Des solutions alimentaires à la carence en vitamine A

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Des solutions alimentaires à la carence en vitamine A
H . D E L I S L E , N . Z A G R É , S . B A K A R I , P. C O D J I A E T R . Z E N D O N G

Des solutions alimentaires
à la carence en vitamine A
                                                         a carence en vitamine A        il y a maintenant des résultats probants

                                         L
                                                         demeure       au     niveau    sur l’efficacité de programmes de
                                                         mondial un problème            diversification alimentaire. Le contraste
                                                         nutritionnel de taille, bien   avec le fer est très net: le fer non
                                                         que des progrès sub-           héminique étant mal absorbé et les
                                         stantiels aient été enregistrés au cours de    denrées animales sources de fer
                                         la dernière décennie. La jonction de la        héminique étant peu accessibles aux plus
                                         distribution de capsules de VA avec la         pauvres, on ne peut pas compter que sur
                                         vaccination contre la polio, notamment, a      l’alimentation. Partout dans le monde,
                                         permis une bonne couverture des                des suppléments de fer sont nécessaires
                                         populations enfantines ciblées à un coût       pour une partie de la population, tout au
                                         relativement modeste. Cependant, il est        moins pendant la grossesse.
                                         largement reconnu que des approches                 Cet article entend décrire des
                                         alimentaires doivent faire partie de           approches de diversification alimentaire
                                         l’ensemble des moyens de lutte contre          pour la vitamine A et plaider en leur
                                         l’avitaminose A, dans une perspective de       faveur, à la lumière des connaissances
          Hélène Delisle (Ph.D.)         pérennité. Force est pourtant de constater     actuelles et de travaux exécutés sur la
                                         que si l’approche d’enrichissement             faisabilité et l’impact de telles approches,
                      est professeure
                                         progresse, la diversification alimentaire      de même que sur les raisons qui
                titulaire à la Faculté   stagne. La diversification est pourtant        expliquent le déploiement encore limité
                                         plus prometteuse dans le cas de la             de celles-ci. Il importe de bien distinguer
        de médecine (Nutrition);
                                         vitamine A que du fer. En effet, la            l’efficacité observée dans des essais
                Noël Zagré (Ph.D.);      disponibilité des fruits et légumes riches     contrôlés et dans les projets pilotes et
                                         en provitamine A n’est généralement pas        programmes, lesquels révèlent la
          Seidou Bakari (Ph.D.);
                                         une contrainte insurmontable et ces            performance ou l’efficacité en situation
Patrick Codjia (DEA et M.Sc.)            aliments ne sont habituellement pas hors       réelle.
                                         de portée des groupes à faible revenu
     et Rosine Zendong (M.Sc.).                                                         1 La bioefficacité recouvre la biodisponibilité, c’est-à-
                                         (Bouis, 2000). Même si la bioefficacité1
                                                                                          dire la quantité de caroténoïdes absorbés, et la bio-
         Université de Montréal.         des caroténoïdes est hautement variable,         conversion des caroténoïdes précurseurs en rétinol.

40    fna ana   32 2003                  PHOTO: FAO/8774/E. Kennedy
Les essais contrôlés                           d’ascaris. Les bienfaits du déparasitage,                 lorsque l’organisme est carencé en
                                               comme des suppléments de gras, sur                        vitamine A (Ribaya-Mercado et al., 2000),
montrent l’efficacité                          l’utilisation physiologique de la                         de sorte que l’on peut s’attendre à une
des sources végétales                          provitamine A de feuilles vertes et                       meilleure réponse dans des groupes où la
de vitamine A                                  d’autres végétaux ont été confirmés dans                  carence est répandue. Il reste que l’on
De tels essais ont surtout été menés chez      des essais menés chez des enfants,                        peut se demander dans quelle mesure la
des enfants d’âge préscolaire, des écoliers    notamment au Bangladesh (Persson et al.,                  carence peut être entièrement jugulée par
et des femmes enceintes ou allaitantes. Les    2001) et au Ghana (Takyi, 1999).                          les aliments d’origine végétale, lorsque les
aliments mis à l’épreuve sont légumes-         Pourtant, dans l’étude effectuée au                       apports en gras sont bas et les parasitoses
feuilles vert foncé, d’autres fruits et        Ghana, la moitié des enfants à qui l’on                   intestinales très courantes.
légumes riches en provitamine A et l’huile     avait donné le supplément de feuilles                          L’huile de palme non raffinée occupe
de palme non raffinée. Il s’avère que les      restaient carencés. Cela faisait soupçonner               une place à part parmi les sources
végétaux améliorent le statut en vitamine      l’inaptitude des feuilles à couvrir les                   végétales de vitamine A, en raison de
A, mais il n’est pas certain qu’ils puissent   besoins en vitamine A, ce que les travaux                 l’absence d’une matrice végétale, d’un
suffire à prévenir la carence, dans les        au Niger ont confirmé (Delisle et Bakari,                 milieu lipidique favorable à l’absorption
conditions alimentaires et sanitaires          2000). Il a été démontré, chez des enfants                et de la forte concentration du produit en
prévalant dans les pays pauvres.               d’âge scolaire, que des suppléments de                    caroténoïdes. En Inde, on a développé un
     Le rapport d’absence d’effet de           feuilles vertes (avec 5 ml de gras)                       procédé de désodorisation et de
suppléments de feuilles vertes chez des        correspondant à environ 3 mg de                           désacidification de l’huile de palme rouge
femmes allaitantes en Indonésie (de Pee,       E-carotène par jour pendant six semaines                  (HPR), qui sauvegarde les caroténoïdes.
1995) a suscité des remous, car la faible      étaient aussi efficaces qu’une quantité                   En Malaisie, premier producteur mondial
bioefficacité des caroténoïdes des feuilles    équivalente de E-carotène synthétique à                   d’huile de palme, une technique
vertes était soupçonnée, mais jusque-là        augmenter la rétinolémie (figure 1), mais                 industrielle de purification du produit
non démontrée. Toutefois, le statut en         que plus du quart des enfants                             sans déperdition majeure des caro-
vitamine A des femmes au début de              demeuraient carencés alors que 45 pour                    ténoïdes est au point, mais on dit son coût
l’étude, la quantité de gras dans              cent l’étaient au début de l’étude – soit le              très élevé; l’huile est rosée, mais limpide.
l’alimentation, de même que les parasites      niveau de supplémentation était trop bas,                 En Afrique, coexistent les huiles de palme
intestinaux, ont pu jouer. Wasanwisut          soit la durée trop brève. La quantité de                  commerciales raffinées (et dépourvues de
et al. (2000) montraient qu’une                E-carotène supplémentaire avait été                       vitamine A) et l’HPR artisanale non
supplémentation quotidienne de feuilles        calculée en se basant sur l’ancien facteur                raffinée, très riche en caroténoïdes mais
vertes, de fruits et légumes orangés, ainsi    de conversion E-carotène: rétinol de 6:1.                 de moins longue conservation. Dans
que de gras augmentait tant le rétinol du      D’après le facteur de conversion                          certaines régions d’Afrique où ce produit
sérum que du lait des femmes allaitantes,      maintenant préconisé de 12:1 (National                    est largement consommé, l’habitude
au nord-est de la Thaïlande. En Chine, des     Academy of Sciences, 2001), c’est le                      néfaste de «blanchir» l’huile par un
essais contrôlés chez des enfants de classes   double de la dose qu’il eût fallu donner                  chauffage       énergique      se     répand
de maternelle (5 et 6 ans) ont également       pour atteindre le niveau de l’apport de                   malheureusement, ce qui a pour
montré l’aptitude des feuilles vertes à        sécurité.                                                 conséquence de détruire la plus grande
augmenter le rétinol sérique et à                   Des      travaux     montrent       que              partie des caroténoïdes précurseurs de la
maintenir les réserves hépatiques de la        l’utilisation des caroténoïdes est meilleure              vitamine A.
vitamine, d’après l’évaluation par une
méthode isotopique (Tang et al., 2000).         FIGURE 1

L’influence négative des parasites              Effet de suppléments de feuilles vertes sur la
intestinaux sur la bioefficacité des            rétinolémie d'écoliers au Niger (nombre = 360)
précurseurs alimentaires de vitamine A a                                     10                                                         Avant
                                                 Rétinol sérique (mmol/l)

été mise en évidence chez des enfants                                       0,9                                                         Après 6
                                                                            0,8                                                         semaines
d’âge préscolaire à Sumatra (Jalal et al.,                                  0,7
1998): les suppléments de vitamine A                                        0,6
                                                                            0,5
sous forme de patates douces
                                                                            0,4
(additionnées de gras) augmentaient                                         0,3
                                                                            0,2
significativement la rétinolémie, mais le
                                                                            0,1
déparasitage augmentait encore l’impact                                       0
                                                                                  Témoin   Feuilles vertes        bêta-carotène
chez les enfants fortement infestés                                                         Supplément

                                                                                                                              fna ana   32 2003    41
Plusieurs essais de supplémentation         FIGURE 2
avec l’HPR ont été menés, notamment en
                                                 Amélioration du statut en vitamine A des mères et
Inde (Mahapatra et Manorama, 1997), au
                                                 des enfants dans un projet pilote d’introduction
Honduras (Canfield et Kaminski, 2000),
                                                 commerciale de l’huile de palme non raffinée au
en République-Unie de Tanzanie (Lietz et
                                                 Burkina Faso (nombre = 144 mères et 140 enfants)
al., 2000) et en Afrique du Sud
(van Stuijvenberg et Benadé, 2000). Ces                                               100                                            Avant

                                                    % rétinol sérique < 0,70 mmol/l
                                                                                       90                                            Après 24 mois
études montrent invariablement son                                                     80
efficacité, qui est équivalente à celle de                                             70
                                                                                       60
suppléments de rétinol. En Inde, par                                                   50
exemple, un supplément de 8 g d’HPR                                                    40
pendant 15 jours avait le même impact                                                  30
                                                                                       20
chez des enfants d’âge scolaire qu’une                                                 10
dose unique équivalente de rétinol                                                      0
                                                                                            Enfants           Mères
synthétique, même trois mois plus tard;
aucun enfant n’accusait une faible
rétinolémie, après 15 jours comme après         de vitamine A. Les interventions de                   la production (et le revenu), que sur la
trois mois (Mahapatra et Manorama,              diversification alimentaire peuvent varier            consommation et sur l’état de nutrition et
1997). Les essais réalisés chez des femmes      à l’infini dans leurs composantes et                  de santé. Le Bangladesh offre un exemple
enceintes ou allaitantes fournissent aussi      modalités d’implantation. Cela ajoute à la            convaincant de ce qui peut être accompli
des résultats probants sur la bioefficacité     difficulté, non seulement de la description           grâce à la promotion des jardins familiaux
de l’HPR. Au Honduras, Canfield et              des interventions, mais également de leur             pour la vitamine A. Un projet pilote a
Kaminski (2000) notaient que des                évaluation. Le jardinage, par exemple, une            d’abord permis de vérifier que moyennant
suppléments d’HPR chez des femmes               stratégie populaire de diversification                un appui technique et financier, il était
allaitant un enfant âgé entre 1 et 24 mois      alimentaire à des fins nutritionnelles, peut          possible de stimuler la production de fruits
avaient un effet même plus marqué que le        être développé aux niveaux des ménages,               et de légumes en toute saison et
E-carotène       synthétique      sur    la     des écoles, des collectivités; l’éducation            d’augmenter par ce biais les apports
concentration de E-carotène du sérum            qui l’accompagne habituellement peut                  nutritifs des femmes et des enfants. Grâce à
maternel et du lait, de même que sur le         varier de manière substantielle dans les              des pépinières fournissant des intrants,
rétinol sérique des enfants.                    méthodes utilisées et dans l’intensité                à des jardins communautaires de
                                                (sans oublier la qualité). Il ne faut pas             démonstration, ainsi qu’à l’éducation, il a
Plusieurs exemples                              perdre de vue non plus que ces                        été possible d’augmenter le nombre de
d’interventions                                 interventions visent fréquemment                      jardins et la diversité des produits cultivés.
de diversification                              plusieurs objectifs, dont l’amélioration              La consommation de légumes par les
alimentaire réussies                            nutritionnelle n’est qu’une dimension.                enfants de ménages avec jardin amélioré
Les stratégies alimentaires pour la             On peut regrouper ces programmes                      était de 60 pour cent supérieure à celle
vitamine A comprennent l’enrichissement         suivant leurs caractéristiques dominantes,            d’enfants de ménages avec jardins
et la diversification alimentaires. La diver-   comme on le fait ici, mais les                        traditionnels (Talukder et al., 2000). Le
sification alimentaire recouvre l’ensemble      chevauchements sont nombreux entre                    projet a depuis été étendu à l’échelle
des approches d’amélioration de l’ali-          initiatives de jardinage, projets ciblant les         nationale au Bangladesh et reproduit
mentation centrées sur les circuits ou          femmes, actions à divers niveaux des                  dans d’autres pays. Une approche
systèmes alimentaires, et non seulement         systèmes alimentaires et initiatives                  comparable a été adoptée en Inde pour
l’éducation nutritionnelle: production          intégrées. Les exemples cités ci-après se             promouvoir les jardins familiaux, dans
agricole ou animale, commercialisation,         limitent aux projets ou programmes qui                une région sujette aux sécheresses et dont
transformation industrielle ou domesti-         ont évalué les apports ou le statut en                77 pour cent de la population avaient des
que et, enfin, consommation. Il ne sera         vitamine A; certains sont tirés de Ruel et            apports de vitamine A insuffisants
question ici que de la diversification          Levin (2000).                                         (Chakravarty, 2000). On a pu noter, dans
alimentaire. On pourra noter la grande              Le nombre de programmes de                        la zone du projet, une proportion accrue
complexité et variété des projets, même         jardinage réussis, du moins dans leur mise            de ménages cultivant des légumes feuillus
sur une base pilote, ce qui contraste avec      en place, sinon dans leur expansion, ne               vert foncé et d’autres végétaux sources de
la relative simplicité des essais contrôlés     cesse d’augmenter. Toutefois, peu de ces              vitamine A, une augmentation signi-
sur l’efficacité de divers aliments sources     programmes ont évalué les effets tant sur             ficative de la consommation de ces

42   fna ana   32 2003
produits et, outre l’autoconsommation, la        plus élevées dans le village d’intervention.           En République-Unie de Tanzanie,
commercialisation de surplus par 40 pour         Dans le village témoin, la rétinolémie            l’intervention combinait, pour augmenter
cent des ménages. Les signes cliniques de        accusait une baisse significative à la seconde    les apports de vitamine A des enfants
carence en vitamine A reculaient: trois fois     enquête. En outre, même si le jardinage           d’âge préscolaire, la promotion de
moins de cécité nocturne et deux fois            avait peu d’effet sur l’apport en énergie et      séchoirs solaires améliorés, l’éducation
moins de xérosis conjonctival. En                micronutriments des enfants, les apports          nutritionnelle et la formation des femmes
République-Unie de Tanzanie, un projet           de riboflavine, de pyridoxine et de vitamine      en gestion (Mulokozi et al., 2000). Les
conjoint d’horticulture, de promotion de         C des enfants de ménages avec jardins             apports de vitamine A des enfants étaient
séchoirs      solaires    et     d’éducation     étaient significativement plus élevés que         significativement plus élevés dans les
nutritionnelle s’est déployé sur une             ceux des ménages sans jardin, ce qui met en       ménages participants et il semble que
période de sept ans (Kidala et al., 2000).       lumière les bienfaits nutritionnels autres        l’augmentation tienne pour une large part
La zone d’intervention a alors été               que l’apport accru de vitamine A.                 à une consommation plus élevée de
comparée à une zone témoin quant à la                 Le Centre international pour la              denrées animales mais, en l’absence de
fréquence des jardins améliorés, la              recherche sur la femme (ICRW) a                   données sur le statut en vitamine A, l’effet
consommation d’aliments sources de               entrepris, il y a quelques années, un             bénéfique ne peut être étayé. Au Kenya, le
vitamine A par les enfants et le rétinol         programme en vue d’améliorer la                   projet a principalement consisté à
sérique. La proportion de ménages                «micronutrition» par le biais des activités       introduire des variétés de patates douces
produisant des fruits et légumes sources         productrices et reproductrices des                riches en E-carotène (Hagenimana et al.,
de vitamine A était de 66 pour cent dans la      femmes dans quelques pays. En                     1999). Cette intervention a permis
zone d’intervention, contre 20 pour cent         Thaïlande,       des     femmes         leaders   d’accroître de manière significative les
dans la zone témoin. Près de deux fois           préalablement formées ont conçu et mis            apports de vitamine A à partir des sources
plus d’enfants consommaient quoti-               en œuvre des activités fortement ancrées          végétales, mais aussi à partir des sources
diennement ces aliments dans la zone             dans le marketing social. Comparative-            animales, grâce à l’éducation. A l’heure
d’intervention. Cependant, la rétinolémie        ment aux villages témoins, non seulement          actuelle, des variétés de patates douces à
sérique était paradoxalement plus élevée         les connaissances, attitudes et pratiques         forte teneur en E-carotène sont vul-
chez les enfants de la zone témoin que de        relatives à la vitamine A étaient amé-            garisées dans plusieurs pays africains.
la zone d’intervention. Une explication          liorées, mais également les apports et le              Il existe d’autres interventions à divers
avancée a été que les parasitoses                statut en vitamine A tel qu’évalué par le         niveaux des systèmes alimentaires en aval
intestinales étaient proportionnellement         rétinol sérique chez les écolières. La            de la production qui peuvent améliorer la
plus      fréquentes     dans      la    zone    prévalence de faibles concentrations de           nutrition en vitamine A. Il s’agit
d’intervention. Cela démontre bien               rétinol sérique (
faisabilité et l’efficacité de l’introduction    TABLEAU 1
sur une base commerciale de l’HPR                Influence du statut vitaminique A initial des mères et
produite au pays même comme source de            des enfants sur leur réponse au projet d’introduction
vitamine A pour les jeunes enfants et les        de l’huile de palme non raffinée au Burkina Faso
femmes principalement. La promotion de
                                                                                    Rétinolémie                   Différence     Interaction
l’HPR, faisant largement appel au
                                                                    Statut intial     Moyenne      Moyenne       avant-après         %
marketing social, est faite par des                                                                                   %
                                                                                       initiale     finale
économistes familiales, dans une zone qui
n’a pas l’habitude de consommer le                Mères             Faible             0,47         0,88         0,0001          0,0001
                                                  (nbre 144)        (0,70 µmol/l)
duisent dans l’ouest du pays, et elle est
revendue par d’autres femmes dans la              Enfants           Faible             0,48         0,62         0,0001          0,016
                                                  (nbre 140)        (0,70 µmol/l)
théâtre-forum; les démonstrations-
dégustations; et les concours intervillages.
On fait également la promotion de l’HPR         de lutte contre les infections, pour faire        les résultats sont attendus avec intérêt.
lors des campagnes de distribution de           reculer la carence. Une autre observation         Plusieurs de ces initiatives sont des projets
capsules de vitamine A, pour que la             intéressante a été que c’est chez les mères       pilotes, qui ont souvent du mal à s’étendre
population fasse le lien entre                  et les enfants carencés en vitamine A que         et à devenir par la suite des programmes
l’alimentation et la prévention de la           le projet avait le plus d’impact (tableau 1),     de grande envergure.
carence en vitamine A. L’évaluation             ce qui tend à confirmer une meilleure
portant sur un échantillon de 210               utilisation de la provitamine A chez les          Les avantages potentiels
mères/enfants indique que l’approche est        sujets carencés.                                  des approches
prometteuse. En effet, après deux ans, on            Des projets de diversification               de diversification
notait que plus de 40 pour cent de la           alimentaire ciblant simultanément                 alimentaire
population cible avait consommé de              plusieurs micronutriments et s’intéres-           Les carences en micronutriments sont à
l’HPR dans la semaine précédente. Le            sant aux divers maillons de la chaîne             l’ordre du jour de la santé mondiale et,
goût de l’HPR ne pose pas de problèmes,         alimentaire ont vu le jour ces dernières          d’après le discours officiel, les approches
mais le coût du produit semble un               années. On citera l’exemple du Malawi             alimentaires sont essentielles et devraient
obstacle important pour ceux qui n’en           (Gibson et al., 2000). Le projet à assise         être au cœur des stratégies, tant à l’échelle
avaient pas utilisé avant. Le prix,             communautaire vise à améliorer la                 globale que nationale. Toutefois, la réalité
subventionné, ne représente pourtant que        nutrition en fer, en zinc et en vitamine A        s’en écarte parfois profondément et, en
0,5 cent EU pour 5 ml, dose quotidienne         par le biais d’efforts de production, de          Afrique notamment, la supplémentation
préconisée pour l’enfant. Il faut donc          l’amélioration des techniques de                  périodique en capsules fortement dosées
continuer la promotion car la perception        conservation et de préparation des                tend à prédominer. Même si les avantages
du prix dépend de l’importance que l’on         aliments ciblés, ainsi que de la                  des approches de diversification ali-
accorde au produit. Comme le montre la          modification durable des comportements            mentaire ne sont pas contestés, force est
figure 2 (p. 42), il y a eu une réduction       de consommation par la communication              de reconnaître qu’il s’agit souvent de
importante et significative de la carence,      persuasive. Les résultats ne sont pas             composantes mineures des programmes
puisque le taux de faible rétinolémie est       encore disponibles, mais il va sans dire          internationaux ou nationaux de lutte
passé de 85 pour cent à 67 pour cent chez       que l’évaluation de tels schèmes                  contre la malnutrition en vitamine A.
les enfants et de 62 pour cent à 28 pour        d’intervention n’est pas facile, surtout si           La diversification alimentaire permet
cent chez les mères. Comme on peut le           l’on cherche à isoler l’impact nutritionnel       d’améliorer les apports en plusieurs
constater, la prévalence de la carence          des autres effets. Un projet intégrant des        nutriments, ce qui est un avantage
restait cependant élevée, particulièrement      activités d’agriculture, de santé et de           important      puisque      les    carences
chez les enfants; or ces enfants avaient        nutrition afin de faire reculer la                nutritionnelles multiples sont fréquem-
aussi reçu six mois auparavant une              malnutrition et les carences spécifiques          ment un problème. Par exemple, on a
capsule de vitamine A. Cela souligne            en vitamine A et en fer est également             observé qu’en Inde des suppléments
l’importance d’une stratégie multiple           en cours au Mozambique (Vision                    d’HPR chez des jeunes enfants
combinant supplémentation, approches            mondiale 2000). C’est un exemple par              amélioraient      non     seulement        la
alimentaires et éventuellement mesures          excellence de l’approche intersectorielle et      rétinolémie, mais également la teneur

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sérique en vitamine E (Sivan et al., 2002).                   est apporté aux groupements de femmes                      grande variation de la teneur en vitamine
Un programme de jardins familiaux en                          qui produisent l’HPR et à celles qui la                    A selon les espèces, mais aussi à
Afrique du Sud a montré que les apports                       revendent (Delisle et al., 2001).                          l’importance d’intégrer le poisson dans
de vitamines B6 et C d’enfants de familles                                                                               les stratégies de diversification ali-
avec jardins étaient supérieurs à ceux                        Pourquoi les approches                                     mentaire, notamment quatre espèces
d’enfants dont les familles n’avaient pas                     de diversification                                         communes ayant une teneur élevée de
de jardin (Faber et al., 2002). Il ne faut pas                alimentaire sont-elles                                     vitamine A. Il serait important de
oublier, par ailleurs, que les aliments                       encore si timides?                                         poursuivre les efforts de centralisation des
ayant une composition équilibrée en                           Le potentiel des approches alimentaires                    données de composition nutritive des
nutriments, les interactions néfastes et les                  est réel, mais il est encore peu exploité                  aliments traditionnels de différentes
effets toxiques ne sont pas à craindre. Les                   (Ruel et Levin, 2000). Les obstacles                       régions du monde, notamment par le
caroténoïdes ont aussi des propriétés                         possibles sont ici regroupés, mais ils se                  biais de programmes tels que Infoods, et
antioxydantes précieuses, même s’ils                          recoupent:                                                 surtout de diffuser adéquatement cette
n’ont pas d’activité vitamine A. Les                             méconnaissance des aspects techni-                     information afin qu’elle soit mise à profit
aliments ne sont d’ailleurs pas que des                           ques sur ces approches;                                pour les interventions.
assemblages de nutriments et on                                  lacunes dans l’évaluation des ini-                          Dans les études qualitatives sur les
commence seulement à réaliser, à la                               tiatives de diversification alimentaire;               stratégies sur la vitamine A au Burkina
lumière de résultats d’études d’envergure,                       contraintes agroéconomiques et                         Faso et au Niger, un élément
qu’il vaut mieux consommer les nutri-                             institutionnelles;                                     d’étonnement a été de constater que les
ments dans les aliments que sous forme                           défaut de volonté politique.                           interlocuteurs,      cadres     techniques,
synthétique, vraisemblablement en raison                      La plupart de ces obstacles ont pu être                    intervenants ou décideurs en matière de
de composantes fonctionnelles des ali-                        vérifiés dans deux études qualitatives                     stratégies sur la vitamine A, avaient fort
ments dont seulement certaines sont déjà                      récentes sur les perceptions d’acteurs                     peu à dire sur les interventions
connues.                                                      nationaux en matière de vitamine A, au                     alimentaires, ce qui trahissait une
    Les approches de diversification                          Tchad3 et au Burkina Faso4.                                profonde méconnaissance de ces
alimentaire, en améliorant la disponibilité                                                                              approches et des aliments pouvant en
et l’accessibilité d’aliments sources de                      Les acteurs connaissent peu les sources                    faire partie. Outre l’information limitée
divers nutriments, contribuent à la                           alimentaires de vitamine A, les stratégies de              sur les sources locales de vitamine A, on
sécurité alimentaire (Rubaihayo, 2002),                       diversification alimentaire et leur impact.                note que les nouvelles données
laquelle a aussi une dimension qualitative                    On note des lacunes parfois flagrantes                     scientifiques pertinentes et les résultats et
et ne se limite pas à la suffisance de                        dans les connaissances et les données sur                  enseignements         de     projets       de
nourriture pour répondre aux besoins                          les sources locales de vitamine A,                         diversification alimentaire sont peu ou
énergétiques (Delisle, 1998). Il est                          principalement lorsqu’il s’agit de                         mal diffusés, ce qui nuit aussi à
possible, et en fait souhaitable, d’inscrire                  végétaux. Ainsi, le potentiel des ressources               l’innovation et à l’amélioration des
les approches de diversification ali-                         alimentaires traditionnelles est largement                 techniques de diversification alimentaire.
mentaire dans le cadre plus vaste de la                       inexploité. Nos travaux sur les feuilles                   Force est de constater que cette
sécurité alimentaire et de la lutte contre la                 vertes au Niger ont permis de préciser la                  dissémination est plus efficace en matière
pauvreté. Cela a été compris dans le                          teneur en provitamine A de diverses                        de supplémentation et d’enrichissement
programme MICAH2 au Sénégal, qui a                            variétés de feuilles traditionnelles,                      en vitamine A.
suscité la création de microentreprises                       spontanées ou cultivées (Delisle et al.,                        L’efficacité mitigée, ou encore
centrées sur les micronutriments chez des                     1997), 23 espèces de feuilles ont été                      insuffisamment démontrée, de plusieurs
volontaires communautaires. La géné-                          répertoriées. La teneur moyenne était                      végétaux comme sources de vitamine A
ration de revenus, même modestes, pour                        de l’ordre de 500 EAR5 par 100 g à l’état                  est incontestablement à l’origine d’une
les femmes est une considération                              frais et de 1 100 EAR à l’état sec. Au                     certaine défaveur à l’endroit de la
importante dans notre projet sur l’huile                      Bangladesh, Roos et al. (2002) ont évalué                  diversification alimentaire. Les essais
de palme non raffinée au Burkina Faso.                        l’activité vitaminique A de quelques                       contrôlés ont montré que pourvu que les
L’HPR est vendue et les bénéfices vont aux                    25 poissons locaux couramment                              apports en gras soient suffisants, les
femmes. Un appui technique et de gestion                      consommés. Ils ont pu conclure à la                        caroténoïdes des végétaux sont aptes à
2 Micronutrient and Health, programme mis en œuvre dans plusieurs pays depuis 1997, dont le Senégal.                     améliorer le statut en vitamine A, même
3 Zendong, R. Les facteurs qui influencent les stratégies de lutte contre la carence en vitamine A: Etude exploratoire   s’ils ne suffisent pas et que des mesures
  au Tchad. Rapport de M.Sc. (nutrition), Université de Montréal, 2002. (non publié)
4 Codjia, P. La supplémentation en vitamine A prépare-t-elle la voie à des approches alimentaires durables? Une          complémentaires de santé publique
  étude au Burkina Faso. Rapport de DEA, Université Pierre et Marie Curie (Paris VI), 2002. (non publié)
5 EAR = équivalents d’activité rétinol, d’après le facteur de conversion du E-carotène de 12:1 nouvellement proposé
                                                                                                                         comme le contrôle des helminthiases sont
  par National Academy of Sciences des Etats-Unis(2001), alors que le facteur conventionnel était de 6:1                 dans certains cas nécessaires. Si les feuilles

                                                                                                                                              fna ana   32 2003     45
vertes sont moins efficaces qu’on ne le         faisaient valoir qu’en dehors de la                 L’évaluation de projets ou programmes
pensait, il y a d’autres sources végétales      vaccination, peu d’interventions avaient        de diversification alimentaire est incom-
présentant une meilleure bioefficacité en       un si faible coût par vie sauvée que ces        parablement plus complexe, en raison de
raison d’une matrice végétale plus              interventions vitamine A. Au Guatemala,         ces multiples bénéfices potentiels, que
favorable, comme les variétés de patates        on a comparé le coût-efficacité de la           l’évaluation de l’enrichissement ou de la
douces à chair orangée. L’huile de palme        supplémentation ciblée, de l’enrichisse-        supplémentation. Une grille intéressante a
non raffinée, pour sa part, est une source      ment du sucre en vitamine A et de la            été proposée par Gibson et al. (2000), qui
concentrée de caroténoïdes hautement            diversification alimentaire (éducation,         identifie des indicateurs de processus,
biodisponibles, car il n’y a pas de matrice     jardinage et intrants). On a estimé que le      d’extrants et d’impact selon la nature
végétale et que le contexte lipidique           coût le plus faible pour qu’une personne à      du projet de diversification alimentaire
favorise l’absorption. En outre, il semble      risque atteigne les apports recommandés         (production; conservation/transformation
que la bioefficacité soit meilleure chez des    de VA était obtenu avec l’enrichissement;       des aliments; communication nutrition-
sujets carencés, tel qu’évoqué plus haut.       la supplémentation coûtait deux fois plus       nelle, etc.) Un autre cadre conceptuel
Par ailleurs, certaines sources animales de     cher et la diversification, quatre fois         intéressant est celui qui a été développé par
vitamine A ne sont pas suffisamment             plus cher. Cependant, les autres bénéfices      Mulokosi et al. (2000) pour l’évaluation des
exploitées parce que méconnues. Il              potentiels n’étaient pas captés, comme          extrants et de l’impact sur la nutrition en
importe donc de tenir compte de la              le faisaient remarquer les auteurs              VA des enfants de leur projet combinant la
hiérarchie des caroténoïdes comme               (1996).                                         technologie améliorée de séchage des
sources de vitamine A dans la sélection                                                         produits des jardins et une formation à la
des végétaux à promouvoir localement. Il        L’évaluation des initiatives de diversi-        gestion des jardins.
importe également d’encourager les              fication alimentaire ne leur rend pas
projets de diversification alimentaire à        justice. D’une part, l’impact des initiatives   Les contraintes agroéconomiques et insti-
évaluer leur impact sur le statut en            de diversification alimentaire sur le statut    tutionnelles aux approches de diversi-
vitamine A et sur d’autres indicateurs de       en VA et la santé est encore trop peu           fication alimentaire. Une consommation
santé (morbidité et survie) au moyen de         documenté. D’autre part, de telles              plus élevée de fruits et légumes est un
protocoles adéquats, car l’efficacité           initiatives ont des bienfaits autres que        moyen durable de prévenir la carence en
démontrée dans des essais contrôlés ne          l’amélioration de la nutrition en vitamine      vitamine A, même si ce n’est pas toujours
garantit pas l’efficacité en situation réelle   A. Ces bienfaits supplémentaires sont           suffisant, mais il ne faut pas occulter les
et on ne peut présumer de l’impact sur la       rarement captés dans les protocoles             problèmes, tant du côté de l’offre et de la
nutrition et la santé à la seule lumière des    d’évaluation, de sorte que la comparaison       demande que d’un point de vue
résultats positifs en termes de connais-        du coût-efficacité de la diversification        institutionnel. Du côté de l’offre, les aléas
sances, d’attitudes et de comportements.        avec la supplémentation ou la forti-            climatiques, le coût des intrants, les
En outre, ces évaluations pourront servir       fication sur le seul fondement de l’impact      problèmes de commercialisation, comme
à comparer le coût, l’efficacité et les         sur les apports ou le statut en vitamine A      les difficultés de transport ainsi que le
bénéfices de la diversification alimentaire     est défavorable à la diversification. Au-       manque d’installations de transforma-
et des autres approches. Si l’on s’en tient     delà de cet impact, il importe de               tion, peuvent être d’importantes con-
aux données relativement récentes, on ne        considérer la pérennité, la couverture de       traintes, auxquelles s’ajoute l’accent mis
trouve que deux rapports sur le coût-           la population cible et l’équité parmi les       par les systèmes agricoles sur la
efficacité des différentes approches: Pant      critères de choix d’une approche ou             production des denrées de base, au
et al. (1996) au Népal et Phillips et al.       l’autre. En outre, d’autres retombées           détriment des légumineuses, fruits et
(1996) au Guatemala. Au Népal, on a             positives au niveau des communautés             légumes. L’agriculture pourrait être
comparé la supplémentation périodique           méritent d’être évaluées, comme                 davantage gouvernée par les besoins
en vitamine A et un programme                   l’amélioration de la qualité nutritionnelle     nutritionnels et le bien-être de la
composite de jardinage, éducation et            des rations et la génération de revenus par     population (Welch et Graham, 2000). Un
autres mesures de santé publique, sur une       la vente des produits, notamment. Dans le       exemple positif en ce sens est la sélection,
période de deux ans. Les deux approches         programme national de jardinage au              puis la vulgarisation de variétés de
se sont révélées efficaces en termes de         Bangladesh, par exemple, on a montré            patates douces riches en E-carotène
réduction des risques de carence clinique       que pour plus de la moitié des ménages          (Hagenimana et al., 2000). La réussite de
et de mortalité infanto-juvénile, et ce, à      vendant des surplus de production de leur       nombreux programmes de jardinage à
un coût estimé raisonnable dans les deux        jardin, le complément de revenu allait          travers le monde en est un autre.
cas, même si la supplémentation était           d’abord à des achats de nourriture              L’agriculture doit devenir plus sensible à
légèrement moins chère. Les auteurs             (Talukder et al., 2000).                        la nutrition, qui joue en quelque sorte le

46   fna ana   32 2003
rôle de conscience de l’agriculture. On                                                                       l’enrichissement, mais aussi la diver-
peut douter, toutefois, de l’aptitude du        La volonté politique ne privilégie pas les                    sification alimentaire dans les analyses
génie génétique à contribuer à des progrès      approches de diversification alimentaire,                     menant aux choix de stratégies et au
notoires en matière de malnutrition en          reflet du peu d’empressement des bailleurs                    plaidoyer.
vitamine A. C’est davantage par la              de fonds. Il serait illusoire de croire que                         Qu’il s’agisse de lutter contre les
sélection d’espèces végétales riches en         l’on pourra influencer les décideurs et                       carences en micronutriments ou
micronutriments, l’augmentation de la           bailleurs de fonds en faveur des approches                    d’améliorer la sécurité alimentaire des
production des fruits et légumes, la            de diversification alimentaires sans un                       ménages, les interventions au niveau des
réduction des pertes postrécolte et             dossier étoffé sur l’évidence de l’efficacité                 systèmes alimentaires ne peuvent occulter
l’amélioration      des    systèmes        de   de telles approches, sur leurs bienfaits                      des problèmes difficiles tels que
commercialisation que l’agriculture             nutritionnels et non nutritionnels, ainsi                     l’éradication de la pauvreté, la parité,
pourra contribuer à la micronutrition.          que sur leur rapport coûts–bénéfices. On                      l’accès à la santé et à l’éducation. Cela
L’augmentation de la production animale         pourra, à cet effet, prendre exemple sur                      contraste avec les programmes de
peut aussi y contribuer et il n’y a pas lieu    l’approche de supplémentation, qui                            supplémentation, le plus souvent
de négliger la consommation, même               bénéficie largement d’un plaidoyer bien                       verticaux, nets et expéditifs, qui font
limitée, de ces denrées animales riches en      conduit à tous les niveaux.                                   presque totalement abstraction des
vitamine A.                                          Le plaidoyer en faveur des approches                     facteurs      qui    sous-tendent      cette
     Du côté de la demande, les pénuries        de diversification alimentaire doit faire                     malnutrition (Shuftan et al., 1998). On en
saisonnières, les habitudes et le manque        état de leurs bienfaits nutritionnels, mais                   est arrivé à une césure presque totale entre
d’informations nutritionnelles parmi les        aussi insister sur l’effet d’entraînement                     deux aspects de la nutrition: la lutte
consommateurs, de même que les faibles          potentiel sur la production alimentaire                       contre les carences en micronutriments et
revenus et les prix élevés des produits,        locale, sur les effets revenus locaux, ainsi                  la lutte contre la malnutrition, comme si
sont parmi les obstacles. Toutefois, les        que sur la pérennité des effets. Un effort                    les causes n’étaient pas les mêmes. Il est à
légumes ont une faible élasticité-revenu,       concerté est nécessaire afin de mieux                         espérer que les deux entités se rejoignent
d’après les enquêtes, de sorte que des          défendre l’approche de diversification                        sans tarder, car on ne saurait longtemps
revenus plus élevés ne signifient pas           alimentaire. Des outils tels que Profiles 6 et                prétendre résoudre de manière durable
forcément une consommation plus élevée          The Vitamin Cost Analyst 7 pourraient                         un problème, celui des carences
(Bouis, 2000). La nutrition est à l’interface   également être adaptés pour inclure non                       spécifiques, sans s’attaquer au même
de la santé, de l’agriculture et de             seulement la supplémentation et                               moment à celui de la malnutrition tout
l’éducation, pour ne mentionner que les
                                                6 Logiciel développé par Academy for Educational Development pour l’analyse nutritionnelle et l’argumentaire de
principaux secteurs. Pour des systèmes            plaidoyer se fondant notamment sur les coûts-bénéfices pour décider des interventions prioritaires.
                                                7 Logiciel développé par Helen Keller International, OMS et Initiative pour les Micronutriments pour choisir entre la
alimentaires plus performants en termes
                                                  supplémentation et la fortification d’aliments en vitamine A.
de micronutrition, il faudrait une
meilleure intégration et interaction entre
ces secteurs, ce qui représente un défi de
taille. La supplémentation est entièrement
dans les mains du secteur santé, de sorte
                                                   bibliographie
que sa mise en œuvre est plus facile, mais
contribue à l’isolationnisme (Schuftan et           Ayalew, W., Gebriel, ZW. et Kassa, H. 1999. Reducing vitamin A deficiency in
al., 1998). Les approches de diversification        Ethiopia: Linkages with a women-focused dairy goat farming project. Research Report
alimentaire sont prometteuses pour la               Series No.4. International Centre for Research on Women, Washington. 28 pages.
vitamine A, mais des partenariats entre la          Bouis, HE. 2000.Commercial vegetable and polyculture fish production in Bangladesh:
santé, l’agriculture, la nutrition et les           Their impacts on household income and dietary quality. Food Nut. Bull., 21: 482-7.
communications sont indispensables, ne
                                                    Canfield, LM. et Kaminsky, RG. 2000. Red palm oil in the maternal diet improves the
serait-ce que pour une évaluation juste             vitamin A status of lactating mothers and their infants. Food Nut. Bull., 21: 144-8.
des facteurs alimentaires et sanitaires de la
                                                    Chakravarty I. 2000. Food-based strategies to control vitamin A deficiency. Food Nut.
carence, l’utilisation de technologies
                                                    Bull., 21: 135-43.
appropriées de production et le recours à
                                                    Delisle, H. 1998. La sécurité alimentaire, ses liens avec la nutrition et la santé. Can. J.
des stratégies de communication
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efficaces. Le projet intégré du
Mozambique (Vision mondiale 2000)                   Delisle, H., Bakari, S., Gevry, G,, Picard, C. et Ferland, G. 1997. Teneur en
                                                    provitamine A de feuilles vertes traditionnelles du Niger. Cahier: Agriculture, 6: 553-60.
fournit un bel exemple d’une telle
intégration.
                                                                                                                                        fna ana     32 2003       47
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                                                                              Int. J. Food Sciences Nutr., 53: 425-37.
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     Copper, Iodine, Iron, Manganese, Molybdenum, Nickel, Silicon,
                                                                              Thailand. Food Nut. Bull., 21: 157-60.
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48      fna ana   32 2003
A food-system approach to a vitamin A deficiency
H . D E L I S L E , N . Z A G R É , S . B A K A R I , P. C O D J I A E T R . Z E N D O N G

                                                                                             summary résumé resumen   VITAMIN A, ALONG WITH IODINE AND IRON, have been priority micronutrients for intervention
                                                                                                                      for the past decade. Substantive progress has been achieved in eradicating clinical vitamin A deficiency
                                                                                                                      (VAD) in many countries, owing in large part to national supplementation programmes, particularly
                                                                                                                      campaigns combining vitamin A supplementation and immunization. For sustainable control and
                                                                                                                      prevention of VAD, however, it is now widely accepted that short-term supplementation must be
                                                                                                                      replaced by diet-based strategies. Large amounts of money are currently being earmarked for vitamin
                                                                                                                      A-fortification of food vehicles at both national and community levels, and the trend is growing. Fully
                                                                                                                      implementing the potential of “food diversification” approaches, however, lags behind, although this
                                                                                                                      approach has also been considered essential. This situation is paradoxical, since plant sources of vitamin
                                                                                                                      A are widely available (or could be) in VAD-affected areas and are affordable by the poor, and because
                                                                                                                      advances in research are providing increasing evidence of the efficacy of interventions that improve
                                                                                                                      production, supply and consumption (bio-efficacy) of vitamine A-providing foods. Red palm oil, for
                                                                                                                      instance, could play a central role in sub-Saharan Africa, as it is the best plant source of vitamin A.
                                                                                                                      Furthermore, several traditional fruits and vegetables could be promoted as sources of vitamin A and
                                                                                                                      antioxidants.
                                                                                                                          This paper advocates of these food-based approaches, in the light of available evidence and the
                                                                                                                      authors’ own research. Potential barriers to food-based approaches are also discussed. Low
                                                                                                                      international funding is responsible for, and is generated by, weak political will vis-à-vis such
                                                                                                                      approaches; the main players are not well informed and are therefore ill at ease with food diversification
                                                                                                                      schemes, which require intersectoral collaboration and thus fall outside health-sector control; and
                                                                                                                      finally, the need to show quick results works against food diversification, which is an endogenous and
                                                                                                                      more sustainable approach, but one that will require changes in attitudes and practices as regards food
                                                                                                                      production, distribution and consumption.

                                                                                                                      Des solutions alimentaires à la carence en vitamine A
                                                                                                                      LA LUTTE CONTRE LES TROUBLES DE LA CARENCE EN VITAMINE A est devenue une priorité
                                                                                                                      depuis une dizaine d’années. On peut certes noter des progrès substantiels dans l’éradication des
                                                                                                                      formes cliniques de la carence en vitamine A grâce, notamment, aux vastes campagnes de
                                                                                                                      supplémentation. Toutefois, il est largement reconnu que pour un contrôle durable de la carence en
                                                                                                                      vitamine A, la supplémentation, mesure à court terme, doit être associée à des stratégies fondées sur
                                                                                                                      l’alimentation. Des ressources considérables sont actuellement consacrées à l’enrichissement d’aliments
                                                                                                                      vecteurs en vitamine A, tant à l’échelle nationale que communautaire. Toutefois, le potentiel des
                                                                                                                      approches «de diversification alimentaire» est encore très peu exploité, même si l’importance de cette
                                                                                                                      voie est incontestée. Cela est un paradoxe car un large éventail d’aliments végétaux sources de vitamine
                                                                                                                      A sont (ou pourraient être) disponibles dans la plupart des zones affectées par la carence en vitamine
                                                                                                                      A, que ces aliments ne sont pas hors de portée des pauvres, et qu’il y a de plus en plus de résultats
                                                                                                                      probants sur l’efficacité d’initiatives destinées à augmenter la production, la disponibilité et la
                                                                                                                      consommation (de même que la bioefficacité) d’aliments sources de vitamine A. L’huile de palme rouge
                                                                                                                      (HPR), par exemple, la meilleure source végétale de vitamine A, et plusieurs fruits et légumes
                                                                                                                      traditionnels pourraient être davantage valorisés. Le présent article plaide en faveur de telles approches,
                                                                                                                      à la lumière des connaissances actuelles et des travaux des auteurs sur leur faisabilité et efficacité, sans
                                                                                                                      oublier les obstacles, réels ou supposés. Les principaux obstacles au déploiement de la solution
                                                                                                                      alimentaire sont interreliés. Le faible niveau de financement international à la fois trahit et engendre une
                                                                                                                      volonté politique tiède à l’endroit de la diversification alimentaire; les acteurs sont peu informés des
                                                                                                                      potentialités alimentaires et sont donc peu enclins à s’y investir; ces approches intersectorielles
                                                                                                                      échappent largement au contrôle de la santé; et l’obligation pour les décideurs de produire rapidement
                                                                                                                      des résultats importants joue en défaveur d’approches alimentaires durables et endogènes requérant
                                                                                                                      des changements dans les mentalités et les pratiques.

                                                                                                                                                                                                          fna ana   32 2003    49
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