DES MONDES CONSTRUITS - UN CHOIX DE SCULPTURES DU CENTRE POMPIDOU 22.11.2019 23.08.2021 - Centre Pompidou Metz

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DES MONDES CONSTRUITS - UN CHOIX DE SCULPTURES DU CENTRE POMPIDOU 22.11.2019 23.08.2021 - Centre Pompidou Metz
DES MONDES CONSTRUITS
  UN CHOIX DE SCULPTURES DU CENTRE POMPIDOU

                       22.11.2019 > 23.08.2021

        DES MONDES CONSTRUITS / DOSSIER DÉCOUVERTE
DES MONDES CONSTRUITS - UN CHOIX DE SCULPTURES DU CENTRE POMPIDOU 22.11.2019 23.08.2021 - Centre Pompidou Metz
SOMMAIRE
          1. PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION…P.3
          2. LE PARCOURS ET LE PLAN DE L’EXPOSITION…P.4
          3. LES ARTISTES PRÉSENTÉS …P.23
          4. POUR ALLER PLUS LOIN…P.24
          5. CINQ QUESTIONS À BERNARD BLISTÈNE, COMMISSAIRE…P.31
          6. OFFRE POUR LES SCOLAIRES…P.33
          7. INFORMATIONS POUR LES SCOLAIRES…P.35

      En couverture :

Rasheed Araeen, One Summer Afternoon, 1968
Bois, peinture, colle
Centre Pompidou, Musée national d’art Moderne,
Paris
© Rasheed Araeen
© Georges Meguerditchian - Centre Pompidou,
MNAM-CCI /Dist. RMN-GP

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1.PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION
GALERIE 1
22.11.2019 > 23.08.2021

Commissaires :
Bernard Blistène, directeur du Musée national d’art moderne, Paris
Avec Jean-Marie Gallais, responsable du pôle programmation du Centre Pompidou-Metz et Hélène Meisel, chargée de recherche et
d’exposition

Dès le début du XXe siècle, une grande partie de la sculpture moderne s’inscrit en
rupture avec la tradition, en choisissant la voie de l’abstraction. Il s’agit
paradoxalement d’analyser le monde de façon plus objective et universelle : plutôt que
de modeler la surface des choses, certains artistes comme les cubistes veulent en
révéler l’organisation essentielle. Ils dissèquent leurs objets d’étude en lignes,
volumes et plans.
Dans leur sillage, des sculpteurs de diverses avant-gardes baptisent leurs œuvres
« constructions » ou « structures », optant pour une abstraction radicale, où
prévalent la ligne et l’angle droits.
Si l’architecture industrielle nourrit ces tendances dites « constructivistes », parfois
désireuses de produire des objets fonctionnels, la sculpture cherche aussi à redéfinir ce
qui lui est propre : le rapport aux gestes, aux matériaux et surtout à l’espace,
clairement structuré, voire modulable et dynamique, incluant le spectateur.
Les artistes modernistes veulent pour leurs sculptures une transparence et un équilibre
qu’ils aimeraient voir transposés dans les structures humaines. Les pièces majeures de
la collection du Centre Pompidou ici rassemblées interrogent l’éclosion de cette
abstraction utopique, puis sa critique et, enfin, sa déconstruction contemporaine.

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2.LE PARCOURS ET LE PLAN DE L’EXPOSITION

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                                                           ENTRÉE

Salle 1 : Unboxing
Salle 2 : Formes archaïques
Salle 3 : Vertical / Horizontal
Salle 4 : Dessiner dans l’espace
Salle 5 : Architecture
Salle 6 : Monument
Salle 7 : La forme libre
Salle 8 : Mouvement, équilibre
Salle 9 : Structures
Salle 10 : Process
Salle 11 : L’empreinte du lieu
Salle 12 : Instabilité
Salle 13 : La peau des choses
Salle 14 : Déconstruire

Des mondes construits, dans la continuité de Phares, Musicircus et L’Aventure de la
couleur, offre une traversée thématique, sur une longue durée, de la collection du
Centre Pompidou - Musée national d’art moderne au Centre Pompidou-Metz. À travers
une cinquantaine d’œuvres phares, de Constantin Brancusi et Alberto Giacometti à
Bruce Nauman, Rasheed Araeen ou Rachel Whiteread, ce quatrième volet, accompagné
d’une médiation par l’image, explore les recherches sculpturales menées par les
artistes du début du XXe siècle à nos jours.

Sans suivre un ordre strictement chronologique, le parcours aborde certaines des
problématiques fondamentales de la sculpture, en déjouant les présupposés
classiques : place du geste, présence, absence ou intégration du socle, invention et
réinvention de la sculpture au-delà de la statuaire, du volume, de la gravité ou de

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l’immobilité. La diversité des œuvres et des courants représentés dans cet accrochage
navigue à travers les possibles « paramétrages » d’un médium parfois repoussé vers
ses confins : la sculpture graphique, à la limite du dessin, avec les silhouettes
soudées de Julio González (Femme à la corbeille, 1934) ; la sculpture « hors sol » et
dynamique avec les mobiles d’Alexander Calder (Fish Bones [Arêtes de poisson], 1939) ;
la sculpture à la limite de l’architecture avec les Architectones de Kasimir Malévitch
(Gota, 1923 / 1989), les empreintes monumentales de Rachel Whiteread (Untitled
(Room 101) [Sans titre (Chambre 101)], 2003) ; ou encore la sculpture au bord de la
disparition avec les effondrements simulés de Monika Sosnowska (Rubble [Décombres],
2008). Cessant d’être un objet, la sculpture bascule alors dans le « champ élargi »
qu’a pu décrire l’historienne de l’art Rosalind Krauss, pour devenir une structure, une
installation, un environnement, un site, une performance…
Dès le début du parcours, la grande gisante de bois taillée par Joseph Beuys dans un
tronc d’arbre à peine équarri, et allongée au sol comme un sarcophage, incarne
l’archaïsme anonyme des objets votifs (Nasse Wäsche Jungfrau II [Vierge au linge
mouillé II], 1985). La taille directe dans des matières brutes s’offre comme un point de
départ, un geste primordial faisant l’économie de transformations superflues, pour
servir des finalités sacrées. Plus loin, des structures de Robert Smithson (Mirror vortex,
1964), Donald Judd (Untitled [Sans titre], 1978) ou Gerhard Richter (6 stehende Scheiben
[Six panneaux verticaux], 2002 / 2011) affichent au contraire une finition industrielle
parfaitement usinée, des surfaces de verre, de métal ou de Plexiglas sans défaut. Tout
aussi anonymes, ces sculptures minimalistes semblent être des prototypes sortis
d’usine, produits par des machines plutôt que par la main : des objets sans geste,
annonciateur d’autres cultes (technologiques, mercantiles ?).
Les paradoxes qui émaillent cet accrochage offrent une relecture contrastée d’un pan
de l’histoire de la sculpture des XXe et XXIe siècles, en partant de l’histoire des formes,
révélant des filiations tout autant que des discordes fertiles. Dans une salle dédiée à un
célèbre duel esthétique opposant verticalité et horizontalité, cohabitent ainsi de
manière exceptionnelle la Colonne sans fin III de Constantin Brancusi et un maillage
métallique en expansion au sol de Carl André (4 Segment Hexagon [Hexagone de quatre
segments], 1974). Grand admirateur de Brancusi – « [avant lui] la verticalité était
toujours bornée : le haut de la tête et la plante des pieds étaient les limites de la
sculpture. La sculpture de Brancusi dépasse sa limite verticale et continue au-delà
de sa limite terrestre » – Carl André décidera néanmoins de « mettre à terre » la
Colonne sans fin, en adoptant une horizontalité manifeste. L’accrochage se joue dans
ces tensions qui redéfinissent sans cesse la sculpture moderne et contemporaine.

En introduction et conclusion de ce parcours, l’artiste Falke Pisano (née à Amsterdam
en 1979) a été invitée à concevoir une installation inédite, abordant l’histoire de la
sculpture moderne par le biais des itinéraires personnels des artistes, et de leurs
rencontres fantasmées.
Depuis le milieu des années 2000, Falke Pisano interroge les paradoxes de la
sculpture moderne et contemporaine : une sculpture peut-elle être à la fois abstraite
et concrète ? Une sculpture peut-elle devenir une conversation ? Les textes et
conférences de l’artiste développent les problématiques qui lui sont chères – le
langage, le corps, la perception ou le contexte. Ces recherches sont ensuite spatialisées
dans des dispositifs pouvant accueillir des œuvres, des diagrammes, des affiches ou
des projections aussi bien que des performances.

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André Cadere
Artiste roumain né en Pologne, André Cadere s’installe à Paris en 1967. En 1970, il
délaisse la peinture abstraite pour se consacrer à la production de « barres de bois
rond » composées de segments colorés. De tailles et d’épaisseurs variables, celles-ci
peuvent tenir dans la poche comme atteindre deux mètres de haut. Trois à sept
couleurs s’y enchaînent selon un système mathématique de permutations, où se glisse
toujours une erreur. Pouvant être posées, accrochées ou promenées à la manière d’un
bâton de pèlerin, les barres de Cadere défient les hiérarchies : sans envers ni endroit,
sans haut ni bas, l’artiste les a souvent introduites dans des institutions sans y avoir
été convié. Les six barres de bois rond ont été disséminées dans l’exposition.

Attention les barres de bois rond sont réparties dans la Galerie 1, adossées à un mur. Il
faudrait prévenir les élèves de veiller à ne pas les renverser.

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SALLE 1
UNBOXING

Discours, diagrammes ou structures : depuis le milieu des années 2000, Falke Pisano
élabore des systèmes susceptibles de percer les mystères de la sculpture moderniste.
Du fait de son abstraction, celle-ci peut en effet ressembler à une énigme impénétrable,
un jeu purement formel, indifférent au cours des choses. Pourtant, elle est toujours le
fruit d’un projet personnel ou collectif. Elle s’incarne dans des matériaux tangibles, elle
existe dans un contexte ; nous en faisons l’expérience sensible, nous en débattons ; elle
nous transforme. Évoquant les structures légères de propagande, tribunes et kiosques
constructivistes des années 1920, les boîtes de Falke Pisano forment un dispositif
pédagogique à déployer dans l'espace. Elles s’articulent en tables et panneaux
thématiques où peuvent se lire des conversations, réelles ou fictives, entre différentes
figures majeures de l’exposition.
Unboxing, littéralement « déballage », fait ainsi émerger des échanges entre les
artistes, qui, loin d’être anecdotiques, ont souvent eu un impact déterminant sur les
formes du modernisme, dont la pureté a pourtant fait croire qu’elles étaient sans
histoires.

Portrait de Falke Pisano

Quelques questions à Falke Pisano, septembre 2019

Centre Pompidou-Metz : La sculpture est centrale dans votre œuvre, pourtant on
pourrait dire que vos principaux matériaux sont le langage et le discours. Comment
les deux s’articulent-ils ?

Falke Pisano : En effet, l’objet sculptural a été central dans ma pratique, surtout dans
les premières années. La manière dont je conçois et utilise le langage comme un
matériau s’est développée en relation au sculptural. Paradoxalement, alors que j’aime
réellement l’objet matériel de la sculpture, j’ai toujours utilisé ces objets physiques
pour penser tout ce qu’ils n’étaient pas. Mes premières œuvres principalement basées
sur du texte, partaient toutes de questionnements tels que « Comment un objet peut-il

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exister dans différentes conditions ? », « Une sculpture peut-elle consister en du
langage ? », « Comment une sculpture peut-elle devenir une conversation ? ». Le
langage a donc été une manière d’explorer et de questionner les limites de la
matérialité et de l’objectité1, et la sculpture a été un moyen d’expérimenter la capacité
du langage à créer des fictions matérielles.

CP-M : Pour cette nouvelle commande, le directeur du Musée national d’art
moderne, Bernard Blistène, vous a invitée à donner votre interprétation de
l’exposition Des Mondes construits, et plus généralement de la collection du Centre
Pompidou. Que représente pour vous une telle collection ?

FP : Une collection de la taille de celle du Centre Pompidou, construite historiquement
sur plusieurs collections antérieures, accumulées suivant différentes politiques et
donations substantielles, et qui semble être, dans une certaine mesure, décentralisée et
décloisonnée, est pour moi comme une grande ville d’art. Comme dans une ville, il est
possible de voir les récits institutionnels qui ont été décidés selon des valeurs
économiques et culturelles spécifiques. En tant que visiteurs, nous devrions nous
demander à quel point ces valeurs sont inclusives, tandis que l’institution elle-même
devrait s’engager à dépasser ses propres limitations. En même temps, je pense qu’il est
aussi important de voir la collection comme un espace humain fait de différentes
histoires, de rencontres, d’amour, d’engagement et d’ambitions de multiples
personnalités. Il restera toujours des zones de lacune et d’encombrement, mais, comme
la vie, c’est un travail toujours en cours, qui requiert un engagement et des
questionnements continuels.

CP-M : Votre installation prend la forme de plusieurs boîtes thématiques, qui
rappellent des dispositifs pédagogiques ou des installations constructivistes de
l’Agitprop2. D’où viennent ces formes, à moitié objets, à moitié sculptures ?

FP : Mes objets et installations ont toujours une dimension performative. Je veux qu’ils
fassent quelque chose. La forme des boîtes et la manière dont elles s’ouvrent pour
devenir un hybride entre sculpture et dispositif narratif, reflètent l’idée derrière
l’installation : comment rendre présent tout ce qui fait qu’une sculpture existe, au-delà
de sa seule existence matérielle ? En même temps, je voulais faire comprendre qu’il
s’agissait de mon interprétation des oeuvres. Plutôt que la présentation classique de
documents d’archives, j’ai préféré développer un ensemble plus personnel, fait d’objets,
de diagrammes, de conversations fictives, de dessins proches de la bande dessinée. Ces
éléments s’organisent selon une perspective inhabituelle : des remakes de certaines
sculptures sont suspendus à l’envers, des boîtes sont placées au ras du sol, des images
sont placées à l’horizontale, etc. Ainsi, nous ne sommes plus des spectateurs passifs.
Nous pouvons nous permettre d’être plus ludiques et créatifs dans nos rapports aux
œuvres.

CP-M : Pourquoi avoir choisi de souligner dans Unboxing, au travers de ces
conversations, ce qu’on appelle la « petite histoire » : anecdotes, rencontres, apartés,
affinités, frictions, voyages ?

FP : Je trouve fascinant de voir à quel point, et spécialement dans les musées,
l’ouverture d’une exposition fonctionne comme un « moment seuil » entre le processus
complexe de son élaboration et le « fait accompli » de l’exposition elle-même. Quand
nous visitons une exposition, nous sommes rarement conscients de tout ce qui a joué un

1 “L’objectité” (objecthood) est une notion développée par différents artistes et critiques américains dans les années 1960, au moment
de l’éclosion de l’art minimal, pour décrire des œuvres qui n’étaient ni des peintures ni des sculptures, mais simplement des objets
tridimensionnels.

2   Propagande visuelle servant à diffuser les idées et l’esthétique de la Révolution russe.

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rôle dans le choix des œuvres, la manière dont elles sont présentées et contextualisées.
Nous acceptons ce qui nous est donné sans toujours penser aux longs processus
institutionnels, souvent complexes, qui ont été nécessaires. Il en va de même pour
l’œuvre. En tant qu’artiste, j’ai conscience des doutes que j’ai eus, des compromis que
j’ai faits, des personnes et des expériences qui ont influencé l’œuvre indirectement.
Rien de tout cela n’est évident pour la personne qui voit l’œuvre dans l’exposition. Je
pense que c’est l’une des qualités attractives de l’art : même si une œuvre vous fait
penser à de multiples choses au-delà d’elle-même, vous démarrez d’abord avec ce qui
est là. Cependant, en tant qu’artiste, plus qu’à l’objet lui-même, je m’intéresse à l’art
comme une pratique située, qui ne peut être comprise séparément de son contexte.
L’objet d’art n’est qu’un terme de ce qui opère dans un réseau plus large de relations,
certaines sociales, certaines phénoménologiques, certaines conceptuelles… Mais toutes
ont trait à une pratique expérimentale élargie, et finalement collective, qui concerne
nos relations et notre engagement avec le monde, le passé, le présent et les futurs
possibles.

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SALLE 2
FORMES ARCHAIQUES
Au début du XXe siècle, masques, totems et fétiches des tribus africaines, océaniennes
ou amérindiennes fascinent les Occidentaux par leur force expressive et leurs fonctions
rituelles. Les avant-gardes primitivistes trouvent dans leur simplicité géométrique et
leur matérialité brute le chemin de l’abstraction. Mais, plus encore que des confins
géographiques, l’archaïsme émerge des temps profonds, rescapé d’origines
immémoriales, de la Préhistoire ou de l’Antiquité. Grottes, alignements mégalithiques
ou tertres funéraires, les sites archéologiques donnent à certains artistes d’après-
guerre le goût des échelles monumentales, des chantiers collectifs, ainsi que des
dimensions cosmiques. Soucieux de la vérité des matériaux, ils privilégient la technique
de la taille directe, travaillant artisanalement des blocs de bois ou de pierre. Leurs
idoles et monuments synthétisent de multiples influences : paléolithiques, néolithiques,
cycladiques, celtiques, médiévales…

Mathias Goeritz
Avant de s’établir au Mexique en 1949, l’Allemand Mathias Goeritz vit quelques années
en Espagne, où il est émerveillé par la grotte d’Altamira. L’artiste y fonde l’éphémère
école des « Nouveaux Préhistoriques », regroupant des personnalités sensibles au tracé
fougueux et schématique des peintures rupestres. Au Mexique, il conçoit ensuite des
projets monumentaux incarnant son concept d’« architecture émotionnelle » :
combinant l’influence des pyramides préhispaniques à la modularité constructiviste, ses
sculptures aspirent à la spiritualité universelle des dolmens, des totems ou des
obélisques. Ici, l’oeuvre du temps se lit également sur la surface des différents
matériaux employés, dont certains sont rouillés.

Mathias Goeritz, Pyramides mexicaines, 1959
5 éléments en tôle clouée, partiellement peinte sur âme de bois
279 x 324 x 138 cm
Centre Pompidou, Musée national d’art Moderne, Paris
© Droits réservés
© Philippe Migeat - Centre Pompidou, MNAM-CCI / Dist. RMN-GP

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SALLE 3
VERTICAL / HORIZONTAL
Est vertical ce qui suit la direction du fil à plomb, pointant sous l’effet de la pesanteur,
vers le centre de gravité terrestre. La verticalité symbolise aussi l’humanité redressée,
quittant le sol, tendue vers des désirs d’élévation, tel un arbre croissant. La colonne
matérialise cet équilibre, solide et stable dans son rôle de support architectural. Il y a
donc entre l’arbre, la colonne et l’homme des liens symboliques forts, culminant dans
l’image de l’axe du monde (axis mundi), qui relie le terrestre et le céleste. Constantin
Brancusi en réalise la synthèse abstraite avec la Colonne sans fin, déclinée durant
quarante ans. Celle-ci pose d’importants jalons de la sculpture moderne, comme
l’abandon du socle et la répétition de modules géométriques, essentiels pour l’art
minimal américain des années 1960. Fasciné par la Colonne sans fin, le minimaliste
Carl André décidera néanmoins de déposer au sol cette droiture héroïque – Brancusi
rêvait d’une colonne plus haute qu’un gratte-ciel –, lui préférant une horizontalité

Constantin Brancusi
Constantin Brancusi réalise plusieurs versions de sa Colonne sans fin, de tailles et de
matériaux différents. La structure reste cependant identique, fondée sur la répétition
de formes rhomboïdales superposées les unes sur les autres dans un élan vertical. Sont
alors soulignées les qualités rythmiques, l’harmonie des proportions et la simplicité des
motifs. L’œuvre semble s’étirer à l’infini, chargée d’une transcendance qui relie le sol et
le ciel, le terrestre et le spirituel. La dernière version de la Colonne, inaugurée en 1938
à Târgu Jiu pour honorer la mémoire des jeunes Roumains morts lors de la Première
Guerre mondiale, s’élève à près de 30 mètres de haut.

Constantin Brancusi, La Colonne sans fin III, avant 1928
Bois (peuplier)
301,5 x 30 x 30 cm
Centre Pompidou, Musée national d’art Moderne, Paris
© Succession Brancusi - All rights reserved (Adagp)
© Georges Meguerditchian - Centre Pompidou, MNAM-CCI / Dist. RMN-GP

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SALLE 4
DESSINER DANS L’ESPACE
Orfèvre et ferronnier d’exception, Julio González prédit au début des années 1930
l’émergence dans la sculpture moderne d’un « nouvel âge du fer ». En 1928, il assiste
Pablo Picasso dans l’exécution de maquettes de fils de fer soudés, pour un projet de
monument à la mémoire de Guillaume Apollinaire. Hautement graphiques, ces
structures effilées évoquent les calligrammes du poète. González définit alors les
principes d’une sculpture linéaire, permettant d’écrire et de « dessiner dans l’espace »,
en cernant « l’expression essentielle » par la ligne, la transparence et le vide. Parfois
travaillées sur un plan unique, comme la Sculpture à deux dimensions de Berto Lardera,
ces œuvres jouent entre planéité et volume, l’ombre qu’elles projettent rappelant leur
matérialité ajourée. Tendues comme les cordes d’un instrument, rayonnant comme des
faisceaux lumineux, leurs lignes gagnent avec les moyens industriels une dimension
architecturale, particulièrement palpable dans la seconde moitié du XXe siècle.

Rasheed Araeen
D’abord peintre autodidacte, Rasheed Araeen fait des études d’ingénieur au Pakistan.
Lorsqu’il s’installe à Londres en 1964, la nouvelle sculpture britannique et l’œuvre
d’Anthony Caro le fascinent. Mais rapidement, il nourrit une pensée très critique envers
le colonialisme culturel de l’Occident, qui mènera à la création de performances et de
revues militantes. Pour Araeen, la modernité occidentale, et notamment le minimalisme,
n’ont pas le monopole de la géométrie, fondamentale dans la culture de l’Islam. Son
Cube de 1966, aux faces barrées d’une diagonale, deviendra le module de base de
structures sans hiérarchie nécessaire. Conçue à l’origine pour être manipulée par le
public, l’œuvre historique Un après-midi d’été est ici installée à la convenance des
commissaires de l’exposition.

Rasheed Araeen, One Summer Afternoon, 1968
Bois, peinture, colle
Centre Pompidou, Musée national d’art Moderne, Paris
© Rasheed Araeen
© Georges Meguerditchian - Centre Pompidou, MNAM-CCI / Dist. RMN-GP

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SALLE 5
ARCHITECTURE

« Avec un fil à plomb dans les mains, avec des yeux aussi précis qu’une règle,
l’esprit tendu comme un compas, nous construirons notre oeuvre comme l’univers
construit la sienne, l’ingénieur un pont, le mathématicien ses calculs d’orbites. »
Naum Gabo et Antoine Pevsner, Manifeste réaliste, 5 août 1920.

La sculpture et l’architecture sont traditionnellement définies comme deux disciplines
distinctes – l’une décorative, l’autre utilitaire – réunies sous l’angle de la
complémentarité, et parfois de la compétition. De nombreuses avant-gardes oeuvrent
cependant à leur fusion dans la première moitié du XXe siècle. Le suprématisme et le
constructivisme en Russie, De Stijl et le néo-plasticisme aux Pays-Bas, le Bauhaus en
Allemagne puis au États-Unis, Cercle et Carré et Abstraction-Création à Paris, ou l’art
concret en Suisse, partent à la conquête d’un espace à trois dimensions. Leurs
structures abstraites à la géométrie orthogonale, uniquement faites de lignes et
d’angles droits, de plans flottants aux couleurs primaires, évoquent les maquettes d’une
architecture moderniste, devenue bien plus flexible depuis l’apparition du béton armé,
de l’ossature d’acier et de l’enveloppe de verre.

Kasimir Malévitch
Pour Malévitch, le carré, « nouvelle icône » d’un monde sans objet, est le point de
départ du vocabulaire du suprématisme. Les volumes des Architectones (du grec
arkhitektoneo, « être architecte, bâtisseur ») développés à partir de 1923 résultent de la
projection de carrés dans l’espace, transformés en cubes puis en parallélépipèdes. Plus
qu’une maquette d’architecture, Gota est un modèle théorique pour une nouvelle
plastique spatiale. Quand elle entre dans la collection du Centre Pompidou, en 1977,
l’oeuvre est incomplète : 56 des 243 éléments de plâtre qui la composent sont
manquants. Ceux-ci seront reconstitués grâce à la collaboration de Troels Andersen
(historien), Poul Pedersen (artiste) et Chantal Quirot (restauratrice).

                                      Kasimir Malévitch, Gota, 1923 / 1978
                                      Plâtre, 85,2 x 48 x 58 cm
                                      Centre Pompidou, Musée national d’art Moderne, Paris
                                      © Jacques Faujour - Centre Pompidou, MNAM-CCI / Dist. RMN-GP

                                                                                                     13
                      DES MONDES CONSTRUITS / DOSSIER DÉCOUVERTE
SALLE 6
MONUMENT
Tandis qu’au XIXe siècle, les monuments glorifient et commémorent l’histoire de la
nation par une figuration héroïque et des implantations pérennes, les artistes modernes
développent une abstraction et un dynamisme plus aptes à incarner des idéaux tournés
vers le futur : le progrès technique, mais aussi la démocratie et le pacifisme. Le
Monument à la Troisième Internationale, modélisé par Vladimir Tatline en 1919 après la
révolution d’Octobre, est exemplaire en termes d’échelle et de vision utopique. Sa
double spirale d’acier devait dépasser la Tour Eiffel et abriter une sphère, un cube, une
pyramide et un cylindre de verre censés loger diverses administrations. Jamais réalisé,
ce projet mythique fonde l’orientation politique d’un constructivisme impliqué dans
l’espace public, tout en revendiquant des dimensions cosmiques. Celles-là mêmes qui
seront directement investies plus tard, dans les années 1960, par des artistes faisant du
site et du paysage de leurs interventions des monuments dédiés aux éléments ou aux
forces géologiques.

Antoine Pevsner
En 1920, Antoine Pevsner rédige à Moscou, avec son frère Naum Gabo, le Manifeste
réaliste, jalon fondateur du constructivisme. Il s’installe définitivement à Paris en 1923,
où il prendra part aux activités de Cercle et Carré et Abstraction-Création. Pensée en
termes de dynamique, de transparence et de profondeur, sa sculpture est faite de fines
tiges de métal soudées et de surfaces striées à la lime. Le Monument symbolisant la
libération de l’esprit est la seconde version d’une maquette réalisée pour un concours
international de sculpture lancé en 1952 par l’Institut d’art contemporain de Londres
sur le thème du prisonnier politique inconnu. Au centre d’un maillage géométrique
marquant l’enchaînement, est suspendue une cellule, dont la transparence suggère la
force d’émancipation.

                                                                Antoine Pevsner, Monument
                                                                symbolisant la libération de l'esprit
                                                                (Monument pour le prisonnier politique
                                                                inconnu), 1955 - 1956
                                                                Bronze, laiton brasé et résine
                                                                synthétique, 132 x 140 x 90 cm
                                                                Centre Pompidou, Musée national d’art
                                                                Moderne, Paris
                                                                © Adagp, Paris 2019
                                                                © Georges Meguerditchian - Centre
                                                                Pompidou, MNAM-CCI / Dist. RMN-GP

                                                                                                  14
                      DES MONDES CONSTRUITS / DOSSIER DÉCOUVERTE
SALLE 7
LA FORME LIBRE

Sans former un courant spécifique, et tout en appartenant à différents groupes, les
promoteurs de la Forme libre s’émancipent, dans les années 1950, de toute contrainte
fonctionnaliste pour s’inspirer de formes organiques et de formules mathématiques. La
géométrie, et notamment la topologie qui étudie les relations de positions, est par
exemple pour Max Bill « l’élément primaire de toute œuvre plastique ». En 1934, en
quête d’un mouvement sans fin, il redécouvre intuitivement le ruban de Möbius en
bouclant sur lui-même un ruban de papier, auquel il a fait subir une torsion d’un
demi-tour. C’est le point de départ de sa série Ruban sans fin déclinée de 1935 à 1953,
dans des pierres dures, parfaitement polies mécaniquement. La ligne droite n’a plus le
monopole de la rigueur architectonique ; la courbe, la forme infinie et ouverte s’invitent
dans des réflexions sur des espaces inconnus et des géométries plus complexes, que
l’art aide à imaginer.

Max Bill, Unendliche Schleife, version IV [Ruban sans fin, version IV], [1960 - 1961]
Socle en granit : 18 x 175 x 40 cm - 130 x 175 x 90 cm
Centre Pompidou, Musée national d’art Moderne, Paris
© Adagp, Paris 2019
© Jacqueline Hyde - Centre Pompidou, MNAM-CCI / Dist. RMN-GP

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SALLE 8
MOUVEMENT, ÉQUILIBRE
« Aujourd’hui, nous ne pouvons plus croire en des lois permanentes, des religions
définies, une architecture durable ou des royaumes éternels. L’immuabilité n’existe
pas. Tout est mouvement. Tout est statique. Nous sommes effrayés par le
mouvement parce qu’il signifie la décomposition – parce que nous voyons notre
désintégration dans le mouvement. » Jean Tinguely, 1959.

Au début du XXe siècle, de nombreuses avant-gardes cherchent à transcrire dans leurs
sculptures les dynamiques qui agitent l’industrie, la science et la technique. Galvanisés
par « la beauté de la vitesse », les futuristes exaltent le mouvement agressif des
machines. Les constructivistes préfèrent évoquer la vitesse de la lumière (300 000 km/s)
comme manifestation la plus absolue du mouvement. Mais, loin de ces débats
mécaniques ou cosmiques, la première œuvre véritablement cinétique (en mouvement)
s’offre d’abord comme un bricolage ludique : une roue de bicyclette fixée sur un
tabouret, actionnable par qui désire contempler la rotation infinie du cycle. La roue de
bicyclette « ready-made » de Marcel Duchamp ouvre, en 1913, l’ère des rouages
improductifs, autorisant l’équilibre spontané (« Et qui libre ? » demande Duchamp) des
mobiles de Calder ou des Machines inutiles de Bruno Munari. Ces objets célèbrent
l’impermanence, l’aléatoire et la transformation propres à la vie, tout en stimulant la
perception et l’interaction d’un spectateur, lui-même toujours en mouvement.

Alexander Calder
En 1930, après avoir découvert à Paris l’atelier de Mondrian, Calder bascule vers une
abstraction qu’il désire mettre en mouvement. À ses figurines de cirque miniature et
ses silhouettes de fil de fer succèdent les mobiles. Motorisés et géométriques, les
premiers évoquent des univers réglés. Les suivants adoptent des formes organiques, à
l’instar d’Arêtes de poisson, et oscillent librement sous l’effet des courants d’air. Des
tôles vivement colorées, découpées en forme de feuilles ou d’écailles, font office de
poids suspendus aux extrémités de tiges métalliques servant de balanciers. Leurs
structures évoquent des arborescences ou des ossatures. Loin de toute frénésie, le
mouvement chez Calder ondule autour d’un point d’équilibre, lévitant vers le repos et
l’immobilité.

                                            Alexander Calder, Fish Bones [Arêtes de poisson], 1939
                                            Tôle, tiges et fils métalliques peints, 207,2 x 192 x 137,1 cm
                                            Centre Pompidou, Musée national d’art Moderne, Paris
                                            © Calder Foundation, New York / Adagp, Paris
                                            © Service de la documentation photographique du MNAM - Centre
                                            Pompidou,
                                            MNAM-CCI / Dist. RMN-GP

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SALLE 9
STRUCTURES

En architecture, la « structure » désigne les éléments qui font l’ossature d’un bâtiment,
laissant de côté tout habillage. Plus largement, une structure est l’agencement des
parties au sein d’un tout, une organisation, un système. En 1966, l’exposition collective
Primary Structures (« structures primaires ») rassemble à New-York divers objets
tridimensionnels constitués de modules géométriques, agencés selon des principes de
sérialité et de permutation. Poutres d’acier, polyèdres d’aluminium, monolithes de
formica, cubes de verre ou lignes de briques, ces œuvres minimalistes proches du
design industriel semblent sortir de l’usine. D’une logique simple et d’une neutralité
totale, elles sont décrites par l’artiste américain Donald Judd comme des « objets
spécifiques », leur spécificité étant de pouvoir être saisies au premier regard et de ne
renvoyer à rien d’autre qu’elles-mêmes. Mais cette littéralité revendiquée masque
parfois la persistance de références cachées d’une intériorité, d’un mystère, d’une
tension critique, érotique ou humoristique.

Robert Smithson
Fasciné par la géologie et la paléontologie, Robert Smithson s’inspire aussi bien des
sciences naturelles que de la science-fiction. Certains de ses projets de terrassements
prennent place au sein de paysages sculptés par l’érosion ou l’exploitation fossile.
L’entropie est au coeur de sa démarche : cette loi physique qui exprime l’évolution
irréversible de la matière vers la déperdition d’énergie et le chaos est symbolisée, chez
Smithson, par le vortex ou la spirale. Comme des cristaux, les trois prismes de Mirror
Vortex piègent notre regard, en éclatant toute perspective spatiale. L’oeuvre iconique
du Land Art Spiral Jetty enroule sur le Grand Lac Salé (États-Unis) une jetée en forme
de tourbillon, suggérant l’engloutissement des eaux vers un siphon mythique. À ces
désorientations spatiales correspondent ainsi des voyages temporels, entre ruine
accélérée et temps cristallisé.

Robert Smithson, Mirror Vortex, 1964
Acier peint, miroir, 87,5 x 144,8 x 63,5 cm
Centre Pompidou, Musée national d’art Moderne, Paris
© Adagp, Paris 2019
© Centre Pompidou, MNAM-CCI / Jean-Claude Planchet / Dist. RMN-GP

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SALLE 10
PROCESS
À la fin des années 1960, certains artistes rejettent l’attachement aux formes pures de
la sculpture minimaliste, dont les matières solides et faites pour durer semblent tenir
d’un idéalisme dépassé. Les représentants de l’Antiforme favorisent au contraire une
matérialité meuble et souple, dont les propriétés ne sont pas définitivement arrêtées,
mais embarquées dans un processus toujours en cours, fait d’impermanence et d’aléas.
Caoutchouc, fil, corde, toile, feutre, sable, plâtre, cire, etc : autant de matériaux
instables, susceptibles de se transformer. Pour le sculpteur américain Robert Morris, il
s’agit de trouver la juste balance entre l’outil, la manière de faire et la nature du
matériau, tout « en dépassant l’individualité de la main pour une révélation plus
directe de la matière elle-même ». Dans son essai Anti Form (1968), il fait de Jackson
Pollock un précurseur : à la fin des années 1940, le peintre avait laissé s’écouler
librement la peinture depuis son pinceau tenu au-dessus de la toile posée au sol,
explorant la fluidité propre à son médium.

Robert Morris
Profondément protéiforme, l’oeuvre de Robert Morris navigue entre art conceptuel,
performance, art minimal et post-minimalisme. Ses essais critiques, mêlant histoire de
l’art, philosophie et fiction, sont considérables. Ce relief de feutre témoigne de son
intérêt pour la « phénoménologie du faire », qu’il théorise dans un texte de 1970.
Brouillant de manière inédite les frontières entre tableau et sculpture, l’œuvre doit son
aspect aux propriétés physiques de son matériau et à son mode de présentation. Les
cinq grandes incisions parallèles, pratiquées régulièrement dans le feutre, révèlent au
mur des béances qui témoignent de forces contradictoires : la tension du système
d’accrochage, la charge d’une matière pesante et la résistance d’incisions mises à
l’épreuve.

Robert Morris, Wall Hanging [Pièce de feutre suspendu au mur, Felt Piece], 1969 - 1970
Feutre découpé, 250 x 372 x 30 cm
Centre Pompidou, Musée national d’art Moderne, Paris
© Adagp, Paris 2019
© Philippe Migeat - Centre Pompidou, MNAM-CCI / Dist. RMN-GP

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SALLE 11
L’EMPREINTE DU LIEU
Rachel Whiteread réalise sa première sculpture en 1988 en coulant du plâtre à
l’intérieur d’une armoire basculée à l’horizontal puis démembrée pour libérer le
moulage intérieur solidifié. Cette technique du moulage à creux-perdu, nécessitant de
détruire le moule pour en dégager l’épreuve négative, lui sert d’abord à révéler les
cavités d’objets domestiques : la poche bombée d’une bouillotte ou le volume mou d’un
matelas fatigué. L’artiste moule ensuite le vide intérieur d’un salon, puis l’intégralité
d’une maison vouée à la démolition. La grande pièce présentée ici est tirée du siège de
la BBC, bâti à Londres en 1932. Invitée à sonder la mémoire du lieu à l’occasion de
travaux, Whiteread choisit de capturer la très énigmatique « salle 101 », devenue
légendaire après que Georges Orwell, qui avait lui-même travaillé à la BBC de 1941 à
1943, en eut repris le nom pour baptiser la salle de tortures de son roman 1984. En 2003,
l’artiste métamorphose en bunker impénétrable cet espace devenu un local technique,
pétrifiant de l’intérieur toutes les irrégularités des murs, dans une démarche presque
archéologique : « momifier l’air. »

Rachel Whiteread, Untitled (Room 101) [Sans titre (Chambre 101)], 2003
Jesmonite, revêtement coaxial, contreplaqué, acier nickelé, 300 x 643 x 500 cm
Centre Pompidou, Musée national d’art Moderne, Paris
© Rachel Whiteread, courtesy the artist and Gagosian Gallery
© Georges Meguerditchian - Centre Pompidou, MNAM-CCI / Dist. RMN-GP

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SALLE 12
INSTABILITÉ
Du moulage hyperréaliste à la performance vidéo en passant par le néon, Bruce
Nauman contribue, depuis le milieu des années 1960, à une pratique élargie de la
sculpture. Fasciné par les dispositifs de contrôle, cet artiste questionne la façon dont
l’espace conditionne nos comportements, modélisant des installations architecturales
censées générer des sensations de désorientation, de confinement ou de déséquilibre.
Dès 1969, d’étroits corridors en cul-de-sac imposent aux visiteurs l’expérience d’une
impasse physique et mentale. De 1977 à 1981, plusieurs projets de tunnels en forme
d’anneaux, dépourvus d’accès et de destination, proposent le projet absurde de «
tourner en rond ». Symbole d’infini et de répétition, cette circularité est ici redoublée
par le titre Ronds de fumée suggérant l’élévation verticale de formes horizontales, tout
autant que le souffle fugace de fumeurs oisifs. Réalisés en plusieurs segments de plâtre
– le matériau de l’esquisse en sculpture –, simplement posés au sol sur des cales de
bois, dans un équilibre précaire, ces deux cercles fragiles sont les maquettes de
monuments imaginaires.

Bruce Nauman, Smoke Rings (Model for Underground Tunnels) (Ronds de fumée (Modèle de tunnels souterrains)), 1979
Plâtre vert : diam. : 340; h : 35 plâtre blanc : diam. : 330; h.: 50 cm
Centre Pompidou, Musée national d’art Moderne, Paris
© Adagp, Paris 2019
© Service de la documentation photographique du MNAM - Centre Pompidou, MNAM-CCI / Dist. RMN-GP

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SALLE 13
LA PEAU DES CHOSES
Si les sculpteurs constructivistes ont défendu des structures transparentes, avec leurs
œuvres semblables à des charpentes ou des ossatures dénudées, d’autres ont au
contraire pratiqué l’art de la dissimulation et de l’opacité. Envelopper, emballer,
empaqueter, empocher, emboîter… : certains artistes, affiliés à Dada et au surréalisme,
recouvrent de mystérieux contenus. En 1920, Man Ray emmaillote dans une couverture
un objet qu'il ne souhaite pas divulguer (l’Énigme d’Isidore Ducasse). Est-ce pour le
protéger ou le cacher ? Pour générer de la curiosité ou de la frustration ? Produites par
des artistes de différentes générations, les œuvres de cette salle enveloppent et
préservent des objets domestiques, sacralisés en dépit de leur banalité. Les empreintes
d’Heidi Bucher prélevées dans la maison de ses ancêtres ont l’apparence de suaires.
Les feuilles de métaux précieux qu’Edith Dekyndt applique sur des couvertures de laine
en font des icônes abstraites. Enfin, le cocon de chrysocale – un alliage de cuivre,
d’étain et de zinc – tressé par Guillaume Leblon dans les proportions d’un sarcophage
renferme des objets du quotidien gardés secrets.

Guillaume Leblon, Grande Chrysocale, 2006
80 x 370 x 70 cm
Centre Pompidou, Musée national d’art Moderne, Paris
© Adagp, Paris 2019
© G. Meguerditchian et Ph. Migeat - Centre Pompidou, MNAM-CCI / Dist. RMN-GP

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SALLE 14
DÉCONSTRUIRE
Depuis le début des années 2000, Monika Sosnowska explore les vestiges
architecturaux de l’ère communiste, notamment à Varsovie, où elle vit : « Une ville très
chaotique, dit-elle, se reconstruisant rapidement sur les ruines du modernisme, ou
plutôt, coexistant en symbiose avec elles. » Guidés par des principes fonctionnalistes
autant que par un idéal social, certains de ces bâtiments des années 1960 ont vieilli
prématurément, à cause d’une standardisation excessive, d’échelles inhumaines ou de
piètres mises en œuvre. Fascinée par ces déroutes, l’artiste conçoit ce qu’elle appelle
« des espaces psychoactifs » : des pièges à la fois physiques et logiques (enfilades de
portes infinies, escaliers impraticables…). Rubble se présente comme une énigme :
pourquoi les débris au sol, apparemment issus d’un effondrement du plafond, ont-ils la
grâce de précieux cristaux ? Inspirée par la vision brutale d’une fenêtre fracturée
autant que par le trompe-l’œil d’une voûte baroque, d’où semblent choir des figures
peintes, l’artiste suggère qu’un ordre caché peut émerger de la chute, de l’accidentel et
de la destruction.

Monika Sosnowska, Rubble, 2008
Placoplâtre, bois, peinture, 23 x 560 x 900 cm
Vue de l’installation dans l’expositions 'Projects 83: Monika Sosnowska'. MoMA, NY, 30 Août 2006 – 27 Novembre 2006
© Monika Sosnowska
Photographe: Jonathan Muzikar
© The Museum of Modern
Art, New York. Object Number: IN1979.2. New York, Museum of Modern Art (MoMA). © 2019. Digital image, The Museum of Modern Art,
New York / Scala, Florence

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                               DES MONDES CONSTRUITS / DOSSIER DÉCOUVERTE
3.LES ARTISTES PRÉSENTÉS
                    Giovanni Anselmo
                         Carl André
                      Rasheed Araeen
                        Joseph Beuys
                          Max Bill
                   Constantin Brancusi
                        Heidi Bucher
                       André Cadere
                       Marcelle Cahn
                     Alexander Calder
                        Anthony Caro
                 Saloua Raouda Choucair
                       Edith Dekyndt
                       César Domela
                      Barry Flanagan
                    Alberto Giacometti
                     Mathias Goeritz
                       Julio González
                         Jean Gorin
                    Gottfried Honegger
                 Francisco Infante-Arana
                         Enio Iommi
                  Robert Julius Jacobsen
                        Donald Judd
                        Gyula Kosice
                       Berto Lardera
                     Guillaume Leblon
                    Kasimir Malévitch
                     Étienne-Martin
                   Gordon Matta-Clark
                       Robert Morris
                       Bruno Munari
                      Bruce Nauman
                     Antoine Pevsner
                        Falke Pisano
                     Gerhard Richter
                    Reiner Ruthenbeck
                       Richard Serra
                     Robert Smithson
                    Monika Sosnowska
                   Vladimir A. Stenberg
                   Gueorgii A. Stenberg
                            Takis
                       Jean Tinguely
                  Georges Vantongerloo
                    Isabelle Waldberg
                    Rachel Whiteread

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        DES MONDES CONSTRUITS / DOSSIER DÉCOUVERTE
4.POUR ALLER PLUS LOIN
LES COURANTS ARTISTIQUES QUI PARCOURENT L’EXPOSITION

Dans les « repères », les noms écrits en gras renvoient aux artistes présents dans
l’exposition.

ABSTRACTION-CRÉATION
Cette association d’artistes s’inscrit naturellement après les groupes Cercle et Carré
(1929) et Art concret (1930). Fondée à Paris en 1931 par Auguste Herbin et Georges
Vantongerloo, elle assure la promotion de l'art abstrait à travers des expositions de
groupe. De très nombreux artistes européens et quelques artistes américains y
adhèrent, totalisant plus de 400 membres. De 1932 à 1936, la revue Abstraction-
création, art non figuratif les fédère. Avec de grandes expositions et des conférences,
Abstraction-création fait de Paris un véritable pôle dans le domaine de l'abstraction.
Repères
Jean ARP, Max BILL, Marcelle CAHN, Alexander CALDER, César DOMELA, Naum GABO, Jean GORIN, Barbara
HEPWORTH, Ben NICHOLSON, Antoine PEVNER, Georges VANTONGERLOO

ANTI-FORME
Dans un article publié en 1968 qu’il intitule Anti Form, Robert Morris s’oppose aux
choix du minimalisme qui utilise des formes aux volumes essentiellement orthogonaux,
aux contours découpés, aux matières industrielles rigides et durables. Il propose de
valoriser la matière, de la montrer pour ce qu’elle est, de profiter de ses imperfections,
jusqu’à exhiber sa dégradation. Il crée ainsi des sculptures molles avec des bandes de
feutre fixées au mur, montrant la matière à un moment donné de sa chute et renonçant
ainsi au contrôle de l’aspect final de l’œuvre.
Repères
Barry FLANAGAN, Eva HESSE, Robert MORRIS, Bruce NAUMAN, Claes OLDENBURG, SARKIS

ART CONCRET
En 1930 à Paris, les membres du groupe Art Concret, rassemblés autour de Theo Van
Doesburg, revendiquent une forme d'art non figuratif, une abstraction géométrique à la
puissance supérieure, substituant à la sensibilité et à l'appréciation subjective de
l'artiste l'application de systèmes prédéterminés : une « peinture concrète et non
abstraite parce que rien n'est plus concret, plus réel qu'une ligne, qu'une couleur,
qu'une surface ». Un manifeste reprenant ces idées est publié dans le premier et unique
numéro du magazine «Art Concret», la mort soudaine de Théo Van Doesburg, en 1931,
interrompant brutalement l'évolution du mouvement.
Fortement influencé par le Bauhaus, avec un univers artistique sous-tendu par des
concepts mathématiques rationnels et des formes géométriques pures, l'artiste Max Bill
devient par la suite le porte-drapeau de l'art concret, qu’il va largement diffuser en
Suisse à travers diverses manifestations et publications, organisant la première
exposition internationale à Bâle en 1944, «Konkrete Kunst». Peintre, sculpteur,
architecte, typographe, designer, Max Bill applique les principes de l'art concret à tous
les domaines en prise directe avec la réalité et la société. Des orientations qui
renouvelle les idées du Bauhaus, tout comme celles du Constructivisme en Russie ou de
l'Unisme en Pologne.
Repères
Theo Van DOESBURG, Max BILL, Richard Paul LOHSE

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