CHÔMEURS : ACCOMPAGNER PLUTÔT QUE SANCTIONNER - NOS 17 PROPOSITIONS POUR FAIRE DURABLEMENT RECULER LA PAUVRETÉ

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CHÔMEURS : ACCOMPAGNER PLUTÔT QUE SANCTIONNER - NOS 17 PROPOSITIONS POUR FAIRE DURABLEMENT RECULER LA PAUVRETÉ
POUR UN MONDE JUSTE
                      ET FRATERNEL

SUPPLÉMENT AU JOURNAL MESSAGES N° 754 – FÉVRIER 2022

    COMPRENDRE

    CHÔMEURS :
    ACCOMPAGNER PLUTÔT
    QUE SANCTIONNER
    ÉLECTIONS 2022

   NOS 17 PROPOSITIONS
   POUR FAIRE DURABLEMENT
   RECULER LA PAUVRETÉ
    INNOVER

   LE PARI DU « AGIR AVEC »
CHÔMEURS : ACCOMPAGNER PLUTÔT QUE SANCTIONNER - NOS 17 PROPOSITIONS POUR FAIRE DURABLEMENT RECULER LA PAUVRETÉ
31

                            06

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                                                                         Supplément au trimestriel Messages

                                                                    14   du Secours Catholique-Caritas France :
                                                                         106, rue du Bac – 75341 Paris CEDEX 07
                                                                         Tél. : 01 45 49 73 00 • Fax : 01 45 49 94 50
                                                                         Présidente et directrice de la publication :
04 NOTRE PLAIDOYER                                                       Véronique Devise
                                                                         Directrice de la communication :
Prenons le parti de la fraternité                                        Agnès Dutour
                                                                         Rédacteurs en chef :
                                                                         Emmanuel Maistre (7576)
06 INNOVER                                                               Clarisse Briot (7339)
Le pari du « agir avec »                                                 Rédacteur en chef adjoint :
                                                                         Jacques Duffaut (7385)
                                                                         Rédacteurs :
11 DÉBATTRE                                                              Aurore Chaillou (5239)
Faut-il (continuer à) dématérialiser les services publics ?              Benjamin Sèze (5239)
                                                                         Cécile Leclerc-Laurent (7534)
                                                                         Rédacteur-graphiste :
14 COMPRENDRE                                                           Guillaume Seyral (7414)

14 Enquête. Chômeurs : accompagner plutôt que sanctionner               Rédactrice photo :
                                                                         Elodie Perriot (7583)
22 L’entretien : « Les contrôles n’ont pas un objectif exclusivement   Correction :
     répressif »                                                         Corinne Lebel
26 
   Ici et là-bas. Permettre aux jeunes de prendre conscience de leurs    Imprimerie : Imaye Graphic © Messages
   capacités                                                             du Secours Catholique – Caritas France,
                                                                         reproduction des textes, des photos et
27 Des outils pour comprendre                                            des dessins interdite, sauf accord de la
                                                                         rédaction. Le présent numéro a été tiré
                                                                         à 56 562 exemplaires.
28  RENCONTRER                                                          Dépôt légal : n° 111 527
ABDUL SABOOR. Quand photographier est une nécessité vitale               Numéro de commission paritaire :
                                                                         1122 H 82430 / Édité par le Secours
                                                                         Catholique – Caritas France.
31 EXPLORER                                                              Photo de couverture :
Sous les pavés, le pré                                                   Christophe Hargoues / SCCF

38 POINT DE VUE
ABDUL SABOOR. « Je sens à nouveau la fumée, le froid, l’obscurité. »

39 LE REGARD DE BESSE ET ÉRIC LA BLANCHE
                                                                         Ce produit est imprimé par une usine
Qui ruiselle ment                                                        certifiée ISO 14001 dans le respect
                                                                         des règles environnementales.

2 RÉSOLUTIONS – FÉVRIER 2022
CHÔMEURS : ACCOMPAGNER PLUTÔT QUE SANCTIONNER - NOS 17 PROPOSITIONS POUR FAIRE DURABLEMENT RECULER LA PAUVRETÉ
ÉDITORIAL
                                             INVITER NOS ÉLUS À LA NOBLESSE
                       GAEL KERBAOL / SCCF
                                             DE LEUR FONCTION
                                             PAR JEAN MERCKAERT DIRECTEUR ACTION PLAIDOYER FRANCE EUROPE DU
                                             SECOURS CATHOLIQUE

                                             «L
LE MONDE JUSTE                                                  a politique est une vocation très noble, une des formes les
ET FRATERNEL QUE                                                plus précieuses de la charité, parce qu’elle cherche le bien
NOUS APPELONS                                                   commun ». Ce rappel, par le pape François (Fratelli tutti,
DE NOS VŒUX A BESOIN                                            § 180), d’une constante de la pensée sociale catholique,
                                                                résonne aussi comme un appel. C’est cet appel à la
DE POLITIQUES JUSTES
                                             noblesse de leur fonction que le Secours Catholique entend relayer auprès
ET FRATERNELLES                              des responsables politiques, afin qu’ils mettent leur parole et l’exercice
                                             de leur mandat au service du bien commun, qui suppose une attention
                                             prioritaire aux plus vulnérables comme à notre planète malmenée.
                                             Demander un mandat à ses concitoyens, c’est faire la promesse de se
                                             mettre au service. Et c’est bien l’esprit qui habite une majorité de nos élus.
                                             C’est le plus souvent un engagement sans compter, doublé d’une prise
                                             de risques, par laquelle on est obligé à des compromis, on s’expose aux
                                             incompréhensions, aux déceptions. Rarement, on est remercié. Noble
                                             vocation. Mais qu’il est escarpé, le chemin qui mène aux plus hautes
                                             responsabilités nationales ! La bataille est si rude qu’elle pousse au cli-
                                             vage pour exister, à l’outrance pour discréditer, à attiser les peurs pour
                                             paralyser la réflexion. Et l’on risque, collectivement, d’en perdre le cap.
                                             Au Secours Catholique, notre boussole est claire : nous prenons le parti de
                                             la fraternité. C’est cette fraternité vécue, au quotidien, dans notre action
                                             d’accueil, d’écoute, d’aide et d’accompagnement des plus précaires en
                                             France, dans notre dialogue avec nos partenaires à travers le monde, qui
                                             fonde notre attente de justice. En France, derrière les 9 millions de per-
                                             sonnes sous le seuil de pauvreté, les 12 millions en précarité énergétique,
                                             les 4 millions mal logées, les 3 millions durablement privées d’emploi,
                                             les 7 millions bénéficiaires de l’aide alimentaire, les familles évacuées
                                             de leurs campements de fortune, les populations obligées de fuir leurs
                                             terres… nous mettons des visages. Avec elles, nous cherchons des solu-
                                             tions. Cela fait toute la différence. Cela interdit l’indifférence. Cela interdit
                                             l’accoutumance. Cela interdit le fatalisme.
                                             Nous tirons de notre expérience la conviction que la fraternité peut
                                             renverser des montagnes. Mais le monde juste et fraternel que nous
                                             appelons de nos vœux a besoin de politiques justes et fraternelles pour
                                             advenir. Garantir à chacune et chacun une planète habitable, un traitement
                                             respectueux, un logement décent, un emploi décent, un revenu décent, une
                                             alimentation digne, c’est possible. Les propositions que nous défendons
                                             en attestent : tout n’a pas été tenté. Alors, et si on essayait ? Aux candidats
                                             comme aux élus, nous poserons la question, inlassablement. Afin de les
                                             rappeler à l’exigence de leur noble vocation. 

                                                                                               FÉVRIER 2022 – RÉSOLUTIONS 3
CHÔMEURS : ACCOMPAGNER PLUTÔT QUE SANCTIONNER - NOS 17 PROPOSITIONS POUR FAIRE DURABLEMENT RECULER LA PAUVRETÉ
NOTRE PLAIDOYER

PRENONS LE PARTI
DE LA FRATERNITÉ
NOS 17 PROPOSITIONS POUR FAIRE RECULER
LA PAUVRETÉ EN FRANCE ET DANS LE MONDE

         Rendre effectif l’accès                             Permettre un accès digne à
         à un travail ou à un revenu décent                  l’alimentation durable et de qualité
         pour tous                                           pour tout le monde

         1  Rendre effectif le droit à l’emploi et à l’ac-
            compagnement des chômeurs de longue              3   Assurer à chacun les moyens d’accéder
                                                                 à une alimentation de qualité.

                                                             4
         durée, en partant des territoires et en s’ap-            Développer une alimentation durable
         puyant sur les acteurs locaux.                           et de qualité disponible et accessible.

         2    Assurer un revenu minimum garanti
              décent à tous ceux qui en ont besoin.          5    Associer les personnes en situation de
                                                                  précarité aux décisions sur leur
                                                             alimentation.

4 RÉSOLUTIONS – FÉVRIER 2022
CHÔMEURS : ACCOMPAGNER PLUTÔT QUE SANCTIONNER - NOS 17 PROPOSITIONS POUR FAIRE DURABLEMENT RECULER LA PAUVRETÉ
NOTRE PLAIDOYER

Accompagner toutes les personnes                   Traiter la situation des personnes mi-
sans-abri, de la rue au logement                   grantes dans le respect de la dignité

6    Renforcer les dispositifs destinés à re-
     pérer, à rencontrer et à accompagner
les personnes à la rue pour leur permettre
                                                   12      Préserver l’intégrité des personnes,
                                                           qui tentent d’accéder au territoire fran-
                                                   çais ou européen, et qui sont potentiellement
d’en sortir directement.                           en danger, avant toute autre considération.

7    Offrir des conditions d’habitat dignes à
     toutes les personnes sans domicile.           13      Porter une attention spécifique aux
                                                           mesures de protection que requièrent
                                                   les personnes particulièrement vulnérables.

8    Investir massivement et durablement
     dans le développement de logements
accessibles aux ménages à très faibles re-         14      Faciliter l’accès à un titre de séjour et
                                                           de travail pour permettre aux per-
venus, et s’assurer que les logements dispo-       sonnes étrangères concernées de s’intégrer, de
nibles leur bénéficient prioritairement.           contribuer et de vivre comme tout un chacun.

                                                   15      Renoncer à l’application, en France,
                                                           du règlement européen de Dublin.

Rénover toutes les passoires
thermiques occupées par
des ménages modestes                               Mener une transition écologique

9
                                                   juste et solidaire
     Renforcer les aides financières à la ré-
     novation des logements pour que le
manque de ressources cesse d’être un obs-
tacle pour les ménages les plus précaires.
                                                   16       La France doit prendre toute sa part
                                                            à une trajectoire de réduction des
                                                   émissions de gaz à effet de serre en respec-

10
                                                   tant l’Accord de Paris : pour cela avoir des ob-
         Déployer et financer sur l’ensemble
                                                   jectifs ambitieux dans les secteurs émetteurs
         du territoire, dans le cadre de
                                                   de gaz à effet de serre et adopter des mesures
« France Rénov’ », le nouveau service public
                                                   d’accompagnement social adaptées aux be-
de la rénovation de l’habitat.
                                                   soins des personnes précaires, en matière

11   Instaurer une obligation de rénover les
     logements de façon à ce qu’ils soient
vraiment bien isolés, en échange d’un ac-
                                                   d’isolation du logement, d’accès à des moyens
                                                   de transport propres et à une alimentation
                                                   respectueuse de l’environnement.
compagnement adapté des propriétaires.

                                                   17     À l’international, notre pays doit pro-
                                                          mouvoir des politiques de transition
                                                   écologique ambitieuses et respectueuses
                                                   des droits humains.

                                                Scannez le qr code
              Pour en savoir plus sur les
     propositions du secours catholique
            en vue des élections en 2022.
                                                                                FÉVRIER 2022 – RÉSOLUTIONS 5
CHÔMEURS : ACCOMPAGNER PLUTÔT QUE SANCTIONNER - NOS 17 PROPOSITIONS POUR FAIRE DURABLEMENT RECULER LA PAUVRETÉ
INNOVER

                                                                                                                   CHRISTOPHE HARGOUES/ SCCF
LE PARI DU « AGIR AVEC »
PAR BENJAMIN SÈZE

                                                                         Ghedjati, l’une des bénévoles. Une
Pour éviter d’apporter des réponses inadaptées à un besoin, le
                                                                         étude effectuée pendant six mois
mieux est finalement de consulter les premiers concernés. C’est          autour du flux des produits vient
le principe de la participation : impliquer les personnes dans           confirmer cette impression. « Plus
l’analyse de leur situation et dans la recherche de solutions.           de 40 % des denrées qu’on nous
À Montpellier et à Vannes, les équipes locales du Secours                donnait restaient sur les étals, rend
Catholique ont fait ce choix.                                            compte Sonia. Surtout des boîtes

                                J
                                                                         de conserve, mais aussi des fruits,
                                          usqu’à sa fermeture en         des légumes et de la viande parti-
                                          mars 2020, à cause de          culièrement périssables. » La ques-
                                          la pandémie de Covid 19,       tion de l’adéquation entre l’offre et
                                          l’épicerie sociale tenue par   les besoins des adhérents se pose
                                          le Secours Catholique, à       alors. Et lorsque survient la crise du
                                Montpellier tournait bien. Les           Covid, qui contraint l’association à
 À Montpellier,                rayons approvisionnés par la             fermer les locaux pendant de longs
l’épicerie solidaire du
                                banque alimentaire étaient fournis.      mois, l’équipe sait déjà qu’elle ne re-
Secours Catholique
a complètement                  Et une cinquantaine de personnes         prendra pas l’activité comme avant.
repensé son                     et de familles venaient chaque se-       « Plusieurs d’entre nous avaient
fonctionnement à                maine remplir leur cabas. Pourtant       envie d’une action plus participative,
partir des besoins
                                l’équipe de bénévoles qui gère le lieu   notamment pour répondre plus jus-
et propositions
d’améliorations
                                n’était pas totalement satisfaite.       tement aux besoins des personnes »,
exprimés par ses                « On ressentait qu’il y avait beau-      raconte Geneviève Silberstein, la
adhérents.                      coup de gaspillage », explique Sonia     responsable. Malgré la ferme-

6 RÉSOLUTIONS – FÉVRIER 2022
CHÔMEURS : ACCOMPAGNER PLUTÔT QUE SANCTIONNER - NOS 17 PROPOSITIONS POUR FAIRE DURABLEMENT RECULER LA PAUVRETÉ
MODE D’EMPLOI
         LES BESOINS IDENTIFIÉS                                       Associer les personnes

                                                        Pour répondre au plus près des besoins

          Pour quoi ?                                   Pour susciter l’adhésion à un projet
                                                        ou un changement.
                                                        Pour redonner du pouvoir d’agir aux personnes
                                                        sur leur situation et sur leur vie.

                                                  Construire ensemble. Consulter les personnes
                                                  concernées pour identifier les problèmes et les
         L’IDÉE                                   besoins, et les impliquer dans la recherche et la mise
                                                  en oeuvre des solutions.

               AVEC QUI ?
             Les habitants d’un quartier, les adhérents ou les habitués d’un lieu, les participants
             à une activité ou un groupe de parole…
             Les bénévoles, les autres acteurs sociaux, les élus, les institutions.

            LES OBJECTIFS
                                                 La transformation                L’adéquation
                                             sociale : En développant               du projet :
                   La coopération :           les capacités d’agir des       Les personnes concer-
                     En permettant             personnes, on permet           nées savent le mieux
                 à chacun de prendre           que les choses s’amé-              les difficultés
                une place active dans        liorent de façon durable         qu’elles rencontrent
                   l’action, on ouvre          à l’échelle individuelle        et ce dont elles ont
               l’horizon des solutions           comme collective.                   besoins.
                       possibles.

           LES LEVIERS
           DE  RÉUSSITE
                                                            Consentir à ne pas tout maîtriser et accepter
Prendre le temps de créer un lien de confiance. Être         le temps long.
à l’écoute des personnes et valoriser leur apport.          Faire confiance aux personnes, les mettre
Établir ensemble une charte de conduite ou de               en position de décider et respecter ces décisions.
fonctionnement dans le groupe.                              Ne pas se décourager face à des imprévus ou
Vivre des temps conviviaux. Fêter les réussites             lorsque la dynamique semble s’essouffler.
(petites et grandes).                                       Proposer sans imposer.

                                                                                      FÉVRIER 2022 – RÉSOLUTIONS 7
CHÔMEURS : ACCOMPAGNER PLUTÔT QUE SANCTIONNER - NOS 17 PROPOSITIONS POUR FAIRE DURABLEMENT RECULER LA PAUVRETÉ
INNOVER

   ture du lieu, le lien est mainte-      Square Morbihan. C’est grâce au             font part d’un besoin de lien social.
nu avec une vingtaine d’adhérents,        Fraternibus1 du Secours Catholique          Il manque, selon elles, un lieu convi-
essentiellement des femmes, par           et par l’entremise d’autres acteurs         vial où se rencontrer pour échanger,
le biais de paniers solidaires de         sociaux, reconnus dans le quartier,         boire un café…
fruits et de légumes biologiques.         que la jeune femme et les bénévoles         À Montpellier, la consultation prend
C’est avec elles que sera pensée          impliqués dans le projet ont pu fa-         la forme d’entretiens individuels où
la future épicerie. Lorsqu’il leur est    cilement entrer en contact avec les         chacun s’exprime sur son rapport à
proposé de s’investir dans le pro-                                                    l’alimentation, à la cuisine, sur ses
jet, certaines acceptent avec plaisir,                                                goûts et ses habitudes alimentaires,
d’autres déclinent « par manque de                                                    sur ses contraintes pratiques et fi-
temps, à cause de la barrière de la                                                   nancières ; dit, aussi, ce qu’il attend
langue, ou parce qu’elles sont dans       DANS UNE DÉMARCHE                           du futur lieu, comment il le conçoit
la recherche d’une aide, sans forcé-      PARTICIPATIVE, ON DÉPEND                    idéalement. « On a eu des sur-
ment, avoir envie de s’impliquer », ex-   DE LA DISPONIBILITÉ DES                     prises, des choses qu’on n’imaginait
plique Anne, une bénévole.                GENS. IL FAUT AUSSI DU                      pas », confie Geneviève. Consultée,
                                          TEMPS POUR QUE CHACUN                       Halima Benyamina, 49 ans, a émis,
Lien de confiance                         OSE S’EXPRIMER.                             avec d’autres, l’envie d’un lieu ou-
Fédérer autour d’une démarche                                                         vert à tous avec des tarifs différen-
participative ne va pas de soi. « Il      résidents. « Sans ces entrées, cela         ciés selon les revenus. « Le Secours
faut d’abord que s’instaure un lien       aurait été compliqué, assure-t-elle.        Catholique, c’est pour tout le monde,
de confiance, que les personnes           Ici, si vous faites du porte-à-porte, les   pas que pour les “mendiants”, dit-elle.
comprennent qui vous êtes, ce que         gens ne vous ouvrent pas. » Les ré-         C’est important que des personnes
vous leur voulez et pourquoi », sou-      ponses à un questionnaire distri-           dans des situations différentes se
ligne Mireille Wilhelm, anima-            bué à une cinquantaine d’habitants,         croisent. Et puis, si certaines peuvent
trice au Secours Catholique, à            notamment à l’aide du Fraternibus,          payer plus que les autres, c’est bien
Vannes, et initiatrice d’une mobili-      valident les observations faites par        pour équilibrer les comptes. »
sation d’habitants dans le quartier       Mireille : les personnes interrogées
                                                                                      Expérimentation
                                                                                      À Vannes, l’équipe du Secours
                                                                                      Catholique met en place un groupe
          REGARD
                                                                                      de travail avec les autres acteurs so-
  CLAIRE LELOGE, ADHÉRENTE À L’ÉPICERIE DU SECOURS                                    ciaux et une quinzaine d’habitants
  CATHOLIQUE, À MONTPELLIER                                                           volontaires. Au fil des rencontres, un
                                                                                      premier projet éclot : l’organisation
  « SE SENTIR RECONNUE, PERMET D’AVANCER »                                            d’une fête de quartier pendant l’été.
                                                                                      « C’était une première étape pour se ras-

  L
         orsqu’on monte un projet, c’est important de laisser la parole               surer, vérifier qu’il y avait du répondant
         aux personnes concernées, de les interroger sur ce qu’elles                  dans la population », précise Mireille.
         souhaiteraient et pourquoi. D’abord, pour répondre au plus                   Devaient suivre la création d’une as-
   près de leurs besoins. Ensuite, pour susciter leur adhésion, surtout               sociation d’habitants, puis, à terme,
   quand il s’agit de changements qui vont avoir un impact sur leur                   l’ouverture d’un espace de vie sociale.
   fonctionnement au quotidien. Pour la personne, être consultée et                   « Dans une démarche participa-
   impliquée, c’est très valorisant. Elle est considérée, elle existe. Elle           tive, le temps est plus long, observe
   ne se dit plus : « Je vais dans un lieu pour les pauvres », mais : « Je            Geneviève Silberstein. D’abord, on
   participe à un projet ». C’est un regard différent sur les personnes               dépend de la disponibilité des gens.
   en précarité qui fait beaucoup de bien. Et puis, concrètement, venir               Ensuite, il faut un temps pour que cha-
   à des réunions, discuter, échanger, rompt la solitude. Se sentir en-               cun se sente légitime pour s’exprimer,
   tourée et reconnue rebooste le moral. Cela permet d’avancer.                      donner son avis. Puis, on expérimente
                                                                                      en prenant le risque de se tromper.

8 RÉSOLUTIONS – FÉVRIER 2022
CHÔMEURS : ACCOMPAGNER PLUTÔT QUE SANCTIONNER - NOS 17 PROPOSITIONS POUR FAIRE DURABLEMENT RECULER LA PAUVRETÉ
INNOVER

                                                                                                                   du tout. Il faut faire confiance aux
                                                                                                                   personnes dans l’analyse de leurs
                                                                                                                   besoins et des réponses à trouver. »
                                                                                                                   À Vannes, malgré la réussite de
                                                                                                                   la fête organisée, le projet initial
                                                                                                                   de création d’un lieu de vie a été
                                                                                                                   abandonné. L’annonce d’une réha-
                                                                                                                   bilitation prochaine du quartier et
                                                                                                                   du relogement, ailleurs, de ses ré-
                                                                                                                   sidents est venue bouleverser les
                                                                                                                   priorités. « Les habitants ont expri-
                                                                                                                   mé le souhait de monter un collectif
                                                                                                                   pour défendre leurs intérêts face à la
                                                                                                                   mairie et au bailleur social. On s’est
                                                                                                                   donc mis à travailler dans ce but »,
                                                                                                                   raconte Mireille.

                                                                                                                   Démocratie représentative
                                                                                                                   Mais au bout de quelques se-
                                                                                                                   maines, la plupart des résidents
                                                                                                                   impliqués font marche arrière. Ils
                                                                                                                   craignent d’être pénalisés, par le
                                                                                                                   bailleur social, en étant mal relo-
                                                                                                                   gés. Le collectif ne voit pas le jour.
                                                                                                                   « Il faut accepter cela, commente
                                                                                                                   Mireille. Se dire que ce n’est pas
                                                                                      CHRISTOPHE HARGOUES / SCCF

                                                                                                                   notre projet, mais celui du groupe,
                                                                                                                   et, que si le groupe n’est plus, le pro-
                                                                                                                   jet n’a plus lieu d’être. »
                                                                                                                   À Montpellier, Geneviève réfléchit
                                                                                                                   à la suite, lorsque l’épicerie aura
                                                                                                                   complètement réouvert et atteint
C’est donc nécessaire d’avancer petit     alimentaire, c’est qu’ils vont être jetés                                son rythme de croisière. « Pour
à petit, par étapes. Même si ce temps     alors qu’ils sont encore consom-                                         l’instant, on est dans une démarche
long n’est pas forcément compris par      mables. C’est du gaspillage », explique                                  expérimentale avec une vingtaine de
tout le monde. » Début janvier, lors      la jeune femme. D’autres, pour des                                       personnes qu’on connaît bien, qu’on
d’une réunion de travail rassemblant      raisons financières, ont dit préférer                                    peut facilement consulter, souligne-
bénévoles et adhérents, une ques-         une offre plus équilibrée mêlant des                                     t-elle. Mais lorsque nous serons
tion était soumise : faut-il arrêter de   bons produits et des aliments de                                         plus nombreux, le fonctionnement
s’approvisionner auprès de la banque      moins bonne qualité, mais du coup                                        ne pourra plus être le même. » Elle
alimentaire ? En effet, certains béné-    moins chers. « Quand on consulte                                         imagine un conseil d’administra-
voles, dont Geneviève, souhaitaient,      les personnes, il faut accepter de ne                                    tion composé pour moitié de bé-
pour des raisons éthiques et à cause      pas tout maîtriser, et donc de changer                                   névoles, pour l’autre d’adhérents.
de la qualité des produits, ne plus       d’orientation. [On ne va pas] là où on                                   « On passerait d’une démocratie di-
dépendre des invendus des super-          comptait emmener tout le monde »,                                        recte à une démocratie représenta-
marchés. Mais plusieurs adhérents,        explique Geneviève.                                                      tive », s’amuse-t-elle. 
comme Khadija Mohamat, n’étaient          Mireille Wilhelm confirme : « Au                                         1 Véhicule équipé du Secours Catholique à bord
pas d’accord. « Le problème, si on ne     départ, on a l’impression qu’il faut                                     duquel les bénévoles de l’association se rendent
                                                                                                                   sur les places des villages et des quartiers à la
prend pas les produits de la banque       qu’on apporte la solution. En fait, pas                                  rencontre des habitants en difficulté.

                                                                                                                             FÉVRIER 2022 – RÉSOLUTIONS 9
CHÔMEURS : ACCOMPAGNER PLUTÔT QUE SANCTIONNER - NOS 17 PROPOSITIONS POUR FAIRE DURABLEMENT RECULER LA PAUVRETÉ
INNOVER                                                              AEQUITAZ

                                                                     DES PARLEMENTS LIBRES DE JEUNES
ILS Y PENSENT AUSSI PAR CLARISSE BRIOT                               Experte dans l’accompagnement de collectifs, l’as-
                                                                     sociation Aequitaz, située en Auvergne-Rhône-Alpes,
                                                                     déploie des Parlements libres de jeunes adultes. Ces
                                                                     espaces d’expression rassemblent des participants
                                                                     d’horizons variés — qui se sont inscrits individuelle-
                                                                     ment ou par des réseaux d’éducation populaire_, leur
                                                                     permettant de partager leurs préoccupations et de
                                                                     formuler des propositions concrètes. Cette initiative
                                                                     est née du double constat que ce public, particulière-
                                                                     ment touché par la précarité, est trop peu écouté et
                                                                     qu’il n’est pas associé aux politiques qui le concernent.
                                                                     Un partenariat avec la Cnaf a été signé en 2020 et un
                                                                     livre blanc des propositions des jeunes est en projet. 
                                                             SCCF
                                                                        Plus d’infos sur : www.aequitaz.org

 MEXIQUE

 APPUI À DES COMMUNAUTÉS                                             COLLECTIFS D’HABITANTS

 LOCALES                                                             DES « TABLES DE QUARTIER »
 Dans la région de la Sierra Norte de Veracruz, la                   À la suite d’une expérimentation nationale du
 communauté Jalamelco, inquiète de la pollution                      dispositif, les « Tables de quartier » sont devenues
 des eaux due à l’implantation d’une société minière,                une réalité dans une vingtaine de quartiers prioritaires
 a pris position contre ce type d’activités. L’ONG                   de Marseille. Ces lieux d’expression sont investis par
 Fomento accompagne cette population dans sa                         des collectifs d’habitants épaulés par un animateur.
 démarche de sensibilisation des villages exposés                    Son rôle est d’appuyer leurs capacités de mobilisa-
 aux mêmes menaces, et dans l’organisation de la                     tion autour d’enjeux partagés, ayant trait à leur cadre
 mobilisation, en particulier au moyen d’une radio.                  de vie. Dans le XIe arrondissement, un collectif d’ha-
 « C’est la communauté qui fixe les limites de la mobi-              bitants se mobilise, par exemple, avec de premiers
 lisation », souligne Ismael Flores Rosado, qui suit le              résultats pour la réhabilitation de 200 logements vé-
 projet pour le Secours Catholique.                                 tustes au sein de leur résidence. 
                                                                        Plus d’infos sur : laligue13.fr/les-tables-de-quartier

RETOUR SUR…

LE HAMEAU SAINT-FRANÇOIS, ÉCOLOGIQUE
ET SOLIDAIRE

O
            uvert depuis juin 2019,            par une femme sans descendance            tager un grand jardin, des aires de
            l ’ Éc o - h a m e a u s o l i -   afin d’y accueillir les blessés de        jeu, une chapelle, des salles com-
            daire Saint-François à             la vie. L’Union diocésaine du Var         munes pour se réunir ou prendre
 Draguignan se compose de 39 lo-               (UDV) a confié la construction            des repas ensemble. Le hameau ré-
 gements écologiques à faibles                 des logements à Habitat et huma-          serve aussi un grand appartement
 charges où vivent 60 à 70 per-                nisme, et a fait appel à Ludovic de       pour accueillir des hôtes de pas-
 sonnes fragiles. Dans ce lieu de              Lalaubie du Secours Catholique            sage ou met son champ d’oliviers
 vie, elles peuvent acquérir une plus          pour y tenter une expérience de           à la disposition de scouts-compa-
 grande autonomie et dépendent                 vivre-ensemble. Depuis trois ans,         gnons qui, tous les étés, viennent
 moins des travailleurs sociaux. La            les habitants se félicitent du cadre      planter leurs tentes et aider aux tra-
 propriété a été léguée au diocèse             et du confort de vie. Ils peuvent par-    vaux du hameau..  J.D.

10 RÉSOLUTIONS – FÉVRIER 2022
DÉBATTRE

   FAUT-IL (CONTINUER À) DÉMATÉRIALISER
            LES SERVICES PUBLICS ?
 CONTEXTE. Le mouvement de dématérialisation des démarches administratives est enclenché.
          Le gouvernement ambitionne notamment de dématérialiser, d’ici mai 2022,
  les 250 démarches les plus utilisées par les citoyens. Cette numérisation des services ne va
        pas sans conséquence pour une partie de la population, peu ou mal connectée.
                      Quelles propositions, quels accompagnements ?

                             VÉRONIQUE DEVISE,          AMÉLIE DE MONTCHALIN,
                       PRÉSIDENTE NATIONALE             MINISTRE DE LA TRANSFORMATION
     DU SECOURS CATHOLIQUE — CARITAS FRANCE             ET DE LA FONCTION PUBLIQUES.

V. D. : La dématérialisation permet        que nos services publics restent        mériser, nous voulons le faire
de gagner du temps pour la majorité        ouverts, qu’ils continuent d’accueil-   correctement. Ce numérique-là est
de nos concitoyens, et pour les admi-      lir ceux qui sont en plus grande fra-   d’ailleurs plébiscité par les associa-
nistrations. Mais nous nous préoccu-       gilité afin qu’ils n’accroissent pas    tions qui accompagnent les per-
pons de la frange de la population qui     les délais de réponse pour tous         sonnes en situation de handicap, il
n’est pas connectée. Treize millions       les Français. Mon combat, c’est         l’est aussi par la population en mi-
de personnes en France souffrent           de concilier numérique et proxi-        lieu rural. Ensuite, nous voulons ac-
d’illectronisme1. Nous côtoyons une        mité. Et donc d’agir à la fois pour     compagner ceux qui sont les plus
partie de ce public qui nous parle des     le « bon » numérique — simple, er-      éloignés du numérique. C’est pour-
difficultés rencontrées. Ce sont des       gonomique, accessible à tous —          quoi nous déployons 4 000 conseil-
jeunes, diplômés ou non, des mé-           et pour une refonte profonde des        lers numériques France services
nages à bas revenus, des personnes         lieux de proximité des services         sur l’ensemble du territoire qui ap-
âgées et des personnes en situation        publics du quotidien, à travers le      porteront leur aide pour utiliser les
de handicap. Pour beaucoup, cet il-        programme France services. Je           outils numériques à ceux qui le sou-
lectronisme empêche l’accès aux            suis d’accord avec vous : le numé-      haitent. Enfin, il y a des personnes
droits. C’est le cas d’un tiers des per-   rique bien fait est une bonne chose.    qui, pour une raison ou pour une
sonnes que nous accueillons.               C’est pour cela que je rends compte     autre, seront toujours étrangères
                                           tous les trimestres de la qualité des   au numérique. Pour elles, nous
A. de M. . : Ma priorité, depuis le        démarches en ligne. Ces 250 dé-         avons mené depuis deux ans une
début de cette crise sanitaire, est        marches, que nous voulons nu-           réouverture massive de lieux

                                                                                          FÉVRIER 2022 – RÉSOLUTIONS 11
DÉBATTRE

                                                                                                                           XAVIER SCHWEBEL / SCCF
         AMÉLIE DE MONTCHALIN                                                           VÉRONIQUE DEVISE

D’ici fin 2022, il y aura un espace                                   Il faut conserver des personnes pour
France services à trente minutes                                 accueillir car les 20 % qui n’ont pas accès
de chacun des citoyens.                                            aux services aujourd’hui risquent d’être
Ce maillage fin est notre priorité.                            encore plus éloignés de leurs droits demain.

   d’accueil de proximité : France        A. de M. :Tous les espaces France       A. de M.: D’ici fin 2022, il y aura un
services. Ce sont 2 000 lieux d’ac-       services ont des postes informa-        espace France services à trente mi-
cueil (sur un objectif de 2 500           tiques et des imprimantes en libre      nutes de chacun des citoyens. Ce
cette année) qui rassemblent les          accès, ainsi que des personnes          maillage fin est notre priorité, c’est
neuf services publics du quotidien.       formées pour accompagner les            pourquoi nous avons par exemple
Nous déployons aussi des modèles          publics les plus éloignés des dé-       opté pour le renforcement des bus
innovants : des bus, des numéros          marches administratives. Notre          itinérants dans certains territoires
de téléphone uniques… et c’est un         objectif est bien que 100 % de la       ruraux et dans des quartiers prio-
vrai accompagnement puisque               population bénéficie de ce réseau.      ritaires pour aller chercher les pu-
82 % des personnes qui ressortent         C’est pourquoi il ne faut pas que       blics les plus éloignés.
d’une antenne France services ont         l’on se vive, vous et nous, comme
obtenu une solution. Alors oui, le        des concurrents, mais bien comme        V. D. : Nous-mêmes expérimentons
numérique, c’est le XXIe siècle et        des partenaires, au service des plus    des « Fraternibus »2. Mais j’insiste
cela fonctionne pour 80 % de la po-       fragiles.                               sur les difficultés des personnes
pulation, mais nous ne renierons                                                  qui sont dans des situations com-
jamais l’importance de la proximi-        V.D. : En effet, mais nous vous aler-   plexes et ne rentrent pas dans des
té. Je pense que nos objectifs sont       tons sur cette frange de la popula-     cases de formulaire. Cela pose des
convergents.                              tion qui n’ira pas forcément dans       difficultés d’accès à leurs droits.
                                          les maisons France services. Ces
V. D. : Vous dites assurer l’accès au     personnes, nous les accueillons         A. de M. : Ce sont ces difficul-
numérique à 80 % de la population,        dans nos équipes locales, et nous       tés que ces lieux d’accueil vont
mais, nous, nous pensons aux per-         essayons de les accompagner au          résoudre. Je me bats aussi pour
sonnes à la rue, en logement pré-         mieux, en créant avec elles un lien     que les démarches complexes
caire, à celles qui vivent à l’hôtel      fraternel qui permet la confiance.      qui freineraient l’accès aux droits
— l’hôtel profitant parfois de leur si-   Elles ont besoin qu’on les accom-       soient supprimées. Dans le pro-
tuation pour réclamer dix euros par       pagne, même si c’est pour se            jet de loi de finances 2022, nous
jour pour le wifi au public étranger.     rendre dans une administration          avons ainsi acté l’accès automa-
Nous côtoyons une population qui          ou une maison France services, si       tique à la complémentaire santé
n’est ni forcément logée ni équipée.      toutefois il y en a une à proximité.    solidaire pour les bénéficiaires du

12 RÉSOLUTIONS – FÉVRIER 2022
DÉBATTRE

RSA. Autre exemple : l’intermédia-             V. D. : Concernant les municipali-      peuvent pas prendre rendez-vous
tion financière des pensions ali-              tés, elles doivent réaliser pendant     sur la plateforme en ligne.
mentaires sera activée par défaut              leur mandature une analyse des be-
pour prévenir le risque d’impayé et            soins sociaux4. Il faudrait modifier    A. de M. : Pour les personnes en
les familles monoparentales en bé-             cette procédure réglementaire pour      procédure de demande ou de re-
néficieront particulièrement..                 y intégrer des éléments d’analyse       nouvellement de titre, il y a ef-
                                               comme le taux d’équipement des          fectivement l’enjeu de la prise de
V. D. : Certaines procédures de-               habitants et les lieux ressources       rendez-vous, avec des cas drama-
meurent complexes. Les per-                    pour qu’ils puissent se former [au      tiques que nous connaissons. Un
sonnes se découragent d’aller vers             numérique].                             vrai travail est fait par le ministère
les services sociaux, parce qu’elles                                                   de l’Intérieur pour que l’accès à la
n’en peuvent plus de quémander.                A. de M. : C’est une très bonne         procédure puisse se faire dans de
                                               idée d’ajouter dans l’analyse des       bonnes conditions.
A. de M. : Nous avons fait voter               besoins sociaux celui lié à la
dans la nouvelle loi 3DS3 le partage           connexion.                              V. D. : Le tout numérique a ses li-
de données pour les acteurs de l’in-                                                   mites, et nous espérons que vous
sertion, afin que les personnes qui            V. D. . : Nous sommes égale-            continuerez d’humaniser les ser-
voient un accompagnateur social                ment favorables au maintien             vices publics en conservant des
n’aient pas à répéter systémati-               de la connexion ; en cas d’im-          personnes pour accueillir. Car les
quement leur parcours ou fournir               payés, comme cela est fait pour         20 % de la population qui n’ont pas
plusieurs fois le même document.               l’eau, l’électricité. C’est une façon   accès aux services aujourd’hui
L’accompagnement humain et fra-                de ne pas être en rupture d’ac-         risquent d’être encore plus éloignés
ternel que vous défendez est un ac-            cès aux services publics. Et, j’in-     de leurs droits demain.
compagnement de la personne, pas               siste, coupler l’équipement avec
de sa vie administrative. Le combat            l’accompagnement.                       A. de M. : Ce gouvernement n’est
pour l’accès aux services numérisés                                                    pas celui qui, comme d’autres, vous
et pour un retour à des rapports hu-           A. de M. : C’est là qu’interviennent    explique qu’il faut supprimer des
mains entre les services publics et            les conseillers numériques France       fonctionnaires sans discernement.
les usagers est essentiel.                     services qui sont pour beaucoup         Au contraire : puisqu’il y a des be-
                                               d’entre eux attachés à un espace        soins d’accueil et d’orientation,
V. D. : Nous pointons aussi le coût            du même nom. Je souhaite que            nous redéployons des agents sur
de l’équipement et de l’abonnement             les responsables de ces lieux           le terrain. Aujourd’hui, avec France
pour les personnes en situation de             présentent à tous les acteurs de        services, ce sont les services pu-
précarité, ainsi que la formation ou           l’accompagnement social de leur         blics qui vont vers le citoyen. C’est
l’accompagnement à l’utilisation               territoire, comment ils fonctionnent    une révolution que nous portons
des outils. Vous avez parlé des mai-           pour que tout le monde puisse tra-      avec beaucoup de volontarisme. 
sons France services, mais les mai-            vailler ensemble. Et que l’on fasse                        Propos recueillis
ries sont des lieux de proximité où            du cousu main, dans chaque ter-                           par Clarisse Briot
ces personnes peuvent aller et où              ritoire, pour qu’il y n’ait aucun ci-
il faut proposer ces services.                 toyen oublié.                           1 Difficulté, voire incapacité, à utiliser les
                                                                                       appareils numériques et les outils informatiques
                                                                                       en raison d’un manque ou d’une absence totale de
A. de M. : Nous allons justement faire         V. D. : Près de la moitié des per-      connaissances à propos de leur fonctionnement.
                                                                                       2 Minibus allant à la rencontre des publics isolés
évoluer le rôle des 25 000 secrétaires         sonnes accueillies par le Secours       ou en précarité, dans une démarche de rencontre
                                                                                       fraternelle, certains proposant des services (lave-
de mairie qui sont, pour les citoyens          Catholique sont étrangères..            rie, informatique…). Une vingtaine sont en cours de
dans des zones plus isolées, le visage         Certaines sont en cours de régu-        déploiement.
                                                                                       3 Projet de loi dit « 3DS » sur la différenciation, la
du service public. Nous avons une ac-          larisation, et par manque d’outils      décentralisation et la déconcentration.
                                                                                       4 L’analyse des besoins sociaux (ABS) permet
tion forte pour faire connaître leur mé-       numériques, ne peuvent pas re-          à la commune de procéder à une analyse des
tier, revaloriser leur salaire et travailler   nouveler leurs droits — et c’est dra-   besoins réels de sa population : familles, jeunes,
                                                                                       personnes âgées, handicapées, personnes en
sur leur formation.                            matique — ou, tout simplement, ne       difficulté…

                                                                                                 FÉVRIER 2022 – RÉSOLUTIONS 13
COMPRENDRE

                             ENQUÊTE

                              CHÔMEURS :
                              ACCOMPAGNER PLUTÔT
                              QUE SANCTIONNER.
                             PAR AURORE CHAILLOU

                               D’un côté, 2,8 millions de personnes durablement privées
                               d’emploi. De l’autre, des centaines de milliers d’emplois
                               non pourvus. Pour beaucoup, l’équation est simple.
                               Certains chômeurs ne font pas preuve d’une recherche
                               active et doivent être sanctionnés et voire leurs allocations
                               suspendues. Pour les chercheurs d’emploi, la réalité est
                               plus complexe. Faible niveau de qualification, problèmes de
                               santé, de mobilité, image de soi dégradée… Une multitude
                               d’obstacles fait du chemin vers l’emploi un véritable parcours
                               du combattant. Plus que de sanctions, ces hommes et ces
                               femmes ont besoin d’un accompagnement social dans la
                               durée ; de ressources stables pour traverser sereinement
                               cette épreuve. De voir leurs compétences prises en compte
CHRISTOPHE HARGOUES / SCCF

                               et reconnues. Et, plus encore, que l’on porte sur eux un
                               regard bienveillant. Une manière de s’entendre dire : on
                               compte sur toi.

                             14 RÉSOLUTIONS – FÉVRIER 2022
COMPRENDRE

  FÉVRIER 2022 – RÉSOLUTIONS 15
dans le cadre de l’expérimentation Territoires
                                                                                                           zéro chômeur de longue durée (TZCLD) , si
                                                                                                           la candidature du territoire de Gerzat et des
                                                                                                           Vergnes est retenue. Attenant à Gerzat, Les
                                                                                                           Vergnes est un quartier prioritaire politique
                                                                                                           de la ville de Clermont-Ferrand, classé dans
                                                                                                           la catégorie grande pauvreté. Gerzat, elle,
                                                                                                           connaît un taux de chômage de 10 %, su-
                                                                                                           périeur de deux points à la moyenne natio-
                                                                                                           nale. Le Secours Catholique accompagne les
                                                                                                           personnes privées d’emploi stable comme
                                                                                                           Myriam, Laaziza, Isabelle, volontaires pour
                                                                                                           occuper les postes qui pourraient être créés.
                                                                                                           En France métropolitaine, 5,6 millions de per-
                                                                                                           sonnes sont inscrites à Pôle emploi et tenues
                                                                                                           de chercher un emploi1 (catégories A, B, C, 3e tri-
                                                                                                           mestre 2021). Parmi elles, 2,8 millions sont des
                                                                                                           demandeurs d’emploi de longue durée : des
                                                                                                           personnes sans emploi depuis au moins un
                                                                                                           an. Les moins diplômés y sont surreprésen-
                                                                                                           tés. Les actifs ayant au plus le brevet des col-
                                                                                                           lèges connaissent un taux de chômage de 14 %
                                                                              CHRISTOPHE HARGOUES / SCCF

                                                                                                           contre 5 % pour les diplômés du supérieur, selon
                                                                                                           l’Insee. Parmi ces chômeurs de longue durée,
                                                                                                           on retrouve davantage de personnes d’origine
                                                                                                           étrangère, de personnes ayant un handicap re-

                      L
                                                                                                           connu ou non, de mères seules, de jeunes en
 Des étudiants                 e métier de ses rêves ? « Ambulancière. »                                  quête d’une première expérience profession-
et des demandeurs               Myriam, la quarantaine, prononce le                                        nelle. Pour trouver un travail, ils rencontrent
d’emploi se                     mot avec regret. « C’est le métier que                                     souvent une multitude de freins, comme en
retrouvent
                                je faisais ! » précise cette habitante                                     témoignent les personnes rencontrées dans le
pour un atelier
collectif recherche             de Gerzat, une commune voisine de                                          Puy-de-Dôme, à Paris et en Seine-Saint-Denis.
d’emploi              Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Voici quatre
à L’Escale (Secours   ans, elle s’est blessée. « Du coup, je suis inapte                                   Des freins multiples au retour à l’emploi
Catholique,           au poste. » Peu de temps après, sa maison est                                        « Personnellement, je ne peux pas accepter un
Clermont-Ferrand).
                      partie en fumée. Puis il y a eu le décès de sa                                       travail dans un snack jusqu’à 22 heures, explique
                      mère, la maladie de son père, atteint d’Alzhei-                                      Laaziza. Avec mes enfants, je ne peux pas ! »
                      mer. « Je me suis retrouvée coincée : je ne pouvais                                  Depuis qu’elle s’est séparée de son conjoint,
                      pas chercher activement du travail, car je m’oc-                                     cette habitante du quartier des Vergnes élève
                      cupais de mon père. Je devais aller le voir toutes                                   seule ses enfants. Comme beaucoup de
                      les deux heures. »                                                                   mères, elle aimerait un travail lui permettant
                      « Parfois, ce n’est pas qu’on ne veut pas travailler,                                de les déposer à l’école le matin et d’être au-
                      c’est qu’on ne peut pas ! » s’exclame Laaziza,                                       près d’eux le soir.
                      43 ans, assise à côté de Myriam dans la                                              Camille, 17 ans, a, quant à lui, des difficultés
                      salle à manger de “La maison”, une bâtisse                                           pour rentrer de son travail. Il effectue une for-
                      d’un étage louée par le Secours Catholique                                           mation dans un restaurant-école de Clermont-
                      à quelques pas de la mairie de Gerzat. Elle                                          Ferrand. La ligne de bus qui dessert son
                      sert de lieu de rencontres aux personnes                                             domicile ne fonctionne plus après la fermeture
                      prêtes à intégrer les emplois qui seront créés                                       du restaurant, au-delà de 22 heures.

16 RÉSOLUTIONS – FÉVRIER 2022
COMPRENDRE

Plus la précarité est grande, plus les freins à            de coûter à la collectivité. « Quand on ne travaille
l’emploi sont difficiles à surmonter, constate             pas, on est sous tutelle, on dépend des aides de
Odile Rosset, directrice de Carton plein. Cette            l’État, confie Marie-Suzanne. Avant, je ne pouvais
structure de l’insertion par l’activité écono-             pas parler devant les gens. Maintenant que j’ai un
mique emploie, à Paris, des personnes qui ont              travail stable, je peux les regarder en face. »
vécu dans la rue et qui se confrontent à « des             Si le travail occupe une place à ce point cru-
problèmes de logement, une méconnaissance                  cial dans nos vies, c’est qu’il constitue « l’activité
totale du système de travail légal, une mauvaise           extérieure à nous la plus à même de nous faire
maîtrise du français, un handicap pas toujours             nous sentir utile aux autres », souligne Pierre
reconnu, des addictions, des problèmes de santé            Kirgo, psycho-sociologue du travail, distinguant
mentale, un passage en prison… »                           en cela le travail des tâches domestiques. En
                                                           outre, « plus la période de chômage s’allonge, plus
Des conditions de travail interrogées                      il est difficile de retrouver un travail », précise-t-il.
Les conditions de travail aussi peuvent être un            En dix ans, la durée d’ancienneté dans le chô-
frein. Isabelle, 42 ans, embauche à 5 h 30 du              mage des personnes reçues par le Secours
matin pour faire le ménage dans des écoles.                Catholique est passée de 1,6 an à 2,6 ans. La
« C’est pas le ménage, le problème. C’est qu’il            personne perd progressivement les cadres qui
n’y a pas de contact humain. » Si certains                 structurent le travail, ce qui conduit à une cer-
secteurs en tension (le bâtiment, l’hôtellerie-            taine désadaptation : difficulté à arriver à l’heure,
restauration, l’aide à la personne) manquent               à travailler en équipe, à respecter des règles…
de candidats, c’est aussi qu’ils manquent                  Et le risque s’accroît de basculer dans une pré-
d’attractivité. Denis, 44 ans, actuellement en             carité plus grande.
formation dans la restauration à Clermont,
n’est plus prêt à travailler dans le bâtiment,
où il s’est usé la santé ; Christophe, 50 ans,
en insertion à Carton plein à Paris, une ving-
                                                             AVANT, JE NE POUVAIS PAS PARLER
taine d’années d’expérience en cuisine, n’a
                                                              DEVANT LES GENS. MAINTENANT
plus l’énergie pour endurer le stress du coup
                                                                QUE J’AI UN TRAVAIL STABLE,
de feu. Marie-Suzanne, 54 ans, aujourd’hui
                                                                 JE PEUX LES REGARDER
salariée de l’expérimentation Territoires zéro
                                                                          EN FACE.
chômeur à Thiers, déplore la précarité du tra-
vail d’aide à domicile : « trente minutes à droite,
trente minutes à gauche, et pas de salaire fixe ».
                                                           « Pour permettre le retour vers l’emploi, il faut
Les stigmates du chômage                                   activer simultanément quatre leviers », ex-
Au-delà, ce qui fait beaucoup souffrir Myriam,             plique Guillaume Alméras, responsable du
ce sont les discours qui culpabilisent les chô-            département économie solidaire au Secours
meurs. « À en croire les gens, on gagne mieux sa           Catholique. « Il faut un revenu qui sécurise le quoti-
vie au RSA qu’en travaillant, on a fait des gosses         dien pour ne pas avoir à s’inquiéter chaque jour du
pour l’argent et on attend la prime de Noël ! »            lendemain ; une activité pour être en mouvement ;
Myriam se sent jugée en permanence : sans                  une formation, pour accéder aux emplois souhai-
travail, sans revenus suffisants, la confiance en          tés ou disponibles ; un accompagnement social
soi, assure-t-elle, est « pourrie ». « Je peux pas me      pour régler les problèmes tels que le logement. »
payer le coiffeur, pas m’acheter de vêtements. » Il
y a quelques mois, elle sortait à peine de chez            Sécuriser le quotidien
elle. « Je m’habillais plus. » Il lui est arrivé d’aller   Face à la réforme de l’assurance-chômage, le
au supermarché en robe de chambre. Elle re-                Secours Catholique et d’autres associations
connaît s’être refermée sur elle-même. Peu à               de solidarité se disent inquiets. Si inciter les
peu s’installe un sentiment de honte, d’inutilité,         demandeurs d’emploi à retrouver un travail

                                                                                                        FÉVRIER 2022 – RÉSOLUTIONS 17
COMPRENDRE

                                                                                                                                CHRISTOPHE HARGOUES / SCCF
 Denis, 44 ans,        est légitime, Guillaume Alméras dénonce d’insertion. […] Il s’agissait de trier le linge, ce qui
est stagiaire       une politique qui « met dans l’inconfort et la pré- ne m’intéressait pas… Et, en plus, j’étais en conflit
au restaurant       carité » les plus fragiles. Selon une étude de avec la directrice de l’association. J’ai refusé de
école Toques        l’Unedic,2 les personnes                                                 travailler dans des conditions
Académie
(Clermont-
                    les plus touchées par                                                    qui ne me convenaient pas.
Ferrand).           la réforme seront celles                                                 J’aimerais peindre ou m’oc-
Auparavant,         s’inscrivant au terme d’un        ISABELLE PERÇOIT LE RSA.               cuper d’enfants ou de per-
il a travaillé      CDD ou d’une période d’in-           « JE PEUX PAS VIVRE,                sonnes handicapées. » D’où
dans le bâtiment
                    térim. Elles toucheront en                  JE SURVIS. »                 la conviction portée par ce
et la logistique.
                    moyenne 17 % de moins.                                                   rapport : il faut garantir un
                    Quant aux minima sociaux,                                                revenu minimum décent
                    ils ne permettent pas de                                                 sans contrepartie, qui im-
                    vivre décemment. Isabelle est aujourd’hui al- plique de cesser « la pratique des sanctions contre
                    locataire du RSA. « Je peux pas vivre, je survis. » les allocataires du RSA ». Une mesure d’autant
                    Myriam, elle, dit s’être sentie abandonnée au plus urgente qu’un rapport publié le 13 janvier
                    moment où elle avait le plus besoin d’être sou- 2022 par la Cour des comptes pointe l’échec du
                    tenue. Un sentiment renforcé par l’évolution du RSA à mobiliser les personnes vers un emploi
                    système d’allocations sociales, qui conditionne stable et à sortir les gens de la pauvreté.
                    l’aide versée à la recherche active d’un emploi.    Le Secours Catholique plaide pour un revenu
                    Dans le rapport « Sans contreparties. Pour un minimum garanti de plus de 700 euros par mois
                    revenu minimum garanti », publié en 2020 par pour une personne seule. Celui-ci permettrait
                    Aequitaz et le Secours Catholique, on peut lire à la France de respecter son engagement à
                    le témoignage de L., réveillée en pleine nuit, éliminer l’extrême pauvreté d’ici 2030, pris à
                    inquiète à l’idée qu’on lui supprime le RSA : travers sa feuille de route pour atteindre les
                    « Demain, conseil disciplinaire RSA. Je dois Objectifs de développement durable adoptée
                    leur expliquer pourquoi j’ai stoppé mon contrat en septembre 2019.

18 RÉSOLUTIONS – FÉVRIER 2022
COMPRENDRE

Se remettre en activité
Parmi les solutions pour permettre aux de-
mandeurs d’emploi de remettre un pied dans
le monde du travail, les structures d’insertion
par l’activité économique sont particulièrement
développées. On y signe un contrat à durée dé-
terminée, dans la limite d’une durée totale de
vingt-quatre mois. L’objectif, rappelle Amaury

                                                              CHRISTOPHE HARGOUES / SCCF
Andriot, encadrant technique, pédagogique et
social pour un chantier d’insertion de l’asso-
ciation Inserfac dans le Puy-de-Dôme, est de
« permettre à la personne de retrouver confiance en
soi ». Et qu’à la sortie, elle ait soit un emploi, soit
une formation. Une « sortie positive » en langage
administratif. Amaury Andriot suit au quotidien                                            là, il va falloir se lever à 4 heures du mat’» Ses le-    « Avant, à part
huit salariés qui fabriquent des couteaux à l’ate-                                         viers : le logement (un intérimaire sans abri peut       m’occuper de mon
                                                                                                                                                    père et de mes
lier Le Thiers. Son accompagnement consiste à                                              être logé dans un foyer de jeunes travailleurs
                                                                                                                                                    gosses, je n’avais
donner un cadre de travail clair, à faire acquérir                                         partenaire) ; l’autonomie financière (avec un            aucun contact »,
un savoir. Il s’agit, in fine, d’offrir « un meilleur futur                                salaire moyen de 1700 euros net) et le non-ju-           témoigne Myriam,
professionnel » aux personnes dont il a la charge.                                         gement. Il ne demande pas aux candidats « s’ils          volontaire du
« Avant de “traverser la rue” pour trouver un travail,                                     ont fait de la prison ou depuis combien de temps         projet Territoires
                                                                                                                                                    zéro chômeur
il faut préparer les gens », insiste Hassan Chrif                                          ils n’ont pas travaillé ».
                                                                                                                                                    à Gerzat
à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).Ce directeur                                             Cependant, l’État demande aux entreprises                (Puy-de-Dôme).
d’une agence d’intérim d’insertion a conscience                                            temporaires d’insertion des taux de sorties
de ne pas proposer des métiers de rêve. Une                                                positives de 65 % à 70 %. Ce qui peut pous-
piscine olympique se construit sous les fe-                                                ser à embaucher en priorité les personnes
nêtres de son bureau. Il fait 8°C. « Pour travailler                                       les moins éloignées de l’emploi.

       FOCUS

 TOQUES ACADÉMIE : SE FORMER, UN TREMPLIN VERS L’EMPLOI

 «L
           e restaurant accueille trois            précaires. À chacun son parcours et                                       Avant de commencer la pratique
           stagiaires en salle et trois            ses difficultés face à l’emploi.                                          au restaurant, Denis et ses ca-
           en cuisine. C’est Denis qui             Denis, 44 ans, a fait un tas de mé-                                       marades ont suivi des cours
 va s’occuper de vous. » Jean-Luc                  tiers : « Douze années de logistique,                                     dans un centre de formation.
 Lafaille, chef de salle à Toques                  quatre dans le bâtiment, quatre dans                                      Pour Noureddine, 35 ans, ce qui
 Académie, explique à des clientes le              l’agro-alimentaire. » Il a connu la rue,                                  compte, c’est la patience de celles
 fonctionnement du lieu. Dans ce res-              vit dans un centre d’hébergement                                          et ceux qui les accompagnent :
 taurant-école de Clermont-Ferrand,                d’urgence. « Je m’accroche à cette                                        « Notre formatrice explique bien
 des hommes et des femmes de 17 à                  formation. Je suis en reconversion                                        les cours. Parfois, elle répète quatre
 62 ans se forment en cinq mois aux                professionnelle. Dans le bâtiment, il                                     ou cinq fois pour que tout le monde
 métiers de commis de cuisine et de                faut avancer intelligemment et vite.                                      comprenne. » Et à la clé de la for-
 serveur. « Je vous demanderai d’être              Ici, c’est minutieux, strict. Il faut faire                               mation, signale le jeune homme,
 indulgentes. » Les uns ont connu                  attention à la présentation, mettre le                                    un large sourire aux lèvres : « un
 de longues périodes de chômage,                   client à l’aise. Ça, c’est la formation qui                               CDD de six mois avec un restaurant
 les autres ont enchaîné les boulots               me l’apporte. »                                                           partenaire ». 

                                                                                                                                     FÉVRIER 2022 – RÉSOLUTIONS 19
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