Bilan LOTI de l'électrification de Paris Cherbourg - Rapport

 
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Bilan LOTI de l'électrification de Paris Cherbourg - Rapport
Mai 2009

       Ligne à voie unique électrifiée Lisieux Trouville - Deauville(14)

Bilan LOTI de l'électrification de Paris Cherbourg

                                    Rapport
Bilan LOTI de l'électrification de Paris Cherbourg - Rapport
Bilan LOTI de l'électrification de Paris Cherbourg - Rapport
SOMMAIRE

Résumé et conclusions................................................................................................ 5

1     Introduction.......................................................................................................... 13

2     Historique du projet............................................................................................. 15

    2.1     Rappel des principales étapes........................................................................ 15
    2.2     Les objectifs du projet..................................................................................... 19
    2.3     Les points sensibles du projet ........................................................................ 20

3     Description de l’opération lors de la décision de lancement .......................... 22

    3.1     Principales caractéristiques physiques du projet ............................................ 23
    3.2     Le trafic et les recettes ................................................................................... 28
    3.3     Le report modal .............................................................................................. 29
    3.4     Les coûts ........................................................................................................ 29
    3.5     La rentabilité économique (pour la SNCF) ..................................................... 33
    3.6     La rentabilité socio-économique (pour la collectivité) ..................................... 34

4     Les conditions de réalisation du projet ............................................................. 36

    4.1     Les évolutions du projet après le DAM ........................................................... 36
    4.2     Le délai de réalisation de l’infrastructure ........................................................ 36

5     Analyse des écarts .............................................................................................. 37

    5.1     La mise en place de l’offre.............................................................................. 37
    5.2     La réponse de la demande............................................................................. 47
    5.3     L’impact sur l’environnement .......................................................................... 57
    5.4     Développement économique et aménagement du territoire ........................... 58
    5.5     Les bilans économiques pour la SNCF et pour la collectivité ......................... 69

6     Remarques méthodologiques ............................................................................ 72

Annexe : principaux éléments chiffrés du bilan ...................................................... 77

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Bilan LOTI de l'électrification de Paris Cherbourg - Rapport
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Bilan LOTI de l'électrification de Paris Cherbourg - Rapport
Résumé et conclusions

L’électrification de la ligne Paris Caen Cherbourg et de son antenne Lisieux Trouville est une
opération d’aménagement du territoire demandée par la Région de Basse Normandie dès le
début des années 1980 pour améliorer les dessertes ferroviaires sur un axe d’intérêt national
en profitant du remplacement des turbotrains mis en place avant la première crise pétrolière de
1973 et pour rendre possible la circulation de rames TGV.1

La décision de réaliser cette électrification a été prise par les pouvoirs publics dans la
deuxième génération des Contrats de Plan Etat Régions (Xè Plan 1989 1993) et dans le
Contrat de plan Etat SNCF 1990 1994. L’opération n’étant pas rentable financièrement, l’Etat et
la Région de Basse Normandie ont décidé de participer au financement par une subvention
équivalente pour chacun à 65 M€2004 2 (soit au total un peu plus de 40% de l’investissement),
afin de ne pas dégrader les comptes de la SNCF.

L’électrification en courant industriel ordinaire 25 kV – 50Hz monophasé3 concernait environ
314 km de double voie entre Mantes et Cherbourg (Paris Mantes était électrifié depuis 1966
avec Paris Le Havre) ainsi que l’antenne à double voie de 29 km se débranchant à Lisieux
pour desservir Trouville. Elle s’accompagnait d’autres travaux connexes de modernisation et
d’adaptation de la voie et des installations de sécurité pour tirer parti de l’investissement et
éviter des travaux importants et onéreux sur les équipements anciens.

L’opération avait pour objectif principal de raccourcir les temps de parcours et d’accroître les
fréquences des trains Paris Cherbourg et Paris Trouville pour l’image et la compétitivité de la
Région de Basse Normandie. Les turbotrains (rames ETG puis RTG4) avaient déjà apporté au
début des années 1970 une amélioration décisive des dessertes avec un meilleur confort grâce
à des vitesses supérieures de 10 à 15 km/h aux rames tractées. Leurs caractéristiques
techniques de forte puissance massique (turbines de conception aéronautique), de légèreté, de
faible charge par essieu et d’agressivité minimale pour la voie les autorisaient à circuler à 160

1
  Le réseau des LGV commençait à se mettre en place avec l’inauguration de la LGV Paris – Lyon le 22 septembre
          ère
1981 (1 étape) et le lancement, à cette occasion, d’un nouveau projet, la LGV Atlantique, desservant l’Ouest et le
Sud-Ouest de la France.
2
  Le déflateur utilisé est l’indice des prix du PIB. L’année 2004 a été retenue pour permettre les comparaisons avec
l’électrification de la Bretagne (RFF Juin 2008) et l’aménagement de Paris Granville.
3
   Cette technique a supplanté en France le courant continu 1 500V depuis le milieu des années 1950 pour
l’électrification du Nord et de l’Est de la France, puis de la Côte d’Azur et de l’Ouest, car elle est beaucoup moins
chère. Elle est utilisée en France pour toutes les LGV. La tension électrique employée est 2x25 kV 50 périodes.
4
  ETG élément à turbine à gaz (mixte turbine et moteur Diesel), RTG rame à turbine à gaz

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km/h là où les trains classiques étaient limités à 140, voire à 130 km/h. Le vif succès rencontré
à l’époque par ce service interurbain à fréquence élevée a ouvert la voie aux futurs TGV.

Mais les turbotrains très gourmands en énergie étaient victimes de la hausse des prix du
pétrole. Par ailleurs, ils commençaient à vieillir et surtout leur capacité limitée entraînait leur
remplacement systématique les fins de semaine par des trains classiques plus lents.

Les gains de temps des usagers pour favoriser le développement économique de la Région (et
marginalement les gains de sécurité des voyageurs reportés de l’automobile) constituaient
l’objectif annoncé. En revanche, les avantages relatifs à l’environnement (réduction de la
pollution de l’air et des émissions de gaz à effet de serre) n’étaient pas mis en avant à l’époque.

Les lignes étant déjà existantes, la procédure d’enquête d’utilité publique n’était pas nécessaire,
mais le projet d’électrification a été approuvé en juin 1991 par le ministre chargé des Transports
(dossier d'approbation ministérielle DAM), conformément au cahier des charges de la SNCF qui
prévoyait en outre une évaluation de la rentabilité sociale des opérations.

Les travaux ont été engagés en 1989, en commençant par les suppressions de passages à
niveau et les rectifications de tracé, lesquels constituent un préalable aux travaux
d’électrification proprement dits, et la mise en service a lieu en juin 1996. Le relèvement de
vitesse à 200 km/h sur certains tronçons est réalisé un peu plus tard en décembre 1996.

Le bilan réalisé est différentiel, ce qui permet de rendre compte des impacts nets. Chaque
projet réalisé doit être normalement dans la situation de référence (en l’absence de projet) des
suivants.

La situation de référence a priori et a posteriori, en l’absence de perspective d’électrification,
retient la généralisation de rames tractées par des locomotives Diesel puissantes dans le but,
d’une part, de maintenir les caractéristiques des dessertes voyageurs Grandes Lignes assurées
par les turbotrains (RTG) dont la radiation était prévue avant 2000 et d’autre part d’améliorer les
dessertes des pointes des fins de semaine faites essentiellement par des rames en traction
Diesel faute de capacité suffisante des RTG.

La situation de référence comprend également divers travaux d’investissements pour
moderniser certaines installations de signalisation et de télécommunications, ainsi que des
rénovations et confortements de tunnels (qui devaient de toutes façons être réalisés) et des
travaux de voies strictement nécessaires pour permettre la généralisation de rames tractées par
les locomotives Diesel à 160 km/h, qui ne sont pas au compte du projet.

La desserte fret est supposée inchangée en situation de référence comme en situation de
projet. Elle est réduite et en diminution.

Le périmètre du bilan exclut les suppressions des passages à niveau qui ont été réalisées à
cette occasion avec la participation financière des collectivités locales pour améliorer la sécurité
et la circulation routière, ainsi que les relèvements de vitesse à 200 km/h sur 90 km environ5
demandés et financés par la Région.

Le coût de l’électrification s’élève à 337 M€2004 dont 25 M€2004 pour Lisieux Trouville. La
modernisation des installations de sécurité représente près de 30% de ces investissements en
infrastructure. Les coûts réels ont augmenté d’environ 10% par rapport au budget initial par
suite de l’omission d’éléments de programme lors de la préparation du projet.

5
    Bernay Lisieux (26,0 km), Mesnil-Mauger Caen (33,6 km), Carentan Valognes (29,4 km).

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Paris          Paris Cherbourg /
                                    M€2004        Cherbourg /           Trouville
                                                   Trouville
                                                  Approbation           Coût réel
                                                  ministérielle
                               Electrification,       234                  239
                               voie et
                               ouvrages d’art
                               Installations de        71                  98
                               sécurité
                               Total                   305            337 (+10,5%)
                              Source : SNCF

L’électrification a été l’occasion de réaliser les suppressions de passages à niveau et les
relèvements de vitesse à 200 km/h demandés et financés à 95% par les collectivités
territoriales. En définitive, le coût total de l’opération de modernisation est donc de 474 M€2004.
Elle a été subventionnée à 55% par l’Etat et les collectivités territoriales.

                    Opérations                                           Coût           Subventions
                                                                   d'investissement
                                                                        M€2004            M€2004
                    Electrification et investissements connexes          337               130
                    Suppression des PN                                    65                62

                    Relèvement de vitesse à 200 km/h                     72                 69

                    Total                                                474               261

                   Source : SNCF

Les délais ont été dépassés d’un an. Les travaux ont duré 7 ans de1989 à 1996.

Les besoins en matériel roulant pour assurer le trafic des voyageurs en trains classiques
diminuent de 18 locomotives du fait de l’électrification. Ceci met en évidence la meilleure
productivité des locomotives électriques par rapport aux engins Diesel. De plus, le parc Diesel
structurellement surabondant du fait de l’insuffisance de capacité offerte par les rames RTG et
donc de l’obligation de gérer un deuxième parc d’appoint pour faire face aux pointes
hebdomadaires accroît encore le gain de productivité imputable à l’électrification. L’économie
d’investissement en locomotives est ainsi estimée a posteriori à 67 M€2004, au lieu de 45 M€2004
dans le dossier d’approbation ministérielle (économie de 18 locomotives au lieu de 12).

Il n’y a pas d’investissement éludé en infrastructures (les divers travaux de modernisation qui
devaient de toutes façons être réalisés et le coût des relèvements de vitesse à 160 km/h sont
dans la situation de référence), ni en voitures Corail.

Les objectifs d’amélioration de la qualité de service ont été globalement respectés. Les
gains de temps sont légèrement supérieurs à ce qui était attendu compte tenu du relèvement
de vitesse à 200 km/h6, sauf sur Paris Trouville où la vitesse est limitée à 140 km/h après
Lisieux et où le nombre d’arrêts a pu augmenter. L’électrification a permis comme prévu un gain
de temps (meilleurs temps) d’environ 20 minutes entre Paris et Caen et de 40 minutes entre
Paris et Cherbourg.

6
 Avec les relèvements de vitesse à 200 km/h, le gain de temps supplémentaire est seulement de 2 minutes sur Paris
Caen et de 4 mn sur Paris Granville.

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Meilleurs temps                 1988          Hiver        Situation     Situation    Gains*     Gains*
                                                 1993/1994       projet         Projet    de temps   de temps
                                                                 DAM           Ex post     DAM        Ex post
                              RTG        Rame                                   Hiver
                                       tractée                               1996/1997

     Paris Evreux             0h54     1h06         0h55          0h52           0h54      0h03       0h01
     Paris Caen               1h52     2h11         2h07          1h46           1h44      0h21       0h23
     Paris Cherbourg          3h08     3h40         3h25          2h46           2h42      0h39       0h43
     Paris Trouville          1h46     2h12         2h14          1h40           1h58      0h34       0h16
     *Sans compter l’accélération des rames tractées de la pointe hebdomadaire
     Source SNCF

La fréquence des dessertes est restée identique au moment de la mise en service comme
prévu, compte tenu du niveau modeste du trafic nouveau et de la capacité accrue des convois.
Elle a augmenté en décembre 2008 d’un aller et retour Paris Caen supplémentaire avec le
cadencement des horaires (dessertes répétitives) mis en place à la demande de la Région.

La ponctualité (% de trains de Grandes Lignes arrivant avec moins de 5 minutes de retard)
s’est détériorée en passant de 90,4% en 2004 à 81,8% en 2008. L’augmentation des retards
est due surtout à l’accès à Paris compte tenu des problèmes de capacité sur la section très
chargée avec le trafic de banlieue Paris Saint Lazare et Mantes (sections de lignes à 2 voies
seulement). Cette dégradation de la qualité de service est mal vécue par les voyageurs. Elle a
été aggravée par des grèves en 2008 et 2009. Le cadencement des horaires a pu être un
facteur aggravant des perturbations (temps de demi-tour plus réduits7 aux terminus).

Le différentiel de coûts d’exploitation du transporteur est sensible aux prix relatifs de
l’électricité et du gazole. Mais ces derniers présentent une grande variabilité et sont très
difficiles à prévoir. Par prudence, la période d’étude s’arrête à l'horizon 2016 après 20 ans
d’exploitation et des analyses de sensibilité ont été réalisées. Elles montrent que le TRI
économique baisse d’un demi-point si on annule les économies liées au poste énergie
(estimées a posteriori à 35 M€2004 (non actualisés) sur tout la période).

Par ailleurs, les surcoûts d'entretien des installations électriques sont estimés à environ 1,5
M€2004 par an. Ces surcoûts sont compensés par des économies d’entretien à la fois sur le
matériel roulant (économies de locomotives Diesel, ces dernières étant plus chères à entretenir)
et sur la voie (mise à voie unique de la ligne Lisieux Trouville Deauville.). Le personnel des
gares diminue également (fusion de postes d’aiguillages et blocks automatiques8).

Au total, sans compter le poste énergie, les économies d’entretien et de personnel sur la
période de 20 ans du bilan sont évaluées a posteriori à 162 M€20049.

En 2007, le trafic de l’axe Paris Cherbourg (Ile de France / Evreux et au-delà) s’est élevé à
3,6 millions de voyageurs. Il est très proche (+1,1%) des prévisions réalisées à la fin des
années 1980 pour le dossier d’approbation ministérielle. Les effets de l'opération apparaissent
clairement après 1996, même si la totalité de la croissance constatée ne doit pas être attribuée

7
  Ou « crochets courts »
8
  Systèmes permettant de régler automatiquement l’espacement des trains.
9
  Certaines hypothèses faites ex ante (économies de personnel et de coûts d’entretien de la voie et des locomotives)
ont été conservées faute d’informations suffisantes des archives des années 1985 (évaluation a priori) ou 1995
(évaluation a posteriori).

                                                               8/79
à l’électrification (Le trafic se développe aussi dans la situation de référence reconstituée a
         posteriori). Il n’y a pas de trafic détourné de l’avion car la concurrence aérienne est négligeable.
         On ne dispose pas d'information pour distinguer dans le trafic nouveau le trafic détourné de la
         route du trafic induit par l'accroissement de la mobilité.

                                                                                      Electrification de Paris Cherbourg
                                                                                               Trafic IDF vers Cherbourg

                                    4,0

                                                                                                                                                                                        3,6   3,6
                                    3,5                                                                                                                                        3,5
                                                                                                                                                                        3,4
                                                                                                                                          3,2            3,2   3,3
                                                                                                                                                3,2
                                                3,1      3,0                                                                     3,0
                                    3,0                                                                                  3,0
                                          2,9                                                                   2,9
                                                                        2,8
                                                               2,7                                        2,7
                                                                                         2,6
            Millions de voyageurs

                                    2,5                                         2,5
                                                                                                 2,5

                                    2,0

                                    1,5

                                    1,0

                                    0,5

                                    0,0
                                      1988            1990           1992             1994             1996           1998             2000           2002           2004            2006

          Source : SNCF Direction du Développement

         Le tableau ci-dessous synthétise les principaux chiffres a priori et a posteriori, en référence et
         avec électrification, en année pleine (année de mise en service) et en 2007.

                                                   Trafic de            Trafic de                Trafic en              Trafic réel             Gain de trafic           Gain de
                                                  référence             référence                situation                 avec                 (approbation            trafic réel
                                                (approbation             (estimé a             électrification        électrification           ministérielle)
                                                ministérielle)          posteriori)            (approbation
                                                                                               ministérielle)

   IDF vers Cherbourg                                  3,146                  2,723                    3,231                   2,872                   0,085                  0,149
   Année pleine
(1    (1997)

  IDF vers Cherbourg     3,475                                                3,048                    3,569                   3,607                   0,094                  0,559
      (2007)
         Source : SNCF Calculs RFF                                                                                                                       (Millions de voyageurs)

         Les produits moyens ferroviaires (ou recettes moyennes au voyageur-km) n'augmentent pas
         a posteriori du fait de l'électrification, conformément aux prévisions. Ils restent quasiment
         stables (en monnaie constante) après l’électrification de 1996 à 2007.

         Le supplément annuel de recettes d’exploitation de la prévision (année pleine) du dossier
         d’approbation ministérielle était de 1,8 M€2004. Les recettes supplémentaires a posteriori sont
         déterminées en calculant les recettes en situation de projet et en situation de référence à partir
         des trafics et des produits moyens. On obtient la première année 2,6 M€2004. Les recettes
         supplémentaires sont supérieures aux prévisions comme le sont les gains de trafics.

                                                                                                                      9/79
En matière d’environnement, les impacts semblent avoir été globalement maîtrisés. Ils
interviennent surtout au moment des travaux et sont limités car les opérations d'électrification
ont été réalisées sur les plateformes des lignes ferroviaires existantes. La loi n°76-629 du 10
juillet 1976 relative à la protection de la nature (articles L122-1 et L122-3 du code de
l'environnement) et son décret n°77-1141 du 12 octobre 1977 dispensent d'étude d'impact les
travaux d'électrification de voies ferrées. Par ailleurs, les électrifications ont des effets positifs
sur l'environnement : pollution des locomotives Diesel évitée, report sur le chemin de fer de
trafics aériens et routiers et diminution de la pollution et des émissions de CO2 (estimée à un
peu moins de 10 000 tonnes de CO2 en année pleine).

L’électrification de Paris Cherbourg est une opération d’aménagement du territoire qui répond
au besoin de la Région de Basse Normandie d’avoir grâce à cette grande ligne radiale un lien
ferroviaire avec Paris et les réseaux de transport internationaux. Cependant, elle n’a pas
entraîné une amélioration radicale de l’offre ferroviaire comme l’avaient fait les turbotrains dans
les années 1970, ou la suppression des correspondances comme dans le cas de lignes en
prolongement des LGV dont l’électrification de la Bretagne est un bon exemple.10 Il est difficile
de mesurer précisément les effets spécifiques de cette seule opération d’électrification sur le
développement économique régional. Les entretiens menés pour ce bilan avec les acteurs
locaux montrent que l’opération est davantage perçue comme une remise à niveau de
l’infrastructure et qu’elle n’a pas modifié sensiblement le choix entre l’automobile et le train. La
ligne Paris Cherbourg, même électrifiée, souffre d’une image négative due aux retards (pannes,
mouvements sociaux, encombrement à proximité de Paris) et aux temps de parcours jugés trop
longs.

Face à cette situation et aux demandes des élus régionaux, l’Etat va poursuivre cette politique
d’aménagement du territoire et a présenté en avril 2009 un grand plan d’amélioration de la desserte
ferroviaire en Basse Normandie. Il porte sur la construction de tronçons de lignes nouvelles qui
permettraient de relier Paris à Caen en 1h30 et à Cherbourg en 2h30 à l’horizon 2020 2025,
soit un gain de temps de près de 20 minutes. Ce plan reprend les objectifs du projet LRNVS
(Liaison rapide Normandie Val de Seine) qui fait a suite au projet de LGV Normandie de 199211
abandonné par suite d’un trafic insuffisant.

La rentabilité économique pour la SNCF recalculée sur la base des données disponibles à ce
jour et des seuls capitaux investis par l’établissement est la suivante :

                                              A posteriori          Dossier
                                                                 d’approbation
                                                                  ministérielle
                         TRI économique            9,4%              8,0%
                       (Taux réels hors inflation)

Les évaluations a priori et a posteriori portent sur une période d’exploitation de 20 ans avec
prise en compte de valeurs résiduelles pour les investissements dont la durée de vie est
supérieure.

La rentabilité économique a posteriori de la SNCF (opérateur intégré) est de 9,4 %12, avec les
subventions de l'Etat de la Région de Basse Normandie (contre 8% prévus par construction13).
L’écart s’explique pour l’essentiel par les gains de trafics et les recettes nouvelles plus importantes
que prévu.

10
   Voir le bilan LOTI de l’électrification de la Bretagne. RFF Juin 2008
11
   LGV de 169 km à deux branches Rouen Caen/Paris
12
   Hors subvention 3,1% a posteriori et 2,1% a priori.
13
   Le taux d’actualisation du Plan à l’époque des études (8% depuis fin 1985) était pris comme coût de la ressource
financière de la SNCF (avec la prime de risque).

                                                             10/79
A l'époque les taux réels à long terme étaient élevés, entre 6 et 8% (8 à 10% en nominal de
1985 à 1993 avec une inflation tendant vers 2%). La rentabilité économique avérée de 9,4%
pour la SNCF (avec subvention) est un peu supérieure au coût de la ressource financière pour
le début de période, et encore davantage ensuite puisque les taux du crédit pour les
refinancements ont baissé de manière quasiment continue.

La rentabilité socio-économique pour la collectivité est la suivante.

                                     A posteriori        Dossier
                                                      d’approbation
                                                       ministérielle
       TRI socio économique             8,7%              3,4%

La rentabilité pour la collectivité de l’électrification de l’axe Paris Cherbourg est a posteriori de
8,7%. Elle est au-dessus des prévisions (3,4%), car le TRI économique est supérieur. Mais ce
résultat ne tient pas compte des retards des trains qui sont constatés et bénéficie en outre des
quelques minutes gagnées grâce aux relèvements de vitesse à 200 km/h hors projet. Une
étude de sensibilité montre que si on allongeait tous les temps de parcours de 10 minutes le
TRI socio économique diminuerait à 7,0 %.

Cette hypothèse pessimiste permet de conclure que le TRI est de l’ordre du taux minimum de
rentabilité collective fixé à 8 % après 1985 par l'ex Commissariat Général du Plan pour les
investissements publics au moment du bilan a priori. A la différence des électrifications en
prolongement des dessertes TGV, il n’y a pas d’avantage supplémentaire lié aux
correspondances évitées.

L’opération peut être considérée comme rentable pour la collectivité.

Pour conclure, la justification économique de l'électrification de Paris Cherbourg réside
essentiellement dans la réduction des temps de parcours et dans les gains d’accessibilité pour
désenclaver la Basse Normandie. Le projet visait à répondre à la demande de la Région d’un
lien ferroviaire modernisé et rapide de ses principales agglomérations avec Paris (Roissy
notamment).

                                                    11/79
12/79
1 Introduction
Ce rapport constitue le bilan a posteriori (bilan LOTI) de l'électrification de Paris – Cherbourg. Il
a été établi sous la responsabilité de Réseau Ferré de France conformément à l’article 14 de la
loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) du 30 décembre 1982 qui prévoit que les
grandes opérations d’infrastructures réalisées avec le concours de financements publics
doivent faire l’objet d’un bilan des résultats économiques et sociaux, qui est rendu public.

L'opération ayant été réalisée avant la création de RFF en 1997, la SNCF, maître d'ouvrage à
l'époque (construction et exploitation), a fourni l’essentiel des données nécessaires. Elle doit
être remerciée pour son importante contribution à ce rapport.

En application de ces dispositions, le bilan de l'électrification de Paris - Cherbourg a été lancé
en octobre 2008 en même temps que celui de l'aménagement de la ligne Paris – Granville car
ces deux opérations concernent la Région de Basse Normandie et sont proches dans le temps
(mises en service respectivement en 1996 et en 1999). Les travaux ont été réalisés par la
direction de l’Audit de RFF avec l’appui du prestataire extérieur Egis Mobilité, sous l’égide d’un
comité de pilotage composé de l’administration de tutelle (Direction Générale des
Infrastructures, des Transports et de la Mer, CGEDD ex CGPC), de RFF et de la SNCF. En
outre, un comité scientifique a été mis en place par RFF pour veiller à la rigueur de la
méthodologie utilisée.

Les informations proviennent :

     •   des documents disponibles concernant la préparation du projet et la situation ex ante,
         en particulier :

     -       rapport du CGPC de mars 1988 sur l’électrification de la ligne Mantes Caen
             Cherbourg (rapport de M. Josse)
     -       notes aux membres du Conseil d'administration de la SNCF,
     -       dossier d'approbation ministérielle,
     -       lettre d'approbation du ministre chargé des Transports (juin 1991) ;

     •   des données a posteriori et des notes fournies par la SNCF (SNCF Proximités et SNCF
         VFE14) et par RFF.

Un bilan LOTI est une évaluation de politique publique qui mesure les écarts entre la réalité
constatée et les objectifs de départ et qui vise à en tirer les enseignements. Pour les LGV, le
dossier utilisé dans les bilans LOTI pour l’évaluation initiale est le dossier d’enquête publique,
qui a servi à l’information des citoyens et a fondé la décision publique. Comme les
électrifications ne donnent pas lieu à enquêtes publiques, c’est le dossier d’approbation
ministérielle (DAM), constituant la décision de lancement, qui a été utilisé comme référentiel.

Ce bilan LOTI reprend, comme il est prévu, l’ensemble des rubriques figurant dans l’évaluation
initiale et mesure les écarts avec la réalité constatée.

14
  L’activité Grandes Lignes de la SNCF s’est scindée en 2005 en deux entités VFE (TGV et grandes radiales) et TIR
(Trains interrégionaux). En 2006, cette dernière est devenue Corail Intercités, de la branche SNCF Proximités (avec
Transilien et TER) et compte Paris Cherbourg et Paris Granville dans son portefeuille de relations. Selon la SNCF,
Paris Cherbourg (Grandes lignes) est bénéficiaire d’une dizaine de millions d’€ par an alors que Paris Granville est
déficitaire.

                                                           13/79
Il est réalisé pour la SNCF supposée encore intégrée comme dans les dossiers ex ante et ne
distingue pas le transporteur et le gestionnaire d’infrastructure.

Le rapport comprend deux grandes parties.

Dans la première, des chapitres 1 à 4, un historique couvre les réflexions, les études
antérieures et l’analyse des documents de base. Il donne les principales étapes, les objectifs de
l’opération et les points sensibles (chapitre 2). La description du projet lors de la décision de
lancement passe en revue les principales caractéristiques physiques, les prévisions de trafics,
de recettes et de coûts d’investissement et d’exploitation. Elle rappelle aussi la rentabilité
économique (pour la SNCF opérateur intégré) et pour la collectivité qui avaient été annoncées a
priori (chapitre 3). Les conditions de réalisation du projet terminent cette partie avec les
évolutions après l'approbation ministérielle et les délais (chapitre 4).

La seconde partie constituée des chapitres 5 et 6 fait le constat des écarts et de leurs
conséquences en ce qui concerne la mise en place de l’offre, la réponse de la demande,
l’impact sur l’environnement, le développement économique, l’aménagement du territoire et la
rentabilité pour la SNCF et pour la collectivité (chapitre 5). Elle se termine par des remarques
méthodologiques (chapitre 6). L’annexe rappelle dans une série de tableaux synthétiques les
principaux éléments chiffrés du bilan.

Un dossier technique séparé a été établi avec les documents détaillés et les notes de
méthodologie ou de calcul.

                                                 14/79
2 Historique du projet
2.1 Rappel des principales étapes

L’électrification de la ligne Paris Caen Cherbourg et de son antenne Lisieux Trouville est une
opération d’aménagement du territoire demandée par la Région de Basse Normandie dès le
début des années 1980 pour améliorer les dessertes ferroviaires sur un axe d’intérêt national
en profitant du remplacement des turbotrains mis en place avant la première crise pétrolière de
1973 et pour rendre possible la circulation de rames TGV.15

L’électrification en courant industriel ordinaire 25 kV – 50Hz monophasé16 concernait environ
314 km de double voie entre Mantes et Cherbourg (Paris Mantes était électrifié depuis 1966
avec Paris Le Havre) ainsi que l’antenne à double voie de 29 km se débranchant à Lisieux
pour desservir Trouville. Elle s’accompagnait d’autres travaux connexes de modernisation et
d’adaptation de la voie et des installations de sécurité pour tirer parti de l’investissement et
éviter des travaux importants et onéreux sur les équipements anciens.

L’opération avait pour objectif principal de raccourcir les temps de parcours et d’accroître les
fréquences des trains Paris Cherbourg et Paris Trouville pour l’image et la compétitivité de la
Région de Basse Normandie. Les turbotrains (rames ETG puis RTG17) avaient déjà apporté au
début des années 1970 une amélioration décisive des dessertes avec un meilleur confort grâce
à des vitesses supérieures de 10 à 15 km/h aux rames tractées. Leurs caractéristiques
techniques de forte puissance massique (turbines de conception aéronautique), de légèreté, de
faible charge par essieu et d’agressivité minimale pour la voie les autorisait à circuler à 160
km/h là où les trains classiques étaient limités à 140, voire à 130 km/h.

Mais les turbotrains très gourmands en énergie étaient victimes de la hausse des prix du
pétrole.

15
   Le réseau des LGV commençait à se mettre en place avec l’inauguration de la LGV Paris – Lyon le 22 septembre
          ère
1981 (1 étape) et le lancement, à cette occasion, d’un nouveau projet, la LGV Atlantique, desservant l’Ouest et le
Sud-Ouest de la France.
16
    Cette technique a supplanté en France le courant continu 1 500V depuis le milieu des années 1950 pour
l’électrification du Nord et de l’Est de la France, puis de la Côte d’Azur et de l’Ouest, car elle est beaucoup moins
chère. Elle est utilisée en France pour toutes les LGV. La tension électrique employée est 2x25 kV 50 périodes.
17
   ETG élément à turbine à gaz (mixte turbine et moteur Diesel), RTG rame à turbine à gaz

                                                           15/79
Evolution des prix du pétrole brut ($ par baril)

Source : OCDE

Par ailleurs, ils commençaient à vieillir et surtout leur capacité limitée entraînait leur
remplacement systématique les fins de semaine par des trains classiques plus lents. Les gains
de temps des usagers pour favoriser le développement économique de la Région (et
marginalement les gains de sécurité des voyageurs reportés de l’automobile) constituaient
l’objectif annoncé. En revanche, les avantages relatifs à l’environnement (réduction de la
pollution de l’air et des émissions de gaz à effet de serre).

Les perspectives de trafic ne permettant pas à l’opération d’être rentable financièrement, le
contrat de Plan Etat SNCF 1985 1989 prévoyait dans son article 28 que l’Etat et les collectivités
territoriales apportent un concours financier, afin de ne pas dégrader les comptes de la SNCF.

Fin décembre 1987, le ministre chargé des transports demande à M. Paul Josse, ingénieur
général des Ponts et Chaussées, « d’étudier les conditions de réalisation de l’électrification de
la ligne Mantes-Caen-Cherbourg et de son antenne vers Trouville et, notamment, de préciser :
les opérations à effectuer au titre de l’électrification et de la modernisation de la ligne
(rectifications de tracé, suppressions de passages à niveau, etc.) et leur coût ; la
programmation et les délais minimaux exigés par les contraintes techniques pour réaliser les
travaux ; par ailleurs les avantages et, les gains de temps pour les voyageurs et l’incidence de
ces investissements sur le compte d’exploitation de la ligne compte tenu des trafics
prévisibles ». 18

Le rapport de M. Josse est transmis au Ministre le 7 mars 198819. Ses principales conclusions
et recommandations sont les suivantes
 • La suppression des passages à niveau « peut paraître fondée » ; elle serait financée par les
   départements
 • Les travaux de voie pour relever la vitesse à 200 km/h ne paraissent pas prioritaires en
   raison des gains de temps relativement limités qu’ils procurent (2 à 4 minutes)
 • Du point de vue des volumes de trafics transportés (voyageurs et fret), la ligne Mantes-
   Caen-Cherbourg se situe mieux que les autres lignes en cours d’électrification (Rennes-
   Brest et Rennes-Quimper) ou susceptibles de l’être dans les prochaines années

18
     Lettre de mission du 22 décembre 1987
19
     Rapport sur l’électrification de la ligne SNCF Mantes Caen Cherbourg 7 mars 1988

                                                            16/79
• La ligne Paris-Caen-Cherbourg a un intérêt marqué du point de vue de l’aménagement du
   territoire, critère qui s’est avéré déterminant dans la décision d’électrifier les lignes de
   Bretagne et la ligne Moret – Nevers – Clermont Ferrand
 • Le projet devra être sorti de l’enveloppe financière définie chaque année pour le réseau
   principal de la SNCF, laquelle doit être réservée aux seules opérations correspondant à
   l’intérêt strict, technique ou commercial, de l’Etablissement Public.
 • La contribution des collectivités sera alors fixée de façon à annuler la perte de la SNCF, soit
   entre 40 et 45 % de l’investissement total.
 • La SNCF engage dès 1989 les travaux de modernisation de la voie et des installations
   permettant la circulation des trains à 160 km/h .
 • Si les départements confirment leur décision, les travaux de suppression des passages à
   niveau peuvent être exécutés de 1989 à 1991.
 • La décision de la Région Basse-Normandie de réaliser simultanément des travaux
   d’adaptation des voies permettant la circulation à 200 km/h devrait faire l’objet d’un nouvel
   examen pouvant porter en outre sur d’autres sections.
 • Si les décisions de financement (contrats de Plan) sont prises en temps voulu, les travaux
   d’électrification pourront être terminés en 1995.

A la suite de ce rapport, des négociations financières s’engagent entre les différentes parties
qui aboutissent à la signature de conventions précisant le niveau des contributions de chacune
d’entre elles. Les collectivités territoriales ont accepté le principe d’une contribution financière
significative à la condition que l’opération « soit envisagée comme un tout, jusqu’à Cherbourg ».
Elles proposaient en outre de prendre en charge des relèvements de vitesse jusqu’à 200 km/h
sur les sections les plus favorables ainsi que la suppression de tous les passages à niveau
qu’ils soient situés ou non sur des sections de ligne où la vitesse serait portée à 200 km/h20,
pour améliorer la sécurité et la circulation routière.

Dans la convention signée le 23 juin 1989, l’Etat et la Région de Basse Normandie ont
finalement décidé de participer au financement de l’électrification à hauteur de 130 M€200421
partagés également entre eux, soit un peu plus de 40% des investissements d’infrastructure.22

Les lignes étant déjà existantes, la procédure d’enquête d’utilité publique n’était pas nécessaire,
mais les projets d’électrification ont été approuvés par le ministre chargé des Transports
(dossier d'approbation ministérielle DAM), conformément au cahier des charges de la SNCF qui
prévoyait en outre une évaluation de la rentabilité sociale des opérations.

L’électrification de la ligne Paris Caen Cherbourg / Trouville a été approuvée en juin 1991.

Les travaux sont engagés en 1989, en commençant par les suppressions de passages à niveau
et les rectifications de tracé, lesquels constituent un préalable aux travaux d’électrification
proprement dits, et la mise en service a lieu en juin 1996. Le relèvement de vitesse à 200 km/h
sur certains tronçons est réalisé un peu plus tard en décembre 1996.

20
   Il est interdit de circuler à plus de 160 km/h sur les lignes comportant des passages à niveau.
21
   Le déflateur utilisé est l’indice des prix du PIB.
22
   Au titre du Contrat de Plan Etat Région.

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Calendrier de l’électrification de la ligne Paris Cherbourg Trouville – Deauville

              Dates                                         Faits saillants
Mars 1970                    Inauguration du nouveau service interurbain à fréquence élevée par
                             turbotrains ETG (éléments à turbines à gaz)
1973                         Première crise pétrolière
Avril à décembre 1975        Remplacement des RTG par des rames à turbines à gaz (RTG) plus
                             confortables et plus capacitaires
1980                         Premières demandes d’électrification formulées par les collectivités
                             territoriales. L’opération n’est pas encore retenue au titre du VIIIème
                             Plan (1981 1985)
1981                         Etude demandée par le Ministre des transports
Mars 1982                    Premier bilan économique de la modernisation de la ligne Mantes- -
                             Cherbourg et de son antenne Lisieux-Trouville

Octobre 1984                 Le Conseil Régional de Basse-Normandie adopte le principe
                             d’apporter un concours financier à l’opération d’électrification.

Juin 1986                    Actualisation du bilan de 1982 : dégradation de la rentabilité en raison
                             de la baisse des prix du pétrole

18 décembre 1986             Convention entre la Région de Basse-Normandie et la SNCF relative
                             aux études préliminaires à l’électrification
Décembre 1987                Le ministre délégué chargé des Transports (Jacques Douffiagues)
                             confie à M. Paul Josse ingénieur général des Ponts et Chaussées une
                             mission d’expertise sur les conditions de réalisation de l’électrification
                             de la ligne Mantes Caen Cherbourg et de son antenne vers Deauville
Mars 1988                    Transmission du rapport Josse au ministre
Août et septembre 1988       Protocoles généraux entre les Départements du Calvados et de la
                             Manche et la SNCF pour la suppression des passages à niveau
Juin 1989                    Contrat entre l’Etat, la Région de Basse-Normandie et la SNCF pour
                             la modernisation avec électrification de la ligne Mantes Caen
                             Cherbourg et de son antenne Lisieux Trouville Deauville approuvé par
                             le conseil d’administration de la SNCF le 21 juin 1989 et signé le 23
                             juin.
23 juin 1989                 Convention entre la Région de Basse-Normandie et la SNCF pour le
                             relèvement à 200 km/h de la vitesse des trains de voyageurs
1989                         Début des travaux de modernisation et des opérations préparatoires à
                             l’électrification
10 avril 1990                Protocole général entre le Département de l’Eure et la SNCF pour la
                             suppression des passages à niveau
20 juin 1991                 Approbation ministérielle de l’électrification
2 juin 1996                  Mise en service de l’électrification du tronçon Mantes Cherbourg (314
                             km) et de l’antenne de Deauville (29 km)
Décembre 1996                Relèvement de vitesse à 200 km/h sur certains tronçons (89 km).

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2.2 Les objectifs du projet

Les deux objectifs retenus par l’Etat pour le projet figurent dans la lettre d’approbation
ministérielle du 20 juin 1991 :

     -      améliorer la desserte ferroviaire de la Région Basse Normandie par l’utilisation de
            locomotives électriques modernes ;
     -      rendre possible la circulation de rames TGV comme cela est prévu dans le projet de
            schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse.23

Plus précisément, la volonté des collectivités territoriales de Basse Normandie était en les
électrifiant de mettre les liaisons Paris Caen Cherbourg et Paris Deauville au niveau des
grandes radiales nationales, avec les objectifs suivants :

     -      gagner en fiabilité, en ponctualité et en régularité du service ;
     -      réduire les temps de parcours. Compte tenu des très bonnes performances de
            vitesse des turbotrains qui roulaient déjà à 160 km/h sur une partie importante du
            parcours, l’électrification de la ligne à l’identique aurait conduit à une nette
            dégradation des temps de trajet, ce que les collectivités considéraient comme
            inacceptable. La Région demandait donc que la ligne soit aménagée pour permettre
            un relèvement de la vitesse des trains classiques aux mêmes niveaux que les RTG
            et que, sur les sections les plus favorables (sur 89 km), la vitesse soit relevée
            jusqu’à 200 km/h (ce qui impliquait, pour ces dernières, la suppression de tous les
            passages à niveau). Ces travaux supplémentaires (rectifications de tracé et même
            construction d’un nouveau tracé sur environ 8 kilomètres, construction de passages
            routiers supérieurs ou inférieurs pour remplacer les passages à niveau, modification
            de la signalisation, etc.) s’ajoutaient au coût global de l’opération ;
     -      accroître ou tout au moins maintenir la fréquence des dessertes, malgré une
            capacité unitaire des trains très supérieure en traction électrique et voitures Corail ;
     -      permettre des dessertes TGV interrégionales comme il en existait déjà au départ de
            Rouen24, de façon à désenclaver la Région Basse-Normandie et à l’intégrer au
            réseau à grande vitesse ;
     -      mettre en sécurité les réseaux routier et ferroviaire grâce à la suppression de 123
            passages à niveau (la quasi-totalité), y compris sur les sections de ligne où la vitesse
            des trains, inférieure ou égale à 160 km/h, ne l’imposait pas d’un strict point de vue
            réglementaire. En 2009, il subsiste 7 passages à niveau entre Mantes et Cherbourg
            et 14 entre Lisieux et Trouville.

La SNCF recherchait principalement une diminution de ses coûts (élevés en traction thermique
à turbines à gaz) et une fiabilisation de son exploitation qui devrait gagner en régularité et en
souplesse grâce à la robustesse de la traction électrique et à la capacité accrue des trains :

     -      diminution des coûts d’énergie et de traction
     -      économies substantielles sur les coûts d’entretien du matériel moteur
     -      utilisation de matériels plus fiables (locomotives électriques), plus puissants et offrant
            une capacité plus importante (trains Corail) et plus facilement modulable en fonction
            des pointes de trafic de fins de semaines
     -      renforcement de la sécurité des circulations grâce à la généralisation du block
            automatique d’espacement des trains et à la suppression des passages à niveau
            réalisée à cette occasion sur l’intégralité de la ligne

23
   Schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse. Ministère de l’Equipement, du logement et
                                                                 er
des Transports. Avril 1992. (approuvé par le décret n° 92-55 du 1 avril 1992)
24
   Première liaison TGV Rouen Lyon le 20 septembre 1986

                                                          19/79
-       diminution des coûts d’entretien et d’exploitation des infrastructures grâce à la
             modernisation des installations.

Les préoccupations liées à l'environnement n’étaient pas celles d’aujourd’hui et la circulaire
Bianco25, qui date de 1992 et ajoute aux bilans LOTI un volet sur l'environnement, n’était pas
encore en application. C’est pour cela que, bien que la réduction de la pollution et des
émissions de gaz à effet de serre soient un objectif des électrifications actuelles, les avantages
relatifs à l’environnement n’avaient pas été mis en avant à l’époque.

2.3 Les points sensibles du projet
2.3.1 Les passages à niveau et la phase de travaux

Dans les documents ex ante, il n’est pas fait explicitement mention de points jugés comme
sensibles. En effet, comme la ligne existe déjà et qu'il s’agit de modifier ses installations, il n’y a
pas eu d’enquête d'utilité publique au titre de l’électrification. Néanmoins, on peut avancer
quelques suppositions concernant les points sensibles de ce projet : les passages à niveau et le
rétablissement des communications routières lors de la mise au gabarit de certains ouvrages
d’art.

Les passages à niveau, sont généralement des points sensibles sur un réseau en raison des
accidents qui peuvent s’y produire. Les collectivités sont souvent très demandeuses de toutes
améliorations que l’on peut apporter en ces lieux. L’électrification a été l’occasion de supprimer
123 passages à niveau de la ligne (soit la quasi-totalité). Leur remplacement par (ou leur report
sur) des passages dénivelés « ont donné lieu à des enquêtes publiques dont les dossiers ont
été préparés, soit par le gérant de la voirie routière, soit par la SNCF, avec chaque fois que le
montant des travaux le justifiait, insertion d’une étude d’impact ». Ces opérations n’ont
certainement pas été sans gêner les utilisateurs, qui, dans l’attente du rétablissement des
communications routières, ont dû emprunter des itinéraires de substitution.

Un autre point qui a pu gêner les riverains en phase de travaux concerne le rétablissement des
communications routières suite à la mise au gabarit de certains ouvrages. En effet,
l’électrification a nécessité la reconstruction de 20 ponts routes et le relèvement du tablier de 64
ponts routes. La circulation automobile a dû s’en trouver perturbée le temps des travaux, qui ont
dû se faire en parallèle sur plusieurs ouvrages.

Il faut aussi noter que le relèvement de la vitesse de circulation des trains à 200 km/h
demandée par la Région sur 89 km26 proposés par la SNCF a nécessité des rectifications de
tracé et la construction d’une plate forme nouvelle entre Bernay et Lisieux sur environ 8 km. Ce
relèvement de vitesse, ainsi que les modifications de tracé amenant à sortir des emprises
ferroviaires, ont donné lieu à une enquête publique qui n’est pas dans le champ de ce bilan
LOTI.27

25
   Circulaire du 15 décembre 1992 relative à la conduite des grands projets nationaux d'infrastructures
26
   Bernay Lisieux (26,0 km), Mesnil-Mauger Caen (33,6 km), Carentan Valognes (29,4 km).
27
    Comme les suppressions de passages à niveau, les aménagements spécifiques pour l’accélération des
circulations à la vitesse maximale de 200 km/h ne sont pas strictement connexes à l’électrification. Ces travaux ont
été réalisés simultanément à la demande et avec le financement des collectivités locales, mais ne font pas partie du
projet approuvé par le ministre chargé des Transports.

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