DROIT AU LOGEMENT pour le - Résumé du rapport de la Commission populaire itinérante : FRAPRU

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DROIT AU LOGEMENT pour le - Résumé du rapport de la Commission populaire itinérante : FRAPRU
Résumé du rapport de la
Commission populaire itinérante :

AGIR
Urgence en la demeure

LUTTER
                           pour le
DROIT AU LOGEMENT
DROIT AU LOGEMENT pour le - Résumé du rapport de la Commission populaire itinérante : FRAPRU
Après la Commission populaire itinérante
    Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement
À l’automne 2012, le Front                                                                plus riches au monde, pou-
d’action populaire en réamé-                                                              vait tolérer de telles situa-
nagement urbain (FRAPRU) a                                                                tions » .
initié une Commission popu-
laire itinérante sur le droit au                                                          Il y a dans le rapport intitulé
logement. Un groupe de 14                                                                 Urgence en la demeure, ré-
commissaires a été constitué,                                                             sumé dans la présente bro-
en provenance de divers sec-                                                              chure, matière à réflexions
teurs et milieux, avec l’objectif                                                         et à discussions. Le FRA-
de recueillir des témoignages                                                             PRU les animera au cours
sur le respect du droit au lo-                                                            d’une tournée qui, d’avril à
gement au Québec. Dix-neuf                                                                novembre 2013, le mènera
audiences ont eu lieu dans                                                                à travers le Québec. Selon
les dix-sept régions adminis-                                  Photo : Véronique Laflamme les volontés locales, les ren-
tratives. La première s’est                                                               contres organisées à cette
déroulée le 12 octobre à Kuu-            par les problèmes de logement et                 occasion pourront prendre
jjuaq, un village inuit du Nunavik, et   d’itinérance. Ce rapport, écrit en la forme d’assemblées publiques,
la dernière le 23 novembre dans          toute indépendance, contient des d’ateliers de travail ou encore
la communauté algonquine/anish-          observations et des recommanda- d’activités d’éducation populaire,
nabe de Lac Simon, en Abitibi.           tions. Son introduction donne le le tout accompagné d’interventions
Entre temps, la Commission s’est         ton: « La Commission a acquis la médiatiques. Le FRAPRU y diffu-
rendue à Rimouski, Gaspé, Laval,         certitude qu’au Québec, il y a une sera le documentaire Au pied du
Shawinigan, Victoriaville, Sept-Îles,    crise du logement. Cette crise est mur, réalisé sur la Commission.
Saguenay, Maniwaki, Gatineau,            un miroir frappant de l’importance
Québec, Montréal, Sherbrooke,            de la fracture sociale qui s’aggrave Une fois les travaux des commis-
Sainte-Thérèse, Lévis, Joliette, Lon-    au Québec. Au-delà des faits, des saires terminés, c’est à nous qu’il
gueuil et Rouyn-Noranda.                 chiffres et des statistiques qui nous appartient maintenant de nous
                                         ont été soumis, les commissaires interroger collectivement sur les
Le 20 mars 2013, la Commission a         ont entendu des témoignages bou- moyens d’agir, de bâtir et de lutter
dévoilé son rapport s’appuyant sur       leversants qui, par moment, les ont pour que le droit au logement soit
361 témoignages de groupes et de         menéEs à se demander comment une réalité pour toutes et tous.
personnes directement touchées           la société québécoise, parmi les

Pour en savoir plus long sur le FRAPRU
Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) est un regroupement national pour le
droit au logement composé de 150 groupes des différentes régions du Québec.
Il peut être rejoint au (514) 522-1010 ou par courrier électronique à frapru@cooptel.qc.ca.

Site web: www.frapru.qc.ca
Facebook : www.facebook.com/FRAPRU.logement                       Twitter: @FRAPRU

Sur la Commission populaire itinérante sur le droit au logement
Site web: http://commissionpopulairefrapru.org/

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Le logement : un droit
Plus encore qu’un besoin, se loger décem-
ment est un droit que le Canada et le Qué-
bec se sont engagés à respecter, protéger
                                                        L’itinérance visible ou cachée
et mettre en œuvre, en adhérant en 1976
                                                  L’itinérance est une préoccupation qui est revenue tout
au Pacte international sur les droits éco-
                                                  au long de la Commission. Ce fut évidemment le cas à
nomiques, sociaux et culturels. Son article
                                                  Montréal, Québec et Gatineau où plusieurs témoignages
11 reconnaît le droit « de toute personne à
                                                  ont mis en lumière la détérioration de la situation et le
un niveau de vie suffisant pour elle-même
                                                  débordement des ressources. La réduction alarmante du
et sa famille, y compris une nourriture, un
                                                  nombre de maisons de chambres y accroît notamment
vêtement et un logement suffisants ».
                                                  les difficultés pour les personnes à risque ou en situation
                                                  d’itinérance.
Ce droit implique des conditions d’habita-
tion permettant d’assurer la santé, la sécu-
                                                  Ce phénomène a toutefois de multiples visages. Il n’est
rité et le confort des personnes. Il néces-
                                                  pas l’apanage des grands centres urbains et c’est un peu
site leur protection contre des évictions
                                                  partout qu’il se développe. Il peut parfois être invisible,
forcées, de même que le respect de leur
                                                  des personnes étant continuellement forcées de démé-
capacité de payer, de manière à ce que le
                                                  nager d’un endroit à l’autre, « imposant à leur propre
coût du logement ne compromette pas la
                                                  réseau social le poids de les loger de manière plus ou
satisfaction de leurs autres besoins essen-
                                                  moins transitoire », comme l’écrit le rapport de la Com-
tiels. Il exige l’accès à un logement sans
                                                  mission. L’itinérance peut aussi donner lieu à « des pra-
aucune forme de discrimination, quelle
                                                  tiques de fréquentation de lieux non-sécuritaires (gares,
qu’elle soit.
                                                  bâtiments abandonnés, campings isolés, squats, etc.) ou
                                                  à la migration vers des régions où le logement semble
Compte tenu de l’interdépendance entre
                                                  davantage accessible ».
les droits, toute violation de celui au loge-
ment a des impacts négatifs sur d’autres
dont ceux à l’alimentation, à la santé ou à
l’éducation. L’un des groupes entendus par
la Commission populaire itinérante l’a résu-
mé en ces termes : « Les conséquences
du logement indigne, ce sont des droits
bafoués et une citoyenneté amputée ».

Les multiples brimades au droit au loge-
ment, que la Commission a constatées
partout au Québec, sont exacerbées par
l’aggravation des inégalités sociales dans
notre société, de même que par les rap-
                                                                                                                    Photo : Véronique Laflamme

ports sociaux de sexes et de « races » qui
y perdurent. C’est ce qui explique qu’elles
affectent plus particulièrement les per-
sonnes à plus faible revenu, les femmes,
les Autochtones et les ménages issus de
l’immigration, surtout si elle est plus ré-
cente.

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Où sont les logements?
La pénurie de logements dits abor-     à l’aide sociale est de 604 $. Quant   sonnes âgées qui est probléma-
dables transforme la recherche         au salaire minimum, même en tra-       tique, celles-ci devant se déplacer
d’un logement en un parcours par-      vaillant 35 heures par semaine, il     pour se rapprocher des services
semé d’épreuves, ce qui, selon le      ne donne qu’un revenu mensuel          dont elles ont besoin.
rapport, « contraint parfois les mé-   de 1 517 $ par mois. Le loyer men-
nages à vivre dans une précarité       suel moyen représente 44 % de ce                  Que devient
résidentielle proche de l’itinérance   montant.                                     le logement locatif?
et à être soumises à des formes
de promiscuité qui contribuent à   Ces problèmes ne sont pas sans             La construction de logements loca-
des situations stressantes portant conséquence, comme le rapporte             tifs est à son plus bas niveau de-
atteinte à la qualité de vie ».    la Commission : « À Sept-Îles, par         puis dix ans au Québec. La Com-
                                   exemple, une personne a raconté            mission en conclut que «le marché
En Abitibi-Témiscamingue et sur la s’être éloignée à plus d’une heure         choisit les cibles les plus lucratives
Côte-Nord, il manque carrément de de route de la ville où elle travaille      et la spéculation », d’où l’accent
logements, les taux d’inoccupation pour se loger avec sa famille. Cette       mis au cours des dernières années
tournant autour de 0 %, en raison personne ne parvenait pas à trou-           sur la construction de condomi-
                                                            ver un loge-      niums. Cette situation touche non
                                                            ment conve-       seulement Montréal et Québec,
                                                            nable à un        où elle alimente la gentrification de
                                                            coût accep-       certains quartiers populaires, mais
                                                            table. À La-      aussi Laval, Longueuil, Gatineau ou
                                                            val, comme        Sainte-Thérèse.
                                                            à Sainte-Thé-
                                                            rèse, ou à        De plus, le parc locatif actuel est
                                                            Longueuil, de     grugé par la conversion de loge-
                                                            telles situa-     ments locatifs en condos (y com-
                                                            tions   nous      pris là où des moratoires sont en
                                                            ont été rap-      place), de même que par la subdi-
                                                            portées; de       vision en appartements plus petits.
                                                            nombreuses        Les locations temporaires font éga-
                                                            personnes         lement des ravages, surtout dans
                                     Photo : Patrick Landry se sont éloi-     les régions les plus touristiques
                                                            gnées      de     comme les Îles-de-la-Madeleine
d’un développement économique plus en plus des centres urbains                où des propriétaires réservent des
effréné. Saguenay et la région pour pouvoir se loger à un coût                logements aux touristes plutôt que
de Québec sont aussi affectées, abordable ».                                  de faire signer des baux de 12 mois
quoique dans une moindre mesure.                                              aux locataires qui y résident.
                                   Parfois, ce sont certains types de
Partout, le coût élevé des loyers logements qui font défaut. En Gas-          Or, en raison d’investissements
bloque l’accès au logement. Les pésie, la rareté d’appartements               publics nettement insuffisants, la
augmentations subies depuis l’an semi-meublés est un facteur de               construction de logements sociaux
2000 ont fait monter le coût moyen précarité pour les jeunes. Dans            ne parvient tout simplement pas à
du logement à 662 $ par mois au des milieux ruraux, c’est l’absence           combler les déficiences du marché.
Québec. Or, la prestation de base totale de solutions pour les per-

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DROIT AU LOGEMENT pour le - Résumé du rapport de la Commission populaire itinérante : FRAPRU
Payer le loyer ou …
La Commission populaire itinérante
constate que « le nombre de per-
sonnes devant consacrer une très
grande partie de leurs revenus à leur
logement est important et en aug-
mentation dans la plupart des villes »
où elle a siégé.

Elle écrit: « Une fois le loyer payé, il
reste bien peu d’argent pour com-
bler les autres besoins essentiels.

                                                                                                                       Photo : Denis Thériault
L’appauvrissement des personnes
touchées est alors instantané. Au-
delà du stress évident que génère
cette situation, il y a l’humiliation de
vivre aux crochets des autres, d’avoir
à toujours demander, d’attendre un
sac de nourriture ou une distribution
de vêtements. Des personnes ont ra-        elles n’avaient pas le choix que de     L’incapacité de payer des loyers
conté comment elles économisaient          cohabiter avec leurs enfants deve-      de plus en plus chers conduit par-
leurs médicaments, comment elles           nus adultes, avec des membres de        fois à des situations extrêmes. Des
jonglaient, l’hiver, entre le paiement     leur famille ou avec des colocataires   témoignages entendus à Montréal
des factures d’électricité, du loyer et    souvent inconnuEs, s’imposant au        comme à Sherbrooke rapportaient
des dettes de la carte de crédit : une     quotidien une promiscuité difficile à   des cas où des femmes devaient se
spirale sans fin d’appauvrissement.        vivre, tant en termes de relation que   prostituer ou consentir à des faveurs
D’autres nous ont expliqué com-            de bien-être personnel ».               sexuelles à leur propriétaire pour
ment, devant le coût des logements,                                                pouvoir payer leur loyer…

                      Des milieux adaptés à la réalité des personnes?
   Dans plusieurs villes, dont Lévis, Shawinigan, Saguenay, Laval et Gatineau, des personnes vivant avec un
   handicap ont lancé de véritables cris du cœur sur les difficultés, parfois extrêmes, qu’elles ont à vivre dans
   des logements qui ne sont pas adaptés à leurs besoins.

   Pourtant, les solutions existent et elles sont connues des autorités politiques. Une personne se déplaçant
   en fauteuil roulant en a témoigné éloquemment à Montréal : « Je vis dans un appartement qui a l’accessibi-
   lité universelle (…). Elle m’a rendu la liberté ». En habitation, l’accessibilité universelle permet à toutes les
   personnes, y compris celles avec des limitations fonctionnelles, d’accéder à des bâtiments résidentiels, de
   s’y déplacer convenablement et de vivre dans des logements adaptés à leur situation.

   Le programme gouvernemental d’adaptation des domiciles existants est aussi nettement insuffisant et la
   situation financière de la plupart des personnes ne leur permet pas de payer elles-mêmes pour les travaux
   dont elles ont besoin.

                                Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement                                     5
DROIT AU LOGEMENT pour le - Résumé du rapport de la Commission populaire itinérante : FRAPRU
Les pires abus
La discrimination est une violation     Souvent, la discrimination est en-                   Ça continue!
flagrante du droit au logement et       core plus directe et là, tous les mo-
elle aussi peut prendre divers vi-      tifs sont bons : condition sociale,       Les abus ne se limitent pas à la lo-
sages.                                  sexe, âge, présence d’enfants, cou-       cation. De nombreuses personnes
                                        leur de la peau, handicap physique        ont exposé à la Commission des
Lorsque les appartements sont           ou mental, etc. Des propriétaires         situations de harcèlement, de me-
rares, les propriétaires ont toute la   signifient sans embarras leur refus       naces, d’intimidation, de violence
latitude pour fixer leurs conditions,   de louer à des femmes qui sortent         qui, dans le cas des femmes, a par-
d’où « les enquêtes de crédit intru-    d’un centre d’hébergement pour            fois été jusqu’à la violence sexuelle.
                                                     violence      conjugale.     Des témoignages ont mis en lu-
                                               Photo : Nicolas Lefebvre Legault
                                                     Des facteurs comme           mière la pratique du bail oral (ab-
                                                     l’orientation   sexuelle     sence de bail écrit) en vertu duquel
                                                     ou la maladie (le VIH/       des propriétaires tentent de se dé-
                                                     Sida, par exemple)           barrasser n’importe quand de leurs
                                                     peuvent être des motifs      locataires. D’autres ont dénoncé
                                                     de refus, surtout dans       les coupures d’eau ou d’électricité
                                                     de plus petits milieux       et la facturation de services précé-
                                                     « où tout le monde se        demment gratuits.
                                                     connaît ».
                                                                                  Les plus vulnérables arrivent diffi-
                                                   Des cas de discrimi-           cilement à se défendre devant de
                                                   nation envers les nou-         tels abus. C’est le cas des per-
                                                   veaux arrivants, qui           sonnes souffrant de déficience
                                                   n’ont pas d’historique         intellectuelle dont les plaintes sont
                                                   de crédit au Qué-              systématiquement ignorées par
                                                   bec, ont été signalés          des propriétaires qui leur disent
                                                   lors des audiences             que « le problème est dans leur
                                                   de Laval, Gatineau et          tête ». Quant aux personnes réfu-
                                                       Montréal. Des per-         giées ou sans statut, venant de
             La discrimination et le harcèlement :     sonnes ont raconté         pays où la violence est souvent le
             des facteurs d’exclusion pour les         s’être fait deman-         lot quotidien, elles n’osent ni s’in-
             femmes.                                   der une carte de           former, ni revendiquer de peur de
                                                       crédit pour pouvoir        représailles.
sives, les demandes de cautions il- prétendre à un logement!
légales, les exigences de paiement                                                Dans des villes comme Rimouski,
des loyers à l’avance, la demande Les victimes de toutes ces formes               Gaspé, Victoriaville, Shawinigan,
de chèques postdatés » que décrit de discrimination se voient repous-             Trois-Rivières ou Joliette, c’est le
la Commission. Sur la Côte-Nord, sées vers les logements les moins                quasi monopole exercé par une
les propriétaires font ouvertement intéressants. Des femmes sont                  poignée de propriétaires qui rend
savoir que leurs appartements en confrontées au choix de rester avec              la situation difficile, les locataires
location sont « réservés à des tra- un conjoint violent ou de s’exposer           craignant de subir des contre-
vailleurs ».                            à dormir dans la rue ou dans des          coups ou de se retrouver sur une
                                        logements trop chers, voire des           liste noire, s’ils ou elles exercent
                                        taudis.                                   quelque recours que ce soit.

6                              Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement
Quand la santé des locataires est en jeu
Comme l’écrit la Commission,            liées à la mauvaise volonté des pro- La majorité des villes n’a pas de
« les logements disponibles pour        priétaires ou à leur ignorance de la code du logement ou de règle-
les personnes à revenus faible et       plainte et de la demande des loca-   ment sur la salubrité imposant des
modeste sont souvent situés dans        taires ».                            normes à cet effet aux proprié-
des bâtiments anciens ou vieillots,                                          taires. Même dans celles qui en ont,
mais surtout qui, au cours des an-                   Pourquoi?               elles sont bien rarement effectives,
nées, ont fait l’objet de bien peu                                           puisqu’elles ne pèsent souvent
de rénovations ». L’insonorisation      Diverses raisons expliquent toutes pas lourd dans les préoccupations
y fait défaut, l’isolation aussi. Les   ces problématiques. Lorsque les des autorités qui n’y consacrent
portes et les fenêtres laissent pas-    logements sont rares, les proprié- pas toutes les ressources néces-
ser l’air et le froid, de sorte que     taires ne se sentent
les coûts de chauffage grugent          pas d’obligations
le maigre budget des locataires.        à rénover leurs
Plusieurs propriétaires font preuve     appartements,
de négligence quant à l’entretien       puisqu’ils    seront
de leurs appartements, ne s’en          loués de toute fa-
tenant qu’aux rénovations les plus      çon. Dans des villes
urgentes et encore…                     de la Mauricie, le
                                        marché du loge-
À ces problèmes, s’ajoute celui         ment destiné aux
de la moisissure dont les consé-        personnes      ayant
quences sur la santé des per-           un revenu faible ou
sonnes ont maintes fois été démon-      modeste est deve-
trées scientifiquement. Or, partout     nu     suffisamment
où la Commission est passée, des        lucratif pour que
locataires ont témoigné de leur dif-    des propriétaires
ficulté à obliger leurs propriétaires   d’autres régions y

                                                                                                                     Photo: Denis Thériault
à entreprendre les travaux permet-      investissent dans
tant d’éradiquer la moisissure et       une      perspective
ses causes.                             spéculative.     Les
                                        immeubles       sont
La difficulté est la même avec les      confiés à des ges-
vermines, les rats, les souris ou les   tionnaires. Selon
punaises de lit. La Commission en       la      Commission,
parle dans ces termes pour Mon-         « cette distance
tréal : « Plusieurs logements acces-    géographique et administrative saires. En plusieurs endroits, les
sibles à des personnes à revenus        complique davantage la situation pénalités prévues pour les proprié-
faible et modeste font l’objet d’in-    dans le cas de mauvais entretien taires récalcitrants sont ridicule-
festations répétées, parfois même       des bâtiments, sans compter que ment faibles. Même Montréal, qui
constantes, sans que les stratégies     dans ces situations, l’intérêt de dispose depuis quelques années
d’extermination ne parviennent à        procéder à un entretien approprié de super-inspecteurs pour les cas
éradiquer les bestioles qui ont         semble s’atténuer, les propriétaires plus lourds, parvient difficilement à
envahi les lieux. Ces situations qui    n’étant jamais en contact avec les faire réellement appliquer son code
perdurent semblent le plus souvent      personnes mécontentes ».             du logement.

                               Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement                                    7
Chez les Autochtones:
                   surpeuplement et taudification
Ce n’est pas par hasard si la Com-       dépendances à l’alcool et aux dro-      Le surpeuplement entraîne l’usure
mission a débuté ses travaux à           gues, suicides, etc. L’itinérance in-   accélérée des logements. Au
Kuujjuaq et les a terminés à Lac         visible se développe, les personnes     Nunavik, le pourcentage de loge-
Simon. Elle y a entendu plusieurs        et souvent les familles devant sans     ments nécessitant des rénovations
témoignages d’Autochtones vivant         cesse déménager d’une maison à          majeures est de 35 %, alors qu’il
à six, dix et même dix-sept dans la      l’autre, en quête d’un coin où dor-     est de 20 % à Lac Simon, ce qui
même maison de deux chambres à           mir. Dans les communautés des           est beaucoup plus qu’à l’échelle
coucher. Son rapport en parle en         Premières Nations, la Direction de      du Québec. Or, contrairement à
ces termes : « Des personnes sont        la protection de la jeunesse (DPJ)      certains préjugés, les Autochtones
                                                                                 paient bel et bien des loyers, assez
                                                                                 élevés d’ailleurs.

                                                                                             Un verrou
                                                                                      pour les droits humains

                                                                                     Au Nunavik, la construction de
                                                                                     1 000 logements est une urgence.
                                                                                     En 2017, la population y aura aug-
                                                                                     menté de 17 %! À Lac Simon,
                                                                                     300 habitations additionnelles
                                                                                     seraient nécessaires et il ne s’en
                                                                                     est construit que trois en 2012. Le
                                                                                     Conseil tribal de la nation anish-
                                                                                     nabe estime à 1 300 le déficit de
                                                             Photo : Priscilla Bitar logements pour l’ensemble des
                                                                                     communautés qu’il représente.
obligées d’y adopter des « quarts        menace des familles de leur retirer Dans les deux cas, c’est le gou-
de sommeil », c’est-à-dire d’établir     leurs enfants, vu l’insécurité que vernement fédéral qui est pointé
un horaire pour que tout le monde        toute cette situation leur fait vivre.      du doigt pour la faiblesse de ses
puisse dormir dans un lit ou sur un                                                  investissements.
matelas jeté à même le sol. Chez         Parfois, les Inuits du Nunavik et les
les enfants, les incidences sont         Algonquins/Anishnabe de l’Abitibi- Comme l’écrit la Commission, les
nombreuses, notamment sur le             Témiscamingue ou de l’Outaouais violations au droit au logement vé-
plan de la réussite scolaire (fatigue,   ne voient pas d’autre solution que cus par les Autochtones, agissent
concentration, absence de lieux          de déménager à Montréal dans le « comme un verrou qui bloque
pour faire les devoirs, etc.); chez      premier cas, à Val-d’Or ou Maniwaki l’accès aux autres droits humains ».
les adultes, le manque de sommeil        dans l’autre. Ces personnes y vivent Elle en conclut : « Le plein exer-
peut conduire à un haut taux d’ab-       le déracinement, tout en faisant à cice des droits à l’éducation, à la
sentéisme au travail ».                  nouveau face à des problèmes de santé, à la sécurité de la personne,
                                         logement auxquels s’ajoutent trop à l’égalité, à la non-discrimination
Ce surpeuplement exacerbe les            souvent le racisme et l’itinérance. et au droit à l’auto-détermination
problèmes sociaux : conflits fami-       Des Atikamekw ou des Innus vivent passent par l’urgence d’assurer le
liaux, violence envers les femmes et     les mêmes problèmes à Joliette, La droit au logement ».
les enfants, agressions sexuelles,       Tuque ou Sept-Îles.

8                               Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement
Un droit sans recours?
Le rapport Urgence en la demeure        femmes dans le silence et dans                dues. En comparaison, celles pour
fait remarquer que les gens qui ont     la crainte de dénoncer, par peur              non-paiement de loyer, portées par
témoigné devant la Commission           d’être exclues de leur logement et            des propriétaires, n’attendent que
ont eu peu tendance à évoquer           de passer pour des folles… ». Des             1,4 mois. C’est ce qui a fait dire au
d’emblée les recours juridiques         aînéEs vivent des craintes simi-              Comité logement de Beauharnois :
dont ils disposaient pour faire fal-    laires. Un groupe de défense de               « Justice trop tard, justice nulle
loir leur droit au logement. Lorsque    leurs droits de Trois-Rivières a af-          part ». L’information sur la loi et sur
les commissaires les interrogeaient     firmé que « quel que soit le type de          les règlements concernant la Régie
à ce sujet, la réponse était bien       logement où vivent les personnes              est incompréhensible, principale-
souvent : « Ah, la Régie, m’en par-     âgées, elles éprouvent souvent un             ment pour la très forte proportion
lez pas! ». Des commentaires peu        sentiment de peur face à la pers-             de la population qui est considé-
élogieux suivaient sur la Régie du      pective de dénoncer ou d’exiger               rée comme analphabète fonction-
logement, ses coûts, ses délais,        quelque chose ». Le constat est               nelle et qui ne sait souvent ni lire
ses procédures, son éloignement         le même pour les personnes avec               ni écrire.
physique, etc.                          une déficience intellectuelle ou un
                                        problème de santé mentale, ainsi              La Régie du logement n’est pas
Le très faible recours à la Régie a que pour les ménages d’immigra-                   le seul organisme en cause. Peu
inquiété les commissaires qui en tion récente.                                        de personnes connaissent par
tirent le constat « que la justice a                                                  exemple la possibilité de recourir
du plomb dans l’aile pour les loca-          La Régie aussi en cause                  à la Commission des droits de la
taires » et que, dans leur cas, il faut                                               personne et des droits de la jeu-
même « parler de non-droits et de Ce n’est pas la seule explication.                  nesse lorsqu’elles sont victimes de
non-recours ». Cette réalité est dé- Ainsi, la longueur des délais d’at-              discrimination. Les programmes de
montrée par les chiffres. Sur les 78 tente à la Régie décourage les                   la Société d’habitation du Québec,
468 demandes introduites et relan- locataires. Des causes touchant le                 comme l’allocation-logement, sont
cées à la Régie du 1er avril 2011 besoin de réparations et la salubri-                aussi largement méconnus et les
au 31 mars 2012, à peine 9 096 té des appartements prennent en                        démarches pour y avoir accès sont
l’ont été par des locataires.           moyenne 20,3 mois à être enten-               souvent jugées complexes.

La vulnérabilité de
plusieurs explique
en partie cette si-
tuation. Ainsi, les
femmes ont peu
tendance à recou-
rir aux tribunaux,
comme en a té-
moigné un centre
de Memphréma-
                      Photo: Valérie Simard

gog : « Souvent
les peurs et la
difficulté à faire
face au pou-
voir laissent les

                                              Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement                                9
LES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION

                  Pour que tous les paliers
              de gouvernement jouent leur rôle
                                           Selon la Commission populaire        Commission recommande de
                                           itinérante, tous les paliers de      « procéder à une bonification
                                           gouvernement, y compris les          substantielle des mesures de
         Le logement                       villes, ont, à des niveaux diffé-    protection sociale » (pensions
        dans la Charte                     rents, un rôle à jouer pour per-     de vieillesse, supplément de
                                           mettre que le droit au logement      revenu garanti, aide sociale),
La Commission demande que le droit         soit adéquatement protégé et         de même qu’à une augmenta-
au logement soit explicitement garanti     mis en œuvre.                        tion « plus rapide et plus impor-
par la Charte des droits et libertés de                                         tante du salaire minimum ».
la personne du Québec, comme le            Comme la crise du logement
recommande, depuis dix ans, la Com-        est en large partie due à la ré-
                                                                        L’allocation-logement, cette
mission des droits de la personne et       partition inégale des richesses,
                                                                        aide financière aux ménages
des droits de la jeunesse (CDPDJ).         les gouvernements doivent en à faible revenu, doit aussi être
Aux dires mêmes de cet organisme,          assurer la redistribution paraméliorée. Les paramètres du
une telle inscription permettrait de       des mesures de protection so-programme doivent être in-
« mieux tenir compte des facteurs sys-     ciale adéquates. Ils doivent en
                                                                        dexés au coût actuel de la vie,
témiques qui empêchent l’accès au lo-      même temps prévoir des inter-ce qui n’a pas vraiment été fait
gement en toute égalité, et d’infléchir    ventions globales et structu-depuis 1997. Sa portée doit
les politiques publiques dans un sens      rantes en habitation et adopter
                                                                        être étendue pour que tous les
favorable à la pleine réalisation de ce    « des stratégies d’éducation au
                                                                        ménages en difficulté puissent
droit ».                                   droit au logement, lesquelles se
                                                                        recevoir de l’aide. Enfin, le gou-
                                           destinent à garantir l’accessibi-
                                                                        vernement québécois, qui est
Le rapport Urgence en la demeure           lité du droit et des recours, tout
                                                                        responsable du programme,
propose par ailleurs un renforce-          autant que celle aux mesures fi-
                                                                        doit prendre les moyens pour
ment des moyens dont la CDPDJ              nancières d’aide au logement ».
                                                                        qu’il soit utilisé par tous les
dispose pour lutter contre la discrimi-                                 ménages qui y ont droit, ce qui
nation et le harcèlement en matière de         Au niveau du revenu      pourrait, par exemple, se faire
logement.                                                               automatiquement via le rapport
                                           Afin d’assurer un revenu dé- d’impôt.
                                           cent à toutes et à tous, la

                                                                                                              Photo : Véronique Laflamme

10                            Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement
LES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION

         Une politique québécoise du logement

Comme le logement est un champ de com-
pétence du Québec, mais que « le disposi-
tif actuel des programmes, des lois et des
règlements ne fait pas le travail », la Com-
mission recommande que le gouvernement
québécois adopte « à court terme » une poli-
tique intégrée du logement, et ce au terme
d’une vaste consultation.

Une telle politique devrait notamment viser
un meilleur encadrement du marché locatif
privé. Ainsi, il devrait être davantage proté-

                                                                                                                  Photo : Denis Thériault
gé contre le détournement des règles sur la
conversion de logements locatifs en condo-
miniums, entre autres par le passage par la
copropriété indivise.

La Commission propose aussi de mieux
encadrer les interventions des municipali-
tés, entre autres par « l’adoption au niveau
national d’un code-modèle du logement et
l’obligation des municipalités d’intégrer à               Ne laisser personne de côté
leurs pratiques et dans la règlementation
municipale les obligations prévues par le        La Commission met de l’avant des mesures permettant que
code ». Elle prône aussi « l’adoption, par les   toutes les personnes puissent jouir du droit au logement,
municipalités et par les régions du Québec,      quelles que soient leurs limitations physiques ou autres. Elle
d’un plan d’urbanisme inclusif et qui prenne     propose l’augmentation du financement des programmes
en compte les besoins en matière de loge-        gouvernementaux d’adaptation des domiciles, ainsi que l’im-
ments sociaux et les droits des populations      position de normes permettant que l’accessibilité universelle
locataires les plus vulnérables ».               soit garantie dans tous les nouveaux bâtiments résidentiels.
                                                 Les logements sociaux, nouveaux et actuels, devraient être
Comme le marché privé s’avère incapable          soumis aux mêmes normes, ce qui exige que les programmes
d’assurer pleinement le droit au logement,       de financement des nouveaux logements soient ajustés en
la Commission recommande d’accroître, de         conséquence.
toute urgence, la construction de logements
sociaux afin que le secteur à but non lucratif   La Commission recommande également qu’une politique
(public, coopératif ou OSBL) occupe une          d’habitation porte une attention spéciale aux besoins des
part grandissante du marché locatif. Cette       personnes marginalisées ou qui ont un problème de santé
part est présentement de 11 %, alors que         mentale, en assurant la diversité des solutions, de même que
dans des pays européens, elle dépasse par-       l’accompagnement et le support communautaire. Le bassin
fois 50 %. Le FRAPRU propose de la dou-          de maisons de chambres doit notamment être protégé. Une
bler dans un délai raisonnable.                  politique globale en itinérance doit être adoptée.

                               Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement                                11
LES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION

                                           Le fédéral a beaucoup plus à faire

                             Même si le logement est de juridic-  2018-2019 de ses initiatives en         Le budget fédéral n’a par ailleurs
                             tion québécoise, le gouvernement     logement et en itinérance. Toute-       pas répondu à une autre préoccu-
                             fédéral y a historiquement joué un   fois, il n’a prévu que des miettes      pation portée par la Commission,
                             grand rôle, dans le cadre de son     de 253 millions $ par an à l’échelle    soit le maintien de l’aide financière
                             pouvoir de dépenser.                 du Canada pour financer des loge-       accordée aux locataires à faible
                                                                  ments dits abordables, ce qui, au       revenu de 127 000 logements
                                                                    Québec, sert à des programmes         sociaux existants (HLM, coops,
                                                                    comme AccèsLogis, l’allocation-       OSBL). Cette aide indispensable
                                                                    logement ou la rénovation domi-       a déjà été retirée à une minorité
Photo : Véronique Laflamme

                                                                    ciliaire. La Stratégie des partena-   des ménages concernés, mais leur
                                                                    riats de lutte contre l’itinérance    nombre augmentera de manière
                                                                    (SPLI) a aussi été prolongée,         importante dès les prochaines an-
                                                                    mais avec un budget diminué de        nées.
                                                                    près de 16 millions $ par an et un
                                                                    changement d’orientations. Au         Le gouvernement fédéral est large-
                                                                    lieu de contribuer à une variété      ment responsable des problèmes
                                                                           d’initiatives    communau-     de logement vécus par les Autoch-
                                                                           taires, dont la construction   tones. Il a, pendant près d’une dé-
                                  « Mon HLM m’a sauvé la vie », a
                                                                           de logements sociaux, le       cennie, cessé ses subventions pour
                                  témoigné cette locataire de Côte-
                                                                           gouvernement conserva-         la construction de logements dans
                                  des-Neiges, à Montréal .
                                                                           teur privilégie désormais      les villages inuits. Au cours des
                                                                           l’approche « Logement          dernières années, il a aussi coupé
                             Le 21 mars 2013, le budget du d’abord » consistant à louer des               dans les investissements consa-
                             ministre des Finances, Jim Flaherty, logements majoritairement privés        crés à la construction d’habitations
                             a donné suite à une des recom- pour y loger des sans-abri et les             sur les réserves des Premières
                             mandations de la Commission, en encadrer dans leurs démarches de             Nations envers lesquelles il exerce
                             annonçant la prolongation jusqu’en réinsertion sociale.                      un devoir de fiduciaire. C’est pour-
                                                                                                          quoi la Commission recommande
                                                                                                          qu’Ottawa appuie « les efforts du
                                             La Régie sous examen                                         Québec, en accroissant considéra-
                                                                                                          blement ses investissements dans
                             La Commission est suffisamment inquiète de la très faible utilisa-           la construction et la rénovation de
                             tion des recours juridiques par les locataires pour proposer un exa-         logements au Nunavik pour rendre
                             men urgent du mandat et des pratiques de la Régie du logement                possible l’objectif urgent de 1000
                             en matières d’information et de sensibilisation, de même que d’in-           nouveaux logements ». Elle lui de-
                             tervention auprès des ménages les plus vulnérables (ou de ceux               mande également d’investir des
                             qui vivent loin des grands centres), de tarification de ses services         sommes beaucoup plus consis-
                             et d’accélération du traitement des causes, « notamment quand                tantes dans la construction et la
                             l’état d’habitabilité des logements est en cause ».                          rénovation de logements sur les
                                                                                                          réserves autochtones. Le budget
                             Elle met également de l’avant l’examen à court terme de la mise en           Flaherty n’a fait ni l’un ni l’autre.
                             place d’un registre des baux « comme première étape de la mise
                             en place d’importantes mesures de contrôle du coût des loyers ».

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