DOSSIER LE BLUES DE LA PANDÉMIE (3-5) SECONDE MAIN ATTENTION : TOURBILLON ! (8) - CENTRE SOCIAL PROTESTANT
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édition romande - n°01 - janvier 2015 édition genevoise - n°02 - juin 2021 Faites un geste ! © Shutterstock dossier LE BLUES DE LA PANDéMIE (3-5) seconde main ATTENTION : TOURBILLON ! (8)
journal du centre social protestant - Genève 2 (ÉDITO) LA CRÉATIVITÉ EN TEMPS DE CRISE C’est une réalité nuancée que sanitaires, il s’agit de maintenir le de penser et d’agir autrement. En brocante et le début d’une aven- donne à voir cette édition des lien, qui est la raison d’être de ce même temps, nous avons vu notre ture inédite entre neuf entreprises « Nouvelles ». L’impact de la pan- lieu qui accueille des personnes travail de plaidoyer porter ses fruits sociales. Plus qu’un nouveau lieu démie sur la santé mentale et la qui, par leur isolement, sont parti- et nous comptons sur notre rôle de vente, nous voulons offrir au situation sociale de la population culièrement fragiles. La crise nous de vigie sociale pour promouvoir public un lieu de socialisation et est préoccupant. Mais la crise est a obligés à renoncer à l’essentiel : l’innovation et la concertation au d’économie circulaire. Avec nos aussi une occasion de renouvel- l’accès libre, en dehors de toute niveau du canton. partenaires présents sur le site, lement, comme le souligne Sofia contrainte et pression. Les usagers nous allons aussi renforcer notre Guaraguara (lire son interview en en ont souffert, tout en faisant Au moment d’écrire ces lignes, dispositif d’insertion profession- p. 3). preuve d’adaptibilité. nous sommes également partagés nelle afin que les personnes accom- entre notre préoccupation face à la pagnées bénéficient de parcours Au cœur de ce dossier, nous avons L’actualité se montre aussi sous un hausse de la précarité à Genève, d’acquisition de compétences di- donné la parole à Fernanda, une jour contrasté. Alors que la crise et la joie d’annoncer l’ouverture versifiés et complets. participante de longue date de sanitaire semble reculer, la crise au public, le 28 août prochain, de l’Atelier Galiffe. Elle témoigne économique et sociale ne cesse- notre nouvelle brocante à l’espace Nous vous savons engagés et soli- de sa traversée de la crise, avec ra certainement pas de grossir. Tourbillon. daires à nos côtés. Merci pour vos l’aide de ce centre de jour et de Parties pour courir un sprint, les soutiens qui nous encouragent et ses ressources propres. Actif de- équipes du CSP se retrouvent à Nous arrivons ainsi au terme de nous montrent que la voie suivie puis plus de 30 ans, Galiffe a dû faire un marathon. Nous sommes quatre ans de travaux et de ré- est la bonne. se réinventer pour poursuivre sa inquiets après une année d’enga- flexion collective, dont l’aboutisse- mission. Au-delà des contraintes gement sans faille, qui a nécessité ment sont l’invention d’une nouvelle Alain Bolle (CRI DE LA RÉDACTION) CRISE COVID : QUE NOUS RÉSERVE APRÈS-DEMAIN ? Si certains indicateurs annoncent une tendance à la reprise, d’autres mettent en évidence les effets à long terme de la crise. Il est temps d’investir dans l’emploi et la cohésion sociale pour soutenir les plus fragiles d’entre nous. Le nombre de nouveaux dossiers La faitière Dettes conseils Suisse associations pour venir en aide aux plans de formation performants, ouverts entre le 1er janvier et le 15 (DCS), dont le CSP est membre, personnes et 15 millions pour l’in- en favorisant notamment les re- avril 2021 par le Service social du constatait en 2020 une hausse de demnisation pour perte de revenus conversions et requalifications en CSP était identique au nombre total l’endettement de 11 % des mé- liée aux mesures de lutte contre le amont du chômage, pendant le de nouveaux dossiers ouverts en nages dont le revenu était infé- Covid au printemps 2020). chômage ou l’aide sociale. 2020. Alors que certains parlent de rieur à 4000 CHF et de 6 % des sortie de crise, il convient de nuan- ménages dont le revenu se situe Reste un besoin criant de concer- Penser une politique publique dy- cer les signes de reprise, mesurés entre 4000 et 6000 CHF. Ces tation et de vision à moyen et long namique d’investissements orientée en termes de baisse du chômage ménages doivent s’endetter pour termes. Des solutions pour la re- vers les secteurs en devenir (tant et d’indicateurs économiques. Ces couvrir leurs dépenses courantes. lance économique, la lutte contre technologiques qu’environnemen- derniers sont notamment contreba- Cette situation touche en particu- le chômage et la précarité, doivent taux), permettant aux entreprises lancés par la hausse du nombre de lier les personnes qui sont arrivées être travaillées ensemble. Les as- de se développer et de créer des personnes à l’aide sociale. au chômage (25 %), les travailleurs sociations demandent que les ac- emplois plus rapidement. Disposer indépendants (13 %), les salariés teurs de l’État se coordonnent pour enfin d’une politique sociale renfor- ENDETTEMENT DE LA CLASSE qui sont au chômage partiel (11 %) articuler les réponses à donner sur cée, qui passe par un soutien au MOYENNE INFÉRIEURE et qui ont emprunté. Tout comme le moyen et le long termes. Elles logement, aux bourses d’études, les autres membres de DCS, le recommandent également que par- à la formation, à la culture, aux La crise Covid a mis en évidence CSP est déjà confronté à une aug- tenaires sociaux et associatifs se loisirs et aux sports. d’autres indicateurs de disparités : mentation des demandes d’aide concertent pour développer un inégalités face à l’emploi, fracture pour dettes. Et il faut savoir qu’il plan d’action débouchant sur des Sans une relance écologique et numérique, accès au logement, peut y avoir jusqu’à cinq ans de mesures effectives. solidaire de notre société, cette à la nourriture, aux prestations décalage entre la crise vécue par crise impactera durablement une sociales, entre autres. On le sait, les personnes et leur sollicitation La sortie de la crise passera par partie importante de la population certains secteurs économiques sont auprès d’un service spécialisé. de profonds changements d’habi- et, par conséquent, la cohésion très fortement impactés, comme tudes et notre capacité d’innova- sociale de notre canton. l’hôtellerie-restauration, l’événe- Le canton peut se féliciter de la so- tion. Il faut imaginer la création mentiel, la culture, etc. Au-delà lidarité de la population, de l’action d’emplois dans les secteurs des Alain Bolle de la crise sanitaire, les impacts du secteur associatif et des deux services à la personne, de l’écolo- sociaux et économiques risquent lois mises en œuvre par l’État (ac- gie de transition et de l’économie de durer. cordant 12 millions de francs à six circulaire. Penser de nouveaux
3 édition genevoise - n°02 - juin 2021 © AGPsy [DOSSIER] « LA CRISE DÉVOILE CE QUI ÉTAIT DÉJÀ PRÉSENT » Sofia Guaraguara propose chaque semaine une permanence de soutien au Bureau d’information sociale (BIS). Elle évoque avec finesse les ef- fets psychiques de la pandémie sur la population et les personnes pré- carisées en particulier. Sofia Guaraguara, de manière gé- C’est très variable. nérale, quel est l’impact de la pan- démie sur la santé mentale ? En exacerbant les inégalités, est- Lorsqu’on a commencé à parler du ce que la crise exacerbe les souf- coronavirus, on ne pensait que cela frances ? arriverait ici. La crise est survenue Oui, mais encore une fois, elle dé- très rapidement. L’incertitude a voile ce qui était déjà présent. En été généralisée. Il a fallu du temps situation de crise, les personnes pour réaliser et donner du sens à se rencontrent dans une urgence ce qu’il se passait. Des sentiments subjective. Le mal-être qui était contradictoires ont surgi : d’un côté, jusque-là intériorisé trouve une nous voyions les gens applaudir le opportunité de s’exprimer. La souf- personnel hospitalier tous les soirs ; france devient aiguë et la crise de l’autre, des locataires refusaient sociétale devient une crise per- que leur voisine infirmière conti- sonnelle. nue d’habiter leur immeuble. La population a été confrontée à un Dans son enquête menée lors du « choix forcé », selon l’expression premier semi-confinement auprès de Lacan que déploie Marie-Hélène Brousse : réduire les liens sociaux de bénéficiaires des Colis du cœur, le prof. Jean-Michel Bonvin note que « Les personnes se rencontrent était le prix à payer pour préser- plus de 80 % expriment un mal-être dans une urgence subjective. » ver la vie. C’est paradoxalement psychique. Une année plus tard, ce qui nous permet d’avancer. À faites-vous le même constat ? partir de là, chacun réagit selon sa La détresse sociale et l’inquiétude quer des situations, de les sortir entendues, mais ne connaissent subjectivité propre : peur, angoisse continuent de provoquer de l’an- d’une impasse subjective et de les pas les structures. Et sans assu- ou déni. Il s’agit d’une période de goisse. Cela dit, quelque chose a orienter vers d’autres structures. rance maladie, elles ne peuvent remise en question et d’ouverture. changé. On ne s’attendait pas à L’accès aux soins psychiques est pas consulter. Je les oriente vers C’est aussi cela, la crise. ce que la crise dure si longtemps. primordial. les associations. Les médias parlent de plus en plus Le Swiss Corona Stress Study a mené de santé mentale et de l’accès Les profils sont très variables. Par Propos recueillis par une étude auprès de 11 000 per- aux soins psychiques. Les gens exemple, des familles monoparen- Carine Fluckiger sonnes (fr.coronastress.ch). En dé- ont moins de réserve à consulter. tales qui travaillent, mais n’ont cembre 2020, la proportion présen- pas assez de revenus pour finir le tant des symptômes de dépression Quelles observations faites-vous mois. Leurs difficultés existaient grave atteignait 18 %, alors qu’elle dans le cadre des entretiens que avant la crise. Mais avec cette ur- était de 3 % avant la pandémie. vous menez au BIS (voir encadré, gence subjective dont j’ai parlé, Quelle part revient aux restrictions p. 7) ? elles ne parviennent plus à retenir (+) L’INVITÉE sanitaires elles-mêmes ? C’est une démarche novatrice qui a leur désarroi. Avant, elles tenaient. Avant tout, il faut manier le mot été mise en place au BIS. Je trouve À présent, ça sort. Ce sont donc Sofia Guaraguara est psy- « dépression » avec prudence. On cela très important. Je reçois entre des personnes qui font l’effort de chologue, psychothérapeute a tendance à généraliser. Fran- 4 et 6 personnes par semaine, en demander un soutien et qui ne le FSP et psychanalyste. Spé- çois Ansermet parle d’un « effet coordination avec les assistants faisaient pas avant. cialisée dans les trauma- de loupe » : il y a une sorte de ma- sociaux. Il s’agit d’une rencontre tismes, notamment liés à gnification de la souffrance. Les unique, lors de laquelle j’écoute Pour les personnes sans papiers, l’exil, elle est responsable problèmes sociaux ou familiaux leur souffrance. Certaines évoquent l’angoisse de ne pas pouvoir rentrer de la Commission migration qui étaient déjà là ont été accen- leur angoisse d’avoir perdu leur est encore plus aiguë en période contemporaine de l’Associa- tués par la crise et les mesures travail ou de ne pas en retrouver, de pandémie. Elles ont peur pour tion genevoise des psycho- sanitaires. Les deux sont liées. En d’autres parlent de leur isolement. leurs proches, certaines doivent logues (AGPsy). Elle a dirigé Suisse, les autorités ont choisi de Elles expriment souvent un sen- faire un deuil à distance. S’ajoute l’étude « Exils, regards psy- responsabiliser la population. Cela timent d’impuissance, de chute à cela une souffrance administra- chanalytiques », issue de cinq convient à certaines personnes, sociale et de honte d’être passées tive : sans permis, c’est comme si conférences données entre tandis que d’autres ont le senti- de l’indépendance à une situation elles n’avaient symboliquement pas 2013 et 2016 à Genève. ment qu’on n’en fait pas assez. de dépendance. J’essaie de déblo- d’existence. Elles demandent à être
journal du centre social protestant - Genève 4 [DOSSIER] QUAND L’ISOLEMENT SOCIAL EST GÉNÉRALISÉ Pour les personnes souffrant de troubles psychiques, quel est l’impact de la crise sanitaire sur leur santé mentale ? Le regard de l’équipe de l’Atelier Galiffe du CSP, qui accueille des personnes rencontrant des difficultés sociales. À Galiffe, îlot de bienveillance niché psychique de ses usagers, a mis DISPARUS DES RADARS pour créer des coins-alcôves pour dans un jardin, chacun s’affaire à en place une permanence télé- les activités et permettre ainsi une son rythme et sans contraintes, phonique. Au 7 mai, près de 400 Aucune décompensation n’a été application des mesures barrières. extrait des contingences bruyantes appels avaient été passés. Un cour- rapportée à la connaissance de du monde. Chacun peut y exister rier a également été envoyé pour l’équipe. Il est à rappeler cepen- Un des moments compliqués pour avec ses turpitudes intérieures, dispenser des informations pra- dant que chaque participant est l’équipe a été d’avoir à contrôler sans craindre le regard des autres. tiques, mais aussi pour soutenir les libre de fréquenter l’atelier et que l’accès lors de la réouverture de personnes dans une période alors les professionnels de Galiffe n’ont l’atelier à la mi-mai 2020. Le sys- Sur la feuille d’une machine à particulièrement anxiogène, en les pas accès à leur dossier médical. tème d’inscription était mal vécu écrire, L. dépose ses mots. On y exhortant à donner des nouvelles. « Des usagers de Galiffe ont disparu par certains participants, qui se peint, on y tresse avec habileté des des radars, sans qu’il soit possible sentaient rejetés, alors que l’an- fibres de rotin qui se transformeront « Les personnes dont nous avions de savoir ce qu’ils sont devenus », ticipation dans l’organisation du en corbeille. On y crochète, on y des retours pâtissaient de la fer- commente Caroline Lacombe, une quotidien est une démarche dif- coud avec application, on y échange meture de Galiffe, qui impactait autre animatrice de l’atelier. « Ce ficile pour ces personnes. des savoir-faire. On apprend. On y leur qualité de vie », poursuit De- que nous craignons, précise encore partage parfois un délicieux goûter, nis. « Mais elles se sont finalement Amy Peck, membre de l’équipe, UN BESOIN RÉEL qu’une participante a apporté. Assis adaptées à cet isolement social c’est que les personnes, dont la sur un banc, G. fume une cigarette, généralisé. Certes, les profils an- plupart vivent seules ou en foyer, La fermeture de lieux ambulatoires tandis que O. et P. jardinent. Près xieux s’inquiétaient de contracter se replient entièrement sur elles- dans le champ de la psychiatrie de 170 personnes fréquentent Ga- la maladie. Mais les usagers de mêmes et perdent tout centre d’in- sociale ou leur limitation est un liffe par année. Galiffe sont coutumiers du repli sur térêt et toute énergie pour se mobi- facteur aggravant de rechutes, soi et disposaient déjà d’outils pour liser, ce qui est un facteur aggravant note encore Denis Schneuwly. Pour 400 APPELS PASSÉS s’adapter à une telle situation. C’est de leur pathologie. » ces personnes, l’atelier ne relève comme si leur réalité intérieure pas d’un choix accessoire, il est « Ici, précise Denis Schneuwly, s’était étendue au monde entier. La plupart des usager·e·s de Ga- vital et participe à leur équilibre animateur à Galiffe, l’apport es- Le confinement les avait ainsi mis liffe ont traversé le confinement en psychique. Depuis mai 2020, les sentiel est la possibilité d’y me- sur le même plan de normalité, trouvant des postures intérieures visites à Galiffe d’infirmiers psy- ner une existence sociale et de sans effet de stigmatisation, que adéquates. Pour eux comme pour chiatriques avec leurs patients se tisser du lien. » Lors du premier plusieurs milliards d’êtres humains le reste de la population, l’adapta- multiplient : le signe de leur inté- confinement, durant lequel l’atelier confinés. » tion est une dimension essentielle. rêt et d’un réel besoin de telles a dû fermer pendant deux mois, Cette période a aussi permis à structures. l’équipe, soucieuse du bien-être l’équipe de réorganiser l’atelier Astrid Maury © Irina Popa L’équipe de Galiffe (de gauche à droite) : Amy Peck, Caroline Lacombe et Denis Schneuwly.
5 édition genevoise - n°02 - juin 2021 © Astrid Maury [TEMOIGNAGE] « LES CONTACTS HUMAINS ME MANQUAIENT » Contrairement à d’autres usagers de Galiffe, Fernanda a plutôt bien vécu la première vague pandémique. Elle confie ici la manière dont elle vit la crise et les ressources qu’elle mobilise. Fernanda est une habituée de l’Ate- premier confinement, j’étais au Por- une période de l’année chargée idéale, les groupes de parole ont lier Galiffe, qu’elle fréquente de- tugal auprès de ma famille. Je suis négativement pour moi. pu se faire par visioconférence. J’ai puis quatre ans. Elégante, arborant rentrée précipitamment pour ne pu ensuite reprendre en présentiel une fleur dans ses cheveux, elle pas m’y retrouver confinée. Je vis Quelles ressources avez-vous mo- en groupe restreint. relate d’une voix chaleureuse des à Genève dans un deux-pièces. Les bilisées pour surmonter l’anxiété ? épisodes difficiles. Cette mère de trois premières semaines étaient J’ai passé beaucoup d’appels pour Comment avez-vous vécu la ferme- famille de 52 ans d’origine portu- agréables. Je redécouvrais la ville garder le lien avec les gens que ture de Galiffe ? gaise, qui souffre d’une bipolari- loin de l’agitation quotidienne. j’aime. J’ai continué à faire du J’ai continué à faire des activités té de type II*, a appris à gérer sa J’aime beaucoup marcher. Je ne sport. Et quand cela était possible, ludiques à la maison. Je ressentais maladie. me rappelle pas avoir eu peur. Je avec le déconfinement progressif, un peu de tristesse car les contacts traversais alors une phase d’hypo- j’invitais de temps en temps une humains me manquaient. J’ai pour Que représente pour vous l’Atelier manie. Je ne tenais pas en place. personne à manger à la maison. habitude d’échanger beaucoup avec Galiffe ? Après c’était plus difficile, car mes Je pratique aussi la méditation et les personnes de l’atelier. J’y viens un à deux après-midis journées étaient longues. Je ne dor- j’ai appris à mieux gérer le stress. par semaine. J’aime beaucoup la mais presque plus. En septembre, Propos recueillis par convivialité du lieu, Je m’y suis fait je suis partie aux Açores. C’est à En ambulatoire, la pandémie a Astrid Maury des amies. Je peux y exprimer ma mon retour que je suis entrée en également imposé un changement créativité. J’ai du plaisir à faire de dépression sévère. abrupt de pratique avec la télé- la couture, du crochet, du tissage médecine ? Quel a été l’impact sur et de la pyrogravure. J’ai besoin de Liez-vous votre rechute au deuxième votre suivi médical ? * Le trouble bipolaire de type II m’occuper l’esprit et d’être toujours confinement ? Les consultations médicales par té- est défini comme l’association en mouvement. Faire des choses Non. Je ne fais pas le lien avec la léphone ont été renforcées. J’ai pu d’au moins un épisode dépressif me détourne de ma peur de me crise pandémique. Pour moi, ma par la suite être suivie en présentiel majeur et d’un épisode hypoma- retrouver face à moi-même. dépression était liée au change- par mon infirmier psychiatrique une niaque. Le sujet hypomaniaque ment de saison. J’associe l’automne fois par semaine. Je participe à un manifeste le plus souvent une Comment avez-vous traversé la à la mort. J’ai fait plusieurs tenta- programme de rétablissement, qui énergie débordante, avec un crise sanitaire ? tives de suicide à cette saison et m’aide à me remettre en question. besoin moindre de repos et de Plutôt bien à vrai dire. Peu avant le j’y ai aussi perdu ma sœur. C’est Même si ce n’est pas une forme sommeil.
journal du centre social protestant - Genève 6 © Shutterstock Photo fictive (L’AIDE DU CSP) « ON ESPÈRE UN JOUR SORTIR DE CETTE CRISE » Le Covid-19 a frappé Marie et sa famille, alors qu’elles vivaient déjà dans la précarité avant la pandémie. Le CSP a pu leur apporter une aide fi- nancière d’urgence. Marie* est une femme menue qui a pu l’aider, tout en lui conseillant pable de ne pas pouvoir leur faire suis sentie très mal. Je me deman- sourit par-dessus ses traits tirés. de s’adresser à l’Hospice général. plaisir. La vie passe vite, un jour dais combien de temps cela allait Ce petit bout de femme fait face « Mais je n’ai pas voulu. Il y a des ils partiront. Et je n’aurai pas pu durer et je pleurais souvent. Je n’ai courageusement et avec philoso- gens qui ont plus besoin d’aide que leur offrir ce qu’ils souhaitaient. » pas l’habitude de rester inoccupée phie. Son mari ne retrouve pas du moi. Je préfère souffrir un peu à la et je voulais retourner au travail. » travail dans le contexte de crise fin du mois. Et je craignais qu’une « Je vois arriver les fins de mois actuelle. « Avant, il arrivait à trou- demande à l’Hospice pose problème avec angoisse. Il ne nous reste Marie s’est alors adressée à son ver des postes en intérim dans le pour l’obtention de mon permis C. » souvent que 50 francs à la fin du assistante sociale au CSP pour bâtiment. Il sait tout faire, mais il mois. Nous ne faisons pas de sortie trouver une solution. Grâce aux n’a pas de diplôme. » VIVRE DANS LA PEUR au restaurant, au cinéma… Nous fonds d’urgence Covid et à la loi sur nous l’interdisons et je dois l’expli- les indemnités votée en décembre Avec trois enfants de 2, 9 et 10 ans, La peur est un mot qui revient quer aux enfants. On ne demande- dernier, le CSP a pu l’aider à payer la famille dépend du seul revenu de souvent dans la bouche de Marie. rait pas cela tous les jours. Mais son loyer et ses frais médicaux. Marie, qui travaille à 80 % comme Celle de perdre son travail, celle on est encore jeunes, on y pense assistante en soins et santé com- de toucher seulement 80 % de son quelques fois. » Aujourd’hui, Marie a pu augmen- munautaire dans un EMS. « On salaire si elle tombe malade, celle ter son temps de travail à 90 % trouve facilement du travail dans que la voiture tombe en panne… EN ISOLEMENT et la famille a récemment trouvé le domaine de la santé. Mais au- « Je vis dans la peur. Je ne peux un logement moins cher. « C’est jourd’hui, avec le Covid, les EMS pas respirer tranquillement. Je n’en En février dernier, les craintes de un soulagement pour moi. C’est ont beaucoup de places vacantes parle pas à mon mari pour ne pas Marie sont devenues réalité : toute fatigant et je ne me repose pas et j’ai peur qu’ils licencient du per- le culpabiliser. Si j’étais toute seule, la famille a été testée positive au assez. Mais les enfants se sentent sonnel. » ça irait. Mais il y a les enfants. » Covid et elle n’a touché que des mieux. Nous commençons une nou- indemnités perte de gains à hau- velle vie, j’ai l’espoir que cela ira de Marie s’est adressée une première L’évocation de ses enfants lui fait teur de 80 % de son salaire. « C’est mieux en mieux. J’espère pouvoir fois au CSP en 2019 pour une fac- monter les larmes aux yeux : « Tu en travaillant le week-end et le soir un jour faire un don au CSP pour ture qui a fait l’objet de poursuites donnes tout de toi à 100 %. Mais que j’arrive un peu à arrondir les vous remercier ! » et dans l’espoir de trouver un lo- quand les enfants demandent, on fins de mois. Là, ce n’était pas gement moins cher. À l’époque, n’a rien à leur donner. Je ne veux possible. Et nous avions toutes ces Carine Fluckiger l’assistante sociale qui l’a accueillie pas les gâter. Mais je me sens cou- factures médicales à payer. Je me * Prénom fictif
7 édition genevoise - n°02 - juin 2021 (SERVICE) COVID-19 ET NON-RECOURS (+) UN GUICHET D’INFORMATION En créant de l’exclusion, la Loi sur les étrangers aggrave l’impact social de la pandémie. Des personnes POUR LUTTER CONTRE régularisées, dans l’attente du renouvellement de leur permis, peinent à retrouver du travail et évitent de LE NON-RECOURS recourir aux prestations sociales. Au-delà de l’urgence, acteurs On le sait, les bouleversements liés La première cause de ce non-re- Ce gel des dossiers, qui s’ajoute publics et privés cherchent à la pandémie ont eu des consé- cours réside cependant dans la à un retard chronique de cet of- à tirer les leçons de la crise quences particulièrement graves Loi sur les étrangers elle-même. fice, a pour conséquence que les née de la pandémie. Parmi pour les personnes les plus pré- En effet, en ayant explicitement personnes dont le permis est en les observations faites sur caires. C’est évidemment vrai pour prévu qu’un recours à l’assistance attente de renouvellement, parfois le terrain s’impose encore et les personnes sans statut légal qui était un motif de non-renouvelle- pendant plus d’une année, ont toujours la problématique du ont perdu leur travail. Mais c’est ment de permis, voire d’expulsion, beaucoup plus de peine à retrou- non-recours aux prestations. malheureusement également le la loi a créé un système qui exclut ver un travail, qui plus est dans Phénomène multifactoriel cas pour les personnes qui ont de facto une grande partie de la un contexte de tension du marché largement étudié à Genève été régularisées à travers l’opéra- population de l’aide sociale, alors de l’emploi. Car les employeurs se et relevé depuis longtemps tion Papyrus. même que les étrangers consti- méfient d’une situation admini- par les associations, dont tuent la plus grande partie de la strative peu claire. le CSP, le non-recours a été DEMANDER DE L’AIDE population pauvre. amplifié par la crise. OU UN PERMIS Toutes les tentatives de lutter GEL DES DOSSIERS contre le non-recours aux pres- Porté par plusieurs parte- Nombreuses sont les personnes, tations sociales, même menées naires publics et privés, le en effet, qui ont perdu un ou plu- Les récentes garanties offertes par de bonne foi par les autorités, se Bureau d’information sociale sieurs emplois et pour lesquelles les autorités pendant la crise du heurtent à ce simple constat : avoir (BIS) est le fruit de cette ob- l’aide sociale reste inaccessible Covid ne changeront rien au fait fait de l’absence d’aide sociale servation. Né en novembre malgré leur nouveau statut, faute qu’actuellement, les permis des une condition du renouvellement 2020, ce projet-pilote a été d’information précise et, surtout, personnes à l’assistance ne sont des autorisations de séjour est en prolongé jusqu’à la fin du en raison d’une très forte crainte pas renouvelés. L’Office cantonal contradiction flagrante avec l’idée mois de juin 2021. Les pro- qu’un dossier à l’Hospice général de la population et des migrations que l’aide sociale doit être ouverte fessionnels du CSP y par- soit rédhibitoire pour le renouvel- (OCPM) les met simplement de à tous ceux qui en ont besoin. ticipent en rotation avec lement de leur permis de séjour. côté en attendant une éventuelle d’autres acteurs du terrain Or, en évitant de recourir à l’aide amélioration de la situation. Rémy Kammermann social. sociale, ces personnes accumulent des dettes, notamment de loyer et Chaque semaine, le BIS ac- d’assurance maladie. cueille une cinquantaine de personnes, venues le consul- Même si les autorités ont donné ter pour des questions fi- des assurances sur le fait que le nancières, de logement, recours à l’aide sociale pendant d’endettement ou encore la pandémie ne sera pas retenu de recherche d’emploi. Un contre le renouvellement de leur appui psychologique leur est permis, force est de constater que proposé par une intervenante cette information n’est en partie de l’AGPsy (lire notre inter- pas arrivée à ses destinataires ou view en p. 3 de ce journal). qu’elle ne leur inspire pas suffi- samment confiance. Cette fréquentation impor- tante démontre le besoin LE VICE EST DANS LA LOI d’une telle permanence de premier recours. Disposant Cette forte réticence à demander d’une écoute et d’une in- de l’aide publique a certainement formation de base, les per- plusieurs causes. L’une d’entre sonnes sont ensuite réo- elles tient notamment dans le fait rientées vers les différents que ces personnes ont appris à organismes d’action sociale : se débrouiller seules lorsqu’elles à ce jour, 30 % d’entre elles vivaient dans la clandestinité. Il ont pu être dirigées vers est également vrai que nous avons l’Hospice général et 30 % tellement répété à nos consultants vers le secteur associatif. qu’ils ne devaient pas recourir à © Eric Roset l’aide sociale que le message a Carine Fluckiger été profondément intégré.
journal du centre social protestant - Genève 8 © DR (ACTUALITÉ) (IMPRESSUM) INAUGURATION D’UNE NOUVELLE RENFILE À TOURBILLON Edition genevoise Centre social protestant Genève Cet été, la brocante de Plan-les- Rue du Village-Suisse 14 Ouates emménage à l’espace Tour- CP 171 billon. Le CSP inaugure ainsi le 28 1211 Genève 8 août prochain une des plus grandes T 022 807 07 00 brocantes caritatives de Suisse. info@csp-ge.ch CCP 12-761-4 Avec 2250 m2 de surface de vente IBAN et 1200 m2 d’ateliers, la nouvelle CH41 0900 0000 1200 0761 4 brocante à Tourbillon vise à créer Tirage un espace vivant dans lequel il fera 4600 exemplaires bon flâner. Ce tiers-lieu de mixité Rédactrice en chef sociale permettra de tisser des liens Carine Fluckiger et de créer de nouveaux circuits Impression de formation pour les personnes l’occasion de s’équiper d’articles et une vision communes, seront PCL Presses centrales SA en réinsertion. Expositions tempo- de qualité à bas prix et d’acquérir réunies sur le site de Tourbillon. Ont collaboré à ce numéro raires et événements émailleront des pièces 100 % uniques. Alain Bolle (directeur), le calendrier annuel pour rappeler L’inauguration de la nouvelle Ren- Amandine Buisson (Renfile), le rôle central d’une telle brocante Tourbillon est une expérience-pi- file le samedi 28 août – avec une Rémy Kammermann dans l’économie circulaire et soli- lote en matière de synergies des prolongation le 4 septembre – pro- (Service juridique), daire locale. entreprises sociales. Ce nouveau met de nombreuses surprises pour Astrid Maury (Communication). pôle réunira des organisations qui, les petits comme pour les grands. Conception et réalisation La revalorisation des objets fait depuis plusieurs années, travaillent Chasse aux trésors, exposition, jeux www.buxumlunic.ch partie intégrante de la démarche. au développement de projets col- et concerts sont au programme. Grâce aux ateliers de décoration, lectifs et de partage de compé- Nous vous attendons nombreux ! de couture et d’électronique, les tences, générant de l’innovation. Amandine Buisson anciens objets sont récupérés et Dès janvier 2022, neuf entreprises › Rendez-vous sur (ADRESSES) transformés. Pour le public, c’est sociales, partageant des valeurs www.renfile.ch LA BOUTIQUE EAUX-VIVES Rue de la Mairie 15 T 022 736 45 81 (SOUTENIR LE CSP) OFFREZ UN LOT DE TOMBOLA ! LA BOUTIQUE PÂQUIS Vous souhaitez soutenir d’une ma- Cette année, nous aimerions inno- deau (d’une validité d’au moins un Rue du Môle 1 nière originale le CSP et le commer- ver en vous proposant de nous faire an) – par exemple auprès d’un res- T 022 731 65 41 çant de votre choix par la même don d’un lot pour notre tombola, taurant, d’une salle de concert ou occasion ? dont les billets seront en vente à de tout autre commerce de proxi- LA BOUTIQUE JONCTION l’automne. mité que vous aimeriez soutenir Bd Carl-Vogt 34 Chaque année, le CSP organise en ces temps de crise. T 022 328 22 04 une tombola pour soutenir ses Intéress·é·s ? Dans ce cas, vous services de consultation gratuits. pouvez nous faire don d’un bon ca- Comment procéder ? LA BOUTIQUE PLAINPALAIS › Faites vos emplettes auprès de Rue de Carouge 37 votre commerçant préféré. T 022 329 32 50 › Avant le 15 juillet, communi- quez-nous la nature et la valeur LA RENFILE MEYRIN exacte de votre lot par mail : Rue Alphonse-Large 19 info@csp-ge.ch T 022 341 13 02 › Indiquez dans votre mail votre nom et vos coordonnées afin LA RENFILE PLAN-LES-OUATES que nous puissions vous re- Chemin de la Cartouchière mercier et organiser le retrait T 022 794 55 40 de votre lot. Nous nous réjouissons d’avance de vos idées et votre solidarité ! © Shutterstock Un tout grand merci. Imprimé sur papier respectant l’environnement, certifié aux normes Carine Fluckiger FSC (gestion durable des forêts)
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