La porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - Numéro 31 - hiver 2016 - Astrogaac
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la porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France Numéro 31 - hiver 2016 31
Éclipse totale de Lune A la une Auteur : François Lefebvre Date : 28/09/2015 Lieu : Chéreng (59) Matériel : Caméra CCD Inova PlaC2 et lunette 66/400 GROUPEMENT D’ASTRONOMES Edito AMATEURS COURRIEROIS Adresse postale GAAC - Simon Lericque La liberté d’association : on l’a ! Aujourd’hui, c’est normal et même 12 lotissement des Flandres banal, mais elle reste une chance. Elle se traduit par un joli paysage 62128 WANCOURT constitué de toutes sortes de structures : sportives, caritatives, de loisirs… Pour parler de la nôtre, le GAAC permet de se retrouver, pour observer, Internet s’écouter, organiser des événements, des rencontres, monter des projets, Site : http://www.astrogaac.fr des expositions - déconner parfois aussi - en partenariat avec des E-mail : simon.lericque@wanadoo.fr collectivités, des établissements scolaires. Que du bien ! Car la culture est une arme de construction massive. Tout cela dynamise et profite à la vie locale, permet à chacun de s’approprier certains lieux publics, de pousser la porte d’une médiathèque, d’une ferme pédagogique… Derrière la façade associative se cache un certain nombre de membres passionnés par l’astronomie et - s’ils ne le savent pas eux-mêmes, je les Les auteurs de ce numéro en informe ici - par l’altruisme. Ils nous donnent de leur temps, cette André Amossé - Membre du GAAC partie de leur vie qui ne reviendra jamais. Les tragédies de 2015 ont E-mail : aamosse@nordnet.fr amené à des réflexions positives sur le vivre-ensemble et ses vertus. Site : http://astroequatoriales.free.fr/ D’une façon plus décliniste, on a aussi dit que notre conscience de vivre en collectivité ne se manifestait qu’après une catastrophe, puis Simon Lericque - Membre du GAAC s’atténuait voire re-sombrait dans l’individualisme mais c’est oublier E-mail : simon.lericque@wanadoo.fr tous ces acteurs qui animent la vie associative, en héros ordinaires. Pour Site : http://simonlericque.wix.com/horloges-astro eux, le vivre-ensemble n’est pas qu’une thématique de débats post- drames mais une réalité quotidienne vécue pleinement, c’est-à-dire avec Damien Devigne - Membre du GAAC ses hauts et ses bas. Eux-aussi nous fédèrent, à travers le prisme d’un E-mail : damien.devigne@gmail.com loisir, d’un sport, d’une cause... Sommaire Site : http://www.astro59.org L’équipe de conception 5.....Vladimir Kourganoff, directeur de l’observatoire de Lille Simon Lericque : rédac’ chef tyrannique par André Amossé Arnaud Agache : relecture et diffusion Catherine Ulicska : relecture et bonnes idées 11............................................Pâles lueurs du Système solaire Fabienne Clauss : relecture et bonnes idées par Simon Lericque Émeline Taubert : relecture et bonnes idées Olivier Moreau : conseiller scientifique 15........................................L’horloge astronomique de Reims par Simon Lericque 23���������������������������������������������La mission Astroqueyras 2015 par Damien Devigne Edition numérique sous Licence Creative Commons 39�������������������������������������������������������������� Souvenirs d’éclipse par Simon Lericque 47����������������������������������������������������������������������������� La galerie
• • • • LA VIE DU GAAC C’était en automne Animation au lycée Jules Ferry d’Arras Observation de l’éclipse totale de Lune du 28 septembre Fête de la Science Inauguration de la lunette de Thury-sous-Clermont Conférence de Michel Pruvost à Wasquehal Conférence de Carine Souplet à Mont Bernenchon Réunion publique sur l’éclairage nocturne à Quesnoy-sur-Deûle Conférence de Bernard Maitte à Villeneuve d’Ascq L’exoconférence d’Alexandre Astier à Lille Sortie au Palais de la Découverte Ce sera cet hiver La 22ème ! Une nuit à Thury Conférence La 22ème Nuit Noire du Pas-de- Cet hiver, quelques heureux élus Le 25 mars à 21 heures, Michel Calais, la première de 2016, aura auront peut-être la chance de Pruvost donnera une conférence lieu le samedi 9 janvier. Rendez- passer une nuit sous la coupole intitulée ‘‘Qu’est-ce qu’une vous au lycée de Radinghem pour de l’observatoire de Thury dans étoile ?’’ à la maison de la nature ce qui sera peut-être la première l’Oise et d’observer avec la belle Géotopia de Mont Bernenchon. observation de l’année. lunette historique de 160. Venez nombreux ! Retrouvez l’agenda complet de l’association sur http://www.astrogaac.fr/agenda.html
• • • • LA VIE DU GAAC Les instantanés Prêt pour l’éclipse de Lune Vitry-en-Artois (62) 28/09/2015 Sous perfusion ! Saint-Véran (05) - 03/05/2015 Apéro sous les étoiles ! Paris (75) - 21/11/2015 Concert improvisé... Pas étonnant que le ciel soit couvert depuis des mois. Saint-Véran (05) - 05/09/2015 Le GAAC en infrarouge... Paris (75) - 21/11/2015 Mauvaise météo, Michel en appelle aux cieux... Ou presque. Saint-Véran (05) - 03/09/2015 Retrouvez la vie ‘‘officieuse’’ de l’association sur la page Facebook : https://www.facebook.com/GAAC62 La Porte des Etoiles n°31
• • • • HISTOIRE Vladimir Kourganoff Directeur de l’observatoire de Lille de 1952 à 1961 Par André Amossé Sa jeunesse Vladimir Kourganoff est né à Moscou le 3 mars 1912. Alexandre, son père, était un grand ténor d’opéra connu à l’époque, aussi bien en Russie qu’à l’étranger. Sophie, sa mère, était pianiste, professeur de chant et imprésario de son mari. Les activités artistiques du couple Kourganoff les amènent fréquemment en tournée à l’étranger. En 1924, ils partent pour deux ans en Italie, puis en France. Pendant ce temps, Vladimir reste en pension à Tomilino, petite ville proche de Moscou, placé chez un professeur qui hébergeait quelques adolescents et s’occupait de leurs études secondaires. Cette période est jalonnée par de nombreuses lectures, où se succèdent des livres classiques, des poèmes, mais aussi les ouvrages d’anticipation de Jules Verne et d’H.G. Wells qui éveillent son intérêt pour la science. Depuis la Révolution Russe de 1917, sa mère nourrissait le projet de faire ‘‘sortir’’ son fils et son mari de Russie, dans l’attente de jours meilleurs. Malgré de nombreuses difficultés liées aux troubles politiques de son pays, Vladimir Kourganoff rejoint ses parents à Paris en octobre 1926, après un voyage en train Moscou-Berlin- Paris en solitaire. Vers l’astronomie et la mécanique céleste À son arrivée à Paris, il ne parle pas encore un mot de français. Vladimir Kourganoff (1912-2006) Il poursuit cependant de brillantes études en classe ‘‘Sciences- Langues’’ au lycée Saint-Louis. Il entre à la Sorbonne en 1930 où il suit un double cursus : une licence de sciences et une autre de lettres. À cette époque, son père poursuit sa carrière seul aux États-Unis. Sa mère reste avec lui à Paris. Malheureusement, elle décède soudainement en 1932. Alexandre Kourganoff rentre alors en France pour retourner ensuite à Moscou alors que Vladimir décide d’adopter la nationalité française et de rester à Paris. Il poursuit ses études et donne des cours particuliers pour gagner sa vie. Il se tourne définitivement vers les sciences et en 1933, il obtient son examen de physique générale après avoir suivi, entre autres, les cours d’Yves Rocard (1903-1992, père du futur ministre) et d’Alfred Kastler (1902-1984, prix Nobel de physique en 1966). Il passe aussi son certificat d’astronomie approfondie afin de pouvoir se présenter à l’agrégation de mathématiques. Il suit alors les cours d’Ernest Esclangon (1876-1954), directeur de l’Observatoire de Paris. Ces cours s’avèrent être ‘‘d’une remarquable qualité pédagogique’’. Il sort premier de ce certificat avec la mention ‘‘très bien’’. Cela lui vaudra son intérêt pour l’astronomie et surtout un soutien efficace d’Esclangon par la suite. Le 15 octobre 1935, il épouse Ruth Moj, une jeune Norvégienne qui deviendra plus tard professeure de russe. Elle lui donnera deux enfants. En 1936, avec le soutien d’Ernest Esclangon, il obtient un poste au La Porte des Etoiles n°31
• • • • HISTOIRE service méridien de l’Observatoire de Paris et prépare sa thèse en mécanique céleste avec Jean Chazy (1882- 1955), spécialiste de mécanique céleste et professeur de mathématiques à la faculté des sciences de Lille de 1911 à 1933 et, à partir de 1925, enseignant à la faculté des sciences de Paris où il obtient le titre de professeur en 1934. Ses années de thèse En 1938, durant sa thèse, il effectue son service militaire à Paris, au service géographique de l’armée. En septembre 1939, il est mobilisé, toujours à Paris, au Central du réseau téléphonique de la DCA. Il n’y reste pas longtemps car Ernest Esclangon a modernisé les appareils de repérage des canons par le son développés par Paul Langevin (1872-1946) durant la première guerre mondiale. Ces nouveaux appareils sont testés au service technique de l’artillerie navale de Lorient. Vladimir Kourganoff participe à ces tests en avril et mai 1940. Après l’armistice, il est démobilisé. Il soutient sa thèse en juillet 1941 et obtient la mention ‘‘très honorable’’. Le sujet de son travail porte sur l’implication des calculs de Percival Lowell (1855-1916) dans la découverte de Pluton. À cette époque, avec le degré de précision limité des mesures de position d’Uranus et de Neptune, on croyait qu’il existait une différence systématique entre la trajectoire calculée et la trajectoire mesurée de ces planètes. Une interprétation possible de cette différence était d’imaginer la présence d’une autre planète au-delà de Neptune dont l’influence sur les deux planètes géantes n’était pas prise en compte. En 1915, Lowell procède à des calculs pour déterminer la position de ce corps céleste perturbateur. En 1930, Clyde Tombaugh découvre Pluton non loin de la zone calculée par Lowell. Est-ce un pur hasard ou est-ce que les calculs de Percival Lowell étaient exacts ? Vladimir Kourganoff conclut que cette découverte n’est pas seulement due au hasard et que le travail théorique de Lowell a joué un rôle sans pour autant être déterminant. En étudiant cette question, les calculs de mécanique céleste de Vladimir Kourganoff conduisent à attribuer une masse très importante à Pluton (de l’ordre de la masse de la Terre) ce qui est en désaccord avec l’éclat observé. Vladimir Kourganoff émet alors l’hypothèse que la surface de Pluton est constituée de glace peu diffusante. En 1978, la découverte de Charon, le plus important satellite de Pluton, permet de déterminer très précisément la masse de Pluton, soit moins de deux millièmes de celle de la Terre. Ceci exclut que Pluton ait pu perturber les orbites d’Uranus et de Neptune. Finalement la découverte de Pluton était purement fortuite. De plus, la précision actuelle des mesures montre que les deux planètes géantes suivent finalement la trajectoire prévue sans qu’il soit nécessaire d’évoquer la présence d’une planète transneptunienne importante. Depuis 2006, Pluton n’est plus considéré comme une planète mais comme un gros corps céleste appartenant à la ceinture d’astéroïdes d’Edgeworth-Kuiper. Vladimir Kourganoff lors de l’inauguration du chantier du radiotélescope de Jodrell Bank en 1953 La Porte des Etoiles n°31
• • • • HISTOIRE De l’astronomie à l’astrophysique En 1942, sur la demande d’Alfred Kastler, Vladimir Kourganoff donne des cours d’initiation à la mécanique quantique à l’École Normale Supérieure. Lors de la libération de Paris, il s’engage dans la section française de la ‘‘Bombing Analysis Unit’’, groupe de scientifiques, tout juste constitué et présidé par le physicien Pierre Auger (1899-1993). Ce groupe avait pour mission d’évaluer scientifiquement les résultats des tactiques de bombardement de l’aviation alliée. Peu avant, en 1943, il rencontre Daniel Chalonge (1895-1977), l’un des fondateurs de l’Institut d’Astrophysique de Paris. Cette rencontre le convainc d’abandonner la mécanique céleste pour l’astrophysique et en particulier la physique du transfert de rayonnement dans les atmosphères stellaires. En 1946, il publie avec Daniel Chalonge un article important sur ce sujet : ‘‘Recherches sur le spectre continu du Soleil – l’ion négatif hydrogène dans l’atmosphère solaire’’. Ils y développent le premier modèle de la photosphère solaire qui rend compte de certaines particularités jusque là inexpliquées. Cette même année, il part poursuivre ses recherches en Norvège pendant deux ans à l’Université d’Oslo (où il donne aussi des cours), invité par l’astrophysicien Swein Rosseland (1897-1985). Lors d’un passage à Copenhague, il rencontre Niels Bohr et essaie de discuter avec lui en anglais ‘‘...mais à cause de son accent danois très marqué, ou peut-être à cause d’une insuffisance de mes connaissances en physique, je n’ai presque rien compris à ce qu’il m’a dit’’. En 1948, il devient maître de conférences au CNRS. Il découvre une nouvelle méthode de résolution de l’équation de transfert du rayonnement, appelée ‘‘méthode variationnelle’’. Ceci donne lieu, quatre ans plus tard, à la parution de ‘‘Basic methods in transfer problems’’, publication majeure sur ce sujet à l’époque. Toujours en 1948, il travaille quelques temps en Suisse en mission à l’observatoire de la Jungfrau à 3457 mètres d’altitude. Il s’initie à l’utilisation d’un nouveau spectrographe inventé par Daniel Chalonge. Cet instrument présente la particularité de compenser l’affaiblissement du rayonnement ultraviolet venant des corps célestes lors de la traversée de l’atmosphère. Tout ceci en vue d’une mission plus importante à l’observatoire Mc Donald au Texas. Le directeur de cet établissement, Otto Struve (1897-1963), a en effet invité Daniel Chalonge à mettre en œuvre ce spectrographe sur le télescope de 2,10 mètres de l’observatoire Mc Donald, alors le troisième plus grand télescope au monde. Cependant, Daniel Chalonge ne peut pas se rendre aux États-Unis et Vladimir Kourganoff est chargé de le remplacer. À la fin de son séjour, il profite d’un peu de vacances pour visiter presque tous les grands observatoires américains et y rencontrer les plus éminents astronomes d’outre- Atlantique, notamment S. Chandrasekhar à l’Université de Chicago. En 1949, il traduit de l’allemand l’ouvrage de référence ‘‘physik der sternatmosphären’’ d’Albrecht Unsöld paru en 1938 et y apporte de nombreux compléments et notes explicatives. Ce travail est largement apprécié par la communauté scientifique. En 1952 paraît ‘‘Basic methods in transfer problems’’ dans les International Series of Monographs on Physics d’Oxford University Press. L’ouvrage est également bien reçu et l’on souligne l’importance de la synthèse sur le sujet et les ponts jetés entre les problèmes purement astrophysiques et ceux relatifs au fonctionnement des réacteurs nucléaires. ‘‘On apprécie la lucidité de l’exposé et le temps pris pour éclaircir entièrement les choses’’ énonce Marcel Minnaert (1893-1970), astrophysicien à l’Université d’Utrecht d’origine belge, célèbre pour son ‘‘Atlas d’Utrecht des raies spectrales du Soleil’’ paru en 1940. Son poste au Laboratoire d’Astronomie de Lille Ces différents commentaires incitent Vladimir Kourganoff à poursuivre ce qui deviendra une vocation : synthétiser et enseigner ‘‘la science en marche’’. C’est dans cet objectif d’enseignement et de diffusion de la science qu’il accepte le poste de maître de conférences en astronomie à l’Université de Lille et de directeur de son Laboratoire d’Astronomie. Cependant, la première mission qui l’attend à son arrivée à Lille est de gérer la remise en état et la modernisation de l’observatoire. En effet, depuis la seconde guerre mondiale, l’observatoire est encore dans un piteux état, faute de moyens. Il faut trouver des crédits importants ce qui prend beaucoup de temps et d’énergie. Cette gestion porte peu à peu ses fruits avec l’aide de Monsieur Rousseau, assistant, puis chef des travaux de La Porte des Etoiles n°31
• • • • HISTOIRE Colloque international sur les “Problèmes fondamentaux de la classification stellaire” tenu à Paris en 1953. Sur cette photo, au premier rang on reconnait Daniel Challonge (3ème en partant de la gauche), l’astronome russe Ambarzoumian (4ème en partant de la gauche) et Evry Schatzman (2ème en partant de la droite). Vladimir Kourganoff est au deuxième rang, (4ème place en partant de la gauche). l’Université de Lille. La lunette est de nouveau fonctionnelle et reçoit un entraînement horaire électrique. La coupole est restaurée. Il fait constituer une grande bibliothèque où sont installés les ouvrages les plus récents en astronomie et astrophysique ainsi que de nombreux périodiques venant de divers pays. Il fait aussi construire un laboratoire photographique et c’est à cette époque que sont installés le tour Grandville et la perceuse à colonne dans l’atelier de mécanique. Ces appareils sont toujours présents à l’observatoire et rendent encore de nombreux services. Cet atelier était initialement situé au sous-sol et c’est Vladimir Kourganoff qui le transfère au rez-de-chaussée. C’est aussi sous sa direction que sont installés un réfectoire et une chambre des observateurs au sous-sol, dans l’actuelle salle des archives. L’activité de la station météorologique ainsi que celle de la station sismologique reprennent enfin. Vladimir Kourganoff souhaite créer à Lille un petit groupe d’astrophysique et former les étudiants à cette discipline. Plus particulièrement, il s’oriente vers la recherche sur la structure de notre Galaxie par l’étude de plaques photo, spectres et autres enregistrements analysés à l’aide de machines à mesurer. Ce travail est réalisé en collaboration avec les observatoires de Marseille, de Paris et de Cleveland (États-Unis). Il espère pouvoir adapter un photomultiplicateur et un photomètre sur la lunette afin d’étudier les amas stellaires et les étoiles variables et former les étudiants à ces nouvelles méthodes d’observation. Au milieu des années 1950, la liste du personnel de l’Observatoire de Lille se compose de : V. Kourganoff – Professeur et Directeur, J. Rousseau – Chef de travaux, il dirige les TP, la construction des appareils, C. Caby, concierge et aide de laboratoire, il s’occupe des relevés météorologiques, des travaux de menuiserie, de mécanique, et de l’entretien des instruments, F. Spite, attaché de recherche au CNRS ; il est chargé de l’étude des spectres, A. Barrier, secrétaire ; rétribuée par l’UAI et le CNRS, elle assure la préparation matérielle des Astronomical News Letters et le suivi administratif de l’observatoire, M. Clément, ajusteur-mécanicien, vacataire ; il assure 2 heures par jour la réalisation des appareils, K.K. Sen, professeur de physique à Cahndernagore (Inde) ; il participe aux recherches durant la période 1956- 1957. La Porte des Etoiles n°31
• • • • HISTOIRE Article de Vladimir Kourganoff au sujet du transit de Mercure publié dans la Voix du Nord du 13 novembre 1953 Vladimir Kourganoff assure les cours du Certificat d’Études Supérieures d’Astronomie et du Certificat d’Astronomie Approfondie. Il prend aussi en charge une part de l’enseignement en M.P.C. Une fois par mois, il anime un séminaire qui réunit les anciens étudiants d’astronomie approfondie et les chercheurs de l’observatoire. Chaque mois, il donne aussi une conférence destinée aux enseignants du secondaire. Il crée ‘‘Les contributions de l’observatoire de Lille’’. Cette publication sera envoyée à de nombreux observatoires et instituts d’astronomie français et étrangers afin de faire connaître l’observatoire de Lille. En retour, ces établissements transmettent leurs propres publications. Cela enrichit la bibliothèque de l’observatoire à peu de frais. L’Union Astronomique Internationale crée en 1944 les Astronomical News Letters pour pallier aux difficultés d’échanges d’informations scientifiques durant la seconde guerre mondiale. Elle est dirigée par Otto Struve. En 1947, l’URSS décide que toutes les publications scientifiques de ses compatriotes seront obligatoirement rédigées en russe. Otto Struve fait alors appel à Vladimir Kourganoff pour traduire en français ou en anglais les articles des astronomes soviétiques. Il devient même le rédacteur en chef des A.N.L. en 1954 et assume cette lourde tâche jusqu’en 1961. Dans cette préoccupation de coopération internationale, Vladimir Kourganoff correspond avec de nombreux grands astronomes étrangers : Otto Struve, bien sûr, mais on peut aussi citer Martin Ryle (1918-1984), l’un des pères de la radioastronomie, Marcel Minnaert (1893-1970), astrophysicien à l’Université d’Utrecht, Albrecht Unsöld (1905-1995), directeur de l’Institut de physique théorique de Kiel (Allemagne), Hendrik van de Hulst (1918-2000), radioastronome néerlandais, Bernard Lovell (1913-2012) directeur de l’observatoire radioastronomique de Jodrell Bank, et bien d’autres encore. Durant cette période lilloise, Vladimir Kourganoff commence la rédaction de deux livres : ‘‘La recherche scientifique,’’ paru en 1958 aux éditions Que sais-je ? et ‘‘Initiation à la théorie de la relativité’’, paru en 1964 aux Presses Universitaires de France. Il rédige aussi de nombreux articles dans la presse locale. Ceci afin de décrire au public les phénomènes célestes remarquables pouvant être observés par tout un chacun, comme le passage de Mercure devant le Soleil en 1953 ou les événements importants, comme le premier homme dans l’espace en 1961. En 1958, il part près d’un an à l’Université de Berkeley. Il y est invité pour donner des cours équivalant au niveau du 3ème cycle universitaire français. Son traitement comme visiting professor est suffisamment élevé pour lui permettre de séjourner avec son épouse. La Porte des Etoiles n°31
• • • • HISTOIRE Vladimir Kourganoff, Jan Oort et Harold Spencer en grande discussion lors d’une conférence à l’observatoire de Leiden sur la coopération internationale en astronomie (juin 1953). 1961-1977, professeur à l’Université de Paris-Sud (Orsay) En 1961, Vladimir Kourganoff est nommé professeur à l’Université de Paris-Sud. Il y enseigne jusqu’à sa retraite en 1977. Durant cette période, il applique de nouvelles méthodes pédagogiques de son invention. Il s’implique énormément dans la synthèse et la didactique des sciences et dans les questions d’enseignement. Il publie de nombreux articles sur ces sujets, ainsi que quelques ouvrages comme : ‘‘La face cachée de l’Université’’, paru en 1972 aux Presses Universitaires de France et ‘‘Quelle école ? Pour un enseignement véritable’’, paru en 1984 aux éditions Scarabée. Il souhaite une réforme de l’enseignement supérieur et plaide pour un métier d’enseignant universitaire tourné uniquement vers l’enseignement, sans la partie recherche, afin que les enseignants du supérieur le deviennent par vocation d’enseigner. Excellent pédagogue, il s’investit beaucoup dans l’enseignement de l’astronomie et c’est suite à ses échanges et ses interventions qu’est créée en 1964 la Commission 46 de l’Union Astronomique Internationale consacrée à l’enseignement de l’astronomie. Vladimir Kourganoff se passionnait aussi pour la littérature et la poésie. Il aimait beaucoup passer de longs moments au piano à improviser des morceaux inspirés de Scriabine ou Rachmaninoff. Le dernier livre qu’il écrit revient sur l’un de ses premiers sujets de recherche ‘‘Les mystères de Pluton’’ paru aux éditions Burillier en 2005. Il y retrace toute l’histoire de la découverte de ce petit corps du Système solaire qui allait déclencher de vifs débats à l’U.A.I. un an plus tard. Références L’auteur souhaite remercier Pierre Chamaraux pour les remarques apportées à cet article suite à sa relecture. - Un itinéraire insolite, autobiographie de Vladimir Kourganoff ed Mémoires d’Europe - 1998 - Hommage à Vladimir Kourganoff – article collectif paru dans le bulletin interne de l’Observatoire de Paris (n°1562 – 2006) - Archives de l’Observatoire de Lille - Les Annales de l’Université de Lille (1952/53 – 1953/54) La Porte des Etoiles n°31 10
• • • • OBSERVATION Pâles lueurs du Système solaire Par Simon Lericque La lumière zodiacale reste un mythe pour nombre d’astronomes amateurs ou simples curieux du ciel. Cette pâle lueur visible aux alentours des équinoxes de printemps et d’automne est souvent signe d’un ciel exceptionnel. Pourtant, elle était autrefois beaucoup plus commune, comme le relatent les témoignages du passé. Partons à la découverte de cette discrète lumière – et d’autres phénomènes qui lui sont liés – venue des lointains horizons de notre Système solaire. Un peu d’histoire Nous n’avons que peu de traces pour en attester, mais il y a fort à parier qu’un phénomène d’ordinaire si lumineux soit connu depuis la nuit des temps, en des époques où la pollution lumineuse n’existait pas encore pour nous cacher les étoiles. Les Égyptiens auraient repéré ce phénomène mais l’un des plus anciens témoignages qui sont parvenus jusqu’à nous est celui d’Aristote (384-322 av. J.-C.). Le philosophe grec pensait que la lumière zodiacale était la queue d’une comète dont la partie la plus brillante était cachée Représentation de la lumière zodiacale sur une gravure ancienne sous l’horizon. Le poète perse Omar Khayyam (1048-1131) considérait la lumière zodiacale comme une ‘‘fausse aurore’’, une dénomination d’ailleurs reprise quelques siècles plus tard, ou comme ‘‘la main gauche de l’aube’’. D’illustres astronomes à travers l’histoire ont pu contempler la lumière zodiacale et s’y sont intéressés : Johannes Kepler (1571-1630) ou Jean-Dominique Cassini (1623-1712) en font partie. Kepler pensait qu’il s’agissait d’un prolongement de la couronne du Soleil mais plusieurs astronomes démontrèrent rapidement l’incohérence de cette idée. C’est Cassini qui ouvrit la voie d’une approche scientifique avec la première description approfondie du phénomène lumineux. C’est aussi lui qui a utilisé pour la première fois le nom de ‘‘lumière zodiacale’’. Il pensait à raison qu’il s’agissait d’un phénomène de réflexion de la lumière du Soleil. Il croyait en revanche que cette réflexion intervenait sur de petites planètes gravitant autour de notre étoile, avant même la découverte des premiers astéroïdes ; il ne soupçonnait pas l’existence de poussières interplanétaires d’une taille microscopique. L’explication actuelle de la lumière zodiacale est un héritage de la pensée de John Herschel (1792-1871) qui au XIXème siècle déclara : ‘‘On peut conjecturer que cette lumière n’est autre chose que la partie la plus condensée du milieu qui, ainsi que nous avons des motifs de le croire, résiste aux mouvements des comètes. Peut-être contient-elle les molécules dont les queues de plusieurs Le visage radieux de J. Herschel millions de ces astres ont été dépouillées lors de leurs passages successifs au La Porte des Etoiles n°31 11
• • • • OBSERVATION périhélie, molécules qui doivent à la longue se précipiter sur le Soleil ?’’ Dans les années 1920, des études plus poussées montrèrent la nature extrêmement diluée de ce nuage de poussières. On comprit aussi que le spectre de la lumière zodiacale est quasiment identique à celui du spectre solaire, ce qui confirma que le Soleil est la source lumineuse à l’origine du phénomène. On découvrit également après la seconde guerre mondiale que l’interaction de la lumière solaire avec ces poussières est la source d’un rayonnement infrarouge continu mais imperceptible à nos yeux, ce qui tendait à prouver que le nuage zodiacal est constamment alimenté de matériau interplanétaire. Mais avec le développement de l’électricité et surtout de l’éclairage public des milieux urbains au début des années 1950, la lumière zodiacale a ensuite progressivement disparu du ciel. Aujourd’hui, si l’on veut l’observer en France métropolitaine, il faut s’éloigner des lueurs des villes et privilégier les zones épargnées par la pollution lumineuse (centre de la Bretagne, Cévennes, hautes montagnes, Morvan, etc.). La lumière zodiacale photographiée depuis l’observatoire de Saint-Véran Ce qu’on en sait aujourd’hui Comme John Herschel l’avait pressenti, la lumière zodiacale trouve bien son origine dans un phénomène optique, la réflexion et la diffusion de la lumière du Soleil par des particules interplanétaires situées dans le plan du Système solaire. Celles-ci seraient essentiellement des éléments éjectés de la fragmentation et de la chevelure de comètes du Système solaire interne (du Soleil jusqu’à l’orbite de Jupiter). Des astéroïdes, des débris datant de l’origine de notre système planétaire ainsi que les comètes plus lointaines – typiquement en provenance du nuage d’Oort – participeraient également au phénomène mais dans une moindre mesure. Ces poussières interplanétaires sont localisées dans le plan de l’orbite des planètes et grosso modo, englobent notre étoile et les quatre premières planètes comme une lentille. Depuis la Terre, la lumière zodiacale est donc visible comme les planètes dans les constellations du zodiaque, le long de l’écliptique (défini par le plan de l’orbite terrestre autour du Soleil). Ces particules sont très petites, de l’ordre de quelques centaines de microns (1 micron = 0,001 millimètre) et très éparses puisqu’on estime leur nombre à une dizaine par kilomètre cube. Malgré ce ‘‘vide’’, l’accumulation de ces infimes éléments sur de grands volumes suffit à produire le phénomène lumineux et à le rendre parfois impressionnant. La Porte des Etoiles n°31 12
• • • • OBSERVATION Pour l’observer La trajectoire apparente du Soleil au fil de l’année, qu’on appelle l’écliptique, traverse les constellations du zodiaque (et celle d’Ophiuchus). C’est l’inclinaison de cet écliptique selon les saisons qui va engendrer des périodes de visibilité propices... et d’autres non ! La lumière zodiacale se matérialise par un triangle lumineux blanchâtre dont la base est posée sur l’horizon, sans véritable contour ni structure contrairement à la Voie lactée. Ce triangle peut atteindre plus de 10° de large à sa base et s’élever jusqu’à 60° de hauteur. Lors de nuits bien noires, la lumière zodiacale peut paraître plus lumineuse encore que la Voie lactée, mais elle est tellement ténue que la moindre source lumineuse peut la faire disparaître partiellement ou totalement. Pour tenter de la voir, il faut donc une nuit sans Lune. L’éclat de la planète Vénus – le troisième astre le plus brillant du ciel après le Soleil et notre satellite naturel – est parfois préjudiciable à son observation lorsque les conditions atmosphériques ne sont pas idéales. Bien évidemment, il faut aussi bénéficier d’un site préservé de toute source de pollution lumineuse, ce qui est hélas de plus en plus difficile à trouver en Europe continentale. Outre ces conditions indispensables, il faut aussi tenir compte des périodes Les lumières exo-zodiacales de visibilité de la lumière zodiacale. Il y en a deux aux latitudes moyennes de Dans leur recherche continue d’exoplanètes, les l’hémisphère Nord, lorsque l’écliptique scientifiques ont récemment mis au jour des disques de est suffisamment redressé par rapport à poussières autour d’autres étoiles que le Soleil. Ces halos l’horizon. Aux alentours de l’équinoxe poussiéreux sont parfois considérés – à tort ou à raison de printemps, l’arche zodiacale se – comme provoquant les lumières ‘‘exo-zodiacales’’. développera dans le ciel du soir à l’Ouest Comme pour le Système solaire, ces lueurs extrasolaires et pourra même être perçue dans un ciel sont dues à la réflexion de la lumière de l’étoile (ou crépusculaire.Aux alentours de l’équinoxe des étoiles) mais seraient plutôt la trace d’un disque de d’automne, elle sera en revanche à poussières microscopiques, dont la forme indiquerait la repérer à l’aube, le matin, avant le lever présence ou l’absence de planètes dans le système étudié. du Soleil vers l’Est. La lumière zodiacale pourra ainsi être perçue grosso modo de février à avril durant les périodes allant du dernier quartier à la nouvelle Lune, et d’août à octobre entre la nouvelle Lune et le premier quartier. Sous les latitudes voisines de l’équateur, l’écliptique étant toujours quasiment perpendiculaire à l’horizon, la lumière zodiacale reste visible chaque soir et chaque matin, à la seule condition que la Lune ne soit pas là pour gâcher le spectacle. Vue d’artiste d’un disque de poussières autour d’une étoile Le gegenschein et la bande zodiacale Le gegenschein (mot allemand signifiant ‘‘lueur opposée’’) est un autre phénomène associé à la lumière zodiacale. Il se forme sur le même principe – à savoir par la réflexion de la lumière solaire sur des poussières interplanétaires – mais se matérialise quant à lui à l’opposé du Soleil, d’où son nom. Il se localise dans la constellation des Poissons en automne et dans la Vierge au printemps, sur une bande de 10° à 15° de longueur longeant l’écliptique. Il est encore plus délicat à détecter visuellement et demande un ciel d’une qualité exceptionnelle. Toutefois, il est aussi possible de le révéler grâce à la Friedrich Wilhelm Heinrich photographie. Alexander von Humboldt La Porte des Etoiles n°31 13
• • • • OBSERVATION Les premières observations et descriptions du gegenschein ne remontent qu’au XVIIIème siècle. Elles proviennent de l’astronome et mathématicien français Esprit Pezenas (1692-1776) et de l’explorateur allemand Alexandre de Humboldt (1769-1859). C’est d’ailleurs ce dernier qui, lors d’un épique périple en Amérique du Sud, emploie pour la première fois le terme de gegenschein. Les premières observations et recherches approfondies sur le phénomène lumineux sont celles d’un astronome danois, Theodor Brorsen (1819-1895), qui en 1854 fait le lien entre la lumière zodiacale et le gegenschein en avançant que leur processus de formation est identique. Il est aussi le premier à affirmer qu’un pont de lumière existe entre le gegenschein et la lumière zodiacale, ce que l’on appelle parfois la bande zodiacale. En effet, lorsque les conditions atmosphériques sont parfaites et la noirceur du ciel intense, on peut se rendre compte que la lumière zodiacale se poursuit le long de l’écliptique sur une bande large de 5° à 10°, jusqu’à atteindre le gegenschein dans la zone anti-solaire. Cette bande zodiacale ‘‘lumineuse’’ est encore plus délicate à observer que le gegenschein et bien souvent, aujourd’hui, seule la photographie est capable de la faire apparaître dans nos contrées. À vous de jouer ! Vous l’aurez compris, le défi n’est pas aisé à relever ! Visuellement, il faut disposer d’un bon (voire très bon) ciel et ne pas se tromper de saison et d’horizon pour percevoir la lumière zodiacale. Pour le gegenschein, il faudra encore plus de patience et de persévérance : laisser son œil s’acclimater à l’obscurité durant de longues minutes et parfois attendre plusieurs nuits pour que les conditions de transparence soient excellentes. Un site en altitude facilitera grandement l’observation. Les photographes quant à eux pourront à loisir mettre en scène la lumière zodiacale dans le cadre de compositions nocturnes ou crépusculaires mais devront tout de même s’éloigner des zones fortement polluées par les lumières artificielles. Les objectifs de courte focale (24 mm et moins) et à grande ouverture (inférieure à 4) sont à privilégier. En fonction des possibilités de l’équipement, n’hésitez pas à pousser la sensibilité (1600 ISO et plus) pour limiter le temps de pose et éviter un bougé trop visible des étoiles, si l’appareil photo est sur trépied fixe. Il est également possible de prendre plusieurs images et de les additionner si vous disposez d’un suivi, mais alors, le paysage sera flou. La bande zodiacale et le Gegenshein au centre. Photographie de Miloslav Druckmüller et Shadia Habbal depuis Hawaï La Porte des Etoiles n°31 14
• • • • PATRIMOINE L’horloge astronomique de Jean Legros Par Simon Lericque Vue générale de l’horloge astronomique de Jean Legros exposée au planétarium de Reims Qui était Jean Legros ? Jean Legros (1903-1978) était un touche à tout. Pharmacien de formation, il était également pianiste et compositeur doté d’un certain talent. Un prix ‘‘Jean Legros’’ a d’ailleurs été créé après sa mort pour encourager de jeunes pianistes méritants du conservatoire de Reims. Le musicien, n’ayant pas de descendance, a en effet fait don de sa fortune au conservatoire. Mais Jean Legros était avant tout un brillant scientifique fort intéressé par la mécanique, domaine qui a d’ailleurs animé sa passion pour le jeu Meccano qui s’est développé au début du XXème siècle. L’astronomie était aussi l’une de ses passions depuis ses jeunes années. C’est dans ce cadre, que durant plusieurs décennies, il s’est attelé à la réalisation d’une horloge Jean Legros, musicien astronomique à la fois étonnante et spectaculaire. La Porte des Etoiles n°31 15
• • • • PATRIMOINE L’histoire de l’horloge Les pièces de base de l’horloge sont issues du Meccano, mais des éléments particuliers ont du être usinés pour répondre aux besoins de Jean Legros concernant les mouvements plus lents (lunaison, année tropique, révolution des planètes). On estime que plus de 80% des pièces sont celles d’origine du ‘‘jeu’’ Meccano. L’artisan commence par réaliser le calendrier perpétuel entre 1930 et 1931. De la deuxième moitié de 1935 aux premiers mois de 1937, il s’attelle à la réalisation de la partie tournante, notamment la carte du ciel et ses mécanismes. À la fin de cette même année, il ajoute le comput ecclésiastique avec des cadrans dédiés aux dates des fêtes mobiles, au nombre d’or, à la lettre dominicale, au cycle solaire, à l’épacte et à l’indiction romaine. En 1938, Jean Legros prend en compte l’équation du temps et dès 1939, il commence le développement du planétaire. Pendant la seconde guerre mondiale, en 1940 et comme de nombreux Rémois, Jean Legros est contraint de fuir son domicile à l’approche des soldats allemands et laisse derrière lui l’horloge sur laquelle il travaillait depuis déjà neuf années. Pour préserver son œuvre il affiche simplement un petit carton sur lequel étaient rédigé en Français, en Anglais et en Allemand La partie haute de l’horloge, mobile ‘‘qu’il ne fallait pas toucher à cette construction fragile, œuvre de toute une vie’’. Il retrouvera son horloge astronomique absolument intacte à son retour, malgré les intrusions manifestes dans son domicile. En 1941, Jean Legros reprend ses travaux, termine et installe le planétaire. À la fin de l’année 1943, il ajoute les deux tambours permettant de prédire les éclipses solaires et lunaires basés sur le cycle des Saros d’une durée d’environ 18 ans. En 1945 et 1946, il installe le compteur d’années. Enfin, en 1952, il ajoute trois nouvelles indications : l’équation du temps (qui était jusqu’alors prise en compte mais non affichée), l’heure du coucher et l’heure du lever du Soleil. Ces dernières d’ailleurs, n’auront pas le temps d’être véritablement peaufinées et ne resteront que des valeurs approximatives. Après plus de vingt années, Jean Legros aura réalisé une œuvre hors du commun. Il ne voyait pourtant dans son horloge qu’une maquette et avait même imaginé une version beaucoup plus grande qu’il ne pourra, hélas, jamais réaliser. Tous les mouvements et les cadrans de cette horloge étonnante sont actionnés exclusivement par des poids. Entre l’axe de l’heure, qui sert de référence, et la roue de l’année tropique la plus lente de l’horloge, la démultiplication est de 8765,82 fois ! Le mouvement le plus lent est celui de Pluton, qui effectue un tour autour du Soleil sur le planétaire en plus de 248 ans. Après le décès de Jean Legros, l’horloge est arrêtée en 1979. Sa famille fait don de l’œuvre à la ville de Reims afin qu’elle puisse continuer à être vue de tous. Profitant de l’ouverture du planétarium en 1980 - le premier planétarium français en province - dans l’Ancien Collège des Jésuites, l’horloge est installée et peut être observée par tout un chacun comme le souhaitait Jean Legros. Enfin, début 2013, l’horloge astronomique est symboliquement arrêtée pour marquer le déménagement du planétarium dans des locaux flambants neufs. Le déplacement est organisé par Philippe Simonnet, directeur du planétarium et spécialiste de l’horloge. Ce nouveau déménagement ne posera aucun problème particulier. L’horloge sera finalement remise en marche lors de l’inauguration du planétarium en septembre 2013. La Porte des Etoiles n°31 16
• • • • PATRIMOINE La lecture des cadrans L’horloge astronomique compte trois parties distinctes : la partie où l’on trouve les rouages moteurs et les cadrans principaux, la carte du ciel située au-dessus de cette partie principale et un planétaire, situé en retrait. Tous les mécanismes sont liés à la grande aiguille, celle qui indique les minutes et qui fait un tour de son cadran en une heure. Aucune partie de l’horloge n’est indépendante, même si le planétaire avait été conçu pour l’être temporairement. C’est cette aiguille des heures qui est donc la référence pour toutes les autres informations données, de sorte qu’un simple réglage de celle-ci entraîne la mise à jour de l’ensemble des autres rouages. La partie centrale Le cadran de l’heure La partie haute tourne sur elle-même en 24 heures, suivant un axe vertical qui part vers le plafond et la carte du ciel, plus précisément vers le pôle céleste Nord. C’est dans la partie haute que trône le cadran de l’heure. Celle-ci est indiquée avec deux aiguilles, une petite qui fait un tour du cadran en 24 heures et une grande qui indique les minutes et qui effectue un tour en une heure. Juste au-dessus de ce cadran, à droite et à gauche, on trouve deux arcs qui montrent les heures de lever et de coucher du Soleil. C’est sur l’arc de droite qu’il faut lire le lever et sur celui de gauche que l’on peut connaître l’heure du coucher. Toutes les heures sont données en Temps Universel. Entre ces deux arcs, au-dessus du cadran de l’heure, se trouve un autre arc en forme de ‘‘U’’ dédié à la correction à apporter pour obtenir l’heure véritable. L’aiguille de ce cadran montre à la fois la valeur de l’équation du temps au L’arc des levers de Soleil fil de l’année – due à la différence de vitesse de déplacement de la Terre sur son orbite et aux variations de l’inclinaison de son axe de rotation – mais aussi la correction générale calculée pour la ville de Reims en tenant compte de la longitude, différente de celle du méridien de Greenwich qui est considéré comme le méridien 0. Jean Legros a tenu a représenter le cycle des Saros. Ce dernier est symbolisé par deux tambours – un pour les éclipses lunaires, un autre pour les éclipses solaires – qui tournent en 18 ans, 11 jours, 7 heures et 42 minutes. Ces tambours se trouvent à gauche et à droite des arcs des levers et couchers du Soleil. La période de ces tambours est le retour de conditions similaires pour les éclipses. Jean Legros avait connaissance de la nature non absolue de ce cycle des éclipses, qui se décale sur des échelles de temps très Le cadran de l’équation du temps grandes, mais il a considéré qu’il était important de le faire figurer sur son horloge. Sur ces deux tambours, on voit des graduations sur l’extérieur de chaque bandeau. Chaque graduation correspond à une lunaison. Il faut donc 29 jours et demi pour que le tambour se déplace et que le repère passe d’une graduation à une autre. Le trait central horizontal, qui fait le tour de chaque tambour, symbolise l’écliptique et la sinusoïde représente la position de la Lune par rapport à celui-ci, soit au-dessus, soit en dessous. Les traits verticaux complets indiquent qu’une éclipse totale est prévue, les traits verticaux partiels indiquent que l’éclipse sera partielle. On remarque d’ailleurs que les éclipses n’ont lieu que lorsque la sinusoïde croise la ligne horizontale, autrement dit lorsque la Lune se trouve proche de l’écliptique, dans le plan Terre-Soleil. Le tambour des éclipses lunaires La Porte des Etoiles n°31 17
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