ENQUÊTE L'industrie pharmaceutique - Supply Chain Magazine

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ENQUÊTE L'industrie pharmaceutique - Supply Chain Magazine
ENQUÊTE
      L’industrie pharmaceutique

                                                    ©ALLOGA

50   N°99 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2015
ENQUÊTE L'industrie pharmaceutique - Supply Chain Magazine
Prête à relever
           tous les défis
                      Recherche d’économies d’échelle, accroissement du BFR,
                      amélioration de la performance, lutte contre les ruptures,
                      sérialisation, e-commerce, etc. L’industrie pharmaceutique
                      se retrousse les manches pour relever ces nouveaux défis.

M
                   ême si le marché de              vant, les groupes pharmaceutiques se                 trielle, afin d’améliorer leur compétiti-
                   l’industrie pharma-              focalisaient essentiellement sur la R&D              vité, les laboratoires tendent à exter-
                   ceutique continue de             et la commercialisation. Désormais, la               naliser une partie de leur production
                   croître (voir encadré            Supply Chain capte toute leur attention.             (la moins stratégique), en cédant des
                   page 54), le ciel s’est                                                               usines à des façonniers. Parallèlement,
obscurci ces dernières années. « La                         Une complexification                         l’accès à certains marchés est condi-
pression sur les marges est très forte                             du contexte                           tionné par l’implantation ou la sous-
dans l’industrie pharmaceutique, en                 Les rapprochements de grands groupes                 traitance locale d’une partie de la
particulier sur les marchés matures, en             mondiaux (voir encadré page 52) ont                  production », développe Patricia Ver-
raison d’une baisse des prix de vente,              comme objectif d’atteindre une taille                riere-Cuenot, Partner chez Lasce Asso-
de la concurrence des génériques et des             critique, d’accélérer leur implantation              ciates. Les laboratoires mènent régu-
OTC [NDLR : Over The Counter, i.e.                  dans une zone géographique particu-                  lièrement des missions de schémas
produits de comptoir disponibles en                 lière, d’acquérir de nouvelles technolo-             directeurs industriels et logistiques.
vente libre]. En effet un nombre impor-             gies, de s’introduire dans un nouveau                « Nous sommes souvent sollicités dans
tant de blockbusters sont récemment                 domaine thérapeutique et bien entendu                le cadre de mission de rationalisation
tombés dans le domaine public et les                de réaliser des économies d’échelle. En              des flux entre les usines et les centres
Etats rationalisent les dépenses de                 outre, les sociétés ont recours de plus              de distribution régionaux et locaux :
santé. Les zones de croissance des pays             en plus à des compétences externes                   positionnement des hubs, nombre de
émergents sont elles-mêmes moins                    (sous-traitance), en particulier pour la             centres de distribution, etc. Il y aussi
dynamiques (Chine, Russie) ou même                  R&D (start-ups dans les biotechnolo-                 une demande très forte sur l’aspect
en récession (Brésil). Par ailleurs, les            gies, etc.) et la fabrication (externalisa-          exécution et optimisation des coûts
budgets en R&D explosent avec la quête              tion de la production chez des façon-                logistiques et de transport », précise
des molécules de demain. Sans oublier,              niers, etc.). Le façonnier Fareva a par              Guillaume Allemand.
l’inflation des budgets marketing pour              exemple repris de nombreux sites de
les produits OTC », détaille Guillaume              production de grands industriels                          Des défis Supply Chain
Allemand, Directeur Associé chez Cit-               comme Sanofi ou Pfizer. L’écosystème                 En amont de toute réflexion Supply
well. Le contexte oblige les acteurs à              ne cesse donc de se complexifier.                    Chain, les laboratoires étudient la seg-
travailler minutieusement l’équation                « Dans le cadre de leur stratégie indus-             mentation des marchés et la clarifica-
économique. « La Supply Chain est
devenue un sujet pour les laboratoires
bien que les coûts logistiques représen-
tent une faible part du coût total du
                                                                            Guillaume                                           Elisabeth
produit. Depuis quelques années, ils s’y                                    Allemand,                                           Auzanneau,
intéressent, d’une part pour réduire                                        Directeur Associé                                   Directeur Associé
leurs coûts, d’autre part pour améliorer                                    chez Citwell                                        chez Diagma
le service à l’hôpital et à l’officine »,
                                             ©CITWELL

                                                                                                   ©DIAGMA

observe Elisabeth Auzanneau, Direc-
trice Associée chez Diagma. Aupara-

                                                                                                  NOVEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°99       51
ENQUÊTE L'industrie pharmaceutique - Supply Chain Magazine
ENQUÊTE
      L’industrie pharmaceutique

     tion des politiques de service. La typo-
     logie de produits proposés s’est consi-
     dérablement diversifiée depuis 20 ans
                                                                                                Nicolas Gellé,                                                                      Patricia
     (OTC, génériques, etc.) et les marchés                                                     Directeur Associé                                                                   Verriere-Cuenot,
     (émergents, matures) se comportent                                                         chez Argon                                                                          Partner chez

                                                  ©ARGON CONSULTING

                                                                                                                                        ©LASCE ASSOCIATES
     différemment. « Il n’existe pas une                                                        Consulting                                                                          Lasce Associate
     seule logistique (produits de masse,
     produits de niche, clients livrés en
     direct ou via des répartiteurs, livraison
     en température dirigée, développement                        réseaux de distribution ou de démarche                                                    tion des temps de cycle sont au cœur
     du business on-line, etc.). Le premier                       Lean pour, par exemple, réduire les                                                       des attentions des usines et des centres
     défi consiste à adapter les réponses                         cycles et les stocks d’en-cours indus-                                                    logistiques. Guillaume Allemand ajoute
     logistiques aux différents segments et                       triels », explique Nicolas Gellé. Le Lean,                                                à propos des stocks : « Certains labora-
     services attendus », confirme Nicolas                        sujet historiquement absent de l’indus-                                                   toires, parmi les plus importants au
     Gellé, Directeur Associé chez Argon                          trie pharmaceutique, tourne aujourd’-                                                     monde, manifestent leur intérêt pour le
     Consulting. Sans pour autant être en                         hui à plein régime. L’amélioration de la                                                  DDMRP [NDLR : Demand Driven MRP]
     opposition avec ce principe de seg-                          performance opérationnelle et la réduc-                                                   et qualifient actuellement l’opportunité
     mentation, les laboratoires sont en                                                                                                                    de se lancer ».
     quête d’économies d’échelle. « Nous
     sommes sollicités dans le cadre de                                                                                                                                La sérialisation,
     fusion-acquisition et de mutualisation                                                                                                                              pour bientôt
     des moyens Supply Chain (entreposage,                                                                                                                  D’autres défis ont récemment vu le
     préparation de commandes, transport,                                                                                                                   jour. C’est le cas de la lutte contre les
     équipes d’approvisionneurs, etc.). L’étape                                                                                                             ruptures, enjeu majeur pour la profes-
     suivante pourrait être la recherche de                                                                                                                 sion (voir encadré page 55). Peuvent-
     synergies entre acteurs du secteur,                                                                                                                    elles inciter les laboratoires à inter-
     comme ce qui existe dans les PGC                                                                                                                       naliser leur logistique et leur distribu-
     [NDLR : Produit de Grande Consom-                                                                                                                      tion ? Bien que la maîtrise de la distri-
     mation] depuis plusieurs années (poo-                                                                                                                  bution soit une notion séduisante et
     ling) », commente Elisabeth Auzanneau.                                                                                                                 susceptible de permettre aux labora-
     Les stocks sont aussi un défi important                                                                                                                toires de se rapprocher du client final,
     pour cette industrie. Le pilotage des                                                                                                                  force est de constater que l’équilibre est
     flux devient donc plus critique. « Les                                                                                                                 maintenant relativement stable entre
     stocks représentent 40 à 50 % du coût                                                                                                                  distribution directe des laboratoires
     de la Supply Chain en termes d’immo-                                                                                                                   aux officines et distribution via les
                                                                                                                    ©FRESNEL6-FOTOLIA

     bilisation ou d’obsolescence. Nous réa-                                                                                                                grossistes répartiteurs (voir interview
     lisons des missions de fiabilisation                                                                                                                   page 58). Les laboratoires ne disposant
     des prévisions, de rationalisation des                                                                                                                 pas des moyens nécessaires pour livrer

                                                                           Un secteur atomisé
       Le Leem (Les entreprises du                                     Les 10 premières entreprises pharmaceutiques mondiales en 2014
       médicament) rappelle que                                            Chiffre d'affaires                                                                              PFHT            Part
       les laboratoires ont été contraints                                                                                                                               (en Md$)       de marché
       par la crise financière de 2009
                                                                      1    NOVARTIS                            Suisse                                                       50           5,5 %
       de trouver des sources d’économie
       au travers notamment d’opérations                              2    PFIZER                              États-Unis                                                   44           4,8 %
       d’acquisition. Néanmoins, malgré                               3    SANOFI                              France                                                       39           4,3 %
       ces récentes mégafusions,                                      4    ROCHE                               Suisse                                                       36          4,0 %
       l’industrie mondiale du médicament                             5    MERCK & CO                          États-Unis                                                   36           4,0 %
       demeure peu concentrée par rapport                             6    JOHNSON & JOHNSON                   États-Unis                                                   36           4,0 %
       à d’autres secteurs d’activité.                                7    ASTRAZENECA                         Royaume-Uni                                                  33           3,6 %
       En effet, les 5 premiers groupes                               8    GLAXOSMITHKLINE                     Royaume-Uni                                                  31           3,4 %
                                                                                                                                                                                                    SOURCE : IMS H EALTH

       représentent 22,5 % du marché                                  9    TEVA                                Israël                                                       25          2,7 %
       mondial, contre 40 % dans                                      10   GILEAD                              États-Unis                                                   24           2,6 %
       l’informatique, 50 % dans l’automobile                              10 premiers laboratoires                                                                        354          38,9 %
       et 80 % dans l’aérospatial. ■
                                                                               SOURCE : B ILAN ÉCONOMIQUE DES ENTREPRISES DU M ÉDICAMENT - ÉDITION 2015

52   N°99 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2015
ENQUÊTE L'industrie pharmaceutique - Supply Chain Magazine
2 fois par jour les officines, la livraison   3 ans pour se mettre en conformité. Les           Supply Chain Clinique est une Supply
directe se limite à de gros volumes de        fabricants téléchargeront les numéros de          Chain singulière. En effet, les moyens
produits dont les besoins en matière          série dans une base de données euro-              de production sont souvent différents
de fréquence de réapprovisionnement           péenne. Lorsque le pharmacien dispen-             de ceux utilisés dans la phase indus-
sont plus espacés (plusieurs jours). Par      sera une boîte de médicaments, il fla-            trielle, les sources d’approvisionne-
ailleurs, la sécurisation du sourcing est     shera le code DM et son numéro de série           ments varient aussi, notamment pour
un levier fort pour lutter contre les rup-    sera vérifié dans la base. Les labora-            les placebos et les comparateurs, et les
tures (voir interview page 56). Autre         toires équipent actuellement leurs lignes         points de livraison ne correspondent
sujet très en vogue, la sérialisation.        de conditionnement pour générer, impri-           pas à ceux de la Supply Chain com-
Depuis 2011, les boîtes de médicaments        mer et enregistrer un DM unique par               merciale. L’enjeu est de piloter cette
sont équipées d’un code DataMatrix            boîte. L’un des enjeux pour les indus-            Supply Chain aussi efficacement que la
(DM) intégrant l’identifiant du médica-       triels est de ne pas dégrader la produc-          Supply Chain industrielle ». Comment
ment, le numéro de lot de fabrication         tivité des lignes de production », com-           ne pas évoquer non plus la question du
et sa date de péremption. Avec la séria-      plète Patricia Verriere-Cuenot. Si, au-           e-commerce qui pourrait s’avérer être
lisation, l’étiquetage, apposé sur la         delà de la lutte contre les contrefaçons,         une opportunité ou un risque réel en
boîte, ira un cran plus loin en intégrant     les autorités publiques décident de met-          devenant un accélérateur de contrefa-
aussi un identifiant unitaire, standar-       tre en place la traçabilité totale à la boîte     çon… Les barrières à l’entrée sont telles
disé et aléatoire. Même si les enjeux en      sur toute la chaîne, la Supply Chain              que le sujet reste encore confidentiel en
France sont heureusement faibles, la          devra alors relever un nouveau défi.              France (voir encadré page 54). Néan-
lutte contre la contrefaçon est le pre-                                                         moins les laboratoires gardent pieuse-
mier objectif de ce dispositif, par ail-              Bien d’autres enjeux                      ment le sujet dans un coin de leur tête.
leurs déjà en place dans certains pays        Patricia Verriere-Cuenot évoque égale-            Autre défi notable pour l’industrie
du monde (Chine, Turquie, Brésil et           ment le sujet de la Supply Chain Cli-             pharmaceutique : la santé connectée
Inde). « Après publication au Journal         nique : « A l’heure ou le délai de mise           (voir encadré page 54). L’avenir s’an-
Officiel de l’Union Européenne (au plus       sur le marché est stratégique, l’effica-          nonce décidément chargé ! ■
tard début 2016), les pays auront             cité de la phase clinique est clé. La                                    BRUNO SIGUICHE

                                                                                              NOVEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°99   53
ENQUÊTE L'industrie pharmaceutique - Supply Chain Magazine
ENQUÊTE
      L’industrie pharmaceutique

                                                    L’e-commerce en France soumis
                                                     à une stricte réglementation…
                             Est-il possible d’acheter ses médicaments en           leurs, cette pratique, strictement encadrée par le
                             ligne ? Depuis le 2 janvier 2013, les pharmaciens      code de la santé publique, n’est admise que pour
                             établis en France, titulaires d’une pharmacie d’of-    les médicaments non soumis à prescription obli-
                             ficine ou gérants d’une pharmacie mutualiste ou        gatoire, c’est-à-dire pouvant être obtenus sans
                             d’une pharmacie de secours minière, peuvent            ordonnance. Selon l’OMS (Organisation Mon-
                             vendre des médicaments sur Internet. Ces phar-         diale de la Santé), dans plus de 50 % des cas, les
                             maciens doivent obtenir l’autorisation de l’agence     médicaments achetés sur des sites illégaux qui dis-
                             régionale de santé (ARS) dont ils dépendent avant      simulent leur adresse physique se sont révélés
                             d’ouvrir un site de commerce en ligne de médi-         contrefaits. D’où une certaine prudence en
                             caments. Les laboratoires pharmaceutiques et les       France… ■ BS
                             distributeurs n’y sont donc pas autorisés. Par ail-

                                                    … Quid 10.000 km plus à l’Est ?
                             Le Boston Consulting Group prévoit que le mar-         sans ordonnance peuvent être vendus en ligne
                             ché de la santé digitale en Chine pourrait passer      mais cela devrait probablement évoluer d’ici peu.
                             de 3 Md$ en 2014 à 110 Md$ en 2020. La digi-           La possibilité d’autoriser la vente en ligne des
                             talisation du système de santé, actuellement en        médicaments vendus sur ordonnance est en effet
                             cours (prise de rdv médicaux en ligne, consulta-       à l’étude. Les grandes entreprises digitales saisis-
                             tion à distance, distribution de médicaments, etc.),   sent cette opportunité, comme Alibaba qui se
                             permet de désengorger progressivement les ser-         lance sur le marché de la santé avec des pharma-
                             vices médicaux. Ce mouvement est donc large-           cies accessibles en ligne. Les acteurs traditionnels
                             ment soutenu par les autorités qui modifient           de la santé ne sont pas en reste. Shanghai Phar-
                             l’environnement réglementaire de façon à le ren-       maceuticals s’est par exemple allié avec l’e-com-
                             dre plus favorable à l’émergence de cette digitali-    merçant Jing Dong pour créer sa plate-forme de
                             sation. A l’heure actuelle, seuls les médicaments      commerce en ligne. ■ BS

                 La santé                                                Un marché en croissance
                connectée                              Dans son édition 2015 des chiffres clés 2014 de l’industrie du médicament,
      Fin août, Sanofi a annoncé la mise en            publiée en juillet 2015, le Leem (Les entreprises du médicament) évalue le
      place d’une collaboration avec la divi-          marché mondial du médicament en 2014 à environ 900 Md$ de chiffre d’af-
      sion life Sciences de Google dans le             faires (contre moins de 200 Md$ en 1990), en croissance de 8,8 % par rap-
      domaine du diabète.                              port à 2013. Le rapport révèle que le marché américain (États-Unis) reste le
      « La Division Sciences de la vie de              plus important, avec 41 % du marché mondial, loin devant les principaux
      Google peut nous aider à améliorer l’ex-         marchés européens (Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni et Espagne) qui
      périence du patient et ses résultats cli-        réalisent 17 %, le Japon 8 % et les pays émergents (Chine et Brésil) 11 % de
      niques, et à gérer plus efficacement les         part de marché. Le Leem souligne que pour la première fois, la Chine occupe
      dépenses de santé », explique Pascale            la 2e place mondiale
      Witz, VP Exécutif de Sanofi. L’analyse           (8,4 %), au détriment           Le marché pharmaceutique mondial
                                                                                         par zone géographique en 2014
      des données en temps réel issues de la           du Japon. Par ailleurs,                    En prix producteur
      vie des patients est devenue un enjeu            la France (3,9 %) est
                                                                                         Amérique Latine          3,3% Turquie,
      majeur pour les laboratoires. Un an              le 2e marché euro-
                                                                                                                       Moyen-Orient
      auparavant, Google avait déjà signé un           péen derrière l’Alle-          Asie                             et Eurasie
                                                                                                       5,9%
      accord avec Novartis pour mettre au              magne (5,0 %). ■ BS       Pacifique
                                                                                                 23%                   1,20 Afrique
      point des lentilles de contact « intelli-        SOURCE :
      gentes » capables de mesurer en                  BILAN ÉCONOMIQUE
                                                       DES ENTREPRISES
      continu la glycémie des diabétiques.             DU MÉDICAMENT     -
                                                                                                                                      SOURCE : IMS H EALTH

      Sans oublier, l’alliance en janvier avec le      ÉDITION 2015                          23%
                                                                                                                         Amérique
      laboratoire Biogen pour étudier les fac-                                      Europe                43,6%          du Nord
      teurs déterminant la progression de la
      sclérose en plaques. ■ BS

54   N°99 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2015
ENQUÊTE L'industrie pharmaceutique - Supply Chain Magazine
Alerte aux ruptures !
44 en 2008, 173 en 2012, et plus de 200 en 2013, ces chiffres publiés par l’ANSM (Agence
Nationale de Sécurité des Médicaments) correspondent aux ruptures et aux risques de rup-
ture en produits indispensables. Entre septembre 2012 et octobre 2013, l’ANSM a répertorié
324 ruptures de stock et 103 risques de ruptures de médicaments indispensables et moins
indispensables. Pour mieux appréhender l’ampleur du phénomène, le Leem (Les entreprises
du médicament) a mené une enquête qui rappelle que 60 à 80 % des matières premières
sont actuellement fabriquées hors de l’UE, contre 20 % il y a 30 ans. Selon l’EMA (Agence
européenne du médicament), la Chine et l’Inde produisent respectivement 52,9 % et 22,2 %
des principes actifs pharmaceutiques. Cette externalisation massive de la production et des
matières premières participe à la fragmentation de la chaîne et à l’accroissement des risques.
A cela, s’ajoutent l’augmentation de la demande mondiale émanant des pays émergents (ten-
sion sur les fournisseurs, etc.) et un phénomène de concentration de la production de médi-
caments (entre quelques sites de fabrication, voire un seul). Par ailleurs, les exportations
parallèles de médicaments à destination de marchés plus lucratifs peuvent placer le marché
français dans une situation de pénurie. En outre, compte-tenu des longs délais des cycles
industriels, un défaut de qualité dans un lot de plusieurs centaines de milliers de boîtes peut
paralyser la chaîne de production du médicament, les stocks de sécurité ne pouvant pas tou-
jours couvrir les variations brutales de consommation. La qualité de la prévision reste clé dans
la planification de la chaîne du médicament. Les industriels multiplient actuellement les ini-
tiatives pour faire face à ce fléau : constitution de stocks de sécurité, recherche de fournisseurs
alternatifs pour les matières premières actives concernées, sites de back up pour la fabrica-
tion des médicaments, etc.
(source : Leem - Enquête rupture de stock et d’approvisionnement - édition 2014)

         Répartition en % des causes de ruptures de médicament
   Retrait du certificat de conformité                                Approvisionnement matière première
                       à la pharmacopée
                                                                      ou excipient (production, livraison)
             Autres changements                      16%
       Disponibilité des articles            1%
          de conditionnements
                                            2%                               Production : technique, qualité,      SOURCE : LEEM - SEPTEMBRE 2012/OCTOBRE 2013
             suite à modifications         8%                                analyse, recontrôle à l’importation
               Délais d’approv.            3%         Causes       33%
              des changements              1%          des
                                                     ruptures
            de sites de fabrication         6%
      Gestion interne de stocks                                                    Arrêt commercialisation
                                                                 2%                (problème qualité, rappel)
  Rupture de stock d’un concurrent                   28%
                                                                           Augmentation des ventes
                                                                           capacités industrielles insuffisantes

     Identification des points de ruptures tout au long de la chaîne
                                                                                                                   SOURCE : LEEM

                                                                                        NOVEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°99                             55
ENQUÊTE L'industrie pharmaceutique - Supply Chain Magazine
ENQUÊTE
           L’industrie pharmaceutique

                                                                          Régis O’Mahony
                                                Senior Director, Supply Chain chez Laboratoire Aguettant
                           « L’enjeu N°1 est la sécurisation du sourcing »
                      Le laboratoire Aguettant ne manque pas de projets : lean, internationalisation, sérialisation, etc. Mais la priorité de
                      son Directeur Supply Chain est de sécuriser le sourcing.

                      Supply Chain Magazine: Présentez-                                                                                         R.O’M : Les mouvements de déloca-
                      nous votre société et ses activités…                                                                                      lisation en Asie qui ont effectivement
                      Régis O’Mahony : Aguettant est un                                                                                         eu lieu il y a 15 ans correspondaient
                      laboratoire pharmaceutique indépen-                                                                                       à l’arrivée des génériques. Nous
                      dant spécialisé dans l’injectable (les                                                                                    constatons une inversion du balancier
                      formes liquides injectées en intravei-                                                                                    depuis maintenant 2 ans, jusqu’à ren-
                      neuse ou intramusculaire). Nos produits                                                                                   contrer des limites de capacités
                      sont utilisés dans plusieurs domaines                                                                                     industrielles en Europe. Chez Aguet-
                      d’activité : les médicaments d’urgence,                                                                                   tant, nous favorisons depuis l’origine
                      la neurologie, la nutrition et les solu-                                                                                  les sources européennes pour juste-

                                                                                                                       ©LABORATOIRE AGUETTANT
                      tions (pour perfusion, irrigation, rinçage,                                                                               ment mieux contrôler la chaîne d’ap-
                      etc.). Laboratoire intégré, toutes les                                                                                    provisionnement. Nous sommes
                      fonctions sont actives : R&D, Market                                                                                      néanmoins obligés de nous approvi-
                      Access, Business, Production, Supply                                                                                      sionner pour quelques produits en
                      Chain, etc. Notre CA s’élève à plus de                                                                                    Chine ou en Inde pour des sources
                      106 M€ pour près de 500 personnes.                 stock. Néanmoins, l’aspect fondamental                                 mondiales uniques. Le risque est alors
                      Notre siège est basé à Lyon, nos usines            est que le médicament soit au service du                               forcément plus important.
                      à Lyon et en Ardèche, nos sous-traitants           patient. Le secteur souffre d’un déficit
                      partout en Europe et nous disposons de             d’image qui a été amplifié par des scan-                               SCMag : Que faites-vous pour
                      filiales à l’étranger (Belgique, Alle-             dales. L’industrie pharmaceutique doit                                 pallier ce risque ?
                      magne, Angleterre, Asie et très prochai-           en conséquence démontrer sa rigueur et                                 R.O’M : Nous développons des doubles
                      nement Espagne et Italie). Nous avons              son professionnalisme. Notre premier                                   sourcings pour disposer d’une alterna-
                      la volonté de nous internationaliser               objectif est de garantir une qualité sans                              tive en cas de besoin. Par ailleurs, nous
                      notamment en nous développant sur le               faille des produits et prévenir tout risque                            définissons nos politiques de stocks en
                      marché nord-américain.                             de rupture pour les patients. Au-delà de                               fonction des cas et bâtissons des parte-
                                                                         nos engagements contractuels avec nos                                  nariats long terme avec nos fournis-
                      SCMag : Dans quel contexte s’inscrit               clients, nous avons un engagement                                      seurs. Nous menons par exemple avec
                      le secteur pharmaceutique ?                        moral. L’enjeu N°1 est donc la sécurisa-                               eux des projets de développement com-
                      R.O’M : Le secteur évoluant dans un                tion du sourcing.                                                      mun ou d’élargissement de notre coo-
                      contexte concurrentiel, les défis con-                                                                                    pération (sur d’autres produits, etc.).
                      sistent évidemment à réduire les coûts             SCMag : Cet enjeu n’est-il pas
                      opérationnels, améliorer le taux de                antagoniste du mouvement suivi par                                     SCMag : Quels sont vos autres axes
                      sevice tout en optimisant le niveau de             les fabricants de principes actifs ?                                   de travail ?
 ©LABORATOIRE AGUETTANT

                                                                                                                                          Entrepôt central du Laboratoire Aguettant

56                        N°99 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2015
ENQUÊTE L'industrie pharmaceutique - Supply Chain Magazine
R.O’M : Les cycles dans le secteur         l’autorisation de mise sur le marché         Chaque pays a aussi ses spécificités
pharmaceutique sont très longs. Nous       d’un médicament contient nécessai-           réglementaires locales, ce qui néces-
devons donc être capables de prévoir       rement toutes ses caractéristiques           site des packagings différents. Cet
et planifier très longtemps en avance.     dont une description très précise du         aspect complexifie tous nos projets
Pour prévenir les difficultés à venir et   sourcing. En cas d’aléa sur cette            internationaux, impacte les coûts et
opérer les éventuels changements à         source, l’autorisation de mise sur le        pousse vers la différenciation retardée.
effectuer, nous étudions des horizons      marché est impactée. Les industriels
à 36 mois. Nous nous appuyons sur          disposent donc de peu de souplesse.          SCMag : Comment appréhendez-
le processus standard du S&OP,             En cas de défaillance du fournisseur,        vous la sérialisation ?
actuellement en cours d’élaboration.       il faudra alors en changer et, pour          R.O’M : La sérialisation est déjà
                                           cela, réaliser au préalable des études       active aujourd’hui dans certains pays,
SCMag : Quels types de projets             puis agréer la nouvelle matière et le        en Chine notamment. Nous sériali-
menez-vous dans vos entrepôts ?            fournisseur. Ces processus sont longs        sons déjà une partie de la production
L’automatisation est-elle à l’étude ?      et si le temps disponible pour réagir        destinée à ce pays. Chaque pays aura
R.O’M : Non car je considère que           à un incident n’est que de quelques          ses propres exigences et ses particu-
l’automatisation devient rapidement        mois, cela peut générer des ruptures.        larités. En Chine par exemple, ce sont
un système de rigidification au cours      D’où l’importance de sécuriser son           les autorités chinoises qui envoient
du temps. En revanche, nous menons         sourcing.                                    les numéros. Il s’agit donc d’un vrai
des projets lean sur les opérations                                                     projet car l’impact économique est
pour améliorer l’efficacité (optimisa-     SCMag : Quels sont les enjeux                réel. Notre système d’information doit
tion du picking, etc.).                    Supply Chain de l’internationalisa-          être capable de supporter ces con-
                                           tion de votre société ?                      traintes et de suivre au niveau de
SCMag : Comment expliquez-vous             R.O’M : L’enjeu critique de l’interna-       chaque boîte toutes les opérations. ■
la hausse des ruptures                     tionalisation est de trouver le bon par-                    PROPOS RECUEILLIS PAR
de médicaments en France ?                 tenaire et de pouvoir contrôler toute                             BRUNO S IGUICHE
R.O’M : Une des raisons peut être que      la chaîne (pharmacovigilance, etc.).

                                                                                      NOVEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°99   57
ENQUÊTE L'industrie pharmaceutique - Supply Chain Magazine
ENQUÊTE
      L’industrie pharmaceutique

                    Jean-Pierre Houssin
                     Directeur des Opérations d’OCP
          « Nous avons commencé à spécialiser
       notre SC pour traiter de manière spécifique
               les catégories de produits »
     Avec la baisse du prix des médicaments, la croissance des génériques et l’émergence du canal de livraison direct, les
     grossistes-répartiteurs connaissent des moments difficiles. OCP, le leader du marché, nous confie son analyse.

     Supply Chain Magazine: En quoi                                                               7,4 Md€ pour les hôpitaux. Le CA des
     consiste l’activité d’OCP ?                                                                  officines est en baisse depuis 3 ans en
     Jean-Pierre Houssin : OCP (groupe                                                            raison des mesures d’économies enga-
     Celesio) est un distributeur de produits et                                                  gées par les autorités politiques sur les
     de services de santé (médicaments, dis-                                                      médicaments. Ces mesures encoura-
     positifs médicaux, produits de paraphar-                                                     gent aussi la croissance du marché du
     macie). Nous avons plus de 835 four-                                                         générique. La distribution du médica-
     nisseurs référencés dont 250 labora-                                                         ment vers l’officine passe très majori-
     toires pharmaceutiques (36.000 pro-                                                          tairement par les répartiteurs (environ
     duits référencés dont 11.700 médi-                                                           80 % en CA), mais certains labora-
     caments). Nous livrons 14.000 officines                                                      toires distribuent aussi leurs produits
     en France métropolitaine sur les 21.700                                                      en direct (environ 20 % en CA et 35 %
     au total, soit deux tiers du marché,                                                         en volume).
     ainsi que 2.000 pharmacies d’établis-
     sements de santé. Nous avons une part                                                        SCMag : En quoi consistent
     de marché de 34,2 %. Notre CA en                                                             ces 2 modes de distribution ?
                                                                                           ©OCP

     2014 était de 6,4 Md€. Nous livrons                                                          J-P.H : En France, la part du direct,
     plus de 2 M de produits chaque jour.                                                         dynamisé notamment par les géné-
     Ces produits sont distribués depuis un         SCMag : Quelle est la situation               riques, est sensiblement plus élevée
     réseau de 43 établissements de proxi-          du secteur pharmaceutique                     que dans les autres pays européens
     mité et d’une plate-forme nationale            en France ?                                   (20 % en volume en moyenne). Le
     basée à Roissy qui gère notre catalogue        J-P.H : Le CA du marché du médica-            marché du direct s’appuie sur des
     complet. Nous disposons aussi d’une            ment en 2014 représente 27,9 Md€              conditions commerciales attrayantes.
     centrale d’achat pharmaceutique.               en France : 20,5 Md€ sur la ville et          Les laboratoires proposent en direct

                                                                                                                                              ©OCP

       Chambre froide chez OCP

58   N°99 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2015
ENQUÊTE L'industrie pharmaceutique - Supply Chain Magazine
majoritairement des produits à forte
rotation et des produits non rembour-
sables. Les répartiteurs offrent de
réapprovisionner l’officine 2 fois par
jour, le mode direct livre de plus
grandes quantités mais 1 à 2 fois par
mois. La répartition est capable de
livrer au fil de l’eau alors que le mode
direct oblige le pharmacien à stocker
sur des périodes plus longues. Il est
plus contraint au niveau de sa Supply
Chain (immobilisation de stocks en
officine, gestion des invendus, back
officine nécessaire pour gérer les com-
mandes et contrôler les factures, etc.).
Bien que le marché de la livraison
directe ait fortement crû les 10 der-
nières années, nous observons une
légère inversion de cette tendance
depuis un an.

SCMag : A quelles difficultés
se heurtent actuellement
les grossistes-répartiteurs ?
J-P.H : Nous sommes rémunérés en

                                                                                          ©OCP
                                                             Circuit caisses chez OCP
fonction du coût du produit : de

                                           NOVEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°99    59
ENQUÊTE
      L’industrie pharmaceutique
 ©OCP

         Quai de livraison OCP

     0,30 € la boîte pour les produits les                                                               outre centralisé le pilotage des appro-
     moins chers à 30 € pour les plus oné-                                                               visionnements et investi dans une
     reux (plus de 450 €). Notre marge                                                                   couverture de stock pour assurer une
     étant calculée en fonction du prix des                                                              meilleure disponibilité. Nous avons
     produits, nous sommes directement                                                                   également engagé avec les labora-
     impactés par les baisses de prix des                                                                toires un travail de collaboration (par-
     médicaments engagées par l’Etat.                                                                    tage de KPI, définition d’objectifs SC
     La CSRP (Chambre Syndicale de la                                                                    communs, etc.). Pour aller plus loin, il
     Répartition Pharmaceutique) alerte                                                                  faudra sans doute une innovation de
     régulièrement le gouvernement à ce                                                                  rupture, quelque chose qui permette
     propos. Entre 2008 et 2013, notre                                                                   de rendre le modèle beaucoup plus
     marge commerciale a perdu 17 %, ce                                                                  simple et réactif. Nous avons com-
     qui correspond à une perte de 0,03 €                                                                mencé à y travailler.
     par boîte de médicament. A la perte
     de marge, s’ajoute la baisse de CA et                                                               SCMag : De quelle manière
     des volumes liée au canal de livraison                                                              serez-vous impactés
     direct. Nous tentons donc de proposer                                                               par la sérialisation ?
     des offres commerciales plus compéti-                                                               J-P.H : La sérialisation est un sujet
     tives pour récupérer une partie de ces                                                              européen engagé pour relever le défi
     volumes. Notre centrale d’achat nous                                                                de la contrefaçon, enjeu fondamental
     permet de négocier de meilleures                                                                    dans nos métiers. Au travers du GIRC,
     conditions d’achat dont nous faisons                                                                nous sommes force de proposition sur
     bénéficier ensuite des groupements de                                                               ce sujet. Nous menons cette réflexion
                                                                                                  ©OCP

     pharmaciens.                                             Automate utilisé chez OCP                  au niveau global avec les laboratoires
                                                                                                         et les pharmaciens pour définir le rôle
     SCMag : Quels sont les leviers pour               manquantes se transforment en seu-                du répartiteur sur ce sujet. Les labo-
     lutter contre les ruptures de stocks ?            lement 5 % pour les pharmaciens.                  ratoires gèreront cette sérialisation
     J-P.H : Nous sommes fortement mobi-               Cela démontre l’importance de notre               en entrée et les pharmaciens en sor-
     lisés car la problématique des ruptures           stock pour amortir le poids des rup-              tie au niveau du patient. Afin d’évi-
     s’accélère d’année en année, le phé-              tures en amont. Nous avons com-                   ter des systèmes redondants coûteux,
     nomène a été décuplé en 10 ans ! Et               mencé à spécialiser notre SC pour                 nous ne serons a priori pas concer-
     ce, car les Supply Chains des labora-             traiter de manière spécifique les caté-           nés par la sérialisation au niveau de
     toires sont passées d’une SC locale à             gories de produits. La plate-forme de             tous les produits des commandes
     une SC globale. La consolidation des              Roissy est par exemple dédiée aux                 passées par les pharmaciens. En
     fournisseurs de matières premières au             médicaments innovants (produits de                revanche, nous aurons obligation de
     niveau mondial génère parfois des                 spécialités ou high-tech) dont le prix            la gérer dans le cas des retours en
     ruptures. Sur 100 quantités comman-               est plus élevé et les cibles de patients          provenance des clients. ■
     dées en amont, nous en recevons 85.               plus restreintes. Le niveau de service y                         PROPOS RECUEILLIS PAR
     En revanche, ces 15 % de quantités                est extrêmement élevé. Nous avons en                                    BRUNO SIGUICHE

60      N°99 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2015
Alloga France soigne
                                       sa préparation au détail
    Le marché de la prestation logistique pharmaceutique n’échappe pas à la pression sur les prix. Sans transiger sur la
    qualité de service, le dépositaire Alloga France s’est lancé récemment dans un vaste chantier d’amélioration des
    performances de sa logistique de détail.

    E
           n France, près d’1 laboratoire sur                                                         part de la préparation au détail (voir
           2 exploite encore sa logistique en                                                         encadré page 62).
           interne. Rien d’étonnant à ce que
    l’industrie pharmaceutique constitue                                                                     Mesurer et améliorer
    un formidable terrain de jeu non seu-                                                             Un projet pilote a débuté sur le site
    lement pour les spécialistes historiques                                                          d’Angers depuis juillet avant de s’éten-
    que sont les dépositaires pharmaceu-                                                              dre progressivement aux 4 autres sites
    tiques, mais aussi pour des prestataires                                                          d’Alloga France (Amiens, Arras, Blois
    logistiques plus généralistes. Parallèle-                                                         et Lyon), tous à température dirigée.
    ment, le marché évolue. Les génériques                                                            Sur chaque secteur de l’entrepôt
    montent en puissance (40 % des                                                                    (réception, stockage, préparation stan-
    volumes en France) et la LME (Loi sur                                                             dard, préparation de détail, expédition),
    la Modernisation de l’Economie) a           Eric Sodoyer,                                         les responsables d’équipe mesurent,
    conduit les pharmaciens à réduire           directeur                                             suivent et contrôlent un certain nom-
                                                                                            ©ALLOGA
                                                des opérations
    leurs stocks et à passer des commandes      d’Alloga France                                       bre d’indicateurs clés (KPI) affichés sur
    en plus petites quantités. Résultat, les                                                          des « performances boards ». « Chaque
    logisticiens doivent redoubler d’efforts    chantier d’amélioration continue                      manager doit avoir les outils pour
    pour réduire leurs coûts et adapter leur    adapté aux contraintes de la réglemen-                prévoir, planifier, exécuter et mesurer
    outil à cette montée en puissance de la     tation pharmaceutique. Objectif : amé-                les écarts sur sa prestation et le cas
    préparation de commandes au détail.         liorer l’efficacité et la productivité de             échéant, remonter les problèmes en
    C’est ce qui a conduit Alloga France,       ses process, notamment en réception et                central », explique Eric Sodoyer, Direc-
    filiale à 100 % du groupe américano-        sur le picking détail. D’autant plus que              teur des Opérations d’Alloga France.
    britannique Walgreens Boots Alliance        le dépositaire pharmaceutique vient de                Pour améliorer la productivité en
    (WBA), à se lancer récemment, avec          lancer son offre All In, qui devrait                  réception, l’un des leviers consiste
    l’aide du cabinet PMGI, dans un grand       avoir pour effet d’augmenter encore la                aussi à travailler en collaboration avec

                                                                                                                     Le site Alloga d’Amiens

    Alloga France
 en quelques chiffres
■ CA 2014 : 97,7 M€
■ 5 sites pharma en France :
  Amiens, Reims, Lyon, Arras, Blois
■ 13 nouveaux clients depuis
  début 2015
■ Plus de 60.000 points livrés
  par mois
■ Typologie de lignes de commandes
  préparées : 65 % pharmacies, 24 %
  grossistes répartiteurs (les plus gros
  volumes expédiés), 11 % hôpitaux
■ 99,9 % taux de conformité de
  commandes sur l’activité hôpitaux
■ 99,7 % taux de conformité
  de commandes sur l’ensemble
  de la prestation
                                                                                                                                                  ©ALLOGA

                                                                                            NOVEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°99            61
ENQUÊTE
       L’industrie pharmaceutique

           les laboratoires pour le contrôle du                                       All In, l’intégration
           transport en amont, la réduction des                               de la logistique et du commercial
           non-conformités, la gestion des prises
           de rendez-vous. Même si ces derniers                                        L’offre All In, qu’Alloga France propose depuis octobre der-
           demandent chacun des spécificités,                                          nier à ses clients laboratoires, s’apparente à un « guichet
           Alloga France cherche à être force de                                       unique ». Elle intègre la logistique et la distribution à tem-
           proposition pour tenter de standardi-                                       pérature dirigée, l’exploitation (essais cliniques, autorisation
           ser les processus de réception, dans le                                     de mise sur le marché), divers services (facturation, encais-
           respect de la réglementation. « En                                          sement pour compte, copacking, etc.) mais aussi la partie
                                                           ©ALLOGA
           18 mois, nous avons déjà réalisé des                                        ventes et formation auprès des 22.000 officines pharma-
           gains de productivité de +35 % sur la                  Sébastien Drouillet ceutiques indépendantes que compte l’Hexagone avec une
           réception en jouant sur ces aspects de               force de vente de 76 commerciaux et un call center de 83 personnes. « Nous
           planification et de simplification, sans             avons l’ambition de devenir pour nos clients un interlocuteur unique pour la mise
           jamais transiger sur notre taux de                   sur le marché de leurs produits vers les centres de santé et de soins », a déclaré
           qualité, qui est de 99,7% sur l’en-                  Sébastien Drouillet, Directeur Général d’Alloga France, qui compte bien repren-
           semble de la prestation », précise Eric              dre à CSP la place de N°1 sur le marché français des dépositaires. En facilitant
           Sodoyer.                                             aux laboratoires l’accès au canal de vente directe vers les officines, l’offre All In
                                                                devrait avoir pour effet d’augmenter encore la part de préparation au détail chez
                L’harmonisation du WMS                          Alloga France. ■ JLR
           En parallèle, le dépositaire pharma-
           ceutique s’est lancé en 2012 dans le
           déploiement sur ses 5 sites français           offre une plus grande souplesse au                 toires mettront en place la sérialisa-
           de WMOS, le progiciel de gestion               niveau du lancement des vagues de                  tion, a priori à partir de 2017.
           d’entrepôt de Manhattan Associates,            préparation de commandes. Contrai-
           en commençant par son entrepôt                 rement à l’ancien WMS, qui ne per-                  Vers une approche différenciée
           d’Amiens. L’intérêt de cette harmoni-          mettait de ne lancer qu’une seule                  « Pour l’instant, très peu de laboratoires
           sation du WMS, prévue pour fin juin            vague par jour, WMOS peut en gérer                 nous ont réellement sollicités sur le sujet
           2016, est là encore de faciliter la stan-      plusieurs (20 à 25 par jour en                     de la sérialisation mais nous nous y pré-
           dardisation des processus. Mais aussi          moyenne), à la demande, et équilibrer              parons. Si l’on reste avec des gares
           de bénéficier de nouvelles fonction-           les charges des différentes vagues en              mécanisées traditionnelles, les consé-
           nalités, comme le « slotting », qui fait       fonction des gares pour éviter les phé-            quences de la sérialisation sur la pro-
           gagner en productivité en recalculant          nomènes de saturation. D’où un gain                ductivité et le coût de main d’œuvre
           périodiquement les emplacements                en réactivité en utilisant la chaîne               du picking détail pourraient être très
           picking en fonction des caractéris-            mécanisée, même pour répondre à des                importantes car il faudra scanner
           tiques physiques et de la fréquence de         demandes urgentes. Un autre avan-                  chaque boîte avant de la placer dans le
           commande de chaque produit. Par ail-           tage du nouveau WMS est qu’il est                  carton », prévient Eric Sodoyer. Plus lar-
           leurs, sur les sites comme Angers où le        techniquement prêt pour gérer la tra-              gement, des réflexions avancées sont en
           picking est déjà 100 % mécanisé (pré-          çabilité à l’unité du picking des boîtes           cours sur le site d’Angers pour faire évo-
           paration en gares), le nouveau WMS             de médicaments quand les labora-                   luer les processus de préparation au
                                                                                                             détail. Le modèle actuel, 100 % méca-
                                                                                                             nisé avec préparation en gares, devrait
                                                                                                             laisser la place à une approche plus dif-
                                                                                                             férenciée, qui permettrait de doubler
                                                                                                             l’activité, avec un système de type
                                                                                                             « goods to picker », pour les références à
                                                                                                             forte rotation, de la préparation méca-
                                                                                                             nisée pour les moyennes rotation et du
                                                                                                             picking manuel pour les faibles rota-
                                                                                                             tions. A l’avenir, cette différenciation
                                                                                                             par classe de rotation des produits pour-
                                                                                                             rait éventuellement amener Alloga
                                                                                                             France à développer des stratégies de
                                                                                                             regroupement sur un même site de cer-
                                                                                                             tains médicaments issus de différents
                                                                                                             laboratoires afin de mutualiser ses ins-
                                                                                                             tallations automatisées. A condition,
                                                                                                             bien sûr, de convaincre ses clients. ■
 ©ALLOGA

                                                                                 Tableau de bord lean
                                                                                                                                   JEAN-LUC ROGNON

62         N°99 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2015
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