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http://portaildoc.univ-lyon1.fr Creative commons : Paternité - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 2.0 France (CC BY-NC-ND 2.0) http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD-LYON 1 U.F.R. D’ODONTOLOGIE Année 2022 Thèse n° 2022 LYO 1D 002 THESE POUR LE DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN CHIRURGIE DENTAIRE Présentée et soutenue publiquement le 6 janvier 2022 Par Chloé LORRAIN Née le 03/03/1998 à ALBERTVILLE LES RESTAURATIONS PARTIELLES ADHESIVES POSTERIEURES CHEZ LE PATIENT BRUXEUR JURY Monsieur le Professeur Olivier ROBIN Président Monsieur le Professeur Cyril VILLAT Assesseur Monsieur le Docteur Christophe JEANNIN Assesseur Madame le Docteur Chloé TIDIERE Assesseur LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
REMERCIEMENTS A notre président du jury, Monsieur le Professeur Olivier ROBIN, Professeur des Universités à l’UFR d’Odontologie de Lyon Praticien-Hospitalier Docteur en Chirurgie Dentaire Docteur d’Etat en Odontologie Doyen Honoraire de l’UFR d’Odontologie de Lyon Habilité à Diriger des Recherches Responsable de la sous-section « Biomatériaux, Sciences Anatomiques et Physiologiques, Occlusodontiques, Biophysiques et Radiologie » Nous vous remercions de l’honneur que vous nous faites d’avoir accepté de présider ce jury de thèse. Nous sommes fiers de soumettre ce travail à votre jugement compétent. Vos enseignements auront su nous inspirer lors de son élaboration. Nous vous prions de croire en notre profond respect et notre reconnaissance pour la qualité de vos enseignements. LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
A notre juge, Monsieur le Professeur Cyril VILLAT, Professeur des Universités à l’UFR d’Odontologie de Lyon Praticien-Hospitalier Docteur en Chirurgie Dentaire Ancien Interne en Odontologie Docteur de l’Ecole Centrale Paris Habilité à Diriger des Recherches Vous nous avez fait l’honneur d’accepter de siéger au sein de ce jury de thèse. Nous tenons à exprimer notre gratitude pour votre enseignement tout au long de notre formation. Pour votre rigueur et vos précieux conseils durant ces années d’études, veuillez trouver ici le témoignage de notre sincère reconnaissance. LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
A notre juge, Monsieur le Docteur Christophe JEANNIN, Maître de Conférences à l’UFR d’Odontologie de Lyon Praticien-Hospitalier Docteur en Chirurgie Dentaire Docteur de l’Institut National Polytechnique de Grenoble Habilité à Diriger les Recherches Nous avons été touchés par la confiance que vous nous témoignez en acceptant d’être juge de ce travail. Nous avons pu apprécier au cours de ces trois années de formation clinique à vos côtés votre pédagogie, votre bienveillance et vos précieux conseils. Nous vous remercions pour la rigueur clinique que vous avez su nous transmettre. Veuillez trouver au travers de ce travail le témoignage de notre profond respect. LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
A notre juge et directrice de thèse, Madame le Docteur Chloé TIDIERE, Assistant hospitalo-universitaire au CSERD de Lyon Docteur en Chirurgie Dentaire Nous vous remercions de l’honneur que vous nous avez fait en acceptant de diriger ce travail. Vous avez su nous guider avec pertinence et intelligence tout au long de ce parcours. Nous sommes profondément reconnaissants de votre implication dans notre formation et dans la réalisation de cette thèse. Nous garderons de vos vacations de prothèse une pensée agréable. Vous avez su nous transmettre votre expérience et vos connaissances au cours de ces années. Pour votre gentillesse, votre disponibilité, vos remarques pertinentes et votre rigueur, qu’il nous soit permis ici de vous exprimer notre profond respect et gratitude. LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
SOMMAIRE Introduction :..................................................................................................................... 1 1. Intérêt des restaurations partielles adhésives postérieures chez le patient bruxeur ... 2 1.1. Réhabilitation globale ......................................................................................... 2 1.2. Contraintes et difficultés liées au bruxisme ......................................................... 7 1.3. Intérêt du collage par rapport au scellement ....................................................... 9 1.4. Contraintes et difficultés liées aux matériaux utilisés pour les restaurations partielles adhésives......................................................................................................11 2. Quel matériau choisir pour la réalisation de restaurations partielles adhésives postérieures chez un patient bruxeur ? ............................................................................13 2.1. Cahier des charges du biomatériau idéal en cas de bruxisme ...........................13 2.1.1. Biomimétisme de la dent naturelle ..............................................................13 2.1.2. Les paramètres à évaluer ...........................................................................15 2.1.3. Le cahier des charges idéal ........................................................................17 2.2. Biomatériaux disponibles à ce jour ....................................................................18 2.2.1. Les alliages précieux ..................................................................................18 2.2.2. Les céramiques ..........................................................................................18 2.2.3. Les résines composites ..............................................................................25 2.2.4. Les nouveaux matériaux hybrides ..............................................................27 2.3. Tableaux de synthèse........................................................................................31 3. Mise en œuvre des restaurations partielles adhésives postérieures chez un patient bruxeur ............................................................................................................................34 3.1. Prise en charge globale du bruxisme .................................................................34 3.1.1. La prise en charge cognitivo-comportementale...........................................34 3.1.2. La prise en charge pharmacologique ..........................................................35 3.1.3. Orthèse occlusale et autres appareils intraoraux ........................................37 3.2. Intérêt de l’augmentation de la dimension verticale d’occlusion (DVO) ..............40 3.3. Réalisation des préparations dentaires ..............................................................43 3.4. Empreinte optique ou traditionnelle ?.................................................................45 3.5. Méthode de fabrication ......................................................................................46 3.6. Collage ..............................................................................................................47 3.7. Polissage et réglages occlusaux........................................................................48 3.8. Maintenance et taux de survie ...........................................................................48 Conclusion :.....................................................................................................................50 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
Introduction : La réhabilitation prothétique d’un patient atteint de bruxisme reste un défi pour de nombreux praticiens. La complexité des mécanismes d’apparition, l’absence de thérapeutique efficace et les contraintes exacerbées sur nos restaurations rendent la prise en charge de ces patients ardue. L’approche traditionnelle de réhabilitation d’usures étendues consistait en la réalisation de couronnes périphériques après augmentation de la dimension verticale d’occlusion. Avec l’avènement de la dentisterie adhésive et minimalement invasive, cette approche ne répond plus au gradient thérapeutique et aux principes d’économie tissulaire. C’est pourquoi certains auteurs ont proposé de réhabiliter les patients atteints de bruxisme à l’aide de restaurations partielles adhésives, plus respectueuses des tissus dentaires. A l’aide d’une étude de la littérature scientifique actuelle, nous verrons si cette nouvelle approche est adaptée pour la prise en charge prothétique d’un patient atteint de bruxisme et comment la mettre en œuvre. En reprenant les différentes contraintes propres au bruxisme, nous évaluerons l’intérêt de mettre en place des restaurations adhésives partielles à la place des couronnes périphériques. Nous essaierons ensuite de déterminer le biomatériau idéal pour ces reconstitutions. Enfin, nous verrons comment nous pouvons optimiser les propriétés mécaniques de ces restaurations lors de leur mise en œuvre. Page 1 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
1. Intérêt des restaurations partielles adhésives postérieures chez le patient bruxeur 1.1. Réhabilitation globale Il existe de nombreuses définitions du bruxisme qui peuvent se regrouper à l’aide des mots-clés suivants. Le bruxisme serait un comportement (CNO Occlusodontologie. Lexique. Paris : Quintessence International ed., 2001) ou une parafonction orale (1) caractérisé par une activité motrice des muscles manducateurs involontaire, répétitive et non nutritive (1,2). Cette activité peut être continue ou rythmique et se traduire par du serrement, du grincement et/ou du bracing et du thursting (« pressions de la musculature orofaciale sans contacts occlusaux » (1)) avec ou sans contacts occlusaux (1–3). Il se présente sous deux manifestations circadiennes : le bruxisme de sommeil et d’éveil (2). Une définition de consensus a été proposée en 2013 par l’équipe de Lobbezoo. « Le bruxisme est une activité répétitive des muscles manducateurs caractérisée par le serrement ou le grincement des dents et/ou par des mouvements mandibulaires. Il a deux manifestations circadiennes : il peut se produire pendant le sommeil (bruxisme de sommeil) ou pendant l’éveil (bruxisme d’éveil). » (2,4,5) Le bruxisme est bien souvent considéré et enseigné comme une parafonction. (2,6,7) Cela impliquerait qu’il n’ait que des conséquences négatives. Or, selon certains auteurs, le bruxisme du sommeil, notamment, aurait un effet protecteur et donc positif chez les patients atteints de reflux gastro-œsophagiens : il favoriserait la lubrification des structures oropharyngées et permettrait d’en diminuer l’acidité (5). Il est difficile de déterminer avec précision la prévalence du bruxisme du fait de l’hétérogénéité des méthodes diagnostiques utilisées dans les études et de l’absence de critères d’évaluation simples et précis de ce comportement (1). La plupart d’entre elles utilisent des questionnaires d’autoévaluation (4). D’autres se basent sur un examen clinique alors que l’usure dentaire n’est pas un signe spécifique du bruxisme. Enfin, rares sont celles qui utilisent des enregistrements électromyographiques, dans le cadre ou non d’une polysomnographie (4). La polysomnographie est la technique de diagnostic la plus précise pour le bruxisme du sommeil, elle permet de classer un bruxisme « probable » en « avéré » (1). Elle reste néanmoins difficile à mettre en œuvre, car elle nécessite une hospitalisation et a un coût important (1). Une revue systématique de littérature de 2020 nous donne alors une prévalence chez l’adulte entre 22,1 et 31% pour le bruxisme d’éveil et 12,8% pour le bruxisme de sommeil. Néanmoins, ces résultats sont basés sur des données autodéclarées. Avec la polysomnographie, on tombe à 3,5% de prévalence pour le bruxisme du sommeil (8). Par ailleurs, la prévalence diminue avec l’âge et nous n’observons Page 2 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
pas de différence entre les hommes et les femmes (4). Dans notre pratique quotidienne, nous devons donc être vigilants pour détecter les patients en phase active de bruxisme avant que les conséquences sur les organes dentaires ne soient trop importantes. L’apparition du bruxisme serait issue de plusieurs phénomènes et son origine souvent multifactorielle (6) (voir figure n°1). Les facteurs psychosociaux, c’est-à-dire le stress, l’anxiété et le comportement de l’individu, ont un rôle très important dans l’étiologie du bruxisme (4). Le stress est d’ailleurs considéré comme le facteur étiologique primaire, le cortex cérébral transformant les processus émotionnels et cognitifs en une augmentation du tonus musculaire (5). Dans les processus étiologiques, on retrouve également des facteurs physiologiques, biologiques et neurochimiques (4) ou des facteurs exogènes comme la consommation d’excitants (tabac, alcool, drogues ou café) et de certains médicaments (4,5). Selon une étude de Rintakoski, « L’absorption quotidienne d’alcool au- delà de trois verres augmente significativement les risques de bruxisme, de même que la consommation excessive de café et de tabac » (5,9). Certains auteurs ont suggéré une origine génétique du bruxisme avec l’implication de gènes liés à la sérotonine ou à la dopamine. Néanmoins, les pistes suggérées à ce jour sont peu spécifiques et les résultats contradictoires (4,10). Les troubles du sommeil (insomnie, syndrome d’apnée/hypopnée obstructive du sommeil, reflux gastriques et mouvements périodiques des membres), les troubles de la ventilation et les parafonctions orales (onychophagie, tics de morsure…) et certaines pathologies, comme la maladie de Parkinson par exemple, auraient également un impact dans la genèse du bruxisme (4,5,10). Enfin, l’occlusion, que l’on pensait être le facteur principal du bruxisme il y a quelques années, ne joue qu’un rôle minime dans son étiologie (1,4,5). Page 3 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
Figure n°1 : L’étiologie multifactorielle du bruxisme (auteur) Une fois installé, le bruxisme est responsable de conséquences multiples sur le plan esthétique, biologique et fonctionnel. Au niveau des tissus dentaires, il peut provoquer une usure des dents, une perte de la dimension verticale d’occlusion (DVO), des fractures dentaires, mobilités dentaires, une hypersensibilité dentinaire et des dommages pulpaires (6,10,11). Au niveau des muscles, on l’accuse d’être responsable d’une hypertrophie des masséters, de myalgies des muscles manducateurs et de tensions musculaires au réveil (4,10). Concernant l’articulation temporo-mandibulaire, l’association entre le bruxisme et les algies et dysfonctionnements de l’appareil manducateur (ADAM) reste floue. Les conclusions des études varient en fonction de la méthode utilisée pour diagnostiquer le bruxisme, l’association entre les deux pathologies étant plus forte quand le bruxisme est autodiagnostiqué que quand la polysomnographie est utilisée. D’autres études seront nécessaires pour confirmer ou infirmer cette relation de cause à effet (12,13). Enfin, sur le plan général, on le soupçonne de causer des céphalées, notamment matinales, mais qui sont à distinguer de celles associées aux apnées du sommeil (4,5). Page 4 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
Une des conséquences du bruxisme est l’usure prématurée des tissus dentaires même si la relation entre ces deux éléments n’a pas été prouvée (4). Cette usure dentaire est d’ailleurs très souvent d’origine multifactorielle : attrition due à un bruxisme, érosion chimique due à l’alimentation ou un problème de reflux gastro-œsophagien, abrasion et abfraction (14) (figure n°2). Il revient alors au chirurgien-dentiste d’identifier les facteurs étiologiques impliqués chez chaque patient présentant de l’usure dentaire avant d’envisager une réhabilitation globale. Attrition Abrasion Abfraction Erosion Figure n°2 : Tableau illustrant les différents types d’usures dentaires (1,14) L’usure dentaire peut donc être le signe d’un bruxisme, actif ou non, mais est insuffisante pour le diagnostiquer (4,5). L’usure est la détérioration produite par l’usage (14). C’est normalement un processus naturel et physiologique qui ne demande pas de traitement spécifique et est adaptatif avec les fonctions orales (4). Lorsqu’elle est pathologique, elle provoque plusieurs conséquences biologiques, fonctionnelles et esthétiques (15). Elle se caractérise par une perte d’émail avec l’exposition de larges plages de dentine, une perte de l’anatomie occlusale, vestibulaire et linguale des dents impactant la dynamique masticatoire (figure n°3) et une diminution de la hauteur de la couronne clinique. L’exposition de la dentine peut entraîner de l’hypersensibilité dentinaire, des complications pulpaires, une augmentation Page 5 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
du risque carieux. Les dents auront une teinte plus jaune à la suite de la perte de l’émail qui apporte translucidité et luminosité. La diminution de la hauteur de la couronne clinique peut provoquer une diminution de la dimension verticale d’occlusion ou, en cas de compensation via une éruption passive, une difficulté de restauration des dents par manque d’espace pour le matériau de restauration. Enfin, l’usure dentaire peut être responsable de la perte de l’adaptation marginale des restaurations ou de leur fracture (15). Figure n°3 : Vue occlusale d’un patient bruxeur avec une perte de l’anatomie occlusale des prémolaires maxillaires et l’apparition de larges plages d’exposition de la dentine (Dr TIDIERE) L’usure étant un phénomène qui évolue sur plusieurs années, le patient ne s’en rend souvent pas compte et nous consulte généralement pour un problème localisé ou pour une demande esthétique au niveau des dents antérieures. Le rôle du chirurgien-dentiste est alors de lui expliquer la nécessité d’une réhabilitation globale. En effet, la dent se comporte comme un puzzle physiologique dans lequel la biologie, la mécanique, la fonction et l’esthétique sont intimement liées (16). Il convient donc de veiller à réhabiliter ces quatre aspects. Nos restaurations doivent protéger l’organe dentino-pulpaire en préservant au maximum les tissus sains restants. Il convient de rétablir impérativement le calage postérieur avant de réhabiliter le bloc antérieur afin de rétablir la fonction masticatoire et diminuer les contraintes mécaniques au niveau du secteur antérieur. En cas de perte de la dimension verticale d’occlusion, cette dernière doit être rétablie afin de préserver les structures articulaires, améliorer l’esthétique et recréer un espace suffisant pour nos restaurations en préparant a minima les dents restantes pour respecter la biologie de la dent (17). Enfin, notre réhabilitation ne doit pas oublier de rétablir une bonne esthétique, critère souvent majeur de la demande du patient. Page 6 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
La réhabilitation globale d’un patient bruxeur présentant une usure dentaire généralisée peut alors prendre deux formes : une réhabilitation que l’on peut qualifier de « traditionnelle » avec des préparations périphériques pour couronnes scellées, ou une réhabilitation « moderne » minimalement invasive à l’aide de facettes et de restaurations partielles adhésives postérieures. Selon Behr et coll., 2014, les couronnes céramo- métalliques scellées ont un taux de survie important, d’environ 90% à 10 ans en population générale, et une mise en œuvre aisée, puisqu’associée à un scellement (18). Néanmoins, la « méthode traditionnelle » reste une méthode invasive qui demande des préparations dentaires importantes sur des organes dentaires déjà délabrés pour répondre aux principes mécaniques de ces restaurations (19) (figure n°4). Si l’on regarde dans la littérature, les taux d’échec des prothèses collées et scellées (type bridge) ont des taux d’échecs voisins, de l’ordre de 25 à 30% à 15 ans. Néanmoins, seuls 10% environ des restaurations collées ne peuvent être refaites, contre plus de 60% des restaurations scellées (20). Figure n°4 : Comparaison d’une préparation coronaire périphérique et d’une préparation pour overlay (21,22) Dans un souci de simplification, nous n’aborderons dans ce travail que les restaurations postérieures. Il convient néanmoins de garder en mémoire que, par soucis esthétiques, mais surtout d’harmonisation des courbes occlusales pour le bon déroulement de la dynamique buccale, l’ensemble de la denture est restauré lors de la réhabilitation globale d’un patient présentant des usures généralisées. 1.2. Contraintes et difficultés liées au bruxisme Le bruxisme est un facteur de risque pour la pérennité des restaurations prothétiques dento-portées. Il est à l’origine d’une augmentation significative des complications techniques et mécaniques des prothèses fixées (6,23). Dans une étude Page 7 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
rétrospective, Beier et coll. ont relaté un risque d’échec de restaurations céramiques 2,3 fois plus élevé chez les patients présentant un bruxisme (24). Cette majoration touche également les prothèses céramo-métalliques avec un taux de complications de 2,5 à 3 fois supérieur en cas de bruxisme (23). Parmi les complications mécaniques possibles, on retrouve la perte de rétention ou la fracture des restaurations prothétiques (figure n°5). Du fait de l’usure des tissus dentaires, il devient plus compliqué d’obtenir une hauteur de préparation suffisante pour la rétention des prothèses scellées. Par ailleurs, les échecs biologiques, comme la reprise carieuse, la dégradation marginale et les problèmes endodontiques, sont également plus fréquents chez les bruxeurs (6). Figure n°5 : Fracture du cosmétique chez un patient souffrant de bruxisme (6) Ces complications s’expliquent par l’exacerbation des contraintes mécaniques subies par nos restaurations en cas de bruxisme (1) (figure n°6). Chez un sujet sain, lors de la mastication, les forces occlusales sont de l’ordre de 20 à 120N (1) avec un maximum observé chez les jeunes d’environ 500N (25) alors qu’elles peuvent atteindre 1000N chez un patient bruxeur (1). Or, sur une reconstruction prothétique, le stress occlusal est transmis à travers le matériau à l’émail et à la dentine. Plus ce stress est grand (comme en cas de bruxisme), plus il y a un risque de fêlures marginales, de fractures, d’usure du matériau et de tension dentinaire (25). Par ailleurs, la direction de ces forces occlusales joue un rôle important. Dans le cadre d’un bruxisme de grincement, les forces latérales sont les plus délétères, notamment pour les cuspides linguales des dents mandibulaires (25). Enfin, le temps d’application de ces contraintes mécaniques n’est pas le même entre un sujet sain et un bruxeur. Pendant la mastication, les forces occlusales sont appliquées pendant moins d’une seconde alors qu’elles sont de l’ordre de 7 secondes en cas de bruxisme nocturne (25) (figure n°6). Une charge continue comme le serrement peut être plus destructrice Page 8 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
qu’une charge cyclique comme la mastication. L’augmentation du stress de fatigue majore le risque de fracture de fatigue de nos restaurations ainsi que des tissus dentaires (25). Figure n°6 : Tableau comparatif des valeurs des forces occlusales entre un sujet sain et un bruxeur (25) Les forces occlusales ont donc un effet sur la durabilité des restaurations par leur intensité, leur direction (axiale ou latérale) et leur temps d’application. Ce stress se transmet au niveau de l’émail et de la dentine avec un risque de fracture. Les forces issues du bruxisme étant une exacerbation des forces occlusales, elles diminuent la durée de vie de nos restaurations (25). 1.3. Intérêt du collage par rapport au scellement Le collage consiste à faire adhérer deux surfaces à l’aide d’une colle ou d’un adhésif. Il repose sur deux principes : l’adhésion et l’adhérence. L’adhésion correspond à « l’ensemble des interactions physico-chimiques spécifiques qui contribuent à lier intimement deux corps » (22). L’adhérence est « la force ou l’énergie nécessaire à la séparation de ces mêmes corps » (22). En dentisterie, l’adhésion est fondée sur les Page 9 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
principes de rétention micromécanique et d’interaction physico-chimique entre les tissus dentaires et les biomatériaux de restauration (22). Le scellement, quant à lui, repose sur une réaction de prise du ciment constitué d’un acide (le liquide) et d’une base (la poudre). Il est à l’origine d’une pseudo-adhésion et non d’une liaison adhésive, car les interactions avec les tissus dentaires et les biomatériaux sont de nature mécanique par irrégularité de surface. C’est le principe du microclavetage (26). Les intérêts du collage sont de trois types : mécaniques, biologiques et optiques (27). Au niveau mécanique, le collage permet de renforcer les structures dentaires résiduelles grâce à une distribution des forces occlusales plus favorable par rapport à une dent non restaurée ou avec une restauration scellée (25). Le joint collé répartit les contraintes occlusales sur la totalité des surfaces d’assemblage et offre une zone d’amortissement qui peut être assimilée à la jonction amélo-dentinaire (22,27). C’est un point important, car le tissu dentaire reste inégalable donc quand nos restaurations arrivent à le mimer c’est un avantage indéniable. D’ailleurs, seules les techniques adhésives permettent un renforcement de la dent contrairement au scellement. On peut faire le parallèle avec la prise en charge des fissures dentaires grâce aux procédés d’adhésion (27). Par ailleurs, les techniques de restauration adhésive permettent de passer outre des impératifs de rétention au niveau des préparations dentaires, permettant une économie tissulaire qui a un impact sur la résistance de la dent (27). Dans une étude de 1989, Reeh et coll. ont démontré que la perte de tissus dentaires entraîne une diminution de la résistance de la dent et certaines zones anatomiques de la dent sont de véritables poutres de résistance, comme les crêtes marginales (28) (figure n°7). Figure n°7 : Diminution de la résistance de la dent selon la perte de tissu dentaire (28,29) Page 10 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
En outre, le collage garantit l’intégrité de la restauration céramique. Ce matériau fragile se comporte différemment une fois assemblé, puisque la colle, en pénétrant au sein des irrégularités de la céramique, peut inhiber la propagation de fissures. L’ensemble dent- restauration est alors plus résistant à la fracture et à la fatigue au sein de l’environnement (22). Enfin, la résistance mécanique des résines de collage est supérieure à celle des ciments traditionnels à base d’oxyphosphate et des ciments verres ionomères (22). Sur le plan biologique, le collage a permis le développement d’une dentisterie minimalement invasive où l’économie tissulaire est un principe prépondérant. L’adhésion procure une étanchéité des tissus dentaires au milieu buccal et assure l’intégrité pulpaire (27). Si des complications apparaissent, elles sont très souvent moins graves et plus « réparables » que les complications rencontrées avec des couronnes périphériques scellées (qui entraînent souvent l’avulsion de la dent) (20). Pour finir, les matériaux de restaurations adhésives ainsi que les colles présentent l’avantage d’avoir un indice de réfraction et une couleur proche des tissus dentaires, permettant d’obtenir une bonne intégration esthétique de nos restaurations (27). 1.4. Contraintes et difficultés liées aux matériaux utilisés pour les restaurations partielles adhésives La principale cause d’échec des restaurations partielles adhésives est la fracture du matériau et/ou des parois dentaires résiduelles (20). Plusieurs paramètres influent sur son apparition : le respect des principes de préparation cavitaire et du cahier des charges de la pièce prothétique, le choix du matériau, le mode d’assemblage, l’adaptation interne de la restauration, les retouches occlusales après collage, la surcharge occlusale/bruxisme, la taille, le type et la localisation de la restauration et la vitalité pulpaire initiale (20). Les matériaux utilisés pour les restaurations partielles adhésives sont un facteur majeur dans la genèse des fractures. En effet, la céramique est très rigide donc plus sensible à la fracture. Le composite, en revanche, avec un module d’élasticité plus faible, amortit les contraintes occlusales en son sein en se déformant, mais transmet alors un stress plus important aux structures dentaires résiduelles via l’interface de collage, augmentant ainsi le risque de fractures dentaires (20,30). Page 11 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
Les autres échecs pouvant toucher les restaurations partielles collées sont les caries secondaires, les altérations du joint dento-prothétique, les hypersensibilités ou complications pulpaires et le décollement de la pièce prothétique (20,27) (figure n°8). Figure n°8 : Différents échecs sur des inlays, onlays ou overlays (27,31) De gauche à droite : la fracture de la restauration, la fracture de la dent et de la restauration, la reprise carieuse et la dégradation marginale. Plusieurs pistes peuvent être explorées pour diminuer la prévalence de ces échecs. La première propose de modifier les propriétés des matériaux afin d’obtenir un meilleur amortissement des contraintes (notamment en cas de bruxisme) et une inhibition des fêlures (31). Les matériaux hybrides, combinant les avantages de la céramique et du composite, semblent être le matériau idéal. Néanmoins, leur résistance à l’usure n’est pas optimale et la question de la durabilité de nos restaurations se pose alors (32). Une autre piste propose d’augmenter la résistance de nos céramiques (31). Ainsi, des céramiques à base de disilicate de lithium ont été mises au point. Ces dernières présentent de meilleures propriétés mécaniques par rapport aux autres vitrocéramiques et un module d’élasticité proche de celui de l’émail (18). On peut également citer les zircones, céramiques polycristallines qui présentent les propriétés mécaniques les plus importantes et une forte résistance à la fracture grâce à un mécanisme d’inhibition des fissures (18). Cependant, son collage reste encore controversé à l’heure actuelle. Page 12 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
Face à cette problématique, il convient alors de faire un point sur les biomatériaux disponibles de nos jours. 2. Quel matériau choisir pour la réalisation de restaurations partielles adhésives postérieures chez un patient bruxeur ? 2.1. Cahier des charges du biomatériau idéal en cas de bruxisme 2.1.1. Biomimétisme de la dent naturelle Depuis quelques années, on a pu observer un changement de paradigmes en prothèse fixée. Avec l’apparition des techniques adhésives et de nouveaux biomatériaux, nous avons assisté au passage d’une dentisterie prothétique axée sur les principes mécaniques de rétention avec des préparations périphériques gourmandes en tissus dentaires, à une dentisterie minimalement invasive et biomimétique (33,34). Selon Magne et coll., le concept biomimétique consiste à rétablir l’intégrité fonctionnelle et esthétique de la dent en l’observant, en la respectant et en la copiant grâce aux techniques adhésives et à l’évolution des biomatériaux (34). Il convient donc de trouver un ou des biomatériaux qui imitent les caractéristiques de l’émail, de la dentine et de la jonction amélo-dentinaire pour réhabiliter nos patients. Les propriétés physiques et mécaniques de l’émail et de la dentine sont résumées dans la figure n°9. L’émail, tissu le plus minéralisé de l’organisme, est composé de 3 phases : minérale, organique et aqueuse (22). Sa composition et sa structure lui confèrent des propriétés biomécaniques particulières. L’émail est très rigide et très résistant à l’usure. Au niveau macroscopique, on retrouve une relation entre la quantité d’émail et les propriétés mécaniques de la dent, une dent qui n’a plus son émail (comme dans le cas de préparations périphériques) devenant plus flexible (20). Cette relation se retrouve également au niveau des cuspides d’appui, qui ont une épaisseur d’émail supérieure aux cuspides guide pour avoir une meilleure résistance aux contraintes occlusales (20). Par ailleurs, la différence de structure et de composition entre l’émail profond et l’émail superficiel permet de diminuer la propagation des fissures (figure n°10). L’émail profond a une ténacité plus importante que l’émail superficiel du fait du changement d’orientation des prismes d’émail et de l’augmentation de la teneur en eau et en gaine protéique. Enfin, l’émail se comporte très différemment si les prismes sont en section longitudinale ou transversale. Ainsi, si une préparation dentaire est finie avec un chanfrein, l’émail aura un module d’élasticité Page 13 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
supérieur, car il se trouvera essentiellement en section transversale, contrairement à une finition type « butt joint » où l’émail sera en section longitudinale (20). La dentine est un tissu moins rigide que l’émail, ce qui lui confère un véritable rôle d’amortisseur des contraintes. La matrice organique, constituée essentiellement de collagène lui donne sa ténacité (20). Le manteau dentinaire grâce à ses fibres de collagènes perpendiculaires à la jonction amélo-dentinaire joue un rôle dans la dissipation des contraintes propagées depuis l’émail (22) (figure n°10). La trame minérale est responsable de sa résistance mécanique. A l’inverse de l’émail, la ténacité de la dentine diminue au niveau de la dentine profonde par une augmentation de la matrice minérale (20). Caractéristiques physiques et mécaniques Email Dentine Coefficient de dilatation thermique (x 10-6/°C) 11,4 8,3 Conductivité thermique (W/m/°C) 0,92 0,22 Module d’élasticité (GPa) 84 20 Résistance à la flexion (MPa)
Figure n°10 : Schéma montrant la dissipation des fissures grâce aux différences de microstructure de la dent (22) 2.1.2. Les paramètres à évaluer Afin de comparer les différents biomatériaux entre eux et aux tissus dentaires, plusieurs paramètres sont à évaluer. Sur le plan physique, les biomatériaux sont caractérisés par leur conductivité thermique et leur coefficient de dilatation thermique (CDT). La conductivité thermique doit être la plus faible possible pour protéger l’organe dentino-pulpaire, surtout en cas d’utilisation du matériau pour des restaurations sur dent vivante (19). Le coefficient de dilatation thermique, quant à lui, mesure l’augmentation relative de volume d’un corps soumis à un réchauffement. Celui des matériaux doit s’approcher au maximum de celui des tissus dentaires pour limiter les contraintes à l’interface lors des variations thermiques (22). Pour rappel, le milieu buccal est soumis à d’importants changements de température. Sur le plan mécanique, plusieurs paramètres seront à évaluer, notamment le module d’élasticité ou module d’Young. C’est une propriété intrinsèque d’un matériau, qui conditionne sa rigidité, ou son aptitude à la déformation dans des conditions de réversibilité (domaine élastique). Ce module est calculé grâce à la pente du domaine élastique obtenue lors de l’essai de traction (figure n°11). Plus le module d’élasticité est élevé, plus le matériau est rigide et donc moins il peut se déformer élastiquement (1). Par ailleurs, lors d’une étude sur la comparaison du stress observé dans les inlays, onlays et endocouronnes, Dejak et Page 15 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
coll. ont démontré que plus le module d’élasticité est grand, plus grand est le stress au sein de la restauration, mais plus faible est ce stress au niveau des structures dentaires, de l’interface de collage et de l’interface entre la dent et la restauration (30). Autre paramètre mécanique : la résistance ou contrainte maximale supportée par un matériau avant de se rompre. Elle est fonction des liaisons atomiques, mais également de la forme des pièces et des défauts de la restauration (19). Selon la direction de la force exercée sur le matériau, on distingue plusieurs types de résistance : la résistance à la traction, à la compression, à la flexion et en cisaillement. La résistance à la traction est la contrainte maximale qu’un matériau supporte avant de se rompre (1) (figure n°11). Elle détermine le comportement fragile ou ductile du matériau (22). La ductilité est la capacité d’un matériau à se déformer plastiquement, c’est-à-dire de façon irréversible, sans se rompre. Moins un matériau est ductile, plus il est fragile. Un matériau fragile peut néanmoins présenter une résistance très élevée comme c’est le cas de certaines céramiques (1). Figure n°11 : Courbe contrainte/déformation (1) La dureté est également une propriété mécanique à évaluer. Elle se définit comme une mesure de la résistance à la déformation plastique à la surface du matériau (1). C’est la résistance qu’un corps oppose à la déformation locale, sous charge constante, mesurée grâce à la pénétration d’un indentateur théoriquement indéformable. La dureté influence la résistance à l’abrasion, l’aptitude au polissage et la transmission des contraintes occlusales au sein du matériau, à la dent traitée et aux dents antagonistes (19,22). La ténacité est la quantité d’énergie absorbée à la rupture par un matériau. Elle définit la résistance à la propagation des fissures. Sa valeur est égale à l’aire de la surface sous la courbe déformation-contrainte (19). La résistance à la fatigue est le comportement d’un matériau face à des sollicitations inférieures aux contraintes pour le rompre (19). Page 16 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
Enfin, pour comparer les propriétés optiques des matériaux, on pourra utiliser leur indice de réfraction. 2.1.3. Le cahier des charges idéal Le biomatériau idéal serait donc un matériau qui imiterait les propriétés biomécaniques des tissus dentaires. Néanmoins, dans le cadre du bruxisme, où les tissus dentaires ont été usés par des contraintes occlusales exacerbées, ce biomatériau devrait être plus résistant que les tissus dentaires, tout en encaissant les contraintes pour protéger les tissus dentaires sous-jacents fragilisés. Ainsi, le biomatériau idéal pour des restaurations partielles adhésives postérieures chez un patient bruxeur doit être biocompatible avec les tissus dentaires, pulpaires et parodontaux (19). Il doit permettre une réhabilitation de la fonction occlusale statique et dynamique immédiate et dans le temps (19) et donc avoir une bonne résistance à la fatigue, à l’usure et à la dégradation dans le milieu buccal. La corrosion, la fatigue et l’usure sont les formes les plus fréquentes de dégradation au sein de la cavité buccale (1). Compte tenu des doléances esthétiques des patients, le biomatériau idéal doit reproduire la forme, la teinte, la luminosité et la translucidité de la dent (7,37). Au niveau des propriétés physiques, la conductivité thermique des matériaux doit être faible et le coefficient d’expansion thermique proche de celui des tissus dentaires (19,22). Sur le plan mécanique, le module d’élasticité des matériaux doit idéalement être proche des tissus dentaires ou suffisamment grand pour limiter les contraintes au niveau des dents et de l’interface de collage. Le matériau doit également être ductile, peu fragile pour supporter les contraintes occlusales sans se fracturer. La ténacité doit être importante pour limiter la propagation des fissures au sein du matériau. La dureté doit être suffisante pour que le matériau présente une bonne résistance à l’usure et maintenir les fonctions occlusales de calage et de guidage, notamment en cas de bruxisme. Elle ne doit cependant pas être trop importante en cas de restauration sectorielle au risque d’abraser la dent antagoniste plus que l’émail ne le ferait, de causer des interférences en cas d’usure moins importante que les surfaces voisines et antagonistes et de rendre les retouches occlusales et le polissage difficiles (7,22). En outre, la mise en œuvre du matériau doit être aisée, précise et rapide, que ce soit de façon artisanale ou par CFAO (19). Le biomatériau doit permettre un assemblage avec les techniques adhésives et assurer une restauration dentaire durable (37). Page 17 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
2.2. Biomatériaux disponibles à ce jour 2.2.1. Les alliages précieux Les alliages précieux sont constitués principalement d’or, de platine, de palladium, d’argent et de cuivre et minoritairement de ruthénium, iridium, gallium, indium, étain et zinc (38). Leurs propriétés physiques et mécaniques sont très variables selon leur composition et leur fabrication. Leur module d’élasticité varie de 80 à 130 GPa. Ils sont ductiles et présentent une dureté Vickers entre 40 et 330 HVN (38). Pour la réhabilitation d’un patient bruxeur, les alliages précieux présentent des propriétés mécaniques intéressantes. Ils ont l’avantage d’être ductiles et donc de s’adapter à l’évolution des rapports dento-dentaires (19). Leur module d’élasticité est légèrement supérieur à celui de l’émail ce qui est plutôt favorable. Par ailleurs, leur usure est similaire à celle des tissus dentaires. L’or platiné est d’ailleurs le matériau dont l’usure se rapproche le plus de celle de l’émail dentaire (1). Ces alliages présentent une excellente longévité en bouche, le taux d’échec annuel des inlays/onlays en or se situant entre 0 et 5,9% (27). Néanmoins, ils sont très inesthétiques (figure n°12), ne peuvent être collés, sont susceptibles à la corrosion et ont un coût important du fait du cours actuel de l’or. C’est pour cela qu’ils ne sont plus que rarement utilisés de nos jours pour la restauration des faces occlusales (1). Figure n°12 : Inlays en or chez un patient bruxeur (1) 2.2.2. Les céramiques Les céramiques dentaires sont des matériaux inorganiques composés d’oxydes, de carbures, de nitrures et de borures. Elles sont généralement composées d’une phase vitreuse, ou matrice de verre, qui leur procure leurs qualités optiques, et d’une phase cristalline, responsable de l’amélioration des propriétés mécaniques (39). Page 18 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
Elles sont habituellement classées en fonction de leur composition et de leur microstructure (22) (figure n°13). Figure n°13 : Les trois grandes familles de céramiques dentaires (22) 2.2.2.1. Les céramiques feldspathiques La céramique feldspathique est une vitrocéramique composée à 80% d’une phase continue de verre et à 20% d’une phase dispersée de leucite (18,22). Du fait de sa proportion en verre importante, la céramique feldspathique présente des propriétés mécaniques faibles qui contre-indiquent son utilisation en cas de bruxisme et de restaurations postérieures (22) (figure n°14). Céramique feldspathique Email Dentine Résistance à la flexion (MPa) 90 < 180 < 207 Ténacité (MPa√ ) 1 0,6-1,5 2,2-3,1 Module d’élasticité (GPa) 65 84 20 Dureté (GPa) 6 3-5,3 0,6-0,92 Figure n°14 : Tableau récapitulatif des propriétés mécaniques de la céramique feldspathique comparées à l’émail et la dentine (18,22,35,36) Page 19 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
2.2.2.2. Les céramiques renforcées à la leucite Cette vitrocéramique est composée d’une matrice de verre à hauteur de 55% renforcée par une dispersion de cristaux de leucite à 45%. La leucite a été intégrée à la composition dans le but de renforcer les propriétés mécaniques de la céramique feldspathique (18) (figure n°15). Leucite Email Dentine Résistance à la flexion (MPa) 160 < 180 < 207 Ténacité (MPa√ ) 1,2-1,3 0,6-1,5 2,2-3,1 Module d’élasticité (GPa) 62 84 20 Dureté (GPa) 6,2 3-5,3 0,6-0,92 Figure n°15 : Tableau récapitulatif des propriétés mécaniques de la céramique renforcée à la leucite comparées à l’émail et la dentine (18,22,35,36) L’amélioration des propriétés mécaniques permet d’indiquer cette céramique pour la réalisation d’inlays/onlays et couronnes postérieures si l’occlusion est favorable (18). Sa résistance n’est néanmoins pas suffisante pour envisager une utilisation chez le patient bruxeur. 2.2.2.3. Les céramiques renforcées par dispersion disilicate de lithium Elles appartiennent à la famille des vitrocéramiques et sont composées à 70% de cristaux de disilicate de lithium dispersés dans une matrice de verre (18). Leurs propriétés mécaniques sont illustrées dans la figure n°16. Page 20 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
Disilicate de lithium Email Dentine Résistance à la flexion (MPa) 360-400 < 180 < 207 Résistance en compression 4588,6 384 297 (MPa) Ténacité (MPa√ ) 2,3-2,5 0,6-1,5 2,2-3,1 Module d’élasticité (GPa) 90-95 84 20 Dureté (GPa) 5,8-5,9 3-5,3 0,6-0,92 Figure n°16 : Tableau récapitulatif des propriétés mécaniques de la céramique renforcée au disilicate de lithium comparées à l’émail et la dentine (18,22,35,36,40) Cette céramique présente plusieurs avantages : - Comme toutes les céramiques, sa biocompatibilité est très bonne, légèrement inférieure à celle de la zircone d’après l’étude de Grenade (41). - L’utilisation des cristaux de disilicate de lithium permet une amélioration des propriétés mécaniques. Elle présente une bonne résistance à la flexion, supérieure à celle de l’émail et de la dentine. Son module d’élasticité est légèrement supérieur à celui de l’émail, ce qui signifie que la céramique va emmagasiner le stress occlusal au sein de la restauration et ne le transmettra pas aux structures dentaires et à l’interface de collage. L’intégrité du joint marginal sera alors préservée (30). Par ailleurs, sa dureté semblable à celle de l’émail lui confère une bonne résistance à l’usure. Enfin, sa ténacité est de l’ordre de celle de la dentine. Cette céramique a donc la même résistance à la propagation de fissures que la dentine. - Elle possède de très bonnes propriétés optiques, équivalentes à celles de la céramique renforcée à la leucite (42). - Elle réagit très bien aux techniques de collage, grâce à un mordançage à l’acide fluorhydrique (18). Cette céramique semble donc être une bonne candidate pour une utilisation chez un patient bruxeur. Néanmoins, elle présente quelques inconvénients : - Elle possède une dureté importante, ce qui complique son usinage, les retouches et son polissage. - Elle est abrasive pour la dent antagoniste (figure n°17). Cette abrasivité est dépendante de la microstructure de la céramique et de sa rugosité et non de sa dureté ou de sa résistance mécanique. Dans sa version monolithique, l’usure de Page 21 | 58 LORRAIN (CC BY-NC-ND 2.0)
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