Cartographie " Mouvements sociaux et migrations environnementales "
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Cartographie « Mouvements sociaux et migrations environnementales » Cette cartographie a été réalisée par Lucie Pélissier, consultante pour le réseau Des Ponts Pas des Murs en 2021. Le travail a été suivi, amendé, nourri et corrigé par un comité de six personnes : Henri Lefebvre, Chargé de projets migrations CRID, David Durand Delacre, Doctorant auprès du Département de Géographie à l’Université de Cambridge mais s’inscrivant dans ce groupe de travail de manière indépendante, Emmeline Bergeon, Coordinatrice de projets à CliMates, Caroline Weil, Chargée des partenariats éditoriaux chez Ritimo, Marine Denis, Doctorante en droit international public à l'Université Sorbonne Paris Cité, Enseignante à Sciences Po Paris et Sciences Po Grenoble et Valentin Prelat, Chargé de projets climat CRID. CRID – Centre de Recherche et d’Information pour le Développement 14 passage Dubail 75 010 PARIS Tél : 01 44 72 89 75 / Fax : 01 44 72 06 84
1/ Migrations environnementales et société civile Aujourd’hui, la crise climatique et ses effets sur les schémas migratoires ne sont quasi plus ignorés, ni des scientifiques, ni des politiques ni de la société civile. Si les organisations internationales s’en préoccupent depuis les années 70, l’intérêt de la société civile remonte à une quinzaine d’années. Entre simple curiosité, revendications relatives à ce phénomène ou actions de terrain, il n’est cependant pas facile d’identifier les organisations qui investissent ce champ et la diversité de leurs engagements. De par ses connexions avec la justice climatique et la solidarité internationale, ce sujet intéresse aussi bien des mouvements en lien avec la solidarité que des mouvements en lien avec l’environnement au sens large du terme. Mais y a-t-il un véritable mouvement social structuré autour des migrations environnementales ? Quels sont les collectifs qui s’y intéressent et de quelle manière ? La migration environnementale peut-elle permettre la convergence entre différents mondes militants et s’affirmer comme l’une des grandes causes du 21ème siècle ? Cette cartographie, à l’initiative du réseau de Des Ponts Pas Des Murs, va tenter de répondre à ces interrogations afin de mieux comprendre et visibiliser l’action des membres du réseau et d’autres acteurs impliqués dans cette thématique et ainsi envisager de se constituer autour d’un projet commun.1 Pour cela, plus de 150 organisations ont été contactées dont 41 ont répondu à un questionnaire, 8 à un entretien (dont un centre de recherche, une agence de développement et une organisation internationale) et 10 dans le cadre d’un projet tutoré mené par des étudiantes des SciencesPo Lille. En tout, 59 structures ont été consultées et une dizaine d’autres organisations ont manifesté leur intérêt sans prendre le temps de répondre au questionnaire ou à l’entretien2. 1 Pour plus de détails voir Annexe 1. Contexte et Objectifs de l'étude 2 Pour plus de détails voir Annexe 2. Présentation de l’échantillon pour la cartographie et délimitation de l’étude
Qui sont les structures répondantes à l’étude3 ? 1/ Un échantillon plutôt institutionnel, diversifié en taille et bien connecté. Avec près de 90% d’associations, l’échantillon est composé majoritairement de petites et moyennes structures (moins de 15 salarié.e.s ou pas de salarié.e.s) à 65% mais comprend quand même 20% de très grosses structures (plus de 50 salarié.e.s). Les structures présentes ont globalement beaucoup de bénévoles avec 42,5 % ayant entre 10 et 100 bénévoles et 37,5% plus de 100. On compte seulement 7 structures avec du temps salarié dédié spécifiquement sur la thématique des migrations environnementales 4. Toutes ces structures font partie de réseaux et certaines constituent elles même des réseaux 5 . 2/ Une majorité d’organisation de solidarité et de défenses de droits humains On constate une majorité d’organisation de solidarité et seulement 10 structures dans l’environnement (moins de 25% de l’échantillon). Seules deux structures sont considérées comme transverses 6. Si l'on demande aux structures de spécifier, il ressort que 39% des structures se considèrent dans la catégorie “Promotion des droits humains”, 12,2% dans la catégorie “Développement”, 9,8% dans la catégorie “Humanitaire”, 12,2% dans “Energie Climat” et 9,8 %dans “Protection de l’environnement”. Enfin, 14,6% considèrent appartenir à plusieurs voire toutes les catégories. 3/ Des structures majoritairement française mais avec un rayon d’action international Les structures se situent à 87% en France, le reste au Brésil, au Portugal, au Sénégal, au Royaume-Uni et en Belgique. Certaines structures ont des bureaux ou des antennes à l’international dans tous les continents7 car faisant partie d’un réseau ou d’une fédération. Si a priori l’échantillon peut sembler très tourné vers la France, le rayon d’action révèle une action à plusieurs échelles (locale, nationale, régionale et internationale), fortement tournée vers l'international avec 61 % des structures qui interviennent en dehors de leurs frontières, puis au niveau national à 56% et enfin au niveau régional (51%) et local (36%). Globalement les grandes aires géographiques mondiales sont couvertes (voir la carte ci-dessous). 3 Tous les éléments quantitatifs de la cartographie correspondent aux résultats du questionnaire et sont étayés et précisés par les entretiens et la synthèse du projet tutoré. 4 Practical Action, CNCD 11 11 11, Confédération paysanne, Agendha, Enda ecocop, Secours Catholique-Caritas France, Croix Rouge Française 5 Etats Généraux des Migrations, Coordination Sud, Cncd 11 11 11, Engagé.e.s et Déterminé.e.s,Forim, Union des associations e-graine, Comité 21, IDD (Immigration, Développement, Démocratie), Red Sin Fronteras 6 la Confédération paysanne, syndicat agricole et l’union des associations E-Graine, sur l’éducation au sens large. 7 Secours Catholique-Caritas France, Secours Islamique France, Oxfam France, Croix rouge Française, CliMates, Practical Action
Régions d'interventions des organisations En rouge les grandes régions d’interventions citées (Océan Indien, Pacifique, Asie du Sud, Afrique, Amérique latine). 2/ Types d’intérêt, vocabulaire et actions menées
1/ Quel est le type d’intérêt des organisations pour les migrations environnementales ? Intérêt et avec positions Intérêt sans positionnement Sans intérêt connues et partagées (19)8 (18) particulier (4) Solidarité (29) AsilAccueil88 ActionAid France Act For ref CNCD 11.11.11 Amnesty International France Entrepreneurs du Comité Français de Soutien à GK Association Khamsa Solidaire ici et Monde Savar Bangladesh ailleurs La Cimade9 Croix Rouge française ATD Quart Monde Enda ECOPOP CCFD-Terre Solidaire Roya Citoyenne IDD Coordination SUD ipam Engagé.e.s et Déterminé.e.s LA VIE NOUVELLE Personnalistes Etats Généraux des Migrations et Citoyens Forim LDH Belfort Migrations & Développement Oxfam France (M&D) Practical Action Réseau Foi & Justice Secours Catholique - Caritas Afrique Europe antenne France France Secours Islamique France Red Sin Fronteras Environnement AGENDHA CERDD (10) Alternatiba · ANV-COP21 CliMates Bizi! Comité 21 La Fresque du Climat Jeunes Ambassadeurs pour le Climat KAIROS CONSULT sarl Notre Affaire à Tous Transverse (2) Confédération Paysanne Union des associations e-graine 2/ De quelles manières les organisations en sont-elles venues à s’y intéresser ? On peut résumer les éléments déclencheurs à l’intérêt des structures répondantes au nombre de quatre : - (1) Observer des dégradations environnementales (rapide ou processus plus lent) menant à la migration ou au déplacement. - (2) Considérer le changement climatique dans son ensemble et de fait relier la question de justice climatique à la question de justice sociale. 8 Les organisations en gras ont produit des notes de positionnement. La seule note publique et disponible en ligne est celle du Secours Catholique-Caritas France. 9 Si la Cimade déclare ne pas avoir d’intérêt particulier pour la thématique, elle dit avoir déjà envisagé travailler sur le sujet et fait déjà partie du réseau Des Ponts Pas Des Murs. Un numéro de la revue Cause Commune de la Cimade de 2016 a été consacré aux réfugiés climatiques, la Cimade a assisté à la rencontre inter-organisation de Des Ponts Pas des Murs en novembre 2019 et elle accueille les réunions DPPDM.
- (3) Considérer l’environnement comme inhérent aux enjeux de développement ou d’égalité des droits. - (4) Traiter de la question des migrations et s’intéresser aux facteurs qui influent sur les décisions migratoires. Moins structurels mais pas forcément moins importants, trois éléments sont également cités : - (1) L’intérêt individuel d’une personne de la structure. - (2) Le soutien d’un bailleur. - (3) Des groupes de travail et séminaires faisaient émerger la question. Pour les structures déclarant être sans intérêt particulier pour la thématique, le sujet apparaît moins comme clivant que trop spécifique ou ne révélant pas encore de public concerné par ce phénomène. Non explicité par l’organisation10, ce dernier élément semble suggérer que les migrant.e.s environnementaux.ales ne sont pas encore une réalité visible et identifiable sur le terrain ne permettant pas de mener d’actions. D’autres évoquent le fait de se concentrer sur les droits et besoins de toutes les personnes migrantes peu importe la cause de leur départ. 3/ Quels vocabulaire et perceptions des migrations environnementales ? La plupart des structures n’ont pas de définition et préfèrent se baser sur des définitions déjà existantes comme celles de l’Organisation Internationale des Migrations (OIM). Seules deux organisations proposent des définitions abouties11 et quatre autres des propositions plus basiques12 reflétant peut être plus une proposition personnelle de la personne répondante qu’une définition collectivement validée. Les éléments suivants nous permettent toutefois de préciser la perception que les structures ont du phénomène : Sur le type de déplacement : - Il s’avère que 75% d’entre elles font la distinction entre déplacement forcé et volontaire mettant ainsi en valeur la notion de choix et de capacité à agir dans la migration. - 72% d’entre elles distinguent les déplacements internes et internationaux mais avec un large écart entre organisations environnementalistes et de solidarité: 82% des organisations de solidarité font la distinction contre 50% pour les organisations environnementales. Pour ces dernières, la distinction a peut-être moins de sens dans la mesure où elles semblent intéressées par prouver l’impact environnemental dans sa globalité et non la diversité des déplacements qui en découle et la manière d’y répondre de manière différenciée. - La distance ou la durée du déplacement n’apparaissent pas comme particulièrement structurants pour les organisations qui font la distinction respectivement à 45% et 38%. A savoir que seul le Secours Catholique-Caritas France mentionne la temporalité dans sa définition. 10 Act For Ref 11 Secours Catholique-Caritas France et CNCD 11 11 11 12 Practical Action, ENDA ECOCOP, Jeunes Ambassadeurs pour le Climat, Engagé.es et Déterminé.es
Sur le lieu du déplacement : - Plus des trois quarts des structures déclarent ne pas qualifier distinctement les personnes impactées suivant qu’elles viennent d’un pays dit "développé'' ou dit “en développement”. Certaines organisations qui précisent faire la distinction la justifient pour préciser la différence de vulnérabilité et de capacité d’adaptation mais aussi par la différence d’impacts que subissent les pays les moins responsables du dérèglement climatique. Sur la place du facteur environnemental dans la migration : - 57% des structures considèrent que c’est le facteur environnemental est un facteur de migrations comme les autres et 43% comme un facteur englobant. Derrière cela, se cache une vraie différence de vision entre les organisations environnementales et de solidarité. Si les organisations issues des solidarités considèrent à 80% que c'est un facteur de migration comme les autres, seulement 10% des organisations environnementales le pensent. Sur les différents facteurs environnementaux de la migration: - Le changement climatique est perçu comme de grande importance dans la migration par la plupart des structures. Cependant, si 100% des organisations environnementales estiment ce facteur de grande importance, c’est le cas seulement pour 64% des organisations de solidarité. - Le facteur sécheresse et dégradations des terres est considéré comme largement important alors que d’après l’Internal Displacement Monitoring Center (IDMC) la sécheresse ne représente que 15% des causes de déplacement interne en 2017. A l’inverse, les cyclones et les événements extrêmes, s’ils sont perçus comme importants par une grande partie des structures, sont perçus comme d’importance relative par de nombreuses structures alors
qu’ils étaient la cause d’environ 85% des déplacements en 2017 (cyclone 40% et les inondations 45%), encore selon l’IDMC1314. - Les projets et catastrophes industrielles apparaissent comme étant d’importance relative pour les structures. Les associations sans positionnement ont tendance à considérer ces facteurs comme ayant moins d’importance avec seulement 16% des structures sans positionnement qui considèrent les projets industriels d’une grande importance (contre 52% pour les structures avec positions), et seulement 16% des structures sans positionnement qui considèrent les catastrophes industrielles d’une grande importance (contre 41% pour les structures avec positions). Sur la manière de qualifier les migrant.e.s environnementaux.ales - - Le terme le plus utilisé “Populations impactées par le changement climatique” ne fait pas référence à une migration ou un déplacement. Il apparaît comme un terme plus neutre et englobant étant capable de satisfaire tout type d’organisations. Cela suggère que les migrant.e.s environnementaux.ales seraient un sous-groupe au sein d'une population cible plus large. - Quatre des cinq termes les plus utilisés font référence au changement climatique, préférant ce terme à l’adjectif “environnemental”. Cela montre que le changement climatique est très associé à ce type de déplacement plus que l’environnement de manière générale. Si l’on regarde les différences entre les organisations de solidarité et environnementales, les 13 S’il est bien plus facile d'attribuer un lien de causalité dans le cas d'une inondation ou d’un cyclone qu'en cas de sécheresse, l’IDMC fait partie des organismes qui fournit les données statistiques les plus fiables actuellement. 14 Pour voir la totalité de l’étude : https://www.internal-displacement.org/global-report/grid2017/
organisations environnementales utilisent toutes le qualificatif climatique alors que certaines organisations de solidarité semblent se refusent de l'utiliser15. Ce résultat contraste avec la publication DPPDM16 qui suggère que l’adjectif “environnemental” ferait plus consensus que “climatique” pour sa capacité notamment à englober la totalité des activités naturelles (séismes) et humaines (pollutions, grands projets) menant à un déplacement de population17. Toutefois, l’engouement pour l’adjectif “climatique” peut s’interpréter par le fait que la plupart des structures considèrent que ce type de migrations est intrinsèquement lié au contexte du changement climatique actuel et qu’elles perçoivent ce type de migrations comme un moyen de mettre en valeur le changement climatique. - Le terme “réfugié climatique” reste utilisé par 45% des structures de l’échantillon. Même si ce terme ne correspond à aucune réalité juridique18, il a pour avantage de mettre en valeur la persécution que subissent les plus vulnérables par les émissions de GES causées par les pays émetteurs19. 4/ Quelles pistes de travail et de positionnement des structures ? 15 Parmi ces structures on retrouve le CNCD-11.11.11 et le Secours Catholique-Caritas France, les deux structures avec positionnement et définition poussée sur les migrations environnementales 16 Voir le point “Faut-il utiliser le terme de migrant•e climatique ou environnemental•e ?”, Des Ponts Pas des Murs, « Les migrations environnementales pour les nul.le.s, État des lieux des réflexions sur les migrations environnementales du point de vue de la solidarité internationale. » 17 Selon le réseau le terme “climatique” est contesté “car il ne prendrait en compte que les phénomènes dus aux changements climatiques et donc au réchauffement de la température moyenne” exluant ainsi “les déplacements dus aux projets étatiques ou privés nuisibles pour l’environnement tels que l’expropriation forcée des terres ou encore les accidents industriels.”. 18 Des Ponts Pas des Murs, « Les migrations environnementales pour les nul.le.s, État des lieux des réflexions sur les migrations environnementales du point de vue de la solidarité internationale. » 19 François Gemenne, « Migrants ».
Ces quatres grandes thématiques englobent les différentes questions qui peuvent se poser autour des migrations environnementales20. Il ressort que la question de la vulnérabilité des personnes déplacées ou migrantes fait l’objet de travaux ou d’intérêt par la majorité des organisations. La question du financement quant à elle, plus pointue, est portée par peu d’organisations, dont la plupart s'investissent dans les espaces de négociations climat21. 5/ Les migrations environnementales en temps de Covid-19 ? La crise sanitaire est intervenue pendant le processus d’élaboration de la cartographie, il a donc été proposé aux structures de partager leurs ressentis et réflexions sur le sujet en lien avec les migrations environnementales. Sur les impacts de la crise sanitaire sur les migrations environnementales : - (1) La crise sanitaire a accentué les vulnérabilités déjà existantes avec une augmentation des facteurs de précarité chez les pauvres et les plus vulnérables. La confédération paysanne évoque notamment les clusters chez les migrants saisonniers. - (2) On constate également une restriction de la liberté de circulation amenant une perte de droits pour les personnes migrantes mais également moins de revenus et de possibilité de faire des investissements pour l'adaptation. - (3) D’un point de vue plus politique, la crise Covid a amené à un repli et une non-application de la Convention de Genève de 1951. - (4) Enfin, pour certaines organisations, la crise a renforcé la solidarité et a montré quelques exemples intéressants notamment au Portugal avec la régularisations des sans papiers ou au sein des diasporas pour des échanges de fonds. Sur l’approche du sujet en temps de Covid-19 : - (1) Il n’est pas à noter de changement d’approche pour les organisations mais surtout moins de moyens pour y faire face. - (2) Pour d’autres organisations, l’actualité Covid invisibilise les autres sujets et donc il y a moins de priorisation politique de ces thématiques. Sur les liens entre Migration, Climat et santé - Plus de 80% des organisations estiment qu’il faut plus faire le lien entre les thématiques Migration, Climat et Santé22. Sur les frontières en temps de Covid-19 20 Pour plus de détails voir Annexe 3. Résultats 21 Coordination Sud, CNCD 11 11 11, Unions des associations E graine, CliMates, Comité 2, Secours Catholique-Caritas France et Oxfam France 22 A noter que c’est déjà un lien qui est fait par le milieu de la recherche. Voir par exemple le groupe de recherche de l’IRD : https://www.ceped.org/fr/Projets/Projets-Axe-1/article/climhb-climate-change-migration?lang=fr
- 88 % des organisations estiment qu’il y a un risque de “retour des frontières” avec la pandémie. Même si certaines organisations estiment qu’elles n’ont jamais vraiment disparu mais que “la tendance à la fermeture et aux contrôles risque de s’accentuer” et que la pandémie “va servir de prétexte pour serrer les vis” aux frontières. 6/ Quelles sont les priorités et opportunités associées aux migrations environnementales ? Sur les priorités Aucune organisation ne porte ses priorités entièrement sur les migrations environnementales. Les structures s’intéressent aux migrations environnementales parce qu’elles ont comme priorité les questions migratoires et liées au changement climatique. Les migrations environnementales semblent être perçues comme une sous-thématique et qu’il y ait ou non un positionnement. Sur les opportunités en lien avec les migrations environnementales - La quasi-totalité des structures considère que les migrations environnementales sont une opportunité politique de porter un message soit pour le changement climatique ou pour la solidarité internationale. - Trois autres opportunités politiques sont mises en avant par les structures à savoir les “Financements de stratégies d'adaptation face au changement climatique”, “Faire comprendre la multiplicité des facteurs menant au choix individuel de migrer et le consacrer
ainsi comme un droit” et “Construire des politiques locales qui abordent ces questions avec l'impact de la société civile organisée” 7/ Quelles sont les actions menées en lien avec les migrations environnementales 23 ? ⇒ Une première appropriation du sujet en France autour de 2007/2008 avec la recherche. En France, dès 2007, les organisations commencent à s’intéresser aux migrants environnementaux notamment à travers la question de leur statut et de la possibilité de les protéger. Cette première approche du sujet se fait main dans la main avec le monde de la recherche en particulier deux personnes qui reviennent fréquemment : François Gemenne pour l’aspect géopolitique et Christel Cournil pour l’aspect juridique. Ces deux chercheurs semblent avoir largement influencé et contribué à la vulgarisation de l’état de l’art scientifique auprès de la société civile. C’est le Gisti, organisation engagée pour la protection des droits des migrants, qui, le 14 décembre 2007, organise un premier séminaire sur “le statut pour les réfugiés environnementaux”. En 2008, les Amis de la Terre publie une interview de Jean-Marc Lavieille, alors chercheur à l’Université de Limoges et l’un des initiateurs du projet de Convention sur les déplacés environnementaux24, qui interroge encore cet enjeu de la protection juridique des “réfugiés écologiques”. France Terre D’Asile consacre un numéro de sa revue Pro Asile sur “l’élargissement du statut de réfugié”. Enfin en 2010, c’est le Ciré, structure belge de coordination pluraliste répondant à la problématique des demandeurs d’Asile, des réfugiés et des 23 Les actions et contenus cités ci-dessous sont loin d’être exhaustifs et représentent les travaux partagés lors de l’étude ainsi que des recherches complémentaires effectuées 24 Prieur et al., « Projet de convention relative au statut international des déplacés environnementaux ».
étrangers, qui organise une journée d’étude sur “les migrants de l’environnement”. Si les Amis de la Terre se sont penchés très tôt sur ces enjeux, cela reste plutôt des organisations de solidarité qui s’en sont emparés. ⇒ La recherche-action-plaidoyer avec Care25. L’ONG Care International, ONG de développement visant à la réduction de la pauvreté, a développé depuis plusieurs années une expertise basée sur une intense collaboration avec le milieu de la recherche. Initiée en 2009 avec le rapport “In Search of Shelter”, elle s’engage en 2011 dans le projet “Where The Rain Falls”, un programme de recherche appliquée au terrain sur les liens entre changement climatique, sécurité alimentaire et de l’habitat et mobilité humaine mené dans 7 pays impliquant à la fois des chercheurs.es locaux, des chercheurs.es de l’Université des Nations Unies et de Columbia. Si la première phase du projet a fait l’objet de publications scientifiques dans des revues et d’interventions, les connaissances et recommandations ont ensuite été mises en pratique dans quatre pays (Inde, Pérou, Thaïlande et Bangladesh) avec des différents projets d’adaptation visant à réduire la vulnérabilité des habitant.e.s. Enfin, les connaissances scientifiques et le retour d’expérience sur le terrain ont permis à la structure d’alimenter son plaidoyer lors de conférences climat ou autres réunions internationales en lien avec les migrations environnementales. Aujourd’hui, Care France, branche de Care International, s’engage sur un nouveau projet avec des acteurs de la recherche : le projet HABITABLE. Plus gros projet financé par l’Union européenne sur les migrations climatiques, il réunit 20 partenaires dans 17 pays. ⇒ Une multiplication des contenus de vulgarisation et de recommandations à partir de 2015. Hormis Care, peu d’organisations se sont engagées dans de la recherche à proprement parler mais ont plutôt adopté une approche vulgarisatrice des recherches disponibles. Contenus plutôt généralistes, ils visent principalement à diffuser la connaissance au sein d’une structure ou des réseaux de la structure. On peut citer avant 2015, Ritimo avec un premier dossier sur “les migrants climatiques” sur son site ou le CNCD 11 11 11 avec un numéro de sa publication Point Sud sur le sujet résumant ainsi l’état des réflexions actuelles en intégrant des recommandations politiques. Après 2015, une multitude de travaux sont produits sur la thématique (rapports, articles, revues) comme la revue Cause Commune de la Cimade, des articles sur le blog de CliMates et sur le site du projet Youth on the Move26, un article du Grdr, la publication du réseau Des Ponts Pas des Murs, une publication de la Croix Rouge ou encore une note d’Oxfam France. On peut également citer le Parcours Numérique “Une seule planète” construit par le CRID et le Forim, intéressant notamment car il se base sur une construction collaborative et citoyenne. ⇒ Des événements de sensibilisation de plus en plus nombreux. Depuis 2015/2016, les événements sont de plus en plus nombreux et intéressent naturellement les milieux engagés sur les thématiques climat et solidarité soit dans des festivals27 soit dans des conférences ou webinaires28. L’intérêt pour 25 Structure ayant fait l’objet d’un entretien. 26 Site en maintenance 27 Festival des solidarités, Village des alternatives d’Alternatiba, Festival Tous Engagés de la Croix Rouge, Festival Youth We Can, Festival Climax… 28 Par exemple : Forum Climat et Migration du Carrefour des associations parisiennes à la Gare de Reuilly à Paris le 26 novembre 2016 ; Les déplacés climatiques au Bangladesh le 2 mai 2020 CliMates sur MakesenseTV; Webinar Naat Webinaire - Migrations environnementales et climatiques de Notre Affaire A tous le 3 juin 2020 ; Univert, L’intégration des réfugiés climatiques 5 juillet 2020 ; Webinar : "Climate change and migration" De Youth environnement Europe le 23 octobre 2020 ;
cet enjeu est constant ces cinq dernières années avec peut-être une légère augmentation des événements depuis 2020 qui peut s’expliquer par la facilité d’organiser des événements en ligne avec la crise sanitaire actuelle. La COP 21 en 2015 a probablement joué un rôle important dans la médiatisation du changement climatique et de ses impacts. Dans les “side-events”, événements de la société civile organisés en marge des négociations, le nombre d'événements consacrés aux migrations et autres thématiques en lien avec les enjeux humains du changement climatique a très largement augmenté ces dernières années. Généralement les événements sont plutôt généraux avec une approche vulgarisatrice pour toucher le grand public mais on peut remarquer de plus en plus d’intitulés plus pointus et spécifiques29 explorant différentes facettes des migrations environnementales. De nombreuses tables rondes ou conférences en lien avec la solidarité internationale et la justice climatique évoquent les migrations environnementales sans y consacrer un créneau entier30. ⇒ Des projets pédagogiques à destination du grand public. Plusieurs organisations se sont engagées pour créer des contenus pédagogiques (contenus audiovisuels ou jeux). Souvent utilisés dans les événements précédemment cités, une web-série Les déplacés climatiques du projet Youth on the Move de CliMates, des mallettes pédagogiques du CNCD 11 11 11 sur “justice climatique” et “justice migratoire”, un jeu de Starting block sur les migrations climatiques31, ou encore une formation des Jeunes Ambassadeurs pour le Climat parviennent à impliquer un public moins spécialisé. Là encore, des ateliers qui évoquent les migrations environnementales sans en faire le coeur de leur propos, comme la Fresque du Climat ou encore les projets de sensibilisation de La Vie Nouvelle Personnaliste et citoyenne32. ⇒ Un plaidoyer mené par un petit nombre de structures. Les principales structures menant un plaidoyer sont Action Aid International33, Care International et France, CNCD 11 11 11, le Secours Catholique-Caritas France et Practical Action soit de grosses organisations capables de dégager du temps salarié, de construire un plaidoyer et de le défendre dans des espaces politiques. Le développement de la connaissance sur les migrations environnementales a permis à ces structures d’identifier et d’occuper plusieurs espaces pour porter des messages, faire des recommandations et contributions. Au niveau international, les Nations Unies accueillent plusieurs conventions ou cadres sur le changement climatique ou les migrations dans lesquels les structures attirent l’attention sur les migrations environnementales. D’abord au sein la Convention Cadre des Nations Unies pour le Changement climatique (CCNUCC) via le Mécanisme de Varsovie pour les pertes et préjudices et la création de la Taskforce sur les migrations (voir par exemple la contribution de la société civile par Action Aid International, Care International et Refugees International) ou via les Pactes Globaux sur les migrations (voir la note du Secours Catholique-Caritas France) ou les réfugiés ou encore le Conseil des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’UN Migration Network. “Changement climatique et migrations” le 5 Novembre 2020 de Bizi ! et de Etorkizuna ; Projection Les déplacés climatiques au Bangladesh de l’ONG GK savar octobre 2020; 29 Migrations environnementales : enjeux politiques et écoféminisme, Sommet du contre g7, 21 août 2019, Une seule planète; Webinaire : Migrations environnementales et protection juridique des personnes déplacées du CRID décembre 2020 30 Exemple les 50 ans du Grdr avec le CERDD à Lille en 2019 31 Non disponible en ligne 32 Non disponible en ligne 33 A noter que Action Aid France n’a pas de plaidoyer ou de positionnement sur les migrations environnementales.
Toujours dans une perspective internationale, des initiatives intergouvernementales telles que la Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes (PDD) créée en 2016 suite à l’Initiative Nansen sur les déplacements transfrontaliers permettent à certaines organisations de porter leur voix et de contribuer34 aux côtés de centres de recherches et autres acteurs engagés sur la question. Si ces organisations ont un plaidoyer de plus en plus ciblé et détaillé, il n’empêche que les migrations environnementales sont souvent un point de différentes campagnes adressant soit les enjeux de la vulnérabilité face au changement climatique soit le besoin de protection des personnes migrantes ou déplacées. ⇒ Plateformes et réseaux pour structurer l’action. Hors le réseau DPPDM qui se structure autour des migrations environnementales depuis 2018, d’autres réseaux traitent de la thématique et tentent de partager réflexions et bonnes pratiques. Par exemple, le réseau Climate Migration Coalition au Royaume-Uni réunit quelques grosses organisations35 autour de la construction de recommandations politiques à l’échelle nationale et internationale pour assurer la capacité de survie des populations à travers la migration et en assurant une assistance et une protection pour les déplacés internes ou internationaux du fait de catastrophes à occurrence lente ou rapide. Le réseau Climigration aux Etats- Unis36 est quant à lui est un réseau national qui cherche à promouvoir une approche efficace et basée sur les communautés pour la relocalisation de personnes après des catastrophes naturelles. ⇒ Une mobilisation qui se renforce autour des inégalités sociales et climatiques. Si on ne peut pas parler de mobilisation “pour les réfugiés climatiques” de manière directe, on note de plus en plus de mobilisation autour de la justice climatique et de la promotion des droits des plus vulnérables. Là aussi, il y a plusieurs espaces de mobilisation qui ont été exploités. Lors de grands événements internationaux (notamment lors des négociations climat mais aussi lors des G7 ou G20), les manifestations et mobilisations de la société civile sont fréquentes profitant de la très forte médiatisation due à la présence de dirigeants et personnalités politiques. On peut noter par exemple des actions dès 2009 de 350.org à la COP 15 de Copenhague avec des slogans tels que “Stand with Tuvalu” ou “Tuvalu is the real deal” pour demander plus d’ambition et de solidarité pour les pays les plus vulnérables. 350.org, organisation engagée dans le désinvestissement fossile joue depuis au moins 2015 un large rôle de mobilisation en ligne et sur le terrain37 autour de la justice climatique38. Au niveau français, Alternatiba-ANV.COP21 ou Bizi!, dès leur création ont milité pour la justice climatique et se retrouvent dans l’organisation d’actions ou de mobilisation visant à faire converger les mouvements sociaux contre un système producteur d’inégalités. En 2015, c’est le mouvement 34 L’Advisory Committee de la PDD est composé en partie d’organisations de la société civile (Secours Catholique-Caritas France, Action Aid, Caritas Internationalis, Coast Trust, German red cross, IDMC, Oxfam South Africa, Refugees International…) 35 Les membres sont Climate Outreach, Migrants’ rights network, Environmental Justice Foundation et Welsh Refugee Council. Le réseau dispose également “d’organisations supports” tels que Care ou Refugee Council. 36 Dans un contexte où les Etats-Unis sont fréquemment touchés par les catastrophes naturelles, le nouveau gouvernement Biden a commandé un rapport sur les migrations climatiques impulsant une dynamique de travail très différente du niveau français. 37 Avec des groupes locaux qui s’emparent des enjeux en lien avec leur territoire comme par exemple les climate Pacific Warriors qui ont organisé une marche de la justice sur Tuvalu : file:///Users/a/Zotero/storage/8S7FQZ2F/21699.html 38 350.org, « Pourquoi nous, les défenseurs du climat, nous soutenons les réfugiés ».
pour les sans papiers (Coalition Internationale des Sans-Papiers et Migrants et l’Union Nationale des Sans Papiers UNSP) qui appelle à une grande manifestation à Calais après le village des alternatives (tenu notamment dans le contexte de la venue de la COP 21 à Paris) melant à la fois justice climatique et solidarité envers les réfugiés de Calais. Plus récemment, avec les marches climat en 2019, les gilets jaunes et les mouvements jeunes, les messages de convergence sont de plus en plus présents avec des messages comme “fin du monde fin du mois même combat” ou encore “on veut respirer” ou bien encore “eux c’est nous” en référence au mouvement Black Lives Matter et la pollution de l’air. ⇒ Des actions sur le terrain toujours difficiles à identifier et à revendiquer comme appartenant seulement aux migrations environnementales. Cette catégorie concerne toutes les actions qui sont mises en place pour venir en aide aux populations migrantes ou déplacées, à lutter contre les dégradations environnementales ou à travailler sur les conditions de vie dans le lieu de vie des personnes. On peut distinguer plusieurs types d’actions de terrain : tout d’abord, les plus évidentes semblent être les projets de relocalisation c’est-à-dire les projets qui visent à déplacer une communauté située dans un espace vulnérable vers un autre espace. Souvent menés par les Etats concernés, agences d’Etat, organisations internationales telles que l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) ou le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ces projets intègrent parfois des associations proches des populations concernées et prêtes à défendre une relocalisation basée sur les droits humains et la prise en compte de l’intérêt des populations. Cela peut se faire à la fois avec des grosses organisations qui ont des programmes sur place ou des associations d’habitant·e·s telles que des associations de sinistré·e·s39. Les autres actions, projets d’adaptation ou de développement pour permettre aux populations de rester sur leur territoire, gestion humanitaire des personnes déplacées lors de catastrophes naturelles, projets d’accueil des populations migrantes ou réfugiées ou encore projets de lutte contre les dégradations environnementales et de lutte contre le changement climatique peuvent aussi s’apparenter à des actions de terrain sur les migrations environnementales mais ne sont quasiment jamais citées en tant que telles car elles ne visent jamais exclusivement les migrants environnementaux. Rares sont les organisations qui présentent leurs actions de terrain comme en lien avec les migrations environnementales40 mais on peut citer ENDA ECOCOP, seule organisation sénégalaise ayant répondu au questionnaire qui met en avant son projet de gestion des Eaux Pluviales dans la banlieue dakaroise. ⇒ Des actions en justice qui émergent. Plusieurs actions plus ou moins en lien avec les migrations environnementales mais qui soit s’inscrivent dans la lutte contre le changement climatique soit dans la lutte pour permettre aux populations de vivre sur leur territoire, se forment : c’est le cas du People’s Climate Case mené par le CAN Europe ou encore des procès contre les multinationales41. La Confédération paysanne évoque également les procès Terra fecundis et laboral terra où des travailleur·euse·s saisonnier·ère·s migrant·e·s étaient exploité·e·s dans des fermes françaises. 39 Dans l’entretien avec la GIZ, agence d'État allemande, qui soutient des programmes de relocalisations dans plusieurs régions du monde, il est cité des collaborations avec des organisations comme Coastal core aux Philippines ou Adra dans le Pacifique. 40 Pour plus d’éléments voir le travail effectué dans le cadre du projet tutoré. 41 En Equateur, la lutte contre Chevron. Une des nombreuses luttes et procès de peuples qui se battent pour vivre sur leur territoire et lutte contre les dégats causés par les multinationales : https://www.franceameriquelatine.org/equateur- defense-droits-communautes-indigenes-paysannes-contre-chevron/
4/ Conclusions et recommandations a) Conclusions de l’étude > Une thématique pour laquelle aucune des organisations ne se dédient à 100% mais qui, au croisement de différentes revendications, permet d’appuyer plusieurs discours relatifs au climat, à la solidarité et à la protection des plus vulnérables Il ressort des résultats qu’aucune structure ne travaille entièrement sur les migrations environnementales mais qu’elles s’intéressent à la thématique suivant sa vocation d’où découlent des messages et des objectifs. Même Care France, structure qui a produit beaucoup de contenu et de programme en lien avec les migrations environnementales, ne considère pas cette cause comme son engagement principal. La thématique peut accommoder plusieurs positions, plusieurs revendications sans nécessairement impliquer un discours unique. Les migrations environnementales n'occupent pas toutes les actions d’une structure car le spectre d’action relative à cette thématique va de la cause à la conséquence de la migration et fait appel à des échelles très différentes. Le tableau ci-dessous synthétise les revendications qui peuvent être portées en lien avec les migrations environnementales. Des revendications sur les migrations environnementales appartenant à différents mouvements Type de Revendications mouvement Mouvement - Maintenir le réchauffement en dessous de 2°C voire 1,5°C pour limiter les effets du changement climatique climat (atténuation) - Soutenir les pays en développement via les fonds pour l’adaptation et le mécanisme de perte et préjudice (justice climatique) Mouvement - Ouvrir des voies sûres et légales de migration migration - Garantir le droit à l’information - Reconnaissance des vulnérabilités pour assurer la protection des personnes migrantes - Assurer une égalité des droits entre nationaux et personnes étrangères - Reconnaître la liberté de circulation et d’installation Mouvement - Droit à vivre dans un environnement sain (lutte contre pollution de l’air, déchets domestiques et environneme industriels, alimentation toxique effondrement de la biodiversité) nt - Lutter pour la biodiversité face à son effondrement qui menace notre système alimentaire Mouvement - Assurer la possibilité de vivre sur son territoire avec des activités développeme - Assurer à tous un niveau de vie minimum, c’est-à-dire accès aux services vitaux de base (hygiène, nt alimentation, toit). Mouvement - Ecouter les voix des plus vulnérables luttes
sociales - Lutter contre les projets capitalistes (politiques ou des multinationales) menant à l’asservissement des plus pauvres Mouvement - Prévoir des plans d’urgence et des systèmes d’alerte humanitaire - Prévoir des abris > Une thématique qui est plus mobilisatrice pour les organisations de solidarité que pour les organisations environnementales Déjà observé lors de la rencontre de novembre 2019 organisée par le CRID, les organisations de solidarité semblent plus à même de se mobiliser autour des migrations environnementales que les organisations environnementalistes42. Si l’intérêt des structures de la solidarité internationale peut facilement être expliqué par la situation migratoire actuelle, il peut être étonnant de ne pas voir plus de structures environnementalistes s’intéresser à la thématique notamment à travers la question de la justice climatique. Mais comment expliquer ce désintérêt ou a minima ce manque d’appropriation de la thématique ? Qu’est-ce qui fait qu’une structure s’empare du sujet ou non ? On peut penser qu’une organisation s’engage sur une thématique lorsqu’elle pense qu’il y a quelque chose à gagner et qu’elle perçoit celle- ci comme d’actualité avec des conséquences politiques. Certaines organisations de la solidarité “sans intérêt particulier” pour la thématique l’évoquent comme “trop spécifique” ou pas suffisamment englobante pour la protection des migrants de manière générale. Peut-on invoquer les mêmes raisons pour les organisations environnementales ? Le sujet est-il trop spécifique et non suffisamment “englobant” pour souligner les impacts du changement climatique ? On peut faire l’hypothèse que les structures environnementales considèrent qu’il n’y a peut être pas suffisamment de batailles à gagner sur cette thématique complexe et où les possibilités d’action ne sont pas facilement identifiables. Les organisations environnementalistes verraient en la migration une sorte de boîte de Pandore : très sensible politiquement, la mobilisation de cette thématique pourrait finir par se retourner contre eux étant donné le climat politique général. Plusieurs organisations environnementales43 ont exprimé des positions par le passé avançant l'argument "réfugié climatique" pour souligner l'urgence d’une action climatique. Cette urgence étant aujourd'hui plus largement reconnue (qu’il y a une dizaine d’années), cet argument n'est plus forcément nécessaire aujourd'hui. Surtout que la recherche et les organisations de solidarité internationale et de migrations ont souvent mis en garde contre des discours qui renforceraient les idées reçues d’une "crise migratoire". Ces dernières années, le mouvemement des gilets jaunes et les mouvements antiracistes “Black Lives Matter” ont entrainé une véritable prise de conscience des enjeux sociaux et raciaux au sein du milieu des militant·e·s climat/environnement44. Cette convergence permet d’appuyer le propos de ces 42 Un effort a été fait pour contacter un large nombre de structures environnementalistes notamment via le Réseau Action Climat France, la coalition de jeunes inter organisation ou encore le CAN Europe et International. 43 Voir la note de positionnement des Amis de la Terre dès 2008 44 Avec des slogans tels que“fin du monde fin du mois même combat” ou “on veut respirer”
structures de dire que le changement climatique est systémique mais les enjeux sociaux ne font pas l’objet de travaux plus approfondis sur la manière d’accompagner ces populations. Ainsi, il n’est pas forcément à noter un désintérêt pour la thématique, au contraire, car les structures environnementalistes adhèrent complètement à la nécessité de protéger ces populations, mais plutôt une difficulté à s’emparer de la thématique au-delà du fait de soutenir leur propos sur les inégalités climatiques et environnementales. > De la cause à la conséquence des migrations, une vision différente qui persiste entre organisations environnementalistes et de migration. A travers plusieurs résultats, on peut voir que persiste une différence de vision. Les organisations environnementales ont tendance à mettre en avant le changement climatique et l’environnement comme quelque chose d’englobant d’où vont dépendre les facteurs de migration. A l’inverse, les organisations de solidarité ont tendance à penser l’environnement comme un facteur de migration comme les autres à ne pas surestimer dans le rôle qu’il a dans les migrations. Derrière cela, quand les organisations environnementalistes placent l’environnement comme central, avec l’idée qu’en assurant sa protection tout ira bien, les organisations de migrations et de solidarité ont une approche beaucoup plus centrée sur l’humain qui met en avant le fait qu’il faille protéger de manière indifférenciée et quoiqu’il en coûte. Finalement ni les uns ni les autres ne placent les migrant.e.s environnementaux.ales comme centraux.ales mais pour protéger ce groupe certains s’attaquent aux causes, d’autres aux conséquences. Les migrant.e.s environnementaux.ales ne seraient d’un côté qu’un sous-groupe des personnes impactées par le changement climatique et des dégradations environnementales, et de l’autre un sous-groupe de migrants. C’est ce qui pourrait expliquer aussi pourquoi les organisations s’estiment travailler sur la question des migrations environnementales ou avoir un intérêt dessus alors qu’elles n’y ont pas consacré de travaux poussés. > Une thématique plus théorique que de terrain ? Une difficile appropriation des structures de terrain Les migrations environnementales sont arrivées comme un concept pour la plupart des structures, initialement très abstrait. Plutôt diffusées par le milieu de la recherche, les organisations de la société civile s’en emparent aujourd’hui à travers une diversité d’actions. Toutefois, cela reste un concept qui recouvre une multitude de réalités. Si cela peut être expliqué dans des publications ou plaidoyers, la notion est beaucoup moins aisée à transposer sur le terrain45 où les actions ne sont pas vraiment nouvelles et ne justifient pas de requalifier les personnes prises en charge. Il est d’ailleurs intéressant de voir que plusieurs organisations, notamment de développement, précisent que ces questions sont intrinsèquement liées à leurs organisations, alors même que le concept n’était pas formulé en tant que tel lorsqu'elles traitaient de ses enjeux. Cette notion complexe et théorique peut expliquer qu’il n’y ait pas plus de petites structures qui s’en emparent. 45 Qu’il soit dans les pays dit du sud pour des projets de développement ou des projets d’accueil de migrant.es.
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