CHAGALL LE PASSEUR DE LUMIÈRE 26.04.2021 - CHAGALL. LE PASSEUR DE LUMIÈRE / DOSSIER DÉCOUVERTE - Centre Pompidou Metz

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CHAGALL LE PASSEUR DE LUMIÈRE 26.04.2021 - CHAGALL. LE PASSEUR DE LUMIÈRE / DOSSIER DÉCOUVERTE - Centre Pompidou Metz
CHAGALL
LE PASSEUR DE LUMIÈRE
                        > 26.04.2021

     CHAGALL. LE PASSEUR DE LUMIÈRE / DOSSIER DÉCOUVERTE
CHAGALL LE PASSEUR DE LUMIÈRE 26.04.2021 - CHAGALL. LE PASSEUR DE LUMIÈRE / DOSSIER DÉCOUVERTE - Centre Pompidou Metz
SOMMAIRE
    1. PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION P.3
    2. MARC CHAGALL P.4
    3. PARCOURS DE L’EXPOSITION P.7
    4. MOTS EN LIBERTÉ P.16
    5. LE MUSÉE MARC CHAGALL DE NICE P.26
    6. ATELIER JEUNE PUBLIC P.27
    7. INFORMATIONS PRATIQUES P.29

En couverture :

Marc Chagall, Cathédrale de Metz, déambulatoire : vitrail d’Abraham, Jacob, Moïse, Joseph et Noé© Vitrail
de Marc Chagall réalisé en collaboration avec Charles Marq / ADAGP, Paris, 2020
© Didier Boy de la Tour, commande du Centre Pompidou-Metz et du musée national Marc Chagall

Ce dossier a été réalisé pendant le confinement, ce qui explique l’imprécision de la date
d’ouverture.

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1.PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION
Jusqu’au 26 avril 2021
Galerie 3
L’exposition, conçue en partenariat avec le musée national Marc Chagall de Nice, y sera présentée de mai
à septembre 2021 (dates à confirmer).

« Le vitrail est exaltant, il lui faut de la gravité, de la passion. Il doit vivre à travers
la lumière perçue. » Marc Chagall

Le Centre Pompidou-Metz consacre une exposition à Marc Chagall, explorant
l’importance du vitrail dans l’oeuvre de l’artiste.

Les maquettes des vitraux réalisés pour de nombreux édifices entre 1956 et 1984, dans
la région Grand Est (Metz, Reims, Sarrebourg), l’Allemagne voisine (Mayence), le sud de
la France (Nice, Voutezac) et à l’international (Israël, États- Unis, Angleterre, Suisse)
sont rassemblées et mises en correspondance avec un ensemble de peintures,
sculptures, céramiques et dessins issus des collections du Centre Pompidou, du musée
national Marc Chagall, de musées internationaux et de collections particulières. Les
vitraux de la chapelle du Saillant, en Corrèze, déposés dans le cadre d’une opération de
sauvegarde, sont exceptionnellement montrés dans l’exposition.

Celle-ci éclaire l’histoire de chaque commande, dans le contexte de la
reconstruction et d’un renouveau de l’art sacré après la Seconde Guerre mondiale.
Insolites dans le parcours d’un artiste que les racines juives et l’expérience de
l’avant-garde éloignent a priori de la tradition du vitrail, ces commandes
permettent à Chagall de se confronter à l’échelle monumentale de l’architecture et
de s'adresser à un large public. Elles lui offrent également un cadre privilégié pour
déployer sa vision de la Bible, qu’il considère comme « la plus grande source de
poésie de tous les temps », au-delà de tout dogme.

Entrepris dans la dernière période de sa carrière, prolifique et marquée par
l’exploration de multiples techniques, les vitraux de Chagall révèlent un langage
personnel qui associe les diverses cultures visuelles qui façonnent son imaginaire :
celle de Vitebsk, la ville natale, où résonnent le yiddish, les histoires de la Bible et,
au loin, les chants orthodoxes entonnés dans le miroitement des icônes ; mais aussi
celle des avant-gardes découvertes à Paris, la fragmentation des formes cubistes et
le flamboiement des couleurs du fauvisme.
Le peintre les interprète, les transforme, les combine librement au prisme de sa
biographie et de l’histoire des édifices sacrés et profanes dans lesquels il intervient.
Les nombreuses esquisses préparatoires réalisées par Chagall mettent en évidence
le processus de création des vitraux, résultat de l’association du talent du peintre au
savoir-faire de Charles Marq et Brigitte Simon, maîtres-verriers héritiers d’un
atelier crée à Reims au XVIIe siècle. Cette exposition est également l’occasion
d’observer l’influence réciproque du vitrail.

Commissariat : Elia Biezunski, chargée de mission
auprès de la directrice, Centre Pompidou-Metz.
Chargée de recherches : Bénédicte Duvernay
Comité scientifique : Elia Biezunski, chargée de mission auprès de la directrice, Centre Pompidou-Metz,
Jean-Baptiste Delorme, conservateur du musée national Marc Chagall, Anne Dopffer, directrice des musées
nationaux du XXe siècle des Alpes-Maritimes, Bénédicte Duvernay, chargée de recherches, Centre
Pompidou-Metz, Ambre Gauthier, historienne de l’art en charge du catalogue raisonné Marc Chagall,
Nathalie Hazan- Brunet, conservatrice honoraire du musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, Emma Lavigne,
présidente du Palais de Tokyo.

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2.MARC CHAGALL (1887-1985)
Marc Chagall est né en 1887 à Vitebsk, cité marchande de taille moyenne située sur le
territoire de la Biélorussie annexé à l’Empire russe, et foyer d’une des plus
importantes communautés juives de la Russie tsariste. Il est issu d’une famille juive
d’un quartier modeste ; son père est commis dans un dépôt de harengs. Il fréquente le
heder (l’école primaire juive), avant de poursuivre ses études à l’école officielle de
Vitebsk, où les cours sont donnés en russe. Chagall y fait preuve d’une certaine
aptitude au dessin, et nourrit le souhait de devenir peintre.

En 1906, à la fin de sa scolarité et malgré les réticences de son milieu qui considère
l’activité artistique comme étrangère à ses mœurs, il entre toutefois à l’école du
peintre Jehuda Pen, jeune Juif qui a réussi à étudier à l’Académie royale des Beaux-
Arts de Saint-Pétersbourg. Chagall reste très peu dans l’atelier de Pen, et part pendant
l’hiver 1906-1907 à Saint-Pétersbourg, où il s’inscrit à l’école fondée par la Société
impériale pour la protection des Beaux-Arts.

Il travaille ensuite à l’école privée de Savel M. Saidenberg, peintre de scènes de
genre empruntées à l’histoire russe et influencées par le style d’Ilia Répine, puis
auprès de Léon Bakst, professeur dans une école de tradition libérale, ouverte aux
expressions artistiques modernes et très attentive à l’utilisation de couleurs vives
comme élément expressif. Saint-Pétersbourg est alors perméable à l’effervescence de
l’avant-garde, et Chagall bénéficie de ce climat ; c’est à cette époque, par exemple,
qu’il découvre l’œuvre de Gauguin, et s’imprègne d’une reviviscence primitiviste de
l’art russe. Alors que Bakst quitte Saint-Pétersbourg pour aller travailler à Paris
auprès de Diaghilev, le jeune Chagall pressent la nécessité de partir également ; au
printemps 1911, il rejoint Paris via Berlin grâce à une bourse.
Il y visite les galeries, les musées – le Louvre en particulier –, voit le travail des
avant-gardes au Salon d’Automne et au Salon des Indépendants, où il exposera lui-
même.

Il participe à des discussions sur les mouvements cubiste et futuriste, dont l’influence
est visible dans les grandes compositions de cette époque. Son aptitude à donner, aux
visions issues de son enfance à Vitebsk, une construction de l’espace et une plastique
cubiste est frappante, et témoigne déjà de la liberté avec laquelle Chagall combine
plusieurs cultures visuelles. L’utilisation de couleurs indépendamment des contours
des figures, la coexistence dans un même espace pictural de scènes représentées à
différentes échelles et non liées par un argument narratif sont parmi les éléments
qui caractériseront plus tard son travail sur le vitrail.

En 1914, Chagall retourne à Vitebsk, peu de temps avant le début de la guerre. Il y
épouse sa fiancée, Bella Rosenfeld, représentée sur plusieurs toiles de cette époque. La
révolution d’octobre lui permet de devenir citoyen russe à part entière, mais aussi de
voir son projet d’une école des Beaux-Arts pour Vitebsk approuvé par le nouveau
régime. Il dirige brièvement l’un des ateliers de peinture de cette nouvelle académie
des Beaux-Arts.

En 1920, Chagall s’établit à Moscou avec sa femme et sa fille ; il travaille à des décors
et costumes de théâtre, ainsi qu’à la décoration murale du théâtre d’art juif, à son
plafond et à son rideau de scène.

Deux ans plus tard, il quitte Moscou pour Berlin, mais le souhait du marchand-éditeur
Ambroise Vollard de lui confier des illustrations de livres lui donne très vite l’occasion
de retourner à Paris. Il approfondit sa connaissance de la France et de ses paysages

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par de fréquents séjours à L’Isle-Adam, sur l’Oise, où Robert et Sonia Delaunay
passaient leurs fins de semaine, mais aussi à Ault en Normandie, sur l’île de Bréhat en
Bretagne et dans le petit village de Montchauvet dans l’Oise. Ces séjours sont la source
d’inspiration de nombreuses peintures, empreintes d'une grande clarté.

C’est ensuite la côte méditerranéenne que découvre la famille Chagall, et Nice, qui
frappe l’artiste par sa lumière. En 1930, pendant l’un de ces séjours, il compose de
nombreuses variations sur le thème de la fenêtre. Mais la commande majeure de cette
époque est celle que lui confie Ambroise Vollard : l’illustration de la Bible. Pour y
travailler, Chagall visite la Palestine. De retour à Paris, il réalise une série d’eaux-
fortes pour la Bible, mais le projet ne sera repris et achevé que dans les années
1950, avec l’éditeur Tériade.

À l’hiver 1941, invité, comme d’autres artistes, par le MoMA, Chagall peut se rendre à
New York avec sa famille. Il y réalise des décors et des costumes pour l'American
Ballet Theater. La période est marquée par de tragiques nouvelles, d’Europe d’une part,
et notamment de son pays natal, qui inspirent les compositions où un crucifié
représente le martyre des Juifs, et au sein de sa famille d’autre part, puisque Bella
meurt quelques jours seulement avant le retour prévu en France. En 1945, après des
temps difficiles, Chagall se remet au travail, pour le théâtre notamment. C’est aussi le
temps de la consécration de son œuvre : au MoMA, puis au musée national d’Art
moderne de Paris, au Stedelijk Museum d’Amsterdam, à la Tate Gallery, au Kunsthaus
de Zurich et à la Kunsthalle de Berne.

De retour en France, Chagall s’installe à Vence en 1949. C’est là que naît l’idée d’un
cycle de peintures bibliques destinées à être rassemblées en un même lieu. Il envisage
de compléter l’ensemble par des tapisseries et des céramiques, et considère pour la
première fois la possibilité de créer des vitraux. Dans un contexte de renouveau de
l’art sacré, c’est toutefois un autre événement qui lui donne l’occasion de réaliser
ses premiers vitraux : la construction de l’église Notre-Dame-de-Toute- Grâce, sur
le plateau d’Assy en Haute-Savoie.

Cette première incursion dans le champ du travail du verre n’est que le début d’une
trajectoire parallèle à l’œuvre peint qui ne sera interrompu que par la mort de l’artiste :
la commande de baies pour la cathédrale Saint-Étienne de Metz en 1958, réalisée
pour la première fois avec l’atelier Simon-Marq à Reims, fait connaître Chagall,
déjà internationalement célèbre en tant que peintre, comme artiste majeur de l’art
du vitrail. Suivent les commandes pour la synagogue du centre médical Hadassah à
Jérusalem, l’Union Church de Pocantico Hills, l’Organisation des Nations Unies,
l’église All Saints’ Church dans le village de Tudeley (Kent, Royaume-Uni), le temple
protestant du Fraumünster de Zürich, la cathédrale de Reims, la chapelle des
Cordeliers de Sarrebourg, l’Art Institute de Chicago, la cathédrale de Chichester, la
chapelle du Saillant, en Corrèze, et enfin l’église Saint-Etienne de Mayence, où les
derniers vitraux de Chagall sont inaugurés quelques mois après sa mort en 1985.
Pour son propre musée, inauguré à Nice en 1973, alors dirigé par le maître-verrier
Charles Marq et abritant le Message Biblique auquel songe l'artiste depuis le début des
années 1950, il crée aussi trois vitraux sur le thème de La Création du monde.

Ces trois décennies de création de vitraux se sont accompagnées d’une intense
exploration par l’artiste de techniques autres que la peinture, et développées
concomitamment à cette dernière : lithographie, céramique, mosaïque, sculpture en
pierre, en bronze et en terre cuite, peinture murale et tapisserie. Plusieurs d’entre
elles lui ont permis de donner forme au souhait, caressé depuis les premières
expériences de décors en Russie, de créer pour et à l’échelle de l'architecture, et de
réaliser, outre les vitraux, ses œuvres monumentales les plus significatives.

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MEMO

1887 / Naissance de Marc Chagall à Vitebsk en Biélorussie

1906 / Cours à l’école du peintre Jehuda Pen
1906-1907 / Intègre l’école fondée pour la société impériale pour la protection des Beaux-arts
de Saint Pertesbourg

1911 / Arrivée à Paris

1914 / Retour à Vitebsk. Il épouse Bella Rosenfeld

1920 / Installation à Moscou avec Bella et sa fille Ida

1922 / Installation à Berlin

1923 / Installation à Paris

1930 / Ambroise Vollard commande à l’artiste une centaine d’eaux-fortes pour illustrer la Bible

1938-1950 / Construction et aménagement de l’église Notre-Dame de-Toute-Grâce

1941 / Invité par le Museum of Modern Art de New York Chagall se rend aux Etats-Unis puis s’y
exile

1944 / Décès de Bella

1946 / Fils avec Virginia Haggard

1948 / retour en France

1948 / Le père Couturier propose à Chagall la décoration du baptistère de l’église Notre-Dame
de-Toute-Grâce
1948 / Premiers vitraux avec le peintre verrier Paul Bony

1949 / Installation à Vence

1952-1956 / Chagall reprend l’illustration de la Bible commencée en 1931

1952 / Chagall épouse Valentina Brodsky

1956 / Robert Renard sollicite Charles Marq et Brigitte Simon pour exécuter les vitraux de
Jacques Villon, de Roger Bissière puis de Marc Chagall de la cathédrale de Metz
1956-1959 / Vitraux de Roger Bissière sur les deux baies de la nef de la cathédrale de Metz
1956 / Sollicitation de Robert Renard pour des vitraux de Marc Chagall

1957 / Vitraux de Jaques Villon dans la chapelle latérale du Saint-Sacrement de la cathédrale
de Metz

1958 / Début de la réalisation des vitraux de Chagall sur les deux baies du déambulatoire de la
cathédrale de Metz
1958 / Sollicitation par Miriam Freund pour la réalisation des vitraux pour la future synagogue
de l’hôpital Hadassah, à Jérusalem
1958 / Commande monumentale pour l’opéra de Francfort et pour les vitraux de Mayence.

1973 / Inauguration du Musée Marc Chagall de Nice
1973 / Commande faite à Chagall pour un vitrail dans le cadre d’une extension de l’Art Institute
de Chicago

1985/ Décès à Saint-Paul de Vence

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3.PARCOURS DE L’EXPOSITION
INTRODUCTION
L’exposition propose un parcours permettant de découvrir l’intégralité des commandes
de vitraux honorées par Chagall, avec, pour chacune d’elles, un ensemble de dessins
préparatoires, appelés maquettes. Quelques vitraux, exceptionnellement rassemblés,
sont présentés. Ils permettent d’observer les jeux de transparence et d’opacité des
verres plaqués et gravés, les divisions du chemin de plomb et le travail de la grisaille.
Une documentation photographique des vitraux tels qu’ils se trouvent dans les
différents édifices favorise la comparaison avec les dessins préparatoires, et des
documents et archives audiovisuelles mettent en évidence certaines des sources de
l’artiste, ainsi que le travail en atelier. Enfin, l’œuvre sur verre de Chagall est mis en
correspondance avec des peintures, sculptures et travaux graphiques de façon à faire
apparaître la circulation et la transformation des motifs et des symboles d’une œuvre à
une autre, d’un contexte à un autre.

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LA BIBLE DE CHAGALL
En 1930, alors que Chagall termine ses dernières
gravures des Fables de Jean de La Fontaine,
Ambroise Vollard, célèbre marchand d’art et éditeur
de livres d’avant-garde, lui commande une centaine
d’eaux-fortes pour illustrer la Bible. C’est la
première grande confrontation artistique du peintre
avec ce texte. Familier des patriarches, des rois et des
prophètes qui peuplaient les histoires et les rituels
des fêtes juives de son enfance, Chagall voit dans la
Bible « la plus grande source de poésie de tous les
temps », propice au rêve et aux visions surnaturelles
davantage qu’à l’expression de dogmes.

Marc Chagall, Noé reçoit l'ordre de construire l'Arche, 1931. Gouache, étude
préparatoire pour les gravures de la Bible, 58 x 42,5 cm, musée national Marc Chagall
© Adagp, Paris 2020. Photographie ©RMN-Grand Palais (musée Marc Chagall) / Adrien
Didierjean

Date à retenir
1930 Commande d’une centaine d’eaux fortes pour illustrer la Bible

LE PROJET D’UN CYCLE MONUMENTAL : VENCE
En 1949, Chagall s’installe à Vence, en Provence. Il y
reprend l’illustration de la Bible, commencée en 1931
puis laissée en suspens. Aux gravures s’ajoute
progressivement un ensemble de dessins, gouaches,
pastels et tableaux tirés de l’Ancien Testament. Il
mûrit pour la première fois l’idée d’un cycle à
destination monumentale, où chaque peinture serait
partie d’un message transmis par le tout. Pour son
lieu de recueillement, il ressent le besoin d’éléments
intermédiaires entre ses peintures et l’architecture. Il
envisage d’abord des tapisseries, puis réalise des
céramiques murales et des sculptures. Comme
certaines fenêtres doivent être munies de verres, il
considère pour la première fois la possibilité de
créer des vitraux. Son projet ne sera jamais réalisé
sous cette forme mais donnera lieu, vingt ans plus
tard, au musée national Marc Chagall, imaginé par
l’artiste pour accueillir son Message Biblique.

Marc Chagall, Le Monde rouge et noir ou Soleil rouge, carton de tapisserie, 1951.
Aquarelle, gouache, pastel gras sur papier fait machine sur papier contrecollé sur
papier, marouflé sur toile, 244,5 x 189 cm. Collection particulière © Adagp, Paris 2020.
Photographie © Ewald Graber

Dates à retenir
1949 Installation à Vence
1949 Chagall reprend l’illustration de la Bible commencée en 1931

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PRÉMICES D’UNE CONTRIBUTION AU RENOUVEAU DE L’ART SACRÉ :
L’ÉGLISE NOTRE-DAME-DE-TOUTE-GRÂCE
                                              En 1938, commence au Plateau d’Assy en Haute-Savoie la
                                              construction    de     l’église  Notre-Dame-de-Toute-Grâce,
                                              consacrée en 1950. Le projet est initié par le père dominicain
                                              Marie-Alain Couturier, grand défenseur du renouvellement
                                              de l’art sacré en France et co-directeur de la revue L’Art
                                              sacré, et le chanoine Jean Devémy, aumônier du sanatorium de
                                              Sancellemoz. Tous deux sont désireux de faire appel, pour la
                                              décoration intérieure et extérieure de l’église, à de grands
                                              artistes, indépendamment de leur appartenance politique ou
                                              confessionnelle. Le père Couturier, qui a rencontré Chagall
                                              pendant leur exil américain au moment de la Seconde Guerre
                                              mondiale, lui propose en 1948 la décoration du baptistère.
                                              Chagall y travaille jusqu’en 1957, et y réalise ses premiers
                                              vitraux avec le peintre verrier Paul Bony.

Marc Chagall en collaboration avec Paul Bony, baptistère de l’église Notre-Dame-de-
Toute-Grâce : vitrail de L’Ange au chandelier © Adagp, Paris 2020.
Photographie © Didier Boy de la Tour, commande du Centre Pompidou-Metz et du
musée national Marc Chagall

Dates à retenir
1938-1950 Construction et aménagement de l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce
1948 Le père Couturier propose à Chagall la décoration du baptistère
1948-1957 Premiers vitraux avec le peintre verrier Paul Bony

ÉLARGIR LES POSSIBILITÉS DE L’ART DU VITRAIL : L’ATELIER
SIMON-MARQ
                             L’existence connue de l’atelier Simon-Marq de Reims
                             remonte à 1640. Dès le XIXe siècle, il s’illustre dans l’étude
                             et la restauration des vitraux de la cathédrale Notre-Dame
                             de Reims. À partir de 1949, Brigitte Simon, peintre-verrier
                             formée dans l’atelier familial, et son époux, Charles Marq,
                             ancien étudiant en philosophie, dirigent l’atelier. En 1956,
                             leur souhait de travailler avec des artistes vivants se
                             concrétise lorsque Robert Renard les sollicite pour
                             exécuter les vitraux de Jacques Villon, de Roger Bissière
                             puis de Marc Chagall à la cathédrale de Metz. Après
                             cette première collaboration, l’atelier Simon- Marq
                             réalisera tous les vitraux de Chagall. L’enjeu pour le
                             maître-verrier est « d’inventer à chaque instant, de ne
                             jamais se retrouver traduisant ». Chagall fait confiance à
                             Charles Marq pour l’imagination, à partir de son esquisse
                             préparatoire, du chemin de plomb qui déterminera la coupe
des verres, ainsi que pour le choix des couleurs. Il se fait aussi aider par Brigitte Simon
pour l’application de la grisaille, cette peinture composée d’oxydes métalliques et d’un
fondant que le peintre applique sur le verre avant sa cuisson.

Marc Chagall, Le Couple à l’âne, vers 1964. Verre plaqué rouge sur blanc, gravé et peint
à la grisaille, 37,5 x 26,8 x 0,2 cm. Collection particulière
© Adagp, Paris 2020. Photographie ©Fabrice Gousset

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Date à retenir
1956 Robert Renard sollicite Charles Marq et Brigitte Simon pour exécuter les vitraux
de Jacques Villon, de Roger Bissière puis de Marc Chagall à la cathédrale de Metz

Techniques
Chemin de plomb : assemblage des pièces de verre et organisation d’un réseau
Grisaille : peinture composée d’oxydes métalliques et d’un fondant que le peintre
applique sur le verre avant sa cuisson.

PREMIER ENSEMBLE MONUMENTAL DE VITRAUX :
LA CATHÉDRALE DE METZ
                                 Chargés de la restauration de la cathédrale de Metz
                                 après la Seconde Guerre mondiale, l’architecte en chef
                                 des Monuments historiques Robert Renard et son élève
                                 architecte Jean Dedieu sont convaincus de l’intérêt
                                 d’associer de grands artistes à cette tâche et
                                 sollicitent plusieurs peintres pour y réaliser des
                                 vitraux. Jacques Villon réalise ceux de la chapelle
                                 latérale du Saint-Sacrement entre 1954 et 1957, Roger
                                 Bissière ceux de deux baies de la nef entre 1956 et
                                 1959 et Chagall est approché dès 1956 pour les deux
                                 baies du déambulatoire. Suivront la baie du transept
                                 nord puis deux longs vitraux dans le triforium. Cette
                                 première grande commande de vitraux permet à
                                 Chagall d’exercer ses talents de coloriste à l’échelle
d’un bâtiment et de déployer une inventivité iconographique déjà visible dans le
baptistère du Plateau d’Assy. Au contraire de l’art religieux le plus traditionnel, où
les symboles sont liés à un texte ou à une tradition iconographique, les
combinaisons symboliques très libres que l’artiste imagine pour les édifices
religieux dans lesquels il travaille, sont à mettre en relation avec son œuvre peint.

Marc Chagall en collaboration avec Charles Marq, La rose bleue, œuvre exécutée par
l’atelier Simon-Marq, Reims, vitrail d’étude pour la rosace du déambulatoire de la
cathédrale de Metz, daté et signé en 1964. Verre et plomb, D. 205 cm. Centre national
des arts plastiques / Fonds national d’art contemporain.
En dépôt au musée national Marc Chagall, Nice ©Adagp, Paris 2020.
Photographie ©RMN-Grand Palais (musée national Marc Chagall) / Adrien Didierjean

Dates à retenir
1954-1957 Vitraux de Jaques Villon dans la chapelle latérale du Saint-Sacrement
1956-1959 Vitraux de Roger Bissière sur les deux baies de la nef
1956 Sollicitation de Robert Renard pour des vitraux de Marc Chagall
1958 Début de la réalisation des vitraux de Chagall sur les deux baies du
déambulatoire

L’INTERDIT DE LA FIGURATION HUMAINE : LES VITRAUX DE LA
SYNAGOGUE DU CENTRE MÉDICAL HADASSAH, À JÉRUSALEM
Alors qu'en 1958, Chagall travaille à la première baie de la cathédrale de Metz, il est
sollicité par Miriam Freund, présidente de l’association Hadassah, organisation de
femmes sionistes américaines développant des équipements sanitaires en Palestine.
Elle souhaite l’inviter à réaliser des vitraux pour la future synagogue de l’hôpital

                                                 CHAGALL. LE PASSEUR DE LUMIÈRE / DOSSIER DÉCOUVERTE   10
Hadassah, à Jérusalem. L’artiste accède à sa demande
                                                             de privilégier les lettres hébraïques, les fleurs, les
                                                             animaux et les symboles du judaïsme, afin d’éviter
                                                             toute figure humaine, en vertu du deuxième
                                                             commandement, interdisant la représentation du
                                                             Créateur comme de la Création pour lutter contre
                                                             l’idolâtrie. Chagall n’est pas sans savoir qu’il a été
                                                             diversement interprété, et ce, dès l’Antiquité : « Pas de
                                                             figure humaine quand il y a Doura Europos ! », ironise-
                                                             t-il en évoquant les fresques du IIIe siècle de la
                                                             synagogue découverte en 1932, dans l'actuelle Syrie.
                                                             À travers ses nombreuses maquettes préparatoires, il
                                                             fait fusionner des formes et des couleurs tendant à
                                                             l’abstraction avec une libre utilisation d’éléments
                                                             empruntés aux ornements traditionnels juifs et à sa
                                                             propre mémoire visuelle.

Marc Chagall, La Tribu de Nephtali, maquette définitive pour les vitraux de la
synagogue de l’hôpital Hadassah, Jérusalem, 1959-1960 , série Les douze tribus
d'Israël, synagogue du centre médical Hadassah, Ein Kerem, Jérusalem, 1959-1960.
Gouache, aquarelle, pastel, encre de Chine, papiers collés et crayon sur papier, 40,7 x
30 cm. Collection particulière © Adagp, Paris 2020. Photographie © Ewald Graber

Date à retenir
1958 Sollicitation par Miriam Freund pour la réalisation des vitraux pour la future
synagogue de l’hôpital Hadassah, à Jérusalem

COMMANDES POUR LA PAIX :
LES VITRAUX POUR L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES À NEW YORK
LA CHAPELLE DES CORDELIERS, SARREBOURG (MOSELLE)
                                                    Le    18    septembre     1961,   Dag
                                                    Hammarskjöld, secrétaire général de
                                                    l’Organisation des Nations Unies,
                                                    meurt dans le crash de l’avion qui le
                                                    menait au Congo pour entreprendre
                                                    des négociations de paix. Il reçoit le
                                                    prix Nobel de la paix à titre
                                                    posthume et le comité du mémorial
                                                    de l’ONU décide de solliciter Chagall,
                                                    dont Hammarskjöld affectionnait tout
                                                    particulièrement l’œuvre, pour qu’il
                                                    réalise un vitrail lui rendant
                                                    hommage. Lors de l’inauguration de
                                                    l’œuvre, l’artiste insiste sur le
                                                    caractère central de la vision
                                                    d’Isaïe de la réconciliation de toutes
les créatures, « cette légende prophétique de la Paix », à la fois « poétique et d’une
importance mondiale », illustrée par Chagall dans ses dernières gravures pour la
Bible. Elle sera également le sujet de la tapisserie La Prophétie d’Isaïe réalisée pour le
parlement israélien, du vitrail de La Paix de la chapelle des Cordeliers de Sarrebourg et
de la tapisserie La Paix conçue pour cette même chapelle.
Yvette Cauquil-Prince (maître d’œuvre), d’après Marc Chagall, La Paix, 1991-1994.
Tapisserie de basse lisse, laine et coton, 472 x 696 cm. Sarrebourg, musée du pays de
Sarrebourg © Adagp, Paris 2020. Photographie © Illés Sarkantyu

                                                   CHAGALL. LE PASSEUR DE LUMIÈRE / DOSSIER DÉCOUVERTE             11
DES VITRAUX INTERPRÉTÉS À LA FAVEUR DE L'ENTENTE FRANCO-
ALLEMANDE : L’ÉGLISE SAINT-ÉTIENNE DE MAYENCE
                      Le prêtre de l’église Saint-Étienne Klaus Mayer, soutenu par
                      les plus hautes autorités ecclésiastiques et politiques et par
                      Valentina Chagall, l’épouse du peintre, parvient à convaincre
                      Chagall     de    réaliser    des    vitraux     pour   Mayence,
                      considérablement détruite lors de la Seconde Guerre mondiale.
                      Cette initiative est investie d’une forte charge symbolique,
                      dans une Allemagne en quête de réconciliation
                      judéochrétienne et franco-allemande. Chagall a vécu à Berlin
                      entre 1922 et 1923. Présent dans les grandes expositions
                      d’avant-garde allemande au début du siècle, il est taxé de «
                      bolchevisme » et ses œuvres sont détruites dans un autodafé
                      organisé par les nazis en 1933, qui le relégueront au rang d’«
                      artiste dégénéré ». Malgré son refus de se rendre en
                      Allemagne après la Shoah, sa consécration y est portée par de
nombreuses expositions et acquisitions d’œuvres. Elle est couronnée par la commande
monumentale pour l’opéra de Francfort, en 1958, et par celle des vitraux de Mayence.

Marc Chagall, L’église Saint-Étienne de Mayence : les femmes de la Bible, la généalogie
d’Abraham, les hommes de la Bible, maquettes pour les vitraux du chœur, 1977-1978.
Tempera, gouache, crayon noir et encre sur papier, 145 x 31 cm, 108 x 30,5 cm et
145 x 31 cm. Collection Matthew Freud, Londres © Adagp, Paris 2020. Photographie
courtesy Sotheby's, Inc. © 2014 et Matthew Freud, London

Date à retenir
1958 Commande monumentale pour l’opéra de Francfort et pour les vitraux de Mayence.

COMMANDES PRIVÉES
                                      Les premières commandes faites à Chagall
                                      suscitent aussi l’intérêt de familles qui, le
                                      découvrant créateur de vitraux, lui proposent
                                      de travailler dans des lieux auxquels elles sont
                                      attachées. La première commande de ce type
                                      émane de la famille Rockefeller, qui a contribué
                                      par son mécénat à l’édification et à l’ornement
                                      d’une chapelle à Pocantico Hills, près de New
                                      York. David Rockefeller commande à Chagall un
                                      premier vitrail à la mémoire de son père, en 1962,
                                      et huit autres suivent, déployant les figures des
                                      prophètes dans la nef. En Angleterre, c’est le
                                      couple sir Henry et lady d’Avigdor-Goldsmid
                                      qui sollicite Chagall pour réaliser, dans la petite
                                      église du village de Tudeley dans le Kent, des
                                      vitraux en mémoire de leur fille Sarah, morte en
mer en 1963, et qui avait pu admirer deux ans auparavant dans une exposition à Paris,
les baies créées par Chagall pour la synagogue de l’hôpital Hadassah. En France enfin,
dans le village de Voutezac en Corrèze, Guy de Lasteyrie du Saillant, après avoir
racheté le château qui avait appartenu à sa famille, rassemble des fonds publics et
privés pour restaurer la chapelle communale du Saillant et demande à Chagall d’orner
les fenêtres de vitraux.

                                                  CHAGALL. LE PASSEUR DE LUMIÈRE / DOSSIER DÉCOUVERTE   12
Marc Chagall en collaboration avec Charles Marq, La Chapelle du Saillant : bouquets,
oculus du portail occidental ; œuvre exécutée par l'atelier Simon-Marq, Reims, 1982
Vitrail, D. 93 cm. Mairie de Voutezac, vitrail class. au titre des monuments historiques
en 2008 © Adagp, Paris 2020
© Région Nouvelle-Aquitaine. Inventaire général du patrimoine culturel. P. Rivière.
2020

Memo
Chapelle de Pocantico Hills près de New York (commande de la famille Rockfeller)
Eglise de Tudeley dans le Kent en Angleterre (commande de la famille Avigdor-
Goldsmid)
Château de Voutezac en Corrèze (commande de Guy de Lasteyrie du Saillant)

PEINTURE ET VITRAIL DANS LES ANNÉES 1970
                                                L’évolution de la peinture de Chagall dans les années 1970
                                                invite à des rapprochements avec son œuvre sur verre. La
                                                grisaille est appliquée en glacis plus ou moins épais sur les
                                                vitraux ; Chagall la pose aussi par petites touches pour
                                                animer la surface du verre. Dans un tableau comme Job, il
                                                procède de la même manière : la tête du personnage biblique
                                                n’est pas marquée par un contour tranché, mais suggérée par
                                                un halo de petites touches légères, brunes, puis bleues et
                                                violettes, qui fondent ce visage dans son environnement. Outre
                                                ces effets de transparence, on peut aussi remarquer dans
                                                l’œuvre peint de cette période plusieurs toiles très claires
                                                ponctuées par des accents colorés limités à des zones bien
                                                délimitées, comme sur les vitraux et leurs maquettes de la
                                                même époque.

Marc Chagall, Job, 1975. Huile, tempera, encres de couleur, encre de Chine et sciure
sur toile, 170 x 121 cm. Collection particulière © Adagp, Paris 2020.
Photographie © Ewald Graber

LA CRÉATION DU MUSÉE DU MESSAGE BIBLIQUE, À NICE
En 1973, le musée du Message Biblique,
premier musée national consacré à un
artiste vivant, ouvre ses portes à Nice. Il
a été imaginé par Chagall – appuyé par
André Malraux – et conçu par
l’architecte    André    Hermant     pour
accueillir le Message Biblique, en
projet depuis les années 1950. Chagall,
mélomane, dote son musée d’un
auditorium, fait alors suffisamment
exceptionnel en France pour être
souligné. Il conçoit pour cette salle un
ensemble de trois grands vitraux, La
Création du monde. Les images tendent vers l’abstraction et rappellent les décors
réalisés quelques années plus tôt pour une représentation de La Flûte enchantée de
Mozart à l’inauguration du Metropolitan Opera House du Lincoln Center, de New York.
Marc Chagall, Message Biblique, la Création du monde : le septième jour, le cinquième
et le sixième jour, les quatre premiers jours, deuxième étude pour les vitraux des
trois fenêtres, 1971. Mine graphite, aquarelle, encre de Chine et collage de tissus sur
papier, 38,4 x 56 cm. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne.
En dépôt au musée national Marc Chagall, Nice © Adagp, Paris 2020.
Photo © RMN-Grand Palais (musée Marc Chagall) / Gérard Blot

                                                   CHAGALL. LE PASSEUR DE LUMIÈRE / DOSSIER DÉCOUVERTE     13
LE PROGRAMME PROFANE DES AMERICA WINDOWS POUR L’ART
INSTITUTE DE CHICAGO
                                         En 1973, dans le cadre de l’extension de l’Art
                                         Institute de Chicago, l’Auxiliary Board du musée
                                         souhaite financer une galerie entièrement
                                         dédiée à Chagall. Les commanditaires lui
                                         suggèrent d’imaginer un vitrail représentant
                                         les États- Unis qui coïnciderait avec la
                                         célébration de leur bicentenaire. Chagall
                                         imagine plutôt, pour cette commande destinée à
                                         un musée, un vitrail tripartite consacré aux arts.
                                         Il insère cependant dans la partie centrale
                                         quelques symboles des États- Unis : l’aigle, la
                                         statue de la Liberté, quelques hauts immeubles.
                                         Dans l’œuvre sur verre - essentiellement
biblique du peintre - ce vitrail se distingue par son programme, mais on y retrouve un
certain nombre de figures utilisées dans les vitraux à vocation sacrée, comme l’ange à
la trompette ou le chandelier.

Marc Chagall, L’Art Institute de Chicago : le théâtre et la danse, étude pour vitrail,
1976. Mine graphite, gouache et aquarelle sur papier Arches, 29,4 x 37,4 cm. Paris,
Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. En dépôt au musée national Marc
Chagall, Nice © Adagp, Paris 2020. Photographie © RMN-Grand Palais (musée Marc
Chagall) / Gérard Blot

Date à retenir
1973 : commande faite à Chagall pour un vitrail dans le cadre d’une extension de l’Art
Institute de Chicago

COLLAGE, PEINTURE, VITRAIL
Dès ses premières commandes de vitraux, Chagall
utilise dans son travail préparatoire le collage de
papiers et de tissus découpés. Cette étape vers
l’oeuvre     finale    comprend    des     indications
essentielles pour le maître-verrier. Elle permet au
peintre de suggérer des textures, des superpositions,
des     valeurs     chromatiques.   L’inclusion     de
fragments imprimés ou peints fait écho aux
innovations du cubisme que Chagall avait
découvertes à Paris entre 1911 et 1914, mais aussi
aux formes découpées et contrastées des gravures
de l’art populaire russe, ou de ses étoffes
traditionnelles juxtaposant des couleurs vives,
telle celle qui inspire Chagall pour la conception du
fond coloré du vitrail de la cathédrale de Chichester. Le recours au collage ne se limite
pas au vitrail ; dès la fin des années 1960, l’artiste l’utilise dans les esquisses de
projets monumentaux, pour les décors de La Flûte enchantée de Mozart, par exemple,
ou pour des peintures de grandes dimensions comme L’Arc-en-ciel (1967). Certaines
toiles de cette période portent la trace de ces découpes et inclusions. Les jeux de
superposition, de lumière sous-jacente, de transparence, expérimentés à travers le
vitrail, ouvrent une voie nouvelle à la peinture.
Marc Chagall, L'Arc-en-ciel, 1967. Huile sur toile de lin, 160 x 170,5 cm, Paris, Centre
Pompidou, Musée national d'art moderne. En dépôt au musée d'Art moderne et
contemporain de Strasbourg © Adagp, Paris 2020. Photographie © Centre Pompidou,
MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat

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ANN VERONICA JANSSENS
Ann Veronica Janssens (née en 1956 à Folkestone, Royaume-Uni) a reçu sa formation
de plasticienne à l’École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre, dans la
ville de Bruxelles, où elle est aujourd’hui installée. Depuis les années 1980, elle utilise
la lumière, sa modulation, sa coloration, son orientation, pour transformer l’expérience
perceptuelle des lieux dans lesquels elle intervient. Le verre fait partie de ses
matériaux de prédilection. Invitée à intervenir dans l’exposition Chagall. Le passeur de
lumière, l’artiste a choisi l’extrémité de la galerie, offrant une alcôve ouverte sur
l’extérieur et un point de vue sur la cathédrale pour y installer un triptyque de
gaufrettes. Par un effet d’absorption et de diffusion des rayons lumineux, ces plaques
de verre nervuré, qui renferment une superposition de différents filtres iridescents et
colorés, produisent des variations chromatiques vibratoires. Disposées à même le sol,
elles combinent espace pictural illusionniste immatériel et présence physique
sculpturale, transparence et réflexion, lumière naturelle et artificielle. Ces « sculptures
performantes », comme les nomme l’artiste, changent sans cesse de couleur en fonction
du point de vue du spectateur et des variations de la lumière qui les traverse et s’y
réfléchit.

                                       Ann Veronica Janssens, CL2BK, Sunset B, CL2 Blue Shadow,
                                       Triptyque, 2020
                                       Ttrois panneaux en verre recuit avec nervures verticales, fibres en PVC, trois éléments, 230x115 cm
                                       chacun. Collection de l’artiste

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4.MOTS EN LIBERTÉ

La création de l’œuvre
Vitrail
Un vitrail est une composition décorative, résultat d’une technique consistant à
assembler des pièces de verre, colorées ou non, peintes ou non, le plus souvent au
moyen d’un réseau de plombs (d’autres techniques sont possibles depuis le XXe siècle).
Il associe trois métiers différents : celui du verrier, du maître verrier et du serrurier. Le
verrier fabrique les feuilles de verre, le maître-verrier réalise le vitrail (choix du verre,
coupe et mise en plomb) et enfin le serrurier fabrique les éléments métalliques
nécessaires à la pose de la verrière.
Chaque vitrail montre les particularités techniques et iconographiques de son époque :
composition, coloration, techniques de peinture, thème abordé.
En Europe, le vitrail apparaît dès la fin de l'Antiquité et le Haut Moyen-Âge. Son essor
y correspond au développement de l’architecture romane, puis de l’architecture
gothique. Jusqu’au XVIe les bâtiments qui accueillent des vitraux sont principalement
des édifices religieux. Après une période de déclin, le vitrail connait un renouveau à la
fin du XIXe siècle, dans les édifices civils comme religieux.
Si la première fonction du vitrail est d’être une clôture isolante, une protection contre
les agents extérieurs, sa singularité est de laisser passer la lumière tout en la
modifiant. Ainsi teintée, elle contribue à une perception différente de l’espace qui va
évoluer en fonction des conditions atmosphériques et du moment de la journée. Le sol
et les murs reflétant les couleurs du vitrail, l’architecture dans laquelle il s’inscrit va
s’en trouver modifiée, favorisant l’émergence d’un climat spirituel propice à la
méditation. Pour les hommes du Moyen Age, cette expérience immersive a pu être
aisément interprétée comme la manifestation de la présence divine dans les églises,
conformément à la théologie chrétienne selon laquelle « Dieu est lumière ».

Étapes de fabrication du vitrail
Commande à l’artiste et réalisation d’une maquette
L’histoire du vitrail est riche de commandes passées à des artistes peintres ne
maîtrisant pas cette technique. Lorsque c’est le cas, à partir des dimensions de la
fenêtre à combler, le peintre réalise une maquette sous la forme d’un dessin définitif à
échelle réduite transmis au maître-verrier pour exécution. Chagall procédait souvent
par étapes avant d’aboutir à la maquette finale : dans certaines esquisses, il étudiait le
dessin, dans d’autres la composition colorée, en collant parfois des tissus et des papiers
découpés, qui fournissaient au maître-verrier autant d’indications sur les effets colorés
à obtenir.

Coloration du verre
La coloration est l’étape où l’on définit l’harmonie des couleurs. Celles-ci sont choisies
d’après des échantillons, en tenant compte de la nature des verres et de l’effet
souhaité. La palette mise à la disposition du verrier, très étendue, lui permet d’opérer
la transposition de la maquette. La fabrication du verre n’a guère varié depuis le XVIe
siècle. Soufflés en manchons, coupés et développés pour obtenir une feuille, ces verres
sont teintés à l’aide d’oxydes métalliques, le plus souvent dans la masse (sauf dans le
cas des verres plaqués ou « doublé »).
Les substances colorées naturelles utilisées pour donner au verre une coloration
durable, sont des minéraux à base métallique pouvant être mélangés à la
silice pendant la fusion. Voici quelques exemples :
Bleu = oxyde de cobalt, de manganèse.
Jaune = chrome, argent.

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Rouge = oxyde de cuivre.
Violet = oxyde de manganèse.
Rose et rouge rubis = l’or.
Jaune orangé à rouge = le sélénium.

Charles Marq a fait appel à la verrerie Saint Just pour obtenir des couleurs jamais
obtenues auparavant. La verrerie qui dispose à l’origine d’un catalogue de deux cent
cinquante-six verres, va produire pour Chagall près de mille nouveaux tons au fil des
années.

Tracé du chemin de plomb et choix des verres
À partir de la maquette, le maître-verrier réfléchit à un chemin de plomb, c’est-à-dire
à un réseau possible de découpe des verres. Son dessin est superposé à la maquette par
le biais d’un calque soumis à l’artiste et éventuellement rectifié avec lui. Toujours de
concert avec l’artiste, le maître-verrier choisit aussi à ce stade la palette des verres. Si
besoin, il demande à son fournisseur la fabrication de nouveaux verres.

Réalisation du carton et des calibres
Le maître-verrier réalise un carton, c’est-à-dire une reproduction de la maquette de
l’artiste à l’échelle d’exécution. Celui-ci permet d’obtenir un calque d’assemblage, sur
lequel est reporté le réseau des plombs. Le calque est annoté en indiquant la référence
des verres sélectionnés et les zones à graver. Il est conservé pour de possibles
restaurations. Le dessin du calque est reporté sur un carton de coupe, débité en suivant
le tracé. Les morceaux obtenus, à la taille des pièces de verre, forment les calibres.

Découpe des verres et gravure à l’acide
Un ouvrier maintient le calibre sur le verre et suit son contour à l’aide d’un diamant ou
d’une roulette de vitrier qui le raye, puis décroche la pièce, avec les mains ou avec une
pince à décrocher. La couleur de chaque pièce de verre peut alors être travaillée grâce
à une gravure à l’acide. Pour s’adapter à la grande variété de la palette de Chagall,
l’atelier Simon-Marc utilise des verres plaqués, composés d’une fine couche de verre
coloré superposée à une couche translucide. En attaquant la couche superficielle,
l’acide éclaircit la teinte.

Jaune d’argent
Au début du XIVe siècle, l’utilisation du jaune d’argent, un mélange d’ocre et de sel
d’argent, appliqué sur la face interne ou externe du verre, est une évolution technique
décisive. L'intérêt de ce procédé est de pouvoir étendre le jaune d’argent directement
sur le verre et de modifier tout ou partie de la pièce sans ajouter un plomb qui alourdit
le dessin. Après la cuisson, le verre se teinte de couleur jaune plus ou moins intense
selon la concentration des sels et la température de cuisson. Il peut aussi être utilisé
pour modifier la couleur d’un verre déjà teinté, obtenir du vert à partir d’une pièce
bleue, par exemple.
Dans le cas de la collaboration Chagall-Atelier Simon-Marq, c’est Charles Marq qui
appliquait le jaune d’argent, généralement au dos de la pièce de verre, à partir des
maquettes réalisées par Chagall.

Mise en plomb provisoire, peinture à la grisaille et cuisson
Une mise en plomb provisoire est réalisée pour présenter à l’artiste le vitrail assemblé.
Il peut y peindre à la grisaille, une couleur vitrifiable noire ou brune composée d’une
poudre d’oxyde de fer ou de cuivre et d’un fondant. Le peintre applique la grisaille au
pinceau pour l’animer de traits, d’aplats, de lavis et de modelés. Il peut aussi, à l’aide
d’une pointe, enlever la grisaille par endroits pour faire réapparaître le verre sous-
jacent. La grisaille se fixe sur le verre par une cuisson aux alentours de 600 degrés.

Mise en plomb définitive et pose
Les pièces de verre sont encastrées dans les plombs définitifs, une à une, selon le
chemin de plomb prévu lors du calibrage. Les ailes des plombs sont ensuite rabattues

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pour consolider le panneau avant d’être soudées et les différents panneaux du vitrail
assemblés dans une armature métallique, qui les maintient dans la baie où ils sont
installés. Cette armature métallique comprend essentiellement les barlotières (barres
métalliques scellées dans la maçonnerie) et les vergettes (baguettes de fer renforçant
le maintien des panneaux).

Peintre-verrier
Si la réalisation et la mise en place du vitrail exigent des savoir-faire qui
n’appartiennent qu’aux maîtres -verriers, certains d’entre eux ont aussi une activité de
création et de restauration des vitraux anciens. Ils exercent donc leur art dans trois
registres différents : créateurs, interprètes et restaurateurs.
Leur métier, très spécialisé, est souvent pratiqué par les membres d’une même famille
pendant plusieurs générations : dans la famille Simon-Marq, ils se succèdent depuis
1640. Et ce métier n’est pas exclusivement réservé aux hommes : Brigitte Simon a
travaillé comme peintre-verrier au côté de Marc Chagall pour plusieurs grandes
réalisations, tout en réalisant ses propres cartons.
Sources
Elia Biezunski commissaire de l’exposition « Chagall - Le passeur de lumière », Bénédicte Duvernay (Contributeur).
Béatrice de Chancel-Bardelot, « La Parabole su Bon Samaritain », Centre National de Documentation Pédagogique, Scérén, 1er
trimestre 2011, ISBN : 978-2-240-03176-1, ISSN : 755A3629.
Isabelle Pallot-Frossard, directeur du Laboratoire de recherche des monuments historiques, assistée d'un groupe de
travail « Manuel de Conservation, restauration et création de vitraux », Ministère de la culture et de la communication, Direction
de l'Architecture et du Patrimoine sous-direction des monuments historiques et des espaces protégés, Mission Ingénierie et
Références Techniques, Paris septembre 2006, consultable sur :
https://drive.google.com/drive/folders/14wZDiL0JBBPn3o4dcFQcxMn0mxJt7hTB

L’œuvre et son contexte
Commande publique
La commande publique, liée à une tradition française depuis la Révolution, est un
processus de création artistique, par lequel une administration demande à un artiste de
concevoir, souvent en relation avec un lieu donné, une œuvre permanente ou éphémère.
Dans les rues et sur les places, les œuvres qui sont données à voir au plus grand
nombre sont souvent des commandes d’État, financées par l’institution publique, et qui
prennent un essor particulier avec la création du 1% artistique (1) en 1951.
Les pouvoirs publics français se distinguent donc par un interventionnisme dans le
domaine de la création contemporaine (un concept « d’exception culturelle » en Europe)
au nom des principes de démocratisation de la culture, d’aménagement du territoire, de
diversité de la création, ou de protection sociale des artistes.

Longtemps cantonnée à un rôle commémoratif ou décoratif, la commande publique se
diversifie avec la création, en 1959, du ministère des Affaires Culturelles d’André
Malraux, qui confie des commandes prestigieuses à des artistes réputés, comme Marc
Chagall pour l’Opéra Garnier ou André Masson pour le Théâtre de l’Odéon.
Parallèlement, son directeur Bernard Anthonioz, entame une politique de commandes
passées à de jeunes artistes : Agam, Jean Tinguely, Jean Pierre Raynaud ...
Entre 1945 et 1965, période marquée par l’entrée dans l’ère nouvelle de la
décentralisation artistique, plus de 4 000 œuvres sont commandées par l’État à des
artistes plasticiens, et plus de 11 000 œuvres sont achetées.

À partir de 1974, débute un vaste programme de commandes dans les villes nouvelles.
Monique Faux est nommée conseillère artistique au Ministère de la Culture et au
Secrétariat Général des Villes Nouvelles dans le cadre de la politique d’aménagement
du territoire. Les artistes invités travaillent pour l’espace public avec des équipes
pluridisciplinaires. L'Axe majeur de Dani Karavan, parcours paysager et architectural
long de plus de trois km, devenu emblématique de la ville de Cergy-Pontoise en est un
exemple.

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