003). Estimation de la taille des domaines vitaux La migration automnale de l'aire de distribution estivale vers les sites de reproduction est généralement rapide et dirigée (Goulet et al. 2001). En analysant visuellement les patrons de distribution des phoques, il nous a d'abord été possible d'identifier cette migration. La période précédent cette migration a été considérée comme la saison estivale et la période comprise entre le jour suivant la fin de la migration automnale et la fin du suivi a été identifiée comme la période d'hiver. En utilisant les localisations obtenues pour chacune des périodes d'été et d'hiver, nous avons ensuite élaboré les domaines vitaux saisonniers pour chacun des individus. Un modèle linéaire mixte a par la suite permis de déterminer si la taille des domaines vitaux variait en fonction de la saison, du sexe et de la maturité sexuelle des individus.
14 Sélection de l'habitat en fonction de la bathymétrie Le deuxième objectif de l'étude visait à identifier les patrons de répartition des phoques en fonction de la profondeur de l'eau. Nous avons comparé l'utilisation de 4 classes de 50° 48° Site de capture Classe de profondeur H • 0-50 m 1100-200 m >20Ô m : : : 44° 42" 42° Figure 1. Aire d'étude et bathymétrie du Golfe et de l'estuaire maritime du Saint-Laurent et du plateau néo-écossais. profondeur, soit 0-50 m, 50-100 m, 100-200 m et 200 m et plus, par les phoques gris à leur disponibilité déterminée à l'aide de cartes bathymétriques. Les ratios obtenus ont par la suite été standardisés en divisant chacun des ratios par la somme de l'ensemble des ratios obtenus pour un même individu (Manly et al. 2002). Ces analyses ont d'abord été effectuées à l'échelle du domaine vital où la proportion occupée par chacune de ces classes de profondeur à
15 du domaine vital où la proportion occupée par chacune de ces classes de profondeur à l'intérieur de chacun des domaines vitaux a été comparée à la proportion de chacune de ces classes de profondeur dans l'aire d'étude. Les analyses de sélection d'habitat ont par la suite été réalisées à un niveau plus fin d'analyse, soit à l'intérieur du domaine vital. À cette échelle, la profondeur associée à chacune des localisations obtenues pour un individu a été comparée à la proportion occupée par chacune des classes de profondeur à l'intérieur du domaine vital. Une analyse multivariée des ratios standardisés a par la suite permis de comparer les patrons de sélection en fonction des saisons, de l'âge et du sexe des individus. Utilisation verticale de l'habitat Afin d'évaluer si les patrons de sélection horizontaux et les déplacements verticaux des individus coïncidaient, les profondeurs maximales des plongées obtenues par les émetteurs ont été analysées. Nous avons tout d'abord déterminé la proportion de plongées dont la profondeur maximale se situait dans chacune des classes de profondeur utilisées pour les analyses de sélection d'habitat sur le plan horizontal. Une analyse multivariée a par la suite permis d'évaluer si les fréquences de plongées observées dans chacune des classes de profondeur différaient en fonction de la saison, du sexe et de l'âge de l'animal. Le chapitre qui suit présente le détail des analyses statistiques effectuées et l'ensemble des résultats que nous avons obtenus. La signification des patrons de répartition et d'utilisation de l'espace observés y est par la suite discutée en tentant,d'intégrer les connaissances biologiques et écologiques propres aux pinnipèdes. La conclusion générale de ce mémoire résume les résultats obtenus, rappelle les principaux points de la discussion et les interprète dans un contexte écologique. Des avenues des recherches y sont aussi proposées.
CHAPITRE 1. SPACE USE BY GREY SEALS IN ATLANTIC CANADA VALÉRIE HARVEY, STEEVE D. CÔTÉ AND MIKE O. HAMMILL Valérie Harvey Département de biologie & Centre d'études nordiques, Université Laval, Québec, PQ, G1K 7P4, Canada Steeve D. Côté Département de biologie & Centre d'études nordiques, Université Laval, Québec, PQ, G1K 7P4, Canada Mike O. Hammill Department of Fisheries and Océans, Maurice Lamontagne Institute, 850 Route de la Mer, P.O. Box 1000, Mont Joli, QC Q5H 3R4, Canada.
17 Résumé La disponibilité des ressources et les besoins individuels influencent la distribution des individus à différentes échelles spatiales et temporelles. Nous avons 1) déterminé la taille des domaines vitaux saisonniers des phoques gris de l'Atlantique Nord-Ouest, 2) testé l'influence de la profondeur de l'eau sur l'utilisation de l'espace des phoques, et 3) examiné la répartition verticale des phoques en fonction de la profondeur maximale de leurs plongées. Entre 1993 et 2005, 49 phoques gris ont été munis d'un émetteur satellite à différents endroits du Golfe du Saint-Laurent. Nous avons estimé la taille des domaines vitaux saisonniers individuels par la méthode des Kernels à 95%. Pour chaque phoque, la sélectivité et la préférence pour 4 classes de profondeur à l'échelle du domaine vital et à l'intérieur du domaine vital ont été testées en comparant l'utilisation de chacune de ces classes à leur disponibilité. La proportion du nombre de plongées effectuées à chacune de ces profondeurs a aussi été évaluée. Les domaines vitaux étaient beaucoup plus grands en hiver (x ± é-t - 91 000 ± 24 000 km2) qu'en été (9 000 ± 2 000 km2). Les phoques préféraient généralement les habitats de moins de 50 m et la profondeur de la majorité des plongées qu'ils effectuent est de moins de 40 m. Aux deux échelles d'analyse, l'utilisation des habitats de moins de 50 m diminuait en hiver. Les adultes utilisaient davantage les habitats peu profonds que les juvéniles. Une ségrégation spatiale des sexes a aussi été observée puisque les femelles étaient plus concentrées dans les parties peu profondes de leurs domaines vitaux que les mâles. Des différences similaires ont aussi été observées dans la fréquence des plongées effectuées dans chacune des classes de profondeur.
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