Dossier pédagogique de Valjean 1 - Theatre-contemporain.net
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Dossier pédagogique de Valjean 2 VALJEAN LA PIECE éligible aux Molières 2019 Spectacle disponible en français et en anglais. Un seul en scène, une adaptation pure et intimiste des Misérables, Victor Hugo - 1862 Au crépuscule de sa vie, Jean Valjean prend la plume pour livrer ses terribles secrets. Cosette, l’amour de sa vie, est partie... Jean Valjean vit seul depuis le départ de Cosette qui vient d’épouser Marius, baron de Pontmercy. Le vieil homme, pour qui la vie vient de perdre tout son sens, sent son issue prochaine. Reclus, il décide d’écrire une lettre à son gendre pour lui révéler son identité, raconter sa terrible histoire, livrer sa vérité. Une occasion de revivre les temps forts de sa vie : sa jeunesse, dix-neuf années de bagne, l’étonnante rédemption, la réussite sociale... et la traque à nouveau. D’une haine farouche de l’espèce humaine à la découverte de l’amour, Valjean incarne une élévation de la conscience. Anti-héros devenu icone héroïque, il demeure avant tout un être humain et donc profondément vulnérable. Pour la première fois sous la forme d’un monologue, cette adaptation des Misérables nous donne une nouvelle approche, simple, essentielle et intimiste du chef-d’œuvre de Victor Hugo. Auteur/ Interprète : Christophe Delessart Mise en scène : Elsa saladin Durée : 1h10/ Dès 10 ans Tout Public Co-production : Etoile et Compagnie – 41&41 Compagnie – Contact : Elsa Saladin : 06 81 37 12 39 etoileetcompagnie@free.fr Dates de représentations de Valjean au Théâtre Essaion Paris jusqu’au au samedi 12 janvier 2019 Les jeudis et samedis en français et les vendredis en anglais - de et avec Christophe Delessart - mise en scène Elsa Saladin Pour plus d’informations : www.valjean.eu www.etoileetcie.fr https://www.billetreduc.com/214018/evt.htm
Dossier pédagogique de Valjean 3 Introduction au dossier pédagogique Dès sa parution en 1862, le succès des Misérables est immédiat. Il existe aujourd’hui une dizaine d’adaptations théâtrales (dont la comédie musicale à succès de Robert Hossein). Plus de cinquante adaptations à l’image ont été tournées, en France et à l’étranger (films, téléfilms, dessins animés), des preuves de la modernité de ce roman toujours actuel ! Notre adaptation est une approche différente, simple, essentielle et intimiste du chef- d'oeuvre de V.Hugo : un monologue fidèle à l’auteur. Valjean, qui vit seul depuis le départ de Cosette, entreprend de révéler à son gendre sa terrible identité. Le geste artistique, la signature de ce seul en scène, en tant qu’adaptation et passage au plateau, est le dispositif de la lettre. Ici Valjean écrit à Marius. Et dans cette lettre il se livre, il revit les étapes qui l’ont constitué. Nous souhaitons proposer ce spectacle qui rencontre le succès depuis deux ans à Paris et Avignon aux élèves et enseignants de Français de collèges et de lycée (classes de 4ème, 2onde et terminales). Ce dossier est donc destiné aux professeurs qui souhaitent faire découvrir les Misérables à leurs élèves. Nous pensons en effet que notre adaptation théâtrale, centrée sur Jean Valjean, personnage clef du roman, dont nous partageons intimement l’évolution et les combats, en tant que spectateurs, est une opportunité d’amener de nouveaux lecteurs au désir de connaître le roman dans son intégralité. Ce dossier n’est pas exhaustif, c’est un document ressources pour les professeurs de Français afin qu’ils puissent préparer leurs élèves à la représentation théâtrale. Ils y trouveront des pistes d’exploitation pédagogique en lien avec les programmes et la culture littéraire. Les multiples thèmes abordés dans les Misérables La misère sociale est l’un des thé̀mes clé́s du roman. À l’origine, Hugo avait songé à intituler son roman Les Misères. Tous les acteurs centraux du roman, Jean Valjean, Fantine, Gavroche, Cosette... en sont victimes à un degré ou à un autre. Même Marius, pourtant issu d’une famille aisée, se retrouve contraint de vivre dans un taudis. Le thème de l’injustice est un autre thème clé du roman. La destinée de Jean Valjean, qu’Hugo retrace longuement dans la première partie de son roman, est celle de nombre d’individus qui se sont retrouvés au bagne. À l’origine de leur descente aux enfers sont un larcin, puis une peine sévère, puis la récidive... La dialectique de l’ordre et du désordre enfin est un autre thème clé des Misérables ; il est incarné par tout ce qui oppose Valjean et Javert, et la haine que voue celui- ci à celui-là.. On retrouve ces thèmes dans de nombreuses autres œuvres de Hugo. La misère sociale sert encore de toile de fond à Notre-Dame de Paris ou à L’homme qui rit. L’injustice est au cœur de Claude Gueux et du Dernier jour d’un condamné. La dialectique de l’ordre et du désordre se retrouve dans toutes les œuvres citées ci- dessus.
Dossier pédagogique de Valjean 4 Les thèmes possibles à développer en cours : L’aspect social • la misère sociale • les filles mères souvent vouées à la prostitution (condition incarnée par Fantine)1 • la condition des enfants (incarnée par Cosette et Gavroche) au XIXème siècle • le prolétariat • l’ignorance et l’illetrisme • la réussite sociale et la bourgeoisie (incarnées par Monsieur Madeleine) • la noblesse (incarnée par la famille de Marius) • la guerre (bataille de Waterloo) L’aspect religieux, moral et psychologique : • le clergé (incarné par Monseigneur Myriel) • la conscience / le bien et le mal / l’ombre et la lumière • la fatalité (incarnée par Fantine) • la chute et la rédemption chrétienne (incarnée par Jean Valjean) • la notion de résilience2 (incarnée par Jean Valjean) • la tolérance et le pardon (processus auxquels Marius va aboutir à la fin du roman) • la notion d’identité (La fonction des multiples identités de Valjean pour échapper à la police), Cosette ( un surnom) Fantine (dont le prénom ne sera dévoilé à sa fille qu’à la mort de Valjean) • la justice divine • la sainteté laïque (incarnée par Valjean) • l’ordre et le désordre • la mort La justice et les lois humaines • L’injustice du système judiciaire (une des causes de l’injustice sociale ex : le procès de Champmatthieu) • La justice humaine et la police (incarnées par Javert) • le bagne, la prison et leur cruauté (disproportion des sanctions ex : le vol du pain = à 5 ans de bagne) • l’ordre et le désordre • Les combats politiques d’Hugo contre l’injustice sociale et la peine de mort Le Paris d’Hugo et des Misérables3 avec quelques exemples • La place de la Bastille où un éléphant qui a été installé de 1812 et 1840 env.4Un fait divers (la découverte qu’un jeune garçon y avait élu domicile) donne à Hugo l’idée d’en faire la maison de Gavroche. 1 Voir l’annexe F4-extrait des Misérables où Hugo prend la défense des femmes réduites à la prostitution : Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Fantine ? 2 Voir l’annexe I1- Article paru dans le journal les Echos en 2017 : Utiliser la résilience en s'inspirant de Jean Valjean 3 voir le site : http://www.terresdecrivains.com/Le-Paris-des-Miserables
Dossier pédagogique de Valjean 5 • Le 7 rue de l’homme armé, où logent Valjean et Cosette au moment de l’insurrection est devenu aujourd’hui la partie de la rue des Archives s’étendant entre la rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie et la rue des Blancs-Manteaux - voir la plaque au n°40. • Le 6 rue des Filles-du-Calvaire, adresse du grand père de Marius, puis de Marius et Cosette une fois mariés. • l’église Saint-Paul-Saint-Louis, rue Saint-Antoine, où a lieu leur mariage • Et enfin le 6 place des Vosges. Deux demeures de Victor Hugo sont devenues des musées. Celle de Paris et celle de Guernesey. Le site de la maison de Victor Hugo propose des visites virtuelles en ligne, une façon originale de découvrir le Paris de Victor Hugo.5 A- Avant le spectacle 1-Le XIXème siècle et ses changements : Un siècle de césures, de régressions et d’émergences. La double césure qui a transformé la société « traditionnelle » en société « moderne » (révolution française et révolution industrielle) a marqué le XIXème siècle. Il est devenu synonyme de la percée des processus économiques, sociaux et politiques à long terme considérés comme précurseurs du monde moderne. Ce siècle a également vu l’apparition de la société capitaliste. La transformation sociale majeure provoquée par la révolution industrielle est bien sûr l'apparition de nouvelles classes, le prolétariat et la bourgeoisie industrielle. 1.1-Le contexte historique : dates clés Pendant la période des Misérables : de 1815 à 1832 • Fin de l’Empire Napoléonien (Napoléon Bonaparte) en avril 1814 et son exil sur l’île d’Elbe • Louis XVIII (frère de Louis XVI) : première Restauration – monarchie constitutionnelle - (du 5 avril 1814 au 20 mars 1815) • Les cent jours de Napoléon, la défaite de Waterloo le 18 juin 1815, et l’abdication de Napoléon quatre jours plus tard. Exil sur l’île de Sainte Hélène. • Louis XVIII et la 2onde Restauration (de juin 1815 à sa mort en1824) • Charles X (frère de Louis XVIII) et chef des ultras royalistes lui succède. • Les Trois Glorieuses : Révolution des 27,28 et 29 juillet 1830 où Charles X est renversé, exil en Angleterre. • Louis-Philippe, son cousin monte sur le trône, il est reconnu « roi des Français » : monarchie de juillet (du 9 août 1830 à sa mort : le 24 février 1848) • Echec de l’insurrection républicaine de juin 1832 Avant la période des Misérables, peuvent être également étudiés • La Révolution de 1789 • La première République • L’accession au pouvoir de Napoléon Bonaparte en 1804 4 . Cet éléphant de bois et de plâtre de vingt-quatre mètres de haut trônant au milieu de la place. dont Napoléon voulait faire l’emblème de la force et de la douceur du peuple français. 5 www.maisonsvictorhugo.paris.fr
Dossier pédagogique de Valjean 6 Après les Misérables, peuvent être également étudiés : • La Révolution de 1848 • L’Election de Louis Napoléon Bonaparte (neveu de l’Empereur Napoléon 1er) le 10 décembre 1848 , l’instauration de la 2onde République • Le coup d’état de Louis Napoléon Bonaparte qui devient Napoléon III le 2 décembre 1851… • les courant politiques de l’époque : socialistes, communistes, anarchistes, bonapartistes, royalistes, ultras conservateurs Rappel : Jean Valjean rentre au bagne en 1795 pour avoir volé un pain. Rappel : Victor Hugo est né le 26 février 1802. 1.2-L’évolution des idées politiques Qu’est-ce que la politique pour vous ? Le mot politique vient d'un adjectif grec « politikos », qui veut dire « relatif à la polis», la politique renvoie donc à tout ce qui est relatif à la cité. La cité est plusieurs choses. C'est d'abord la ville qui dans la société grecque était une république indépendante. Mais ça désigne aussi la communauté des citoyens. Donc ce mot polis peut être traduit de multiples façons. On peut aussi traduire le mot de polis par la notion de république ou encore d'Etat avec l'idée, que l'Etat est l'ensemble des citoyens. Par extension la politique, se conçoit donc comme la science des affaires de l'Etat. Que se passe t’il au XIXème siècle ? Au XVIIIème siècle, appelé le Siècle des Lumières, il y a aussi un fait social important : l'ascension de la bourgeoisie. De plus en plus, les bourgeois, les marchands, les hommes de loi, ont progressé suite aux grandes découvertes. La bourgeoisie qui s'est enrichie grâce au commerce, va réclamer des libertés, dont des libertés politiques, jusqu'à la révolution française. Elle en a assez de l'absolutisme de droit divin. La bourgeoisie est une classe peu homogène, comprenant des fonctionnaires (appelés officiers, les offices étant une tâche, une fonction), des financiers (des spéculateurs), des commerçants, des armateurs, des fabriquants, des intellectuels (homme de loi, ou personne ayant fait des études),… Mais cette classe a cependant une doctrine commune, et l'on voit apparaître une philosophie bourgeoise. C'est l'apparition d'une doctrine universaliste, où l'on parle de l'homme jusqu'à son apogée, "la déclaration des droits de l'homme et des citoyens". Mais au XIXème siècle en France la démocratie libérale se cherche, le problème de la place du religieux dans la cité se pose, de grands esprits s'interrogent sur le nouveau monde qui s'ouvre, tandis que d'autres cherchent les lois du devenir historique et la clef du paradis terrestre. C'est le siècle de Tocqueville, de Saint- Simon, de Lamennais... Libéralisme, conservatisme, socialisme, nationalisme s'affrontent et la République finit par s'affirmer. À travers les conflits franco-français, se construisent les fondements de notre culture contemporaine.
Dossier pédagogique de Valjean 7 Cinq figures emblématiques parmi d’autres Le libéralisme est principalement guidé par les idées d’Adam Smith (1723-1790), un philosophe des Lumières écossais considéré comme l’un des fondateurs de l’économie politique. Selon lui, le libéralisme est un moyen de mieux réussir son travail en se concentrant uniquement sur son intérêt, et non sur celui des autres. Ainsi, la société y trouvera également sa réussite économique et cette façon de faire permettra un travail effectué en toute liberté, sans contraintes extérieures. Cette philosophie privilégie aussi la liberté de penser, renforcée par les effets de la Révolution française. L'écrivain Alexis de Tocqueville (1805 1859), descendant d'une famille de l'aristocratie normande, est l'un des principaux penseurs modernes, dans la continuité de Montesquieu. Mieux et plus tôt que quiconque, il entrevoit la naissance des démocraties modernes et les dangers qui les menacent. Saint-Simon (1760-1825) met en place une théorie des classes sociales dans laquelle il oppose une majorité de travailleurs exploitée et une minorité d’exploiteurs que sont les oisifs, les propriétaires-rentiers et plus généralement tous ceux qui n’entreprennent pas. Pour lui le politique devient un aspect du système économique. La conception de Saint-Simon annonce les thèmes fondamentaux de la doctrine socialiste développée aux XIXème et XXème siècles. Félicité Robert Lamennais (1782-1854) est ordonné prêtre en 1815, il s’affirme très vite comme l’un des défenseurs les plus actifs de la contre-révolution. Puis il prône un catholicisme libéral fondé sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Dès 1832, Lamennais, qui a volontairement supprimé sa particule nobiliaire (de La Mennais), rompt avec Rome. Son évolution personnelle fait de lui un précurseur du catholicisme libéral, du catholicisme social, ainsi que de la démocratie chrétienne. Karl Marx (1818-1883) est allemand, il décrit les rouages du capitalisme et fonde son analyse des événements historiques sur les rapports sociaux. Il est connu pour son activité révolutionnaire au sein du mouvement ouvrier. Il participe notamment à l'Association internationale des travailleurs. L'ensemble des courants de pensée inspirés des travaux de Marx est désigné sous le nom de marxisme. Il a une grande influence sur le développement des sciences sociales, et ses travaux vont influencer de façon considérable le XXème siècle, au cours duquel de nombreux mouvements révolutionnaires se réclament de sa pensée.
Dossier pédagogique de Valjean 8 1.3-La révolution industrielle Qu’appelle t’on la révolution industrielle ? C’est l’ensemble des phénomènes qui ont accompagné, à partir du XVIIIème siècle, la transformation du monde moderne grâce au développement du capitalisme, des techniques de production et des moyens de communication. Cette période est caractérisée par le caractère progressif de l'industrialisation, par l'enracinement du phénomène dans des structures agraires et par l'existence d'une phase précédant l'industrialisation proprement dite, la « proto-industrialisation ». La première révolution industrielle désigne la période historique qui s'étend de la fin du XVIIIème siècle à tout le XIXème siècle. Elle est caractérisée par un changement considérable dans les techniques et les méthodes de production des biens matériels. Elle est liée à l'utilisation de la machine à vapeur comme moteur pour actionner des machines (en particulier dans l'industrie textile et la métallurgie). La production d'objets va devenir considérable. Les usines vont remplacer les ateliers artisanaux et les manufactures. Le besoin en capitaux pour créer les entreprises est permis par le développement du capitalisme. . Les ouvriers de l'industrie vont considérablement augmenter en nombre, et le travail des femmes et des enfants prend de l'importance. Leurs conditions de vie sont extrêmement misérables. Pour se procurer les matières premières et les sources d'énergie indispensables à l’alimentation des usines, les Européens se lancent alors dans la colonisation du monde pour en exploiter les richesses agricoles et minières. La révolution industrielle va aussi bouleverser les moyens de transports. La machine à vapeur va être placée sur des roues et donner ainsi les premières locomotives du chemin de fer. La machine à vapeur va actionner des roues à aubes puis des hélices et donner naissance à la marine a vapeur qui va progressivement remplacer la marine à voiles. On va faire rouler sur les routes des automobiles à vapeur et même de faire voler des avions à vapeur. La première révolution industrielle ne touchera pas tous les pays au même moment. Sont avantagés les pays qui disposent de charbon en grande quantité. Le premier pays concerné est le Royaume-Uni au XVIIIème siècle. Puis à partir de 1830 suivront la France, la Belgique, la Suisse et la Suède, puis plus tard l'Allemagne et les États- Unis. Tous ces changements entrainent des bouleversements dans la structure économique des pays concernés. 1.4-Les conditions sociales et la naissance du prolétariat en France Le XIXème siècle est celui de l’émergence de bourgeoisie et de la classe ouvrière. Cependant la noblesse existe toujours. L'aristocratie se distingue de moins en moins de la haute bourgeoisie, car la révolution industrielle et la Révolution française ont eu pour effet d'une part d'enrichir et de renforcer les entrepreneurs et chefs d'industrie, d'autre part de réduire ou d'éliminer les privilèges de la noblesse.
Dossier pédagogique de Valjean 9 La vraie noblesse, celle des anciennes familles, va se concentrer dans les métiers des armes, la haute fonction publique, l'administration coloniale et la diplomatie. La direction des grandes firmes relève de la haute bourgeoisie composée des grands capitalistes de la finance et de l'industrie. La haute bourgeoisie apparaît alors comme « une classe supérieure et une classe dirigeante » qui détient le pouvoir économique, politique et culturel et prend ainsi la suite de la noblesse dans l'Ancien Régime. A Paris, par exemple, vers le milieu du siècle, la bourgeoisie représente environ 15 % de la population, et se compose d'une minorité d'oisifs rentiers et d'une majorité d'actifs, car, selon la formule de Jean Jaurès6, « la bourgeoisie est une classe qui travaille », et elle travaille dans les diverses activités économiques : l'industrie, le commerce, la banque, le service de l'État ou les professions libérales. Les écarts sont considérables : à l'intérieur de la bourgeoisie l'éventail des fortunes va de 1 à 280 ; avec le peuple, il s'étend de 1 à 10000. La rupture de 1789 a ouvert les possibilités de promotion sociale pour la classe moyenne et ensuite l'industrialisation a permis son enrichissement progressif, sa montée en puissance dans la seconde moitié du siècle. Elle recouvre à peu près les différentes catégories de bourgeoisie, mais elle va gagner en importance en attirant à elle nombre d'enfants de paysans et d'ouvriers, jusqu'à représenter les 4/5 de la société au siècle suivant. La middle class ou le Mittelstand est donc formée, dans les échelons inférieurs, des artisans et petits commerçants. Les professions libérales voient leur importance s'accroître et le nombre des employés, ou clerks, gagne un peu partout dans la population active, avec la montée du secteur tertiaire dans des économies de plus en plus complexes, où la gestion des coûts de transaction devient un problème majeur. Ce qu'on a appelé la montée des cols blancs, face aux cols bleus ouvriers, correspond à cette évolution : Les employés passent de 800 000 à 1 800 000 en France entre les années 1870. Le peuple En 1866 à Paris les ouvriers représentent 57 % de la population. Adeline Daumard7 historienne française, estime que, dans la capitale, les trois-quarts des gens étaient « dans la pauvreté et la misère ». Ils vivaient au jour le jour, sans avoir la certitude de l'argent du lendemain. La population loge dans des conditions épouvantables : « Un effroyable entassement populaire dans les quartiers du centre et de l'est... où la densité et la saleté de l'habitat avaient converti la ville en un amas de pierrailles sans air et sans lumière ». 6 Jean Jaurès est un homme politique français né à Castres le 3 septembre 1859 et mort assassiné à Paris le 31 juillet 1914. Orateur et parlementaire socialiste, il s'est notamment illustré par son pacifisme et son opposition au déclenchement de la Première Guerre mondiale. 7 Adeline Daumard (1924-2003) est une historienne française contemporanéiste, spécialiste d'histoire sociale du XIXème siècle et particulièrement de la bourgeoisie.
Dossier pédagogique de Valjean 10 Le capitalisme se traduit par une insécurité croissante pour le travailleur du fait de l'absence de toute protection sociale jusqu'à la fin du XIXème siècle. La seule charité remplace la redistribution organisée. Vers 1840, les ouvriers travaillent en moyenne 12 à 14 heures par jour, et même 15 heures dans les industries textiles, pour des salaires de subsistance. Dans les industries domestiques, la durée du travail tourne autour de 16h par jour. Elle n'est nulle part limitée, sauf pour les enfants pour qui les premières réglementations datent de la première moitié du siècle. Il est courant d'en voir à partir de l'âge de quatre à cinq ans, ils composent plus de 20% de la main d'œuvre de l'industrie textile en Alsace. Plus dociles, moins payés, plus agiles et plus aptes à certains travaux que les adultes, ils constituent une force de travail exploitée sans merci. Ces conditions de vie misérables de la classe ouvrière au XIXème siècle entrainent le dénuement, la faim, le rachitisme des enfants, l'alcoolisme, la violence, l'insécurité, l'analphabétisme, la promiscuité, la prostitution. L'insalubrité des logements dans les ghettos des quartiers populaires, les eaux souillées, la sous-nutrition favorisent les maladies de toute sorte (typhus, choléra). Même le centre des grandes villes est atteint, il est décrit comme « un cloaque, surpeuplé, insalubre, voire mal famé ». L'ouvrier dans la première moitié du XIXème siècle ne cherche même pas à vivre, mais à survivre, « vivre, pour lui, c'est de ne pas mourir ». Le chômage est général au XIXème siècle dans les pays européens, un chômage structurel incompressible d'environ 20 % de la population active, aggravé dans les périodes de dépression comme celle de 1873-1896. La notion d'assurance ou d'indemnité de chômage, encore moins de revenu minimum, est inconcevable. La classe ouvrière est aussi appelée le prolétariat. C’est à partir de 1850, après avoir tenté plusieurs grèves et manifestations, que la condition de travail des ouvriers s’améliorera par la création des syndicats qui auront surtout diminué les heures de travail et augmenté les salaires.
Dossier pédagogique de Valjean 11 2. Les principaux courants artistiques au XIXème siècle Le XIXème siècle culturel et artistique vit lui aussi de grands bouleversements avec la naissance du romantisme, du réalisme, du naturalisme, du symbolisme et pour finir de l’impressionisme. Parmi les grands artistes de ce siècle en littérature, citons parmi d’autres les poètes Lamartine, Vigny, Musset, Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Mallarmé … dans le domaine du roman Stendhal, Balzac, Dumas, Hugo, Flaubert, Zola, Maupassant, Verne … et au théâtre le drame romantique avec ses partisans, Musset, Hugo, Edmond Rostand… 2.1 Le romantisme : mouvement de la mélancolie humaine (1820-1850) Le romantisme se caractérise par la mise en valeur du rêve et de l’imagination, un intérêt pour la nature, les paysages et la représentation de l’humain. C’est l’expression des états d’âme, des sentiments, de la sensibilité et de la mélancolie. Pour autant, romantisme n’est pas synonyme d’idéalisation. Le mouvement romantique est marqué par plusieurs ouvrages incontournables dans la littérature française : Mémoires d’Outre-Tombe de Châteaubriand, Les Méditations de Lamartine, La préface de Cromwell de Victor Hugo8 Du point de vue artistique, le romantisme se caractérise par la prédominance de la sensibilité et de l’imagination sur la raison : La passion et l’intuition guident la démarche artistique. La vérité prime sur l’aspect collectif. La sensibilité tourmentée s’exprime de manière lyrique. Le trait est rejeté au profit du pictural. En peinture, l’exaltation du moi est un trait essentiel du romantisme. Le courant se distingue par une homogénéité de l’oeuvre contrairement au néoclassicisme. La couleur devient expression à part entière tandis que l’image de l’homme se fait solitaire et tragique. 9 • Artistes peintres : Delacroix , Géricault, Tumer, Goya, Burnes Jones… • Musiciens : Berlioz, Gounod, Chopin, Liszt, Bizet... 2.2 Le réalisme et sa critique de la bourgeoisie Le XIXème siècle est marqué par le mouvement réaliste. Il s’attache à décrire, dans le détail, les faits et gestes des personnages issus du peuple et de la bourgeoisie. 8 Voir l’annexe I2. 9 Voir les annexes H1 et H2 sur le tableau d’Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple.
Dossier pédagogique de Valjean 12 Le réalisme, né autour dès années 1840, et ayant été fortement développé après cette date (1845-1850), est un mouvement autant littéraire, que pictural visant à se rapprocher le plus possible de la réalité. Ce mouvement, d’une part jugé comme une nouvelle tendance de l’époque, était surtout intimement lié à la grande évolution des mentalités du XIXème siècle. La révolution industrielle, l’importance prise par le prolétariat, ainsi que les mouvements ouvriers, commençaient à intéresser les artistes réalistes, et souvent, à en devenir leurs sources d’inspiration (exemple : Zola qui s’intéressait particulièrement aux mineurs dans « Germinal »). En effet, le réalisme s’inspire de situations, de choses et de personnes, qui n’étaient, jusqu’à ce mouvement, non considérées comme esthétiques ou artistiques. Les auteurs réalistes et leurs œuvres majeures : La Comédie Humaine de Balzac est une œuvre qui cherche à dénoncer les comportements sociaux, à travers les différents rôles que peuvent prendre les personnages, notamment Vautrin qui se révèle très fourbe. Le Rouge et le Noir de Stendhal, qui a pour sous-titre Chroniques de 1830, illustre bien l’ambition et l’arrivisme du héros, qui a soif d’ascension sociale. Avec un profil de séducteur, Julien Sorel est prêt à tout pour réussir, même si à la fin du roman, il fait un chemin psychologique pour aller vers l’amour. Dans L’Education sentimentale, Flaubert impose sa vision partisane et se montre particulièrement critique envers le peuple. Il peut même mettre une charge contre la société, avec son roman Madame Bovary (sous-titré Mœurs de Province). Une vie de Maupassant est un ouvrage qui relate la vie de Jeanne, écrasée par la société. L’auteur cherche bien à décrire de manière fidèle le parcours de l’héroïne avec une narration objective, ce que l’on pourrait qualifier d’anti-héros. • Artistes peintres : Courbet, Daumier, Fantin-Latour… • Musiciens Offenbach… 2.3 Le naturalisme : mouvement littéraire et laboratoire sociétal Chef de file du naturalisme, Emile Zola est l’auteur phare du XIXème siècle, qui s’oppose radicalement au mouvement romantique. En effet, Zola refuse le fait que Victor Hugo puisse incarner le XIXème siècle. Le naturalisme va plus loin que le réalisme. Le genre narratif a un aspect scientifique plus poussé. Zola définit son roman comme un laboratoire, à travers lequel il observe et étudie les comportements humains, dans le but de les dénoncer. Il fait des analyses très fournies en fonction des différents milieux sociaux. La notion d’hérédité est présente chez Zola en faisant intervenir des personnages d’une même famille, sur plusieurs générations.
Dossier pédagogique de Valjean 13 Caractéristiques du Roman Expérimental : • «nous faisons… de la psychologie scientifique » (Zola) • « le déterminisme domine tout, c’est l’investigation scientifique… qui remplace les romans de pure imagination» (Zola) • « il y a un déterminisme absolu dans les conditions d’existence des phénomènes naturels… [la méthode expérimentale consiste] à déterminer les conditions nécessaires à la manifestation de ce phénomène » (Zola) • « pénétrer le pourquoi des choses, pour devenir supérieur » (Zola) Les œuvres essentielles du naturalisme : La série des 20 romans des Rougon-Macquart est une œuvre fondatrice du naturalisme. Au travers de l’Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire, comme le sous-titre l’auteur, des romans comme Germinal, Nana, l’Assommoir, La Bête Humaine, Thérèse Raquin ont marqué leur époque et sont passés dans la postérité. • Artistes peintres : Bastien-Lepage, Rosa Bonheur, Adler… • Musiciens : Bruneau, Charpentier, Massenet et ses opéras parisiens... 2.4 Le symbolisme : ou la conception spirituelle Né dans la suite du naturalisme, en opposition à ce courant littéraire et dans le prolongement de l’œuvre de Baudelaire, le symbolisme est incarné par Verlaine, Rimbaud et Mallarmé. On place le début du symbolisme à la publication en 1886 par Jean Moreas dans les colonnes du Figaro du Manifeste du symbolisme. Ce mouvement apparaît en réaction au naturalisme. L’influence de Mallarmé est très importante dans ce nouveau courant littéraire. Le symbolisme associe deux réalités : souvent une image concrète et une abstraction. L’idée est de dépasser la description réaliste et de mettre en avant une conception spirituelle. Le symbolisme s’est surtout développé en premier en poésie. Les poètes privilégient alors les vers libres. Ils ont recours notamment aux analogies, aux symboles et aux images. Les Fleurs du Mal de Baudelaire montre à quel point le poète était précurseur et a impulsé l’émergence de ce nouveau courant littéraire qui souhaitait notamment remettre la poésie au premier plan. • Artistes peintres : Gustave Moreau, Edward Burnes-Jones, Klimt… • Musiciens : Debussy, Maeterlinck avec son opéra Pelléas et Mélisande...
Dossier pédagogique de Valjean 14 2.5 L’impressionnisme en peinture (1870-1900) Dans les dernières années du Second Empire l’impressionnisme gagne progressivement du terrain avec Rodin en sculpture, Manet, Monet et Renoir en peinture pour ne citer que les plus grands. La fin du siècle voit l’émergence d’autres mouvements picturaux comme le pointillisme ou les Nabis, de peintres comme Cézanne, Gauguin ou Van Gogh, tandis que Gabriel Fauré, Camille Saint-Saëns et Claude Debussy dominent la composition musicale française. Les impressionnistes cherchent à restituer la perception fugace de la lumière par l’œil humain. « Il faut savoir saisir le moment du paysage à l’instant juste, car ce moment là ne reviendra jamais… » Claude Monet-1892 Parmi les procédés utilisés, on peut citer les petites touches de couleurs ou la réserve (procédé consistant à ne pas peindre de petites parties de la toile. Les thèmes de prédilection des impressionnistes sont les paysages quels qu’ils soient. L’évolution technologique explique pour une part la naissance de l’impressionnisme. L’invention de la photographie (Nicéphore Nieps) et du cinéma (les frères Lumière en 1895) rend inutile la tentative de reproduire fidèlement la réalité. Le nom de ce courant artistique vient du titre d’un tableau : impression, soleil levant de Claude Monet – 1872. • Artistes peintres : Claude Monet, Edouard Manet, Degas, Sisley, Pissarro… Conclusion La littérature du dix-neuvième siècle, demeure un âge d’or de la poésie et du roman, avec de nombreux chefs-d’œuvre qui laissent percevoir, au-delà des courants littéraires, de fortes personnalités artistiques. Hugo, auteur prolixe a profondément marqué son siècle tant à travers ses poèmes, ses romans que ses pièces de théâtre. Si vous deviez écrire une nouvelle ou un roman, quel style littéraire choisiriez-vous et pourquoi ? Répondez en utilisant les caractéristiques de ce style. A quel courant Victor Hugo appartient-il ? Apportez des éléments à votre réponse.
Dossier pédagogique de Valjean 15 3. Victor Hugo (Besançon 1802-Paris 1885) Monstre sacré de la littérature française, exceptionnel par son implication dans les combats de son temps autant que par la fécondité de son imagination, Hugo domine le XIXème siècle. Placé par sa naissance au cœur des tiraillements d'un siècle mouvementé (un père républicain puis bonapartiste, une mère royaliste et vendéenne), évoluant du royalisme ultra au socialisme républicain, à la fois brocardé et encensé de son vivant, connaissant l’exil et les deuils, il veut tout dire, en somme, pour tous, et de toutes les façons possibles. Drame, recueil poétique, roman, préface, assemblée politique, affiche placardée, tout est tribune pour Hugo. Tous les genres et tous les registres montrent l'Homme, titan infime en proie à des forces manichéennes contradictoires. Sa prose comme sa poésie éclatent de son génie des contrastes ; l'inspiration hugolienne est partout lyrique et épique : les visions dantesques côtoient la tendresse pour tout ce qui est faible. Le jeu prodigieux des sons, des cadences et des antithèses brosse en une fresque biblique le cheminement douloureux de l'humanité vers le progrès. Tel son personnage Hernani, Victor Hugo est à lui seul « une force qui va ! ». Son œuvre reste l'une des plus puissantes et des plus populaires de la littérature française. 3.1 Sa vie et son œuvre Famille Fils de Léopold Hugo, général et comte d'Empire, et de Sophie Trébuchet. Victor Marie est le frère cadet d'Abel et d'Eugène. Ses parents s'entendent mal. Enfance et adolescence Première éducation, faite de voyages (Naples, Madrid) et de lectures à satiété. Études brillantes à Paris, au lycée Louis le Grand ; prix d’encouragement de l’Académie française. Il compose ses premiers vers et une tragédie (Irtamène, 1816). Il veut suivre la voie littéraire ; il est catholique et monarchiste. Du jeune homme sage au fervent romantique (1820-1830) Ses recueils de poésie de jeunesse sont récompensés par le roi. Il fait paraître ses premiers romans (Bug-Jargal (1820), Han d'Islande, 1823), ébauches malhabiles des romans de la maturité. Il se marie (1822) et devient père de famille. Il penche du côté du romantisme, dont il écrit le manifeste littéraire, la préface de son drame Cromwell 10(1827). La première de sa pièce Hernani (1830) est l'occasion d'un affrontement entre classiques et modernes qui fera date dans l'histoire du romantisme français. L'écrivain installé Une période de riche production littéraire (recueils poétiques [les Rayons et les Ombres, 1840], pièces de théâtre [Ruy Blas, 1838], roman à succès [Notre-Dame de Paris, 1832]) marque brutalement le pas avec la mort accidentelle de sa fille 10 Voir l’annexe I2 sur la préface de Cromwell.
Dossier pédagogique de Valjean 16 Léopoldine (1843). Hugo, rallié au « roi des Français » Louis-Philippe, devient académicien et pair de France. L'opposant irréductible (1849-1870) Il se fait orateur à l'Assemblée nationale, sous la IIème République qui a succédé à la monarchie constitutionnelle, puis opposant intransigeant, depuis sa retraite dans les îles anglo-normandes (Jersey, puis Guernesey) au second Empire du fourbe « prince président » devenu Napoléon III. Champion de la dignité de l'être humain, de ses droits civils et politiques (Hugo prône notamment l'abolition de la peine de mort, le suffrage universel et la liberté de la presse), son cri, puissant, se fait littéraire : les Châtiments (1853), les Contemplations (1856), la Légende des siècles (1859, 1877, 1883), les Misérables (1862), les Travailleurs de la mer (1866), l’Homme qui rit (1869). Les derniers feux Rentré en France après le dénouement de la guerre franco-prussienne (1870-1871), la fin tragique de la Commune et le rétablissement de la république, Hugo devient une icône du nouveau régime démocratique. Même si son activité créatrice se réduit, sa vigueur littéraire n'est pas entamée : il publie l'Année terrible (1872), le roman d'une guerre fratricide encore fraîche, Quatrevingt-treize (1874) et l'Art d'être grand- père, 1877. Mort 22 mai 1885 à Paris. Funérailles nationales et inhumation au Panthéon (1er juin). 3.2 Un être humain engagé ? Comme un grand nombre d'écrivains de son temps, Victor Hugo s'intéresse à la vie politique et y participe. Pour lui, le poète est un "veilleur"; influencer les gouvernants et l'opinion fait partie de sa mission. Son intense activité d'écriture, loin de le couper de la réalité quotidienne, s'en nourrit bien souvent. On a pu lui reprocher son soutien au pouvoir en place : légitimiste sous la Restauration, il est pensionné par Louis XVIII, puis par Charles X qui le décore de la Légion d'honneur et l'invite à son sacre (1825) ; le poète écrit une ode en son honneur. Il est orléaniste sous Louis-Philippe, qui le nomme pair de France (1845). Sous la IIe République, il devient républicain... Il n'en demeure pas moins fidèle, dans ses écrits, à ses idéaux de justice et de liberté, intervenant parfois publiquement à la Chambre des pairs ou ailleurs. En juin 1848, s'il n'est pas du côté des insurgés, il intervient contre la répression. Mais c'est seulement à partir de 1849 que Victor Hugo commence à croire en la république comme seule forme de gouvernement permettant l'avancée des idées progressistes. Élu en mai 1849 à l'Assemblée législative, après avoir soutenu la candidature de Louis Bonaparte à l'élection présidentielle (décembre 1848), il siège avec les conservateurs, mais vote avec la gauche contre les lois réactionnaires réclamées par une majorité de droite de plus en plus extrême.
Dossier pédagogique de Valjean 17 Il multiplie ses interventions tous azimuts jusqu'au coup d'État du 2 décembre 1851. Entrant alors dans la clandestinité il tente, avec un groupe de députés, d'organiser la résistance. En vain. Le 11 décembre, sa fuite à Bruxelles marque le début d'un long exil, d'abord contraint (le décret de proscription tombe en janvier 1852) puis volontaire, après l'amnistie de 1859. Le poète devient le symbole de la lutte de la République contre l'Empire, prenant position en toute occasion, par voie de presse et dans ses œuvres en faveur d'une meilleure justice sociale, pour la paix et la liberté des peuples opprimés, contre la peine de mort... De retour en France au lendemain de la chute de l'Empire, il poursuit ses combats. Député de Paris à l'Assemblée nationale de Bordeaux, il en démissionne après les mesures adoptées contre le peuple de Paris. Il dénonce les atrocités de la répression versaillaise (L'Année terrible) contre la Commune. Au Sénat, où il siège à partir de 1876, il ne cesse de réclamer l'amnistie pleine et entière des communards. Il ne l'obtiendra qu'en 1880. D’après sa vie résumée ci dessus, diriez-vous Victor Hugo est un homme engagé ? Développez vos propos. 3.3 Un homme de liberté Il ne supporte aucune censure, aucune répression. Lorsque sa pièce Marion Delorme est censurée (1829), il refuse l'augmentation de pension que lui propose Charles X en dédommagement. Après l'interdiction du Roi s'amuse (1832), il s'élève vigoureusement contre les abus de la censure devant le tribunal de commerce où l'a mené son procès contre le Théâtre-Français, et refuse désormais de toucher sa pension. Lors de l'insurrection de juin 1848, qu'il n'approuve pas, il s'élève contre la répression brutale de Cavaignac et s'oppose, le 2 septembre, à la prolongation de l'état de siège. La répression versaillaise contre les communards lui paraîtra tout aussi intolérable, bien qu'il ait condamné les excès de la Commune de Paris : L'Année terrible naît des atrocités de la Semaine sanglante. Hugo approuve les mouvements des nationalités : il intervient le 19 octobre 1849 à l'Assemblée pour protester contre l'envoi de troupes pour rétablir le pape Pie IX dans ses États, alors que, selon lui, la France républicaine se devait de soutenir la République romaine. Il encourage, en 1863, le combat des Mexicains contre les troupes françaises. Plus tard, au Sénat, il s'engagera en faveur de l'indépendance serbe. Se battant pour l'émancipation, Hugo prend conscience du statut inférieur de la femme. En exil, il se montre sensible au sort des femmes proscrites et rend hommage à leur combat ; il réclame pour elles des droits civiques égaux à ceux des hommes.
Dossier pédagogique de Valjean 18 C'est au nom de la paix entre les citoyens qu'il réclamera régulièrement après 1871 l'amnistie pour les communards. 3.4 Contre la peine de mort Le premier de tous les combats de Victor Hugo – le plus long, le plus constant, le plus fervent - est sans doute celui qu’il mène contre la peine de mort. Dès l’enfance, il est fortement impressionné par la vision d’un condamné conduit à l’échafaud, sur une place de Burgos, puis, à l’adolescence, par les préparatifs du bourreau dressant la guillotine en place de Grève. Hanté par ce "meurtre judiciaire", il va tenter toute sa vie d’infléchir l’opinion en décrivant l’horreur de l’exécution, sa barbarie, en démontrant l’injustice (les vrais coupables sont la misère et l’ignorance) et l’inefficacité du châtiment. Utilisant tour à tour sa notoriété d’écrivain et son statut d’homme politique, il met son éloquence au service de cette cause, à travers romans, poèmes, témoignages devant les tribunaux, plaidoiries, discours et votes à la Chambre des pairs, à l’Assemblée puis au Sénat, articles dans la presse européenne et lettres d’intervention en faveur de condamnés. Le Dernier Jour d’un condamné En écrivant, à vingt-sept ans, Le Dernier Jour d’un condamné comme un journal, à la première personne, Hugo interpelle le lecteur en exposant les sentiments d’un homme à partir du verdict : "Condamné à mort ! Voilà cinq semaines que j’habite avec cette pensée" jusqu’à sa conduite à l’échafaud : "Ah ! les misérables ! il me semble qu’on monte l’escalier… Quatre heures." Dans la préface à la réédition de 1832, l’écrivain avoue que l’écriture du roman l’a libéré d’une culpabilité, "il [l’auteur] n’a plus senti à son front cette goutte de sang qui rejaillit de la Grève sur la tête de tous les membres de la communauté sociale". Mais, ajoute-t-il, "se laver les mains est bien, empêcher le sang de couler serait mieux". Cette préface constitue à elle seule un réquisitoire contre la peine de mort. Hugo n’hésite pas à décrire quelques exécutions particulièrement atroces, "il faut donner mal aux nerfs aux femmes des procureurs du roi. Une femme, c’est quelquefois une conscience". Il réfute les arguments habituellement avancés en faveur de la peine capitale, en particulier celui de l’exemplarité. Il réclame en outre "un remaniement complet de la pénalité sous toutes ses formes, du haut en bas, depuis le verrou jusqu’au couperet". 3.5 Ses autres combats Une Europe unie. Dans un discours prononcé aux proscrits de Jersey, le 24 février 1855, Victor Hugo rêve d'une Europe idéale : "le continent serait un seul peuple, les nationalités vivraient de leur vie propre dans la vie commune", et il imagine "une monnaie continentale, à double base métallique et fiduciaire, ayant pour point d'appui le capital Europe tout entier et pour moteur l'activité libre de deux cents millions d'hommes, cette monnaie, une, remplacerait et résorberait toutes les absurdes variétés monétaires d'aujourd'hui, effigies de princes, figures des misères".
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