DIPLÔMES DE PAYSAGE LES NOUVEAUX TALENTS - ÉDITION 2015 - Ecole Nationale Supérieure de Paysage
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Avec le concours DIPLÔMES DE PAYSAGE : LES NOUVEAUX TALENTS, la Fédération Française du Paysage met en lumière, pour la 3 e année consécutive, une sélection des travaux de fin d’études des écoles supérieures de paysage françaises . Six travaux finalistes présentés dans ce catalogue, sur un total de trente-sept dossiers adressés à la Fédération Française du Paysage. Des chiffres qui montrent à la fois un engouement grandissant des diplômés en écoles de paysage pour un concours relativement jeune, mais aussi la volonté de la F.F.P. de publier cette année une sélection plus resserrée de travaux de fin d’études. Si elles ne sont que deux à avoir été primées (Julie-Amadéa Pluriel et Magali Risler) par un grand jury présidé à l’occasion de cette 3 e édition par l’urbaniste Jean-Pierre Charbonneau, tous se distinguent par la qualité de leurs travaux. Issus de trois 1 écoles supérieures de paysage, ces six finalistes, par leurs démarches, questionnent les territoires, tout autant que la pratique. Ne négligeant ni le fond, ni la forme, ces travaux s’illustrent par la place qu’ils laissent au temps. Le projet, s’il y est parfois objet, apparaît également comme un processus, souvent long à enclencher sur les territoires, impliquant habitants, politiques, acteurs économiques… Chez chacun, le paysage est ce bien commun qui se construit, lentement, à plusieurs. Par les sujets traités, ils confirment le nécessaire décloisonnement qu’il est désormais urgent d’opérer et de généraliser entre les disciplines. Par leurs travaux, ils démontrent cette capacité du paysagiste à pouvoir se positionner en véritable instigateur, à l’interface de différents systèmes, souvent complexes, qui fondent le paysage tout autant qu’ils le modifient, voire le dégradent. L’urbanisme, l’architecture, le patrimoine, l’agriculture, l’environnement, la gestion des risques, l’évolution du climat… sont autant de disciplines qui sous-tendent chez eux la fabrication du paysage. Elles sont, par nature, l’objet de leurs préoccupations, qu’ils croisent, qu’ils interrogent et dont ils se servent pour écrire leurs projets. Sans gesticulation, sans imposture, avec bon sens. Sylvain Morin coordinateur du concours “ Diplômes de paysage : les nouveaux talents ” paysagiste-concepteur, vice-président de la FFP région Ile-de-France
LES NOUVEAUX TALENTS ÉDITION 2015 LE MOT DU GRAND JURY Être membre de jury pour une compétition d’un tel niveau de qualité est à plus d’un titre passionnant. C’est déjà un voyage en des lieux tous différents mais que la qualité de l’analyse réalisée par chacun des compétiteurs fait vivre d’une manière Luc DALLA NORA passionnante et que l’on a bien peu l’occasion de rencontrer. On mesure le chemin intellectuel et professionnel réalisé en vingt ans dans l’approche 4 du contexte d’un territoire. L’on entend certes parler de paysage mais, loin de ENP Blois rapporter ce terme à la création de jolis jardins, il est question de culture, d’économie, Mathilde GARRO de vie sociale, de vent, d’eau, de sols, d’agriculture, d’énergie, de temporalités… la réalité du monde urbain en quelque sorte, dont la diversité des sujets traités dans 8 les diplômes poursuit l’exploration. On retrouve un grand ensemble, un site nucléaire, une côte méditerranéenne, une prairie non encore urbanisée… ENSAP Lille Il fallait choisir. Deux projets ont particulièrement retenu l’attention pour Sylvain HUOT 12 la finesse de leur analyse des sites, l’intelligence et la justesse des propositions. Magali Risler s’est interrogée sur la manière d’accompagner la vie de migrants ENP Blois installés près de Calais, en attente du voyage vers l’Angleterre. Son approche pragmatique faite d’écoute des personnes et des aidants, de compréhension du site Julie-Amadéa PLURIEL 16 dans sa dimension géographique et sociale, l’a conduite à proposer des solutions évolutives capables aussi d’être acceptées dans une situation par nature conflictuelle : ENP Blois « un territoire hospitalier, une halte dans la traversée ». Julie-Amadéa Pluriel s’est intéressée au massif de Crussol près de Valence. Magali RISLER 20 Elle a compris que ce lieu historique et touristique pouvait profiter de sa situation sur le chemin des vents du Sud remontant le Rhône. L’utilisation de végétaux ENSP Versailles-Marseille adaptés, y compris aux évolutions climatiques, la récupération de terrains délaissés au profit d’une économie agricole, sont en mesure de faire de ce site un « un éclaireur Maxime SOENS 24 de la méditerranée ». ENSP Versailles-Marseille Ajoutons que l’ensemble des propositions rend optimiste car derrière, se trouvent des créateurs très engagés dans le monde et qui entendent bien agir sur lui pour le rendre meilleur. Jean-Pierre Charbonneau urbaniste, président du grand jury
Luc DALLA NORA luc.dallanor a@gmail.com ENP Blois LA PLAINE DES MONGES-LAUNAGUET : QUELLES RELATIONS VILLE/CAMPAGNE POUR UN AVENIR PÉRENNE ? 4 5 La frange Nord-Est de Toulouse, un territoire considéré autre‑ fois comme espace agricole majeur de la région Toulousaine reste préservé de l’urbanisation à outrance. Launaguet, inter‑ face entre coteau, plaine et rivière, jouit d’une situation pri- vilégiée aux portes de Toulouse. Ce territoire comporte une plaine agricole de 200 ha qui est aujourd’hui en danger. Autre- fois fleuron d’une activité maraîchère probante, la commune en passe de devenir aujourd’hui une commune péri-urbaine à cause d’un bouleversement imminent.
Mon attention s’est donc portée sur la Plaine agri- cole et maraîchère des Monges, un site charnière aux portes de Toulouse. Cette plaine sera traver- sée dans quelques temps par une infrastructure routière (un boulevard urbain) induisant des chan- gements d’usages et de statuts de ce territoire. La plaine apparaît donc comme un espace agricole en transition, de par les difficultés de maintenir ces espaces viables au sein des zones urbanisées. Enserrée par un coteau qui constitue un balcon, la plaine permet une certaine respiration au territoire urbanisé. Cette portion de territoire semble s’arti- culer de façon indépendante comme une bulle, une ouverture, dans un territoire à tendance urbaine. Depuis le 20e siècle, la région toulousaine n’a pas 6 7 cessé de se développer. Las de constater une pres- sion foncière importante, un projet de dévelop- Quelles possibilités s’offrent donc à la commune de pement urbain a vu le jour depuis peu. La com- Launaguet : munauté urbaine du grand Toulouse a entrepris la - comment lier la future trame du BUN avec les es- création d’un Boulevard Urbain Nord (BUN) en to- paces agricoles de la plaine ? tale adéquation avec le Schéma de Cohérence Terri- - comment fédérer les espaces publics existants toriale. Le BUN a pour objectifs de valoriser le pay- avec la création d’un lieu fédérateur ? sage (espaces publics, qualité paysagère et environ- - dans quelle mesure serait-il possible de valoriser nementale et un maintien de l’activité agricole), de les espaces agricoles en favorisant une possible structurer l’urbanisation future en favorisant un agriculture de proximité ? développement urbain raisonné, et de permettre la valorisation d’infrastructures durables (trans- Ce projet s’oriente donc vers la relation entre la ports alternatifs liant villages et quartiers en va- ville et campagne deux entités fonctionnant en- lorisant les échanges). semble, par une multiplicité de facteurs spatiaux et vécus et termes d’usages de ces territoires. C’est Le futur BUN prévoit d’être mis en service à l’ho- la co-construction de deux dimensions différen- rizon 2020 et constitue donc une véritable ossatu- tes qui fonctionnement conjointement. L’idée re pour le territoire communal. Launaguet prévoit d’articulation, de projet, d’espaces d’échanges ainsi la création à plus ou moins long terme d’un (services, sociaux, environnementaux, paysagers, “ parc ” visant à valoriser et mettre en exergue les agricoles…) est alors à prendre en considération, différentes entités communales (espaces publics, puisque ville et campagne sont sources d’émer- patrimoine classé…) et de créer un lieu de vie en gences de nouveaux concepts entre urbanisme et relation directe avec la plaine. agriculture moderne.
Mathilde GARRO mathilde.garro@gmail.com ENSAP Lille PROMESSES D’ÎLES : LAGUNES ET GRAND ENSEMBLE ACTUALITÉ D’UNE UTOPIE 9 8 La ZUS de l’Île de Thau illustre les principes utopiques appli- qués à la production massive de logements d’après-guerre. À Sète, les concepteurs ont porté une main que certains pour- raient dire sacrilège sur la géographie en fabriquant une île. Aujourd’hui, cette île est à la veille de subir une extraor- dinaire mutation. On prévoit avec une quasi-certitude que ces terres seront submergées dans 40 ans. Que deviendra la population du grand ensemble ? Elle vient de l’autre rive de la Méditerranée et sera la première réfugiée climatique si d’ici là l’île n’est pas réconciliée avec son paysage.
Aux abords d’un café de Sète, j’explique à des ma- reyeurs serbes et italiens que je travaille sur la ZUS de l’Île de Thau. Ils appellent ses habitants les Zupiens. Depuis 1965, il y a Sète et il y a la ZUP. La cité n’échappe pas à la règle française. Les 5000 habitants de la ZUS sont les autres. Pour certains, il n’y a qu’à “ tout raser ”, quand d’autres croient que les deux ponts routiers de l’Île de Thau sont des ponts mobiles. En réalité ils n’ont pas besoin d’être relevés pour que l’Île soit exclue de la ville. Aucun des paysages de l’Île n’est heureux malgré sa situation géographique fantastique. L’image de ces immeubles au bord de l’eau avec ces petits bateaux de pêche amarrés à leurs pieds semble légère, presque joyeuse. Mais rapidement, le spec- La trame bâtie moderniste permet une première tacle des reflets et des lumières s’oublie. Le soleil hiérarchisation des espaces. Sa densité dégage écrase l’herbe rase et dessèche le bitume. Quelles d‘importants espaces au sol. La lumière entre gé- que soient la saison et la couleur du ciel, l’espace néreusement et protège du vent. Ces dispositions est toujours vide. Lentement, les habitants pas- spatiales énoncent les trois ambiances paysagères sent d’une barre à une autre, par deux, par trois, cohérentes avec le paysage de Sète. Les parkings ou seuls. Ces passages furtifs de silhouettes pres- plantés dessinent un large cours ombragé lié à la que fantomatiques sont les rares mouvements vi- pinède du Mont Saint-Clair au sud, la bande HLM sibles à l’extérieur. Ils amplifient la démesure du est le paysage habité, et la bande pavillonnaire grand ensemble. Il manque à cet ordinaire pour laisse place à de vastes espaces ensoleillés ouverts être un paysage habité, un sol que l’on peut s’ap- sur la lagune. proprier, un horizon sur lequel se tenir et rencon- trer les paysages plus vastes au milieu desquels ils La lagune dépend du réseau hydrique du bassin s’inscrivent néanmoins. versant et du lido de Sète. Les prévisions de mon- 10 11 tée des eaux exigent d’intégrer le caractère mobile La ville de Sète, géographiquement entre deux de la côte languedocienne. Un seul récit plausible eaux, le bassin de Thau et la mer, est en réalité d’un renouvellement littoral du Bassin de Thau est uniquement tournée vers cette dernière. Quant développé afin de réduire la vulnérabilité de Sète. à la ZUS, elle est reléguée sur la face arrière, isolée Dans cette fiction de 2100, l’Île de Thau devient la par une série de barrières. Par ailleurs le foncier est porte d’entrée de l’archipel agraire sédimenté na- aujourd’hui saturé et la commune ne dispose pas turellement sur une partie du bassin de Thau. d’espace public sur le bassin. Or, l’Île est une réserve foncière et permet un rapport au paysage inédit à Mon projet s’appliquerait en 2050, année char- Sète. Créons un parc habité : il entraîne une cohé- nière à laquelle le lido sera immergé à marée hau- rence à l’échelle du territoire et participe au mail- te. Trois principes structurent l’espace : s’inscrire lage des paysages volontaristes languedociens. dans la logique des bandes et les démultiplier, les Le parc permet le développement d’une véritable étirer, les épaissir. Par ailleurs, cette orientation vie collective, caractéristique de ce Sud, ici insen- brise les vents dominants et la houle. Le projet se sible. La Méditerranée revient. D’abord par l’expres- décline en une succession de fronts. Ceux exposés sion des habitants. Également, grâce aux plantes, au Nord protègent l’Île de la montée des eaux. d’origines méditerranéennes elles aussi, cultivées Ceux au sud laissent pénétrer l’eau. Ces attitudes en terrasses, elles permettent à leur tour un travail diversifient les rapports à l’eau et permettent à de qualification de ce sol uniforme. Habité enfin, le des paysages spontanés de prendre place, et à des parc l’est par les adresses existantes, ces lieux af- paysages maitrisés d’accueillir les usages les plus fectionnés autour desquels les rares moments de urbains. Enfin, ces bandes deviennent perméables vie partagés s’organisent. C’est la distinction entre par de fines ouvertures du bâti et un éparpillement le paysage habité et le paysage visité de l’Île. des équipements.
Sylvain HUOT sylvain.huot@hotmail.fr ENP Blois HÉRITAGE ÉNERGÉTIQUE : LA RECONVERSION D’UN ANCIEN SITE NUCLÉAIRE À BRENNILIS 13 12 Depuis 1995, la centrale nucléaire de Brennilis (Finistère) fait l’objet d’un programme ambitieux de démantèlement total pionnier en France. À l’aube d’une explosion probable des “ friches nucléaires ” dans le monde, ce site offre une opportunité d’expérimentation pour la reconversion de ces lieux si particuliers. L’après-nucléaire pose ici la question de l’effacement d’un repère dans le paysage mais aussi dans les consciences. Ce territoire reculé se retrouve donc confronté à de véritables enjeux identitaires, économiques et environnementaux.
Au sein des Monts d’Arrée, dans le vaste marais du Yeun Ellez, la centrale nucléaire nommée EL4 est un repère visuel identitaire dans le paysage. Cet objet industriel monumental crée un contraste frappant avec le territoire autour, resté très rural, en plein milieu du Parc Naturel Régional d’Armo- rique. L'Homme a pourtant entièrement façonné avec énergie ce paysage, défrichant les bois de l'Argoat en de vastes landes, sur lesquelles vient buter une trame bocagère dense. La tourbe des marais a été exploitée, tout comme la force de l'eau au début du 20 e siècle avec l'apparition du lac artificiel de Saint-Michel. Dans ce contexte, la centrale-prototype EL4 s'est inscrit dans une continuité historique et culturelle d'un paysage d'énergies dans les années 1960. Symbolisée dans les consciences par des infrastruc- L’après-centrale n’est en effet pas une fin en soi. tures en béton monumentales, EL4 a aussi im- Le prétexte du démantèlement est une étape pacté la vie du territoire : formation d'un complexe vers des objectifs territoriaux plus globaux où le 14 15 industriel, de lignes haute-tension, de zones priva- rapport de Brennilis aux Monts d’Arrée évolue. tisées en friche, de cités-logement, mais aussi d'une Rythmé par un phasage temporel au long terme, peur de la radioactivité atténuée par les retom- le projet met en place un processus de réappro- bées financières. Le chantier du démantèlement priation sociale et économique de ce site privati- rythme maintenant la vie locale, et cristallise les sé depuis plus d'un demi-siècle. Le spectacle de passions sur le devenir du site entre locaux et ins- la disparition de la centrale sera mis en scène, titutions extérieures. Vécu comme une bénédiction le temps du démantèlement, associé à une dé- économique à sa construction, ce prototype de marche expérimentale dans le domaine de la Brennilis a été une vitrine du savoir-faire national à bioremédiation des sols. Une fois le site déclassé, l'époque en la matière. L'expérimentation continue il laissera la place à moyen terme pour la création aujourd'hui, ce site étant le premier en démantèle- d'un Parc des énergies où des traces physiques de ment total en France. la centrale disparue feront perdurer sa mémoire. L'objectif d'EDF est simple : tout effacer. Est-ce ce- Au-delà, à long terme, il s’agit de réfléchir à une pendant la meilleure valorisation possible, la façon stratégie énergétique d'échelle territoriale mobili- adaptée d’assumer une telle expérience industri- sant les acteurs locaux. Le développement d’éner- elle? La conservation de la mémoire de ce repère gies renouvelables adaptées sera porté par le Parc semble pourtant essentielle, au regard de son em- des énergies et le complexe industriel requalifié. preinte laissée dans le paysage, l’environnement et Il devra avoir comme objectif d’être innovant dans la culture locale. Le postulat de ce travail propose la communication et l'expérimentation d'un nou- donc de garder une trace qui n'ira pas à l’encontre veau système de production énergétique, valori- de la disparition programmée des infrastructures, sant les ressources du Yeun Ellez. Le rôle pionnier cherchant plutôt à valoriser un paysage façonné de Brennilis pourra ainsi perdurer à une nouvelle par les énergies à toutes les échelles de temps. échelle, celle du grand paysage.
Julie-Amadéa PLURIEL julie-amadea.pluriel@outlook.fr ENP Blois LE MASSIF DE CRUSSOL, 16 17 ÉCLAIREUR DE LA MÉDITÉRRANÉE Dans la vallée du Rhône, près de Valence, le massif de Crussol, figure de proue de son territoire grâce à son célèbre château, transportant sur son dos une précieuse cargaison, capable d’accueillir une flore et une faune venues d’ailleurs, pourrait avoir un rôle moteur, dans le contexte actuel du changement climatique, dans l’adaptation des populations et de la nature au climat futur.
La structure du projet s’articule sur trois points stra- tégiques du massif : - le château de Crussol, situé en proue au Nord du massif, sur un promontoire très à découvert et balayé par les vents, est vu comme un poste d’ob- servation des mouvements du climat changeant, et nommé le “ théâtre des météores ” (météores : manifestations atmosphériques telles que le vent, la pluie, le soleil, l’orage, ou encore la rosée). Dans le futur, avec des chaleurs plus intenses, le lieu retrouvera cette forte confrontation avec les élé- ments qu’il a par essence, et que les hommes ont oublié - l'extrémité Sud, au niveau du lieu-dit Val d’En- fer, est vue comme une véritable “ piste d’atterris- Ce massif est plein de richesses, en commen- sage ” capable d’accueillir les espèces végétales et çant par la roche qui le constitue : le calcaire, qui animales en migration. Fort de sa posture haute lui donne un caractère insulaire, puisqu’il est par rapport à la vallée, ce lieu sera le filet attrapant un intrus sur le plan géologique local. Grâce à sa au vol les graines portées par le vent du Sud, et les capacité à emmagasiner la chaleur, c’est toute une accueillera sur son sol 18 19 faune et une flore méditerranéenne qui peut vivre, - reliant ces deux pôles, le chemin des vignes vien- jouissant du précieux micro-climat du massif. dra, à l’image d’un gradient, mesurer sur toute Ce navire rocheux de 320 hectares (4,3km de long) la longueur du massif l’avancée du souffle mé- transporte un patrimoine vivant en migration. diterranéen. L’implantation de haies, supports A l’avenir, on peut s’attendre trouver à cette lati- pédagogiques pour les promeneurs, valorisera tude les caractéristiques du climat méditerranéen, la flore spontanée du massif. Pour les constituer, alors qu’aujourd’hui cet endroit n’est que sous “ in- c’est le massif en tant que pépinière qui sera sol- fluence méditerranéenne ”. En cela, Crussol est un licité, en prélevant les plantes sur le site, au plus précurseur, un “ éclaireur de la Méditerranée ”. près. D’autres arriveront, témoignant des effets du réchauffement climatique, et pourront y être C’est pourquoi, j’ai considéré le massif comme une associées. véritable pépinière, une ressource en évolution constante, mobilisable pour le projet, en veillant à Sur son gros dos émergeant de la vallée du Rhône, ce qu’elle reste capable d’accueillir les nouvelles Crussol transporte non seulement une richesse bio- venues, et ne soit jamais considérée comme un logique rare, mais, par ses ruines et son passé mé- aboutissement. connu, transporte aussi notre imaginaire. Et au sein de ce contexte naturel tout particulier, En gardant en filigrane la posture singulière que le il existe un patrimoine historique remarquable : site peut adopter face au changement climatique, un château du 11e siècle et de son village attenant, empreinte de fragilité et d’un immense potentiel, en ruines. Du haut de son éperon rocheux, il agit ce projet a tenté de saisir les opportunités d’une comme un phare par son rayonnement alentour. cohabitation possible d’enjeux et de patrimoines Les Hommes viennent rêver auprès de ces vestiges de différentes natures, pour mener ce navire vers du temps, lieux guerriers du passé. un horizon lointain.
Magali RISLER ENSP Versailles-Marseille mag.risler@gmail.com TERRITOIRE HOSPITALIER, UNE HALTE DANS LA TRAVERSÉE 20 21 Entre Lens et Calais, les campements migrants s’égrènent le long de la “ Route des Anglais ”, en marge des villes, entre campagne péri-urbaine et ville diffuse. Devant l’hostilité des villes, le cloisonnement de la société, ce diplôme s’attache à développer ici l’hospitalité. Il décortique les mécanismes d’installations, révèle ce que l’on ne regarde plus, pour mieux faire exister ceux que l’on veut oublier. Il fait du campement un moteur de transformations positives pour le territoire qui devient ressource plutôt qu’obstacle et donne les conditions d’un mieux vivre ensemble.
Cependant, par son installation, le campement met ces hommes dans une si grande proximité au paysage et à ses périls, qu’il éclaire de manière forte et évidente des problématiques qui ne sont pas propres seulement aux migrants. Les struc- tures anciennes du paysage montrent qu’ils s’ins- crivent alors dans une histoire commune à tous les habitants de ce territoire. Ici, les hommes cherchent, et ont cherché, à force d’adaptations, à habiter ce terrain hostile où l’eau, le vent et la sécheresse rendent l’installation difficile. Le campement de Norrent-Fontes se trouve à la sortie du village, au creux d’un vallon bordé de grandes étendues cultivées. Il s’est installé dans Depuis plus de 10 ans, les campements de migrants un fossé agricole en bordure de champs. Au cœur sont disséminés dans le Nord-Pas-de-Calais. de ces vallons agricoles au paysage dénudé, la vie Le long des axes autoroutiers, ils n’existent qu’à est exposée aux aléas de la nature. L’eau inonde le travers leur élan vers l’Angleterre, se plaçant à campement, dévalant des pentes cultivées, ravi- égale distance entre l’aire d’autoroute et la ville. nant et dégradants les sols, puis inonde le village La situation des migrants est remplie de para- en contre-bas. Les habitants, migrants et agricul- 22 23 doxes, entre installation et transit, sans accroche teurs se trouvent alors face à une problématique dans le territoire, de simples haltes dans le par- commune : celle de l’inondation. cours. Ils habitent sans se fixer, sans s’approprier, sans s’enraciner. Mais de manière singulière, ils Le projet, en cherchant d’abord à répondre à l’ur- “ habitent ” ces lieux. Ils trouvent refuge à la faveur gence de l’amélioration des conditions de vie des d’un pli, se masquent dans le paysage, et jouant migrants, réactive des structures de paysages ou- avec la topographie, ils s’efforcent de construire bliées : les dispositifs agricoles se déploient pour des havres de paix, des lieux sûrs. Ils construisent guider l’eau, le vent et les habitants à travers les ici des espaces à mesure humaine qui rompent collines. Ces dispositifs deviennent supports de avec la monotonie des étendues du Nord-Pas- biodiversité et de loisirs, jouant un rôle essentiel de-Calais. « Chacun de nous habite un espace pour dans la structure des paysages et leur écologie. autant qu’il le construit. Il en va de même pour le lieu Mais également un support de rencontres, tra- qui répond par sa forme et ses potentialités à l’habi- vaillant à donner les conditions d’un mieux vivre tabilité, aux attentes de l’homme », Thierry PAQUOT ensemble. dans Lieu, hors-lieu et être au monde. Le projet de paysage, cultivant ce bien commun palpable, vu et senti par tous les hommes, fait du Le phénomène migratoire crée des transforma- campement un moteur de projets et de transfor- tions rapides et parfois violentes qui sont difficile- mations positives pour le territoire. Son instabilité ment acceptées par les habitants. permet d’imaginer une dynamique : si le campe- A Norrent-Fontes, comme pour beaucoup d’autres ment disparaissait, il laisserait derrière lui la trace villages, on reste entre soi, on aime la tranquillité d’un lieu d’aménités. Un lieu pensé pour un mieux et pas tellement le changement. Alors ces nou- vivre ensemble. Un lieu de bien-être à parcourir veaux venus inquiètent, dérangent. pour tous les habitants.
Maxime SOENS soens.maxime@gmail.com ENSP Versailles-Marseille UN AUTRE REGARD SUR LA PETITE CAMARGUE : ESQUISSE D’UN PLAN PAYSAGE POUR AIGUES-MORTES ET SES SALINS 25 24 La Petite Camargue est un paysage singulier dont les par- ticularités ont conditionné l’implantation de l’homme et de ses activités sur le territoire : c’est une interdépendance éco- nomique et paysagère essentielle. L’une de ces activités, la saliculture, est présente depuis des siècles sur les vastes lagunes d’Aigues-Mortes et a véritablement façonné les pay‑ sages. Les salins constituent un paysage de production mais c’est avant tout un producteur de paysages. Le présent projet propose de porter un nouveau regard sur ces paysages en abordant la question de leur fréquentation touristique.
Aujourd’hui, Aigues-Mortes est marquée par une forte fréquentation touristique, les équipements et infrastructures présents ne sont plus adaptés et sont arrivés à saturation. Parallèlement à cela, le regard de protecteur qui a été porté, s’il montre un réel engagement, s’est fait de façon fragmen- tée, sans réflexion globale à l’échelle du territoire. Il fait ainsi abstraction des conditions singulières d’occupation et d’utilisation des ressources du ter- ritoire à l’instar de la saliculture, composante pay- sagère majeure. Les objectifs peuvent être appliqués par différen- Comment révéler les paysages salicoles ignorés tes actions sur un choix de sites stratégiques qui jusqu’à maintenant au travers d’une gestion rai- définissent trois grands secteurs d’intervention : sonnée de la fréquentation touristique nécessaire - réaffirmer la place d’Aigues-Mortes dans l’ensem- à une coexistence des autres activités économi- ble du site. Aigues-Mortes peut devenir la nou- ques ? Telle est la question que l’on peut se poser velle porte d’entrée du territoire, c’est un carre- afin d’établir une stratégie paysagère susceptible four, un point de diffusion. Cette première étape de mobiliser et fédérer les différents acteurs du se concrétiserait par une intervention dans le quar- territoire autour d’un objectif commun : celui de tier de la gare et du port, aux abords des remparts déterminer dans le temps et l’espace les traver- nord et ouest de la cité 26 27 sées, les lieux à révéler, à fréquenter, à transfor- - développer l’accessibilité des paysages salicoles mer pour valoriser leur activité comme support depuis le cordon dunaire du Bosquet. Cette struc- et garantie de la pérennité et de la qualité des ture d’immersion dans les lagunes peut devenir un paysages. Une démarche d’action doit désormais véritable outil de perception dont le point d’orgue être engagée pour accompagner les transforma- serait le Fort de Peccais, situé à son extrémité tions en cours, les changements de regards et d’in- - mettre en scène les lagunes salicoles. Envisager térêt sur les paysages : ne plus montrer ce qui est des possibles à l’échelle du territoire à long terme à protéger, mais montrer ce qui est à transformer. par une série de propositions qui concernent di- rectement la mise en scène, l’accessibilité, et la Pour répondre à ces enjeux, il est essentiel de dé- fréquentation des paysages résultant de l’activité finir une priorité paysagère : celle de moduler la salicole. fréquentation touristique en fonction de l’intérêt des sites, de la capacité d’accueil, de la diversifica- Ces propositions sont interdépendantes et ont une tion, de l’accessibilité, et de la répartition dans le résonance sur l’ensemble du territoire de la Petite territoire. De ce principe, découlent trois objectifs Camargue. Elles engagent à élaborer une stratégie de projet à atteindre : pour développer un accueil touristique singulier, - transformer des sites comme une nouvelle façon en relation avec les caractéristiques très particu- d’aborder la fréquentation touristique lières du site, afin de révéler les corrélations étroites - détourner des sites pour en faire des lieux et des entre les paysages perçus et les activités qui les pro- outils de perception duisent ou les ont produits. En montrant l’activité - mettre en réseau des sites pour parcourir autre- industrielle comme un paysage, ce projet cherche ment le territoire en s’appuyant sur les initiatives donc à repositionner les salins au cœur du territoire déjà engagées. pour qu’ils deviennent un véritable catalyseur.
Sur un total de 37 dossiers de candidatures envoyés à la Fédération Française du Paysage, un jury de paysagistes professionnels a sélectionné, courant avril 2015, 6 finalistes. Le 9 juin 2015, à la Maison de l’Architecture en Île-de-France, les finalistes ont dû alors soutenir oralement leurs projets de fin d’études devant un Grand Jury composé de personnalités de premier plan. A l’issue de cette journée, le Grand Jury a décidé de récompenser certains de ces travaux, pour le sérieux de leur démarche, leur qualité exemplaire ou leur caractère innovant. GR AND JURY Jean-Pierre Charbonneau, urbaniste, président de jury Marie-Christine Vatov, rédactrice en chef du magazine Traits Urbains Jean-Marc Bouillon, paysagiste-concepteur, président de la FFP Liliane Pays, conseillère régionale d’Ile-de-France, présidente de Natureparif JURY DE PAYSAGISTES CONCEPTEURS Aurélien Albert, Marie-Cécile Allard, François Bosset, Pascaline Boyron, Nicolas Cognard, Agnès Daval, Aline Lecoeur, Marc Lenglare, Thomas Schwager-Guillemenet, Raymund Zians LES CANDIDATS DE L’ÉDITION 2015 Arzhel Ayrault (ENSAP Bordeaux), Marie Biet (ENSP Versailles-Marseille), Joséphine Billey (ENSP Versailles-Marseille), Hortense Blanchard (ENSP Versailles-Marseille), Guillaume Blazy (ESAJ Paris), Samuel Bonnefoi (ENSAP Bordeaux), Hélène Carlo (ENSP Versailles-Marseille), Hermeline Carpentier (ENSP Versailles-Marseille), Simon Cathelain (ENSP Versailles-Marseille), Audrey Chéritel (ESAJ Paris), Louise Colin de Verdière (ESAJ Paris), Manon Combeau (ENSAP Lille), Luc Dalla Nora (ENP Blois), Caroline Druon (ENSAP Lille), Kévin Fernandez (ENSAP Lille), Caroline Figaro (ENSP Versailles-Marseille), Mathilde Garro (ENSAP Lille), Sylvain Huot (ENP Blois), Myriam Iaz (ENP Blois), Albine Jaubert (ENSP Versailles-Marseille), Alice Le Berre (ENSAP Bordeaux), Martin Lelièvre (ESAJ), Clémentine Lescanne (ENSAP Bordeaux), Alexandre Libersart (ENP Blois), Alexandre Marguerie (ENSP Versailles-Marseille), Mathias Menotti (ENSP Versailles-Marseille), Adrien Moreni (ENSAP Bordeaux), Félicien Paupe 2 1 (ESAJ Paris), Julie-Amadéa Pluriel (ENP Blois), Léo Pouliquen (ENSP Versailles-Marseille), Laure Rhin (ENSAP Lille), Magali Risler (ENSP Versailles-Marseille), Hélène Saulue Laborde (ENSAP Bordeaux), Maxime Soens (ENSP Versailles-Marseille), Jordan Szcrupak (ENSP Versailles-Marseille), Romain Vallengelier (ENP Blois), Blandine Vareille (ESAJ Paris) LES SIX ÉCOLES SUPÉRIEURES DE PAYSAGE FR ANÇAISES RECONNUES PAR L A PROFESSION E T L’IFL A–RÉGION EUROPE classées par ordre alphabétique des villes : Agrocampus Ouest Angers / Ecole de la Nature et du Paysage de Blois, INSA Centre-Val-de-Loire (ENP Blois- INSA CVL) / Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage (ENSAP Bordeaux) / Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage (ENSAP Lille) / Ecole Supérieure d’Architecture des Jardins et des Paysages (ESAJ Paris) / Ecole Nationale Supérieure du Paysage (ENSP Versailles-Marseille) COORDINATION Sylvain Morin, paysagiste-concepteur, administrateur FFP Nationale, vice président FFP IdF CONCEPTION GR APHIQUE atelier youpi REMERCIEMENTS CEA, Sopranature, Paysage TV, Cybergies
LA FINE FLEUR DES TRAVAUX DE FIN D’ÉTUDES EN ÉCOLES SUPÉRIEURES DE PAYSAGE www.diplomes-paysage.fr 3 3e édition juin 2015 un concours de la Fédération Française du Paysage
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