Leonardo Padura, Ce qui désirait arriver (Points) - Culture, le ...

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Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège

Lectures pour l'été 2017 - Poches - Littérature étrangère

                       Leonardo Padura, Ce qui désirait arriver (Points)
Les treize récits qui composent ce recueil de Leonardo Padura, né en 1955 à La Havane où il vit toujours,
  sont autant de photographies du Cuba et des Cubains, avec quelques éléments récurrents. L'Angola, par
exemple, où un certain nombre d'habitants de l'île ont été envoyés en mission. Tel Mauricio, qui voudrait
rentrer en passant par Madrid pour pouvoir aller admirer l'exposition Vélasquez. Ou Ernesto, impatient de
retrouver sa femme même si quitter celle qui, pendant deux ans, lui a permis de supporter l'éloignement,
le rend malheureux. Ou encore Elias qui, de retour de ce pays d'Afrique où il a servi comme soldat et
d'où il n'était pas sûr de revenir vivant, apprend la mort e son ami d'enfance. Un autre fil conducteur est
la sexualité qui donne à certaines nouvelles une charge érotique torride. José Ramon passe une nuit
inoubliable avec son ex-belle-sœur dont il a toujours été secrètement amoureux. Des adolescents égrènent
leurs journées et leurs nits à boire du rhum et à forniquer tout en rêvant des states. Un étudiant passe neuf
nuits - pas une de plus - avec une chanteuse qui, au-delà de la fascination, avait provoqué chez lui une
vraie addiction. On suit également une vieille dame inscrite à un atelier d'écriture, une pianiste de restaurant
qui a fait une croix sur ses rêves de gloire ou un homme dont l'ambition de se rendre à Venise, et peut-être
d'épouser une femme « grosse et vieille » qui lui permettrait de rester en Italie, est contrecarrée par une
plaisante rencontre.

Traduit de l'espagnol par Elena Zayas

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                      Robert Benchley, Les enfants, pour quoi faire ? (Wombat)
On ne louera jamais assez les éditions Wombat, fondées et dirigées par Frédéric Brument, d'avoir permis
au lecteur francophone de mieux connaître l'humoriste américain Robert Benchley (1889-1945) - même
si Le Dilettante a traduit deux de ses livres dans les années 2000. Avant Pourquoi je déteste Noël ? et
L'économie, pourquoi faire ?, elles avaient publié Les enfants, pourquoi faire ?, réédité en format de
poche. Ce petit bouquin réunit quinze textes désopilants, soulevant des questions que tout parent de pose.
Comment porter un bébé ?, par exemple, étant entendu qu'« aucun parent mâle sain d'esprit ne prend
jamais un bébé dans les bras de son propre chef. (…) C'est toujours une femme qui le suggère ».Comment
élever son enfant selon les principes de « l'éducation moderne », en vertu de laquelle il « a le droit de
s'exprimer par lui-même », étant entendu que cela peut provoquer des malentendus avec les rejetons des
voisins qui ne sont « pas aussi éclairés en matière d'éducation ». Faut-il offrir un chien à son enfant, et
si oui, lequel, étant entendu que ces bouts de choux « aiment attraper les animaux par la taille pour les
transporter dans le foyer de la cheminée ». Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'ils deviennent des jeunes qui,
pendant les weekends et les vacances, n'arrêtent d'entrer et de sortir de la maison, comme s'ils préparaient
« quelque chose ».

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Frédéric Brument

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                       Tony Morrison, Délivrances (10/18)
« J'ai cru devenir folle quand Lula Ann a viré au noir bleuté pile sous mes yeux. » Sweetness est une
mulâtre au teint clair, comme Louis, son mari. Ils n'en reviennent pas d'avoir une fille à la peau si noire.
Leur mariage est brisé. Le père s'en va, sans jamais avoir touché sa fille, persuadé qu'elle n'est pas de
lui. La mère l'élève seule, avec dégoût, sans lui témoigner la moindre affection. La fillette, d'une beauté
renversante, va tout faire pour s'en faire aimer. Quitte à mentir, provoquant le malheur d'une autre.
Ce mensonge va la poursuivre, même lorsque, devenue adulte sous le nom de Pride, elle s'épanouit
professionnellement dans le secteur du cosmétique. En amour, aussi, elle est heureuse, jusqu'au départ
de l'homme aimé avec ces mots : « Tu n'es pas la femme que je veux. » Comment se délivrer de ses
traumatismes d'enfance ? Le onzième roman de la prix Nobel de Littérature, qui se passe de nos jours,
donne alternativement la parole à ses principaux protagonistes.

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Christine Laferrière

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                       Steven Boykey Sidley, Meyer et la catastrophe (10/18)
Voici un livre qui plairait à Woody Allen : même humour aux franges de l'absurde parsemé de réflexions
métaphysiques ne manquant pas de saveur. L'auteur sud-africain Steven Boykey Sidley a créé un
personnage de quadra qui vit à Los Angeles et qui, comme lui, joue du saxo. Tout irait bien pour lui, en
fait, s'il n'avait un patron aussi odieux (il est concepteur de logiciel), s'il était vraiment amoureux de la
jeune femme avec laquelle il vit (il a eu deux femmes et deux enfants), mais, surtout, s'il n'était à ce point
« rongé par l'angoisse », comme il l'avoue dès la première page. Il redoute en effet l'arrivée imminente de
catastrophes. Lesquelles ? Il n'en sait rien, mais mieux vaut être prévenu. Parmi ses amis les plus proches,
auxquels il se confie, il y a Van, lui aussi profondément angoissé (« L'angoisse c'est mon rayon »), lui lance-
t-il, et Farzad, un psy, évidemment.

Traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Valérie Bourgeois.

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                       Louisa Young, Ravages (Le Livre de Poche)
Ravage reprend ses personnages là où Louisa Young les avaient laissés à la fin de Je voulais te dire:
des tranchées de la Somme, Riley est revenu avec la « gueule cassée », et Peter, dévasté de l'intérieur,
profondément alcoolique. Le premier épouse Nadine sans prévenir leurs familles et le couple, sincèrement
amoureux, voyage en France et en Italie. Le second, plongé dans la lecture de L'Odyssée, s'éloigne
violemment de Julia, la mère de leur enfant qu'il n'a jamais réellement aimée, malgré les efforts de celle-ci
qui voudrait se souvenir qu'ils ont été heureux. Sous le regard désolé de Rose, sa cousine jadis amoureuse
de lui et qui, infirmière pendant le conflit, entame des études de médecine. «J'ai voulu voir comment mes
personnages allaient s'en sortir, ou pas», explique la romancière anglaise, dont la grand-mère sculptrice
a travaillé avec le pionnier de la chirurgie maxillo-faciale. Porté par un style à la fois littéraire et spontané,
parsemé d'onomatopées (hum, oh, ah), faisant la part belle aux pensées de ses personnages, Ravages
traduit avec justesse et émotion la difficulté pour l'être humain de reprendre goût à la vie après une telle
confrontation avec l'horreur et la désespérance.

Traduit de l'anglais par Françoise Jaouën

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                      Ramita Navai, Vivre et mentir à Téhéran (10/18)
Longue de dix-huit kilomètres, bordée de part et d'autre de hauts sycomores, l'avenue Vali Asri, qui s'est
successivement appelée Pahlavi puis Mossadegh, scinde Téhéran en deux, du nord au sud. Elle personnifie
la ville aux yeux de ses habitants. « Parcourir l'avenue en voiture est un de mes souvenirs d'enfance les
plus vifs », confie Ramita Navai dans sa préface. « Elle relie les riches et les pauvres, les religieux et les
laïcs, la tradition et la modernité. » De parents iraniens, mais élevée en Angleterre où sa famille maternelle
vivait en exil, l'auteure fut correspondante du Times entre 2003 et 2006 et rapporteur pour l'ONU en Iran,
au Pakistan et en Irak. C'est donc cette avenue qu'arpentent les huit protagonistes de son premier roman.
Dariush, de retour après avoir rejoint les rangs d'une organisation moudjahidine opposée à la République
islamique, l'OMPI formée des « combattants de la liberté » soutenus par les Américains. Morteza, considéré
comme un « raté » depuis le jour de sa naissance, garçon doux et fragile, engagé dans les milices bassistes
pour s'endurcir et faire de lui un homme « respecté », à l'égal de ses grands frères. Amir, un bloggeur
auquel le juge qui, vingt-cinq ans auparavant, a fait exécuter ses parents, demande de lui pardonner au nom
de sa bonne foi, convaincu que ces « mécréants » méritaient bien la mort. Et encore Leyla, une prostituée
qui joue dans des films pornos amateurs, Farideh, une femme divorcée, ou Ashgar, un truand du sud de la
ville, « une sorte de mafia de gentilshommes ».

Traduit de l'anglais Cécile Dutheil de la Rochère

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                       Giorgio Fontana, Mort d'un homme heureux (Points)
En mars 1978, Aldo Moro, président de la Démocratie chrétienne, est enlevé à Rome par les Brigades
rouges. Son corps sera retrouvé deux mois plus tard dans le coffre d'une voiture. Ce crime politique
symbolise les années de plomb qui ont secoué l'Italie pendant deux décennies. Il sert de toile de fond à
Mort d'un homme heureux, le deuxième roman de Giorgio Fontana traduit en français après Que justice soit
rendue. Giacomo Colnaghi, son héros dont le titre révèle le destin tragique, est le substitut du procureur
milanais chargé d'enquêter sur l'assassinat, par une cellule dissidente des Bridages rouges, d'un leader de
l'aile droite du parti démocrate-chrétien. Cet homme d'une trentaine d'années vit seul en semaine dans un
quartier défavorisé de la ville lombarde, rejoignant les weekends sa femme et son fils restés auprès de sa
propre mère à Saronno, leur ville natale située dans la grande banlieue milanaise. Il apprécie son travail
ainsi que sa relative solitude, d'autant plus qu'avec sa femme, l'ambiance a tendance à tourner souvent à
l'aigre. Mais la conscience et les certitudes de ce catholique pratiquant, opposé à l'avortement et au divorce,
sont ébranlées lorsqu'il se retrouve face à un membre de la Formation prolétarienne combattante accusée
du meurtre de l'homme politique. Il découvre en effet qu'ils sont l'un et l'autre d'origines modestes, qu'ils ont
tous deux été au patronage, et ce n'est qu'ensuite que leurs vies ont pris des voies divergentes. N'aurait-il
pas pu devenir, lui aussi, révolutionnaire, s'interroge-t-il?

Pendant le Deuxième Guerre mondiale, son père était un partisan opposé à Mussolini. Ce combat, il l'a
payé de sa vie, à la grande fureur de ses parents et de sa femme qui ne lui ont pas pardonné, même de
manière posthume, ce qu'ils considéraient comme une folie immature. Le récit de la lutte de celui que l'Italie
considère aujourd'hui comme un héros alterne avec ce début des années 1980 où, une fois de plus, l'Italie
tremble sur ses bases.

Traduit de l'italien par François Bouchard

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                       Primo Levi, Dernier Noël de guerre (10/18)

Dans Si c'est un homme, paru en 1947, Primo Levi (1919-1987) raconte son expérience à Auschwitz. Avec
L'Univers concentrationnaire de David Rousset, L'Espèce humaine de Robert Antelme et La Nuit d'Elie
Wiesel, il constitue l'un des témoignages les plus importants ramenés des camps d'extermination. Celui qui
a mené après-guerre une carrière de chimiste a écrit d'autres livres, tels La Trêve (1963), La Clé à molette
(1978) ou Maintenant ou jamais (1982). Les treize nouvelles qui composent ce recueil sont restées inédites
jusqu'en 2002. Un kangourou participe à une réception mondaine, où il s'ennuie ferme, sans que cela
surprenne qui que ce soit. Les animaux sont d'ailleurs très nombreux, plusieurs d'entre eux - un goéland,
une taupe, une girafe - sont interviewés par un journalise. Un employé chargé de choisir le type de mort de
la personne dont il reçoit le nom et la date du décès démissionne lorsqu'il tombe sur la fiche d'une fillette de
huit ans. La nouvelle qui donne son titre à l'ensemble est autobiographique. Levi y raconte ses dernières
semaines dans son Lager, Monowitz, à quelques kilomètres d'Auschwitz, où il est possible de recevoir des
nouvelles du « monde libre ». À Noël, il reçoit un paquet de nourriture envoyé par sa mère et sa sœur. Dont
une partie lui sera volée de façon très ingénieuse.

Traduit de l'italien par Nathalie Bauer.

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                       Jon Kalman Stefansson, D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds (Points)

De Jon Kalman Stefansson (né en 1963), à ne pas confondre avec son homonyme l'auteur de polars
Jon Hallur Stefansson édité par Actes Sud, Gallimard a publié la puissante trilogie formée d'Entre ciel
et terre, de La tristesse des anges et du Cœur de l'homme. Les poissons n'ont pas de pieds, sous-titré
« Chronique familiale », se passe à Keflavik, ville portuaire située à l'ouest de Reykjavik, où se trouve
l'aéroport international et où l'auteur a lui-même vécu. Et où, jusqu'en 2006, les Américains ont établi une
base aérienne en vue de protéger ce territoire qui ne possède pas d'armée. Stefansson retrace l'aventure
de son île tout au long du XXe siècle à travers une famille et sur trois époques. Ari, de retour au pays le
« cœur brisé » après avoir travaillé deux ans comme éditeur à Copenhague (capitale d'un pays « qu'on
ne saurait à proprement parler considéré comme l'étranger »), ouvre le coffre aux souvenirs familiaux.
Apparaît Oddur, le premier capitaine à savoir nager, son épouse Margret, et leur fils Trygvvy, plus versé
vers la poésie que vers la marine. Ces chapitres, titrés Jadis, alternent avec les années 1970-80 marquées
par l'enfance d'Ari, et avec Aujourd'hui. Dans ce portrait vibrant d'une Islande disparue, il est question des
usines de conditionnement de poissons ou de la base américaine et des colis qui lui sont destinés, délestés
d'une partie de leurs contenus. Et aussi de ses paysages et de la mer, à la fois angoissants et envoutants.

Traduit de l'islandais par Éric Boury

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                                                 Jørn Riel, Le chant pour celui qui désire vivre & Une vie de
racontars (10/18)

Jorn Riel est né en 1931 au Dannemark. Des seize années passées au Groenland, il a ramené de
nombreux livres, notamment formés de « racontars », des brèves fictions dont les personnages sont des
trappeurs. Le chant pour celui qui désire vivre est différent. Ce volume réunit trois textes - Heq, Arluk et
Soré - qui offrent une fresque historique, ethnologique et écologie du peuple inuit, dont l'auteur restitue
admirablement les coutumes, le mode de vie et les croyances. Et même la langue puisque son texte est
émaillé de mots indigènes expliqués dans le lexique. À la tête de ses hommes, en l'an mil, Heq, un chaman,
migre vers le Groenland à travers le Grand Nord canadien. Également chaman, Arluk, orphelin élevé par
son grand-père qui lui a raconté les légendes de son peuple, arpente cette région du globe au cours du
XVIe siècle. Soré, quant à elle, est une petite fille qui, dans les années 1970, veut retranscrire l'histoire
de ses ancêtres. Ces trois récits nous invitent à découvrir, dans un style à la fois épique et intimiste, une
civilisation qui nous est largement inconnues.

Une vie de racontars est, par contre, un texte autobiographique dans lequel Jorn Riel entend partager
quelques épisodes de sa vie « longue et riche ». Il explique que son envie de découvertes est venue des
masques africains que collectionnait son père. Il raconte son premier voyage comme mousse sur l'Amanda,
un douze tonnes qui l'emporte du côté de Munich et de Prague. Il se souvient l'hiver de ses vingt ans
passé dans l'est du Groenland, avec un « vieux camarde d'expédition », dont il évoque plus longuement la
personnalité ailleurs. Cette vie de voyageur, restituée sans souci chronologique, est relatée avec humour et
simplicité, et toujours avec le souci de parler de ces petites choses qui en font la singularité. Et en veillant
toujours à transmettre les émotions ressenties à l'époque.

Traduits du danois par Inès Jorgensen et Andréas Saint Bonnet.

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                       Stefan Hertmans, Guerre et térébenthine (Folio)

Guerre et Térébenthine n'est pas un roman, d'ailleurs le mot ne figure pas sous le titre, mais retrace
l'histoire du grand-père (1891-1981) de l'auteur, reconstituée à partir des nombreuses notes consignées par
lui depuis 1963, cinq ans après avoir perdu sa femme, et enrichies de souvenirs personnels (par exemple
une visite à l'expo de 1958 à Bruxelles). Urbain Martien naît à Gand dans un milieu modeste. Son père,
restaurateur de peintures d'églises, meurt quand il est encore très jeune, ce qui l'oblige à quitter l'école
pour travailler. Les tranchées de la Première Guerre mondiale sont déterminantes pour lui, à tel point que,
pour cette partie, Hertmans lui donne la parole. Après-guerre, rejeté par la jeune femme qu'il aime, au point
de penser se suicider, le jeune homme épouse la sœur de son ex-promise, avec qui il restera lié toute
sa vie par une profonde tendresse. Il attend la retraite pour donner corps à sa passion pour la peinture
qui constitue pour lui un « réconfort ». Comme l'écrit son petit-fils, « il ne va pas plus loin que les natures
mortes, qui sont peintes avec trop de précision pour avoir du caractère ». Ce récit d'une vie, au cours duquel
l'écrivain intervient constamment, est jalonné de photos noir et blanc ou de quelques tableaux réalisés par
son protagoniste.

Traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin

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                       Haruki Murakami, Ecoute le chant du vent, suivi de Flipper, 1973 (10/18)

Voici réunis en un même volume les deux premiers romans de l'écrivain japonais, respectivement publiés
en 1979 et 1980. Dans sa longue préface, le futur auteur de Kafka sur le rivage raconte dans quelles
circonstances ont vu le jour ces « romans de cuisine », comme il les appelle. À la fin de ses études, refusant
de s'engager dans une vie professionnelle classique, avec horaires fixes et patron, Murakami ouvre un bar,
tout en faisant des petits boulots pour éponger ses dettes. Et un jour, assistant à un match de base-ball, il
a une révélation : et s'il écrivait un roman ? C'est donc tard dans la nuit, après la fermeture de son bar, sur
la petite table de la cuisine, qu'il se met à noircir les pages qui formeront Ecoute le chant du vent. Non sans
mal : ne sachant comment écrire, il reprend son roman à la machine à écrire et… en anglais, langue qu'il ne
manie pourtant pas aisément. Et, justement, cette méconnaissance le contraint à adopter le style simple qui
lui convient. Après le premier chapitre, convaincu d'avoir trouvé son « rythme d'écriture », il retraduit tout en
japonais avant de poursuivre dans cette langue. Il embraie ensuite avec un deuxième roman, Flipper, 1973,
au terme duquel il vend son bar pour « devenir un écrivain à plein temps ». La Course au mouton sauvage,
rédigé dans la foulée, sera son premier succès.

Si ces deux premiers romans n'ont évidemment pas la qualité des suivants, ils ne sont pas médiocres pour
autant, loin de là, Murakami ayant déjà trouvé le style qui le caractérise. Conçus comme un diptyque, ils
reflètent la vie et les préoccupations de leur auteur entre vingt et trente ans. Déjà, le romancier instille dans
le quotidien de son héros de l'imaginaire qui vient le pervertir, lui conférer une part d'onirisme inattendu. En
compagnie de son ami de comptoir, Le Rat - personnage présent dans les deux romans qui s'étonne que
son compagnon de beuverie lise des livres -, le jeune dilettante, après avoir prévenu qu'il allait « raconter
une histoire », ne raconte finalement pas grand-chose. En effet, Ecoute le chant du vent, qui se déroule
en août 1970, quelques mois après la révolte étudiant e de l'année précédente, n'a pas vraiment de ligne
conductrice, il est principalement peuplé par ses petites amies.

Dans Flipper, 1973, dont le narrateur a ouvert une agence de traduction qui remporte un vif succès, deux
jumelles se retrouvent dans son lit. « Des expériences du même genre, j'en avais déjà connu, mais c'était
la première fois avec des jumelles », s'étonne-t-il avec humour. Ces deux filles qu'il ne parvient pas à
distinguer, il les appelle Entrée et Sortie ou 208 et 209. Elles sont, avec Naoko rencontrée au foyer de
l'université, deux types venus de Saturne et de Vénus et, donc, le Rat, les personnages principaux de ce
séduisant roman humoristique et mélancolique… où il est notamment question de flippers.

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Traduit du japonais par Hélène Morita

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                                                                                                  Juin 2017

     Michel Paquot est chroniqueur littéraire indépendant

                            © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 24/04/2020
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