Détection de la collusion dans les enchères fermées de premier prix - Mémoire Eliane Landry-Tremblay Maîtrise en économique
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Détection de la collusion dans les enchères fermées de premier prix Mémoire Eliane Landry-Tremblay Maîtrise en économique Maître ès Arts (M.A.) Québec, Canada © Eliane Landry-Tremblay, 2017
Détection de la collusion dans les enchères fermées de premier prix Mémoire Eliane Landry-Tremblay Sous la direction de : M. Bruce Shearer, directeur de recherche
Résumé Le présent papier s’intéresse à la détection de la collusion dans les enchères fermées de premier prix. Il est question de développer un modèle pour dépister la collusion dans un contexte où les firmes qui se livrent à une telle activité ne sont pas identifiées. Le principe est de voir si le comportement de mise des entreprises est le même en situation compétitive qu’en situation où il peut exister de la collusion. D’abord, un modèle est créé pour estimer le prix misé en fonction de caractéristiques de l’enchère, des caractéristiques de l’entreprise, de la compétition potentielle, ainsi que de la conjoncture économique. Puis, une variable potentiellement indicatrice de collusion est ajoutée au modèle. L’objectif est de déceler des différences dans le comportement des enchérisseurs. Pour ce faire, les données d’enchères de droit de coupe de bois de la forêt publique québécoise ont été utilisées. Les résultats obtenus démontrent qu’il peut exister de la collusion dans certaines conditions, notamment lorsque des firmes qui font une soumission sont liées par un même actionnaire. Cependant, puisque les firmes collusives ne sont pas identifiées, le modèle ne permet pas de conclure qu’il existe un lien de causalité entre la variable potentiellement indicatrice de collusion et les prix obtenus plus faibles. De plus, le faible nombre d’observations qui correspondent à la variable indicatrice ne permettent pas d’obtenir des résultats robustes. Finalement, le résultat obtenu ne doit pas être vu comme une preuve de collusion en soi, mais plutôt comme un indicateur permettant de s’attarder davantage à des contrats pour lesquels le comportement des enchérisseurs est différent d’un comportement compétitif. iii
Table des matières Résumé .............................................................................................................................................................. iii Table des matières ............................................................................................................................................. iv Liste des tableaux ................................................................................................................................................v Liste des figures .................................................................................................................................................. vi Liste des abréviations et des sigles ................................................................................................................... vii Remerciements ................................................................................................................................................. viii Avant-propos ...................................................................................................................................................... ix Introduction ......................................................................................................................................................... 1 1. Théorie des enchères et collusion .................................................................................................................. 5 1.1 Les enchères et la stratégie de mise optimale .................................................................................. 5 1.2 La collusion dans les enchères ......................................................................................................... 8 1.3 La détection empirique de la collusion dans les enchères .............................................................. 10 2. Le marché du bois ........................................................................................................................................ 19 2.1 Fonctionnement des enchères ........................................................................................................ 19 2.2 Types de collusion........................................................................................................................... 23 2.3 Caractéristiques du marché............................................................................................................. 24 3. Description des données .............................................................................................................................. 28 4. Méthodologie ................................................................................................................................................ 37 5. Estimation et résultats................................................................................................................................... 41 5.1 Modèle standard du prix misé ................................................................................................................ 41 5.2 Modèle du prix misé avec variable indicatrice ........................................................................................ 44 5.3 Robustesse des résultats ....................................................................................................................... 50 5.4 Discussion .............................................................................................................................................. 56 Conclusion ........................................................................................................................................................ 58 Bibliographie ..................................................................................................................................................... 60 iv
Liste des tableaux Tableau 1 : Volumes vendus par le BMMB selon le type de vente de juin 2011 à juillet 2016 ......................... 22 Tableau 2 : Proportion du coût d’opération moyen pour les firmes récoltant les essences SEPM de l’industrie forestière québécoise pour l’année 2013-2014 ................................................................................................. 27 Tableau 3 : Liste des variables utilisées dans le modèle de prix misé .............................................................. 34 Tableau 4 : Statistiques descriptives des secteurs de l’échantillon .................................................................. 36 Tableau 5 : Résultats du modèle de prix misé .................................................................................................. 42 Tableau 6 : Résultats du modèle de mise avec variable indicatrice de liens .................................................... 45 Tableau 7 : Résultats du modèle de mise avec variable indicatrice pour la même ville ................................... 47 Tableau 8 : Résultats du modèle de mise avec variable indicatrice pour la présence de mises annulées ....... 49 Tableau 9 : Résultats du modèle de prix misé avec variables binaires pour l’année et le trimestre ................. 52 Tableau 10 : Résultats du modèle de mise avec variables binaires pour l’année et le trimestre et variable indicatrice de liens ............................................................................................................................................ 53 Tableau 11 : Résultats du modèle de mise avec variables binaires pour l’année et le trimestre et variable indicatrice pour la même ville............................................................................................................................ 54 Tableau 12 : Résultats du modèle de mise avec variables binaires pour l’année et le trimestre et variable indicatrice pour la présence de mises annulées ............................................................................................... 55 v
Liste des figures Figure 1 : Répartition des acheteurs du BMMB par type d’entreprise de juin 2011 à juillet 2016 ..................... 25 Figure 2 : Évolution des mises en chantier non désaisonnalisées mensuelles du Canada et des États-Unis de janvier 2007 à décembre 2015 ......................................................................................................................... 33 Figure 3 : Évolution du prix composé du bois d’œuvre de janvier 2007 à novembre 2016 ............................... 33 Figure 4 : Évolution du prix du carburant diesel au Québec de janvier 2007 à décembre 2016 ....................... 34 vi
Liste des abréviations et des sigles BMMB : Bureau de mise en marché des bois Borne inf. : Borne inférieure Borne sup. : Borne supérieure Coef. : Coefficient CP : Coupe partielle DHP : Diamètre à hauteur de poitrine Dist. : Distance HHI : Indice Herfindahl Hirschman Intervalle de conf. : Intervalle de confiance MFFP : Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs Mpmp : Millier de pieds mesure de planche SEPM : Sapin, épinette, pin gris et mélèze SOPFEU : Société de protection des forêts contre le feu SOPFIM : Société de protection des forêts contre les insectes et les maladies Vol/ha : Volume à l’hectare vii
Remerciements Je tiens à remercier mon directeur de recherche M. Bruce Shearer, qui m’a accompagné tout au long de mon mémoire. Il a été d’une grande disponibilité et a éclairé mes multiples questions économétriques. Son expertise dans le domaine m’a permis d’approfondir mes connaissances sur le sujet. Merci aux professeurs du département en économique de l’Université Laval qui m’ont enseigné et qui ont suscité mon intérêt pour la science économique. Ils ont grandement contribué à mes connaissances et à la formation de mon jugement critique tout au long de mon parcours scolaire. Je tiens finalement à remercier Sébastien, mon conjoint, qui m’a apporté son soutien pour ce projet. Sans ton support et ta présence, ce projet n’aurait pas été possible. Merci de ta patience! viii
Avant-propos Je tiens à mentionner qu’au moment où ce mémoire est réalisé, je travaille pour le ministère des Forêts, de la Faune et Parcs (MFFP), au Bureau de mise en marché des bois. Le fait de travailler au ministère a facilité l’accès aux données, qui sont normalement confidentielles. Mon travail m’a également permis d’avoir une meilleure connaissance du marché et des variables à sélectionner pour le modèle. Finalement, les opinions présentées dans ce mémoire sont les miennes et ne représentent pas celles du MFFP. ix
Introduction L’organisation industrielle a beaucoup étudié le comportement des cartels et la collusion, les facteurs qui en favorisent l’apparition et leur stabilité. Hendricks, McAfee et Williams (2015) étudient la collusion dans les enchères. Ils distinguent le cartel d’un cercle d’enchérisseurs («bidding ring»). Bien que les deux aient comme objectif de diminuer ou d’empêcher la concurrence, le cartel est plus général et fait plutôt référence à un produit en particulier et aux marchés géographiques. Le cercle d’enchérisseurs, quant à lui, est spécifique à une enchère. Kovacic et al. (2006) soutiennent qu’il est naturel pour les enchérisseurs de vouloir supprimer la rivalité et de tenter de s’accaparer une part de la rente qui aurait été transférée au vendeur. Pour ainsi dire, ils considèrent que le truquage des offres est presque inévitable lorsqu’il y a utilisation des enchères. C’est pourquoi, en plus de prévenir la collusion, il est important de s’attarder à la détecter. À cet égard, les économistes étudient de plus en plus les moyens de détection de la collusion (Porter et Zona, 1993, 1999; Bajari et Ye, 2003). En plus d’être illégale, la collusion génère des distorsions dans les prix d’échange. Les enchères sont utilisées comme mécanisme de marché dans le but de «déterminer la valeur que les acheteurs attachent à l’objet ou au service vendu, soit le maximum que chaque acheteur est prêt à payer pour se procurer un bien» (Del Degan, Massé, 2008, p.9). Lorsque des concurrents font de la collusion, cet objectif est compromis. Les prix obtenus en situation de collusion sont le résultat d’une entente entre entreprises collusives et non d’un processus compétitif de détermination de la mise. Plutôt que le vendeur reçoive la valeur maximale qu’un acheteur est prêt à payer, et donc un maximum de revenus, ce sont les acheteurs qui s’accaparent la rente. On perd donc les bénéfices d’être en situation de concurrence, apportés par les enchères. La collusion génère également des inefficacités dans l’économie puisque les objets ne sont pas nécessairement attribués aux entreprises les plus efficaces. En effet, dans une situation compétitive, l’efficacité est assurée par le fait que les gagnants des enchères sont ceux qui ont les coûts les plus faibles. En situation de collusion, l’entreprise collusive n’est pas nécessairement celle qui a les coûts d’exploitation les plus faibles. 1
Dans le cas d’enchères au plus offrant, le résultat de la collusion est l’obtention de prix plus faibles pour le vendeur qu’en situation de concurrence. Il s’agit donc d’un manque à gagner. Lorsque l’État est le vendeur, ces revenus ainsi perdus auraient pu être investis et générer des bénéfices positifs pour la société. D’un point de vue social, on peut ajouter comme impact une perte de confiance en l’État. En outre, celle-ci est exacerbée par le fait que nous venons d’assister à une Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction. Le présent document s’attarde à la question de détection de la collusion. Plus précisément, il est question de développer un modèle permettant d’identifier la collusion dans les enchères. À cette fin, le modèle développé est appliqué aux données d’enchères de bois réalisées par le Gouvernement du Québec. Dans un premier temps, le comportement de mise de l’ensemble des enchérisseurs est modélisé en situation concurrentielle. La mise est une fonction des caractéristiques de l’appel d’offres, d’indices de compétition potentielle, de caractéristiques des entreprises qui participent, ainsi que de variables de conjoncture économique. Ensuite, des variables indicatrices de collusion sont ajoutées au modèle pour voir si des différences de comportement sont identifiables dans des situations propices à la collusion. Les variables considérées sont : le fait que des entreprises ayant des liens d’actionnariat présentent des mises sur un même appel d’offres, une variable binaire indiquant que des soumissionnaires sont dans la même ville, ainsi qu’une variable binaire qui indique si l’entreprise a déjà annulé une mise sur le même secteur. Si le comportement dans les enchères indiquées est cohérent avec la collusion, ces variables devraient avoir un effet négatif sur le prix misé. Ce projet de recherche contribuera à la littérature sur la détection de la collusion dans les enchères. Il se distingue des travaux précédents par le fait que les firmes collusives ne sont pas connues ex ante. Par exemple, Porter et Zona (1993 et 1999), ainsi que Bajari et Ye (2003) ont utilisé des données pour lesquelles les entreprises collusives sont identifiées ex ante. Ils testent différentes méthodes statistiques pour voir s’ils peuvent détecter le comportement collusif. Au Québec, les enchères de droits de récolte de bois ont été implantées notamment dans le but d’obtenir un prix de marché et d’établir sa juste valeur. Il importe donc de vérifier que ces prix ne sont pas biaisés. Un élément qui pourrait affecter le prix des ventes est la collusion. Puisque les ventes 2
aux enchères servent à tarifer le bois du Québec par le biais d’une équation de prix hédonique, la collusion peut biaiser les résultats obtenus et miner la crédibilité du système d’enchère. Un des objectifs des ventes aux enchères de bois se trouve alors en péril. Les résultats démontrent que les entreprises ayant des liens d’actionnariat présentent en moyenne des mises plus basses de 2,20$/m3 lorsqu’elles participent au même appel d’offres, toutes choses étant égales par ailleurs. Ce résultat est cohérent avec un comportement de collusion et cette relation est significative à un seuil de 5%. À l’opposé, si les soumissionnaires sont dans la même ville, ils misent en moyenne 1,37$/m3 de plus que des enchérisseurs qui ne le sont pas. Ce résultat n’est pas cohérent avec un comportement de collusion. Au contraire, il peut démontrer plus de compétition. Enfin, le fait qu’une entreprise ait déjà annulé une soumission sur le même secteur affecte le prix misé positivement de 1,37$/m3. Il faut cependant être conscient que le dernier résultat est non significatif et que la variable contient un faible nombre d’observations pour lesquelles la collusion est possible. Pour tester la robustesse des résultats, j’inclus dans les régressions des variables binaires pour l’année et le trimestre dans lequel l’enchère est tenue. Ces variables capturent des éléments non observables du marché qui ne sont pas capturés par le modèle, mais qui affectent les mises à travers le temps. Le signe de la variable de liens reste négatif, mais devient non significatif. Il faut donc être prudent dans l’interprétation des résultats, en raison notamment du lien de causalité non démontré et du faible nombre d’enchères pour lesquelles des enchérisseurs liés ont déposé une mise sur le même appel d’offres. Le présent mémoire est divisé en cinq chapitres. Dans un premier temps, un survol de la théorie des enchères est fait pour bien comprendre le comportement de mise optimal. Les formes de collusion recensées sont présentées pour comprendre comment ce phénomène affecte le comportement de soumission, de même que plusieurs méthodes de détection utilisées pour le déceler. La deuxième section décrit le fonctionnement des enchères, ainsi que le marché utilisé, soit celui des droits de récolte de bois. Ensuite, les données utilisées sont exposées et des explications sont fournies 3
quant au choix des variables du modèle. Puis, la méthodologie est abordée en détails, ainsi que l’estimation des modèles et les résultats. Pour terminer, une discussion sur les résultats est présentée. 4
Chapitre 1 Théorie des enchères et collusion Pour bien comprendre comment la collusion peut affecter le résultat des enchères, il importe de bien comprendre la théorie sur les enchères, ainsi que les mécanismes de collusion. La présente section s’attarde à présenter la littérature qui traite de ces sujets. On y aborde entre autres la stratégie de mise optimale pour chaque type d’enchère, les formes possibles de collusion et la vulnérabilité des types d’enchères à la collusion. Ces deux sections sont nécessaires pour entrer dans le vif du sujet : la détection de la collusion. La dernière partie traite exclusivement des modèles empiriques d’enchères. La littérature sur le sujet étant très abondante, il s’agit ici de présenter les principaux textes sur lesquels se base mon projet de recherche. 1.1 Les enchères et la stratégie de mise optimale On classifie les enchères de plusieurs façons. Deux caractéristiques importantes sont le fait d’être ouvertes ou fermées et la règle d’allocation du vendeur1. L’enchère ouverte signifie que les soumissionnaires donnent leur mise de façon séquentielle, alors que pour l’enchère fermée, le vendeur détermine à l’avance une période de dépôt des soumissions et ouvre l’ensemble des mises reçues lors d’une séance d’adjudication ultérieure. Le deuxième critère fait référence à la règle d’adjudication du vendeur. Plus précisément, le gagnant peut payer soit la mise la plus élevée (premier prix) ou la deuxième soumission la plus élevée (deuxième prix). En retenant ces deux critères de classification, on distingue quatre principaux types d’enchères : l’enchère hollandaise, l’enchère anglaise, l’enchère fermée de premier prix et l’enchère fermée de deuxième prix. L’enchère hollandaise est une enchère ouverte de premier prix dans laquelle le vendeur part d’un prix élevé et le descend progressivement, jusqu’à ce qu’un enchérisseur se 1 Critères tirés de «An Empirical Perspective on Auctions» de Ken Hendricks et Robert H. Porter (2007). 5
manifeste. L’acheteur paie le prix qu’il a offert. Un exemple s’y rapportant est la vente de fleurs et de plantes en Hollande. Il s’agit du marché aux fleurs d’Aalsmeer. L’enchère anglaise est une enchère ouverte de premier prix dans laquelle les soumissionnaires augmentent progressivement le prix, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’offres. Le paiement du gagnant peut être le premier prix ou le deuxième prix. L’exemple classique de l’enchère anglaise où le gagnant est la mise la plus élevée est la vente aux enchères d’œuvres d’art. Ensuite, on retrouve les enchères fermées où les enchérisseurs font parvenir leurs mises dans une enveloppe ou via Internet. Le gagnant peut payer soit le premier prix ou le deuxième prix, dépendamment de la règle fixée par le vendeur. Un exemple d’enchères fermées de premier prix est la vente aux enchères de droits de coupe forestière en Colombie-Britannique et au Québec. Du côté des enchères fermées de deuxième prix, la compagnie Google les utilise pour la vente des espaces publicitaires. En effet, elles servent à déterminer dans quel ordre les résultats d’une recherche vont apparaître et quel prix sera payé par les entreprises par «clic» sur leur annonce (Varian, 2014). Il existe plusieurs variantes de ces types d’enchères, telles que les enchères combinatoires, où il est possible de faire une mise sur une combinaison de biens, ou l’enchère à tours multiples dans laquelle le vendeur fait plusieurs tours pour l’allocation d’un même bien. Le présent document s’attardera seulement à l’enchère fermée de premier prix, où le gagnant est celui dont la mise est la plus élevée, puisque le Gouvernement du Québec utilise ce type d’enchères pour la vente de droits de récolte de bois sur les terres publiques. On distingue également les enchères selon leur type d’environnement. Plus précisément, il peut être question d’environnement de valeur commune ou de valeur privée. Pour l’environnement de valeur commune, tous les enchérisseurs ont la même valeur du bien, mais disposent d’informations différentes sur cette valeur. Un exemple pour illustrer ce propos est une jarre qui contient cinquante dollars en monnaie mise à l’enchère. L’objet a la même valeur pour tous les enchérisseurs, mais aucun ne sait combien elle contient réellement et chacun a sa propre idée. L’information envoyée par les autres enchérisseurs peut être vue comme un signal de la valeur et permet à l’enchérisseur d’ajuster sa valeur. À l’inverse, l’enchère de valeur privée a comme caractéristique que chaque enchérisseur a 6
sa propre valeur de l’objet mis en vente et constitue une information privée. L’obtention d’information supplémentaire par les autres enchérisseurs ne modifie pas la valeur d’un enchérisseur. Il peut également exister des variantes dans ces types d’environnement. Notamment, la valeur interdépendante, où les enchérisseurs ne connaissent pas la valeur du bien mis à l’enchère et disposent d’informations différentes sur cette valeur. Ces environnements ne sont toutefois pas mutuellement exclusifs. Plus précisément, il est possible qu’un environnement ait une composante commune qui affecte tous les enchérisseurs de la même façon, mais que l’environnement privé corresponde plus au marché en question. La stratégie optimale de mise pour un enchérisseur dépend généralement de sa propre valeur de l’objet en vente, ainsi que du nombre de concurrents potentiels à l’enchère. Le type d’enchère et d’environnement aura aussi un impact sur ce comportement, de même que les enchères où un ou plusieurs biens sont mis en vente. Par exemple, dans une enchère de deuxième prix fermée où un seul objet est mis en vente dans un environnement de valeur indépendante, la stratégie optimale est de miser sa propre valeur, puisque l’enchérisseur ayant soumis la mise la plus élevée gagne et paie moins que sa vraie valeur (Levin, S.d.a, p. 15). Krishna (2002, p. 15) démontre que dans ce type d’enchère, il s’agit d’une stratégie faiblement dominante de miser ainsi, puisque miser moins que sa valeur ne peut jamais augmenter les profits de l’enchérisseur et peut même parfois les diminuer. La stratégie de mise pour l’enchère fermée de premier prix, dans un environnement de valeurs privées, doit tenir compte de la valeur de la firme pour l’enchère et de sa probabilité de gagner. La mise optimale dépend également du nombre d’enchérisseurs participant à l’enchère et de l’anticipation du montant que les autres concurrents vont miser. Pour maximiser les gains, la valeur qu’accorde l’entreprise au bien doit être supérieure au prix misé, autrement, l’entreprise ne réalise pas de profits (Krishna, 2002, p. 16). L’entreprise doit donc faire un compromis entre miser plus élevé pour augmenter sa probabilité de gagner et miser plus faible pour faire plus de profits. Ainsi, la stratégie de mise optimale dans une enchère scellée de premier prix est de miser plus faible que sa vraie valeur (Levin, S.d.a, p.18 et Krishna, 2002, p. 19). Dans la littérature, on appelle ce phénomène «bid shading». Il consiste à diminuer sa mise d’un certain montant et celui-ci dépend du nombre de concurrents. Plus 7
le nombre d’enchérisseurs augmente, plus la mise va tendre vers sa vraie valeur (Krishna, 2002, p.19). Lorsque les enchérisseurs sont averses au risque, le montant duquel l’enchérisseur va diminuer sa mise est inférieur puisqu’ils misent plus agressivement pour minimiser la probabilité de perdre l’enchère (Munoz-Garcia, 2012, p.10-11). Nous venons de voir les stratégies de mises optimales pour les deux types d’enchères fermées. La stratégie de mise pour l’enchère hollandaise est équivalente à l’enchère de premier prix fermée et celle de l’enchère anglaise à celle de deuxième prix fermée (Krishna, 2002, p.13). Finalement, les stratégies de mise optimale pour les deux types d’enchères diffèrent, mais rapportent le même revenu dans un environnement de valeurs privées où les enchérisseurs sont symétriques (Krishna, 2002, p. 22). Il s’agit du principe d’équivalence de revenus. 1.2 La collusion dans les enchères Il existe plusieurs stratégies de collusion utilisées à l’intérieur d’un cartel ou d’un cercle de soumissionnaires. Dans un mémo à l’intention du Ministère des Forêts de la Colombie-Britannique - qui procède à des ventes aux enchères de droits de récolte des bois - Peter Cramton (2002) identifie plusieurs stratégies de collusion possibles. D’abord, il peut être question de mises identiques où toutes les entreprises misent le même montant, généralement très près du prix de réserve. Cette forme est toutefois moins commune de nos jours, puisque plusieurs cas ont été répertoriés et que cette façon de se concerter attire facilement l’attention des autorités. On peut également observer des schémas de rotations entre les soumissionnaires. Par exemple, on pourrait s’attendre à recevoir des mises de deux firmes concurrentes sur un appel d’offres, mais on s’aperçoit que systématiquement, lorsqu’une des firmes soumissionne, l’autre ne le fait pas. Il peut aussi s’agir de schémas de rotation plus sophistiqués, tels que la répartition de ventes entre concurrents en fonction du nombre de ventes (ou volumes) remportés. Cependant, cette stratégie nécessite plus de communications entre les firmes et augmente ainsi la probabilité d’être détectée. Une firme peut aussi payer un pot-de-vin ou une ristourne à ses concurrents pour ne pas qu’ils soumissionnent agressivement sur un même appel d’offres. Une autre stratégie est de faire une enchère avec seulement les membres de l’entente pour déterminer avant l’enchère officielle qui sera le seul enchérisseur parmi eux qui participe à une enchère donnée («knockout auctions»). On peut aussi observer un comportement de mises fantômes («phantom 8
bidding») où les membres de l’entente déterminent lequel a la valeur la plus élevée et les autres déposent des mises plus basses pour donner l’illusion de compétition. Finalement, on peut aussi observer, en plus de toutes les stratégies identifiées précédemment, une menace de guerre d’enchères («threat of bidding wars»). Plus précisément, lorsque l’on se rend compte qu’une firme a dévié de sa stratégie, il est question de ne plus maintenir la collusion et il s’ensuit un comportement compétitif de toutes les firmes. Il en résulte donc des prix plus élevés. Ce schéma peut être observé dans les enchères répétées et combiné avec d’autres stratégies. La capacité des firmes à manipuler le résultat des enchères et à s’organiser est un facteur déterminant dans la collusion. Les enchères de premier prix fermées sont moins sujettes à la collusion que les enchères anglaises (Kovacic et al., 2006, p.6). En effet, pour que le cartel réalise un gain dans une enchère de premier prix, l’enchérisseur qui a la plus grande valeur de l’objet doit diminuer sa mise par rapport à une situation compétitive. Puisqu’il mise sous sa vraie valeur, les firmes du cartel peuvent miser légèrement plus élevé pour tenter de remporter l’enchère et réaliser un profit plus grand (Kovacic et al., 2006, p. 6). Les entreprises membres du cartel ont donc un incitatif à dévier de leur stratégie. Cette situation ne survient pas dans les enchères orales anglaises, car le cartel peut utiliser une règle de participation plus simple : si un membre du cartel participe activement à l’enchère, les autres membres ne misent pas. De cette façon, la compétition à l’intérieur du cartel est éliminée (Kovacic et al., 2006, p.6). Celui qui a la valeur la plus élevée mise tout au plus sa valeur, soit celle qu’il aurait misé en situation compétitive. Il n’y a donc pas d’incitatif à changer de stratégie, contrairement à l’enchère de premier prix. Robinson (1985, p. 144) démontre qu’il n’existe pas d’équilibre de Nash à l’intérieur d’un cartel pour les enchères de premier prix. Puisque la stabilité est difficile à atteindre et qu’il existe une possibilité que les firmes hors de l’entente obtiennent les gains, ces dernières peuvent avoir un incitatif à ne pas rejoindre le cercle d’enchérisseurs (Hendricks, McAfee et Williams, 2015, p.503-504). Pour ces raisons, l’enchère fermée de premier prix est moins encline à la collusion que l’enchère ascendante. Le format de l’enchère modifie également l’incitatif à la collusion. Plus précisément, il existe une distinction entre les enchères ponctuelles et les enchères répétées. Ces dernières facilitent 9
généralement la mise en place d’un cartel ou d’un cercle d’enchérisseurs. En effet, les jeux répétés rendent plus facile la surveillance des membres du cartel et permettent de punir ceux qui en dévient. De plus, les enchères répétées permettent de ne pas avoir à effectuer de versements pour compenser les autres membres de l’entente, puisqu’il y aura d’autres ventes dans le futur. L’autorité responsable des ventes peut limiter les comportements collusifs en ne rendant pas publics les soumissionnaires et leur mise. Autrement, cet élément aide à voir si les membres de l’entente respectent leur stratégie de mise établie au préalable et à punir ceux qui en dévient. Il faut aussi savoir qu’il est possible pour les autorités de mettre en place d’autres mesures anticollusion. En effet, limiter la quantité d’informations divulguées après l’enchère, éviter les désistements d’entreprises, tenir les enchères à intervalles irréguliers et ne pas annoncer les ventes à l’avance sont des exemples de mesures anticollusion qui peuvent être utilisées (Kovacic et al., 2006). 1.3 La détection empirique de la collusion dans les enchères Au Canada, la collusion est une entrave à la Loi sur la concurrence. Dans le cadre d’enchères, la collusion correspond généralement aux articles 47 (truquage des offres) et 45 (complots, accord ou arrangement entre concurrents) de la Loi sur la concurrence (L.R.C. (1985), ch. C-34). Le truquage des offres fait référence à des concurrents qui font une entente relativement à un appel d’offres, sans la porter à la connaissance du vendeur. Par exemple, le fait de ne pas présenter de soumission ou encore le dépôt de soumission, dont le contenu est le résultat d’un arrangement en constitue. Il est plutôt question de complot lorsque des concurrents font une entente pour : fixer, maintenir, augmenter ou contrôler les prix, attribuer des ventes, des territoires, des clients ou des marchés ou encore fixer, maintenir, contrôler, empêcher, réduire ou éliminer la production ou la fourniture d’un produit (Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34, a. 45). Bien que certaines mesures anticollusion puissent être mises de l’avant, celles-ci ne garantissent pas qu’il n’y ait pas de collusion. C’est pourquoi il est pertinent de s’attarder à détecter la collusion dans les enchères. La littérature sur la détection empirique de la collusion est plutôt récente, 10
mais tout de même relativement abondante, surtout en ce qui a trait aux modèles où les firmes collusives sont identifiées. La collusion est détectable seulement si les firmes qui en font se comportent différemment des firmes compétitives. La littérature sur la détection se concentre donc à distinguer un comportement collusif d’un comportement compétitif, souvent en utilisant des données d’enchères. Plusieurs modèles ont été développés dans les vingt-cinq dernières années, mais la plupart de ces modèles sont développés en connaissant l’identité des firmes qui font de la collusion. Cette démarche permet de tester la fiabilité des méthodes statistiques pour détecter la collusion puisqu’il est possible de catégoriser les firmes en deux sous-groupes distincts : les firmes compétitives (groupe de contrôle) et les firmes collusives (groupe avec traitement). Il est possible de démontrer ainsi que les deux sous- groupes se comportent différemment. L’efficacité de cette méthode est toutefois questionnable lorsque l’identité des firmes collusives n’est pas connue avec certitude, car le lien de causalité ne peut être démontré. D’une part, la plupart des textes écrits contiennent des modèles qui nécessitent l’identification des firmes collusives. Dans un premier temps, Porter et Zona (1993) tentent de voir s’il existe des distinctions dans le comportement de soumission des firmes collusives et compétitives dans des appels d’offres du marché de la construction de l’État de New York. Parmi les enchérisseurs, une entreprise a été condamnée de truquage des offres et quatre autres sont considérées comme co conspiratrices. Ils estiment un modèle de forme réduite de mise (en logarithme) à l’aide des moindres carrés généralisés sur le sous-groupe de firmes collusives, puis, sur le sous-groupe de firmes compétitives. Les auteurs effectuent ensuite un test de Chow pour voir si les coefficients estimés dans les fonctions de mises sont égaux. Les auteurs concluent que les mises du cartel diffèrent statistiquement des mises compétitives. L’estimation permet de voir qu’il existe bien des différences dans les deux types de mises et suggère que les méthodes statistiques sont efficaces pour détecter la collusion. Dans un deuxième temps, Porter et Zona (1999) vont améliorer leur approche en modélisant deux décisions que la firme doit prendre, soit déposer une soumission ou non et déterminer le montant 11
de la soumission. Les auteurs utilisent des données de contrats d’approvisionnement d’écoles publiques en lait pour une année dans l’État de l’Ohio. Encore une fois, les firmes coupables de collusion sont identifiées ex ante et constituent un groupe distinct des firmes compétitives. Les auteurs sont en mesure de les identifier puisque deux représentants d’entreprises ont avoué avoir truqué des offres avec d’autres firmes de la région. Par rapport à leur première étude, on ajoute la modélisation de la décision de présenter ou non une soumission. On estime un modèle de type probit pour expliquer la participation à une enchère dans lequel la variable dépendante prend la valeur 1 si une mise est présentée et 0 sinon. Un des résultats importants du modèle des firmes compétitives est que la probabilité de recevoir une mise est une fonction décroissante de la distance entre l’enchérisseur et l’école. Ce résultat s’accorde avec la théorie économique puisque le lait transformé est relativement coûteux à transporter. Tout comme dans leur première étude, les auteurs modélisent le prix misé en fonction des différentes caractéristiques du contrat et de la firme pour les firmes compétitives. Le modèle semble cohérent et prédit qu’une firme plus proche de l’école en question a un avantage concurrentiel, mais qui diminue avec la distance. Les auteurs estiment à nouveau ces équations, mais en ajoutant les firmes collusives et comparent les résultats entre les deux types d’entreprises en faisant des tests statistiques. Les tests permettent de rejeter que les firmes collusives soumettent des mises conformément au groupe de contrôle – les firmes compétitives. Pour bonifier leurs résultats, Porter et Zona examinent la déviation de la mise prédite par le groupe de contrôle en fonction des classes de distance entre l’entreprise et l’école, ainsi que la quantité de mises prédites versus réelles. Ils observent que les entreprises collusives soumettent des mises plus fréquemment que le prédit le groupe de contrôle lorsque l’école est proche de leurs usines (0 à 30 miles), mais également que deux de ces firmes misent plus souvent sur des appels d’offres qui sont loin de leur territoire, contrairement au groupe de contrôle. Ils complètent également un test pour voir si les firmes ont agi de manière indépendante, mais observent une corrélation entre la participation de certaines firmes. On conclut qu’il existe bien des évidences empiriques de différences de comportement dans les mises entre le groupe compétitif et le groupe qui a fait de la collusion. 12
Les modèles de Porter et Zona (1993, 1999) reposent sur l’hypothèse que les firmes compétitives et les firmes collusives sont symétriques. Bien que restrictive, cette hypothèse permet de simplifier considérablement le modèle. Bajari et Ye (2003) se distinguent de Porter et Zona (1993, 1999) en présentant un modèle dans lequel les enchérisseurs sont asymétriques. Ainsi, on suppose que les enchérisseurs présentent des distributions de coûts différentes et ne sont donc pas tout à fait identiques. Les auteurs, tout comme Porter et Zona, identifient une fonction de mise, mais celle-ci est spécifique à chaque entreprise. Il est également question d’un contexte où les firmes collusives sont identifiées ex ante. Les chercheurs identifient deux concepts qui sont déterminants dans leur modèle : l’indépendance conditionnelle et l’échangeabilité. Le premier concept, l’indépendance conditionnelle, signifie qu’en absence de collusion les mises doivent être indépendantes, après avoir contrôlé pour les informations sur les coûts des entreprises. S’il y a de la collusion, les chercheurs risquent de trouver une corrélation entre les mises lorsque les membres du cartel soumettent des mises fantômes. Le deuxième concept est le caractère échangeable des mises compétitives. On considère que les coûts seulement devraient déterminer la mise de l’entreprise. Donc, en maintenant l’information des coûts constants, les mises des firmes devraient pouvoir être permutées, c’est-à-dire que si l’on attribue à la firme 1 les caractéristiques de la firme 2, alors la firme 1 miserait la même chose que la firme 2. Ils testent cet élément en autorisant des coefficients spécifiques à l'entreprise dans la fonction de mise et en vérifiant ensuite si ces coefficients sont identiques. Le test d’indépendance conditionnelle s’effectue sur des paires d’entreprises qui ont fait au moins quatre mises sur un même appel d’offres. Les auteurs rejettent l’hypothèse nulle que les firmes sont indépendantes pour seulement quatre paires d’enchérisseurs. Bajari et Ye rejettent l’hypothèse d’échangeabilité des mises lorsque toutes firmes sont dans le même groupe, ainsi que lorsque deux enchérisseurs spécifiques sont ensemble. Les auteurs concluent que les données ne sont pas cohérentes avec un comportement de mise compétitive. Sachant qu’il y a effectivement de la collusion, leurs résultats démontrent que les méthodes statistiques utilisées permettent de la détecter. 13
Modèles empiriques de détection de la collusion spécifiques aux enchères de bois Des modèles de détection de la collusion sont aussi développés lorsque les firmes collusives ne sont pas identifiées ex ante. Cette partie de la littérature est beaucoup moins riche que la précédente. Cette section vise à présenter trois textes spécifiques à la détection de la collusion dans les enchères de bois dans un contexte où les firmes collusives ne sont pas identifiées. Brannman (1996), de son côté, étudie l’effet de la compétition et la collusion dans les enchères de bois orales et fermées des États-Unis (Forest Service). Son objectif premier est de voir si le niveau de compétition potentielle affecte le prix du secteur. Il crée une variable de compétition anticipée (nombre d’enchérisseurs anticipé) qui est le résultat d’un probit en fonction de la distance de transport. Il crée également une variable de compétition géographique potentielle en dénombrant le nombre de firmes qui sont à moins de 115 miles du secteur. L’auteur intègre ces deux variables dans une équation qui explique le prix misé en fonction des différentes caractéristiques des secteurs, des entreprises et des marchés pour chacun des types d’enchère. Au total, il obtient les résultats de quatre régressions, soit le modèle avec compétition anticipée ou potentielle pour les enchères orales ou fermées. Les résultats confirment généralement les prévisions, c’est-à-dire que la compétition réelle importe pour l’enchère orale et la compétition anticipée ou potentielle importe pour l’enchère fermée. Deux résultats de la régression suggèrent qu’il y a peut-être eu de la collusion. D’abord, le nombre d’enchérisseurs réel a beaucoup plus de pouvoir explicatif que le nombre d’enchérisseurs anticipé ou potentiel pour l’enchère fermée. Pour voir s’il peut être question de collusion, Brannman crée un indice de compétition pour chaque firme, H(i), qui représente le nombre de firmes contre laquelle la firme i a déposé des mises sur le nombre total de mises dans les enchères auxquelles i a participée, moins les mises que la firme i a faites. Des valeurs élevées de H(i) signifient que la firme a beaucoup de compétiteurs. Puisque les coûts d’organisation du cartel augmentent avec le nombre de firmes, une valeur élevée de l’indice représente une probabilité plus faible de faire partie d’une entente. L’effet de la variable est significatif pour les enchères fermées et une augmentation de l’indice agrégé (donc plus de compétition) mène à des prix plus élevés. Toutefois, l’effet est plus important dans les enchères fermées. Bien que cet argument ne semble pas suffisant pour croire qu’il peut y avoir de la collusion, l’indice proposé s’avère intéressant. 14
Puis, Brannman trouve le résultat contre-intuitif qu’une augmentation de la distance augmente le prix misé dans les enchères orales. Cette information peut signifier que des firmes plus efficaces peuvent tenter d’intimider des concurrents en misant un prix plus élevé pour faire peur à la concurrence («preclusive bidding»). L’auteur divise les enchères orales en firmes proches et en firmes éloignées du secteur. Il y a en moyenne moins d’enchérisseurs pour les firmes qui sont proches du secteur que les firmes qui sont loin. De même, les prix sont plus faibles pour les firmes proches que les firmes éloignées. Ce comportement semble cohérent avec des stratégies de «preclusive bidding». Enfin, malgré le fait que l’objet de l’étude de Brannman n’était pas de détecter la collusion, les résultats obtenus s’avèrent intéressants. Les effets sont cependant mitigés, puisqu’il est question à la fois de comportement stratégique («preclusive bidding») et de collusion, qui ont deux effets différents. Baldwin, Marshall et Richard (1997) proposent une approche plutôt différente. En effet, ceux- ci testent différents modèles pour voir si des prix bas peuvent être attribuables à une augmentation de l’offre, à la collusion ou à une combinaison de ces effets. Les auteurs mettent de l’avant que si trop de bois est mis en vente par le Service des Forêts et que la demande des entreprises reste constante, on observera des prix bas. Pour ce faire, ils utilisent des données d’enchères orales ascendantes de droits de coupe forestière des États-Unis (U.S. Forest Service Timber Sales). Bien qu’il ne s’agisse pas d’enchères fermées de premier prix, l’approche demeure tout de même intéressante et propose un aspect de nouveauté en essayant d’intégrer des effets d’offre. Il est important de mentionner qu’ils sont également dans un contexte où on ne sait pas si la collusion est présente et si oui, quelles firmes font de la collusion. Ils estiment six modèles différents à l’aide de techniques d’estimation de maximum de vraisemblance pour déterminer lequel reproduit le mieux les données. Les modèles testés sont les suivants : un modèle compétitif sans effet d’offre (1) , deux modèles de collusion sans effet d’offre (2 et 3), un modèle compétitif avec effet d’offre (4) et deux modèles non restreints (5 et 6) qui contiennent à la fois la collusion et l’effet d’offre. Le modèle 3 se distingue du modèle 2, car on lui ajoute une variable binaire spécifique à la collusion, soit une variable qui indique que l’enchérisseur ayant soumis le prix le plus élevé et celui ayant soumis le deuxième plus 15
Vous pouvez aussi lire