Comparé thermique Le moteur - Mediachimie
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Henri Trintignac moteur Le thermique comparé moteur au électrique Enjeux et contraintes Henri Trintignac est président de A&H Conseil, cabinet spécialisé dans le conseil aux dirigeants et aux actionnaires d’équipemen- tiers automobile notamment sur les enjeux liés à la transition énergétique et à la mutation du marché de l’automobile. Il a été auparavant directeur de la stratégie Véhicules Électriques et Hybrides de Valeo ; il a été aussi directeur général des acti- vités Contrôle Moteur Essence et Électronique de Puissance Monde pour successivement SAGEM, JCI puis Valeo ainsi que directeur général de l’activité électronique habitacle Europe de SAGEM et JCI. Ayant une double formation d’ingénieur, Henri Trintignac a exercé différentes fonctions au sein de la direction R&D de Magneti Marelli puis de SAGEM. Henri Trintignac est diplômé de l’ENSPM et de l’ENSAM, il a aussi enseigné à l’ENSPM et à Paris VI. Ce chapitre est organisé bution à l’abaissement des autour de deux thèmes : une émissions de CO2 en automo- comparaison rapide entre la bile1. Nous ne traiterons dans motorisation électrique et la motorisation thermique, puis 1. Par convention, par « émissions dans un deuxième temps, la de CO2 », on entend ici unique- généralisation de l’électrifica- ment émissions « du réservoir à tion des véhicules et sa contri- la roue ».
Chimie et transports ce chapitre que des émissions taires, toutes très techniques. de CO2, dites du réservoir à Plus de la moitié d’entre elles la roue. sont usinées avec des tolé- rances au micron, reçoivent plusieurs traitements ther- 1 Motorisation thermique vs. motorisation électrique miques. On retrouve à l’inté- rieur d’un moteur électrique environ une cinquantaine de pièces. Pour un groupe moto- 1.1. Comparaison entre propulseur thermique, 90 % les moteurs (Tableau 1) de la valeur est sous forme de mécanique et 10 % sous Les puissances spécifiques forme d’électronique. La pro- sont de mêmes ordres de portion est inversée lorsque grandeur entre les moteurs l’on prend un groupe moto- électriques et les moteurs propulseur électrique : on thermiques. Les rendements estime aujourd’hui la part de sont par contre assez diffé- l’électronique à 60 % et celle rents. Un moteur thermique de la mécanique à 40 %. Or évolue entre 0 % (quand le les perspectives de baisse véhicule est à l’arrêt moteur des coûts sont beaucoup plus tournant) et 35 % de ren- importantes et rapides en dement au mieux. Pour le électronique qu’en mécanique. moteur électrique, les ren- Ainsi il y a vingt-cinq ans, les dements sont beaucoup plus premiers PC « de base », coû- élevés, entre 60 et 92 %, voire taient environ 50 000 francs même un peu plus. (7 500 €). Aujourd’hui, le PC Le coût : le potentiel d’évolu- de base (1 000 fois plus puis- tion du coût est favorable au sant), coûte entre 500 et 750 €, moteur électrique. Un mo- soit environ dix fois moins (en teur thermique est constitué monnaie courante). Dans le de 200 à 250 pièces élémen- même temps, la 205 GTI, il y Tableau 1 Thermique vs. électrique, quelques chiffres. Puissance spécifique(kW/kg) 1 à 1,5 2à3 Rendement 0 % à 35 % 60 % à 92 % Nombre de pièces 200 à 250 < 50 Part mécanique/ 90/10 40/60 216 électronique prix
Le moteur thermique comparé au moteur électrique Enjeux et contraintes a 25 ans, valait 60 000 francs à une puissance de charge (9 000 €) et sa remplaçante de presque 20 MW. La puis- d’aujourd’hui, la 208 GTI, vaut sance de charge d’une bat- 25 000 €, soit environ trois fois terie aujourd’hui varie entre plus en monnaie courante. 3 et 6 kW pour une charge normale, et de 80 kW pour une charge rapide. 1.2. Comparaison des Par ailleurs, le coût du conte- performances en matière nant de l’énergie (le réservoir de stockage d’énergie d’essence) est de moins d’une On retrouve, pour le stockage centaine d’euros. Par contre, d’énergie, des ordres de gran- pour une batterie qui donne deur d’écart entre l’électrique une autonomie d’une centaine et le thermique, notamment de kilomètres à un véhicule en ce qui concerne les éner- électrique, à 400 € du kWh gies spécifiques (Tableau 2). (le prix couramment admis Dans un kg d’essence (le die- aujourd’hui), on est plutôt sur sel serait à peu près équi- 8 000 €. valent), on trouve 47 300 kJ. À l’inverse, le coût énergé- Pour une batterie lithium-ion tique sur la vie du véhicule classique, l’énergie spécifique (sur les 100 000 premiers est de l’ordre de 300 à 600 kJ kilomètres) favorise le véhi- par kg. cule électrique. Il est d’envi- Mais c’est la puissance de ron 9 600 € pour le véhicule charge qui différencie le plus thermique et de 1 500 €, en l’électrique et le thermique. France aujourd’hui, pour le Quand on fait le plein d’un véhicule électrique. À noter véhicule à essence, on trans- que la somme des coûts du fère 60 litres en deux minutes contenant et de l’énergie sur soit un demi litre ou 0,4 kg par la vie du véhicule sont très seconde, ce qui correspond proches dans les deux cas. Tableau 2 Thermique vs. électrique : le stockage d’énergie. Énergie spécifique (kJ/kg) 47 300 300 à 600 18 920 3 à 80 Puissance de charge (kW) 0,4 kg/s < 100 8 000 Coût « contenant » (e) 20 kW·h 400 e/kW·h 9 600 1 500 Coût énergie 100 000 km (e) 6 l/100 km 1,6 e/l 150 W·h/km 0,1 e/kW·h 217
Chimie et transports 1.3. Quelles conclusions batterie – un investissement peut-on tirer très coûteux –, mais que le de ces comparaisons ? faible coût du fonctionne- ment (coût de l’énergie) com- Que ce soit en matière de per- pense dans le temps. Certains formances ou en matière de constructeurs proposent de potentiel de coût, le moteur vendre le véhicule électrique électrique est un sérieux sans sa batterie et de louer concurrent au moteur ther- cette dernière, ramenant le mique. Par contre, du fait du profil des décaissements à stockage d’énergie et plus celui prévalant avec le véhi- particulièrement de la charge, cule thermique. Ce nouveau le véhicule électrique à bat- modèle d’affaires présente en terie n’est pas une alterna- plus l’avantage pour le client tive au véhicule thermique. de garantir les performances Ceci tient à l’usage auquel de la batterie pendant toute l’automobile répond ; une la vie du véhicule, et pour le étape de 600 km, suivi d’un constructeur d’entretenir un arrêt de cinq minutes, pour lien suivi avec son client, lien ensuite repartir. Du fait de la qui n’existe pas avec le véhi- contrainte sur la charge, cet cule thermique. usage n’est pas envisageable avec un véhicule électrique à À la lumière des bénéfices que batterie. le constructeur peut tirer du nouveau modèle d’affaires et Il n’en serait pas de même de la part de marché acces- pour les véhicules exclusive- sible (25 % tout de même), ment utilisés pour des dépla- on comprend mieux pourquoi cements courts. On estime plusieurs constructeurs auto- que 25 % des véhicules neufs mobiles développent une offre vendus en France ne par- de véhicules électriques. courent jamais plus de 80 km. Ils sont le deuxième véhicule d’un foyer et disposent d’un emplacement de stationne- ment où la batterie peut être 2 Type de motorisation et émissions de CO2 chargée. Pour cette part du La réduction des émissions marché, le véhicule électrique de CO2 par le transport auto- à batterie est une alternative mobile est devenue un objec- sérieuse au véhicule ther- tif depuis que la réalité de mique. son effet sur le changement La commercialisation des climatique est admise. La véhicules électriques de- Figure 1 illustre les efforts mande le développement qui ont été réalisés dans diffé- d’un nouveau modèle d’af- rentes régions du monde. On faires puisque, si le coût total notera que l’Europe est plutôt d’usage du véhicule électrique vertueuse et volontaire. est comparable avec celui du La Figure 2 montre les émis- véhicule thermique, le profil sions de CO 2 (en grammes des décaissements dans le par kilomètre) de chacun des temps est en revanche très véhicules commercialisés différent. Le véhicule élec- au cours de l’année 2010 en 218 trique est vendu neuf avec sa Europe. Elle met en évidence
Le moteur thermique comparé au moteur électrique Enjeux et contraintes 270 Véhicules utilitaires légers Figure 1 Grammes de CO2 par kilomètre normalisés au NEDC* Véhicules utilitaires légers américains 260 Véhicules utilitaires légers canadiens La baisse des émissions de CO2 250 Union européenne par les voitures dans le monde. Japon * NEDC (New European Driving 210 Chine Cycle) : nouveau cycle européen 190 Corée du Sud de conduite. C’est un cycle de conduite Australie automobile conçu pour imiter de façon 170 États-Unis : 35,5 mpg 2016 reproductible les conditions rencontrées 150 sur les routes européennes. 130 États-Unis Source : http://www.nhtsa.gov/ Points pleins et lignes : performance historique ; 2025 : 107 Points pleins et lignes pointillées : objectifs adoptés ; Chine 2020 : 117 staticfiles/rulemaking/pdf/cafe/ 110 Points pleins et pointillé : objectifs proposés ; Points creux et lignes pointillées : objectifs à l’étude ; Japon 2020 : 105 54,5 mpg 2025 Oct2010_Summary_Report.pdf 60 UE 2020 : 95 2005 2005 2010 2015 2020 2025 *NEDC (New European Driving Cycle) = nouveau cycle européen de conduite. C’est un cycle de conduite automobile conçu pour imiter de façon reproductible les conditions rencontrées sur les routes européennes. Source : www.theicct.org. 500 Figure 2 450 Émissions de CO2 (en gramme 400 par kilomètre) des voitures Émissions de CO2 350 commercialisées en Europe 300 en 2010 en fonction de leur masse. 250 200 150 100 50 CO2 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 Masse une forte dépendance entre de 50 % du rendement. C’est les émissions de CO 2 et la donc un effort considérable masse du véhicule. qui est demandé à l’industrie Sur la Figure 3, on a indiqué automobile en un temps très la moyenne des émissions réduit. obtenue en pondérant les Pour y parvenir, on devra agir émissions de CO2 de chacun sur sept leviers. des véhicules par son volume Le premier levier est la dimi- de vente en 2010 : on obtient nution de la masse des véhi- une valeur de 140,9 g de CO2 cules (Figure 4). Il s’agit aussi par kilomètre parcouru. En de mieux utiliser l’énergie Europe, l’objectif – qui pour- fossile, donc utiliser moins rait se transformer en régle- de carburant pour parcourir mentation contraignante – la même distance. est de 95 g de CO2 à l’horizon Le deuxième levier, c’est 2020, soit une réduction de l ’amélior ation de l ’aéro- 33 % des émissions, c’est-à- dynamique du véhicule, le dire une réduction équiva- troisième la réduction des lente de la consommation de frottements et le quatrième carburant, ce qui correspond l’amélioration du rendement à une amélioration de plus du moteur thermique. Le 219
Chimie et transports Figure 3 500 450 Émissions de CO2 des voitures 400 en Europe : moyenne et objectif. Émissions de CO2 350 Objectif réalisé en 2010 : 140,9 g/km ; objectif 2020 : 300 95 g/km, soit + 51 % de rendement 250 en dix ans. 200 Moyenne 2010 150 100 Cible 2020 50 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 Masse Figure 4 500 450 Réduction des émissions de CO2 400 par réduction de la masse. Émissions de CO2 350 300 250 200 Moyenne 2010 150 100 Cible 2020 50 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 Masse cinquième c’est de n’utiliser sions de CO 2 pendant ces ce dernier que lorsqu’il est usages (Figure 6). nécessaire ; retenons qu’il a Parmi les sept leviers de ré- fallu attendre un siècle pour duction des émissions, quatre mettre en œuvre cette idée d’entre eux font depuis plu- simple, qui est d’arrêter le sieurs dizaines d’années l’ob- moteur thermique dès que le jet d’optimisations constantes véhicule ne roule plus. C’est de la part de l’industrie auto- le système Stop/Start qui a mobile, à savoir : été commercialisé pour la −− réduction de la masse ; première fois en 2003. Le si- xième levier, très prometteur, −− amélioration de l’aérodyna- est de récupérer de l’énergie mique ; cinétique du véhicule pendant −− réduction des frottements ; les phases de freinage pour −− amélioration du rendement la réutiliser ensuite, c’est du moteur thermique. qu’on appelle l’hybridation Trois sont plus nouveaux : (Figure 5). −− utilisation de l’énergie non Enfin, le septième levier fossile ; consiste à utiliser une source d’énergie non fossile pour −− arrêt du moteur thermique certains usages ; cela per- dès que possible ; 220 mettrait d’annuler les émis- −− récupération d’énergie.
Le moteur thermique comparé au moteur électrique Enjeux et contraintes 500 Figure 5 450 Réduction des émissions de CO2 400 par une meilleure utilisation Émissions de CO2 350 de l’énergie (amélioration 300 de l’aérodynamique, réduction 250 des frottements, amélioration du 200 rendement du moteur thermique, Moyenne 2010 150 arrêt du moteur thermique dès que 100 possible, récupération d’énergie). Cible 2020 50 L’accroissement du rendement 0 correspond à une diminution 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 de la pente de la droite moyenne. Masse 500 Figure 6 450 Réduction des émissions de 400 CO2 par l’utilisation d’énergie Émissions de CO2 350 non fossile. 300 250 200 Moyenne 2010 150 100 Cible 2020 50 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 Masse Le recours à un ou plusieurs véhicules électrifiés en six moteurs électriques dans la grandes familles ainsi qu’in- chaîne cinématique du véhi- diqué sur la Figure 7. Les cule (c’est qu’on appellera véhicules appartenant à une l’électrification du véhicule même famille sont très diffé- dans la suite de ce chapitre) rents, ils n’ont pas la même permet d’actionner ces trois architecture, n’utilisent pas leviers. Seule l’électrification les mêmes types de moteur, permet d’actionner les trois de tension d’alimentation, de leviers à la fois. technologie de batterie, de capacité de stockage d’éner- gie, etc. Nous sommes encore 3 Mise en œuvre de l’électrification loin d’un consensus technique par famille. L’électrification n’est pas un On notera que plus on va vers rêve mais c’est déjà une réalité la droite de la Figure 8, plus puisqu’on trouve des véhicules le niveau d’électrification est électrifiés disponibles sur le impor tant. Retenons deux marché. On notera même règles simples : que ces véhicules mettent en 1 - plus on va vers la droite de œuvre une grande diversité la figure, plus la part d’éner- de solutions. Un consensus gie électrique est grande ; existe pour regrouper les pour les trois familles de la 221
Chimie et transports Figure 7 L’électrification : les six grandes familles. Figure 8 Les caractéristiques des six familles. Figure 9 Diminution des émissions de CO2 pour chacune des six familles. gauche de la figure, la seule traction est assurée exclusi- source d’énergie est le car- vement par le moteur ther- burant fossile, alors que pour mique, le moteur électrique, celle la plus à droite, elle est souvent un simple démarreur, seulement électrique ; pour ne servant qu’à démarrer le les deux familles intermé- moteur thermique. diaires, le véhicule fonctionne On peut associer à chacune en électrique en usage urbain des six familles de véhicules et redevient thermique hors un potentiel de gain de ré- des villes ; duction des émissions de CO2 2 - plus on va vers la droite de comparé à celles d’un véhicule la figure, plus la puissance du thermique de performances moteur électrique augmente, équivalentes. Les valeurs plus il participe à la traction et données dans la Figure 9 plus fréquemment le moteur correspondent aux valeurs thermique est arrêté. On ne généralement admises dans retrouve pas de moteur ther- l’industrie automobile. Ce mique dans les véhicules de la potentiel de gain va de 5 % famille la plus à droite, alors à 10 % pour le Stop/Start que pour les véhicules de la jusqu’à 100 % pour le véhicule 222 famille la plus à gauche, la électrique à batterie.
Le moteur thermique comparé au moteur électrique Enjeux et contraintes La réduction des émissions de CO 2 est une préoccupa- tion constante de l’industrie automobile depuis déjà de nombreuses années qui se poursuivra encore. Illustrons cela avec deux exemples pris sur les deux extrémités du marché automobile. Sur le segment B, celui des véhicules urbains, la Peugeot 208 (Figure 10) succède à la Peugeot 207 qui, avec le même niveau de performances et déjà « downsizé » et électrifié, Figure 10 d’habitabilité, émet 99 g de ainsi le moteur V8 de 5 litres du modèle précédent a été Évolution de la Peugeot 207. CO2 par km, à comparer aux 145 g/km de la 207 équiva- remplacé par un moteur six lente. Ce gain est principale- cylindres de trois litres sur ment lié à deux facteurs : alimenté assisté par un mo- teur électrique ; le véhicule −− la baisse de la masse, la 208 appartient maintenant à la est 110 kilos plus légère que la famille « full hybrid » avec à 207 (soit près de 10 %) ; la clé un gain d’environ 40 % −− l’adoption d’un nouveau en émission de CO2. moteur à trois cylindres à Il est fort à parier qu’afin la place du moteur quatre d’atteindre l’objectif 2020, les cylindres dont le rendement a émissions de CO2 du véhicule été amélioré. remplaçant devront être infé- Le futur véhicule d’entrée de rieures à 100 g/km. Le re- gamme qui remplacera peut- cours à un moteur électrique être la 208 à l’horizon 2020 de- plus puissant et l’usage de vra émettre beaucoup moins l’énergie électrique en ville que les 95 g/km de l’objectif permettront de faire passer 2020 – certainement moins les émissions de CO 2 de ce de 75 g/km. Comment obtenir véhicule sous la barre des un gain supplémentaire d’au 100 g/km ; il appartiendrait moins 20 g/km ? Une solu- alors à la famille des « Plug tion possible est de combiner Figure 11 in Hybrid », il présenterait en l’adoption d’une hybridation plus l’avantage d’émissions Évolution de la BMW 550i. du type « Mild Hybrid » (voir la Figure 8), associée à la pour- suite des efforts sur l’allé- gement, l’amélioration des rendements et la réduction des frottements. L’évolution des véhicules haut de gamme, du segment E (Figure 11), suit le même che- min de réduction, comme le montre l’exemple du haut de gamme de la série 5 de BMW. Le véhicule actuel est 223
Chimie et transports nulles en villes, ce qui le ren- mettre en jeu la sécurité des drait « acceptable » d’un point utilisateurs et sans altérer la de vue sociétal. qualité. On a récemment vu Bien entendu, ces deux que l’introduction de batte- exemples ne sont là qu’à rie lithium-ion dans le Boeing titre purement indicatif et « Dreamliner » ne s’était ne reflètent en rien ce que pas faite sans problème. On les constructeurs préparent comprendra dans ce contexte pour leurs futurs modèles. qu’il est important de figer au Néanmoins, ils permettent plus tôt le maximum de pa- d’appréhender le fait qu’abais- ramètres entrant en compte ser les émissions moyennes dans l’équation économique et de CO2 des véhicules vendus d’aider l’industrie automobile en 2020 à 95 g/km est techni- dans son effort de recherche, quement possible. Toutefois, de développement et d’indus- l’atteinte de cet objectif reste trialisation. économiquement probléma- tique. En effet, le recours à Jusqu’où pourra-t-on baisser des moteurs électriques les émissions de CO2 ? plus puissants, à des batte- ries contenant plus d’énergie Au-delà de 2020, il sera né- coûte beaucoup plus cher. À cessaire de poursuivre l’effort quoi cela servirait-il de conce- afin de diminuer les émis- voir des véhicules préservant sions, mais à quel rythme ? mieux l’environnement en On parle d’un nouvel objectif émettant moins de CO2 mais à 60 g/km, mais à quel ho- invendables du fait d’un coût rizon ? 2020 ? 2030 ? Cette de revient trop élevé ? (voir baisse est-elle sans limite ? l’Encart : « L’équation écono- Est-il envisageable de faire mique et l’avenir de l’électri- tendre les émissions de CO2 fication »). de l’automobile vers zéro ? L’industrie automobile ne Nous allons tenter d’apporter dispose que de deux à trois des réponses. ans pour arriver à définir les Faisons l’hypothèse que l’ob- architectures, et que d’environ jectif de 95 g/km d’émission quatre à cinq ans pour dévelop- de CO2 est atteint en 2020 avec per des composants optimisés un mix entre les familles de qui lui permettront d’atteindre véhicules tel que défini dans l’objectif d’émission de CO 2 la Figure 12, pourcentage de de 2020 en respectant l’équa- gauche dans la case verte, soit tion économique. Elle mettra à par exemple 30 % des véhi- profit cette période pour sim- cules en 2020 font partie de la plifier les architectures, faire famille « Stop & Start ». Ce mix un juste dimensionnement correspond à un consensus de des composants, développer l’industrie. la technologie de ces compo- Faisons maintenant l’hypo- sants – soit déployer beaucoup thèse, toute théorique, d’évolu- d’efforts de recherche et de tion de ce mix vers les chiffres développement. que l’on trouve à droite des Elle devra à marche forcée cases vertes de la Figure 12. introduire de nouvelles tech- Soit la part des véhicules de 224 nologies en grande série sans la famille « Stop & Start »
Le moteur thermique comparé au moteur électrique Enjeux et contraintes L’équation économique et l’avenir de l’électrification Réduire les émissions de CO2 coûte cher. On rapporte ce surcoût au gramme de CO2 dont on a évité l’émission (en euros par gramme de CO2). Toutes les solutions techniques sont éva- luées puis comparées les unes par rapport aux autres. À ce jour, aucun consensus technique ne s’est dégagé mettant en évidence une ou plusieurs solutions meilleures que les autres. L’équation économique, c’est la comparaison entre ce coût et le prix supplémentaire que l’acheteur est prêt à payer – le seuil acceptable. Ce seuil dépend du constructeur, du seg- ment du véhicule. Il est clair qu’on n’accepte pas le même surcoût pour l’achat d’un véhicule à 75 000 € ou d’un véhicule à 7 500 €. Rentrent en ligne de compte dans cette équation des facteurs externes tels que le prix du carburant fossile, difficilement prévisible à horizon 2020, ou le montant d’éventuelles incitations, fortement variable de pays à pays et dans le temps. On conviendra que, dans ce contexte, la tâche n’est pas aisée pour les constructeurs auto- mobiles qui doivent figer les architectures qui seront retenues pour les véhicules vendus en 2020 d’ici deux à trois ans. D’autres facteurs, sociétaux par exemple, peuvent rendre l’électrification incontournable, par exemple un jour il pourrait devenir inacceptable de rouler en ville avec un gros 4×4 de luxe autrement qu’en électrique. Une équation économique résolue est une condition nécessaire pour que la solution s’impose mais elle n’est pas suffisante. En effet, prenons l’exemple du véhicule électrique. Nous avons vu plus haut que le coût de la batterie du véhicule électrique auquel on ajoute le coût de l’énergie sur la vie du véhicule se compare favorablement à celui du coût de l’énergie sur la vie du véhicule thermique. Si on fait l’hypothèse que le coût du véhicule électrique hors batterie est équivalent à celui du véhicule thermique, alors l’équation économique du véhicule électrique est résolue. Les industriels s’accordent à dire que ces conditions devraient être réunies avant 2020 et que prenant en compte les incitations fiscales existantes en France aujourd’hui, elles sont d’ores et déjà réunies. Pourtant, la part de marché des véhicules électriques aujourd’hui est très loin des 25 % atteignables (voir plus haut). En effet, il convient de prendre en compte l’acceptation par le grand public des contraintes du véhicule électrique, notamment la limitation de l’autonomie. Le temps nécessaire à cette acceptation est difficilement quan- tifiable. Rappelons-nous qu’il a fallu plus de dix ans pour que la Smart prenne une place significative sur le créneau des citadines et qu’une offre concurrente, la Toyota iQ, soit introduite sur le marché. Figure 12 Hypothèse d’évolution à l’horizon 2030-2040. 225
Chimie et transports passe de 30 % à 0 %, ou celle sont la batterie et l’électro- des « Electric Vehicle » passe nique de puissance. de 3 % à 20 %. Calculons, de Les constructeurs concevront manière purement arithmé- plusieurs générations succes- tique, sans prendre en compte sives de véhicules électrifiés, la faisabilité technique ou éco- ils optimiseront les architec- nomique, le gain d’émission de tures, ils standardiseront les CO 2 associé au changement composants, ils les dimen- de famille. Le résultat de ce sionneront au plus juste, ils calcul est que les émissions feront naître des standards, moyennes de CO2 seraient di- ils offriront des volumes plus visées par deux, c’est-à-dire élevés à leur fournisseurs et bien en dessous des 60 g/km. les mettront en concurrence, Sous quelles conditions ce ainsi le surcoût de l’électrifi- calcul théorique pourrait- cation baissera. il devenir une réalité ? D’un Ces efforts ne seront pas point de vue technique, nous suffisants ; il faudrait lancer avons vu que nous n’avons dès maintenant des efforts joué que sur le mix entre importants de recherche no- différentes familles de véhi- tamment sur l’électronique de cules qui chacune existe déjà puissance et sur les batteries. en série. Prenons l’exemple du segment B, l’un des plus En matière d’électronique de compétitifs du marché, ce- puissance, il faudrait parti- lui des citadines comme la culièrement travailler sur les Peugeot 208, la Renault Clio commutateurs de puissance. ou la Volkswagen Polo, dont Ces composants sont assimi- les prix publics s’échelonnent lables à des interrupteurs que entre moins de 10 000 € et l’on ouvre et ferme plusieurs jusqu’à 25 000 €, voire plus milliers de fois par seconde et pour des modèles « pre- dans lesquels passe un cou- mium ». On trouve aujourd’hui rant. Ces phases de commu- disponible sur le marché la tations suivies de phases de Renault ZOE appartenant à la conduction s’accompagnent famille « Electric Vehicle » à de pertes de Joules et donc partir de 13 700 €, prime éco- d’un échauffement qui limite logique déduite et hors batte- la puissance transmise. Les rie, ou la Toyota Yaris Hybride recherches doivent porter appartenant à la famille « Full à la fois sur les matériaux Hybrid » à partir de 18 500 €, pour arriver à diminuer les prime écologique déduite. Une per tes et augmenter les offre existe déjà mais elle se températures de fonctionne- situe, en prix de vente, plutôt ment, et sur le « packaging » sur la partie haute du segment (c’est-à-dire l’arrangement et surtout elle bénéficie d’une des éléments constitutifs du incitation qui n’a pas vocation composant électronique) de à durer. Cet exemple permet manière à évacuer au mieux de comprendre que l’effort la chaleur. devra porter sur la réduction Le deuxième grand axe de re- du coût de l’électrification du cherche porte sur le stockage véhicule. Les deux postes les d’énergie, ce qu’on appelle 226 plus importants de ce surcoût les batteries, avec un travail
Le moteur thermique comparé au moteur électrique Enjeux et contraintes important à fournir sur de « Plug in Hybrid », « Range nouveaux matériaux associés extender » et « Electric à de nouveaux procédés pour Vehicle », et une batterie avec obtenir une baisse de coût, sur un rapport puissance/énergie une amélioration de la sécu- important pour les véhicules rité des batteries ; il faut aussi des familles « Mild Hybrid » travailler sur la substitution et « Full Hybrid », où l’on uti- des matériaux rares et straté- lise la batterie pour récupérer giques par des matériaux plus l’énergie pendant les phases accessibles. de freinage. Deux types d’applications dif- Peut-on aller encore plus férentes sont concernés : une loin ? Atteindre une émission batterie à forte puissance zéro ? L’Encart « Deux scéna- massique pour les véhicules rios pour l’avenir » se lance rechargeables des familles dans un peu de prospective. Deux scénarios pour l’avenir Nous avons vu plus haut que le véhicule électrique n’était pas une alternative au véhicule conventionnel du fait son autonomie limitée. Contourner le principal handicap du véhicule électrique – la recharge des batteries – a fait foisonner les imaginations. Voici deux scénarios possibles parmi une multitude : dans l’un, le véhicule va générer de l’électricité pendant qu’il roule et dans l’autre, il va capter de l’électricité alors qu’il se déplace. Premier scénario Le véhicule est évidemment à traction électrique, il dispose d’une réserve d’énergie, d’une batterie qui lui donnent quelques dizaines de kilomètres d’autonomie et il dispose aussi d’un générateur alimenté en carburant non fossile. Le générateur recharge la batterie dès que son niveau de charge est trop bas. Il n’y a pas besoin que la puissance de traction et la puissance du générateur soient égales. Le géné- rateur est dimensionné sur le besoin de puissance maximum en régime permanent du véhicule, puissance nécessaire pour rouler sur le plat à 130 km/h si l’on prend un véhicule à usage routier. La puissance de traction est dimensionnée pour atteindre le niveau de per- formances d’accélération. La batterie est rechargée sur le secteur à chaque fin de trajet. Les petits trajets du quotidien sont parcourus uniquement avec l’énergie contenue dans la batterie. On ne recourt au générateur que pour les grands trajets. La capacité du réservoir de carburant et son remplissage sont compatibles de l’usage que l’on fait aujourd’hui des véhicules conventionnels. Quel carburant ? L’hydrogène est un vecteur d’énergie répondant à ce cahier des charges, on peut stocker dans un véhicule la quantité nécessaire pour parcourir 600 kilomètres et faire le plein en cinq minutes. Ce carburant peut être obtenu à partir de différentes énergies primaires, il peut être obtenu sans émission de CO2. Des démonstrateurs existent, plusieurs véhicules roulent à l’hydrogène, plusieurs stations-service permettant de faire le plein d’hydrogène en moins de cinq minutes ont été déployées (voir le Chapitre de D. Larcher et F. Darchis). La prospective autorisant toutes les audaces, on peut envisager l’installation d’une infra structure de distribution d’hydrogène peu dense, en dehors des grands centres urbains, où l’on produit sur place à partir d’énergie renouvelables. À noter que la production d’hydrogène peut aussi servir de moyen de stockage d’énergie à grande échelle. 227
Chimie et transports Deuxième scénario : la captation d’énergie en roulant Le véhicule est toujours à traction électrique, il dispose d’une réserve d’énergie, d’une batterie qui lui donne quelques dizaines de kilomètres d’autonomie et d’un dispositif de captation d’électricité permettant de recharger la batterie en roulant. Il recharge la batterie dès que son niveau de charge est trop bas. Les petits trajets du quotidien sont parcourus uniquement avec l’énergie contenue dans la batterie. On ne recourt au dispositif de captation que pour les grands trajets, une infrastructure de charge a été déployée sur les chaussées d’autoroutes, voies express et rocades (les 12 000 km de réseau français présentés dans le Chapitre d’H. Van Damme). Comment capter de l’électricité en roulant ? Des bornes de recharge sans contact pour véhicules électriques existent déjà, elles assurent la charge de la batterie à l’arrêt. Des démonstrateurs de pistes avec recharges sans contact de véhicules en mouvement existent aussi, une ligne de bus électrique se rechargeant sans contact à l’arrêt et en roulant sur les premières dizaines de mètres après l’arrêt sera bientôt mise en service en Allemagne. Ces deux scénarios – bien entendu très « prospectifs » – permettent chacun de rendre un véhicule à traction électrique polyvalent, c’est-à-dire compatible de l’usage que l’on fait aujourd’hui des véhicules conventionnels, et sans émission de CO2, tout au moins du réservoir à la roue. Quel avenir pour le véhicule électrique ? Aujourd’hui, le véhicule électrique n’est pas une alternative au véhicule thermique. Il a son propre marché, qui est important, ce qui justifie d’ailleurs que des industriels investissent dans ce créneau. Deuxièmement, l’électrification est la seule voie qui permette de baisser durablement les émissions de CO2, d’atteindre les objectifs de 2020, de continuer à les faire baisser au-delà, voire les faire tendre vers zéro. Le défi porte sur la baisse du surcoût lié à l’électrification. Enfin, de très importants efforts de recherches – notamment dans les domaines de l’électro- nique de puissance et des batteries – sont à déployer pour rendre l’équation économique de l’électrification possible. Dans les deux cas, l’invention et le développement de nouveaux 228 matériaux sont des verrous clés.
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