Enigma fortuna Zacara da teramo - la fonte musica michele pasotti - Qobuz
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In memory of our angel Grazia, who for many years, every day, has taken care of La Fonte Musica with love.
zacara de teramo (c.1360-1416) Vol.1 sacred music 1 Gloria (I) 6’19 2 Credo (II) 8’13 3 Ave Maris Stella instrumental (Anonymous) 2’10 4 Gloria ‘Anglicana’ 2’46 5 Credo ‘du Vilage’ 3’19 6 Constantia instrumental (Anonymous) 3’21 7 Gloria ‘Gloria laus honor’ 4’44 8 Credo (III) 6’47 9 Gloria ‘Ad ongni vento’ 4’13 10 Credo (I) 5’42 11 Untitled instrumental (Anonymous) 1’22 12 Gloria ‘Micinella’ 2’33 13 Credo ‘Cursor’ 4’46 Total time: 58’20 Vol.2 sacred parodies and secular models 1 Gloria ‘Rosetta’ 6’47 2 Credo ‘Scabioso’ 8’58
3 D’amor languire 6’13 4 Rosetta instrumental (Anonymous) 3’37 5 Rosetta 7’16 6 Deducto sey 6’46 7 Nostra Avocata 5’18 8 Deducto sey instrumental (Anonymous) 3’18 9 Un fior gentil 5’11 10 Gloria ‘Fior gentil’ 5’09 11 Deus deorum Pluto 4’14 12 Credo ‘Deus deorum’ 8’45 Total time: 71’40 Vol.3 secular music I 1 Cacciando per gustar/Ay cinci, ay toppi 4’24 2 Nel cucul 2’07 3 Amor né tossa 9’23 4 Deducto sey instrumental improvisation 1’48 5 Plorans ploravi 8’39 6 Le temps verrà 3’38 7 Nuda non era 3’13 8 Ad ogne vento 2’55 9 Rosetta instrumental (Anonymous) 2’39 10 State a Dio 3’15
11 Benché lontan 5’29 12 Non voler, donna 2’26 13 Ciaramella 4’52 Total time: 54’54 Vol.4 secular music II 1 Sumite karissimi 3’18 2 Movit’a pietade 3’42 3 Viver ne puis instrumental (Anonymous) 2’01 4 Sol mi trafigge 5’50 5 Aymè per tutto l’or 4’32 6 Spesso, Fortuna 2’41 7 Dime, Fortuna 3’22 8 Donna poss’io sperare 4’35 9 Dicovi per certança 2’00 10 Sol mi trafigge instrumental 1’16 11 Ferito già 3’23 12 Be’llo sa Dio 5’01 13 E’ ardo in un fuogo 2’26 14 Spinato intorno al cor 5’58 15 Je suy navrés / Gnaff’a le guagnele 2’46 Total time: 52’59
La Fonte Musica Francesca Cassinari Soprano CD1 1-2, 4-5, 7-10, 12, 14 CD2 1, 7, 9, 10, 12 CD3 1, 7-8, 10-11, 13 CD4 1, 4, 7, 12, 14-15 Alena Dantcheva Soprano CD1 1-2, 4-5, 8-10, 12-13 CD2 1, 5, 7, 9-10, 12 CD3 1, 3, 5, 7, 11, 13 CD4 1-2, 6-7, 11-15 Elena Carzaniga Alto CD1 4, 9-10 CD2 1, 12 CD3 7, 13 CD4 14 Massimo Altieri Tenor CD1 2-3, 7-8 CD3 6 CD4 9 Gianluca Ferrarini Tenor CD1 1-5, 7-10 CD2 1-3, 5-6, 9-12 CD3 1-3, 5, 8, 10-11, 13 CD4 1, 5-6, 8, 11, 13, 15 Mauro Borgioni Baritone CD1 3 CD2 2-3, 6 CD3 6 CD4 8 Matteo Bellotto Bass CD2 2 CD3 6 Roberto Rilievi Tenor (plain chant) Teodoro Baù Fiddle CD1 1, 4-6, 8, 10-11 CD2 3, 7, 11 CD3 1, 3, 7, 9, 11-13 CD4 1, 3-4, 8-9, 11, 13-15 Efix Puleo Fiddle CD1 1-2, 4-5, 8-10 CD2 1, 3, 9-11 CD3 1, 3, 11, 13 CD4 1, 4, 8, 13, 15 Pau Marcos Fiddle CD2 1, 5, 8, 12 Silvia Tecardi Fiddle CD1 9 CD2 9-10 Marco Domenichetti Recorders and shawm CD3 3, 7, 11, 13 CD4 4, 14-15 Claire Mc Intyre Trombone CD1 1-2, 12-13 Ermes Giussani Trombone and slide trumpet CD1 1, 2, 12-13 Federica Bianchi Clavicymbalum and gothic organ CD1 3, 5, 8-9 CD2 4, 7-10, 12 CD3 1, 3, 8, 11, 13 CD4 1, 5-6, 12, 15 Margret Köll Gothic harp CD1 5 CD4 2, 4 Michele Pasotti Medieval lutes and direction CD1 5-6, 9, 11 CD2 5, 8-10, 12 CD3 1-4, 8, 9-13 CD4 1-5, 8-11, 14-15 › MENU
français pourquoi zacara ? par michele pasotti « Les œuvres des grands maîtres sont comme des soleils qui se lèvent et se couchent autour de nous. Le temps viendra pour toute grande œuvre qui est maintenant couchée. » Ludwig Wittgenstein « Me comprenne qui pourra, car je me comprends moi-même. » Antonio Zacara da Teramo Pourquoi enregistrer pour la première fois toutes les œuvres d’un compositeur qui est aujourd’hui encore relativement méconnu du public musical ? La première réponse, simple et claire, est la seule à laquelle je crois : parce que c’est de la grande musique. C’est une musique de la plus haute qualité, qui mérite d’être mieux connue, de faire partie de notre expérience commune, au même titre que les œuvres d’un grand peintre ou d’un grand architecte du passé font souvent partie du paysage quotidien de nos villes. La musique de ce maître originaire des Abruzzes est un monde dont la diversité, la complexité et l’étendue étonnent et captivent constamment l’auditeur. L’épigraphe de Wittgenstein en tête de ce bref essai résume la motivation qui sous-tend ce projet : faire briller de nouveau le soleil de la musique de Zacara. Les scribes médiévaux écrivaient le nom de Zacara sous différentes formes dans les manuscrits où ils copiaient sa musique. Pour cette raison, les historiens de la musique pensaient encore, il y quelques décennies seulement, avoir affaire à plusieurs compositeurs différents. Il est désormais clair que les différents noms renvoient à la même personne. Avec son surnom, désobligeant à l’origine, Zacara a une relation extraordinaire. Aucun compositeur de toute la civilisation musicale du Moyen Âge n’a parlé autant de lui-même, aucun n’a signé son nom de façon si obsessionnelle dans sa musique. Les références à lui-même et à son malheur personnel s’expriment souvent dans un langage cryptique, utilisant une étrange combinaison de dictons et d’énigmes. D’où le titre de cet album : Enigma Fortuna. Dans ses chansons, Zacara construit, en partant des profondeurs de son imagination, des textes bizarres, fermés, aux confins de l’indéchiffrable (« Me comprenne qui pourra, car je me comprends moi-même », dit-il dans sa ballata « Amor né tossa »), tout en manifestant aussi un goût pour le grotesque et l’obscène, une espèce de « monde à l’envers », comme l’a noté Maria Caraci Vela. Dans ce monde, les citations
français bibliques et les références sexuelles explicites coexistent, de même que les réunions de cardinaux et les divinités infernales, Dieu et la Fortune, la maladie et les prières, les papes, les diables, les barbiers, les chasseurs, les marchands, les femmes qui chantent dans le registre grave moquant un ténor amoureux, les proverbes, les dictons populaires, les expressions dialectales de toute sorte à côté d’énigmes hautement raffinées en latin, les jeux intertextuels entre musique et paroles, les mots écrits à l’envers, les textes trilingues, les fleurs et encres de couleur pour l’écriture, les fleurs-femmes et les proportions musicales, les figures mythologiques et toute une faune de coucous, étourneaux, corbeaux, grenouilles, souris, chats, loups, chiens, cochons, sans parler de tout un univers de fruits, légumes et produits variés qui se trouvent dans Cacciando per gustar. Cette caccia est déjà un monde en soi, un marché dans lequel Zacara semble vouloir représenter une société entière qui se consacre à acheter et vendre des marchandises de toute sorte, culminant dans un dialogue entre une prostituée et son client. On retrouve dans sa musique la même variété et la même imagination que dans ses textes. Il n’est donc pas surprenant que les chansons de Zacara, mais peut-être plus encore ses mouvements de messe, soient si amusants à chanter et à jouer. Et aussi, peut-on espérer, à écouter. La ballata est de loin le genre musical le plus représenté dans le catalogue de ses œuvres. Le célèbre codex Squarcialupi comporte des ballate avec des textes typiques sur le thème de l’amour sans retour. La musique de ces chansons, bien qu’elle soit souvent excellente dans son invention mélodique et son contrepoint, ne diffère pas considérablement du style musical des chansons de ses contemporains. Parmi elles, Sol mi trafigge est la seule à être présente aussi dans les codices de Modène et de Lucques : ce qui n’est pas pour surprendre, puisqu’elle se distingue musicalement des autres à plusieurs égards. Le codex de Lucques transmet un important groupe de ballate qui, dans leur caractère musical, sont presque l’opposé de celles du codex Squarcialupi. Bien qu’elles soient différentes les unes des autres, toutes se caractérisent par une musique et des paroles non conventionnelles, voire extrêmement originales. Elles mettent en scène le monde souvent énigmatique de Zacara évoqué plus haut. Elles portent sa signature, reconnaissable entre toutes. Il y a également un certain nombre de ballate provenant de sources mineures, mais non moins significatives, notamment les chansons autobiographiques comme Deducto sey et Dime, Fortuna, ou encore Be’llo sa Dio et State a Dio, toutes deux maintenant recouvrées grâce au travail de restauration numérique d’Andreas Janke. Les compositions polyphoniques de Zacara sur l’ordinaire de la messe sont les plus nombreuses de tout compositeur de l’Ars nova : sept Gloria et sept Credo. Le maître de Teramo y atteint sans doute le
français sommet de son art. L’invention mélodique et contrapuntique originale et audacieuse, déjà évidente dans ses chansons, est intégrée à une architecture de plus grandes proportions et à des formes musicales plus ambitieuses, donnant naissance à des mouvements de messe de plus grandes dimensions que ceux de ses contemporains. L’emploi régulier d’imitations, les grandes sections homorythmiques, les rythmes populaires, la fréquence des tierces contrapuntiques, quelques formes répétitives, l’écriture en divisi – tout cela semble préfigurer les nouvelles tendances de la musique européenne. Le manuscrit Q15, source majeure pour la musique sacrée de Zacara, transmet plusieurs Gloria et Credo appariés (Gloria « Fior gentil » – Credo « Deus deorum », Gloria « Gloria laus honor » – Credo III, Gloria « Micinella » – Credo « Cursor », Gloria « Rosetta » – Credo « Scabioso »). Comme le montrent les rubriques, bon nombre de ces Gloria et Credo sont des parodies de chansons – technique de composition qui allait reparaître sous différentes formes aux XVe et XVIe siècles. Zacara est le premier à l’employer, bien que, à la différence d’exemples ultérieurs, il ne cite que sa propre musique, mais de diverses manières. Le Credo « Scabioso » est construit autour d’une cellule mélodique et rythmique qui correspond aux mots « gratter comme un galeux et je n’ai pas la gale », d’où la rubrique « Scabioso » (scabieux, c’est-à-dire galeux). Le Credo « Deus deorum » doit son nom à la ballata Deus deorum Pluto, dans laquelle Zacara parle du dieu de l’argent, avec sa cour infernale, comme du « dieu des dieux ». « Credo in unum Deum » et « Credo Deus deorum » se recoupent dans le monde de Zacara. Le Credo « du Vilage » est d’un caractère répétitif inhabituel, avec une alternance entre les deux voix de cantus et le contrepoint instrumental animé. Le Gloria « Gloria laus honor » comporte un contratenor audacieux et virtuose auquel est confié le texte tropé. Le Credo III subsiste avec les extraordinaires diminutions du codex de Modène. Ce sont trois joyaux de ce répertoire. Pour ce projet, j’ai eu pour défi de reconstituer plusieurs œuvres de Zacara qui n’ont survécu que sous une forme incomplète, notamment le Credo I, dont seul subsiste le cantus, la ballata Amor né tossa, dont il reste tout le cantus et la moitié du contratenor, et D’amor languire, pour compléter la transcription partielle de Michael Scott Cuthbert. La reconstitution supposait un processus d’étude attentive d’œuvres comparables du compositeur et des sources originales de sa musique, avec les conseils experts des musicologues Jason Stoessel, Andreas Janke et Francesco Zimei. La musique de ce petit homme, qui n’avait pas même dix doigts en tout aux mains et aux pieds, excellent écrivain et miniateur, voyagea à travers toute l’Europe, plus que celle d’aucun de ses contemporains. Nous sommes heureux de contribuer à ressusciter son caractère visionnaire, son ironie et sa grande force vitale.
français zacara : un portrait par francesco zimei (istituto abruzzese di storia musicale) Antonio di Berardo di Andrea, dit Zàcara, est probablement né entre 1360 et 1364 à Teramo, ville italienne de la région des Abruzzes. Jusqu’en 1950 environ, Zacara n’était qu’une obscure figure du passé musical citée par quelques historiens locaux. Mais à partir de cette date, un intérêt croissant pour la musique de la Renaissance, ajouté à la découverte et la publication d’importantes sources de l’Ars nova italien, éveilla la curiosité des musicologues pour ce musicien, et surtout pour sa relation avec un certain nombre de noms similaires provenant de différentes traditions et sources. La résolution de ces noms en une identité unique se fit après la redécouverte de l’ancien obituaire de la cathédrale de Teramo, le Necrologium Aprutinum : « Zaccarias Teramnensis » y est décrit comme un compositeur extrêmement célèbre et un scribe élégant, de petite taille – d’où son sobriquet –, avec pas même dix doigts en tout entre ses mains et ses pieds. Le portrait illuminé du codex Squarcialupi fait précisément référence à ces difformités. La première mention du compositeur se trouve dans un contrat du 5 janvier 1390 avec les moines de l’Ospedale di Santo Spirito in Saxia à Rome, où « magistro Antonio Berardi Andree de Teramo, alias dicto vulgariter Zacchara » s’engage à enseigner la musique aux pensionnaires de l’hospice et de faire un antiphonaire enluminé pour la somme considérable de cent florins d’or. Dans le contrat, Zacara est dit « optimo perito et famoso camtore, scriptore et miniatore », c’est-à-dire « chanteur très habile et célèbre, scribe et enlumineur ». Il semble étrange qu’une personne avec de telles infirmités physiques, en particulier aux mains, ait décidé de travailler aussi comme enlumineur, une activité qui oblige à utiliser les doigts. Pourtant, cet indice nous permet de spéculer sur ses origines et sa formation. Au XIVe siècle, Teramo était renommé pour l’enluminure plus que pour ses traditions musicales. Ce qui laisse à penser qu’Antonio serait né dans une famille d’enlumineurs. On peut aussi penser qu’il partit pour Rome, peut-être avec sa famille, pour entrer dans l’un des nombreux ateliers de copie ouverts après le retour de la cour pontificale dans la ville en 1377. C’est seulement dans un tel environnement intellectuellement stimulant, peuplé d’artistes, de langages et d’expériences venus de toute l’Europe, qu’Antonio aurait pu trouver un terrain fertile pour cultiver ses talents. En juillet 1391, Zacara fut engagé par le pape Boniface IX comme scriptor litterarum apostolicarum. La lettre de nomination révèle qu’il était déjà actif comme chantre laïque dans la chapelle pontificale. Cette
français fonction l’amena à mettre au point une brillante technique de composition et peut-être à influencer le style de certains musiciens étrangers dont la présence à Rome est attestée dans les années 1390, notamment Micołaj Radomski, qui arriva de Pologne sans doute pour tirer avantage de l’extraordinaire jubilé de 1390, et Johannes Ciconia, alors attaché à la maison du cardinal Philippe d’Alençon, et dont les premières œuvres sacrées partagent souvent la prédilection de Zacara pour les passages divisi aux voix supérieures. Non moins séduisant est le langage des pièces profanes, généralement caractérisées par de multiples niveaux de signification, un fort arrière-plan autobiographique et – nouvelle preuve qu’elles sont d’un unique auteur – une étroite interdépendance entre texte et musique, dans une démarche créative qui va souvent au-delà de la convention formelle. Ainsi dans certaines ballate du codex de Lucques : le texte d’Aymè per tutto l’or (una da undici) décrit la notation de la pièce ; le texte de D’amor languire, suspirare e piangere la mi, la mi, la mi est hypermètre dans son ensemble, résultat d’un processus créatif dans lequel le poème et sa traduction musicale sont plus ou moins simultanés. Une telle densité d’expression était un outil parfait dans la dynamique culturelle d’une époque où le langage polysémique typique des Écritures, ainsi que l’emploi d’images et de symboles, étaient nécessairement mis au service d’un prophétisme militant visant à spéculer, à des fins politiques, sur le destin de la papauté et de l’ensemble du christianisme. Ces traits marquèrent spécifiquement l’œuvre de Zacara dans les années de son « exil » professionnel. Après avoir perdu son fils en bas âge lors d’une émeute (comme en témoigne le madrigal Plorans ploravi), ainsi que sa femme, manifestement, il entra en noviciat pour devenir ecclésiastique. Peu de temps après qu’il se fut joint à la sécession d’un groupe de cardinaux opposés au pape Grégoire XII, qui conduisit au concile de Pise (1409), il fut contraint de quitter ses fonctions à la curie romaine. Ce changement dans sa situation personnelle donna également naissance à un certain nombre de pièces sur le thème de la Fortune, dans lesquelles Antonio reproche à cet interlocuteur imaginaire et hostile d’être la vraie cause de son malheur. La première personne à soutenir Zacara à cette époque fut peut-être son concitoyen Giacomo Paladini, qui résidait à Santo Spirito in Saxia et était le secrétaire de la chancellerie pontificale lorsque le compositeur fut nommé scribe pontifical en 1391. Paladini était célèbre en son temps pour un pamphlet millénariste, Belial, sive Consolatio peccatorum, conçu comme un procès imaginaire intenté par Lucifer devant Salomon contre Jésus ressuscité. Belial représente une étonnante complainte sur le renversement des valeurs morales, et devint un modèle allégorique précis utilisé dans les vives controverses politiques et doctrinales qui éclatèrent à l’ombre du Grand Schisme. C’est dans l’optique de Belial qu’on peut
français comprendre la morose ballata Deus deorum Pluto, or te regratio, dans laquelle Zacara exprime de manière sarcastique sa gratitude à un certain nombre de puissances infernales, afin de contrer l’accusation d’avoir abandonné Grégoire XII par opportunisme. Ce n’est pas un hasard si Zacara se déclare désormais le serviteur d’une autre créature infernale : « Cacus Radamanto ». Un jeu de transposition phonétique et de quasi-équivalences entre lettres écrites (c = ç : m = ni) révèle le nom de son vrai maître : « D. Antonius Çacara ». Il sera donc simplement son propre serviteur. Les événements ultérieurs semblent donner raison au compositeur. La précarité de Zacara dura jusqu’en 1411, après deux années d’errance dans la suite de la nouvelle curie « pisane », soutenu par l’espoir que ses armées allaient bientôt reconquérir le Saint Siège. L’une des pièces les plus significatives à cet égard est la ballata Dime, Fortuna, poy che tu parlasti, dans laquelle Zacara regrette la mort soudaine, à Bologne, le 3 mai 1410, du pape Alexandre V. Alexandre semble avoir promis à Zacara de le rétablir dans ses fonctions de chantre pontifical dès que la papauté reviendrait à Rome. Cette éventualité illusoire transparaît également dans l’énigmatique ripresa de Un fior gentil m’apparse, « une gentille fleur m’apparut et disparut aussitôt ». Que représentait cette fleur ? Le véritable objet de sa frustration se cache dans le passage central : « O aspiratio [H] prima [A], / bina ne va per rima [MA/RI], / poy duy cenquante [LL], prima [A]. » Oh, Amarilla! Amaryllis est effectivement une fleur, mais c’est aussi la belle dame évoquée par le berger Tityre dans la première églogue de Virgile. Le Commentaire sur Virgile de Servius, que Pétrarque connaissait bien, voit en Amaryllis la personnification de Rome. Dans certaines pièces, Zacara exploite aussi son expérience d’enlumineur : ainsi dans la ballata Rosetta che non cangi may colore, où senhal désigne à la fois un colorant végétal utilisé pour l’enluminure et les effets de couleur comme ceux de la soie dite changeante. L’auteur semble célébrer le fait que, malgré son nom, la mystérieuse Rosetta ne change jamais de « couleur », autrement dit d’attitude. Il est donc significatif que le copiste du codex de Lucques, avec un procédé d’Augenmusik (« musique pour les yeux ») qu’on peut attribuer au compositeur lui-même, ait noté le changement de mètre au-dessus du texte « non cangi may colore » en notation blanche au lieu des notes rouges habituelles. Une telle aisance avec le monde des images rappelle les « drôleries » de la ballade latine Sumite karissimi, dans laquelle Zacara montre ses facultés figuratives en hybridant un certain nombre de représentations humaines et animales – avec des résultats monstrueux – et les figurations musicales correspondantes, soulignées par des syncopes exaspérées. Le résultat est une espèce d’acrostiche élaboré, où l’on est censé lire le mot reconmendatione, en relation avec sa récente nomination comme maître de chapelle du nouveau souverain pontife, Jean XXIII. Cette fois la pièce, dont la signature « Zacharias » souligne
français la latinisation humoristique de son sobriquet, s’adresse au collège des cardinaux (« patres ») et à ses collègues musiciens (« musici », « fratres »). Le texte est un défilé hyperbolique d’allusions prophétiques, avec des références significatives à l’antiquité romaine : la tête de Rémus (« capud de Remulo »), sur laquelle, selon le mythe fondateur de la ville, l’oracle a été accompli ; le consul (« idem de consule »), figure-clef en tant qu’il donnait à la communauté accès aux réponses augurales ; la mule (« de iumento ventrem »), capable de démasquer le faux prophète Balaam, comme le rapporte la deuxième épître de Pierre ; le tourbillon (« de gurgida pedem »), possible allusion à la Sibylle tiburtine, qui, selon Varron, était vénérée à Tivoli « iuxta ripas amnis Anienis, cuius in gurgite simulacrum eius inventum esse dicitur ». On retrouve la trace de la plupart des figures dans la littérature apocalyptique médiévale, dans la lignée des Vaticinia de summis pontificibus pseudo-joachimiennes, un recueil d’images de papes – avec des légendes conçues dans une langue délibérément obscure – à identifier sur la base des combinaisons allégoriques d’animaux et d’emblèmes mis à leurs côtés : un ouvrage visant à déplorer l’état de l’Église en ce temps-là, largement diffusé au moment du Grand Schisme dans le cercle de Jean XXIII. Il est intéressant de noter que, même au service de la nouvelle curie papale, Zacara continue d’utiliser un style « pythien » à ses propres fins plutôt que pour les besoins de la propagande officielle. On peut en conclure que cette caractéristique est devenue, pour ses contemporains, une espèce de marque de fabrique de son activité, indépendamment d’éventuelles commandes : près de cinquante ans après sa mort, on rapportait encore : « eius inventa pro oraculis habentur » (« ses inventions passent pour des oracles »). Sa seule chanson ouvertement « promotionnelle » connue jusqu’à présent est Le temps verrà tam-toust aprés, transmis par le codex Boverio de Turin. Le texte, écrit dans une langue hybride italo-française « œcuménique », fait référence au concile de Rome, convoqué par Jean XXIII le 29 avril 1411, mais avorté après une seule session le 10 février 1413. Même en célébrant la réunion tant espérée des deux obédiences, Zacara ne peut s’empêcher d’ajouter une digression autobiographique, culminant dans un dialogue imaginaire avec le souverain pontife « moral » qui serait élu pendant le concile – manifestement son employeur d’alors, Jean XXIII. Un tel recours significatif aux autocitations – qui revient par exemple dans Rosetta, dont les vers évoquent D’amor languire, et dans Spinato intorno al cor come spinoso (du codex de Lucques), qui comporte à la fois du texte et des incipits musicaux d’Un fior gentil et de Rosetta – est un témoignage crucial sur la popularité de Zacara. Elle nous conduit à penser qu’il était une personnalité largement reconnue par ses contemporains. Ces autoréférences eurent également des effets significatifs sur son œuvre sacrée : on ne peut exclure que le compositeur, qui avait tenu à « chanter » avec tant de succès sa vie et son œuvre, ainsi que ses
français orientations politiques et professionnelles, ait également été associé à la curie papale pour s’essayer – tel le porte-parole d’une célébrité – à un genre de propagande plus raffiné. Il est même plausible que ses choix les plus récents s’agissant de musique liturgique aient été la conséquence directe d’un tel comportement autoréférentiel : il suffit de considérer la thématique circulaire de ses Gloria « Fior gentil » et « Rosetta » dans le manuscrit Q15 de Bologne et de Spinato intorno al cor. Encore plus curieuse est la manière dont les œuvres profanes de Zacara pourraient avoir influencé l’appariement de ses mouvements de messe parodiques : l’appariement du Gloria « Rosetta » et du Credo « Scabioso » est sous-entendu par la relation intertextuelle des modèles profanes. De même, l’appariement du Gloria « Fior gentil » et du Credo « Deus deorum » pourrait reposer sur la conjoncture de la vie de l’auteur décrite dans les deux ballate modèles. Quoi qu’il en soit, il est certain que nous avons affaire à des œuvres toutes composées pour la chapelle de Jean XXIII. Cette phase de la carrière de Zacara dura jusqu’au début de juin 1413 : lorsque le pape quitta Rome pour échapper au siège du roi Ladislas de Naples, Zacara, pensant que cette absence était provisoire, décida de ne pas le suivre. Mais Jean XXIII ne revint jamais à Rome : il s’établit à Constance, assista au concile et fut détrôné avant l’élection de Martin V, en novembre 1417. Et Zacara ? Il était mort l’année précédente. Dans la ballata Deducto sey, sans doute sa dernière œuvre, il feint d’être moqué par la Fortune, qui lui reproche de ne pas avoir tiré parti de sa situation professionnelle. Il décida probablement de retourner dans sa ville natale de Teramo pour y passer ses dernières années, peut-être comme maître de chapelle de la cathédrale.
français quelques notes sur les styles musicaux de zacara par jason stoessel (historien de la musique, university of new england, australie) Les historiens ont parfois qualifié la musique d’Antonio Zacara da Teramo d’« étrange », de « bizarre », voire de « maniériste ». Pourtant, bon nombre des caractéristiques de son œuvre témoignent de l’extraordinaire attention du compositeur à la mise en musique du texte et d’une conscience croissante de sa propre identité musicale. Les répétitions textuelles et musicales soulignent les mots importants, établissant un précédent bientôt adopté par ses contemporains plus jeunes comme Johannes Ciconia (v. 1370-1412). Le goût pour la mesure binaire composée, les successions descendantes de tierces mélodiques, les syncopes prolongées, les figures mélodiques décoratives en petites notes et les rythmes proportionnels contrastants ne sont que quelques-unes des caractéristiques qui, considérées dans leur ensemble, définissent le style musical distinctif de Zacara. On mesure toute la portée du style musical novateur de Zacara dans ses chansons. Elles incarnent trois styles. Le premier est le style déclamatoire, dans lequel le texte est présenté simultanément dans deux ou plusieurs voix sur des rythmes similaires. Les chansons de ce style vont de textures homophones, comme dans Ciaramella, aux longues mélodies coulantes écrites sur une seule syllabe (mélismes), ponctuées par des sections contrastantes dans lesquelles chaque syllabe reçoit une seule note (écriture syllabique), dans Nuda non era. Certaines chansons, comme Benché lontan me trovi in altra parte, Be’llo sa Dio, Dicovi per certança, Ferito già, Movit’a pietade et Non voler, donna semblent constituer un ensemble caractéristique dans l’œuvre de Zacara, datant peut-être de sa jeunesse ou plus probablement de son emploi au sein de la chapelle de l’« antipape » Jean XXIII en réponse à une esthétique bien établie d’Italie centrale. Les datations proposées pour Dime, Fortuna (1410) et Le temps verrà (1412-1413) montrent que Zacara continua de cultiver ce style tard dans sa carrière. Nuda non era pourrait être l’élément le plus récent de ce groupe de chansons stylistiquement distinctes, car le début en est quasi identique à celui de Le temps verrà. Le style dialogique de Zacara consiste en l’énoncé progressif du texte d’une chanson réparti entre les différentes voix en imitation musicale, voire en brèves figures en écho qu’on appelle hoquets. Ce style a des précédents dans le genre de la caccia à partir du milieu du XIVe siècle et est directement imité dans
français l’unique caccia de Zacara qui subsiste, Cacciando per gustar. En imitation musicale stricte, ou canon, entre les deux voix supérieures, le texte de Cacciando rend les cris animés des colporteurs qui vendent leurs marchandises et l’agitation d’un marché, plutôt que les sons d’une chasse rustique souvent dépeints dans les cacce plus anciennes. Nel cucul présente aussi des passages en syllabes de chant d’oiseau sans signification sur des notes répétées qui imitent le style de la caccia. Par contraste, Zacara fait ressortir le jeu en dialogue de textes polyphoniques entre différentes voix dans D’amor languir, Donna poss’io sperare et Je suy navrès / Gnaff’a le guagnele. Les voix musicales différentes auxquelles sont confiées les phrases ou les vers d’un texte reflètent les changements de voix poétique dans ces chansons. Un troisième style mélange les deux premiers. State a Dio, Deducto sey et Deus deorum Pluto comportent ainsi des périodes de syllabes répétées en hoquet qui contrastent avec des phrases antérieures en style déclamatoire. Le style dialogique est de nouveau utilisé pour imiter les changements de voix poétique par le jeu entre différentes voix musicales. Le témoignage des sources et les lectures biographiques (notamment celles de Zimei) rattachent ces chansons à la politique de l’église schismatique entre 1408 et 1413 environ. La chanson autobiographique Plorans ploravi (voir Zimei ci-dessus), peut-être de quelques années antérieure, fait un usage abondant de syncopes et de gestes musicaux pour souligner les qualités émotionnelles de son texte. Elle fournit un lien stylistique avec l’unique expérience musicale de Zacara dans le style qu’on appelle ars subtilior, Sumite karissimi. Bien que Sumite intègre un niveau de syncope et de complexité sans précédent, on peut encore entendre la signature musicale du compositeur dans les passages déclamatoires contrastés avec des successions de tierces mélodiques descendantes et ponctués par des formules cadentielles répétées. Si certains historiens de la musique pensent que Sumite a été composé plus tôt, sa relation avec ce groupe d’œuvres dans le style mixte et les références textuelles à la chapelle papale correspondent plutôt à l’époque où Zacara était au service de la cour de Jean XXIII. Des révélations biographiques récentes étayent l’hypothèse selon laquelle Zacara serait le créateur de la technique dite de la parodie dans ses compositions sur l’ordinaire de la messe. Les diverses manières dont Zacara cite et adapte ses propres chansons dans ses pièces liturgiques témoignent de la profondeur de son expérimentation musicale et de ses auto-emprunts créatifs. Il commence son Gloria « Rosetta » par une longue citation des deux voix de Rosetta che non cançi mai. Avec les citations ultérieures (de nouveau à deux voix) entremêlées de passages nouvellement composés, il n’emprunte qu’environ deux tiers de sa chanson originale. La démarche de Zacara est similaire dans le Credo « Deus deorum », bien qu’il parvienne à une plus grande intégration de la musique nouvellement composée et des citations en bloc de sa propre chanson. Le Credo « Scabioso » illustre une conception entièrement différente. Zacara orne et développe librement de brefs motifs mélodiques reconnaissables provenant de sa
français chanson D’amor languire. Et sa démarche est encore différente dans son Gloria « Fior gentil ». Cette pièce commence telle une caccia avec des entrées en imitation de la mélodie empruntée au début de la voix supérieure de la chanson. D’autres citations sont entendues, mais non nécessairement dans l’ordre où elles apparaissent dans la chanson originale. La répétition de sections de musique, tels des refrains, dans son Credo II pourrait inciter à y voir un autre exercice d’autocitation fondé sur une chanson perdue, bien que des techniques similaires apparaissent dans son Gloria « Gloria laus honor » et des chansons comme Dime, Fortuna. Le réemploi par Zacara de sa propre musique – intrinsèquement tributaire de la notation musicale – se comprend mieux dans le contexte du phénomène d’intertextualité musicale à la fin du XIVe siècle. Zacara se distingue en réutilisant sa propre musique dans des proportions exceptionnelles au lieu de citer la musique d’autres compositeurs contemporains. Au-delà de ce mode autoréférentiel, Zacara recourt à un assortiment de techniques musicales pour parvenir à une cohérence stylistique dans ses autres compositions sur l’ordinaire. La plus courante, de loin, est l’emploi de motifs mélodiques unificateurs répétés pour ponctuer les fins de phrase dans les Credo II, Credo « du Vilage », Gloria « Ad ogne vento » et Gloria « Gloria laus honor ». La dernière de ces pièces fait usage aussi d’un cantus firmus répété – une mélodie de chant grégorien répétée à la voix inférieure –, contre laquelle les voix supérieures font entendre des mélodies variées. Bien que la plupart de ces pièces (avec l’austère Gloria « Micinella ») évoquent le style déclamatoire de Zacara, le Credo « Cursor » et le Gloria « Anglicana » sont plus proches de son style mixte. Les passages en brève imitation contrastent avec les passages en style déclamatoire. Le Gloria « Gloria laus honor » illustre plutôt le style dialogique du compositeur et comporte des passages en imitation ou en « appel et réponse » entre les voix, ainsi que des syncopes élaborées. Ce dernier Gloria a été apparié avec le Credo III. Dans cet enregistrement, on entendra le Credo III dans la version qui apparaît de manière unique dans un manuscrit compilé dans les milieux des papes schismatiques à Pise et à Bologne vers 1410 et qui est maintenant conservé à la Biblioteca Estense de Modène. Il comporte une voix supérieure magnifiquement ornée. Si l’incertitude demeure quant à l’auteur de cette version ornementée – peut-être représente-t-elle une tentative de notation d’une improvisation –, elle montre que les compilateurs du manuscrit de Modène cultivaient activement la musique de Zacara.
français LA RECONSTITUTION DES BALLATE BE’LLO SA DIO ET STATE A DIO DE ZACARA par andreas janke Exzellenzcluster « Understanding Written Artefacts », Université de Hambourg En 2015, deux autres ballate polyphoniques ont pu être ajoutées à l’œuvre bien connue du compositeur immensément fécond que fut Antonio Zacara da Teramo : Be’llo sa Dio et State a Dio. Toutes deux figurent dans le palimpseste de San Lorenzo, important manuscrit musical noté à Florence au début du XVe siècle. Toutefois, les plus de deux cents compositions qu’il contenait en ont été effacées vers la fin du siècle pour que le parchemin puisse être réutilisé. Il servit ensuite de registre de propriétés pour l’église San Lorenzo de Florence. Be’llo sa Dio et State a Dio sont tous deux préservés dans d’autres fragments. L’un, maintenant à Atri en Italie, a servi plusieurs fois à des reliures au XVe siècle, si bien que Be’llo sa Dio a été gratté et est aujourd’hui illisible. Le second fragment, maintenant à Pistoia en Italie, n’est pas non plus resté intact : des parties entières de State a Dio ont été découpées et ne sont plus préservées. Sans doute ces trois manuscrits n’ont-ils survécu que parce que le parchemin en a été réutilisé une fois le contenu musical jugé obsolète. Malgré ces origines précaires, les deux ballate ont pu être incluses dans cet enregistrement grâce aux techniques modernes de récupération d’écritures perdues telles qu’elles sont mises en œuvre par des membres de l’Université de Hambourg en Allemagne. Le palimpseste de San Lorenzo et le fragment d’Atri ont tous deux été photographiés avec un appareil multispectral. Cette méthode utilise deux types de lumière différents pour faire réapparaître jusqu’aux quantités infimes de résidus d’encre une fois la musique grattée, car les encres et les parchemins reflètent différentes informations selon la fréquence lumineuse. Les différences spectrales entre l’encre et le parchemin sont accentuées par des procédés statistiques. Ce qui résulte en des images dans lesquelles la musique effacée redevient lisible. On a ainsi pu reconstituer la ballata State a Dio en utilisant le palimpseste de San Lorenzo pour combler les portions coupées dans le fragment de Pistoia. La reconstitution de Be’llo sa Dio, en revanche, fut plus difficile, puisque certaines portions tant du palimpseste de San Lorenzo que du fragment d’Atri étaient trop endommagées. Heureusement, les lacunes respectives de chacun ont pu être comblées à l’aide de l’autre manuscrit.
français Bref, le fait que Be’llo sa Dio et State a Dio puissent être interprétés ici pour la première fois sous cette forme par l’ensemble La Fonte Musica est dû à une convergence fortuite de circonstances qui ont permis de préserver les textes illisibles jusqu’à ce qu’ils puissent être récupérés. L’imagerie multispectrale et un important travail de transcription nous permettent finalement de découvrir des facettes jusque-là inconnues de l’œuvre d’Antonio Zacara da Teramo. › MENU
why zacara? by michele pasotti “Great masters’ works are like suns that rise and set around us. The time will come for every great workthat is now waned” ENGLISH Ludwig Wittgenstein “Let the ones who can, understand me, since I understand myself” Antonio Zacara da Teramo Why record for the first time all the works of a single composer who today is still relatively unknown to music listeners? The first answer, plain and simple, is the only one I believe in: because it’s great music. It is music of the highest quality, which deserves to be better known, to be part of our shared experience, just like the works of a past great painter or a great architect are often part of the everyday landscape of our cities. The music of this Abruzzese-born master is a world whose variety, complexity, vastness constantly amaze and enthrall the listener. Wittgenstein’s epigraph at the beginning of this short essay encapsulates the motivation behind this project: to let the sun of Zacara’s music shine again. Medieval scribes wrote different forms of Zacara’s name in the manuscripts in which they copied his music. For this reason, music historians instead thought only a few decades ago that he was several different composers. Now it is clear that they point to the same person, maybe inhabited by many. With his nickname, originally derogatory, Zacara has an extraordinary relationship. No composer in all of medieval musical civilization has talked about himself so widely, no one has signed himself so obsessively in music. References to himself and his personal misfortune are often expressed in cryptic language, using a strange combination of mottos and riddles. Hence the title of this collection: Enigma Fortuna. In his secular songs Zacara constructs out of the depths of his imagination bizarre, closed texts that verge on indecipherability (“Understand me whoever can, since I understand myself” he says in his Ballata “Amor né tossa”), while also exhibiting a taste for the grotesque and obscene, a sort of “upside down world”, as Maria Caraci Vela has noted. In this world, biblical quotations and sexually explicit references coexist, as do gatherings of cardinals and infernal divinities, God and fortune, disease and prayers, popes, devils, barbers, hunters, merchants, women singing in the bass register mocking a tenor in love, proverbs,
popular mottos, dialectal expressions of all kinds running alongside highly refined enigmas in Latin, intertextual games between music and words, words written backwards, trilingual texts, flowers and colored inks for writing, women-flowers and musical proportions, mythological figures, and a fauna of cuckoos, starlings, crows, frogs, mice, cats, wolves, dogs, pigs, without mentioning the whole universe of fruit, vegetables, various goods that are found in Cacciando per gustar. This caccia is already a world in itself, a market in which it seems that Zacara wants to represent an entire society committed to buying ENGLISH and selling any goods and which culminates in a dialogue between a prostitute and a customer. This variety permeates Zacara’s secular songs and, perhaps even more so, his sacred music. Ballatas are by far the most numerous musical genre in this catalogue of works. The famous Squarcialupi Codex contains ballatas that feature typical texts on the theme of unrequited love. The music of these ballata, although often excellent in their melodic invention and counterpoint, do not differ dramatically from the musical style of songs by contemporary composers. Among these songs, Sol mi trafigge is the only one to be present also in the Modena and Lucca Codices: not surprisingly since it stands out musically from the others in several respects. The Lucca Codex transmits a large group of ballatas that in their musical character are almost the reverse of those in Squarcialupi. Although each one is different from the other, all of them are characterized by unconventional, indeed extremely original, lyrics and music. They stage the allusive, often enigmatic world of Zacara mentioned above. Here we read his unmistakable signature. There are also a number of ballatas from minor but no less significant sources. These include the autobiographical Deducto sey and Dime Fortuna or Be’llo sa Dio and State a Dio, that are now recovered thanks to the digital restoration work by Andreas Janke. Zacara’s surviving polyphonic settings of the Ordinary of the Mass are the most numerous of any Ars nova composer: seven Glorias and seven Credos. In them, the master from Teramo perhaps reaches the pinnacle of his art. The original and daring melodic and contrapuntal invention already characteristic of his secular songs is appropriated into an architecture of greater proportions and more ambitious musical forms, giving rise to mass movements more extensive in their scale than those of his contemporaries. The regular use of imitation, large homorhythmic sections, popular rhythms, frequency of contrapuntal thirds, some repetitive forms, the divisi technique seem to anticipate the new trends of European music. Manuscript Q15 in the International Museum and Library of Music in Bologna is a major source for his sacred music. It transmits several paired Glorias and Credos (Gloria ‘Fior Gentil’ – Credo’ Deus Deorum’, Gloria’ Gloria Laus Honor’ – Credo III, Gloria ‘Micinella’ – Credo’ Cursor’, Gloria’ Rosetta’ – Credo ‘Scabioso’).
As is evident from supplied rubrics, many of these Glorias and Credos are parodies of secular songs, a compositional technique that would resurface in various guises in the fifteenth and sixteenth centuries. Zacara is the first to use it, although unlike later examples he quotes only his own music but in various way. Credo ‘Scabioso’ is built around a melodic and rhythmic cell that corresponds to the words “scratch like a scabious and I have no scabies” hence the long misunderstood rubric ‘scabioso’. Credo ‘Deus Deorum’ owes its name to the Ballata Deus Deorum Pluto, in which Zacara defines the god of money ENGLISH with his infernal court, “god of the gods”. “Credo in unum Deum” and “Credo Deus Deorum” overlap in Zacara’s world. Credo ‘du Vilage’ contains unusual repetitiveness, alternation between the two cantus voices and the lively instrumental counterpoint. Gloria ‘Gloria Laus Honor’ features an audacious and virtuosic contratenor to which the troped text is entrusted. Credo III survives with the extraordinary diminutions of the Modena codex, are some of the gems of this repertoire. During this project I was occupied with the challenge of reconstructing several of Zacara’s works that only survive in an ncomplete state. These include Credo I, of which only the cantus remained, the Ballata Amor né tossa, of which the entire cantus and half of the contratenor remained, and D’amor languire, which completes the partial transcription by Michael Scott Cuthbert. Reconstruction involved a process of careful study of other integral works by the composer and the original sources of his music, with expert advice from musicologists Jason Stoessel and Francesco Zimei. The music of this small man, with less than ten fingers between his hands and toes, excellent in writing and illuminating, traveled throughout Europe, to an extent greater than any of his contemporaries. We are happy to contribute to bring back its visionariness, irony and great vital force.
zacara: an overview by francesco zimei (istituto abruzzese di storia musicale) Antonio di Berardo di Andrea, nicknamed Zàcara, was probably born between 1360 and 1364 in Teramo, a town in the central Italian Abruzzi region. Until about 1950, Zàcara represented a shadowy figure of the ENGLISH musical past reported by some local historians. After this date, a growing interest in the early Renaissance music, as well as the discovery and edition of important sources of the Italian ars nova, increased scholarly curiosity around this figure, especially his relationship to a handful of similar names belonging to different traditions and sources. The resolution of these names into a single identity occurred after the rediscovery of the old obituary of the Cathedral of Teramo, the Necrologium Aprutinum: ‘Zaccarias Teramnensis’ is described as an exceptionally successful composer and an elegant scribe, small in stature – the reason for his sobriquet – with only ten digits overall between his hands and feet. Most of these deformities are precisely referred to by the portrait illuminated in the Squarcialupi Codex. The first mention of the composer is found in a contract of 5 January 1390 with the friars of the Roman Ospedale di Santo Spirito in Saxia, where ‘magistro Antonio Berardi Andree de Teramo, alias dicto vulgariter Zacchara’, was required to teach music to the residents of the hospital and to make an illuminated antiphoner for the enormous fee of one-hundred gold florins. In the contract Zaccara is called an ‘optimo perito et famoso camtore, scriptore et miniatore’, that is, an excellent and expert singer, scribe and illuminator. It seems odd that a person with such severe physical disabilities, particularly of his hands, decided to work also as a bookpainter, a job in which the use of digits is unavoidable. Yet, this clue allows us to speculate on his origins and training. Teramo in the fourteenth century was renowned for illumination more than it was for its musical traditions. This fact suggests that Antonio was born into a family of illuminators. We may also speculate that he moved to Rome, possibly along with his relatives, to become a member of one of the many manuscript workshops formed in the wake of the return of the papal court to the city in 1377. Only in such an intellectually stimulating environment, peopled by artists, idioms, and experiences from all over Europe, could have Antonio found a fertile ground to cultivate his skills. In July 1391, Zàcara was hired by Pope Boniface IX as a scriptor litterarum apostolicarum. The letter of appointment reveals that he was already active as a lay singer in the papal chapel. This position led him to perfect a brilliant compositional technique and possibly to influence the style of some foreign musicians
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