Description des principales étiologies des maladies digestives chez le lapin européen (Oryctolagus cuniculus).
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Manuscrit déposé le 15/09/2003 Ann. Méd. Vét., 2003, 147, 385-392 FORMATION CONTINUE – ARTICLE DE SYNTHESE Description des principales étiologies des maladies digestives chez le lapin européen (Oryctolagus cuniculus). MARLIER D.1, DEWRÉE R.1, DELLEUR V.1, LICOIS D.2, LASSENCE C.1, POULIPOULIS A.1, VINDEVOGEL H.1 1 Département des Maladies Infectieuses et Parasitaires - Secteur Médecine Aviaire et Cunicole Faculté de Médecine Vétérinaire, Université de Liège – Sart Tilman, Bât. B42 – B4000 Liège 2 Institut National de Recherches Agronomiques Centre de Tours – UR86, Unité BioAgresseurs, Santé, Environnement – 37380 Nouzilly – France Correspondance : Dr D. Marlier Tél. : +32 (0) 4 366 40 19 – Fax : +32 (0) 4 366 40 12 – Email : dmarlier@ulg.ac.be RESUME : Les pathologies digestives sont une des causes majeures de mortalité et de pertes écono- miques dans les élevages cunicoles. Les principales étiologies de ces maladies sont présentées dans cette synthèse. Les connaissances actuelles sur deux pathologies d'origine inconnue, l'entéropathie épi- zootique des lapins et l'entérite mucoïde sont également exposées. INTRODUCTION nombreux biais d'échantillonnages, observées chez les animaux à l'en- Le lapin domestique ou lapin euro- ces études ne permettent cependant graissement (49 % des causes de mor- péen (Oryctolagus cuniculus Linné pas de définir la prévalence et l'inci- talité avant l'âge de 14 semaines ver- 1758) appartient avec le lapin améri- dence exactes de l'ensemble des sus 10 % pour les animaux de plus de cain (Oryctolagus sylvilagus) et les pathologies touchant les lapins. 14 semaines). lièvres (genre Lepus) au super-ordre Néanmoins, des dominantes patholo- Ces affections du système digestif des glires, ordre des lagomorphes, giques se dessinent ostensiblement. A peuvent être d'origine non biologique famille des Leporidae, sous-famille l'autopsie, des lésions macrosco- (alimentation, stress,…) ou d'origine des Leporinae. Le lapin présente deux piques du système digestif suscep- biologique (virus, bactéries, para- particularités physiologiques remar- tibles d'avoir entraîné la mort sont sites). Les principales étiologies des quables : un comportement sexuel à observées chez 14 à 98 % des maladies digestives du lapin rencon- ovulation provoquée et un comporte- cadavres selon l'âge et le type d'éle- trées dans les élevages cunicoles ment alimentaire dominé par la cæco- vage dont proviennent les animaux seront présentées au cours de cet trophie (Gallouin, 1989) qui rend le (Hinton, 1977 ; Hinton, 1979 ; Devos article. lapin particulièrement sensible aux et al., 1980 ; Devos, 1981 ; 1983 ; pathologies digestives. Le lapin est 1985 ; Sanyal et Gopikrishna, 1988 ; également un animal particulièrement Maire, 1989 ; Mishra, 1989 ; Olah et al., 1990 ; Hoop et al., 1993 ; Bhasin PATHOLOGIES DIGESTIVES sensible à toutes formes de stress. Ces et Singh, 1995). D'ORIGINE NON INFECTIEUSE facteurs stressant provoquent des décharges d'adrénaline qui entre-autre Une étude du même type a été effec- Divers facteurs non biologiques peu- induisent un ralentissement du péri- tuée sur base des autopsies réalisées vent favoriser ou induire une patholo- staltisme intestinal pouvant entraîner dans le Service de Médecine Aviaire gie digestive chez les lapins. des pathologies digestives. et Cunicole de l'Université de Liège Les conditions de logement (densité Diverses études ont tenté d'estimer (Marlier, 2000). Les résultats sont des animaux, hygiène des élevages, l'importance relative des pathologies présentés dans les tableaux I et II. photopériode, variation de tempéra- en élevage cunicole (Hinton, 1977 ; Cette étude confirme l'importance des ture, bruits inattendus…) et d'une Hinton, 1979 ; Devos et al., 1980 ; pathologies digestives en élevages manière générale, tous les facteurs de Devos, 1981 ; 1983 ; 1985 ; Sanyal et cunicoles abstraction faite des étiolo- stress sont des facteurs favorisant ou Gopikrishna, 1988 ; Maire, 1989 ; gies de ces pathologies. Le tableau II entraînant des pathologies digestives Mishra, 1989 ; Hoop et al. 1993 ; montre également que ces patholo- chez les lapins. Le mode d'action des Bhasin et Singh, 1995). Suite à de gies digestives sont principalement ces «stress» sur les fonctions diges- 385
Tableau I : Distribution des causes de mortalité selon le type d'élevage sur la base des recommandations générales sont résultats de 329 autopsies réalisées entre janvier 1994 à juin 1998. d'apporter de 9,4 à 9,8 Méga Joules d'énergie digestible (MJED) par kg Type de pathologie Elevages Total d'aliment à 90 % de matière sèche et Artisanaux Semi- Industriels Autres de 12 à 12,5 g de protéine diges- industriels tible/MJED. Entre l'âge de 45 jours et Respiratoire 36 16 29 14 95 le moment de l'abattage la teneur en (%) (25) (29) (33) (35) (29) énergie digestible de la ration doit être augmentée à 9,8 à 10,3 MJED/kg Respiratoire et digestive 6 7 6 2 21 aliment à 90 % de matière sèche alors (%) (4) (12) (7) (5) (6) que la teneur en protéine digestible Digestive 34 26 37 7 104 peut être réduite à 11,5 à 12 g/MJED. (%) (23) (46) (42) (18) (32) L'effet des fibres alimentaires sur la Maladie hémorragique 61 1 11 3 76 résistance aux pathologies digestives virale (42) (2) (12) (7) (23) a été récemment démontré (Licois et (%) Gidenne, 1999), le respect de ces Divers 8 6 5 14 33 besoins en fibre étant par ailleurs de (%) (6) (11) (6) (35) (10) la plus haute importance pendant la période du post sevrage durant Total 145 56 88 40 329 (%) (100) (100) (100) (100) (100) laquelle les animaux sont les plus sus- ceptibles aux pathologies digestives Elevages : (Gidenne et Jehl, 1999). En outre, la artisanaux = nombre restreint d’animaux avec production essentiellement vivrière ; nature des fibres alimentaires ainsi semi-industriels = élevages de 15 à 40 reproductrices avec commercialisation et auto consommation de la produc- tion ; que l'interaction entre la teneur en industriels = élevages de plus de 50 reproductrices avec commercialisation de toute la production. amidon et les fibres alimentaires doi- vent être prises en compte. Pour les lapins à l'engraissement, les besoins Tableau II : Distribution des causes de mortalité selon l'âge des animaux sur base des en fibres alimentaires exprimés en résultats de 329 autopsies réalisées entre janvier 1994 et juin 1998. grammes par kg aliment à 90 % de matière sèche, déterminés selon la Type de pathologie Age des animaux Total méthode de Van Soest sont présentés Moins de 14 Plus de 14 au tableau III. semaines semaines En dehors de la composition en nutri- Respiratoire 50 45 95 ments, il est évidemment essentiel (%) (27) (31) (29) que l'aliment soit exempt de toutes contaminations chimiques principale- Respiratoire et digestive 17 4 21 ment les ionophores (Arts, 1991) et (%) (9) (3) (6) les antibiotiques (Morisse et al., Digestive 90 14 104 1989), bactériennes ou fongiques, les lapins étant particulièrement sensibles (%) (49) (10) (32) aux mycotoxines telles que l'afla- Maladie hémorragique virale 25 51 76 toxines, les trichothécenes, l'ochra- toxine A et la zéaralénone (Boucher et (%) (13) (35) (23) Nouaille, 1996). Divers 3 30 33 L'abreuvement doit être correct au (%) (2) (21) (10) niveau quantitatif et qualitatif. Pour les lapins à l'engraissement, une Total 185 144 329 quantité de 200 ml par jour d'une eau (%) (100) (100) (100) respectant les critères de potabilité admis pour l'homme sont les critères recommandés. Pour le lapin, il faut éviter les eaux à pH trop basiques qui tives du lapin a été relié aux de pathologies digestives. La compo- favorisent les pathologies digestives. décharges répétées d'adrénaline qui sition de l'aliment doit être contrôlée. ralentiraient le transit intestinal des Une synthèse sur les dernières animaux (Peeters, 1987). connaissances en alimentation du L'alimentation joue un rôle important lapin a récemment été publiée par PATHOLOGIES DIGESTIVES dans les pathologies digestives des Gidenne (2000). Brièvement, les fac- D'ORIGINE VIRALE lapins lorsque la ration est inadaptée teurs les plus importants sont la Divers virus (rotavirus, adenovirus, quantitativement ou qualitativement teneur en énergie digestible dans la coronavirus, parvovirus,…) ont été ou lorsque l'abreuvement est inadé- ration, sa teneur en protéine et en identifiés ou isolés de lapins morts de quat. fibre. Pour les lapins à l'engraisse- pathologies digestives. Par microsco- Les changements brutaux de régime ment pendant la période de post- pie électronique à transmission avec sont également une cause importante sevrage (jusqu'à l'âge de 45 jours), les coloration négative, Nieddu et colla- 386
Tableau III : Besoins en fibres et amidon chez les lapins à l'engraissement en grammes ment sain à l'autre (Marlier, Dewrée, par kg aliment à 90 % de matière sèche d'après Gidenne (2000). Vindevogel, données non publiées). Escherichia coli, Clostridium pili- Post sevrage Après 45 jours d'âge forme (anciennement Bacillus pilifor- (jusqu'à 45 jours d'âge) mis) et Clostridium spiroforme sont Lignocellulose (ADF) ≥ 190 ≥ 170 les espèces bactériennes les plus sou- vent impliquées dans l'étiologie des Lignine (ADL) ≥ 55 ≥ 50 pathologies digestives chez le lapin Cellulose (ADF – ADL) ≥ 130 ≥ 110 (Peeters, 1987 ; Boucher et Nouaille, Ratio lignine/cellulose > 0,4 > 0,4 1996). D'autres souches bactériennes telles que Pasteurella multocida, Hémicelluloses (NDF–ADF) > 120 > 100 Clostridium perfringens, Salmonella DF/ADF £ 1,3 ≤ 1,3 enteritidis ou typhimurium, Yersinia Amidon < 140 < 180 enterocolitica, Lawsonia intracellula- ris, Haemophilus paracuniculus sont ADF : acid detergent fiber ; ADL : Acid detergent lignin ; NDF : neutral detergent fiber ; DF : digestible fiber également renseignées (Targowski et Targowski, 1979 ; Boucher et Nouaille, 1996 ; Zheng et Xie, 1996 ; Schauer et al., 1998). A ce jour, la borateurs (2000) ont mis en évidence l'étiologie des gastro-entérites chez grande majorité des études portant sur la présence d'un ou plusieurs agents des patients infectés par le virus de les pathologies digestives d'origine viraux dans 37,3 % des matières l'immunodéficience humaine. bactérienne chez le lapin ont été fécales de lapins morts de pathologies concentrées sur Escherichia coli, digestives. Les agents viraux les plus Clostridium piliforme et Clostridium souvent mis en évidence ont été les spiroforme, le pouvoir pathogène réel rotavirus (41,9 %), les coronavirus PATHOLOGIES DIGESTIVES ainsi que la pathogénie des infections (25,6 %), les parvovirus (21,1 %) et D'ORIGINE BACTÉRIENNE par d'autres bactéries étant encore très les entérovirus (10,3 %). Parmi ces mal connus. agents, une intervention directe dans La flore bactérienne intestinale nor- l'étiologie des pathologies digestives male des lapins est dans son ensemble n'est établie que pour les rotavirus encore très mal connue. A notre Escherichia coli (Thouless et al., 1988). Ceux-ci sont connaissance, il n'existe aucune étude exhaustive tant qualitative que quan- Toute augmentation de la flore coliba- présents de manière endémique dans titative des espèces bactériennes cae- cillaire intestinale au-delà de 104 cfu la plupart des clapiers et ne provo- cales normalement présentes chez le d'E. coli/g de contenu cæcal est anor- quent, sauf complications bacté- lapin. Sur base des données de la litté- male chez le lapin. Cependant, si cer- riennes secondaires, que des troubles rature, les grandes caractéristiques de taines souches signent exclusivement digestifs mineurs et temporaires cette flore sont les suivantes : un phénomène de dérive de flore bac- (Thouless et al., 1996). Les lapereaux térienne (colidysbactériose), d'autres sont protégés par les anticorps mater- 1) la flore colibacillaire est peu éle- souches sont de réels pathogènes pri- nels jusqu’à l’âge de 1 à 2 mois. Par la vée : 102 à 103 cfu/g de contenu maires (Peeters, 1987 ; 1988b ; 1993). suite et en fonction de la pression cæcal ; d’infection, les lapins font une infec- Ces colibacilles entéropathogènes du tion subclinique qui renforce leur 2) absence de Clostridium perfrin- lapin (REPEC) sont comparables aux immunité ou présentent un épisode gens avant la 4e semaine d'âge, EPEC humains. Ils s'attachent à la diarrhéique. Cette pathologie s'ob- augmentation à 105–106 cfu/g de muqueuse intestinale, provoquent serve habituellement dans les éle- contenu cæcal au moment du l'effacement des microvillosités, ne vages industriels en hiver. En effet, à sevrage, puis réduction à 104 cfu/g produisent pas d'entérotoxines ther- cette période la densité animale est de contenu cæcal ; mostables ou thermolabiles connues élevée et la ventilation des locaux est 3) présence d'une flore anaérobie et ne sont pas entéro-invasives. Les réduite ce qui augmente fortement la facultative représentée surtout par REPEC ne forment pas un groupe pression d'infection (Peeters, 1989). des streptocoques, les lactobacilles homogène en terme de pathotype et A ce jour, tous les rotavirus de lapin étant rares ou absents ; de virulence des souches. Certaines ayant pu être cultivés appartiennent souches sont pathogènes pour les 4) dominance de la flore anaérobie lapereaux nouveaux nés alors que au sérotype 3 (Percy et Barthold, stricte du genre Bacteroides en d'autres le sont pour les lapins sevrés 1993). La mise en évidence de rotavi- particulier de 108 à 109 par gramme (Peeters, 1987 ; 1988 ; 1993). D'une rus dans les matières fécales de lapin de contenu caecal (Licois, 1989). manière analogue, les taux de morta- se fait généralement par ELISA (Marlier et Vindevogel, 1996). Sur base des analyses effectuées dans lités renseignés peuvent varier de Récemment, la présence de picobir- le Service de Médecine Aviaire et quelques pour cent à près de 100 % navirus a été démontrée chez les Cunicole de l'ULg seule la pauvreté (Peeters, 1988b). Les différents lapins (Gallimore et al., 1993). Le de la flore colibacillaire devrait pathotypes peuvent être différentiés rôle de ces virus dans l'étiologie des encore être retenue comme caractéris- sur base de leur sérotype, de la mobi- pathologies digestives est encore lar- tique constante da la flore caecale des lité des souches et du biotype gement méconnu. Chez l'homme, ces lapins ; les autres points pouvant (Peeters, 1987 ; 1988a ; 1988b ; 1993). virus semblent jouer un rôle dans varier fortement d'un animal clinique- Le caractère entéropathogène des 387
souches peut également être démontré piliforme pourrait également être (aucun signe de maladie) (Licois, par la mise en évidence, par PCR, de la recherchée par PCR sur une séquence 1989 ; Bhat et al., 1996). Chaque présence du gène eae nécessaire à la d'ADN codant pour l'ARNr16S spéci- espèce a un tropisme particulier pour production des lésions d'attachement/ fique de Cl. piliforme selon la certains segments de l'intestin ; la effacement. (Blanco et al., 1997). méthode décrite par Ikegami et colla- majorité des espèces effectuent leur Les lésions macroscopiques obser- borateurs (1999) chez le veau. cycle dans l'intestin grêle, seules E. vées lors de colibacillose aiguë sont flavescens et E. piriformis se multi- généralement limitées à la partie ter- plient dans le cæcum et dans le côlon Clostridium spiroforme (Bhat et al., 1996). Si la prévention et minale de l'intestin grêle, au cæcum et au côlon. Le contenu intestinal est Clostridium spiroforme est une bacté- le contrôle des coccidioses du lapin anormalement liquide et une inflam- rie réagissant positivement à la colora- posent encore des problèmes, le dia- mation variable de ces différents seg- tion de Gram, anaérobie, sporulante et gnostic des coccidioses digestives ments, parfois associée à des zones toxinogène, dont la toxine peut être peut se faire de manière relativement hémorragiques est visible. Par micro- neutralisée par un sérum dirigé contre aisée par association (1) de l'observa- scopie optique, on peut observer des la toxine iota de Cl. perfringens type E tion de zones d'entérite aiguë d'inten- E. coli attachés à la muqueuse intesti- (Okerman, 1984). Lors d'entérotoxé- sité et de localisation variable selon nale ; sous les zones colonisées, la mie à Clostridium spiroforme, un les espèces ; et, (2) un comptage d'oo- lamina propria est infiltrée de poly- contenu cæcal fortement liquide, par- kystes supérieur à 5000/gramme de fois hémorragique associé à une matière fécale). Le principal pro- morphonucléaires. En microscopie inflammation importante du cæcum blème est de déterminer si les cocci- électronique on observe l'effacement est visible à l'autopsie. Le diagnostic dioses sont la cause primaire des des microvillosités et les E. coli fixés de confirmation se fait par observation pathologies digestives observées dans à la membrane cellulaire des entéro- de grande quantité de Clostridium spi- un élevage particulier ou si elles ne cytes (Peeters, 1993 ; Okerman, roforme après coloration de gram du font que d'exacerber le pouvoir patho- 1994 ; Blanco et al., 1997). contenu cæcal (Okerman, 1994). Une gène d'autre agents tels que les E. coli Au sein d'une exploitation, la pré- méthode analytique plus sensible par exemple. sence d'animaux infectés par des consiste à centrifuger le contenu cæcal souches de REPEC très pathogènes se à 20000 G pendant 15 minutes à 4°C Cryptosporidium spp. peut être traduira presque toujours par la pré- et à observer le matériel situé à l’inter- détecté dans 5,8 % des contenus intes- sence de pathologies digestives et de face culot-surnageant après coloration tinaux de lapins à l'engraissement mortalités. Par contre, l'apparition de de Gram (Holmes et al., 1988). En présentant de la diarrhée (Peeters, signes cliniques dans des exploita- microscopie photonique, Cl. spiro- 1987). Ce parasite semble n'être tions infectées par des REPEC forme se présente sous la forme de pathogène que pour les très jeunes moyennement ou peu pathogènes est présence de bacilles à Gram positif de lapereaux avant le sevrage. liée à la présence de facteurs favori- forme semi-circulaire ou de forme Des Lamblia intestinalis sont très fré- sants tels que les rotavirus, les cocci- hélicoïdale spiralée (Borriello et al., quemment retrouvées dans l'intestin dioses sub-cliniques ou des erreurs 1986). de lapin présentant une diarrhée alimentaires (Peeters, 1993). (Boucher et Nouaille, 1996). A notre connaissance, le caractère pathogène primaire de ce parasite n'a pas encore Clostridium piliforme PATHOLOGIES DIGESTIVES été démontré Deux formes de maladie de Tyzzer D'ORIGINE PARASITAIRE Passalarus ambiguus, Trichostron- (infection par Clostridium piliforme) De nombreux parasites sont réguliè- gylus retortaeformis, Trichostrongylus peuvent être observées chez le lapin. rement observés ou isolés des fèces axei, Graphydium strigosum sont des La forme chronique se traduit par des de lapins morts de diarrhée. helminthes gastro-intestinaux du pertes de poids associées à de très lapin. Sauf lors d'infestation massive, mauvais états généraux. Dans la Dix espèces d'Eimeria parasitent le lapin, neuf ont un tropisme intestinal ces parasites ne provoquent que de forme aiguë, des diarrhées sont obser- rares phénomènes diarrhéiques vées chez des animaux de tous âges et une a un tropisme hépatique. Le pouvoir pathogène des espèces à tro- (Boucher et Nouaille, 1996). mais principalement lors du sevrage. A l'autopsie, une typhlite aiguë pseu- pisme intestinal est variable. E. intes- tinalis et E. flavescens sont des domembraneuse avec un œdème mas- espèces très pathogènes (fortes diar- sif de la paroi cæcale ainsi que la rhées, mortalité supérieure à 50 %, PATHOLOGIE DIGESTIVE présence de foyers nécrotiques punc- DL50 ± 3000 ookystes, gros retard de D'ORIGINE INCONNUE tiformes disséminés dans le paren- croissance) ; E. media, E. magna, E. chyme hépatique et parfois dans le piriformis, E. irresidua sont patho- myocarde peuvent être observées. Le Entéropathie Epizootique du lapin gènes (diarrhées, peu de mortalité, diagnostic de confirmation est posé Depuis la fin de l'année 1996, un nou- retard de croissance de l'ordre de 15 à par observation en microscopie 20 % du poids vif) ; E. perforans, E. veau syndrome clinique dénommé optique de bacilles intracellulaires au exigua et E. vejdovski sont peu patho- « entérocolite épizootique du lapin » pourtour des lésions après coloration gènes (pas de mortalité, pas de diar- ou plus justement « entéropathie épi- de Giemsa ou imprégnation à l'argent rhée, retard de croissance si infesta- zootique du lapin » (EEL) est apparu (Okerman, 1994). tion massive). Enfin, E. coecicola est dans les élevages cunicoles (Marlier En complément, la présence de Cl. considérée comme non pathogène et Vindevogel, 1998). 388
En règle générale, cette pathologie typiques de l'EEL sont présentés dans Licois et Coudert, 1999 ; Licois et al., atteint les animaux en engraissement l'illustration 1. 1999 ; Barral et al., 2000 ; Ceré et al., entre l'âge de 6 et de 14 semaines A ce jour, le ou les agents respon- 2000 ; Licois et al., 2000 ; Nieddu et mais des cas sporadiques peuvent sables de l'EEL n'ont pas encore été al. 2000 ; Lebas et al., 2001) également être observés chez des ani- clairement identifiés. Au vu de maux plus âgés. A ce jour, cette mala- diverses observations épidémiolo- die est présente en Belgique comme giques et expérimentales, une étiolo- ENTÉROPATHIE MUCOÏDE dans de nombreux pays européens gie infectieuse semble la plus pro- (France, Espagne, Pays-Bas, Angle- Une étude de la littérature fait appa- bable d'autant que les étiologies raître de nombreuses similitudes tant terre…). Ce qui caractérise l'EEL et a alimentaires et/ou toxiques suspec- conduit à son classement en un syn- au niveau des signes que des lésions tées au départ, semblent pouvoir être macroscopiques entre l'EEL et une drome spécifique est l'apparition bru- formellement écartées (Lebas, 1998 ; autre pathologie du lapin dénommée tale dans des élevages généralement Le Gall et al., 1998 ; Licois, 1998 ; « entéropathie mucoïde » (EM). Dès exempts de troubles digestifs, de diar- Licois et al., 1998 ; Licois et Coudert, 1943, Muir décrit un syndrome cli- rhée aqueuse de très faible intensité 1999 ; Licois et al., 1999 ; Barral et nique présentant de fortes similitudes associée paradoxalement à un taux de al., 2000 ; Ceré et al., 2000 ; Licois et avec l'EEL. Van Kruiningen et mortalité exceptionnellement élevé al. 2000 ; Nieddu et al., 2000 ; Lebas Williams (1972) décrivent également (30 à 80 %) ainsi que des ballonne- et al., 2001). un syndrome de parésie cæcale asso- ments abdominaux considérables liés à la dilatation de tous les segments Le diagnostic de cette infection se fait cié à une forte distension de l'abdo- intestinaux, y compris l'estomac, avec sur base (1) de l'anamnèse qui ren- men avec des mortalités importantes présence d’un contenu intestinal très seigne une mortalité importante entre l'âge de 7 et 10 semaines. Cette liquide et parfois gazeux sans évi- parmi les animaux à l'engraissement ; pathologie n'avait été signalée qu'en dence de lésion d'entérite aiguë ou (2) de la présence des lésions typiques Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. chronique, ni d'hémorragies intesti- principalement le ballonnement abdo- Les différences majeures sont d'une nales (Licois et al., 1998 ; 1999 ; minal considérable et la dilatation de part l'aspect épidémique de l'EEL qui Licois et Coudert, 1999 ; Barral et al., l'estomac et de l'intestin grêle sur un s'est étendue à travers l'Europe, alors 2000 ; Licois et al., 2000 ; Lebas et nombre représentatif de lapins ; (3) de que l'EM se présentait plutôt de al., 2001). Dans 40 à 60 % des cas, l'absence d'autres agents pathogènes manière sporadique dans les élevages. ces lésions sont associées à une paré- primaires à confirmer obligatoire- D'autre part, les aspects lésionnels sie cæcale (contenu entièrement ou ment par examens complémentaires. sont également très différents : stase partiellement asséché) avec présence Il semble exister des synergies entre cæcale et production de mucus dans d'une quantité variable de mucus dans l'EEL et d'autres pathologies qui l'EM, forte dilatation de l'estomac et le côlon. Les lésions caractéristiques assombrissent encore le tableau cli- de l'intestin grêle sans lésion appa- ne sont visibles qu'en l'absence de nique notamment les infections par E. rente dans l'EEL. Un lien direct entre complications bactériennes secon- coli et/ou diverses espèces d'Eimeria l'EEL et l'EM reste plausible bien que daires (Licois et al., 1998 ; 1999 ; (Lebas, 1998 ; Le Gall et al., 1998 ; douteux. 2000). Les aspects lésionnels Licois, 1998 ; Licois et al., 1998 ; Comme pour l'EEL, l'étiologie de l'EM n'est pas connue avec précision. Une origine alimentaire a été suspec- tée et l'utilisation de rations riches en énergie et pauvres en fibres est sou- vent considérée comme un facteur de risque. Différents agents potentielle- ment pathogènes (colibacilles, sac- charomyces, entérocoques, clostri- dies) ont été isolés mais la maladie n'a jamais pu être reproduite expérimen- talement par inoculation de ces der- niers. Expérimentalement un syn- drome analogue à l'EM peut être induit par ligature du cæcum ou du côlon (Targowski et Toofanian, 1982), la ligature cæcale semblant être un meilleur modèle (Toofanian et Targowski, 1983). Ce modèle expéri- mental a servi à plusieurs études por- tant (1) sur la concentration en acide gras volatils à courtes chaînes dans le cæcum après ligature (Toofanian et Hamar, 1986), (2) sur la stimulation de la sécrétion de mucus des cellules caliciformes du cæcum (Toofanian et Figure 1 : forte augmentation du volume de l'estomac et de l'intestin grêle avec présence d'un contenu très liquide ; dilatation du cæcum ; absence d'inflammation des autres organes abdominaux chez un animal d'expérience, 5 jours Targowski, 1986), (3) sur la modifica- après inoculation. tion de la flore cæcale après ligature 389
(Lelkes et Chang, 1987) et sur la pré- teurs non-infectieux et infectieux et, Ce n'est qu'après avoir mis en rapport sence d'une substance à activité sécré- le pouvoir pathogène intrinsèque à les résultats obtenus pour ces 4 fac- tagogue dans les filtrats de contenus certains agents infectieux peut varier teurs qu'une approche diagnostique et cæcaux (Hotchkiss et Merritt, 1996). d'une souche à l'autre. Globalement, pronostique globale pour l'élevage D'une manière générale, toutes ces le canevas diagnostic minimal qui pourra être proposée. études se sont focalisées sur les peut être recommandé est le suivant : aspects les plus frappants de l'EM (la • repérer dans la gestion d'élevage les stase cæcale avec production de erreurs et autres facteurs favori- mucus) ce qui ne cadre pas avec ceux sants ; de l'EEL (dilatation intestinale grêle SUMMARY • effectuer un examen nécropsique et stomacale). Digestive diseases frequently complet sur un échantillon repré- sentatif de cadavres et relever l'en- occur in rabbitries, inducing high semble des lésions ; mortality rates and huge econo- CONCLUSIONS • effectuer un examen coprologique mic losses. The major causes of Un diagnostic étiologique précis des quantitatif ; these pathological conditions pathologies digestives du lapin euro- • effectuer un examen direct des are described in this review. The péen est toujours difficile à établir. Ce matières fécales caecales après current state of knowledge on diagnostic devient absolument illu- coloration de gram et une coprocul- two diseases of unknown origin, soire en l'absence d'examens complé- ture en aérobiose et anaérobiose si the so called Rabbit Epizootic mentaires poussés. En effet, bien sou- possible de manière quantitative en vent, la présence de pathologies comparant les résultats obtenus au Enteropathy and Mucoid Entero- digestives dans les élevages est liée à départ de prélèvements jéjuno- pathy is also presented. une action conjointe de plusieurs fac- iléaux et caecaux ; BIBLIOGRAPHIE ARTS H.T. Poisoning caused by an ionophore anticoccidial DEVOS A., VIANE N., SPANOGHE L., DEVRIESE L., drug in a commercial rabbit farm. Tijdschr. Dier- OKERMAN L., BIJNENS B. Health situation among geneeskd., 1991, 10, 504-507. poultry and rabbits in Belgium during 1978. Vlaam. Diergeneeskd. Tijdschr., 1980, 49, 43-47. BARRAL E., BIET F., DUIVON D., FILLEUL J.P., PRIM R. Assesment of the extend of lesions, parasites and bac- DEVOS A. Report on clinical and post mortem findings teria in rabbits farms contaminated by epizootic rabbit among poultry, other birds and furbearing animals (rab- enterocolitis (ERE). 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