FACE À ARCIMBOLDO 29.05.2021 22.11.2021 - FACE À ARCIMBOLDO / DOSSIER DÉCOUVERTE - Centre Pompidou Metz

 
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FACE À ARCIMBOLDO
           29.05.2021 > 22.11.2021

    FACE À ARCIMBOLDO / DOSSIER DÉCOUVERTE
FACE À ARCIMBOLDO 29.05.2021 22.11.2021 - FACE À ARCIMBOLDO / DOSSIER DÉCOUVERTE - Centre Pompidou Metz
SOMMAIRE
    1. PRÉSENTATION P.3
    2. GIUSEPPE ARCIMBOLDO P.5
    3. PARCOURS DE L’EXPOSITION P.6
    4. FOCUS ŒUVRES P.10
    5. LISTE DES ARTISTES P.18
    6. MOTS EN LIBERTÉ P.20
    7. OFFRE POUR LES SCOLAIRES P.32
    8. CATALOGUE P.35
    9. INFORMATIONS PRATIQUES P.36

En couverture :
© M/M (PARIS)
Giuseppe Arcimboldo, Les Quatre Saisons, Le Printemps, 1573 ; huile sur toile, 76 × 63,5 cm ; Paris, musée
du Louvre, département des Peintures. Photo ©RMN-Grand Palais (musée du Louvre) /Jean-Gilles Berizzi

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FACE À ARCIMBOLDO 29.05.2021 22.11.2021 - FACE À ARCIMBOLDO / DOSSIER DÉCOUVERTE - Centre Pompidou Metz
1.PRÉSENTATION
FACE À ARCIMBOLDO
29.05.2021 > 22.11.2021
GRANDE NEF

Commissaires
Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou-Metz et Anne Horvath, chargée de recherches au
Centre Pompidou-Metz, dans un fructueux dialogue avec l’artiste Maurizio Cattelan, les
historiens de l’art Patricia Falguières et Antonio Pinelli, et le conservateur Yasha David.

Scénographie
Berger&Berger
Laurent P. Berger et Cyrille Berger

Vous qui allez, errant à travers le monde,
Curieux d’y voir hautes et stupéfiantes merveilles,
Venez-ci, où vous trouverez des...

Cette inscription destinée aux promeneurs du jardin de Bomarzo dès le XVIe siècle
pourrait accueillir avec délice le visiteur de Face à Arcimboldo, l'exposition en
hommage au peintre lombard, au Centre Pompidou-Metz. Ce portrait subjectif
d’Arcimboldo à travers le regard d’artistes – dont le choix a été guidé par l’influence
assumée, inconsciente ou fantasmée des recherches de l’artiste – est construit comme
le fragment d’une histoire à la portée individuelle. Par le biais de rapprochements entre
les œuvres d’Arcimboldo et de James Ensor, Hannah Höch, Pablo Picasso, René Magritte,
Francis Bacon ou encore Cindy Sherman, l’exposition montre combien les réflexions de
l’artiste ont irrigué l’histoire de l’art, hier comme aujourd’hui.

Tout en façonnant sa singularité, l’œuvre d’Arcimboldo s’inscrit dans le Maniérisme
qui ébranle la Renaissance. Sans former une véritable école, ses contemporains
partagent les mêmes désirs d’abandon des règles de la perspective, recourent à des
couleurs incandescentes comme Rosso Fiorentino et jubilent de leurs expériences de
déformation des corps qui culminent entre autres avec l’autoportrait au miroir convexe
du Parmesan ou le journal du tourmenté Pontormo. En faisant progressivement glisser
l’attention sur la manière de représenter le sujet et d’être artiste, ils font primer leur
idée sur la facture de la réalisation et écrivent la première théorie moderne de
l’histoire de l’art.

Tout comme l’œuvre d’Arcimboldo, le Maniérisme, véritable langage artistique partagé
sur le continent européen au XVIe siècle, a été oublié – voire méprisé – jusqu’au
début du XXe siècle qui témoigne du retour en grâce de ce courant intellectuel et
artistique florissant. Après avoir été associé à l’art dégénéré pendant l’entre-deux-
guerres par Wilhelm Pinder, il symbolisera l’expression possible d’une culture
européenne commune pour les peuples meurtris au sortir du second conflit mondial.

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FACE À ARCIMBOLDO 29.05.2021 22.11.2021 - FACE À ARCIMBOLDO / DOSSIER DÉCOUVERTE - Centre Pompidou Metz
Également lu comme la première avant-garde anticlassique1, le Maniérisme annonce,
par son potentiel subversif, les multiples révolutions de la modernité, de
l’Abstraction au Cubisme. À la rencontre de ces deux analyses, la figure complexe
d’Arcimboldo, à la fois le fil rouge de son siècle foisonnant et des balbutiements de la
modernité, incarne de multiples ruptures qui constitueront les axes de l’exposition Face
à Arcimboldo.

Inaugurant la programmation de Chiara Parisi, à la tête de l’institution depuis
décembre 2019, ce projet est né de l’exposition L’Effet Arcimboldo. Les transformations
du visage au XVIe siècle et au XXe siècle, conçue par Pontus Hultén et Yasha David au
Palazzo Grassi à Venise en 1987, qui constituait la première monographie consacrée à
l’artiste. Cet événement faisait suite à l’exposition d’Alfred Barr présentée au Museum
of Modern Art en 1936, Fantastic Art, Dada, Surrealism, qui ouvrait la voie en montrant
Arcimboldo comme un précurseur essentiel dans l’émergence de la modernité.

L’exposition du Centre Pompidou-Metz poursuit ainsi cette investigation de la
contemporanéité du vocabulaire arcimboldien, qui traverse les siècles, avec la question
de la représentation du corps décomposé, mécanisé, défiguré, transfiguré et éclaté.

Le parcours se nourrit de l’esprit visionnaire de Pontus Hultén qui considérait L’Effet
Arcimboldo comme l’une de ses expositions les plus importantes, et semble faire la
synthèse des multiples enjeux de sa vision du musée comme médium, mise en œuvre au
Centre Pompidou dès 1977. Entre conscience du passé et passion pour l’avenir,
dépassant toute notion de hiérarchie entre les périodes ou les générations, l’exposition
Face à Arcimboldo est une ébauche de Musée de nos désirs2, celui d’Arcimboldo et
celui des artistes qui, par leur regard, enrichissent la perception que nous avons de
son œuvre.

Giuseppe ARCIMBOLDO, Le Bibliothécaire, vers 1566? Huile sur toile, 97 x 71 cm
Château de Skokloster
Photo: Skokloster Castle/SHM

1
 Patricia FALGUIÈRES, Le Maniérisme, une avant-garde au XVIe siècle, Paris, Gallimard, 2004
2
 Pontus HULTÉN (dir.), The Museum of our wishes, cat. exp., Stockholm, Moderna Museet, 26 décembre 1963 – 16 février
1964

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2. GIUSEPPE ARCIMBOLDO
Icône populaire grâce à ses profils composés, qui ne constituent d’ailleurs qu’une faible
partie de ses multiples activités, Giuseppe Arcimboldo a longtemps été considéré
comme une curiosité par les historiens de l’art. Malgré le succès rencontré de son
vivant puis la popularité des portraits composites dont témoignent ses nombreux
suiveurs, son œuvre est tombé dans l’oubli pour n’être redécouvert et reconsidéré qu’à
l’aube de la modernité. Arcimboldo a probablement pâti de n’avoir laissé aucune
autobiographie et d’être né trop tard pour faire partie des Vies de Giorgio Vasari qui
consacra, de manière subjective, les meilleurs peintres, sculpteurs et architectes de
l’époque pour les siècles à venir.

La vie de l’artiste (1526-1593) se fait pourtant le miroir du XVIe siècle Maniériste
qu’elle traverse de part en part. Après sa formation auprès de son père, peintre à la
Fabrique du Dôme de Milan, Arcimboldo est appelé à la cour des Habsbourg en 1562 où
il plonge au cœur des sphères artistiques, scientifiques et politiques des empereurs
Ferdinand Ier, Maximilien II puis Rodolphe II.

Symbole d’une Europe des cultures, ouverte et cosmopolite, Arcimboldo connaît une
destinée internationale qui le mène de sa Lombardie natale à Vienne puis Prague,
avant de revenir à Milan où il est auréolé du prestigieux titre de comte palatin avant
sa mort.

Peintre officiel à la cour, il réalise pour les princes les célèbres têtes composées et
assure le rôle de chef d’orchestre des grandes fêtes et parades, et de conseiller des
collections impériales. L’une de ses missions les plus importantes est ainsi de
documenter les naturalia du cabinet de curiosités impérial, en dessinant d’après
nature les espèces les plus exotiques rassemblées lors de lointaines expéditions. Il a
par ailleurs considérablement enrichi la collection de mirabilia des empereurs,
collectionneurs passionnés, animés par le désir de posséder les pièces plus rares et
les plus extraordinaires.

Le théâtre du cabinet de Rodolphe II, proto-musée à sa gloire où dialoguent des toiles
de maître avec les manifestations des anomalies de la nature, offre à Arcimboldo un
répertoire formel et conceptuel qui irriguera son propre corpus d’œuvres.

Les cycles des Saisons et des Éléments, en traduisant l’extraordinaire richesse de la
faune et de la flore découverte dans les chambres des merveilles, sont de véritables
allégories de l’abondance et de la plénitude du pouvoir éternel des Habsbourg qui
règnent sur le monde d’alors. Arcimboldo n’invente pas le procédé de composition par
assemblage–dès le Ier siècle avant notre ère, le corps de Bacchus est déjà représenté
par une accumulation de grappes de raisin à Pompéi–il déploie néanmoins une
ingéniosité sans précédent dans les entrelacements de la composition et dans la portée
symbolique, le Bibliothécaire devenant littéralement un homme-livre.

Si ses toiles sont de nos jours universellement reconnues, nombre de messages cachés
continuent d’échapper à notre œil. Dans un fructueux dialogue entre poésie et peinture,
ses présents aux princes étaient éclairés par les vers de Giovanni Battista Fonteo. En
dissipant tout malentendu sur la prétendue ironie des compositions, ceux-ci formulent
les secrets des symboles impériaux et nous livrent aujourd’hui de précieuses clés de
lecture de son œuvre.

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3. PARCOURS DE L’EXPOSITION

Scénographie

Réalisée par Berger&Berger – Laurent P. Berger et Cyrille Berger – la scénographie de
l’exposition invite à redécouvrir la Grande Nef de Shigeru Ban et Jean de Gastines
grâce à une déambulation se déployant au rythme de l’architecture.

La construction des murs en béton cellulaire offre la sensation de parcourir une
citadelle, alternant entre l’expérience d’un espace tantôt monumental, tantôt intime ou
en devenir.

Parcours

Le parcours met en lumière une sélection de compositions choisies d’Arcimboldo.
Ses portraits composés, quadri ghiribizzosi (littéralement des « images ondulées »)
selon les commentateurs de son époque, sont la quintessence d’un imaginaire débridé
jouissant d’une immense liberté qui « n’est [plus] l’esclave du « vrai », pas plus que du
« vraisemblable », et [qui] a comme seule limite l’ « inimaginable» »3. Ils expriment
aussi la fascination de l’époque pour les manifestations extraordinaires et
surnaturelles, figurées par les difformités botaniques ou les monstruosités humaines
que les princes exhibaient à la cour. La récurrence du motif de la gueule ouverte, des
ornements de cheminée aux sculptures dans le jardin des monstres de Bomarzo, ou
encore les multiples effigies de la famille Gonzalez excessivement velue, en sont
quelques signes. La voie est ainsi ouverte aux jeux visuels à l’onirisme inquiétant des
Surréalistes, toujours sur le fil de la fiction ou de la réalité, suscitant des sentiments
ambivalents entre le malaise et l’enchantement.

3
  Antonio PINELLI, La Belle manière. Anticlassicisme et maniérisme dans l’art du XVIe siècle, Paris, Livre de poche, 1996,
p.216

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Pour ce faire, Arcimboldo suit la recette livrée par Léonard de Vinci qui, pour feindre
de représenter un animal « naturel », indique : « prenez pour la tête celle d’un mâtin,
ou de quelque autre chien, et donnez-lui les yeux d’un chat, les oreilles d’un porc-épic,
le museau lévrier, les sourcils d’un lion, les côtés des tempes de quelque vieux coq, et
le col d’une tortue d’eau 4 ». Il semble même avoir poussé à son paroxysme la
fragmentation qu’il érige en matrice de ses toiles, suivi par nombre d’artistes au XXe
siècle, dont les plus emblématiques illustrations sont les collages d’Hannah Höch ou
les cadavres exquis, et plus proches de nous, les trophées réduits à des corps en
morceaux par Daniel Spoerri pour la salle d’armes du Château d’Oiron ou encore la
radicale destruction du visage opérée par Gilbert & George ou Penny Slinger. Dans
cette recherche d’hybridation, la diversité des connotations frappe le regardeur, des
allusions érotiques de L’Écureuil de Meret Oppenheim au processus de substitution
des images du Modèle rouge, toile dans laquelle René Magritte voit l’expression d’une
« coutume monstrueuse5 ».

HannahHÖCH,Filleallemande,1930
Collage sur carton, 21,6 × 11,6 cm
Berlinische Galerie – Landesmuseum für Moderne Kunst, Fotografie und Architektur
© Adagp, Paris, 2021

Ce qui rend Arcimboldo profondément actuel n’est pas tant le procédé que ce qu’il
implique pour le regardeur. Si l’on considère comme Pontus Hultén que le désir de
mouvement, inhérent à l’œuvre mais aussi propre au déplacement du spectateur, est
la clé de lecture universelle de la modernité 6 , les compositions d’Arcimboldo
contiennent déjà une troisième et une quatrième dimension pour reprendre les mots
d’André Pieyre de Mandiargues : «Par la troisième, j’entends la distance à laquelle il
faut s’écarter du tableau pour cesser de voir des éléments de nature morte, fruits,
fleurs, animaux terrestres ou aquatiques, ustensiles, matériaux divers, et apercevoir
l’ensemble gracieux, majestueux, impérieux ou ridicule d’une face humaine ; par la
quatrième, je prends en compte les minutes ou les secondes qu’il faut à l’observateur
pour franchir la distance qui le sépare du point (ou de l’instant) où la transformation
aura lieu sous son regard.7»

4
    Léonard de VINCI, Traité de la peinture, [1478-1519], Paris, Langlois, 1651, p.94
5
    René MAGRITTE, La Ligne de vie I, in Écrits complets, Paris, Flammarion, 2016
6
    Pontus HULTÉN (dir.), Movement in art, cat. exp., Stockholm, Moderna Museet, 7 mai-3 septembre 1961
7
     André Pieyre de MANDIARGUES, Arcimboldo le Merveilleux, Paris, Robert Laffont, 1977, p.112
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Le génie d’Arcimboldo se loge ainsi dans sa capacité à insuffler à la planéité de la
toile une constante métamorphose, oscillant entre le microcosme et le macrocosme,
mettant en scène, à l’image de la fluidité des compositions serpentines maniéristes, « le
trouble, l’incertitude, pour en jouer, et peut-être aussi pour en exorciser le caractère
inquiétant 8.» Force est de constater que le maître lombard excelle en la matière en
puisant dans un luxuriant dictionnaire visuel. De même que les poètes orientent le
choix des mots par leur sonorité et leurs associations littéraires plutôt que pour leur
sens, Arcimboldo aurait probablement pu prononcer les mots d’Hans Bellmer à propos
de sa célèbre Poupée: «le corps est comparable à une phrase qui vous inviterait à la
désarticuler, pour que se recomposent, à travers une série d’anagrammes sans fin, ses
contenus véritables.9»

Comme le suggère Roland Barthes dans l’essai qu’il consacre au peintre, l’art
d’Arcimboldo, rhétoriqueur et magicien, est résolument littéraire car il fonctionne sur
une double articulation, tout comme le discours s’appuie sur une combinaison de mots
eux-mêmes composés de sons. « Tout signifie et cependant tout est surprenant.
Arcimboldo fait du fantastique avec du très connu : la somme est d’un autre effet
que l’addition des parties : on dirait qu’elle en est le reste10 ». Tout est métaphore chez
Arcimboldo qui use de la palette des figures de style, et particulièrement du
palindrome, de l’allégorie et de l’oxymore qui infusent tous les arts touchés par la
maniera. Le peintre multiplie les rapprochements de signes opposés qu’il fait se
refléter comme dans un miroir pour en inverser la lecture.

André Breton a naturellement inscrit Arcimboldo au panthéon des artistes « pré-
surréalistes » lors de l’Exposition internationale du Surréalisme à Paris en 1947,
l’imbrication des significations de ses images doubles participant de leurs jeux
favoris. Salvador Dalí ne se lassera pas d’explorer les mécanismes à la fois du double
sens et du trompe-l’œil, l’illusion étant le produit d’images reportées sur papier
calque qui, une fois superposées, révèlent une toute autre composition. Max Ernst ou
Victor Brauner, quant à eux, usent de l’allégorie pour tourner en ridicule l’absurdité
du pouvoir totalitaire.

Quoique s’exprimant par des biais divergents, les recherches surréalistes font écho à la
curiosité d’Arcimboldo pour l’anamorphose, qualifiée de rébus, monstre et prodige par
Jurgis Baltrusaitis, qui définit ainsi ce savant divertissement : « au lieu d’une réduction
à leurs limites visibles, c’est une projection des formes hors d’elles-mêmes et leur
dislocation de manière qu’elles se redressent lorsqu’elles sont vues d'un point
déterminé11.» Parmi les oxymores hantant l’œuvre d’Arcimboldo, son rapport ambivalent
à la nature, entre artifice naturel et nature artificielle, continue d’intriguer le
regardeur aujourd’hui. Comme l’explique Pontus Hultén, « l’homme ferait partie de la
nature et la nature elle-même ferait partie de l’homme. Arcimboldo illustrerait l’idée
que l’homme est constitué des mêmes éléments que le monde, ce sur quoi repose la
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correspondance microcosme-macrocosme ». Mais il amorce également une réflexion
sur le caractère effrayant de la nature que l’on retrouve autant dans la figure de
l’Apennin de Giambologna émergeant de la pierre, que dans la fontaine
phosphorescente de Lynda Benglis.

La révolution d’Arcimboldo repose sur l’humanisation de la nature morte qui, douée
de vie, irrigue la vogue des paysages anthropomorphes au siècle suivant. Au cours du

8
  Daniel ARASSE, « Pour une brève histoire du maniérisme », in Histoires de peintures, Paris, Gallimard, 2006, p.199
9
  Hans BELLMER, Petite Anatomie de l’inconscient physique ou l’Anatomie de l’image, Paris, Eric Losfeld, 1977 [1957],
p.43-44
10
   Roland BARTHES, Arcimboldo, Milan, Franco Maria Ricci, 1978, p.50
11
   Jurgis BALTRUSAITIS, Anamorphoses ou magie artificielle des effets lumineux, Paris, Olivier Perrin, 1957, p.5
12
   Pontus HULTÉN (dir.), L’Effet Arcimboldo, les transformations du visage au XVIe et au XXe siècle, cat. exp., Venise,
Palazzo Grassi, 1987, p.128
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XXe siècle, cette fusion entre l’homme, le végétal et l’animal sera l’un des outils
d’appréhension de notre rapport au vivant, à l’instar de Toyen qui dépeint, dans Le
Devenir de la liberté, la nature florissante comme l’incarnation optimiste d’un
renouveau salutaire au sortir de la guerre.

Se pourrait-il que tout cela ne soit finalement qu’un jeu ? Arcimboldo exalte
l’ambiguïté en détournant l’immense répertoire des formes puisées dans la nature pour
créer un univers précisément surnaturel. C’est par le truchement des combinaisons les
plus insolites des fragments de notre environnement qu’elle devient pur artifice.
Enveloppé dans une atmosphère fantastique, son art n’est que fabulation et
émerveillement. Il charme par ses infinis effets de surprise, épousant l’ambition
Maniériste de son époque – « Qu’on peigne un tableau ou qu’on brode un poème, les
métaphores précieuses, les associations imprévisibles, les périphrases alambiquées, les
assonances surabondantes, l’agencement imprévisible des séquences narratives doivent
surprendre, étonner, éblouir.13 »

L’ultime paradoxe réside peut-être dans le complexe enchevêtrement de deux
sentiments a priori contradictoires. Arcimboldo nourrit l’idée que l’art relève d’un
processus profondément intellectuel, tout nous laissant croire que tout cela repose
sur la légèreté du divertissement, cultivant avec brio la sprezzatura, forme de
nonchalance désinvolte mais pleine d’esprit sublimement endossée par Marcel
Duchamp quelques siècles plus tard.

En chiffres
Dans l’exposition, environ :
250 œuvres
130 artistes

Marcel DUCHAMP, Allégorie de genre, 1943
Gaze teintée, ouate, papier gouaché découpé, papier doré, clous, dans boîte en bois etverre,54,8x42x8,4cm
Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne
© Association Marcel Duchamp / Adagp, Paris 2021
© Centre Pompidou, MNAM-CCI / Philippe Migeat / Dist. RMN-GP

13
     Patricia FALGUIÈRES, Le Maniérisme, une avant-garde au XVIe siècle, Paris, Gallimard, 2004, p.29

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4. FOCUS ŒUVRES
Le travail de chaque artiste sera accompagné, en regard des œuvres, par un texte
composé spécialement pour l’exposition par des historiens de l’art, des critiques ou les
artistes eux-mêmes. Les notices sont intégralement publiées dans le catalogue de
l'exposition.

Giuseppe Arcimboldo
Le Bibliothécaire
Vers 1566 ?
Huile sur toile, 97 × 71cm
Skokloster (Suède), château, 11616
© Skokloster Castle/SHM (domaine public) / Jens Mohr

Copie d’un original disparu, ce portrait de fantaisie assemble 23 livres reliés, complétés d’accessoires qui évoquent le
travail intellectuel et l’univers de la bibliothèque. La forme triangulaire du corps suggère celle du pupitre, mais
également l’anatomie de la lettre capitale « A », possible signature du peintre.
Faut-il voir derrière cet homme de papier un portrait de l’humaniste Wolfgang Lazius, historiographe de l’empereur, ou
bien une allégorie plus universelle du bibliothécaire, de l’homme de science, du libraire ou du simple lecteur ? Nous y
lisons, c’est certain, une éloquente vanité. Hésitation maintenue entre nature morte et portrait, à travers l’empilement
désinvolte des volumes, le tableau évoque la fragilité du savoir : si cet homme est le fruit de l’accumulation de ses
lectures, il suffit qu’un livre soit soustrait à la construction pour que la figure se disloque. Fragilité comparable à celle
qui menace d’autres portraits d’Arcimboldo : les fruits qui composent le visage de L’Été ou les chairs de poisson et de
volaille qui forment celui du Juriste sont, quant à eux, promis à la putréfaction.
Yann Sordet

Maître du Plafond au bestiaire
Plafond au bestiaire
Vers 1240
Panneau : Tête à jambes
Peinture à la détrempe sur bois de chêne, 100,5 × 80,5 × 3 cm environ
Metz, musée de La Cour d’Or – Metz métropole, 8352-3
© Musée de La Cour d’Or - Metz Métropole / Laurianne Kieffer

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Au milieu du XIIIe siècle, à Metz, un plafond de poutres et planches de chêne peintes ornait deux pièces d’une maison
qui était la propriété du chapitre de la collégiale Notre-Dame-la-Ronde, intégrée plus tard à la cathédrale Saint-
Étienne. Quatre-vingt-neuf médaillons ou cadres peints fort surprenants furent mis au jour en 1896, au très grand
étonnement d’ouvriers chargés d’arracher le lattis qui les masquait et les protégeait. Dessinées, puis démontées et
transférées au musée de La Cour d’Or, ces peintures forment depuis l’un des joyaux de sa collection médiévale.
Ces oiseaux et mammifères, ces créatures hybrides bipèdes ou quadrupèdes, monstres et animaux aquatiques, et ces
figures humaines nous sont étranges. Leur cortège, sorte de rébus, est enveloppé de mystère. Ce bestiaire composite
illustre l’imaginaire prolifique des hommes du Moyen Âge et résiste à une interprétation symbolique précise. Le sens
originel merveilleusement peint par l’artiste, rigoureux et raffiné, mais inconnu, ne peut être approché qu’en convoquant
notre propre imaginaire.
Philippe Brunella

Lavinia Fontana
Antonietta Gonzalez ou Gonsalvus
Vers 1594-1595
Huile sur toile, 57 × 46 cm
Blois, musée du Château royal, 997.1.1
© RMN-Grand Palais / Michèle Bellot

Le portrait de cette fillette fascine et intrigue par sa double identité, celle d’une monstruosité de la nature et celle d’une
riche enfant de la Renaissance. Antonietta Gonzalez était affligée d’une anomalie génétique connue aujourd’hui sous le
nom d’hypertrichose universelle, ce qui signifie que son corps était presque entièrement recouvert de poils.
Le tableau est peint à l’occasion d’un séjour que la marquise de Soragna effectue à Bologne afin de montrer sa merveille
au naturaliste Ulisse Aldrovandi. Elle réside alors chez Mario Casali, proche du peintre Lavinia Fontana. Cette œuvre
était destinée à servir de cadeau mondain.
Antonietta tient un papier donnant quelques détails sur sa vie : « Don Pietro, homme sauvage découvert aux îles
Canaries, fut offert en cadeau à Son Altesse Sérénissime Henri roi de France, puis de là fut offert à Son Excellence le
duc de Parme. Moi, Antonietta, je viens de là et je vis aujourd’hui tout près, à la cour de madame Isabella Pallavicina,
honorable marquise de Soragna. » Les membres de la famille Gonzalez étaient ainsi admirés à travers l’Europe entière
comme des êtres exotiques, mi-animaux, mi-êtres humains, rarissimes curiosités que l’on s’offrait entre princes
éclairés.
Élisabeth Latrémolière

James Ensor
Masques regardant une tortue
1894
Huile sur toile, 22 × 37 cm
Ostende, collection Fondation Ensor asbl
© Collection Fondation Ensor asb / Unitas Fotos

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On est en droit de s’interroger sur ce qui se tient derrière l’amoncellement de poissons, gibiers, fruits, légumes,
branches et feuilles qui compose une accumulation peinte par Arcimboldo. Avec l’emphase qui met au premier plan
l’imaginaire, le jeu maniériste renvoie à une forme de connaissance.
Rien de pareil chez Ensor. Et pourtant… pour le reclus ostendais persuadé d’être un génie méconnu coincé entre des
mégères plus acariâtres l’une que l’autre, le masque est à l’image de la carapace de la tortue : une protection. Façade
qui se dresse devant un vide intérieur dont le pendant sera le squelette : la mort restant la seule forme d’égalité
garantie à l’Homme.
Ce creux néant qui vibre sous la surface de papier mâché du masque ensorien s’agite sous la masse de fragments
qu’Arcimboldo assemble en portrait. Au-delà des différences fondamentales qui opposent les deux représentations, une
même conscience du vide intérieur anime les deux artistes. Constat de sa relégation sociale pour Ensor, conscience de la
position centrale de l’Homme dans le grand inventaire de l’Univers pour Arcimboldo. Ainsi ce dernier constitue-t-il la
phase positive d’une quête qui s’épuise chez Ensor en solitude et en neurasthénie.
Michel Draguet

Victor Brauner
Hitler
[1934]
Huile sur carton, 22 × 16 cm
Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, AM 2003-259
© Adagp, Paris, 2021
© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / image Centre Pompidou, MNAM-CCI

Avec ce portrait-charge, Victor Brauner stigmatise dès 1934 la figure du dictateur, témoignant du climat politique
délétère qui règne en Europe. Adolf Hitler, identifiable par sa moustache, devient ici l’effigie de la tyrannie et de la
bêtise universelles. L’agression des différents objets issus de l’imagerie populaire participe à la dislocation de la tête de
l’oppresseur, composé de manière fragmentaire. Les blessures infligées aux yeux ou encore à la bouche, réservoir des
discours répétitifs et éructés d’Hitler, précipitent la métamorphose des traits. Le fasciste, au visage lacéré, aux sens
dévastés, à la tête tranchée, est empalé par une lance ainsi qu’un parapluie, telle une grotesque couronne. André Breton,
à qui appartenait ce tableau, retient d’emblée la portée symbolique et magique de l’œuvre de Victor Brauner. Ce portrait
devient un jeu d’accumulation et de visions hallucinatoires, transcrivant à la fois la sauvagerie et le ridicule. Au-delà de
cette image caricaturale et inquiétante, Brauner questionne la vulgarité de la barbarie et les puissances de
l’imagination.
Camille Morando

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Meret Oppenheim
L'Écureuil
1969
Chope à bière, mousse en plastique, fourrure, 20 × 17,5 × 8 cm
Paris, collection Antoine de Galbert, 595
© Adagp, Paris, 2021
© Collection Antoine de Galbert, Paris / Célia Pernot

Meret Oppenheim a le don – et l’œil – pour découvrir dans des choses de tous les jours, en les modifiant un peu, des
œuvres d’art cachées. L'Écureuil est fait d’une simple chope à bière en verre. Meret Oppenheim la dote d’une
somptueuse queue en fourrure, et l’écureuil est né, tout le monde le reconnaît et personne ne voit plus la chope. Le
Vieux Serpent nature (1970) du Musée national d’art moderne et Le Déjeuner en fourrure (1936) dans la collection du
Museum of Modern Art de New York reposent sur le même principe.
Meret Oppenheim passe sa jeunesse entre le sud de l’Allemagne et Bâle. À dix-huit ans, elle part pour Paris et se lance
dans une carrière artistique. Les surréalistes l’invitent à exposer avec eux, elle accepte, tout en refusant de rejoindre le
mouvement. Elle veut suivre son propre chemin, mener son individuation, développer de nouveaux moyens d’expression
artistique, écrire beaucoup.
Christophe Bürgi

Pierre Huyghe
Untitled (Human Mask) [Sans titre (Masque humain)]
2014
Film, couleur, son, 19’
Courtesy de l’artiste, Marian Goodman Gallery, New York, Hauser & Wirth, Londres, Esther Schipper, Berlin, et Anna Lena Films, Paris
Courtesy de l’artiste, Marian Goodman Gallery, New York, Hauser & Wirth, Londres, Esther Schipper, Berlin et Anna Lena Films, Paris

La situation se déroule après la catastrophe de Fukushima. Dans un restaurant vide entouré par le paysage dévasté de
la zone d’exclusion, une femelle singe portant un masque humain, laissée à elle-même, exécute de façon répétitive et
sans but les tâches qu’elle a apprises.
Le masque évoque celui de jeunes femmes dans le théâtre nō ou un visage d’androïde. L’animal qui le porte peut être vu
comme personnage, mais il n’imite aucun comportement humain ni n’interprète un rôle.
Parfois il apparaît comme un automate suivant un programme, comme l’acteur inconscient d’un travail humain, ou le
serviteur captif d’une routine défunte. À d’autres moments, il est inopérant, attendant que quelque chose se produise,
sujet à l’ennui ou à l’anxiété.
Confus, l’état de l’animal oscille entre conditionnement et dérive instinctive, entre nécessité et contingence.
L’animal, piégé dans l’image de l’humain, est devenu son seul médiateur. « L’humain » dont l’idée même apparaît
comme une construction incertaine, fallacieuse, un masque lui-même.
Pierre Huyghe

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Max Ernst
Ubu Imperator
[1923]
Huile sur toile, 81 × 65 cm
Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, AM 1984-281
© Adagp, Paris, 2021
© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Audrey Laurans

Le peintre Max Ernst, qui affectionnait les artistes du XVIe siècle, comptait dans sa collection de peintures une copie
libre d’après L’Hiver d’Arcimboldo réalisée par Man Ray en 1944 et qu’il conserva jusqu’à la fin de sa vie. Il n’est donc
pas surprenant que le langage pictural surréel et fantastique de Max Ernst ait été plusieurs fois associé à un
maniérisme moderne. Son affinité particulière avec Arcimboldo s’exprime notamment dans Ubu Imperator. Le motif
s’inspire du tyran grotesque de la pièce de théâtre Ubu roi, d’Alfred Jarry, représentée pour la première fois en 1896.
L’Ubu Imperator de Max Ernst se dresse dans un paysage désertique, telle une gigantesque toupie en forme de tour
anthropomorphe cuirassée, dont seules émergent deux mains humaines. Même si le personnage de Max Ernst n’est pas
constitué d’un assemblage de divers éléments, son aspect pluriel mi-homme mi-objet n’en renvoie pas moins aux têtes
composites caractéristiques d’Arcimboldo, à l’instar du Sommelier de 1574 (Osaka, Nakanoshima Museum of Art).
Comparable par sa dimension allégorique aux portraits-objets d’Arcimboldo, ce colossal Ubu Imperator apparaît comme
la personnification objectivée d’une mégalomanie absurde.
Raphaël Bouvier

Felix Gonzalez-Torres
“Untitled” (Portrait of Dad) [« Sans titre » (Portrait du père)]
1991
Bonbons à la menthe blancs dans des papiers d’emballage transparents, approvisionnement inépuisable, poids idéal : 175lb/80kg
Key Biscayne, collection Rosa et Carlos de la Cruz
Courtesy of the Felix Gonzalez-Torres Foundation / Laura Findlay

“Untitled” (Portrait of Dad) [Sans titre (Portrait du père)], de Felix Gonzalez-Torres, doit s’appréhender non pas à travers
une perspective formaliste maniériste ainsi que Giuseppe Arcimboldo a su si bien le faire au XVIe siècle, en recherchant
une ressemblance visuelle avec le modèle, mais plutôt en regardant cette œuvre comme un portrait dont l’apparence est
métaphorique, ce qui le rapproche de l’art du peintre lombard chez qui « tout est métaphore », comme le souligne
Roland Barthes. Un portrait révisé par l’influence du minimalisme et de l’art conceptuel avec une grande économie de
moyens. Un papa de belle stature, 80 kilos de pureté immaculée à consommer sans modération, puisque qu’il est doté de

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réserves inépuisables. Tantôt représenté par un monticule tout en élévation, tantôt dans la rigueur dictée par la
rectitude que la cimaise impose ou encore occupant pleinement la place par son expansion, son déploiement s’étend
parfois d’un bout à l’autre de l’espace disponible. Perception d’un père dont l’aura lumineuse sans défaut apporte les
sensations tout à la fois douces, fortes et fraîches que le bonbon à la menthe procure lorsqu’il effleure le palais du fils.
Une douceur dans un emballage qui fait la part belle à la transparence. En somme, un beau portrait du père que le
jeune Felix a admiré tout au long de sa trop courte existence.
Marc et Josée Gensollen

Rosemarie Trockel
Sans titre (Le Petit Roi)
1985
Huile sur bois, 50,5 × 39,5 cm
Nantes, musée d’Arts, 993.3.1.P
© Adagp, Paris, 2021
© Musée d'arts de Nantes / A. Guillard

Quelle sorte de souverain sommes-nous supposés voir ici (si tel est bien le cas) ? Un Petit Roi, comme le dit la
parenthèse ajoutée à ce tableau de 1985 montrant un personnage couronné, mais sans titre véritable ? Lors de sa
présentation, l’année même de sa réalisation, pour la première exposition personnelle de Rosemarie Trockel dans un
musée, cette huile sur bois ne portait ni titre ni sous-titre. Ce personnage ressemble à un chimpanzé albinos sans poils,
doté d’une physionomie schématique qui exprime… la peur, la stupeur, la détresse ? Tout cela à la fois ? Nous le voyons
de face, avec ses orbites asymétriques qui, vidées de leurs globes oculaires, apparaissent comme des orifices parmi
d’autres. Chaque trait du visage, insensible, semble simplement s’ouvrir, tête vide, sur le fond du tableau, d’un bleu
lumineux. La forme du sujet évoque une matière plus proche de l’argile que de la chair – comme si, artistement, un
singe avait quitté son pelage, emprunté une couronne et déplacé ses yeux pour agrémenter ce couvre-chef métallique.
Désormais, dénaturé et pareil à un homme-enfant, la couronne de travers, le petit roi, appelons-le Œdipe, porte avec
légèreté, comme dans une tragicomédie, le signe de son investiture.
Brigid Doherty

Maurizio Cattelan
Ego
2019
Crocodile naturalisé, 346 × 60 × 36 cm
Milan, collection particulière, courtesy Maurizio Cattelan’s Archive
© Maurizio Cattelan / Maurizio Cattelan’s Archive

Existe-t-il un rapport quelconque entre Ego et ton psychisme ?
Je n’ai jamais suivi d’analyse, mais je me suis toujours représenté le cabinet d’un psy comme quelque chose de sombre
et effrayant, rempli d’ombres et de sons terrifiants. Non pas tant à cause du malheureux médecin, qui n’y est vraiment

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pour rien, mais plutôt en raison des créatures susceptibles d’apparaître au moment où quelqu’un affronte son propre
inconscient en vis-à-vis. J’imagine que ce serait un peu comme ouvrir le vase de Pandore : il en sortirait des animaux à
la fois féroces et fragiles, impuissants, à la manière d’ombres qui s’évanouissent à la lumière du soleil. Voilà pourquoi je
suis sûr qu’Ego serait tout à fait à sa place accroché au mur d’un cabinet de psychanalyste, juste au-dessus du divan.
Maurizio Cattelan

Maurizio Cattelan
Sans titre
2019
Polystyrène, résine époxy, fibre de verre et peinture, 150 × 135 × 110 cm
Milan, collection particulière, courtesy Maurizio Cattelan’s Archive
© Maurizio Cattelan / Maurizio Cattelan’s

Y a-t-il des œuvres que tu regrettes de ne pas avoir créées ?
Tout ce qui m’est passé par la tête, je l’ai fait. J’estime que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue si nous avons tout le
temps peur de ce qui pourrait se passer au cas où nous n’agirions pas. Bien entendu, cela m’a valu de commettre un tas
d’erreurs et de retrouver beaucoup de squelettes dans mes placards. La tête en question est un des exemples de ce type
de difficulté : ce que j’ai pensé n’a pas encore trouvé sa forme définitive (au moment où j’écris) ; on aura peut-être
confirmation que c’était une erreur, à moins que tout cela ne se transforme en un magnifique cygne.
Maurizio Cattelan

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DANS LE FORUM : UNE INSTALLATION D’ANNETTE MESSAGER
Le désir attrapé par le masque, 2021

« C’est un meeting dans le forum du musée.
Les animaux sont cagoulés, ainsi masqués ils modifient leur identité de poule, lapin, oiseau, canard…
Peut-être alors sont-ils plus libres, autres, différents ? Plus secrets ? Plus joueurs ? Plus dangereux ?
Parfois ils sont suspendus au-dessus de nos têtes, reposant chacun sur un miroir, ainsi, en les observant, nous nous
voyons nous-mêmes et devenons aussi lapin, chat, canard…
Un chien s’est joint aux groupes, paré d’un masque anti-Covid, notre nouvelle « mascarade », que nous allons tous
garder sûrement pour toujours en mémoire.
Parfois des gants noirs sont aussi suspendus, d’un doigt sort une croix faite avec deux crayons de couleur qui, retournée
à l’envers, symbolise le diable.
De temps en temps les animaux descendent, guettant les chasseurs, qui, eux, sont entièrement masqués, camouflés en
costume feuillage, et ont tendu des filets noirs pour mieux les attraper et les terrasser.
C’est alors la revanche des bêtes, qui, elles, posées au sol, surveillent ces humains chasseurs, les immobilisent, peuvent
les attaquer, les anéantir…»

Annette Messager, 2020

Vue de l'installation Eux et nous, nous et eux d'Annette Messager lors de l'exposition
"La Messaggera di Villa Medici" à la Villa Médicis, 2017 © Adagp, Paris, 2021

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5. LISTES DES ARTISTES
                             Giuseppe Arcimboldo
                               Ulisse Aldrovandi
                                  Francis Bacon
                                    Enrico Baj
                                  Hans Bellmer
                                  Lynda Benglis
                             Cezary Bodzianowski
                                 Alighiero Boetti
                                 Denis Boutemie
                                   René Boyvin
                           Giovanni Battista Bracelli
                                 Kerstin Brätsch
                                 Victor Brauner
                                  Glenn Brown
                               Cadavres exquis :
                         [Yves Tanguy, André Masson]
         [Yves Tanguy, Marcel Duhamel, Max Morise, André Breton]
                  [Koo Jeong A, Ian Cheng, Philippe Parreno]
                [Marlene Dumas, Virgil Abloh, Rem Koolhaas]
                 [Alex Israel, Norman M. Klein, Henry Taylor]
               [Paul McCarthy, Luchita Hurtado, Patrick Staff]
        [Tobias Rehberger, Rirkrit Tiravanija, Mathias Augustyniak]
                [Peter Saville, Liam Gillick, Philippe Parreno]
                       [Yu Hong, Liu Xiaodong, Liu Wa]
                                   Miriam Cahn
                        Fernando et Humberto Campana
                               Maurizio Cattelan
                            Jake & Dinos Chapman
                               Gregorio Comanini
                                Gustave Courbet
                                 Roberto Cuoghi
                                 David Czupryn
                                    Daft Punk
                                  Salvador Dalí
                               Giorgio de Chirico
                                     Otto Dix
                                  Enrico Donati
                                Marcel Duchamp
                                 Albrecht Dürer
                            Carl August Ehrensvärd
                                   James Ensor
                                    Max Ernst
                             Hans-Peter Feldmann
                                Lavinia Fontana
                                   Llyn Foulkes
                                 Daniel Fröschl
                                  Giambologna
                               Gilbert & George
                             Felix Gonzalez-Torres
                               Francesco Guardi

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                       FACE À ARCIMBOLDO / DOSSIER DÉCOUVERTE
Cornelis Norbertus Gysbrechts
                Heide Hatry
            Robert Heinecken
               Hannah Höch
              Pierre Huyghe
             Rashid Johnson
          Christoph Jamnitzer
            Ewa Juszkiewicz
               Tetsumi Kudo
             Claude Lalanne
         Nicolas II de Larmessin
                Zoe Leonard
            Roy Lichtenstein
         Giovan Paolo Lomazzo
              Ghérasim Luca
              René Magritte
           Maître du Bacchus
  Maître lombard du Custode dell’orto
Maître strasbourgeois des Quatre Saisons
       Maître de la Tête de satyre
                  Man Ray
             Alberto Martini
            Matthäus Merian
                Mario Merz
                Marisa Merz
            Annette Messager
                 Tomio Miki
                M/M (Paris)
                Patrick Neu
       Tim Noble & Sue Webster
                Luigi Ontani
            Meret Oppenheim
             Bernard Palissy
  Peintres d’Herculanum et de Pompéi
     Peintre du Plafond au bestiaire
              Francis Picabia
               Pablo Picasso
                Louis Poyet
               Markus Raetz
              André Raffray
               Antonio Rasio
              Auguste Rodin
              Medardo Rosso
                 Ed Ruscha
                Chéri Samba
             Alberto Savinio
            Iris Schieferstein
            Arnold Schönberg
              Cindy Sherman
               Penny Slinger
                  Sodoma
              Daniel Spoerri
               Cally Spooner
               Jacopo Strada
             Jindřich Štyrský
             Jan Švankmajer
          Alina Szapocznikow
           Wolfgang Tillmans
                   Toyen
           Rosemarie Trockel
            Francesco Zucchi

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6. MOTS EN LIBERTÉ
Pour aider les enseignants dans leurs recherches.

MANIÉRISME
Mots-clé : modernité, art pour l'art, conceptuel, citation, allégorie, style, liberté,
fantaisie, virtuosité, érudition.

L’adjectif « maniériste » est employé pour la première fois par le Français Roland
Fréart de Chambray en 1662 dans son ouvrage Idée de la perfection de la peinture. À
connotation péjorative, il est utilisé pour dénoncer une nouvelle représentation du
canon hérité de l’Antiquité, une « manière » de peindre au goût prononcé pour le
mouvement, la fantaisie, le décoratif et les outrances musculaires, un style basé sur
l’artifice qui s’éloigne de l’équilibre, de l’harmonie, de la mesure et de l’imitation de la
Nature qui caractérisent la Renaissance.
Le terme « maniérisme » apparait seulement au XVIIIe siècle avec la même connotation
dépréciative, qu’il conserve jusqu’au XXe siècle, lorsque les tenants de l’art moderne
entreprennent de réhabiliter cet art longtemps méprisé, considéré comme un symbole
de décadence artistique.
Le maniérisme désigne donc un courant artistique et intellectuel du XVIe siècle, entre
l'apogée de la Renaissance et les débuts du Baroque, un art aux dimensions de l’Europe
comme en témoigne le partage d’une même culture artistique à partir de 1530 en Italie,
en Espagne, en Angleterre, en Bohême, en Suède, au Danemark, en France ou encore en
Flandres. Son esthétique gagne tous les domaines, y compris les arts dits mineurs,
mobilier, décor intérieur, art des jardins, vêtement, arts du spectacle et jusqu’au
raffinement des relations sociales. Au service du pouvoir, le maniérisme est
indissociable des crises (politiques, religieuses, économiques) qui traversent le XVIe
siècle.
Si le maniérisme reste une altération de la bella maniera pour ses détracteurs, c’est-à-
dire du style des grands maîtres de la Renaissance, Raphaël, Léonard de Vinci et
Michel-Ange, on reconnaît aujourd’hui l’originalité et l’autonomie de ce style virtuose
marqué par la diversité des personnalités artistiques et la variété de leurs recherches.

Énigme
Le maniérisme est un art de cour, un art savant dont les œuvres sont destinées à un
public d’aristocrates cultivés et raffinés dont elles reflètent les goûts luxueux et les
idéaux esthétiques. Si le double sens, qui est le code secret du maniérisme et son
ressort intellectuel, n’est pas toujours compréhensible, la clé d’analyse des œuvres qui
regorgent de métaphores, d’allégories et de citations à destination du commanditaire,
est explicitée par des poèmes. Les premières versions des Saisons et des Éléments
remises à Maximilien II par Arcimboldo, puis Vertumne et Flore offerts à Rodolphe II,
s’accompagnent des vers de Giovanni Battista Fonteo, Giovanni Gherardini ou Gregorio
Comanini qui en décryptent les messages cachés et évitent ainsi toute ambiguïté
d’interprétation (les agrumes présents dans L’Hiver sont reconnus comme les fruits du
jardin des Hespérides, signes d’un âge d’or revenu avec les Habsbourg : un message
que l’on trouve également dans Vertumne).

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Maniera
L’usage courant du mot maniera est attribué à Georgio Vasari (1511-1574) peintre,
architecte et écrivain toscan dont le recueil biographique Les Vies des meilleurs
peintres, sculpteurs et architectes, est considéré comme une des publications
fondatrices de l'histoire de l'art.
Chez cet humaniste, le terme maniera est employé de deux façons différentes. La
première acception a le sens de style : l'art « ancien » (maniera vecchia) est ainsi
opposé à l'art « moderne » (maniera moderna). D'autre part, Vasari qualifie cette
maniera moderna de bella maniera lorsqu'elle implique certaines qualités
exceptionnelles, comme l'harmonie, la mesure, l'imagination et la fantaisie.14
En ce sens, le terme de maniera n'est évidemment jamais employé de façon négative,
elle représente le trait caractéristique de l’expression de l’artiste associé à l'idéal
courtois et raffiné du XVIe siècle. Pour Vasari, les artistes de sa génération, dont la
biographie est mentionnée dans les Vies, sont précisément ceux qui ont une « manière
» originale de peindre : ils ont du style, ce sont des modernes, ceux qui ont dépassé les
maîtres antiques.
Peu à peu, l'idée d'une décadence de l’art par rapport à la perfection idéale d’un
Michel-Ange voit le jour. Elle est dirigée en particulier contre ceux qui abandonnent
les modèles de la nature préférant s'appuyer sur la pratique (l'art pour l'art) et non
plus sur l'imitation.

Modernité
La génération d’artistes qui suit la perfection expressive et formelle incarnée par
Michel-Ange et Raphaël, les maniéristes, se trouve dans une impasse. Ne pouvant
dépasser les grands maîtres, ils cherchent une nouvelle voie et rompent avec les règles
établies. À la suite de Léonard de Vinci qui définit la peinture comme causa mentale
(l’art est une expérience de la pensée), ils donnent le primat à l’expression de l’artiste
sur l’imitation de la nature. Pour s’affranchir des normes esthétiques de leurs illustres
prédécesseurs – proportions, perspective, équilibre et beauté idéale – ils donnent libre
cours à une forme de fantaisie faisant naître des formes aux aspects plutôt étranges et
inattendus pour l’époque (l’art est une émanation de la main humaine, il doit afficher
son artificialité).
Dotés d’une immense liberté créative, chaque artiste développe son style propre. On
remarque cependant des caractéristiques générales communes comme des compositions
complexes, asymétriques, fragmentées, avec des ruptures d’échelle et des espaces
instables aux rythmes rompus. Les proportions sont souvent déséquilibrées, les corps
déformés, étirés, adoptent des postures dynamisées par des équilibres improbables. La
« ligne serpentine », qui se caractérise par des courbes et des contre-courbes
ascendantes, assouplit l’anatomie des personnages tout en s’affranchissant de la
pesanteur et des contraintes du réel. Les lumières sont artificielles et les couleurs,
acidulées et vives, sont libérées de tout souci de vraisemblance. L’accumulation des
éléments dans le tableau, donne une sensation de « trop plein ». L’horror vacui
maniériste traduit la magnificence du commanditaire et la narration passe au second
plan par rapport au décor.

14
  Sylvie BÉGUIN, Marie-Alice DEBOUT, Maniérisme, Encyclopédie Universalis [en ligne]
https://www.universalis.fr/encyclopedie/manierisme/

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