DROIT AU LOGEMENT pour le - Résumé du rapport de la Commission populaire itinérante : FRAPRU
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Résumé du rapport de la Commission populaire itinérante : AGIR Urgence en la demeure LUTTER pour le DROIT AU LOGEMENT
Après la Commission populaire itinérante Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement À l’automne 2012, le Front plus riches au monde, pou- d’action populaire en réamé- vait tolérer de telles situa- nagement urbain (FRAPRU) a tions » . initié une Commission popu- laire itinérante sur le droit au Il y a dans le rapport intitulé logement. Un groupe de 14 Urgence en la demeure, ré- commissaires a été constitué, sumé dans la présente bro- en provenance de divers sec- chure, matière à réflexions teurs et milieux, avec l’objectif et à discussions. Le FRA- de recueillir des témoignages PRU les animera au cours sur le respect du droit au lo- d’une tournée qui, d’avril à gement au Québec. Dix-neuf novembre 2013, le mènera audiences ont eu lieu dans à travers le Québec. Selon les dix-sept régions adminis- Photo : Véronique Laflamme les volontés locales, les ren- tratives. La première s’est contres organisées à cette déroulée le 12 octobre à Kuu- par les problèmes de logement et occasion pourront prendre jjuaq, un village inuit du Nunavik, et d’itinérance. Ce rapport, écrit en la forme d’assemblées publiques, la dernière le 23 novembre dans toute indépendance, contient des d’ateliers de travail ou encore la communauté algonquine/anish- observations et des recommanda- d’activités d’éducation populaire, nabe de Lac Simon, en Abitibi. tions. Son introduction donne le le tout accompagné d’interventions Entre temps, la Commission s’est ton: « La Commission a acquis la médiatiques. Le FRAPRU y diffu- rendue à Rimouski, Gaspé, Laval, certitude qu’au Québec, il y a une sera le documentaire Au pied du Shawinigan, Victoriaville, Sept-Îles, crise du logement. Cette crise est mur, réalisé sur la Commission. Saguenay, Maniwaki, Gatineau, un miroir frappant de l’importance Québec, Montréal, Sherbrooke, de la fracture sociale qui s’aggrave Une fois les travaux des commis- Sainte-Thérèse, Lévis, Joliette, Lon- au Québec. Au-delà des faits, des saires terminés, c’est à nous qu’il gueuil et Rouyn-Noranda. chiffres et des statistiques qui nous appartient maintenant de nous ont été soumis, les commissaires interroger collectivement sur les Le 20 mars 2013, la Commission a ont entendu des témoignages bou- moyens d’agir, de bâtir et de lutter dévoilé son rapport s’appuyant sur leversants qui, par moment, les ont pour que le droit au logement soit 361 témoignages de groupes et de menéEs à se demander comment une réalité pour toutes et tous. personnes directement touchées la société québécoise, parmi les Pour en savoir plus long sur le FRAPRU Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) est un regroupement national pour le droit au logement composé de 150 groupes des différentes régions du Québec. Il peut être rejoint au (514) 522-1010 ou par courrier électronique à frapru@cooptel.qc.ca. Site web: www.frapru.qc.ca Facebook : www.facebook.com/FRAPRU.logement Twitter: @FRAPRU Sur la Commission populaire itinérante sur le droit au logement Site web: http://commissionpopulairefrapru.org/ 2 Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement
Le logement : un droit Plus encore qu’un besoin, se loger décem- ment est un droit que le Canada et le Qué- bec se sont engagés à respecter, protéger L’itinérance visible ou cachée et mettre en œuvre, en adhérant en 1976 L’itinérance est une préoccupation qui est revenue tout au Pacte international sur les droits éco- au long de la Commission. Ce fut évidemment le cas à nomiques, sociaux et culturels. Son article Montréal, Québec et Gatineau où plusieurs témoignages 11 reconnaît le droit « de toute personne à ont mis en lumière la détérioration de la situation et le un niveau de vie suffisant pour elle-même débordement des ressources. La réduction alarmante du et sa famille, y compris une nourriture, un nombre de maisons de chambres y accroît notamment vêtement et un logement suffisants ». les difficultés pour les personnes à risque ou en situation d’itinérance. Ce droit implique des conditions d’habita- tion permettant d’assurer la santé, la sécu- Ce phénomène a toutefois de multiples visages. Il n’est rité et le confort des personnes. Il néces- pas l’apanage des grands centres urbains et c’est un peu site leur protection contre des évictions partout qu’il se développe. Il peut parfois être invisible, forcées, de même que le respect de leur des personnes étant continuellement forcées de démé- capacité de payer, de manière à ce que le nager d’un endroit à l’autre, « imposant à leur propre coût du logement ne compromette pas la réseau social le poids de les loger de manière plus ou satisfaction de leurs autres besoins essen- moins transitoire », comme l’écrit le rapport de la Com- tiels. Il exige l’accès à un logement sans mission. L’itinérance peut aussi donner lieu à « des pra- aucune forme de discrimination, quelle tiques de fréquentation de lieux non-sécuritaires (gares, qu’elle soit. bâtiments abandonnés, campings isolés, squats, etc.) ou à la migration vers des régions où le logement semble Compte tenu de l’interdépendance entre davantage accessible ». les droits, toute violation de celui au loge- ment a des impacts négatifs sur d’autres dont ceux à l’alimentation, à la santé ou à l’éducation. L’un des groupes entendus par la Commission populaire itinérante l’a résu- mé en ces termes : « Les conséquences du logement indigne, ce sont des droits bafoués et une citoyenneté amputée ». Les multiples brimades au droit au loge- ment, que la Commission a constatées partout au Québec, sont exacerbées par l’aggravation des inégalités sociales dans notre société, de même que par les rap- Photo : Véronique Laflamme ports sociaux de sexes et de « races » qui y perdurent. C’est ce qui explique qu’elles affectent plus particulièrement les per- sonnes à plus faible revenu, les femmes, les Autochtones et les ménages issus de l’immigration, surtout si elle est plus ré- cente. Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement 3
Où sont les logements? La pénurie de logements dits abor- à l’aide sociale est de 604 $. Quant sonnes âgées qui est probléma- dables transforme la recherche au salaire minimum, même en tra- tique, celles-ci devant se déplacer d’un logement en un parcours par- vaillant 35 heures par semaine, il pour se rapprocher des services semé d’épreuves, ce qui, selon le ne donne qu’un revenu mensuel dont elles ont besoin. rapport, « contraint parfois les mé- de 1 517 $ par mois. Le loyer men- nages à vivre dans une précarité suel moyen représente 44 % de ce Que devient résidentielle proche de l’itinérance montant. le logement locatif? et à être soumises à des formes de promiscuité qui contribuent à Ces problèmes ne sont pas sans La construction de logements loca- des situations stressantes portant conséquence, comme le rapporte tifs est à son plus bas niveau de- atteinte à la qualité de vie ». la Commission : « À Sept-Îles, par puis dix ans au Québec. La Com- exemple, une personne a raconté mission en conclut que «le marché En Abitibi-Témiscamingue et sur la s’être éloignée à plus d’une heure choisit les cibles les plus lucratives Côte-Nord, il manque carrément de de route de la ville où elle travaille et la spéculation », d’où l’accent logements, les taux d’inoccupation pour se loger avec sa famille. Cette mis au cours des dernières années tournant autour de 0 %, en raison personne ne parvenait pas à trou- sur la construction de condomi- ver un loge- niums. Cette situation touche non ment conve- seulement Montréal et Québec, nable à un où elle alimente la gentrification de coût accep- certains quartiers populaires, mais table. À La- aussi Laval, Longueuil, Gatineau ou val, comme Sainte-Thérèse. à Sainte-Thé- rèse, ou à De plus, le parc locatif actuel est Longueuil, de grugé par la conversion de loge- telles situa- ments locatifs en condos (y com- tions nous pris là où des moratoires sont en ont été rap- place), de même que par la subdi- portées; de vision en appartements plus petits. nombreuses Les locations temporaires font éga- personnes lement des ravages, surtout dans Photo : Patrick Landry se sont éloi- les régions les plus touristiques gnées de comme les Îles-de-la-Madeleine d’un développement économique plus en plus des centres urbains où des propriétaires réservent des effréné. Saguenay et la région pour pouvoir se loger à un coût logements aux touristes plutôt que de Québec sont aussi affectées, abordable ». de faire signer des baux de 12 mois quoique dans une moindre mesure. aux locataires qui y résident. Parfois, ce sont certains types de Partout, le coût élevé des loyers logements qui font défaut. En Gas- Or, en raison d’investissements bloque l’accès au logement. Les pésie, la rareté d’appartements publics nettement insuffisants, la augmentations subies depuis l’an semi-meublés est un facteur de construction de logements sociaux 2000 ont fait monter le coût moyen précarité pour les jeunes. Dans ne parvient tout simplement pas à du logement à 662 $ par mois au des milieux ruraux, c’est l’absence combler les déficiences du marché. Québec. Or, la prestation de base totale de solutions pour les per- 4 Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement
Payer le loyer ou … La Commission populaire itinérante constate que « le nombre de per- sonnes devant consacrer une très grande partie de leurs revenus à leur logement est important et en aug- mentation dans la plupart des villes » où elle a siégé. Elle écrit: « Une fois le loyer payé, il reste bien peu d’argent pour com- bler les autres besoins essentiels. Photo : Denis Thériault L’appauvrissement des personnes touchées est alors instantané. Au- delà du stress évident que génère cette situation, il y a l’humiliation de vivre aux crochets des autres, d’avoir à toujours demander, d’attendre un sac de nourriture ou une distribution de vêtements. Des personnes ont ra- elles n’avaient pas le choix que de L’incapacité de payer des loyers conté comment elles économisaient cohabiter avec leurs enfants deve- de plus en plus chers conduit par- leurs médicaments, comment elles nus adultes, avec des membres de fois à des situations extrêmes. Des jonglaient, l’hiver, entre le paiement leur famille ou avec des colocataires témoignages entendus à Montréal des factures d’électricité, du loyer et souvent inconnuEs, s’imposant au comme à Sherbrooke rapportaient des dettes de la carte de crédit : une quotidien une promiscuité difficile à des cas où des femmes devaient se spirale sans fin d’appauvrissement. vivre, tant en termes de relation que prostituer ou consentir à des faveurs D’autres nous ont expliqué com- de bien-être personnel ». sexuelles à leur propriétaire pour ment, devant le coût des logements, pouvoir payer leur loyer… Des milieux adaptés à la réalité des personnes? Dans plusieurs villes, dont Lévis, Shawinigan, Saguenay, Laval et Gatineau, des personnes vivant avec un handicap ont lancé de véritables cris du cœur sur les difficultés, parfois extrêmes, qu’elles ont à vivre dans des logements qui ne sont pas adaptés à leurs besoins. Pourtant, les solutions existent et elles sont connues des autorités politiques. Une personne se déplaçant en fauteuil roulant en a témoigné éloquemment à Montréal : « Je vis dans un appartement qui a l’accessibi- lité universelle (…). Elle m’a rendu la liberté ». En habitation, l’accessibilité universelle permet à toutes les personnes, y compris celles avec des limitations fonctionnelles, d’accéder à des bâtiments résidentiels, de s’y déplacer convenablement et de vivre dans des logements adaptés à leur situation. Le programme gouvernemental d’adaptation des domiciles existants est aussi nettement insuffisant et la situation financière de la plupart des personnes ne leur permet pas de payer elles-mêmes pour les travaux dont elles ont besoin. Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement 5
Les pires abus La discrimination est une violation Souvent, la discrimination est en- Ça continue! flagrante du droit au logement et core plus directe et là, tous les mo- elle aussi peut prendre divers vi- tifs sont bons : condition sociale, Les abus ne se limitent pas à la lo- sages. sexe, âge, présence d’enfants, cou- cation. De nombreuses personnes leur de la peau, handicap physique ont exposé à la Commission des Lorsque les appartements sont ou mental, etc. Des propriétaires situations de harcèlement, de me- rares, les propriétaires ont toute la signifient sans embarras leur refus naces, d’intimidation, de violence latitude pour fixer leurs conditions, de louer à des femmes qui sortent qui, dans le cas des femmes, a par- d’où « les enquêtes de crédit intru- d’un centre d’hébergement pour fois été jusqu’à la violence sexuelle. violence conjugale. Des témoignages ont mis en lu- Photo : Nicolas Lefebvre Legault Des facteurs comme mière la pratique du bail oral (ab- l’orientation sexuelle sence de bail écrit) en vertu duquel ou la maladie (le VIH/ des propriétaires tentent de se dé- Sida, par exemple) barrasser n’importe quand de leurs peuvent être des motifs locataires. D’autres ont dénoncé de refus, surtout dans les coupures d’eau ou d’électricité de plus petits milieux et la facturation de services précé- « où tout le monde se demment gratuits. connaît ». Les plus vulnérables arrivent diffi- Des cas de discrimi- cilement à se défendre devant de nation envers les nou- tels abus. C’est le cas des per- veaux arrivants, qui sonnes souffrant de déficience n’ont pas d’historique intellectuelle dont les plaintes sont de crédit au Qué- systématiquement ignorées par bec, ont été signalés des propriétaires qui leur disent lors des audiences que « le problème est dans leur de Laval, Gatineau et tête ». Quant aux personnes réfu- Montréal. Des per- giées ou sans statut, venant de La discrimination et le harcèlement : sonnes ont raconté pays où la violence est souvent le des facteurs d’exclusion pour les s’être fait deman- lot quotidien, elles n’osent ni s’in- femmes. der une carte de former, ni revendiquer de peur de crédit pour pouvoir représailles. sives, les demandes de cautions il- prétendre à un logement! légales, les exigences de paiement Dans des villes comme Rimouski, des loyers à l’avance, la demande Les victimes de toutes ces formes Gaspé, Victoriaville, Shawinigan, de chèques postdatés » que décrit de discrimination se voient repous- Trois-Rivières ou Joliette, c’est le la Commission. Sur la Côte-Nord, sées vers les logements les moins quasi monopole exercé par une les propriétaires font ouvertement intéressants. Des femmes sont poignée de propriétaires qui rend savoir que leurs appartements en confrontées au choix de rester avec la situation difficile, les locataires location sont « réservés à des tra- un conjoint violent ou de s’exposer craignant de subir des contre- vailleurs ». à dormir dans la rue ou dans des coups ou de se retrouver sur une logements trop chers, voire des liste noire, s’ils ou elles exercent taudis. quelque recours que ce soit. 6 Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement
Quand la santé des locataires est en jeu Comme l’écrit la Commission, liées à la mauvaise volonté des pro- La majorité des villes n’a pas de « les logements disponibles pour priétaires ou à leur ignorance de la code du logement ou de règle- les personnes à revenus faible et plainte et de la demande des loca- ment sur la salubrité imposant des modeste sont souvent situés dans taires ». normes à cet effet aux proprié- des bâtiments anciens ou vieillots, taires. Même dans celles qui en ont, mais surtout qui, au cours des an- Pourquoi? elles sont bien rarement effectives, nées, ont fait l’objet de bien peu puisqu’elles ne pèsent souvent de rénovations ». L’insonorisation Diverses raisons expliquent toutes pas lourd dans les préoccupations y fait défaut, l’isolation aussi. Les ces problématiques. Lorsque les des autorités qui n’y consacrent portes et les fenêtres laissent pas- logements sont rares, les proprié- pas toutes les ressources néces- ser l’air et le froid, de sorte que taires ne se sentent les coûts de chauffage grugent pas d’obligations le maigre budget des locataires. à rénover leurs Plusieurs propriétaires font preuve appartements, de négligence quant à l’entretien puisqu’ils seront de leurs appartements, ne s’en loués de toute fa- tenant qu’aux rénovations les plus çon. Dans des villes urgentes et encore… de la Mauricie, le marché du loge- À ces problèmes, s’ajoute celui ment destiné aux de la moisissure dont les consé- personnes ayant quences sur la santé des per- un revenu faible ou sonnes ont maintes fois été démon- modeste est deve- trées scientifiquement. Or, partout nu suffisamment où la Commission est passée, des lucratif pour que locataires ont témoigné de leur dif- des propriétaires ficulté à obliger leurs propriétaires d’autres régions y Photo: Denis Thériault à entreprendre les travaux permet- investissent dans tant d’éradiquer la moisissure et une perspective ses causes. spéculative. Les immeubles sont La difficulté est la même avec les confiés à des ges- vermines, les rats, les souris ou les tionnaires. Selon punaises de lit. La Commission en la Commission, parle dans ces termes pour Mon- « cette distance tréal : « Plusieurs logements acces- géographique et administrative saires. En plusieurs endroits, les sibles à des personnes à revenus complique davantage la situation pénalités prévues pour les proprié- faible et modeste font l’objet d’in- dans le cas de mauvais entretien taires récalcitrants sont ridicule- festations répétées, parfois même des bâtiments, sans compter que ment faibles. Même Montréal, qui constantes, sans que les stratégies dans ces situations, l’intérêt de dispose depuis quelques années d’extermination ne parviennent à procéder à un entretien approprié de super-inspecteurs pour les cas éradiquer les bestioles qui ont semble s’atténuer, les propriétaires plus lourds, parvient difficilement à envahi les lieux. Ces situations qui n’étant jamais en contact avec les faire réellement appliquer son code perdurent semblent le plus souvent personnes mécontentes ». du logement. Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement 7
Chez les Autochtones: surpeuplement et taudification Ce n’est pas par hasard si la Com- dépendances à l’alcool et aux dro- Le surpeuplement entraîne l’usure mission a débuté ses travaux à gues, suicides, etc. L’itinérance in- accélérée des logements. Au Kuujjuaq et les a terminés à Lac visible se développe, les personnes Nunavik, le pourcentage de loge- Simon. Elle y a entendu plusieurs et souvent les familles devant sans ments nécessitant des rénovations témoignages d’Autochtones vivant cesse déménager d’une maison à majeures est de 35 %, alors qu’il à six, dix et même dix-sept dans la l’autre, en quête d’un coin où dor- est de 20 % à Lac Simon, ce qui même maison de deux chambres à mir. Dans les communautés des est beaucoup plus qu’à l’échelle coucher. Son rapport en parle en Premières Nations, la Direction de du Québec. Or, contrairement à ces termes : « Des personnes sont la protection de la jeunesse (DPJ) certains préjugés, les Autochtones paient bel et bien des loyers, assez élevés d’ailleurs. Un verrou pour les droits humains Au Nunavik, la construction de 1 000 logements est une urgence. En 2017, la population y aura aug- menté de 17 %! À Lac Simon, 300 habitations additionnelles seraient nécessaires et il ne s’en est construit que trois en 2012. Le Conseil tribal de la nation anish- nabe estime à 1 300 le déficit de Photo : Priscilla Bitar logements pour l’ensemble des communautés qu’il représente. obligées d’y adopter des « quarts menace des familles de leur retirer Dans les deux cas, c’est le gou- de sommeil », c’est-à-dire d’établir leurs enfants, vu l’insécurité que vernement fédéral qui est pointé un horaire pour que tout le monde toute cette situation leur fait vivre. du doigt pour la faiblesse de ses puisse dormir dans un lit ou sur un investissements. matelas jeté à même le sol. Chez Parfois, les Inuits du Nunavik et les les enfants, les incidences sont Algonquins/Anishnabe de l’Abitibi- Comme l’écrit la Commission, les nombreuses, notamment sur le Témiscamingue ou de l’Outaouais violations au droit au logement vé- plan de la réussite scolaire (fatigue, ne voient pas d’autre solution que cus par les Autochtones, agissent concentration, absence de lieux de déménager à Montréal dans le « comme un verrou qui bloque pour faire les devoirs, etc.); chez premier cas, à Val-d’Or ou Maniwaki l’accès aux autres droits humains ». les adultes, le manque de sommeil dans l’autre. Ces personnes y vivent Elle en conclut : « Le plein exer- peut conduire à un haut taux d’ab- le déracinement, tout en faisant à cice des droits à l’éducation, à la sentéisme au travail ». nouveau face à des problèmes de santé, à la sécurité de la personne, logement auxquels s’ajoutent trop à l’égalité, à la non-discrimination Ce surpeuplement exacerbe les souvent le racisme et l’itinérance. et au droit à l’auto-détermination problèmes sociaux : conflits fami- Des Atikamekw ou des Innus vivent passent par l’urgence d’assurer le liaux, violence envers les femmes et les mêmes problèmes à Joliette, La droit au logement ». les enfants, agressions sexuelles, Tuque ou Sept-Îles. 8 Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement
Un droit sans recours? Le rapport Urgence en la demeure femmes dans le silence et dans dues. En comparaison, celles pour fait remarquer que les gens qui ont la crainte de dénoncer, par peur non-paiement de loyer, portées par témoigné devant la Commission d’être exclues de leur logement et des propriétaires, n’attendent que ont eu peu tendance à évoquer de passer pour des folles… ». Des 1,4 mois. C’est ce qui a fait dire au d’emblée les recours juridiques aînéEs vivent des craintes simi- Comité logement de Beauharnois : dont ils disposaient pour faire fal- laires. Un groupe de défense de « Justice trop tard, justice nulle loir leur droit au logement. Lorsque leurs droits de Trois-Rivières a af- part ». L’information sur la loi et sur les commissaires les interrogeaient firmé que « quel que soit le type de les règlements concernant la Régie à ce sujet, la réponse était bien logement où vivent les personnes est incompréhensible, principale- souvent : « Ah, la Régie, m’en par- âgées, elles éprouvent souvent un ment pour la très forte proportion lez pas! ». Des commentaires peu sentiment de peur face à la pers- de la population qui est considé- élogieux suivaient sur la Régie du pective de dénoncer ou d’exiger rée comme analphabète fonction- logement, ses coûts, ses délais, quelque chose ». Le constat est nelle et qui ne sait souvent ni lire ses procédures, son éloignement le même pour les personnes avec ni écrire. physique, etc. une déficience intellectuelle ou un problème de santé mentale, ainsi La Régie du logement n’est pas Le très faible recours à la Régie a que pour les ménages d’immigra- le seul organisme en cause. Peu inquiété les commissaires qui en tion récente. de personnes connaissent par tirent le constat « que la justice a exemple la possibilité de recourir du plomb dans l’aile pour les loca- La Régie aussi en cause à la Commission des droits de la taires » et que, dans leur cas, il faut personne et des droits de la jeu- même « parler de non-droits et de Ce n’est pas la seule explication. nesse lorsqu’elles sont victimes de non-recours ». Cette réalité est dé- Ainsi, la longueur des délais d’at- discrimination. Les programmes de montrée par les chiffres. Sur les 78 tente à la Régie décourage les la Société d’habitation du Québec, 468 demandes introduites et relan- locataires. Des causes touchant le comme l’allocation-logement, sont cées à la Régie du 1er avril 2011 besoin de réparations et la salubri- aussi largement méconnus et les au 31 mars 2012, à peine 9 096 té des appartements prennent en démarches pour y avoir accès sont l’ont été par des locataires. moyenne 20,3 mois à être enten- souvent jugées complexes. La vulnérabilité de plusieurs explique en partie cette si- tuation. Ainsi, les femmes ont peu tendance à recou- rir aux tribunaux, comme en a té- moigné un centre de Memphréma- Photo: Valérie Simard gog : « Souvent les peurs et la difficulté à faire face au pou- voir laissent les Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement 9
LES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION Pour que tous les paliers de gouvernement jouent leur rôle Selon la Commission populaire Commission recommande de itinérante, tous les paliers de « procéder à une bonification gouvernement, y compris les substantielle des mesures de Le logement villes, ont, à des niveaux diffé- protection sociale » (pensions dans la Charte rents, un rôle à jouer pour per- de vieillesse, supplément de mettre que le droit au logement revenu garanti, aide sociale), La Commission demande que le droit soit adéquatement protégé et de même qu’à une augmenta- au logement soit explicitement garanti mis en œuvre. tion « plus rapide et plus impor- par la Charte des droits et libertés de tante du salaire minimum ». la personne du Québec, comme le Comme la crise du logement recommande, depuis dix ans, la Com- est en large partie due à la ré- L’allocation-logement, cette mission des droits de la personne et partition inégale des richesses, aide financière aux ménages des droits de la jeunesse (CDPDJ). les gouvernements doivent en à faible revenu, doit aussi être Aux dires mêmes de cet organisme, assurer la redistribution paraméliorée. Les paramètres du une telle inscription permettrait de des mesures de protection so-programme doivent être in- « mieux tenir compte des facteurs sys- ciale adéquates. Ils doivent en dexés au coût actuel de la vie, témiques qui empêchent l’accès au lo- même temps prévoir des inter-ce qui n’a pas vraiment été fait gement en toute égalité, et d’infléchir ventions globales et structu-depuis 1997. Sa portée doit les politiques publiques dans un sens rantes en habitation et adopter être étendue pour que tous les favorable à la pleine réalisation de ce « des stratégies d’éducation au ménages en difficulté puissent droit ». droit au logement, lesquelles se recevoir de l’aide. Enfin, le gou- destinent à garantir l’accessibi- vernement québécois, qui est Le rapport Urgence en la demeure lité du droit et des recours, tout responsable du programme, propose par ailleurs un renforce- autant que celle aux mesures fi- doit prendre les moyens pour ment des moyens dont la CDPDJ nancières d’aide au logement ». qu’il soit utilisé par tous les dispose pour lutter contre la discrimi- ménages qui y ont droit, ce qui nation et le harcèlement en matière de Au niveau du revenu pourrait, par exemple, se faire logement. automatiquement via le rapport Afin d’assurer un revenu dé- d’impôt. cent à toutes et à tous, la Photo : Véronique Laflamme 10 Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement
LES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION Une politique québécoise du logement Comme le logement est un champ de com- pétence du Québec, mais que « le disposi- tif actuel des programmes, des lois et des règlements ne fait pas le travail », la Com- mission recommande que le gouvernement québécois adopte « à court terme » une poli- tique intégrée du logement, et ce au terme d’une vaste consultation. Une telle politique devrait notamment viser un meilleur encadrement du marché locatif privé. Ainsi, il devrait être davantage proté- Photo : Denis Thériault gé contre le détournement des règles sur la conversion de logements locatifs en condo- miniums, entre autres par le passage par la copropriété indivise. La Commission propose aussi de mieux encadrer les interventions des municipali- tés, entre autres par « l’adoption au niveau national d’un code-modèle du logement et l’obligation des municipalités d’intégrer à Ne laisser personne de côté leurs pratiques et dans la règlementation municipale les obligations prévues par le La Commission met de l’avant des mesures permettant que code ». Elle prône aussi « l’adoption, par les toutes les personnes puissent jouir du droit au logement, municipalités et par les régions du Québec, quelles que soient leurs limitations physiques ou autres. Elle d’un plan d’urbanisme inclusif et qui prenne propose l’augmentation du financement des programmes en compte les besoins en matière de loge- gouvernementaux d’adaptation des domiciles, ainsi que l’im- ments sociaux et les droits des populations position de normes permettant que l’accessibilité universelle locataires les plus vulnérables ». soit garantie dans tous les nouveaux bâtiments résidentiels. Les logements sociaux, nouveaux et actuels, devraient être Comme le marché privé s’avère incapable soumis aux mêmes normes, ce qui exige que les programmes d’assurer pleinement le droit au logement, de financement des nouveaux logements soient ajustés en la Commission recommande d’accroître, de conséquence. toute urgence, la construction de logements sociaux afin que le secteur à but non lucratif La Commission recommande également qu’une politique (public, coopératif ou OSBL) occupe une d’habitation porte une attention spéciale aux besoins des part grandissante du marché locatif. Cette personnes marginalisées ou qui ont un problème de santé part est présentement de 11 %, alors que mentale, en assurant la diversité des solutions, de même que dans des pays européens, elle dépasse par- l’accompagnement et le support communautaire. Le bassin fois 50 %. Le FRAPRU propose de la dou- de maisons de chambres doit notamment être protégé. Une bler dans un délai raisonnable. politique globale en itinérance doit être adoptée. Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement 11
LES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION Le fédéral a beaucoup plus à faire Même si le logement est de juridic- 2018-2019 de ses initiatives en Le budget fédéral n’a par ailleurs tion québécoise, le gouvernement logement et en itinérance. Toute- pas répondu à une autre préoccu- fédéral y a historiquement joué un fois, il n’a prévu que des miettes pation portée par la Commission, grand rôle, dans le cadre de son de 253 millions $ par an à l’échelle soit le maintien de l’aide financière pouvoir de dépenser. du Canada pour financer des loge- accordée aux locataires à faible ments dits abordables, ce qui, au revenu de 127 000 logements Québec, sert à des programmes sociaux existants (HLM, coops, comme AccèsLogis, l’allocation- OSBL). Cette aide indispensable logement ou la rénovation domi- a déjà été retirée à une minorité Photo : Véronique Laflamme ciliaire. La Stratégie des partena- des ménages concernés, mais leur riats de lutte contre l’itinérance nombre augmentera de manière (SPLI) a aussi été prolongée, importante dès les prochaines an- mais avec un budget diminué de nées. près de 16 millions $ par an et un changement d’orientations. Au Le gouvernement fédéral est large- lieu de contribuer à une variété ment responsable des problèmes d’initiatives communau- de logement vécus par les Autoch- taires, dont la construction tones. Il a, pendant près d’une dé- « Mon HLM m’a sauvé la vie », a de logements sociaux, le cennie, cessé ses subventions pour témoigné cette locataire de Côte- gouvernement conserva- la construction de logements dans des-Neiges, à Montréal . teur privilégie désormais les villages inuits. Au cours des l’approche « Logement dernières années, il a aussi coupé Le 21 mars 2013, le budget du d’abord » consistant à louer des dans les investissements consa- ministre des Finances, Jim Flaherty, logements majoritairement privés crés à la construction d’habitations a donné suite à une des recom- pour y loger des sans-abri et les sur les réserves des Premières mandations de la Commission, en encadrer dans leurs démarches de Nations envers lesquelles il exerce annonçant la prolongation jusqu’en réinsertion sociale. un devoir de fiduciaire. C’est pour- quoi la Commission recommande qu’Ottawa appuie « les efforts du La Régie sous examen Québec, en accroissant considéra- blement ses investissements dans La Commission est suffisamment inquiète de la très faible utilisa- la construction et la rénovation de tion des recours juridiques par les locataires pour proposer un exa- logements au Nunavik pour rendre men urgent du mandat et des pratiques de la Régie du logement possible l’objectif urgent de 1000 en matières d’information et de sensibilisation, de même que d’in- nouveaux logements ». Elle lui de- tervention auprès des ménages les plus vulnérables (ou de ceux mande également d’investir des qui vivent loin des grands centres), de tarification de ses services sommes beaucoup plus consis- et d’accélération du traitement des causes, « notamment quand tantes dans la construction et la l’état d’habitabilité des logements est en cause ». rénovation de logements sur les réserves autochtones. Le budget Elle met également de l’avant l’examen à court terme de la mise en Flaherty n’a fait ni l’un ni l’autre. place d’un registre des baux « comme première étape de la mise en place d’importantes mesures de contrôle du coût des loyers ». 12 Agir, bâtir, lutter pour le droit au logement
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