Biovision - Oser la nouveauté - Fondation pour un développement écologique - Biovision Foundation
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Magazine n° 68, décembre 2021 Biovision Fondation pour un développement écologique Oser la nouveauté Des plaines kenyanes aux montagnes grisonnes : comment faire face au changement climatique ?
Chère lectrice, cher lecteur, Vous appréciez l’innovation ? Vous vous plaisez à sortir régulièrement de votre zone de confort pour essayer quelque chose de différent ? Pour moi, ce n’est pas toujours facile. Et c’est pourquoi je rends hommage aux gens qui ont le courage de se lancer dans des changements profonds. Je pense par exemple aux semi-nomades du Projet Chameaux nord du Kenya. Leur vie a toujours tourné autour du bétail. Aujourd’hui, la crise contre sécheresse climatique les oblige à abandonner leurs (depuis 2010) vieilles traditions et à remplacer l’élevage En coopération avec les partenaires de bovins par celui de chameaux. Un peu locaux de VSF et les autorités locales, comme si les Valaisan.nes devaient adopter des projets pilotes d’introduction de des cochons laineux à la place de leurs chameaux en divers endroits du comté moutons à museau noir, ou si les produc- d’Isiolo ont contribué avec succès à teur.trices de lait appenzellois devaient se l’acceptation et à la diffusion de ces reconvertir en éleveur.euses d’ânes. animaux. Au Kenya, de plus en plus d’éleveur·euses Impact entreprennent cette conversion radicale. La mise en place d’une filière de réfri- Découvrez dans ce magazine le reportage gération et de commercialisation du lait sur le comté d’Isiolo (cette page et les de chamelle a permis d’augmenter l’offre suivantes), ainsi que le portrait d’une et l’attractivité de l’élevage de chameaux commerçante de 30 ans, Nasibo Turo Kund C’est décidé, ils restent : dans la région. Ainsi, la résilience de (dernière page). J’admire également le Aujourd’hui, dans le comté d’Isiolo, 311 propriétaires de chameaux été ren- courage des agriculteur·trices des Grisons ce ne sont plus les bovins, forcée grâce une plus grande disponi- qui prennent des mesures drastiques pour mais les chameaux qui se fondent bilité du lait et aux revenus réguliers lutter contre le changement climatique dans le paysage. provenant de la vente. À cela s’ajoutent (pages 8 et 9). environ 33 300 bénéficiaires du projets directs et indirects. Les 45 membres Nous pouvons toutes et tous agir. En page 11, En avant les chameaux ! de la coopérative « Anolei » ont généré vous trouverez des conseils et astuces afin deux jours pour survivre. Mais celles-ci d’Isiolo, avec le soutien initial de la Di- du travail stable ainsi que des salaires de réaliser de délicieux canapés au saumon viennent à manquer lors de sécheresses rection suisse du développement et de la réguliers grâce à une centrale laitière écolos pour votre apéritif de Noël. extrêmes. Les animaux sont de plus en plus coopération (DDC). Pourtant, le scepticisme et à la commercialisation réussie des Difficile d’innover dans les communautés pastorales traditionnelles nombreux à mourir de soif ou de faim entre des peuples bergers était grand au départ. produits. Leur modèle peut maintenant En parlant de Noël : je vous souhaite des au nord du Kenya. Mais le changement climatique pousse les les points d’eau et les pâturages, laissant Les innovations ont peu de poids face aux être repris par d’autres groupes afin fêtes heureuses et paisibles, ainsi que tout semi-nomades, soutenu·es par Biovision, à oser le saut dans l’inconnu : les éleveur·euses impuissant∙es face à cette vieilles traditions – cela vaut aussi au Kenya. de répondre à la demande croissante le meilleur pour la nouvelle année. Je me situation hors de contrôle. « Quand nous avons commencé à introduire réjouis de pouvoir compter encore sur vous maintenant, il·elles comptent sur les chameaux. de lait de chamelle, qui ouvre de nou- les chameaux, de nombreux·ses Borana velles perspectives à un nombre crois- et votre précieux soutien en 2022 ! Par Peter Lüthi, rédacteur de Biovision (texte) et Christian Bobst (photos) Les chameaux offrent une porte de sortie trouvaient ces animaux au mieux amusants, sant d’éleveur·euses de chameaux dans à cette fatalité. Ils peuvent se passer d’eau explique le Dr Davis Ikiror, directeur de le comté d’Isiolo. 14 jours durant et se contenter des feuilles VSF dans le pays. Aujourd’hui, elles et ils À quel paysage associez-vous les cha- La crise climatique entraîne des de buissons épineux et d’acacias dispo- disent qu’ils sont beaux… » Budget 2021 meaux ? Désert d’Arabie, dunes de sable ? pertes élevées nibles en abondance dans ces contrées. CHF 188 540.– Aujourd’hui, ces animaux sont aussi chez « Pendant les dernières sécheresses, nous Cela permet de garder les animaux en per- Forte demande de lait de chamelle eux dans les zones sèches et semi-arides avons eu des pertes très élevées de moutons, manence à proximité des habitations. Les Au cours des 20 dernières années, la popula Le projet contribue à la réalisation des du nord du Kenya. Certes, jusqu’à la fin du de chèvres et de bovins en raison du chan- familles récoltent ainsi chaque jour du lait tion de chameaux dans le comté d’Isiolo Objectifs de développement durable des siècle dernier, les semi-nomades Borana, gement climatique. Mais pratiquement tous frais, riche en vitamine C, pouvant être s’est multipliée pour atteindre à ce jour Nations Unies suivants : Samburu et Turkana élevaient exclusive- les chameaux sont indemnes », explique le vendu. Cela augmente leur résilience face 150 000 têtes. De plus en plus de personnes Frank Eyhorn Directeur de Biovision ment des bovins et du petit bétail dans ces Dr Joseph Nduati Githinji, vétérinaire et aux sécheresses et leur permet de rebondir en acquièrent de leur propre chef. Notam- zones peu arrosées. Mais cela a beaucoup employé du Département d’Agriculture du plus facilement après les crises. ment grâce à la popularité du lait de cha- changé. Dans le comté d’Isiolo au nord du comté d’Isiolo. Le petit bétail et surtout melle. Le projet de VSF et Biovision a été Mont Kenya, chameaux, chèvres et moutons les bovins, dont dépend la subsistance des En 2010, Biovision et Vétérinaires Sans pionnier dans la mise en place d’une chaîne ont remplacé presque tous les bovins. semi-nomades dans les zones arides, ont Frontières Suisse (VSF) ont lancé un projet de commercialisation. En plus de l’intro besoin d’herbe et d’eau au moins tous les d’introduction de chameaux dans le comté duction des camélidés, le cœur du projet 2 3
Transport en bidons : Le lait de chamelle est collecté auprès des familles d’éleveur·euses et conduit en moto jusqu’au point réside dans la laiterie gérée par la coopé- Autre aspect important : des cours sur de collecte de la ville d’Isiolo. rative locale « Anolei » dans la ville d’Isiolo. l’élevage de chameaux, la qualité du lait et Actuellement, 4000 à 7000 litres de lait les soins de santé animale. Un système de sont chaque jour contrôlés qualitativement, déclaration des zoonoses – maladies trans- puis refroidis. Une certaine quantité est missibles de l’animal à l’homme – a égale- transformée en yaourts ou confiseries, ven- ment été mis en place. Au sein des commu- dus sur place. La plus grande partie va direc- nautés, une équipe a été formée et équipée tement à Nairobi, la nuit dans un camion fri- d’un téléphone portable afin de rapporter les Dr Joseph Nduati Githinji gorifique, pour être mise en vente le matin. cas suspects au moyen d’un questionnaire Vétérinaire du département d’agriculture Victime de son succès, la laiterie ne peut au- numérique envoyé aux autorités vétérinaires du comté d’Isiolo. jourd’hui plus satisfaire toute la demande. d’Isiolo. Cela leur permet d’établir des diag Tous les coûts de la chaîne sont couverts nostics à distance qui les aident à enrayer par le revenu généré par les ventes. Même rapidement les épidémies naissantes. Trois questions au Dr Nduati Githinji dans les régions reculées, les propriétaires de chameaux reçoivent un salaire régulier. Libérée de la pauvreté Quels ont été les plus grands Le Groupe d’entraide Galesa, l’un des der- défis lorsque des chameaux Quelques erreurs et des leçons apprises niers à rejoindre le projet en 2016, a béné ont été introduits à Isiolo ? Au début du projet, les chameaux ont été ficié des leçons apprises (voir page 12). donnés aux familles les plus démunies. Cela « Autrefois, nous avions souvent trop peu Au début, il a fallu du temps aux com est vite apparu comme une erreur. Se trou- à manger, juste du maïs et du thé. Nous munautés Borana, Samburu, Turkana ou vant dans l’incapacité de payer le berger ou dépendions de l’aide alimentaire », raconte Meru pour accepter ces animaux. Grâce les soins médicaux des animaux, beaucoup Halima Chibra, 52 ans, veuve et mère de aux formations à l’élevage de chameaux, d’entre elles les ont revendus afin de pou- cinq enfants. Leur premier chamelon a été à la transformation du lait et aux soins voir continuer de subvenir à leurs propres victime des hyènes. Néanmoins, elle a réussi médicaux, mais aussi grâce à la popularité besoins. Les communautés villageoises en à gagner de l’argent et à l’investir dans un croissante du lait de chamelle, leur nombre ont tiré les leçons et ont sélectionné des magasin. Aujourd’hui, elle vend de l’huile, augmente rapidement aujourd’hui. familles ayant une assise économique mi- du sucre, des aliments de base, des articles nimale. On leur a également fourni cinq de boulangerie et de la viande de chameau. Vous avez des chiffres ? chèvres gravides pour la reproduction. Ainsi, Sa table est maintenant abondamment garnie : ces familles ont pu obtenir du lait de chèvre légumes divers, maïs, riz, galettes de pain. Depuis 2010, la population de chameaux et le vendre ou vendre des chevreaux pour dans le comté d’Isiolo a triplé. Elle compte se constituer un revenu. www.biovision.ch/chameaux maintenant 150 000 animaux. Quelle est l’importance des autres aspects du projet ? Grâce à la mise en place d’une chaîne de commercialisation et de froid, L’hygiène, une priorité absolue : « du producteur au consommateur », Dans la laiterie, le lait de les pertes en lait de chamelle, qui chamelle est contrôlé s’élevaient jusqu’à 30 % et étaient dues qualitativement, puis refroidi. à une mauvaise hygiène ou à des tempé- ratures trop élevées, ont été nettement réduites. La formation et le déploiement de reporters en santé animale sur notre vaste territoire de 25 700 km2 nous permet de détecter les foyers épidémiques à un stade précoce et d’intervenir rapi dement. Nouvelle chance : Le premier chamelon Fière de son troupeau : Animaux frugaux : de Halima Chibra a été mangé par Sadia Mohamed a aujourd’hui Les chameaux n’ont besoin de des hyènes. Entre temps, la mère a donné 30 chèvres et 3 chameaux. boire que tous les 14 jours. naissance à un deuxième petit. 4 5
Résilience Amélioration de la résilience des personnes, L’agroécologie contre la des communautés et des écosystèmes Diversité crise climatique Économie circulaire Meilleure résilience grâce aux semences Production locale, trajets locales et à la diversification des courts, réutilisation structures agricoles et des produits Les conséquences du réchauffement menacent la sécurité alimentaire dans le monde. Recyclage Connaissances partagées L’agroécologie rend l’agriculture plus résiliente et contribue à réduire les gaz à effet de serre. Utilisation de résidus de Interaction des savoirs locaux traditionnels et des nouvelles Agro- culture et de fumier comme Par Martin Grossenbacher, rédacteur, Biovision connaissances scientifiques compost ou source d’énergie Synergies écologie Culture et alimentation Promotion d’une alimentation Nous sommes en pleine crise mondiale du avec l’Organisation des Nations Unies pour plaidoyer s’y engagent fortement : ils et Gestion douce des sols et saine, durable et culturellement climat et de la biodiversité, une crise qui l’alimentation et l’agriculture (FAO) met en elles apportent de manière ciblée des plantation symbiotique adaptée ne cesse de s’accélérer. Les familles pay- évidence trois piliers de l’agroécologie qui connaissances actuelles et étayées dans sannes sont particulièrement touchées : conduisent à une plus grande résilience au les processus de décision politique, et Gouvernance Efficience sécheresses ou pluies abondantes, chaleur changement climatique : favorisent ainsi un changement d’opinion. Stratégies, programmes et Réduction des pesticides et ou froid extrême menacent de la même ∙ La diversité des modes de culture et des Par exemple grâce au Food Policy Forum ressources étatiques axés sur des engrais de synthèse façon les semis et la récolte. En Suisse, espèces crée des synergies et optimise for Change (Forum de politique alimentaire l’application nous vivons cette année une baisse histo- la diversité génétique, ce qui renforce la pour le changement), on encourage active- rique des rendements : le printemps froid, le résistance des animaux et des plantes. ment l’échange entre les décideur·euses. Valeurs sociales Protection et amélioration des bases de la vie, gel au début de la floraison, la grêle, un été Elle assure également des sources alter- On crée ainsi une base de travail pour de de la justice et du bien-être social pluvieux avec des sols détrempés et peu de natives de revenus. Et la diversification nouveaux plans d’adaptation et de déve- soleil ont mis à rude épreuve les récoltes de économique réduit le risque d’échec total loppement face au changement climatique, 2021. Selon l’estimation de l’Office fédéral lors de mauvaises récoltes. dans des processus participatifs. Mais à ce Réduction des Ajustement et de la statistique, la valeur de la production ∙ Des sols sains et fertiles, cultivés selon jour, on manque encore d’actions décisives gaz à effet de serre renforcement de baissera de 9 % par rapport à l’an passé. des pratiques proches de la nature sans et de ressources financières. Pourtant, l’heure Dans l’ensemble des pays du Sud, la situa- utiliser d’engrais et de pesticides de syn- tourne… (atténuation) la résilience tion est bien plus alarmante. thèse, réduisent les émissions de gaz à (adaptation) effet de serre et stockent plus de carbone. Le monde rural d’Afrique de l’Est a fait face ∙ Créer et échanger des connaissances ces dernières années à des sécheresses de communes. La connaissance de la popu- L’agroécologie, c’est quoi ? plus en plus rapprochées. L’été dernier, le lation sur ce qu’est le changement clima- gement climatique gouvernement kenyan a qualifié la séche- tique et comment y faire face constitue la L’agroécologie est une forme d’agricul- ture durable qui rassemble des connais- Chan resse de « catastrophe nationale ». Parmi les base d’une meilleure résilience. En combi- sances scientifiques traditionnelles et graves conséquences du réchauffement, on nant les savoirs traditionnels locaux avec modernes tout en prenant en compte les peut citer la diminution des disponibilités les preuves scientifiques sur les bienfaits aspects écologiques, sociaux et écono- alimentaires et les conflits liés au manque de l’agriculture biologique, on augmente miques. Elle relie les producteur·trices d’eau. Mais l’agriculture n’est pas seulement à long terme l’adaptabilité des systèmes et les consommateur·trices à travers des victime du dérèglement climatique ; elle en alimentaires et la résilience de ses acteurs chaînes de valeur équitables et consti- est aussi responsable. Notre système ali- et actrices. tue une approche efficace pour remode- mentaire – de la production à l’élimination ler nos systèmes agro-alimentaires de des déchets alimentaires, en passant par le Par ailleurs, les principes agroécologiques manière durable. Vous pouvez en savoir stockage, la distribution et la consomma- de production locale proche de la nature, plus à ce sujet en consultant le lien vers tion – est responsable d’environ un tiers avec des trajets de transport courts, une l’étude de Biovision et de la FAO sur des émissions de gaz à effet de serre dans économie circulaire et une consommation www.biovision.ch/fr/actualites/aofr le monde. réduite, contribuent à baisser davantage les émissions de CO2. Les méthodes naturelles assurent une meilleure résilience Les politiques doivent agir maintenant ! Pour se protéger du réchauffement clima- L’agroécologie est en plein essor au niveau tique et de la faim, nos systèmes alimen- international. Elle est considérée par de taires doivent de toute urgence devenir plus plus en plus de décideur∙euses politiques, résilients et plus durables. L’expérience économiques, scientifiques et de la société de terrain et les découvertes scientifiques civile comme le meilleur moyen de trans- montrent toujours plus clairement que former nos systèmes alimentaires. Ce qu’il Le potentiel de l’agroécologie pour lutter contre le changement climatique réside dans son caractère l’agroécologie (voir encadré) est une solu- faut maintenant, c’est un environnement holistique. Outre les aspects environnementaux, l’agroécologie prend en compte des facteurs sociaux et tion très prometteuse face à ces défis. Une politique plus favorable. À Biovision, les Et en anglais : économiques. De cette façon, elle agit durablement et efficacement contre le changement climatique. étude publiée par Biovision en collaboration responsables du dialogue politique et du www.agroecology-pool.org Cette représentation est basée sur la définition de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). 6 7
Sur un pied d’égalité : Le co-initiateur Claudio Müller (au centre) visite la ferme de montagne de Michael Dick et Séverine Curiger à Tinizong. émissions de gaz à effet de serre et leur pas identiques. Il existe des différences dans Commentaire consommation de ressources. De cette ma- la digestion et les émissions de gaz méthane. nière, il est possible de déterminer comment Ces dernières peuvent être réduites en ajou- À chaque problème fonctionnent les mesures sélectionnées tant dans le fourrage des plantes contenant sa solution individuellement et comment elles peuvent beaucoup de tanin, comme le sainfoin ou Lorsque 50 exploitations soumettent plus être améliorées. Dès 2026, les expériences le lotier corniculé. Il existe également des de 140 idées pour améliorer leur bilan positives devront être transmises à un moyens de limiter les gaz à effet de serre climatique, cela montre une volonté de maximum d’autres exploitations pendant dans le traitement du lisier. En séparant le changement impressionnante. Les proprié- la phase d’expansion, et elles permettront fumier solide et l’urine, les émissions de taires des fermes pilotes du projet d’agri- l’adaptation des conditions cadres. Claudio méthane, d’oxyde nitreux et de CO2 peuvent culture climatiquement neutre des Grisons Müller pense notamment à des dispositions être réduites. sont motivés. Elles et ils jugent indispen- légales, comme les conditions de subvention sable de façonner leur avenir de manière pour la construction de nouvelles granges. Le sol au secours du climat positive et de libérer l’ensemble du secteur Claudio Müller place beaucoup d’espoir dans agricole d’une spirale descendante. D’une part, le projet vise à renforcer la ré- le sol et donc dans la culture des plantes. silience des exploitations grisonnes face Diverses formes de travail de la terre sont En tant que membre du groupe d’expert.es aux impacts du changement climatique. testées dans le projet : utilisation de ma- climatiques qui conseille les entreprises D’autre part, il doit apporter une contribu- chines qui ménagent le sol, rotations de parties prenantes au projet, je sens la tion économiquement viable à la protection cultures avec une sélection de variétés richesse des idées et l’immense motivation du climat. Avec les principes suivants : des spécifiques au site, fertilisation respec- des entreprises à initier des changements. mesures raisonnables et réalisables en zone tueuse du climat, etc. On expérimente aus- Certains d’entre nous, consommateur·trices, de montagne, une approche participative ré- si divers systèmes tels que l’agroforesterie, pourraient s’en inspirer. De même, gie par des principes d’équité, ainsi qu’une la permaculture ou la micro-agriculture bio- on peut saluer le courage du gouvernement participation sur une base volontaire. intensive. Cette dernière permet de générer grison de soutenir autant les coûts que les Ambiance de renouveau dans les rendements végétaux les plus élevés idées de ce projet novateur. Énergie solaire, biogaz et synergies possibles sur un seul hectare en utilisant Mais quelles sont les mesures concrètes ? des méthodes écologiques et beaucoup de Cet esprit pionnier existe aussi à Biovision. les Grisons En matière d’énergie, il s’agit de coopérer travail manuel. Une gestion poussée du Avec nos partenaires en Afrique de l’Est, entre exploitations pour encourager l’utili- compost y joue un rôle décisif. nous expérimentons également la transition sation des machines à basse consommation, vers une agriculture durable. Il y a un des moteurs électriques ou encore optimi- « Nous sommes conscients que l’agriculture Dans ce canton alpin, des avant-gardistes ont une grande ambition. Réaliser ensemble autre point commun : des producteur·trices ser les bâtiments sur le plan énergétique. est un système exigeant et complexe, sou- le rêve d’une agriculture climatiquement neutre. travaillent avec des scientifiques et le sec- La production d’énergie solaire et éolienne ligne Claudio Müller. Mais elle offre aussi teur privé pour développer des méthodes offre encore un grand potentiel, tout comme un grand potentiel pour protéger le climat. » Par Peter Lüthi, rédacteur Biovision (texte) et Giorgio Hösli (grande photo) qui ont fait leurs preuves en matière de les usines de biogaz, qui fournissent des en- En tout cas, un premier pas a été franchi. respect du climat, mais qui n’ont pas encore grais en plus de l’électricité et de la chaleur. Et une chose plaît particulièrement au été mises en pratique à grande échelle. Claudio Müller a du courage. Co-initiateur Au sein du Maschinenring, on prend le tau- a également été utile. Elle oblige le canton co-responsable du projet : « Dans le cercle du projet « Agriculture climatiquement reau par les cornes. Par exemple en expli- à lutter pour la neutralité climatique à tous En matière d’élevage, on testera des mesures des entreprises pionnières, il y a un esprit Le reproche selon lequel les paysan·nes neutre des Grisons », cet agronome EPFZ, quant au public pourquoi la vache n’est pas les niveaux. Les initiateur∙trices ont réussi liées au type d’alimentation, à la manipula- d’optimisme, un enthousiasme pour sortir sont rétissant.es au changement est ancien fromager d’alpage et aujourd’hui une tueuse du climat et que l’agriculture à rallier les autorités, le Centre cantonal tion du fumier ou à la sélection d’espèces des sentiers battus et oser l’innovation ! » réfuté par cette initiative. Du moins pour directeur de l’organisation Maschinenring joue un rôle important dans la réduction du d’information et de formation agricoles adaptées. En effet, toutes les vaches ne sont les fermes pilotes impliquées dans les Graubünden, possède de vastes connais- CO2. « On ne sait vraiment pas assez que les Plantahof, les organisations profession- Grisons. sances, une solide expérience pratique et prairies peuvent stocker d’énormes quanti- nelles Bio Grischun, l’association paysanne une proximité avec la paysannerie grisonne. tés de carbone – plus que le sol forestier », des Grisons et le gouvernement cantonal. Le Maschinenring est un cercle d’entraide explique l’agronome. Dès 2015, lui et son Ce dernier a accordé un prêt de 6,4 millions géré par des agriculteur∙trices pour des organisation ont conçu l’ambitieux pro- de francs en 2020 pour la première phase agriculteur∙trices. Il aide les exploitations jet « Agriculture climatiquement neutre », du projet, qui a démarré au début de cette à économiser du temps et de l’argent, à porteur d’une grande vision : les Grisons année et se terminera en 2025. débloquer de nouvelles sources de revenus deviendront le premier canton suisse où, ou à organiser les travailleur·euses agri- quand on achète de la nourriture, on peut Deux fermes pilotes cantonales et 50 fermes coles. « On a le nez dans le vent et on sait être certain qu’elle a été produite sans alté- pilotes privées testent actuellement une où est le problème », affirme avec vitalité rer le climat. palette de 140 mesures liées au climat : Loredana Sorg le directeur, en donnant immédiatement un élevage, production végétale, consomma- Co-responsable des projets de développement exemple : « Ce qui affecte la classe paysanne, Large soutien tion et production d’énergie. Les derniers Délicieux et durables : chez Biovision, membre du groupe c’est l’attitude de plus en plus critique des L’idée a rencontré un écho très positif dans le résultats de la recherche scientifique sont d’expert∙es climat du projet « Agriculture Des poivrons et aubergines climatiquement neutre des Grisons » gens envers le monde agricole, frisant même secteur agricole. Car les conséquences de la pris en compte et mis en œuvre. Sur la voie biologiques cultivés de manière l’hostilité ». Mais il voit aussi des opportu- crise climatique se font aussi sentir dans les d’une agriculture climatiquement neutre, climatiquement neutre dans nités dans l’intérêt croissant d’une certaine Grisons. L’initiative politique « Aktionsplan les exploitations sont analysées au début les fermes de montagne des Grisons. clientèle plus avertie. Green Deal Graubünden » au Grand Conseil et après cinq ans en ce qui concerne leurs 8 9
Actualités Biovision L’agroécologie en plein essor Dernières nouvelles de nos projets de sensibilisation, de développement et de plaidoyer, en Suisse et à l’international. Au cours de la première semaine de novembre ont eu lieu les « Journées de l’agroécologie» : une série d’évènements organisés à travers la Suisse par 45 orga- nisations différentes, dont Biovision, al- lant des portes ouvertes à la ferme (photo ci-dessous : visite de la ferme Farngut à Anna Schöpfer Grossaffoltern BE), aux échanges sur les Responsable du projet « Consommation durable » actualités de la recherche scientifique. En outre, plus de 5600 signatures ont été recueillies pour la pétition « Promou- « Et si on essayait le saumon voir l’agroécologie – en Suisse et dans le aux carottes ? » monde », dont nous sommes heureux∙ses de constater le niveau élevé d’engage- ment. Les quelque 850 participant∙es et personnes impliquées dans cette se- Saumon d’élevage Le « saumon » le plus durable est le « Wood Smoked » : la variante végane à base de ou sauvage ? carottes biologiques suisses. Une jeune maine d’action ont montré de manière entreprise de l’Oberland bernois les pro- impressionnante tout le potentiel de duit dans la vallée du Kandertal, fumés Biovision à la COP26 l’agroécologie. selon un processus traditionnel avec du www.agroecologyworks.ch/fr Autrefois réservé aux fêtes, le saumon est devenu le poisson le bois d’épicéa de haute montagne. Une Fabio Leippert, Tanja Carillo et Martin concrets de pratiques agricoles durables plus consommé en Suisse. Savez-vous à quoi faire attention pour alternative de fête pour tous∙tes celles et Herren (photo en bas à droite), de notre et de souligner l’importance des mesures qu’il soit aussi savoureux que durable ? ceux qui aiment s’essayer à de nouvelles département Dialogue politique et plai- locales d’adaptation au climat. Au cours saveurs. doyer, étaient présent∙es au Sommet des d’un dîner informel organisé par Biovision Par Anna Schöpfer, Biovision Nations Unies sur le climat (COP26) à en début de semaine, des négociateur∙trices Glasgow. Elle et ils ont fourni des infor- du Koronivia Joint Work on Agriculture de mations sur le thème de l’agroécologie, différents pays ont eu l’occasion d’échan- Pour limiter les captures sauvages et ré- pondre à la forte demande, une grande Climat Faits et chiffres réunissant les acteur∙trices concerné∙es ger des idées et de discuter des moyens partie des saumons de nos supermarchés En Suisse, 9 kg de poissons et Conditions afin d’encourager une perspective d’agri- prometteurs de promouvoir les objectifs de vie est élevée dans des fermes aquatiques. culture durable au sein de la Convention- climatiques dans les politiques agricoles. Ils sont gardés dans de grands filets près satisfaisantes Pollution fruits de mer sont consommés cadre sur le changement climatique. Dans chaque année. des côtes. Mais le saumon est un préda- le cadre de divers événements organisés Impressum avec des organisations partenaires telles teur et doit être nourri avec du poisson – 96 % du poisson consommé dans ce Biovision Magazine N°68, décembre 2021 qui à son tour provient de la pêche inten- pays est importé. que le WWF et l’Organisation des Nations Le magazine paraît 5 fois par an. Il est inclus dans sive. Cela signifie qu’il faut investir plus Unies pour l’alimentation et l’agriculture les dons à partir de 5 Fr. sous forme d’abonnement. de kilos de poisson qu’il n’en est finale- Le saumon est le poisson (FAO), les expert∙es climatiques ont pré- Tirage 31 500 exemplaires (français et allemand) ment obtenu – une folie écologique ! De le plus apprécié senté les résultats actuels sur le poten- Impact social Consommation en Suisse, devant le thon et © Fondation Biovision, Ch. de Balexert 7, plus, les fermes conventionnelles utilisent et bien-être des ressources tiel des principes agroécologiques dans animal les crevettes. 1219 Châtelaine (GE) de grandes quantités d’antibiotiques et la lutte contre le changement climatique. de pesticides, car les poissons sont con La Norvège est de loin le plus Rédaction/édition photos/production Biodiversité En outre, des événements ont permis aux Peter Lüthi, Florian Blumer servés en grand nombre dans un espace États membres et aux organisations de la gros producteur de saumon au monde, confiné. société civile de présenter des exemples Correction Text Control AG, Zurich Saumon fumé bio devant le Chili et l’Écosse. Crédit photos Couverture : Nasibo Turo Kund rend Saumon sauvage MSC visite son chameau dans le troupeau de Kula Mawe, Les saumons les plus durables proviennent Plus la surface colorée est grande, Au cours de leur courte vie, les saumons photo Christian Bobst. de la pêche certifiée MSC ou de fermes plus le produit est durable. parcourent plus de 10 000 km, Christian Bobst : p. 1–5 et p. 12 ; Giorgio Hösli, p. 8 ; biologiques, où ils sont nourris avec des soit environ 100 km par jour. Quelques remerciements… Peut-être êtes-vous tombé·e sur un encart Peter Lüthi / Biovision : p. 9 ; Fabio Leippert / déchets de poisson. Les plus écologiques, Biovision en feuilletant un magazine chez Biovision : p. 10 en haut à gauche ; Samira Amos : cependant, restent les poissons des eaux le dentiste ou en lisant votre journal préfé- p. 10 en haut à droite ; pixabay : p. 11. locales. Notre conseil : si vous voulez ré au cours de ces dernières semaines. Ces Mise en page Binkert Partnerinnen, Zurich vous offrir du saumon pour une occasion La comparaison CLEVER : le bio est plus durable que le MSC publicités apparaissent grâce à la bonne Impression Koprint AG, Alpnach spéciale, recherchez le label MSC pour volonté généreuse des maisons d’édition. Le label MSC garantit des normes mi- logique limite les captures sauvages et Papier Nautilus Classic (100 % recyclé) les poissons sauvages ou, mieux encore, Nous les en remercions ! nimales pour une pêche plus durable, ne contribue pas à la surpêche en mer. les poissons issus d’élevages bio. mais autorise l’utilisation de chaluts, qui De plus, les médicaments ne sont utilisés Biovision est une organisation partenaire officielle endommagent les fonds marins et donc que de manière ciblée et non préventive. de la Direction du développement et de la coopé Retrouvez d’autres analyses de produits des écosystèmes précieux. Contrairement ration DDC, Département fédéral des affaires et informations sur le projet Biovision à l’élevage conventionnel, l’élevage bio étrangères DFAE. Les projets internationaux de CLEVER : Biovision sont soutenus financièrement par la DDC. www.clever-consommerdurable.ch 10 11
Groupe d’entraide Galesa, une association de femmes et d’hommes particulièrement exposé∙es au risque de pauvreté. Le groupe était en contact avec des représentant∙es locaux∙ales de Vétérinaires Sans Frontières Suisse et de Biovision. En 2016, elle a été impliquée dans le projet Chameaux contre sécheresse (voir page 2), qui fournissait des chèvres gravides pour démarrer un éle- vage. Aujourd’hui, la famille Turo possède un troupeau d’une trentaine d’animaux. Elle a mis les gains de côté, puis investi dans son propre projet : un kiosque. La famille a eu moins de chance avec son chameau, aussi octroyé par le projet. La chamelle a donné naissance à deux petits, qui n’ont pas survécu. Mais la mère donne un excellent lait, très demandé au kiosque. Le best-seller, cependant, c’est la viande « Je suis fière de moi » de chameau, que Nasibo Turo Kund achète à la boucherie. Elle en revend environ 2 kg par jour, avec un bénéfice de 200 shillings kenyans (KES, environ CHF 1.65). De plus, Lorsque Nasibo Turo Kund a été abandonnée par son mari, selon la saison, s’ajoutent des revenus de elle s’est retrouvée toute seule, sans ressources, avec quatre enfants. 500 à 1000 KES pour le lait de chamelle, Aujourd’hui, elle nourrit sa famille et paie les frais de scolarité. plus 800 à 1000 KES pour le reste de son Sans aide extérieure. assortiment. Son gain quotidien atteint ainsi 2500 à 3200 KES (CHF 12.40 à CHF 16.50) Par Peter Lüthi, rédacteur Biovision (texte) et Christian Bobst (photo) selon la quantité de lait vendue, qui reste son apport principal. Le petit hangar avec sa fenêtre à barreaux Ses revenus sont suffisants, même dans dans la périphérie de la ville d’Isiolo cache les moments difficiles comme maintenant. Indépendante et fière de l’être de nombreuses surprises. Chez Nasibos Ce qui n’a pas toujours été évident pour « Une fois les achats et tous les frais d’en- Grocery Shop & Butchery, on trouve de cette mère célibataire. Les choses auraient tretien réglés, il ne me reste presque plus tout : détergents, papeterie, analgésiques, facilement pu tourner autrement, car la vie rien. Surtout quand il ne pleut pas, que la pansements, repas pour enfants, bonbons, ne l’a pas gâtée. Sa mère est décédée alors chamelle boit moins d’eau et que sa quan légumes, lait de chamelle, viande. Derrière qu’elle avait 9 ans et elle a perdu son père tité de lait diminue. Mon budget est très le comptoir se tient Nasibo Turo Kund, une à 16 ans. Réfugiée chez sa grand-mère, elle serré », explique la jeune femme. Néan- Borana de 30 ans. a pu suivre l’école primaire mais pas le moins, elle et sa famille ne dépendent plus lycée. Elle s’est mariée tôt. Un matin, son de l’aide alimentaire de l’État, même pen « Les affaires ne vont pas très bien en ce mari a quitté le foyer en la laissant avec dant les saisons extrêmement sèches. « Sans moment, dit-elle. Les vacances sont finies quatre enfants. Elle était prise au piège de ce projet, je n’aurais eu aucune chance. et les clients doivent économiser pour les la pauvreté. Mon indépendance est très importante frais de scolarité. » Mais elle ne se plaint pour moi », souligne-t-elle. pas, au contraire : « Je suis fière de moi. J’ai Un chameau nommé espoir un travail dans ma propre boutique et je Mais Nasibo a eu une bonne étoile. Elle a Plus de photos et vidéo: peux envoyer tous mes enfants à l’école. » représenté sa grand-mère de 84 ans au www.biovision.ch/fr/actualités/nasibo Fondation pour un développement écologique www.biovision.ch, www.facebook.com/biovision.francais Stiftung für ökologische Entwicklung Pour vos dons : compte postal 87-193093-4 Foundation for ecological development
Vous pouvez aussi lire