DEVENIR SAUVANT L DOSSIER - CleantechAlps
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DOSSIER
PHOTO: KRISANAPONG DETRAPHIPHAT/GETTY IMAGES
DEVENIR
SAUVANT L
RICHE EN
A PLANÈTE?
CRÉER SON ENTREPRISE, TOUT EN CONTRIBUANT À RÉSOUDRE
DES QUESTIONS ENVIRONNEMENTALES, VOILÀ UN PARI QUI TENTE
DE NOMBREUX SUISSES. TÉMOIGNAGES, CONSEILS ET IDÉES.
PAR MARY VAKARIDIS AVEC CHANTAL DE SENGER
DOSSIER SE LANCER DANS LE BUSINESS VERT
ILS SURFENT
de mobilier par de grands groupes (Ikea),
en plus de la vente. Amanda Byrde reprend:
«L’économie circulaire représente une op-
ENTRE PASSION
portunité à saisir pour les PME helvétiques
à qui notre initiative s’adresse en priorité.»
Sur le terrain, constate-t-on vraiment un
boom du business vert? Prudent, Aurélien
ET RENTABILITÉ Demaurex, cofondateur d’ecoRobotix,
laisse entendre qu’il y a encore des places
à prendre. «Il y a bien un phénomène mé-
diatique. Mais nous n’avons pas encore ren-
contré nombre de nouvelles startups.» Ce
diplômé d’HEC Lausanne travaille avec son
E
partenaire Steve Tanner sur un robot ali-
%&#), - Suisse romande. Une croissance similaire menté par l’énergie solaire qui désherbe les
et les enjeux environ- est attendue pour la période 2015-2020. Un champsdemanièreautonome.Crééeàlafin
nementaux ne sont plus des quart des sociétés cleantechs sont des spin- de 2013, cette agritech prépare le lancement
menaces lointaines. L’urgence off des EPF (Ecoles polytechniques fédé- de son appareil sur le marché. «La virulence
fait l’objet d’un large consen- rales) de Lausanne et Zurich. actuelle des critiques contre les pesticides
sus et le consommateur fait maintenant de Après dix ans d’activité, un peu plus de nous vaut un intérêt accru. Aujourd’hui
la durabilité un de ses principaux critères de 200 startups dans ce domaine sont toujours montrésdudoigt,lesagriculteursressentent
choix. Autant de facteurs qui débouchent actives, une durée de vie qui atteste du suc- la pression et sont à l’affût de solutions al-
sur une multitude d’opportunités dans cès de leur modèle (voir infographies). En ternatives», rapporte Aurélien Demaurex.
l’entrepreneuriat. croissance alors qu’il était quasi inexistant L’entrepreneurd’Yverdonsourit:«Peut-être
Si les grands groupes industriels ont in- il y a dix ans, le secteur des agritechs (tech- que cet emballement va faciliter notre pro-
tégré cette évolution dans leur marketing, nologies agricoles) est en pleine efferves- chaine levée de fonds prévue en 2020.»
on observe en parallèle la multiplication cence. Cette émergence s’explique par les
de petites unités, dynamiques et flexibles, récents progrès technologiques. La combi- Ecosystème favorable
fondées dans l’objectif même de rendre naison des drones, de l’imagerie digitale, du Autreprofilaveclafondatriced’AgroSustain,
ce monde plus vert et plus équitable. Ces bigdataetdel’intelligenceartificielles’avère Olga Dubey, qui a l’honneur de figurer dans
nouveaux projets partent d’emblée avec un très féconde. le palmarès 2019 de Forbes des trente entre-
très fort capital sympathie. Les mentalités preneurs de moins de 30 ans. Cette titulaire
changent.Ducôtédesactifs,lesoucidetrou- Economie circulaire d’un doctorat de l’Université de Lausanne
ver un sens à sa vie s’additionne aujourd’hui Un acteur helvétique important dans le est à l’origine d’une solution biologique qui
aux impératifs financiers. Les profession- business vert est le réseau des cinq Impact traite l’apparition de champignons sur les
nels s’épanouissent davantage lorsqu’ils HubdeSuisse(uneantennesupplémentaire fruits et les légumes. Son procédé empêche
ont le sentiment que leurs efforts font une doit ouvrir à Lugano en 2020). Ces centres pommes et tomates de pourrir et prolonge
différence dans la marche du monde. La fonctionnent à la fois comme espace de leur durée de conservation. Le produit,
tendance actuelle est donc d’imaginer de coworking et comme pourvoyeurs de ré- l’AgroShelf, doit être commercialisé à partir
nouveaux produits ou services dans le do- seaux et d’échanges. «Notre mission est la de 2022 grâce à une nouvelle levée de fonds.
maine des économies d’énergie, du déve- mise en place d’une économie circulaire «Dans la haute technologie, on ne constate
loppement durable et du bio. Tout laisse en en Suisse. Nous voulons aussi accélérer le pas encore d’inflation particulière car les
outrepenserquelebusinessvertestàlabase rythme d’innovation, grâce à notre incu- inventions qui débouchent sur un brevet ne
des emplois de demain. bateur», explique Amanda Byrde, copré- s’improvisent pas. Elles sont le plus souvent
Dans l’industrie, les entreprises nouvel- sidente d’Impact Hub Suisse. Lancée l’an- issues de découvertes effectuées dans les
lement créées dans les solutions durables née dernière par l’organisation, l’initiative grandes écoles, témoigne l’entrepreneure
sont regroupées sous l’appellation clean- Circular Economy Transition s’inscrit dans d’origine russe. L’arc lémanique bénéfice
tech, pour technologies propres. Leurs acti- cette nouvelle tendance en développement d’un écosystème très favorable. L’EPFL et
vités représentent quelque 5% du PIB hel- durable.Leconceptdel’économiecirculaire les universités organisent des formations où
vétique, avec des emplois en hausse de 25% reposesurlaréutilisationdesressources.Par vous avez l’occasion de rencontrer des en-
entre 2010 et 2015, d’après les estimations exemple, la production de baskets à partir trepreneurs aguerris. Leurs commentaires
de CleantechAlps, cluster cleantech de la de déchets recyclés ou la mise en location sont très précieux.»
28 BILAN 18 SEPTEMBRE 2019Country manager pour la France de
Wildbiene + Partner, Chloé Humbert-Droz
souligne les aspects positifs de la médiatisa-
tion des enjeux climatiques pour la marche
du business vert. «L’intérêt pour la cause
écologique pourrait contribuer à élargir
notre clientèle. Les consommateurs sont
aujourd’hui plus réceptifs à notre travail de
sensibilisationaurôleessentieldelapollini-
sation des plantes par les abeilles.» Fondée
en 2013 par les biologistes zurichois Tom
Strobl et Claudio Sedivy, la startup emploie
20 personnes dans 4 pays et collabore en
Suisse avec 300 agriculteurs. Avec pour vo- Steve Tanner (CTO, à g.) et Aurélien Demaurex (CEO), cofondateurs de la startup vaudoise
cation la promotion des abeilles, la société ecoRobotix. Leur robot, alimenté par l’énergie solaire, désherbe les champs de manière autonome.
vend notamment des maisonnettes héber-
geant l’espèce maçonne (qui ne pique pas) le financement comme la principale diffi- reconnue pour son approche pragmatique
et assure le suivi des équipements au cours culté à surmonter (source CleantechAlps). a aidé environ 1500 PME depuis sa création
des saisons. Les études montrent que, dans le déve- en 2008. La fondation s’engage en faveur
A quoi doit-on veiller en priorité pour loppement de tout projet, l’entrepreneur va des startups qui ont dépassé le stade du dé-
réussir ce genre d’aventure entrepreneu- traverser deux Vallées de la mort (voir le marrage et des PME domiciliées en Suisse
riale? «Il faut toujours garder à l’esprit que schéma page 30). Une fois qu’il a fondé son d’au moins 250 collaborateurs. Pour les pro-
la vision ne suffit pas. Pour toute décision, entreprise autour d’un prototype, il lui faut jets d’innovation, la contribution s’élève à
il faut trouver un équilibre entre la passion trouver des fonds pour assurer le lancement 200 000 francs au maximum ou 50% du
pourunecauseetlarentabilité.Parexemple, commercial du produit. Cela achevé, l’étape coût global.
parmi nos activités, nous aménageons des dudéveloppementdumarchéseratoutaus- Orientée en priorité vers le transfert de
jardins avec des abeilles sauvages. Avec si périlleuse et dévoreuse de cash. technologie et le soutien de startups high-
nos idéaux, nous souhaiterions y consa- Ce n’est qu’une fois ces deux jalons fran- tech, l’Agence suisse pour l’encouragement
crer bien davantage de capacités. Mais si chis que la société va enregistrer des ventes de l’innovation Innosuisse met à disposition
nous le faisions, ce serait la fin de l’entre- susceptibles d’assurer la rentabilité de l’en- formation,coachingetréseau.Sisavocation
prise parce que cette unité ne rapporte pas treprise. Une fois arrivée à maturité, la start- n’est pas de financer des projets, Innosuisse
assez.» Chloé Humbert-Droz conclut sur up peut alors être vendue à de nouveaux représente un label de sérieux et de qualité.
l’importancedelaprésencedegestionnaires propriétaires (exit). Les investisseurs récu- Certains organes s’orientent vers des cré-
dansleséquipes.«Nosdeuxfondateursbio- pèrent alors leur mise avec une plus-value. neaux spécifiques. Avec le parrainage de
logistes ont élargi la direction à trois autres «Pour les cleantechs, ce parcours s’effectue Migrol (filiale du groupe Migros) et d’autres
personnes dont le rôle est notamment de sur une plus longue durée que pour les pro- distributeursd’essence,laFondationpourla
faire les comptes. Les décisions sont prises jets purement technologiques. Les inves- protection du climat et la compensation de
collectivement.» tisseurs sont freinés par un retour sur in- CO2 (abrégée Klik)s’adresseauxentreprises
vestissement qui paraît lointain. Toutefois, existantes dans les secteurs suivants: trans-
Deux Vallées de la mort les bons projets qui présentent la maturité ports, entreprises, bâtiments et agriculture.
De quelque horizon qu’ils viennent, tous les technique et commerciale trouvent du fi- Créée en 1994 par le naturaliste Luc
entrepreneurs se heurtent au même défi: nancement», constate Eric Plan, secrétaire Hoffmann,petit-filsdufondateurdugroupe
rassembler les fonds nécessaires au lance- généraldeCleantechAlps(liresoninterview pharmaceutique Hoffmann-La Roche, la
ment des activités. Le financement partici- page 33). Fondation pour la nature MAVA soutient des
patif constitue une piste intéressante pour programmesdeprotectiondelabiodiversité
les idées les moins coûteuses et les plus à Les soutiens à solliciter et des entreprises dans le développement
PHOTO: VANESSA CARDOSO
même de toucher la fibre écologique du Pilier du green business helvétique, la durable. L’organisation Impact Hub a, par
public. Les startups – qui par définition, se Fondation suisse pour le climat distribue exemple, été soutenue par MAVA et le fonds
profilent comme des sociétés à forte crois- quelque 3 millions de francs de soutien fi- de soutien Engagement Migros, initiative du
sance –mobilisentdes investissementsplus nancier par an. Bénéficiant du soutien de géant orange qui promeut les «projets pion-
conséquents. Rien de surprenant à ce que ses partenaires (Allianz, AXA, Pictet, Julius niers dans une société en mutation».
quelque 35% des cleantechs suisses citent Baer, PWC, Sanitas, etc.), cette institution A vous de jouer!
W W W. B I L A N .C H BILAN 29Vous pouvez aussi lire
