Bilan LOTI de l'électrification de Paris Cherbourg - Rapport
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Mai 2009 Ligne à voie unique électrifiée Lisieux Trouville - Deauville(14) Bilan LOTI de l'électrification de Paris Cherbourg Rapport
SOMMAIRE Résumé et conclusions................................................................................................ 5 1 Introduction.......................................................................................................... 13 2 Historique du projet............................................................................................. 15 2.1 Rappel des principales étapes........................................................................ 15 2.2 Les objectifs du projet..................................................................................... 19 2.3 Les points sensibles du projet ........................................................................ 20 3 Description de l’opération lors de la décision de lancement .......................... 22 3.1 Principales caractéristiques physiques du projet ............................................ 23 3.2 Le trafic et les recettes ................................................................................... 28 3.3 Le report modal .............................................................................................. 29 3.4 Les coûts ........................................................................................................ 29 3.5 La rentabilité économique (pour la SNCF) ..................................................... 33 3.6 La rentabilité socio-économique (pour la collectivité) ..................................... 34 4 Les conditions de réalisation du projet ............................................................. 36 4.1 Les évolutions du projet après le DAM ........................................................... 36 4.2 Le délai de réalisation de l’infrastructure ........................................................ 36 5 Analyse des écarts .............................................................................................. 37 5.1 La mise en place de l’offre.............................................................................. 37 5.2 La réponse de la demande............................................................................. 47 5.3 L’impact sur l’environnement .......................................................................... 57 5.4 Développement économique et aménagement du territoire ........................... 58 5.5 Les bilans économiques pour la SNCF et pour la collectivité ......................... 69 6 Remarques méthodologiques ............................................................................ 72 Annexe : principaux éléments chiffrés du bilan ...................................................... 77 3/79
Résumé et conclusions L’électrification de la ligne Paris Caen Cherbourg et de son antenne Lisieux Trouville est une opération d’aménagement du territoire demandée par la Région de Basse Normandie dès le début des années 1980 pour améliorer les dessertes ferroviaires sur un axe d’intérêt national en profitant du remplacement des turbotrains mis en place avant la première crise pétrolière de 1973 et pour rendre possible la circulation de rames TGV.1 La décision de réaliser cette électrification a été prise par les pouvoirs publics dans la deuxième génération des Contrats de Plan Etat Régions (Xè Plan 1989 1993) et dans le Contrat de plan Etat SNCF 1990 1994. L’opération n’étant pas rentable financièrement, l’Etat et la Région de Basse Normandie ont décidé de participer au financement par une subvention équivalente pour chacun à 65 M€2004 2 (soit au total un peu plus de 40% de l’investissement), afin de ne pas dégrader les comptes de la SNCF. L’électrification en courant industriel ordinaire 25 kV – 50Hz monophasé3 concernait environ 314 km de double voie entre Mantes et Cherbourg (Paris Mantes était électrifié depuis 1966 avec Paris Le Havre) ainsi que l’antenne à double voie de 29 km se débranchant à Lisieux pour desservir Trouville. Elle s’accompagnait d’autres travaux connexes de modernisation et d’adaptation de la voie et des installations de sécurité pour tirer parti de l’investissement et éviter des travaux importants et onéreux sur les équipements anciens. L’opération avait pour objectif principal de raccourcir les temps de parcours et d’accroître les fréquences des trains Paris Cherbourg et Paris Trouville pour l’image et la compétitivité de la Région de Basse Normandie. Les turbotrains (rames ETG puis RTG4) avaient déjà apporté au début des années 1970 une amélioration décisive des dessertes avec un meilleur confort grâce à des vitesses supérieures de 10 à 15 km/h aux rames tractées. Leurs caractéristiques techniques de forte puissance massique (turbines de conception aéronautique), de légèreté, de faible charge par essieu et d’agressivité minimale pour la voie les autorisaient à circuler à 160 1 Le réseau des LGV commençait à se mettre en place avec l’inauguration de la LGV Paris – Lyon le 22 septembre ère 1981 (1 étape) et le lancement, à cette occasion, d’un nouveau projet, la LGV Atlantique, desservant l’Ouest et le Sud-Ouest de la France. 2 Le déflateur utilisé est l’indice des prix du PIB. L’année 2004 a été retenue pour permettre les comparaisons avec l’électrification de la Bretagne (RFF Juin 2008) et l’aménagement de Paris Granville. 3 Cette technique a supplanté en France le courant continu 1 500V depuis le milieu des années 1950 pour l’électrification du Nord et de l’Est de la France, puis de la Côte d’Azur et de l’Ouest, car elle est beaucoup moins chère. Elle est utilisée en France pour toutes les LGV. La tension électrique employée est 2x25 kV 50 périodes. 4 ETG élément à turbine à gaz (mixte turbine et moteur Diesel), RTG rame à turbine à gaz 5/79
km/h là où les trains classiques étaient limités à 140, voire à 130 km/h. Le vif succès rencontré à l’époque par ce service interurbain à fréquence élevée a ouvert la voie aux futurs TGV. Mais les turbotrains très gourmands en énergie étaient victimes de la hausse des prix du pétrole. Par ailleurs, ils commençaient à vieillir et surtout leur capacité limitée entraînait leur remplacement systématique les fins de semaine par des trains classiques plus lents. Les gains de temps des usagers pour favoriser le développement économique de la Région (et marginalement les gains de sécurité des voyageurs reportés de l’automobile) constituaient l’objectif annoncé. En revanche, les avantages relatifs à l’environnement (réduction de la pollution de l’air et des émissions de gaz à effet de serre) n’étaient pas mis en avant à l’époque. Les lignes étant déjà existantes, la procédure d’enquête d’utilité publique n’était pas nécessaire, mais le projet d’électrification a été approuvé en juin 1991 par le ministre chargé des Transports (dossier d'approbation ministérielle DAM), conformément au cahier des charges de la SNCF qui prévoyait en outre une évaluation de la rentabilité sociale des opérations. Les travaux ont été engagés en 1989, en commençant par les suppressions de passages à niveau et les rectifications de tracé, lesquels constituent un préalable aux travaux d’électrification proprement dits, et la mise en service a lieu en juin 1996. Le relèvement de vitesse à 200 km/h sur certains tronçons est réalisé un peu plus tard en décembre 1996. Le bilan réalisé est différentiel, ce qui permet de rendre compte des impacts nets. Chaque projet réalisé doit être normalement dans la situation de référence (en l’absence de projet) des suivants. La situation de référence a priori et a posteriori, en l’absence de perspective d’électrification, retient la généralisation de rames tractées par des locomotives Diesel puissantes dans le but, d’une part, de maintenir les caractéristiques des dessertes voyageurs Grandes Lignes assurées par les turbotrains (RTG) dont la radiation était prévue avant 2000 et d’autre part d’améliorer les dessertes des pointes des fins de semaine faites essentiellement par des rames en traction Diesel faute de capacité suffisante des RTG. La situation de référence comprend également divers travaux d’investissements pour moderniser certaines installations de signalisation et de télécommunications, ainsi que des rénovations et confortements de tunnels (qui devaient de toutes façons être réalisés) et des travaux de voies strictement nécessaires pour permettre la généralisation de rames tractées par les locomotives Diesel à 160 km/h, qui ne sont pas au compte du projet. La desserte fret est supposée inchangée en situation de référence comme en situation de projet. Elle est réduite et en diminution. Le périmètre du bilan exclut les suppressions des passages à niveau qui ont été réalisées à cette occasion avec la participation financière des collectivités locales pour améliorer la sécurité et la circulation routière, ainsi que les relèvements de vitesse à 200 km/h sur 90 km environ5 demandés et financés par la Région. Le coût de l’électrification s’élève à 337 M€2004 dont 25 M€2004 pour Lisieux Trouville. La modernisation des installations de sécurité représente près de 30% de ces investissements en infrastructure. Les coûts réels ont augmenté d’environ 10% par rapport au budget initial par suite de l’omission d’éléments de programme lors de la préparation du projet. 5 Bernay Lisieux (26,0 km), Mesnil-Mauger Caen (33,6 km), Carentan Valognes (29,4 km). 6/79
Paris Paris Cherbourg / M€2004 Cherbourg / Trouville Trouville Approbation Coût réel ministérielle Electrification, 234 239 voie et ouvrages d’art Installations de 71 98 sécurité Total 305 337 (+10,5%) Source : SNCF L’électrification a été l’occasion de réaliser les suppressions de passages à niveau et les relèvements de vitesse à 200 km/h demandés et financés à 95% par les collectivités territoriales. En définitive, le coût total de l’opération de modernisation est donc de 474 M€2004. Elle a été subventionnée à 55% par l’Etat et les collectivités territoriales. Opérations Coût Subventions d'investissement M€2004 M€2004 Electrification et investissements connexes 337 130 Suppression des PN 65 62 Relèvement de vitesse à 200 km/h 72 69 Total 474 261 Source : SNCF Les délais ont été dépassés d’un an. Les travaux ont duré 7 ans de1989 à 1996. Les besoins en matériel roulant pour assurer le trafic des voyageurs en trains classiques diminuent de 18 locomotives du fait de l’électrification. Ceci met en évidence la meilleure productivité des locomotives électriques par rapport aux engins Diesel. De plus, le parc Diesel structurellement surabondant du fait de l’insuffisance de capacité offerte par les rames RTG et donc de l’obligation de gérer un deuxième parc d’appoint pour faire face aux pointes hebdomadaires accroît encore le gain de productivité imputable à l’électrification. L’économie d’investissement en locomotives est ainsi estimée a posteriori à 67 M€2004, au lieu de 45 M€2004 dans le dossier d’approbation ministérielle (économie de 18 locomotives au lieu de 12). Il n’y a pas d’investissement éludé en infrastructures (les divers travaux de modernisation qui devaient de toutes façons être réalisés et le coût des relèvements de vitesse à 160 km/h sont dans la situation de référence), ni en voitures Corail. Les objectifs d’amélioration de la qualité de service ont été globalement respectés. Les gains de temps sont légèrement supérieurs à ce qui était attendu compte tenu du relèvement de vitesse à 200 km/h6, sauf sur Paris Trouville où la vitesse est limitée à 140 km/h après Lisieux et où le nombre d’arrêts a pu augmenter. L’électrification a permis comme prévu un gain de temps (meilleurs temps) d’environ 20 minutes entre Paris et Caen et de 40 minutes entre Paris et Cherbourg. 6 Avec les relèvements de vitesse à 200 km/h, le gain de temps supplémentaire est seulement de 2 minutes sur Paris Caen et de 4 mn sur Paris Granville. 7/79
Meilleurs temps 1988 Hiver Situation Situation Gains* Gains* 1993/1994 projet Projet de temps de temps DAM Ex post DAM Ex post RTG Rame Hiver tractée 1996/1997 Paris Evreux 0h54 1h06 0h55 0h52 0h54 0h03 0h01 Paris Caen 1h52 2h11 2h07 1h46 1h44 0h21 0h23 Paris Cherbourg 3h08 3h40 3h25 2h46 2h42 0h39 0h43 Paris Trouville 1h46 2h12 2h14 1h40 1h58 0h34 0h16 *Sans compter l’accélération des rames tractées de la pointe hebdomadaire Source SNCF La fréquence des dessertes est restée identique au moment de la mise en service comme prévu, compte tenu du niveau modeste du trafic nouveau et de la capacité accrue des convois. Elle a augmenté en décembre 2008 d’un aller et retour Paris Caen supplémentaire avec le cadencement des horaires (dessertes répétitives) mis en place à la demande de la Région. La ponctualité (% de trains de Grandes Lignes arrivant avec moins de 5 minutes de retard) s’est détériorée en passant de 90,4% en 2004 à 81,8% en 2008. L’augmentation des retards est due surtout à l’accès à Paris compte tenu des problèmes de capacité sur la section très chargée avec le trafic de banlieue Paris Saint Lazare et Mantes (sections de lignes à 2 voies seulement). Cette dégradation de la qualité de service est mal vécue par les voyageurs. Elle a été aggravée par des grèves en 2008 et 2009. Le cadencement des horaires a pu être un facteur aggravant des perturbations (temps de demi-tour plus réduits7 aux terminus). Le différentiel de coûts d’exploitation du transporteur est sensible aux prix relatifs de l’électricité et du gazole. Mais ces derniers présentent une grande variabilité et sont très difficiles à prévoir. Par prudence, la période d’étude s’arrête à l'horizon 2016 après 20 ans d’exploitation et des analyses de sensibilité ont été réalisées. Elles montrent que le TRI économique baisse d’un demi-point si on annule les économies liées au poste énergie (estimées a posteriori à 35 M€2004 (non actualisés) sur tout la période). Par ailleurs, les surcoûts d'entretien des installations électriques sont estimés à environ 1,5 M€2004 par an. Ces surcoûts sont compensés par des économies d’entretien à la fois sur le matériel roulant (économies de locomotives Diesel, ces dernières étant plus chères à entretenir) et sur la voie (mise à voie unique de la ligne Lisieux Trouville Deauville.). Le personnel des gares diminue également (fusion de postes d’aiguillages et blocks automatiques8). Au total, sans compter le poste énergie, les économies d’entretien et de personnel sur la période de 20 ans du bilan sont évaluées a posteriori à 162 M€20049. En 2007, le trafic de l’axe Paris Cherbourg (Ile de France / Evreux et au-delà) s’est élevé à 3,6 millions de voyageurs. Il est très proche (+1,1%) des prévisions réalisées à la fin des années 1980 pour le dossier d’approbation ministérielle. Les effets de l'opération apparaissent clairement après 1996, même si la totalité de la croissance constatée ne doit pas être attribuée 7 Ou « crochets courts » 8 Systèmes permettant de régler automatiquement l’espacement des trains. 9 Certaines hypothèses faites ex ante (économies de personnel et de coûts d’entretien de la voie et des locomotives) ont été conservées faute d’informations suffisantes des archives des années 1985 (évaluation a priori) ou 1995 (évaluation a posteriori). 8/79
à l’électrification (Le trafic se développe aussi dans la situation de référence reconstituée a posteriori). Il n’y a pas de trafic détourné de l’avion car la concurrence aérienne est négligeable. On ne dispose pas d'information pour distinguer dans le trafic nouveau le trafic détourné de la route du trafic induit par l'accroissement de la mobilité. Electrification de Paris Cherbourg Trafic IDF vers Cherbourg 4,0 3,6 3,6 3,5 3,5 3,4 3,2 3,2 3,3 3,2 3,1 3,0 3,0 3,0 3,0 2,9 2,9 2,8 2,7 2,7 2,6 Millions de voyageurs 2,5 2,5 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 Source : SNCF Direction du Développement Le tableau ci-dessous synthétise les principaux chiffres a priori et a posteriori, en référence et avec électrification, en année pleine (année de mise en service) et en 2007. Trafic de Trafic de Trafic en Trafic réel Gain de trafic Gain de référence référence situation avec (approbation trafic réel (approbation (estimé a électrification électrification ministérielle) ministérielle) posteriori) (approbation ministérielle) IDF vers Cherbourg 3,146 2,723 3,231 2,872 0,085 0,149 Année pleine (1 (1997) IDF vers Cherbourg 3,475 3,048 3,569 3,607 0,094 0,559 (2007) Source : SNCF Calculs RFF (Millions de voyageurs) Les produits moyens ferroviaires (ou recettes moyennes au voyageur-km) n'augmentent pas a posteriori du fait de l'électrification, conformément aux prévisions. Ils restent quasiment stables (en monnaie constante) après l’électrification de 1996 à 2007. Le supplément annuel de recettes d’exploitation de la prévision (année pleine) du dossier d’approbation ministérielle était de 1,8 M€2004. Les recettes supplémentaires a posteriori sont déterminées en calculant les recettes en situation de projet et en situation de référence à partir des trafics et des produits moyens. On obtient la première année 2,6 M€2004. Les recettes supplémentaires sont supérieures aux prévisions comme le sont les gains de trafics. 9/79
En matière d’environnement, les impacts semblent avoir été globalement maîtrisés. Ils interviennent surtout au moment des travaux et sont limités car les opérations d'électrification ont été réalisées sur les plateformes des lignes ferroviaires existantes. La loi n°76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (articles L122-1 et L122-3 du code de l'environnement) et son décret n°77-1141 du 12 octobre 1977 dispensent d'étude d'impact les travaux d'électrification de voies ferrées. Par ailleurs, les électrifications ont des effets positifs sur l'environnement : pollution des locomotives Diesel évitée, report sur le chemin de fer de trafics aériens et routiers et diminution de la pollution et des émissions de CO2 (estimée à un peu moins de 10 000 tonnes de CO2 en année pleine). L’électrification de Paris Cherbourg est une opération d’aménagement du territoire qui répond au besoin de la Région de Basse Normandie d’avoir grâce à cette grande ligne radiale un lien ferroviaire avec Paris et les réseaux de transport internationaux. Cependant, elle n’a pas entraîné une amélioration radicale de l’offre ferroviaire comme l’avaient fait les turbotrains dans les années 1970, ou la suppression des correspondances comme dans le cas de lignes en prolongement des LGV dont l’électrification de la Bretagne est un bon exemple.10 Il est difficile de mesurer précisément les effets spécifiques de cette seule opération d’électrification sur le développement économique régional. Les entretiens menés pour ce bilan avec les acteurs locaux montrent que l’opération est davantage perçue comme une remise à niveau de l’infrastructure et qu’elle n’a pas modifié sensiblement le choix entre l’automobile et le train. La ligne Paris Cherbourg, même électrifiée, souffre d’une image négative due aux retards (pannes, mouvements sociaux, encombrement à proximité de Paris) et aux temps de parcours jugés trop longs. Face à cette situation et aux demandes des élus régionaux, l’Etat va poursuivre cette politique d’aménagement du territoire et a présenté en avril 2009 un grand plan d’amélioration de la desserte ferroviaire en Basse Normandie. Il porte sur la construction de tronçons de lignes nouvelles qui permettraient de relier Paris à Caen en 1h30 et à Cherbourg en 2h30 à l’horizon 2020 2025, soit un gain de temps de près de 20 minutes. Ce plan reprend les objectifs du projet LRNVS (Liaison rapide Normandie Val de Seine) qui fait a suite au projet de LGV Normandie de 199211 abandonné par suite d’un trafic insuffisant. La rentabilité économique pour la SNCF recalculée sur la base des données disponibles à ce jour et des seuls capitaux investis par l’établissement est la suivante : A posteriori Dossier d’approbation ministérielle TRI économique 9,4% 8,0% (Taux réels hors inflation) Les évaluations a priori et a posteriori portent sur une période d’exploitation de 20 ans avec prise en compte de valeurs résiduelles pour les investissements dont la durée de vie est supérieure. La rentabilité économique a posteriori de la SNCF (opérateur intégré) est de 9,4 %12, avec les subventions de l'Etat de la Région de Basse Normandie (contre 8% prévus par construction13). L’écart s’explique pour l’essentiel par les gains de trafics et les recettes nouvelles plus importantes que prévu. 10 Voir le bilan LOTI de l’électrification de la Bretagne. RFF Juin 2008 11 LGV de 169 km à deux branches Rouen Caen/Paris 12 Hors subvention 3,1% a posteriori et 2,1% a priori. 13 Le taux d’actualisation du Plan à l’époque des études (8% depuis fin 1985) était pris comme coût de la ressource financière de la SNCF (avec la prime de risque). 10/79
A l'époque les taux réels à long terme étaient élevés, entre 6 et 8% (8 à 10% en nominal de 1985 à 1993 avec une inflation tendant vers 2%). La rentabilité économique avérée de 9,4% pour la SNCF (avec subvention) est un peu supérieure au coût de la ressource financière pour le début de période, et encore davantage ensuite puisque les taux du crédit pour les refinancements ont baissé de manière quasiment continue. La rentabilité socio-économique pour la collectivité est la suivante. A posteriori Dossier d’approbation ministérielle TRI socio économique 8,7% 3,4% La rentabilité pour la collectivité de l’électrification de l’axe Paris Cherbourg est a posteriori de 8,7%. Elle est au-dessus des prévisions (3,4%), car le TRI économique est supérieur. Mais ce résultat ne tient pas compte des retards des trains qui sont constatés et bénéficie en outre des quelques minutes gagnées grâce aux relèvements de vitesse à 200 km/h hors projet. Une étude de sensibilité montre que si on allongeait tous les temps de parcours de 10 minutes le TRI socio économique diminuerait à 7,0 %. Cette hypothèse pessimiste permet de conclure que le TRI est de l’ordre du taux minimum de rentabilité collective fixé à 8 % après 1985 par l'ex Commissariat Général du Plan pour les investissements publics au moment du bilan a priori. A la différence des électrifications en prolongement des dessertes TGV, il n’y a pas d’avantage supplémentaire lié aux correspondances évitées. L’opération peut être considérée comme rentable pour la collectivité. Pour conclure, la justification économique de l'électrification de Paris Cherbourg réside essentiellement dans la réduction des temps de parcours et dans les gains d’accessibilité pour désenclaver la Basse Normandie. Le projet visait à répondre à la demande de la Région d’un lien ferroviaire modernisé et rapide de ses principales agglomérations avec Paris (Roissy notamment). 11/79
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1 Introduction Ce rapport constitue le bilan a posteriori (bilan LOTI) de l'électrification de Paris – Cherbourg. Il a été établi sous la responsabilité de Réseau Ferré de France conformément à l’article 14 de la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) du 30 décembre 1982 qui prévoit que les grandes opérations d’infrastructures réalisées avec le concours de financements publics doivent faire l’objet d’un bilan des résultats économiques et sociaux, qui est rendu public. L'opération ayant été réalisée avant la création de RFF en 1997, la SNCF, maître d'ouvrage à l'époque (construction et exploitation), a fourni l’essentiel des données nécessaires. Elle doit être remerciée pour son importante contribution à ce rapport. En application de ces dispositions, le bilan de l'électrification de Paris - Cherbourg a été lancé en octobre 2008 en même temps que celui de l'aménagement de la ligne Paris – Granville car ces deux opérations concernent la Région de Basse Normandie et sont proches dans le temps (mises en service respectivement en 1996 et en 1999). Les travaux ont été réalisés par la direction de l’Audit de RFF avec l’appui du prestataire extérieur Egis Mobilité, sous l’égide d’un comité de pilotage composé de l’administration de tutelle (Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer, CGEDD ex CGPC), de RFF et de la SNCF. En outre, un comité scientifique a été mis en place par RFF pour veiller à la rigueur de la méthodologie utilisée. Les informations proviennent : • des documents disponibles concernant la préparation du projet et la situation ex ante, en particulier : - rapport du CGPC de mars 1988 sur l’électrification de la ligne Mantes Caen Cherbourg (rapport de M. Josse) - notes aux membres du Conseil d'administration de la SNCF, - dossier d'approbation ministérielle, - lettre d'approbation du ministre chargé des Transports (juin 1991) ; • des données a posteriori et des notes fournies par la SNCF (SNCF Proximités et SNCF VFE14) et par RFF. Un bilan LOTI est une évaluation de politique publique qui mesure les écarts entre la réalité constatée et les objectifs de départ et qui vise à en tirer les enseignements. Pour les LGV, le dossier utilisé dans les bilans LOTI pour l’évaluation initiale est le dossier d’enquête publique, qui a servi à l’information des citoyens et a fondé la décision publique. Comme les électrifications ne donnent pas lieu à enquêtes publiques, c’est le dossier d’approbation ministérielle (DAM), constituant la décision de lancement, qui a été utilisé comme référentiel. Ce bilan LOTI reprend, comme il est prévu, l’ensemble des rubriques figurant dans l’évaluation initiale et mesure les écarts avec la réalité constatée. 14 L’activité Grandes Lignes de la SNCF s’est scindée en 2005 en deux entités VFE (TGV et grandes radiales) et TIR (Trains interrégionaux). En 2006, cette dernière est devenue Corail Intercités, de la branche SNCF Proximités (avec Transilien et TER) et compte Paris Cherbourg et Paris Granville dans son portefeuille de relations. Selon la SNCF, Paris Cherbourg (Grandes lignes) est bénéficiaire d’une dizaine de millions d’€ par an alors que Paris Granville est déficitaire. 13/79
Il est réalisé pour la SNCF supposée encore intégrée comme dans les dossiers ex ante et ne distingue pas le transporteur et le gestionnaire d’infrastructure. Le rapport comprend deux grandes parties. Dans la première, des chapitres 1 à 4, un historique couvre les réflexions, les études antérieures et l’analyse des documents de base. Il donne les principales étapes, les objectifs de l’opération et les points sensibles (chapitre 2). La description du projet lors de la décision de lancement passe en revue les principales caractéristiques physiques, les prévisions de trafics, de recettes et de coûts d’investissement et d’exploitation. Elle rappelle aussi la rentabilité économique (pour la SNCF opérateur intégré) et pour la collectivité qui avaient été annoncées a priori (chapitre 3). Les conditions de réalisation du projet terminent cette partie avec les évolutions après l'approbation ministérielle et les délais (chapitre 4). La seconde partie constituée des chapitres 5 et 6 fait le constat des écarts et de leurs conséquences en ce qui concerne la mise en place de l’offre, la réponse de la demande, l’impact sur l’environnement, le développement économique, l’aménagement du territoire et la rentabilité pour la SNCF et pour la collectivité (chapitre 5). Elle se termine par des remarques méthodologiques (chapitre 6). L’annexe rappelle dans une série de tableaux synthétiques les principaux éléments chiffrés du bilan. Un dossier technique séparé a été établi avec les documents détaillés et les notes de méthodologie ou de calcul. 14/79
2 Historique du projet 2.1 Rappel des principales étapes L’électrification de la ligne Paris Caen Cherbourg et de son antenne Lisieux Trouville est une opération d’aménagement du territoire demandée par la Région de Basse Normandie dès le début des années 1980 pour améliorer les dessertes ferroviaires sur un axe d’intérêt national en profitant du remplacement des turbotrains mis en place avant la première crise pétrolière de 1973 et pour rendre possible la circulation de rames TGV.15 L’électrification en courant industriel ordinaire 25 kV – 50Hz monophasé16 concernait environ 314 km de double voie entre Mantes et Cherbourg (Paris Mantes était électrifié depuis 1966 avec Paris Le Havre) ainsi que l’antenne à double voie de 29 km se débranchant à Lisieux pour desservir Trouville. Elle s’accompagnait d’autres travaux connexes de modernisation et d’adaptation de la voie et des installations de sécurité pour tirer parti de l’investissement et éviter des travaux importants et onéreux sur les équipements anciens. L’opération avait pour objectif principal de raccourcir les temps de parcours et d’accroître les fréquences des trains Paris Cherbourg et Paris Trouville pour l’image et la compétitivité de la Région de Basse Normandie. Les turbotrains (rames ETG puis RTG17) avaient déjà apporté au début des années 1970 une amélioration décisive des dessertes avec un meilleur confort grâce à des vitesses supérieures de 10 à 15 km/h aux rames tractées. Leurs caractéristiques techniques de forte puissance massique (turbines de conception aéronautique), de légèreté, de faible charge par essieu et d’agressivité minimale pour la voie les autorisait à circuler à 160 km/h là où les trains classiques étaient limités à 140, voire à 130 km/h. Mais les turbotrains très gourmands en énergie étaient victimes de la hausse des prix du pétrole. 15 Le réseau des LGV commençait à se mettre en place avec l’inauguration de la LGV Paris – Lyon le 22 septembre ère 1981 (1 étape) et le lancement, à cette occasion, d’un nouveau projet, la LGV Atlantique, desservant l’Ouest et le Sud-Ouest de la France. 16 Cette technique a supplanté en France le courant continu 1 500V depuis le milieu des années 1950 pour l’électrification du Nord et de l’Est de la France, puis de la Côte d’Azur et de l’Ouest, car elle est beaucoup moins chère. Elle est utilisée en France pour toutes les LGV. La tension électrique employée est 2x25 kV 50 périodes. 17 ETG élément à turbine à gaz (mixte turbine et moteur Diesel), RTG rame à turbine à gaz 15/79
Evolution des prix du pétrole brut ($ par baril) Source : OCDE Par ailleurs, ils commençaient à vieillir et surtout leur capacité limitée entraînait leur remplacement systématique les fins de semaine par des trains classiques plus lents. Les gains de temps des usagers pour favoriser le développement économique de la Région (et marginalement les gains de sécurité des voyageurs reportés de l’automobile) constituaient l’objectif annoncé. En revanche, les avantages relatifs à l’environnement (réduction de la pollution de l’air et des émissions de gaz à effet de serre). Les perspectives de trafic ne permettant pas à l’opération d’être rentable financièrement, le contrat de Plan Etat SNCF 1985 1989 prévoyait dans son article 28 que l’Etat et les collectivités territoriales apportent un concours financier, afin de ne pas dégrader les comptes de la SNCF. Fin décembre 1987, le ministre chargé des transports demande à M. Paul Josse, ingénieur général des Ponts et Chaussées, « d’étudier les conditions de réalisation de l’électrification de la ligne Mantes-Caen-Cherbourg et de son antenne vers Trouville et, notamment, de préciser : les opérations à effectuer au titre de l’électrification et de la modernisation de la ligne (rectifications de tracé, suppressions de passages à niveau, etc.) et leur coût ; la programmation et les délais minimaux exigés par les contraintes techniques pour réaliser les travaux ; par ailleurs les avantages et, les gains de temps pour les voyageurs et l’incidence de ces investissements sur le compte d’exploitation de la ligne compte tenu des trafics prévisibles ». 18 Le rapport de M. Josse est transmis au Ministre le 7 mars 198819. Ses principales conclusions et recommandations sont les suivantes • La suppression des passages à niveau « peut paraître fondée » ; elle serait financée par les départements • Les travaux de voie pour relever la vitesse à 200 km/h ne paraissent pas prioritaires en raison des gains de temps relativement limités qu’ils procurent (2 à 4 minutes) • Du point de vue des volumes de trafics transportés (voyageurs et fret), la ligne Mantes- Caen-Cherbourg se situe mieux que les autres lignes en cours d’électrification (Rennes- Brest et Rennes-Quimper) ou susceptibles de l’être dans les prochaines années 18 Lettre de mission du 22 décembre 1987 19 Rapport sur l’électrification de la ligne SNCF Mantes Caen Cherbourg 7 mars 1988 16/79
• La ligne Paris-Caen-Cherbourg a un intérêt marqué du point de vue de l’aménagement du territoire, critère qui s’est avéré déterminant dans la décision d’électrifier les lignes de Bretagne et la ligne Moret – Nevers – Clermont Ferrand • Le projet devra être sorti de l’enveloppe financière définie chaque année pour le réseau principal de la SNCF, laquelle doit être réservée aux seules opérations correspondant à l’intérêt strict, technique ou commercial, de l’Etablissement Public. • La contribution des collectivités sera alors fixée de façon à annuler la perte de la SNCF, soit entre 40 et 45 % de l’investissement total. • La SNCF engage dès 1989 les travaux de modernisation de la voie et des installations permettant la circulation des trains à 160 km/h . • Si les départements confirment leur décision, les travaux de suppression des passages à niveau peuvent être exécutés de 1989 à 1991. • La décision de la Région Basse-Normandie de réaliser simultanément des travaux d’adaptation des voies permettant la circulation à 200 km/h devrait faire l’objet d’un nouvel examen pouvant porter en outre sur d’autres sections. • Si les décisions de financement (contrats de Plan) sont prises en temps voulu, les travaux d’électrification pourront être terminés en 1995. A la suite de ce rapport, des négociations financières s’engagent entre les différentes parties qui aboutissent à la signature de conventions précisant le niveau des contributions de chacune d’entre elles. Les collectivités territoriales ont accepté le principe d’une contribution financière significative à la condition que l’opération « soit envisagée comme un tout, jusqu’à Cherbourg ». Elles proposaient en outre de prendre en charge des relèvements de vitesse jusqu’à 200 km/h sur les sections les plus favorables ainsi que la suppression de tous les passages à niveau qu’ils soient situés ou non sur des sections de ligne où la vitesse serait portée à 200 km/h20, pour améliorer la sécurité et la circulation routière. Dans la convention signée le 23 juin 1989, l’Etat et la Région de Basse Normandie ont finalement décidé de participer au financement de l’électrification à hauteur de 130 M€200421 partagés également entre eux, soit un peu plus de 40% des investissements d’infrastructure.22 Les lignes étant déjà existantes, la procédure d’enquête d’utilité publique n’était pas nécessaire, mais les projets d’électrification ont été approuvés par le ministre chargé des Transports (dossier d'approbation ministérielle DAM), conformément au cahier des charges de la SNCF qui prévoyait en outre une évaluation de la rentabilité sociale des opérations. L’électrification de la ligne Paris Caen Cherbourg / Trouville a été approuvée en juin 1991. Les travaux sont engagés en 1989, en commençant par les suppressions de passages à niveau et les rectifications de tracé, lesquels constituent un préalable aux travaux d’électrification proprement dits, et la mise en service a lieu en juin 1996. Le relèvement de vitesse à 200 km/h sur certains tronçons est réalisé un peu plus tard en décembre 1996. 20 Il est interdit de circuler à plus de 160 km/h sur les lignes comportant des passages à niveau. 21 Le déflateur utilisé est l’indice des prix du PIB. 22 Au titre du Contrat de Plan Etat Région. 17/79
Calendrier de l’électrification de la ligne Paris Cherbourg Trouville – Deauville Dates Faits saillants Mars 1970 Inauguration du nouveau service interurbain à fréquence élevée par turbotrains ETG (éléments à turbines à gaz) 1973 Première crise pétrolière Avril à décembre 1975 Remplacement des RTG par des rames à turbines à gaz (RTG) plus confortables et plus capacitaires 1980 Premières demandes d’électrification formulées par les collectivités territoriales. L’opération n’est pas encore retenue au titre du VIIIème Plan (1981 1985) 1981 Etude demandée par le Ministre des transports Mars 1982 Premier bilan économique de la modernisation de la ligne Mantes- - Cherbourg et de son antenne Lisieux-Trouville Octobre 1984 Le Conseil Régional de Basse-Normandie adopte le principe d’apporter un concours financier à l’opération d’électrification. Juin 1986 Actualisation du bilan de 1982 : dégradation de la rentabilité en raison de la baisse des prix du pétrole 18 décembre 1986 Convention entre la Région de Basse-Normandie et la SNCF relative aux études préliminaires à l’électrification Décembre 1987 Le ministre délégué chargé des Transports (Jacques Douffiagues) confie à M. Paul Josse ingénieur général des Ponts et Chaussées une mission d’expertise sur les conditions de réalisation de l’électrification de la ligne Mantes Caen Cherbourg et de son antenne vers Deauville Mars 1988 Transmission du rapport Josse au ministre Août et septembre 1988 Protocoles généraux entre les Départements du Calvados et de la Manche et la SNCF pour la suppression des passages à niveau Juin 1989 Contrat entre l’Etat, la Région de Basse-Normandie et la SNCF pour la modernisation avec électrification de la ligne Mantes Caen Cherbourg et de son antenne Lisieux Trouville Deauville approuvé par le conseil d’administration de la SNCF le 21 juin 1989 et signé le 23 juin. 23 juin 1989 Convention entre la Région de Basse-Normandie et la SNCF pour le relèvement à 200 km/h de la vitesse des trains de voyageurs 1989 Début des travaux de modernisation et des opérations préparatoires à l’électrification 10 avril 1990 Protocole général entre le Département de l’Eure et la SNCF pour la suppression des passages à niveau 20 juin 1991 Approbation ministérielle de l’électrification 2 juin 1996 Mise en service de l’électrification du tronçon Mantes Cherbourg (314 km) et de l’antenne de Deauville (29 km) Décembre 1996 Relèvement de vitesse à 200 km/h sur certains tronçons (89 km). 18/79
2.2 Les objectifs du projet Les deux objectifs retenus par l’Etat pour le projet figurent dans la lettre d’approbation ministérielle du 20 juin 1991 : - améliorer la desserte ferroviaire de la Région Basse Normandie par l’utilisation de locomotives électriques modernes ; - rendre possible la circulation de rames TGV comme cela est prévu dans le projet de schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse.23 Plus précisément, la volonté des collectivités territoriales de Basse Normandie était en les électrifiant de mettre les liaisons Paris Caen Cherbourg et Paris Deauville au niveau des grandes radiales nationales, avec les objectifs suivants : - gagner en fiabilité, en ponctualité et en régularité du service ; - réduire les temps de parcours. Compte tenu des très bonnes performances de vitesse des turbotrains qui roulaient déjà à 160 km/h sur une partie importante du parcours, l’électrification de la ligne à l’identique aurait conduit à une nette dégradation des temps de trajet, ce que les collectivités considéraient comme inacceptable. La Région demandait donc que la ligne soit aménagée pour permettre un relèvement de la vitesse des trains classiques aux mêmes niveaux que les RTG et que, sur les sections les plus favorables (sur 89 km), la vitesse soit relevée jusqu’à 200 km/h (ce qui impliquait, pour ces dernières, la suppression de tous les passages à niveau). Ces travaux supplémentaires (rectifications de tracé et même construction d’un nouveau tracé sur environ 8 kilomètres, construction de passages routiers supérieurs ou inférieurs pour remplacer les passages à niveau, modification de la signalisation, etc.) s’ajoutaient au coût global de l’opération ; - accroître ou tout au moins maintenir la fréquence des dessertes, malgré une capacité unitaire des trains très supérieure en traction électrique et voitures Corail ; - permettre des dessertes TGV interrégionales comme il en existait déjà au départ de Rouen24, de façon à désenclaver la Région Basse-Normandie et à l’intégrer au réseau à grande vitesse ; - mettre en sécurité les réseaux routier et ferroviaire grâce à la suppression de 123 passages à niveau (la quasi-totalité), y compris sur les sections de ligne où la vitesse des trains, inférieure ou égale à 160 km/h, ne l’imposait pas d’un strict point de vue réglementaire. En 2009, il subsiste 7 passages à niveau entre Mantes et Cherbourg et 14 entre Lisieux et Trouville. La SNCF recherchait principalement une diminution de ses coûts (élevés en traction thermique à turbines à gaz) et une fiabilisation de son exploitation qui devrait gagner en régularité et en souplesse grâce à la robustesse de la traction électrique et à la capacité accrue des trains : - diminution des coûts d’énergie et de traction - économies substantielles sur les coûts d’entretien du matériel moteur - utilisation de matériels plus fiables (locomotives électriques), plus puissants et offrant une capacité plus importante (trains Corail) et plus facilement modulable en fonction des pointes de trafic de fins de semaines - renforcement de la sécurité des circulations grâce à la généralisation du block automatique d’espacement des trains et à la suppression des passages à niveau réalisée à cette occasion sur l’intégralité de la ligne 23 Schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse. Ministère de l’Equipement, du logement et er des Transports. Avril 1992. (approuvé par le décret n° 92-55 du 1 avril 1992) 24 Première liaison TGV Rouen Lyon le 20 septembre 1986 19/79
- diminution des coûts d’entretien et d’exploitation des infrastructures grâce à la modernisation des installations. Les préoccupations liées à l'environnement n’étaient pas celles d’aujourd’hui et la circulaire Bianco25, qui date de 1992 et ajoute aux bilans LOTI un volet sur l'environnement, n’était pas encore en application. C’est pour cela que, bien que la réduction de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre soient un objectif des électrifications actuelles, les avantages relatifs à l’environnement n’avaient pas été mis en avant à l’époque. 2.3 Les points sensibles du projet 2.3.1 Les passages à niveau et la phase de travaux Dans les documents ex ante, il n’est pas fait explicitement mention de points jugés comme sensibles. En effet, comme la ligne existe déjà et qu'il s’agit de modifier ses installations, il n’y a pas eu d’enquête d'utilité publique au titre de l’électrification. Néanmoins, on peut avancer quelques suppositions concernant les points sensibles de ce projet : les passages à niveau et le rétablissement des communications routières lors de la mise au gabarit de certains ouvrages d’art. Les passages à niveau, sont généralement des points sensibles sur un réseau en raison des accidents qui peuvent s’y produire. Les collectivités sont souvent très demandeuses de toutes améliorations que l’on peut apporter en ces lieux. L’électrification a été l’occasion de supprimer 123 passages à niveau de la ligne (soit la quasi-totalité). Leur remplacement par (ou leur report sur) des passages dénivelés « ont donné lieu à des enquêtes publiques dont les dossiers ont été préparés, soit par le gérant de la voirie routière, soit par la SNCF, avec chaque fois que le montant des travaux le justifiait, insertion d’une étude d’impact ». Ces opérations n’ont certainement pas été sans gêner les utilisateurs, qui, dans l’attente du rétablissement des communications routières, ont dû emprunter des itinéraires de substitution. Un autre point qui a pu gêner les riverains en phase de travaux concerne le rétablissement des communications routières suite à la mise au gabarit de certains ouvrages. En effet, l’électrification a nécessité la reconstruction de 20 ponts routes et le relèvement du tablier de 64 ponts routes. La circulation automobile a dû s’en trouver perturbée le temps des travaux, qui ont dû se faire en parallèle sur plusieurs ouvrages. Il faut aussi noter que le relèvement de la vitesse de circulation des trains à 200 km/h demandée par la Région sur 89 km26 proposés par la SNCF a nécessité des rectifications de tracé et la construction d’une plate forme nouvelle entre Bernay et Lisieux sur environ 8 km. Ce relèvement de vitesse, ainsi que les modifications de tracé amenant à sortir des emprises ferroviaires, ont donné lieu à une enquête publique qui n’est pas dans le champ de ce bilan LOTI.27 25 Circulaire du 15 décembre 1992 relative à la conduite des grands projets nationaux d'infrastructures 26 Bernay Lisieux (26,0 km), Mesnil-Mauger Caen (33,6 km), Carentan Valognes (29,4 km). 27 Comme les suppressions de passages à niveau, les aménagements spécifiques pour l’accélération des circulations à la vitesse maximale de 200 km/h ne sont pas strictement connexes à l’électrification. Ces travaux ont été réalisés simultanément à la demande et avec le financement des collectivités locales, mais ne font pas partie du projet approuvé par le ministre chargé des Transports. 20/79
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