La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 31 - hiver 2016 - Astrogaac

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La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 31 - hiver 2016 - Astrogaac
la porte des étoiles
        le journal des astronomes amateurs du nord de la France

Numéro 31 - hiver 2016                               31
La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 31 - hiver 2016 - Astrogaac
Éclipse totale de Lune
                                                                                                  A la une
                                                          Auteur : François Lefebvre
                                                          Date : 28/09/2015
                                                          Lieu : Chéreng (59)
                                                          Matériel : Caméra CCD Inova PlaC2 et
                                                          lunette 66/400
GROUPEMENT D’ASTRONOMES

                                                                                                                   Edito
  AMATEURS COURRIEROIS
Adresse postale
GAAC - Simon Lericque                                 La liberté d’association : on l’a ! Aujourd’hui, c’est normal et même
12 lotissement des Flandres                           banal, mais elle reste une chance. Elle se traduit par un joli paysage
62128 WANCOURT
                                                      constitué de toutes sortes de structures : sportives, caritatives, de loisirs…
                                                      Pour parler de la nôtre, le GAAC permet de se retrouver, pour observer,
Internet
                                                      s’écouter, organiser des événements, des rencontres, monter des projets,
Site : http://www.astrogaac.fr                        des expositions - déconner parfois aussi - en partenariat avec des
E-mail : simon.lericque@wanadoo.fr                    collectivités, des établissements scolaires. Que du bien ! Car la culture
                                                      est une arme de construction massive. Tout cela dynamise et profite à
                                                      la vie locale, permet à chacun de s’approprier certains lieux publics,
                                                      de pousser la porte d’une médiathèque, d’une ferme pédagogique…
                                                      Derrière la façade associative se cache un certain nombre de membres
                                                      passionnés par l’astronomie et - s’ils ne le savent pas eux-mêmes, je les
Les auteurs de ce numéro                              en informe ici - par l’altruisme. Ils nous donnent de leur temps, cette
André Amossé - Membre du GAAC
                                                      partie de leur vie qui ne reviendra jamais. Les tragédies de 2015 ont
E-mail : aamosse@nordnet.fr                           amené à des réflexions positives sur le vivre-ensemble et ses vertus.
Site : http://astroequatoriales.free.fr/              D’une façon plus décliniste, on a aussi dit que notre conscience de
                                                      vivre en collectivité ne se manifestait qu’après une catastrophe, puis
Simon Lericque - Membre du GAAC                       s’atténuait voire re-sombrait dans l’individualisme mais c’est oublier
E-mail : simon.lericque@wanadoo.fr                    tous ces acteurs qui animent la vie associative, en héros ordinaires. Pour
Site : http://simonlericque.wix.com/horloges-astro    eux, le vivre-ensemble n’est pas qu’une thématique de débats post-
                                                      drames mais une réalité quotidienne vécue pleinement, c’est-à-dire avec
Damien Devigne - Membre du GAAC                       ses hauts et ses bas. Eux-aussi nous fédèrent, à travers le prisme d’un
E-mail : damien.devigne@gmail.com
                                                      loisir, d’un sport, d’une cause...

                                                                                     Sommaire
Site : http://www.astro59.org

L’équipe de conception                                    5.....Vladimir Kourganoff, directeur de l’observatoire de Lille
Simon Lericque : rédac’ chef tyrannique                                                               par André Amossé
Arnaud Agache : relecture et diffusion
Catherine Ulicska : relecture et bonnes idées             11............................................Pâles lueurs du Système solaire
Fabienne Clauss : relecture et bonnes idées                                                                         par Simon Lericque
Émeline Taubert : relecture et bonnes idées
Olivier Moreau : conseiller scientifique
                                                          15........................................L’horloge astronomique de Reims
                                                                                                                  par Simon Lericque

                                                          23���������������������������������������������La mission Astroqueyras 2015
                                                                                                                   par Damien Devigne
    Edition numérique sous Licence Creative Commons       39�������������������������������������������������������������� Souvenirs d’éclipse
                                                                                                                           par Simon Lericque

                                                          47����������������������������������������������������������������������������� La galerie
La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 31 - hiver 2016 - Astrogaac
• • • • LA VIE DU GAAC

C’était en automne
                                                        Animation au lycée Jules Ferry d’Arras

      Observation de l’éclipse totale
       de Lune du 28 septembre
                                                                          Fête de la Science

                                    Inauguration de la lunette de Thury-sous-Clermont

                                                 Conférence de Michel Pruvost à Wasquehal

            Conférence de Carine Souplet à Mont Bernenchon

                                                                        Réunion publique sur l’éclairage nocturne
                                                                                 à Quesnoy-sur-Deûle
        Conférence de Bernard Maitte à Villeneuve d’Ascq

                                                   L’exoconférence d’Alexandre Astier à Lille
            Sortie au Palais de
              la Découverte

Ce sera cet hiver
          La 22ème !                            Une nuit à Thury                               Conférence
La 22ème Nuit Noire du Pas-de-         Cet hiver, quelques heureux élus            Le 25 mars à 21 heures, Michel
Calais, la première de 2016, aura      auront peut-être la chance de               Pruvost donnera une conférence
lieu le samedi 9 janvier. Rendez-      passer une nuit sous la coupole             intitulée ‘‘Qu’est-ce qu’une
vous au lycée de Radinghem pour        de l’observatoire de Thury dans             étoile ?’’ à la maison de la nature
ce qui sera peut-être la première      l’Oise et d’observer avec la belle          Géotopia de Mont Bernenchon.
observation de l’année.                lunette historique de 160.                  Venez nombreux !

                 Retrouvez l’agenda complet de l’association sur http://www.astrogaac.fr/agenda.html
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• • • • LA VIE DU GAAC

Les instantanés
                                                        Prêt pour l’éclipse de Lune
                                                           Vitry-en-Artois (62)
                                                                28/09/2015

                    Sous perfusion !
             Saint-Véran (05) - 03/05/2015
                                                                          Apéro sous les étoiles !
                                                                          Paris (75) - 21/11/2015

    Concert improvisé... Pas étonnant que le ciel soit
 couvert depuis des mois. Saint-Véran (05) - 05/09/2015
                                                                               Le GAAC en infrarouge...
                                                                                Paris (75) - 21/11/2015

              Mauvaise météo, Michel en appelle aux cieux... Ou presque. Saint-Véran (05) - 03/09/2015
          Retrouvez la vie ‘‘officieuse’’ de l’association sur la page Facebook : https://www.facebook.com/GAAC62

La Porte des Etoiles n°31                                                                                            
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• • • • HISTOIRE

                     Vladimir Kourganoff
 Directeur de l’observatoire de Lille de 1952 à 1961

Par André Amossé

                                                                         Sa jeunesse
                                                  Vladimir Kourganoff est né à Moscou le 3 mars 1912.
                                                  Alexandre, son père, était un grand ténor d’opéra connu à
                                                  l’époque, aussi bien en Russie qu’à l’étranger. Sophie, sa
                                                  mère, était pianiste, professeur de chant et imprésario de
                                                  son mari. Les activités artistiques du couple Kourganoff les
                                                  amènent fréquemment en tournée à l’étranger. En 1924, ils
                                                  partent pour deux ans en Italie, puis en France. Pendant ce
                                                  temps, Vladimir reste en pension à Tomilino, petite ville
                                                  proche de Moscou, placé chez un professeur qui hébergeait
                                                  quelques adolescents et s’occupait de leurs études secondaires.
                                                  Cette période est jalonnée par de nombreuses lectures, où se
                                                  succèdent des livres classiques, des poèmes, mais aussi les
                                                  ouvrages d’anticipation de Jules Verne et d’H.G. Wells qui
                                                  éveillent son intérêt pour la science. Depuis la Révolution
                                                  Russe de 1917, sa mère nourrissait le projet de faire ‘‘sortir’’
                                                  son fils et son mari de Russie, dans l’attente de jours meilleurs.
                                                  Malgré de nombreuses difficultés liées aux troubles politiques
                                                  de son pays, Vladimir Kourganoff rejoint ses parents à Paris
                                                  en octobre 1926, après un voyage en train Moscou-Berlin-
                                                  Paris en solitaire.

                                                     Vers l’astronomie et la mécanique
                                                                   céleste
                                                 À son arrivée à Paris, il ne parle pas encore un mot de français.
        Vladimir Kourganoff (1912-2006)
                                                 Il poursuit cependant de brillantes études en classe ‘‘Sciences-
Langues’’ au lycée Saint-Louis. Il entre à la Sorbonne en 1930 où il suit un double cursus : une licence de
sciences et une autre de lettres. À cette époque, son père poursuit sa carrière seul aux États-Unis. Sa mère
reste avec lui à Paris. Malheureusement, elle décède soudainement en 1932. Alexandre Kourganoff rentre
alors en France pour retourner ensuite à Moscou alors que Vladimir décide d’adopter la nationalité française
et de rester à Paris. Il poursuit ses études et donne des cours particuliers pour gagner sa vie. Il se tourne
définitivement vers les sciences et en 1933, il obtient son examen de physique générale après avoir suivi,
entre autres, les cours d’Yves Rocard (1903-1992, père du futur ministre) et d’Alfred Kastler (1902-1984, prix
Nobel de physique en 1966).
Il passe aussi son certificat d’astronomie approfondie afin de pouvoir se présenter à l’agrégation de
mathématiques. Il suit alors les cours d’Ernest Esclangon (1876-1954), directeur de l’Observatoire de Paris.
Ces cours s’avèrent être ‘‘d’une remarquable qualité pédagogique’’. Il sort premier de ce certificat avec la
mention ‘‘très bien’’. Cela lui vaudra son intérêt pour l’astronomie et surtout un soutien efficace d’Esclangon
par la suite. Le 15 octobre 1935, il épouse Ruth Moj, une jeune Norvégienne qui deviendra plus tard professeure
de russe. Elle lui donnera deux enfants. En 1936, avec le soutien d’Ernest Esclangon, il obtient un poste au

La Porte des Etoiles n°31                                                                                         
La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 31 - hiver 2016 - Astrogaac
• • • • HISTOIRE

service méridien de l’Observatoire de Paris et prépare sa thèse en mécanique céleste avec Jean Chazy (1882-
1955), spécialiste de mécanique céleste et professeur de mathématiques à la faculté des sciences de Lille de
1911 à 1933 et, à partir de 1925, enseignant à la faculté des sciences de Paris où il obtient le titre de professeur
en 1934.

                                           Ses années de thèse
En 1938, durant sa thèse, il effectue son service militaire à Paris, au service géographique de l’armée. En
septembre 1939, il est mobilisé, toujours à Paris, au Central du réseau téléphonique de la DCA. Il n’y reste pas
longtemps car Ernest Esclangon a modernisé les appareils de repérage des canons par le son développés par
Paul Langevin (1872-1946) durant la première guerre mondiale. Ces nouveaux appareils sont testés au service
technique de l’artillerie navale de Lorient. Vladimir Kourganoff participe à ces tests en avril et mai 1940. Après
l’armistice, il est démobilisé. Il soutient sa thèse en juillet 1941 et obtient la mention ‘‘très honorable’’.
Le sujet de son travail porte sur l’implication des calculs de Percival Lowell (1855-1916) dans la découverte
de Pluton. À cette époque, avec le degré de précision limité des mesures de position d’Uranus et de Neptune,
on croyait qu’il existait une différence systématique entre la trajectoire calculée et la trajectoire mesurée de
ces planètes. Une interprétation possible de cette différence était d’imaginer la présence d’une autre planète
au-delà de Neptune dont l’influence sur les deux planètes géantes n’était pas prise en compte. En 1915, Lowell
procède à des calculs pour déterminer la position de ce corps céleste perturbateur. En 1930, Clyde Tombaugh
découvre Pluton non loin de la zone calculée par Lowell. Est-ce un pur hasard ou est-ce que les calculs de
Percival Lowell étaient exacts ? Vladimir Kourganoff conclut que cette découverte n’est pas seulement due au
hasard et que le travail théorique de Lowell a joué un rôle sans pour autant être déterminant.
En étudiant cette question, les calculs de mécanique céleste de Vladimir Kourganoff conduisent à attribuer une
masse très importante à Pluton (de l’ordre de la masse de la Terre) ce qui est en désaccord avec l’éclat observé.
Vladimir Kourganoff émet alors l’hypothèse que la surface de Pluton est constituée de glace peu diffusante.
En 1978, la découverte de Charon, le plus important satellite de Pluton, permet de déterminer très précisément
la masse de Pluton, soit moins de deux millièmes de celle de la Terre. Ceci exclut que Pluton ait pu perturber
les orbites d’Uranus et de Neptune. Finalement la découverte de Pluton était purement fortuite.
De plus, la précision actuelle des mesures montre que les deux planètes géantes suivent finalement la trajectoire
prévue sans qu’il soit nécessaire d’évoquer la présence d’une planète transneptunienne importante. Depuis
2006, Pluton n’est plus considéré comme une planète mais comme un gros corps céleste appartenant à la
ceinture d’astéroïdes d’Edgeworth-Kuiper.

              Vladimir Kourganoff lors de l’inauguration du chantier du radiotélescope de Jodrell Bank en 1953

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La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 31 - hiver 2016 - Astrogaac
• • • • HISTOIRE

                             De l’astronomie à l’astrophysique
En 1942, sur la demande d’Alfred Kastler, Vladimir Kourganoff donne des cours d’initiation à la mécanique
quantique à l’École Normale Supérieure. Lors de la libération de Paris, il s’engage dans la section française
de la ‘‘Bombing Analysis Unit’’, groupe de scientifiques, tout juste constitué et présidé par le physicien Pierre
Auger (1899-1993). Ce groupe avait pour mission d’évaluer scientifiquement les résultats des tactiques de
bombardement de l’aviation alliée.
Peu avant, en 1943, il rencontre Daniel Chalonge (1895-1977), l’un des fondateurs de l’Institut d’Astrophysique
de Paris. Cette rencontre le convainc d’abandonner la mécanique céleste pour l’astrophysique et en particulier
la physique du transfert de rayonnement dans les atmosphères stellaires. En 1946, il publie avec Daniel
Chalonge un article important sur ce sujet : ‘‘Recherches sur le spectre continu du Soleil – l’ion négatif
hydrogène dans l’atmosphère solaire’’. Ils y développent le premier modèle de la photosphère solaire qui rend
compte de certaines particularités jusque là inexpliquées. Cette même année, il part poursuivre ses recherches
en Norvège pendant deux ans à l’Université d’Oslo (où il donne aussi des cours), invité par l’astrophysicien
Swein Rosseland (1897-1985).
Lors d’un passage à Copenhague, il rencontre Niels Bohr et essaie de discuter avec lui en anglais ‘‘...mais
à cause de son accent danois très marqué, ou peut-être à cause d’une insuffisance de mes connaissances en
physique, je n’ai presque rien compris à ce qu’il m’a dit’’. En 1948, il devient maître de conférences au CNRS.
Il découvre une nouvelle méthode de résolution de l’équation de transfert du rayonnement, appelée ‘‘méthode
variationnelle’’. Ceci donne lieu, quatre ans plus tard, à la parution de ‘‘Basic methods in transfer problems’’,
publication majeure sur ce sujet à l’époque.
Toujours en 1948, il travaille quelques temps en Suisse en mission à l’observatoire de la Jungfrau à 3457 mètres
d’altitude. Il s’initie à l’utilisation d’un nouveau spectrographe inventé par Daniel Chalonge. Cet instrument
présente la particularité de compenser l’affaiblissement du rayonnement ultraviolet venant des corps célestes
lors de la traversée de l’atmosphère. Tout ceci en vue d’une mission plus importante à l’observatoire Mc
Donald au Texas. Le directeur de cet établissement, Otto Struve (1897-1963), a en effet invité Daniel Chalonge
à mettre en œuvre ce spectrographe sur le télescope de 2,10 mètres de l’observatoire Mc Donald, alors le
troisième plus grand télescope au monde. Cependant, Daniel Chalonge ne peut pas se rendre aux États-Unis
et Vladimir Kourganoff est chargé de le remplacer. À la fin de son séjour, il profite d’un peu de vacances pour
visiter presque tous les grands observatoires américains et y rencontrer les plus éminents astronomes d’outre-
Atlantique, notamment S. Chandrasekhar à l’Université de Chicago.
En 1949, il traduit de l’allemand l’ouvrage de référence ‘‘physik der sternatmosphären’’ d’Albrecht Unsöld
paru en 1938 et y apporte de nombreux compléments et notes explicatives. Ce travail est largement apprécié
par la communauté scientifique. En 1952 paraît ‘‘Basic methods in transfer problems’’ dans les International
Series of Monographs on Physics d’Oxford University Press. L’ouvrage est également bien reçu et l’on souligne
l’importance de la synthèse sur le sujet et les ponts jetés entre les problèmes purement astrophysiques et ceux
relatifs au fonctionnement des réacteurs nucléaires. ‘‘On apprécie la lucidité de l’exposé et le temps pris
pour éclaircir entièrement les choses’’ énonce Marcel Minnaert (1893-1970), astrophysicien à l’Université
d’Utrecht d’origine belge, célèbre pour son ‘‘Atlas d’Utrecht des raies spectrales du Soleil’’ paru en 1940.

                 Son poste au Laboratoire d’Astronomie de Lille
Ces différents commentaires incitent Vladimir Kourganoff à poursuivre ce qui deviendra une vocation :
synthétiser et enseigner ‘‘la science en marche’’. C’est dans cet objectif d’enseignement et de diffusion de la
science qu’il accepte le poste de maître de conférences en astronomie à l’Université de Lille et de directeur de
son Laboratoire d’Astronomie.
Cependant, la première mission qui l’attend à son arrivée à Lille est de gérer la remise en état et la modernisation
de l’observatoire. En effet, depuis la seconde guerre mondiale, l’observatoire est encore dans un piteux état,
faute de moyens. Il faut trouver des crédits importants ce qui prend beaucoup de temps et d’énergie. Cette
gestion porte peu à peu ses fruits avec l’aide de Monsieur Rousseau, assistant, puis chef des travaux de

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• • • • HISTOIRE

Colloque international sur les “Problèmes fondamentaux de la classification stellaire” tenu à Paris en 1953. Sur cette photo, au
premier rang on reconnait Daniel Challonge (3ème en partant de la gauche), l’astronome russe Ambarzoumian (4ème en partant de
la gauche) et Evry Schatzman (2ème en partant de la droite). Vladimir Kourganoff est au deuxième rang, (4ème place en partant de
la gauche).

l’Université de Lille. La lunette est de nouveau fonctionnelle et reçoit un entraînement horaire électrique. La
coupole est restaurée. Il fait constituer une grande bibliothèque où sont installés les ouvrages les plus récents en
astronomie et astrophysique ainsi que de nombreux périodiques venant de divers pays. Il fait aussi construire
un laboratoire photographique et c’est à cette époque que sont installés le tour Grandville et la perceuse à
colonne dans l’atelier de mécanique. Ces appareils sont toujours présents à l’observatoire et rendent encore
de nombreux services. Cet atelier était initialement situé au sous-sol et c’est Vladimir Kourganoff qui le
transfère au rez-de-chaussée. C’est aussi sous sa direction que sont installés un réfectoire et une chambre des
observateurs au sous-sol, dans l’actuelle salle des archives. L’activité de la station météorologique ainsi que
celle de la station sismologique reprennent enfin.
Vladimir Kourganoff souhaite créer à Lille un petit groupe d’astrophysique et former les étudiants à cette
discipline. Plus particulièrement, il s’oriente vers la recherche sur la structure de notre Galaxie par l’étude de
plaques photo, spectres et autres enregistrements analysés à l’aide de machines à mesurer. Ce travail est réalisé
en collaboration avec les observatoires de Marseille, de Paris et de Cleveland (États-Unis). Il espère pouvoir
adapter un photomultiplicateur et un photomètre sur la lunette afin d’étudier les amas stellaires et les étoiles
variables et former les étudiants à ces nouvelles méthodes d’observation.
Au milieu des années 1950, la liste du personnel de l’Observatoire de Lille se compose de :
V. Kourganoff – Professeur et Directeur,
J. Rousseau – Chef de travaux, il dirige les TP, la construction des appareils,
C. Caby, concierge et aide de laboratoire, il s’occupe des relevés météorologiques, des travaux de menuiserie,
de mécanique, et de l’entretien des instruments,
F. Spite, attaché de recherche au CNRS ; il est chargé de l’étude des spectres,
A. Barrier, secrétaire ; rétribuée par l’UAI et le CNRS, elle assure la préparation matérielle des Astronomical
News Letters et le suivi administratif de l’observatoire,
M. Clément, ajusteur-mécanicien, vacataire ; il assure 2 heures par jour la réalisation des appareils,
K.K. Sen, professeur de physique à Cahndernagore (Inde) ; il participe aux recherches durant la période 1956-
1957.
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• • • • HISTOIRE

       Article de Vladimir Kourganoff au sujet du transit de Mercure publié dans la Voix du Nord du 13 novembre 1953

Vladimir Kourganoff assure les cours du Certificat d’Études Supérieures d’Astronomie et du Certificat
d’Astronomie Approfondie. Il prend aussi en charge une part de l’enseignement en M.P.C. Une fois par
mois, il anime un séminaire qui réunit les anciens étudiants d’astronomie approfondie et les chercheurs de
l’observatoire. Chaque mois, il donne aussi une conférence destinée aux enseignants du secondaire. Il crée
‘‘Les contributions de l’observatoire de Lille’’. Cette publication sera envoyée à de nombreux observatoires
et instituts d’astronomie français et étrangers afin de faire connaître l’observatoire de Lille. En retour, ces
établissements transmettent leurs propres publications. Cela enrichit la bibliothèque de l’observatoire à peu
de frais.
L’Union Astronomique Internationale crée en 1944 les Astronomical News Letters pour pallier aux difficultés
d’échanges d’informations scientifiques durant la seconde guerre mondiale. Elle est dirigée par Otto Struve.
En 1947, l’URSS décide que toutes les publications scientifiques de ses compatriotes seront obligatoirement
rédigées en russe. Otto Struve fait alors appel à Vladimir Kourganoff pour traduire en français ou en anglais les
articles des astronomes soviétiques. Il devient même le rédacteur en chef des A.N.L. en 1954 et assume cette
lourde tâche jusqu’en 1961. Dans cette préoccupation de coopération internationale, Vladimir Kourganoff
correspond avec de nombreux grands astronomes étrangers : Otto Struve, bien sûr, mais on peut aussi citer
Martin Ryle (1918-1984), l’un des pères de la radioastronomie, Marcel Minnaert (1893-1970), astrophysicien
à l’Université d’Utrecht, Albrecht Unsöld (1905-1995), directeur de l’Institut de physique théorique de Kiel
(Allemagne), Hendrik van de Hulst (1918-2000), radioastronome néerlandais, Bernard Lovell (1913-2012)
directeur de l’observatoire radioastronomique de Jodrell Bank, et bien d’autres encore.
Durant cette période lilloise, Vladimir Kourganoff commence la rédaction de deux livres : ‘‘La recherche
scientifique,’’ paru en 1958 aux éditions Que sais-je ? et ‘‘Initiation à la théorie de la relativité’’, paru en 1964
aux Presses Universitaires de France. Il rédige aussi de nombreux articles dans la presse locale. Ceci afin de
décrire au public les phénomènes célestes remarquables pouvant être observés par tout un chacun, comme le
passage de Mercure devant le Soleil en 1953 ou les événements importants, comme le premier homme dans
l’espace en 1961. En 1958, il part près d’un an à l’Université de Berkeley. Il y est invité pour donner des
cours équivalant au niveau du 3ème cycle universitaire français. Son traitement comme visiting professor est
suffisamment élevé pour lui permettre de séjourner avec son épouse.

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• • • • HISTOIRE

Vladimir Kourganoff, Jan Oort et Harold Spencer en grande discussion lors d’une conférence à l’observatoire de Leiden sur la
coopération internationale en astronomie (juin 1953).

         1961-1977, professeur à l’Université de Paris-Sud (Orsay)
En 1961, Vladimir Kourganoff est nommé professeur à l’Université de Paris-Sud. Il y enseigne jusqu’à sa
retraite en 1977. Durant cette période, il applique de nouvelles méthodes pédagogiques de son invention. Il
s’implique énormément dans la synthèse et la didactique des sciences et dans les questions d’enseignement.
Il publie de nombreux articles sur ces sujets, ainsi que quelques ouvrages comme : ‘‘La face cachée de
l’Université’’, paru en 1972 aux Presses Universitaires de France et ‘‘Quelle école ? Pour un enseignement
véritable’’, paru en 1984 aux éditions Scarabée.
Il souhaite une réforme de l’enseignement supérieur et plaide pour un métier d’enseignant universitaire tourné
uniquement vers l’enseignement, sans la partie recherche, afin que les enseignants du supérieur le deviennent
par vocation d’enseigner. Excellent pédagogue, il s’investit beaucoup dans l’enseignement de l’astronomie et
c’est suite à ses échanges et ses interventions qu’est créée en 1964 la Commission 46 de l’Union Astronomique
Internationale consacrée à l’enseignement de l’astronomie.
Vladimir Kourganoff se passionnait aussi pour la littérature et la poésie. Il aimait beaucoup passer de longs
moments au piano à improviser des morceaux inspirés de Scriabine ou Rachmaninoff. Le dernier livre qu’il
écrit revient sur l’un de ses premiers sujets de recherche ‘‘Les mystères de Pluton’’ paru aux éditions Burillier
en 2005. Il y retrace toute l’histoire de la découverte de ce petit corps du Système solaire qui allait déclencher
de vifs débats à l’U.A.I. un an plus tard.

                                                    Références
L’auteur souhaite remercier Pierre Chamaraux pour les remarques apportées à cet article suite à sa relecture.
- Un itinéraire insolite, autobiographie de Vladimir Kourganoff ed Mémoires d’Europe - 1998
- Hommage à Vladimir Kourganoff – article collectif paru dans le bulletin interne de l’Observatoire de Paris
(n°1562 – 2006)
- Archives de l’Observatoire de Lille
- Les Annales de l’Université de Lille (1952/53 – 1953/54)

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• • • • OBSERVATION

Pâles lueurs du Système solaire
Par Simon Lericque

La lumière zodiacale reste un mythe pour nombre d’astronomes amateurs ou simples curieux du ciel. Cette pâle
lueur visible aux alentours des équinoxes de printemps et d’automne est souvent signe d’un ciel exceptionnel.
Pourtant, elle était autrefois beaucoup plus commune, comme le relatent les témoignages du passé. Partons à la
découverte de cette discrète lumière – et d’autres phénomènes qui lui sont liés – venue des lointains horizons
de notre Système solaire.

 Un peu d’histoire
Nous n’avons que peu de traces
pour en attester, mais il y a
fort à parier qu’un phénomène
d’ordinaire si lumineux soit
connu depuis la nuit des temps,
en des époques où la pollution
lumineuse n’existait pas encore
pour nous cacher les étoiles. Les
Égyptiens auraient repéré ce
phénomène mais l’un des plus
anciens témoignages qui sont
parvenus jusqu’à nous est celui
d’Aristote (384-322 av. J.-C.).
Le philosophe grec pensait que la
lumière zodiacale était la queue
d’une comète dont la partie
la plus brillante était cachée                  Représentation de la lumière zodiacale sur une gravure ancienne
sous l’horizon. Le poète perse
Omar Khayyam (1048-1131) considérait la lumière zodiacale comme une ‘‘fausse aurore’’, une dénomination
d’ailleurs reprise quelques siècles plus tard, ou comme ‘‘la main gauche de l’aube’’. D’illustres astronomes à
travers l’histoire ont pu contempler la lumière zodiacale et s’y sont intéressés : Johannes Kepler (1571-1630)
ou Jean-Dominique Cassini (1623-1712) en font partie. Kepler pensait qu’il s’agissait d’un prolongement
de la couronne du Soleil mais plusieurs astronomes démontrèrent rapidement l’incohérence de cette idée.
C’est Cassini qui ouvrit la voie d’une approche scientifique avec la première description approfondie du
                                  phénomène lumineux. C’est aussi lui qui a utilisé pour la première fois le nom
                                  de ‘‘lumière zodiacale’’. Il pensait à raison qu’il s’agissait d’un phénomène
                                  de réflexion de la lumière du Soleil. Il croyait en revanche que cette réflexion
                                  intervenait sur de petites planètes gravitant autour de notre étoile, avant même
                                  la découverte des premiers astéroïdes ; il ne soupçonnait pas l’existence de
                                  poussières interplanétaires d’une taille microscopique.
                                   L’explication actuelle de la lumière zodiacale est un héritage de la pensée de
                                   John Herschel (1792-1871) qui au XIXème siècle déclara : ‘‘On peut conjecturer
                                   que cette lumière n’est autre chose que la partie la plus condensée du milieu
                                   qui, ainsi que nous avons des motifs de le croire, résiste aux mouvements des
                                   comètes. Peut-être contient-elle les molécules dont les queues de plusieurs
Le visage radieux de J. Herschel   millions de ces astres ont été dépouillées lors de leurs passages successifs au

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• • • • OBSERVATION

périhélie, molécules qui doivent à la longue se précipiter sur le Soleil ?’’ Dans les années 1920, des études
plus poussées montrèrent la nature extrêmement diluée de ce nuage de poussières. On comprit aussi que le
spectre de la lumière zodiacale est quasiment identique à celui du spectre solaire, ce qui confirma que le Soleil
est la source lumineuse à l’origine du phénomène. On découvrit également après la seconde guerre mondiale
que l’interaction de la lumière solaire avec ces poussières est la source d’un rayonnement infrarouge continu
mais imperceptible à nos yeux, ce qui tendait à prouver que le nuage zodiacal est constamment alimenté de
matériau interplanétaire.
Mais avec le développement de l’électricité et surtout de l’éclairage public des milieux urbains au début
des années 1950, la lumière zodiacale a ensuite progressivement disparu du ciel. Aujourd’hui, si l’on
veut l’observer en France métropolitaine, il faut s’éloigner des lueurs des villes et privilégier les zones
épargnées par la pollution lumineuse (centre de la Bretagne, Cévennes, hautes montagnes, Morvan, etc.).

                        La lumière zodiacale photographiée depuis l’observatoire de Saint-Véran

                                Ce qu’on en sait aujourd’hui
Comme John Herschel l’avait pressenti, la lumière zodiacale trouve bien son origine dans un phénomène
optique, la réflexion et la diffusion de la lumière du Soleil par des particules interplanétaires situées dans le
plan du Système solaire. Celles-ci seraient essentiellement des éléments éjectés de la fragmentation et de la
chevelure de comètes du Système solaire interne (du Soleil jusqu’à l’orbite de Jupiter). Des astéroïdes, des
débris datant de l’origine de notre système planétaire ainsi que les comètes plus lointaines – typiquement en
provenance du nuage d’Oort – participeraient également au phénomène mais dans une moindre mesure.
Ces poussières interplanétaires sont localisées dans le plan de l’orbite des planètes et grosso modo, englobent
notre étoile et les quatre premières planètes comme une lentille. Depuis la Terre, la lumière zodiacale est
donc visible comme les planètes dans les constellations du zodiaque, le long de l’écliptique (défini par le
plan de l’orbite terrestre autour du Soleil). Ces particules sont très petites, de l’ordre de quelques centaines
de microns (1 micron = 0,001 millimètre) et très éparses puisqu’on estime leur nombre à une dizaine par
kilomètre cube. Malgré ce ‘‘vide’’, l’accumulation de ces infimes éléments sur de grands volumes suffit à
produire le phénomène lumineux et à le rendre parfois impressionnant.

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• • • • OBSERVATION

                                             Pour l’observer
La trajectoire apparente du Soleil au fil de l’année, qu’on appelle l’écliptique, traverse les constellations du
zodiaque (et celle d’Ophiuchus). C’est l’inclinaison de cet écliptique selon les saisons qui va engendrer des
périodes de visibilité propices... et d’autres non ! La lumière zodiacale se matérialise par un triangle lumineux
blanchâtre dont la base est posée sur l’horizon, sans véritable contour ni structure contrairement à la Voie
lactée. Ce triangle peut atteindre plus de 10° de large à sa base et s’élever jusqu’à 60° de hauteur.
Lors de nuits bien noires, la lumière zodiacale peut paraître plus lumineuse encore que la Voie lactée, mais
elle est tellement ténue que la moindre source lumineuse peut la faire disparaître partiellement ou totalement.
Pour tenter de la voir, il faut donc une nuit sans Lune. L’éclat de la planète Vénus – le troisième astre le
plus brillant du ciel après le Soleil et notre satellite naturel – est parfois préjudiciable à son observation
lorsque les conditions atmosphériques ne sont pas idéales. Bien évidemment, il faut aussi bénéficier d’un site
préservé de toute source de pollution lumineuse, ce qui est hélas de plus en plus difficile à trouver en Europe
continentale.
Outre ces conditions indispensables,
il faut aussi tenir compte des périodes                 Les lumières exo-zodiacales
de visibilité de la lumière zodiacale. Il
y en a deux aux latitudes moyennes de            Dans leur recherche continue d’exoplanètes, les
l’hémisphère Nord, lorsque l’écliptique          scientifiques ont récemment mis au jour des disques de
est suffisamment redressé par rapport à          poussières autour d’autres étoiles que le Soleil. Ces halos
l’horizon. Aux alentours de l’équinoxe           poussiéreux sont parfois considérés – à tort ou à raison
de printemps, l’arche zodiacale se               – comme provoquant les lumières ‘‘exo-zodiacales’’.
développera dans le ciel du soir à l’Ouest       Comme pour le Système solaire, ces lueurs extrasolaires
et pourra même être perçue dans un ciel          sont dues à la réflexion de la lumière de l’étoile (ou
crépusculaire.Aux alentours de l’équinoxe        des étoiles) mais seraient plutôt la trace d’un disque de
d’automne, elle sera en revanche à               poussières microscopiques, dont la forme indiquerait la
repérer à l’aube, le matin, avant le lever       présence ou l’absence de planètes dans le système étudié.
du Soleil vers l’Est. La lumière zodiacale
pourra ainsi être perçue grosso modo de
février à avril durant les périodes allant
du dernier quartier à la nouvelle Lune, et
d’août à octobre entre la nouvelle Lune
et le premier quartier. Sous les latitudes
voisines de l’équateur, l’écliptique étant
toujours quasiment perpendiculaire à
l’horizon, la lumière zodiacale reste
visible chaque soir et chaque matin, à la
seule condition que la Lune ne soit pas là
pour gâcher le spectacle.                             Vue d’artiste d’un disque de poussières autour d’une étoile

                                             Le gegenschein et la bande zodiacale
                                 Le gegenschein (mot allemand signifiant ‘‘lueur opposée’’) est un autre
                                 phénomène associé à la lumière zodiacale. Il se forme sur le même principe – à
                                 savoir par la réflexion de la lumière solaire sur des poussières interplanétaires
                                 – mais se matérialise quant à lui à l’opposé du Soleil, d’où son nom. Il se
                                 localise dans la constellation des Poissons en automne et dans la Vierge au
                                 printemps, sur une bande de 10° à 15° de longueur longeant l’écliptique.
                                 Il est encore plus délicat à détecter visuellement et demande un ciel d’une
                                 qualité exceptionnelle. Toutefois, il est aussi possible de le révéler grâce à la
   Friedrich Wilhelm Heinrich
                                 photographie.
    Alexander von Humboldt

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• • • • OBSERVATION

Les premières observations et descriptions du
gegenschein ne remontent qu’au XVIIIème siècle.
Elles proviennent de l’astronome et mathématicien
français Esprit Pezenas (1692-1776) et de l’explorateur
allemand Alexandre de Humboldt (1769-1859). C’est
d’ailleurs ce dernier qui, lors d’un épique périple en
Amérique du Sud, emploie pour la première fois le
terme de gegenschein. Les premières observations et
recherches approfondies sur le phénomène lumineux
sont celles d’un astronome danois, Theodor Brorsen
(1819-1895), qui en 1854 fait le lien entre la lumière
zodiacale et le gegenschein en avançant que leur
processus de formation est identique. Il est aussi le
premier à affirmer qu’un pont de lumière existe entre
le gegenschein et la lumière zodiacale, ce que l’on
appelle parfois la bande zodiacale. En effet, lorsque
les conditions atmosphériques sont parfaites et la
noirceur du ciel intense, on peut se rendre compte
que la lumière zodiacale se poursuit le long de
l’écliptique sur une bande large de 5° à 10°, jusqu’à
atteindre le gegenschein dans la zone anti-solaire.
Cette bande zodiacale ‘‘lumineuse’’ est encore plus
délicate à observer que le gegenschein et bien souvent,
aujourd’hui, seule la photographie est capable de la
faire apparaître dans nos contrées.

              À vous de jouer !
Vous l’aurez compris, le défi n’est pas aisé à relever !
Visuellement, il faut disposer d’un bon (voire très bon)
ciel et ne pas se tromper de saison et d’horizon pour
percevoir la lumière zodiacale. Pour le gegenschein, il
faudra encore plus de patience et de persévérance
: laisser son œil s’acclimater à l’obscurité durant
de longues minutes et parfois attendre plusieurs
nuits pour que les conditions de transparence soient
excellentes. Un site en altitude facilitera grandement
l’observation. Les photographes quant à eux pourront
à loisir mettre en scène la lumière zodiacale dans le
cadre de compositions nocturnes ou crépusculaires
mais devront tout de même s’éloigner des zones
fortement polluées par les lumières artificielles. Les
objectifs de courte focale (24 mm et moins) et à
grande ouverture (inférieure à 4) sont à privilégier. En
fonction des possibilités de l’équipement, n’hésitez
pas à pousser la sensibilité (1600 ISO et plus) pour
limiter le temps de pose et éviter un bougé trop visible
des étoiles, si l’appareil photo est sur trépied fixe. Il
est également possible de prendre plusieurs images et
de les additionner si vous disposez d’un suivi, mais
alors, le paysage sera flou.

  La bande zodiacale et le Gegenshein au centre. Photographie
     de Miloslav Druckmüller et Shadia Habbal depuis Hawaï

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• • • • PATRIMOINE

         L’horloge astronomique de
                Jean Legros
Par Simon Lericque

                  Vue générale de l’horloge astronomique de Jean Legros exposée au planétarium de Reims

                                                                Qui était Jean Legros ?
                                                   Jean Legros (1903-1978) était un touche à tout. Pharmacien
                                                   de formation, il était également pianiste et compositeur
                                                   doté d’un certain talent. Un prix ‘‘Jean Legros’’ a d’ailleurs
                                                   été créé après sa mort pour encourager de jeunes pianistes
                                                   méritants du conservatoire de Reims. Le musicien, n’ayant
                                                   pas de descendance, a en effet fait don de sa fortune au
                                                   conservatoire.
                                                   Mais Jean Legros était avant tout un brillant scientifique fort
                                                   intéressé par la mécanique, domaine qui a d’ailleurs animé sa
                                                   passion pour le jeu Meccano qui s’est développé au début du
                                                   XXème siècle. L’astronomie était aussi l’une de ses passions
                                                   depuis ses jeunes années. C’est dans ce cadre, que durant
                                                   plusieurs décennies, il s’est attelé à la réalisation d’une horloge
            Jean Legros, musicien                  astronomique à la fois étonnante et spectaculaire.

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• • • • PATRIMOINE

                                       L’histoire de l’horloge
Les pièces de base de l’horloge sont issues du Meccano, mais des éléments particuliers ont du être usinés
pour répondre aux besoins de Jean Legros concernant les mouvements plus lents (lunaison, année tropique,
révolution des planètes). On estime que plus de 80% des pièces sont celles d’origine du ‘‘jeu’’ Meccano.
L’artisan commence par réaliser le calendrier perpétuel entre 1930 et 1931. De la deuxième moitié de 1935
aux premiers mois de 1937, il s’attelle à la réalisation de la partie tournante, notamment la carte du ciel et ses
mécanismes. À la fin de cette même année, il ajoute le comput ecclésiastique avec des cadrans dédiés aux dates
des fêtes mobiles, au nombre d’or, à la lettre dominicale, au cycle solaire, à l’épacte et à l’indiction romaine. En
1938, Jean Legros prend en
compte l’équation du temps
et dès 1939, il commence
le     développement      du
planétaire.
Pendant la seconde guerre
mondiale, en 1940 et comme
de nombreux Rémois, Jean
Legros est contraint de fuir
son domicile à l’approche
des soldats allemands et
laisse derrière lui l’horloge
sur laquelle il travaillait
depuis déjà neuf années.
Pour préserver son œuvre
il affiche simplement un
petit carton sur lequel
étaient rédigé en Français,
en Anglais et en Allemand                                 La partie haute de l’horloge, mobile
‘‘qu’il ne fallait pas toucher à cette construction fragile, œuvre de toute une vie’’. Il retrouvera son horloge
astronomique absolument intacte à son retour, malgré les intrusions manifestes dans son domicile.
En 1941, Jean Legros reprend ses travaux, termine et installe le planétaire. À la fin de l’année 1943, il ajoute
les deux tambours permettant de prédire les éclipses solaires et lunaires basés sur le cycle des Saros d’une
durée d’environ 18 ans. En 1945 et 1946, il installe le compteur d’années. Enfin, en 1952, il ajoute trois
nouvelles indications : l’équation du temps (qui était jusqu’alors prise en compte mais non affichée), l’heure
du coucher et l’heure du lever du Soleil. Ces dernières d’ailleurs, n’auront pas le temps d’être véritablement
peaufinées et ne resteront que des valeurs approximatives.
Après plus de vingt années, Jean Legros aura réalisé une œuvre hors du commun. Il ne voyait pourtant dans
son horloge qu’une maquette et avait même imaginé une version beaucoup plus grande qu’il ne pourra, hélas,
jamais réaliser. Tous les mouvements et les cadrans de cette horloge étonnante sont actionnés exclusivement
par des poids. Entre l’axe de l’heure, qui sert de référence, et la roue de l’année tropique la plus lente de
l’horloge, la démultiplication est de 8765,82 fois ! Le mouvement le plus lent est celui de Pluton, qui effectue
un tour autour du Soleil sur le planétaire en plus de 248 ans.
Après le décès de Jean Legros, l’horloge est arrêtée en 1979. Sa famille fait don de l’œuvre à la ville de
Reims afin qu’elle puisse continuer à être vue de tous. Profitant de l’ouverture du planétarium en 1980 - le
premier planétarium français en province - dans l’Ancien Collège des Jésuites, l’horloge est installée et peut
être observée par tout un chacun comme le souhaitait Jean Legros. Enfin, début 2013, l’horloge astronomique
est symboliquement arrêtée pour marquer le déménagement du planétarium dans des locaux flambants neufs.
Le déplacement est organisé par Philippe Simonnet, directeur du planétarium et spécialiste de l’horloge. Ce
nouveau déménagement ne posera aucun problème particulier. L’horloge sera finalement remise en marche
lors de l’inauguration du planétarium en septembre 2013.

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• • • • PATRIMOINE
                La lecture des cadrans
L’horloge astronomique compte trois parties distinctes : la partie où
l’on trouve les rouages moteurs et les cadrans principaux, la carte
du ciel située au-dessus de cette partie principale et un planétaire,
situé en retrait. Tous les mécanismes sont liés à la grande aiguille,
celle qui indique les minutes et qui fait un tour de son cadran en
une heure. Aucune partie de l’horloge n’est indépendante, même si
le planétaire avait été conçu pour l’être temporairement. C’est cette
aiguille des heures qui est donc la référence pour toutes les autres
informations données, de sorte qu’un simple réglage de celle-ci
entraîne la mise à jour de l’ensemble des autres rouages.
                           La partie centrale                                   Le cadran de l’heure
La partie haute tourne sur elle-même en 24 heures, suivant un axe
vertical qui part vers le plafond et la carte du ciel, plus précisément
vers le pôle céleste Nord. C’est dans la partie haute que trône le
cadran de l’heure. Celle-ci est indiquée avec deux aiguilles, une
petite qui fait un tour du cadran en 24 heures et une grande qui
indique les minutes et qui effectue un tour en une heure. Juste
au-dessus de ce cadran, à droite et à gauche, on trouve deux arcs
qui montrent les heures de lever et de coucher du Soleil. C’est
sur l’arc de droite qu’il faut lire le lever et sur celui de gauche
que l’on peut connaître l’heure du coucher. Toutes les heures sont
données en Temps Universel. Entre ces deux arcs, au-dessus du
cadran de l’heure, se trouve un autre arc en forme de ‘‘U’’ dédié
à la correction à apporter pour obtenir l’heure véritable. L’aiguille
de ce cadran montre à la fois la valeur de l’équation du temps au             L’arc des levers de Soleil
fil de l’année – due à la différence de vitesse de déplacement de la
Terre sur son orbite et aux variations de l’inclinaison de son axe de
rotation – mais aussi la correction générale calculée pour la ville
de Reims en tenant compte de la longitude, différente de celle du
méridien de Greenwich qui est considéré comme le méridien 0.
Jean Legros a tenu a représenter le cycle des Saros. Ce dernier est
symbolisé par deux tambours – un pour les éclipses lunaires, un
autre pour les éclipses solaires – qui tournent en 18 ans, 11 jours,
7 heures et 42 minutes. Ces tambours se trouvent à gauche et à
droite des arcs des levers et couchers du Soleil. La période de ces
tambours est le retour de conditions similaires pour les éclipses.
Jean Legros avait connaissance de la nature non absolue de ce
cycle des éclipses, qui se décale sur des échelles de temps très          Le cadran de l’équation du temps
grandes, mais il a considéré qu’il était important de le faire figurer
sur son horloge. Sur ces deux tambours, on voit des graduations
sur l’extérieur de chaque bandeau. Chaque graduation correspond
à une lunaison. Il faut donc 29 jours et demi pour que le tambour
se déplace et que le repère passe d’une graduation à une autre.
Le trait central horizontal, qui fait le tour de chaque tambour,
symbolise l’écliptique et la sinusoïde représente la position de la
Lune par rapport à celui-ci, soit au-dessus, soit en dessous. Les
traits verticaux complets indiquent qu’une éclipse totale est prévue,
les traits verticaux partiels indiquent que l’éclipse sera partielle.
On remarque d’ailleurs que les éclipses n’ont lieu que lorsque la
sinusoïde croise la ligne horizontale, autrement dit lorsque la Lune
se trouve proche de l’écliptique, dans le plan Terre-Soleil.              Le tambour des éclipses lunaires

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