Esotérisme trahi, textes tronqués : une escroquerie juteuse

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Esotérisme trahi, textes tronqués : une escroquerie juteuse
Esotérisme trahi, textes tronqués :
                               une escroquerie juteuse…

Source : « Code da Vinci : l’enquête » Ed. Robert Laffont. Coll. Points – 261 p – 6€
Source : http://www.la-bible.net/article.php?refart=qumran

Textes apocryphes, histoire des Esséniens, sexualité du Christ, théorie du complot,
un ramassis rocambolesque écrit par Dan Brown et décortiqué par F.Lenoir et M.F.
Etchegoin. Cette dernière est grand reporter au Nouvel Observateur et Frédéric
Lenoir est docteur de l’Ecole des hautes études en sciences sociales et dirige la
rédaction du Monde des religions.
Quant à Jean-Claude DUBS, Bibliste, il est chercheur associé au CNRS, auteur avec
Jean-Pierre Bagot de l'ouvrage « Pour lire la Bible »

Ils nous montrent comment, à partir de textes authentiques on fabrique de fausses
histoires mais de vrais profits !

                      « Code da Vinci : l’enquête » : pp 115 124

                                 Les Évangiles apocryphes

«Heureusement pour les historiens, reprit Teabing, certains de ces Évangiles interdits ont
survécu. On a découvert en 1947 les manuscrits de la mer Morte dans une grotte, à
Qumrân, en plein désert de Judée. Et on avait trouvé en 1945 les parchemins coptes de Nag
Hamadi. Tous ces textes racontent la véritable histoire du Graal, tout en relatant le ministère
de Jésus sous un angle très humain» (p. 293). Pour fonder sa thèse sur «la véritable histoire
du Graal» impliquant la personne de Marie Madeleine (le vrai Graal) et son union avec
Jésus, Dan Brown s'appuie sur deux grandes découvertes. Nous parlerons au chapitre sui-
vant des manuscrits de la mer Morte. Intéressons-nous d'abord aux écrits coptes découverts
à Nag Hamadi, et aux Évangiles apocryphes.

Les manuscrits de Nag Hamadi
En 1945, un paysan égyptien trouve par hasard des manuscrits anciens dans une jarre
enterrée au pied de la falaise Djebel el-Tarif, à quelques kilomètres du village de Nag
Hamadi, en Haute-Egypte. L’itinéraire de ces manuscrits jusqu'à leur mise sur le marché des
antiquaires du Caire en 1946 reste confus, marché noir oblige ... Le Musée copte du Caire
réussit heureusement à faire l'acquisition de l'essentiel de ces textes entre 1949 et 1952 (ils
y sont toujours consultables). La collection rassemble treize codex, chacun comportant
plusieurs textes, soit près de 1 200 pages en tout. Ces manuscrits, pour la plupart très bien
conservés, ont été rédigés en copte (langue des Égyptiens de l'Antiquité) sur des feuilles de
papyrus (non des parchemins, comme l'écrit Brown, et non pas assemblées en rouleaux,
mais pliées en cahiers et reliées).
Il s'agit d'une découverte extraordinaire concernant le christianisme primitif. Datant du IVe
siècle, ces papyrus constituent une véritable bibliothèque de textes apocryphes et
gnostiques, dont certains Évangiles qui nous étaient totalement - ou partiellement inconnus.
Avant d'examiner leur contenu, une petite explication s'impose sur la signification des termes
«apocryphe» et «gnostique ».
Les apocryphes et la gnose
Dans le christianisme, le terme «apocryphe» (du grec apokruphos, «secret», «caché»)
s'applique à des textes qui ne font pas partie de l'ensemble des textes dits «canoniques»,
c'est-à-dire approuvés par l'Église et rassemblés dans la Bible. Il existe ainsi des textes
apocryphes de l'Ancien Testament (écrits juifs) et du Nouveau Testament (écrits chrétiens).
La plupart des apocryphes du Nouveau Testament ont été produits et ont circulé dans les
communautés chrétiennes entre le ne et le VIe siècle.
Beaucoup de ces textes sont des mêmes genres littéraires (lettres, évangiles, etc.) que les
textes canoniques. On trouve ainsi des Évangiles (de Pierre, de Philippe, de Thomas, de
Marie ...), des Actes (de Jacques, de Jean, de Pierre ...), des Épîtres (des apôtres, de Bar-
nabé, de Paul...) et des Apocalypses (de Jacques, de Pierre, de Paul...). Comme cela est
courant dans l'Antiquité, et pas seulement en ce qui concerne les textes chrétiens, ces écrits
sont toujours attribués à des auteurs célèbres pour leur donner une légitimité on appelle ce
procédé la pseudépigraphie. Autrement dit, il est fort peu probable que les apôtres cités aient
été les rédacteurs des textes qui leur sont attribués (et cette remarque vaut aussi d'ailleurs
pour les textes canoniques). Du point de vue de la critique historique moderne, les écrits
apocryphes ne sont ni plus ni moins vrais que les textes canoniques. Comme ces derniers,
ils reflètent la foi qu'enseignaient les communautés chrétiennes de l'époque. Certains,
comme l'Évangile de Pierre (daté du II°siècle), témoignent de la foi des communautés judéo-
chrétiennes avant la rupture définitive du christianisme et du judaïsme, au tournant du Ier et
du II°siècle. D'autres, comme le Protévangile de Jacques (IIe siècle également), montrent
une foi populaire qui laisse une grande place au merveilleux: ils cherchent notamment à
combler les vides des Évangiles canoniques sur l'enfance de Jésus et ils ont beaucoup
contribué à former l'imaginaire chrétien (l'histoire de la crèche de Noël, du bœuf et de l'âne,
par exemple). D'autres, enfin, témoignent des désaccords et des débats théologiques qui ont
marqué les premiers temps du christianisme avant que ne se dégagent des conceptions de
foi considérées comme orthodoxes. Ceux-ci ont été associés à des formes de croyances
jugées «hérétiques» puisqu'ils défendaient des thèses rejetées par la majorité. Parmi ces
derniers textes, certains sont dits «de tendance gnostique».
La gnose, mot qui signifie «connaissance» (en grec gnosis), est un vaste mouvement
philosophique et religieux de l'Antiquité qui s'est développé au sein du christianisme au cours
des premiers siècles, particulièrement en Égypte. Les gnostiques prônent un dualisme entre
un Dieu bon, créateur de l'âme immortelle, et un démiurge mauvais, créateur du monde
physique, qui a emprisonné les âmes dans des corps. Contrairement au christianisme
«orthodoxe », qui stipule que le salut est accessible à tous par la foi et par l'amour, les textes
gnostiques affirment qu'il est réservé aux seuls initiés, ceux qui possèdent la clef de la
connaissance véritable, d'où l'intérêt qu'ils suscitent encore aujourd'hui dans les milieux
ésotériques. Certains de ces textes affichent ainsi leur caractère «secret» (c'est pourquoi ils
sont dits «apocryphes» dans leur titre même), comme l'Évangile de Thomas découvert à
Nag Hamadi dont le titre exact est: Paroles secrètes que Jésus le vivant a dites et qu'a
écrites Didyme Jude Thomas. Mouvement ésotérique par excellence, la gnose fut fortement
combattue par les Pères de l'Église qui la jugeaient contraire au message universel du
Christ.
Une bibliothèque gnostique du IVe siècle
L'origine de la collection de livres de Nag Hamadi reste sujette à discussion, certains
historiens pensant qu'elle pourrait provenir d'une communauté monastique chrétienne de la
fin du IVe siècle, d'autres réfutant cette hypothèse en raison de la grande diversité des textes
réunis. Toutefois, il ne fait aucun doute que l'ensemble reste plus ou moins marqué par les
thèmes gnostiques, notamment celui de l'exil de l'âme, de son enfermement dans la matière
et de sa possibilité de libération par l'initiation et la connaissance. L'ensemble des treize
codex regroupe cinquante-trois ouvrages (dont certains en plusieurs exemplaires) jusque-là
inconnus ou seulement connus de manière indirecte par des citations dans d'autres écrits
plus tardifs. Citons quelques titres: Évangile de vérité, Épître apocryphe de Jacques,
Apocryphe de Jean, Sagesse de Jésus Christ, Évangile des Égyptiens, Apocalypse de
Jacques, Dialogue du Sauveur ou encore Épître de Pierre.
Les manuscrits de Nag Hamadi ont considérablement enrichi la connaissance des
mouvements gnostiques, dont les textes étaient surtout connus par les mentions qu'en
faisaient ceux qui les avaient combattus, comme l'évêque Irénée de Lyon dans son ouvrage
Contre les hérésies (fin du II° siècle). Ces textes rejetés par l'Église apportent-ils des
révélations sur la relation entre Jésus et Marie Madeleine? Une fois n'est pas coutume, la
thèse de Dan Brown trouve ici        un véritable point d'appui.
Marie de Magdala, compagne de Jésus?
Parmi les divers Évangiles apocryphes découverts à Nag Hamadi, l'un d'entre eux fait
explicitement référence à Marie de Magdala et la présente par deux fois comme la
compagne de Jésus. Il s'agit de l'Évangile de Philippe, du nom de l'un des douze apôtres. Un
universitaire français, Jacques Ménard, l'a intégralement traduit du copte en français. Voici
sa traduction des deux passages qui nous intéressent: «Trois marchaient toujours avec le
Seigneur. Marie sa mère, et la sœur de celle-ci, et Myriam de Magdala, que l'on nomme sa
compagne, car Myriam est sa sœur, sa mère et sa compagne» (59). Quelques pages plus
loin le texte précise: «Le Seigneur aimait Marie plus que tous les disciples, et Il l'embrassait
souvent sur la bouche. Les autres disciples Le virent aimant Marie, ils Lui dirent: "Pourquoi
l’aimes- Tu plus que nous tous?" Le Sauveur répondit, et dit: "Comment se fait-il que je ne
vous aime pas autant qu'elle?"» (63). Ce second texte est cité par Dan Brown (p. 308).
Conclusion du professeur Teabing dans le roman? Voilà la preuve que Marie de Magdala
était bien l'épouse de Jésus.
Cette interprétation n'est pas à exclure, mais elle est un peu rapide. D'abord parce que
l'Évangile de Philippe est le seul parmi les dizaines de textes canoniques et apocryphes qui
présente explicitement Marie de Magdala comme la compagne du Christ. Rien ne prouve
donc qu'il soit conforme à la vérité historique. On objectera, selon la thèse du Da Vinci code,
que l'Église, justement, n'a conservé que les Évangiles qui taisaient ce secret. Certes, mais
on peut se demander aussi pourquoi les nombreux autres Évangiles apocryphes, également
rejetés par l'Église, n'en font pas état? D'autre part, une lecture intégrale de l'Évangile de
Philippe plaide pour une autre interprétation.
Ce texte assez long se présente, à l'inverse des Évangiles canoniques, non pas comme un
récit de la vie de Jésus, mais comme un florilège de sentences, dont certaines sont
attribuées à Jésus, «le Seigneur». L'intention de l'auteur, ou des auteurs, n'est pas d'ap-
porter une connaissance des faits, gestes et paroles du Christ, mais de transmettre un
enseignement ésotérique à travers un ensemble de paroles et de métaphores mystiques.
Les spécialistes de Nag Hamadi ont bien montré le caractère gnostique de ce texte, véritable
traité initiatique sur les noces spirituelles entre Dieu et l'âme humaine déchue. Or ces noces
mystiques se réalisent grâce au «souffle» (l'équivalent copte du pneuma grec) que
communique le Christ à ses véritables disciples. De nombreux passages de cet Évangile de
Philippe utilisent les images d' «étreinte» et de « baiser» pour signifier la transmission du
souffle à l'initié.
Comme le fait également remarquer le philosophe et théologien orthodoxe Jean-Yves Leloup
- auteur d'une traduction plus littéraire de l'Évangile de Philippe à partir du texte de Ménard -,
le sens du baiser de Jésus et de Myriam de Magdala n'est compréhensible que si on le situe
non seulement dans le contexte gnostique, mais aussi dans celui du judaïsme mystique. Or
le mot «baiser », en hébreu (nashak), signifie «respirer ensemble». La mystique juive
évoque la transmission du souffle divin par l'image d'un baiser, et c'est dans la conjonction
des baisers que se transmet le secret qui introduit à la «chambre nuptiale», le véritable saint
des saints. C'est bien là le thème central de l'Évangile de Philippe: Jésus transmet le souffle
à ses disciples pour les faire entrer dans la chambre nuptiale, et c'est également par le
baiser qu'est signifiée la transmission entre initiés: «L'homme accompli devient fécond par
un baiser et c'est par un baiser qu'il fait naître. C'est pourquoi nous nous embrassons les uns
les autres et nous nous donnons mutuellement naissance par l'amour qui est en nous»
(Évangile de Philippe, 59).
Dans ce contexte symbolique et mystique, Myriam de Magdala apparaît beaucoup plus
logiquement comme le modèle du disciple parfait que comme la maîtresse du Christ. C'est la
raison pour laquelle les disciples sont jaloux et demandent à Jésus pourquoi il l'aime plus
qu'eux. Que le modèle du disciple parfait (celui qui échange le baiser avec le Seigneur) soit
une femme apparaît aussi dans la logique du texte, qui présente l'union du masculin et du
féminin comme l'image en ce monde de l'union de l'âme à Dieu. Mais, comme dans tous les
textes gnostiques, l'union charnelle est dépréciée et doit être comprise comme l'image ou le
point d'appui d'une union purement spirituelle. La conclusion de l'Évangile de Philippe est
sans ambiguïté: «Ceux qui étaient séparés pourront de nouveau s'unir et se féconder. Tous
ceux qui pratiqueront l'étreinte sacrée allumeront la lumière, ils n'engendreront pas comme
on le fait dans les mariages ordinaires qui se font dans l'obscurité. »
L'Évangile de Marie
Dan Brown cite également un passage d'un autre Évangile apocryphe, le seul attribué à une
femme ... Marie de Magdala. L'Évangile de Marie est le premier traité d'un papyrus gnostique
copte, découvert chez un antiquaire du Caire à la fin du XIXe siècle. Il est conservé depuis
1896 au département d'égyptologie des musées nationaux de Berlin. Très bref et amputé
d'un bon tiers, il est également d'inspiration gnostique. Marie est présentée comme celle qui
conserve des souvenirs de Jésus que les disciples ne connaissent pas. Aucune mention
d'une quelconque union charnelle avec Jésus, mais une claire allusion à la jalousie des
apôtres: «Pierre dit à Marie: "Sœur, nous savons que l'Enseigneur t'a aimée différemment
des autres femmes. Dis-nous les paroles qu'il t'a dites dont tu te souviens et dont nous
n'avons pas connaissance."» Après un discours très ésotérique de Marie, André met en
doute ses propos, bientôt relayé par Pierre, qui ajoute: «Est-il possible que l'Enseigneur se
soit entretenu avec une femme sur des secrets que nous, nous ignorons? Devons-nous
changer nos habitudes, écouter tous cette femme? L'a-t-il vraiment préférée à nous?» (Jean-
Yves Leloup, L'Évangile de Marie). Ces passages peuvent aussi être interprétés de plusieurs
manières. Le lien particulier entre Jésus et Marie peut être compris comme une relation
amoureuse, mais aussi comme une relation entre un maître et son disciple préféré,
dépositaire des secrets ultimes.
Replacées dans leur contexte, les mentions du lien particulier entre Jésus et Marie de
Magdala prennent donc un tout autre sens que celui suggéré par le Da Vinci code, même si
personne ne pourra jamais affirmer avec certitude qu'il n'y eut jamais entre eux de relation
chamelle. Encore une fois, cette question doit sortir du tabou pour être traitée sans esprit
partisan. Nous reviendrons dans les chapitres ultérieurs et en conclusion sur cette question
cruciale du féminin et de la sexualité dans le christianisme.

(…)
                      « Code da Vinci : l’enquête » : Pp 127 131
Les Esséniens
L'historien juif Flavius Josèphe (1er siècle) évoque brièvement l'existence de cette
communauté juive, ainsi que Philon d'Alexandrie et Pline l'Ancien, qui mentionne un
établissement essénien «au bord d'Ein Gedi », ce qui correspond à la localisation de
Qumran. Les manuscrits découverts à partir de 1947 donnent une vision plus complète et
plus nuancée de ce mouvement juif, né sans doute au milieu du ne siècle avant J.-c. à la suite
de l'échec de la révolte des Maccabées. Il s'agit d'un mouvement très marqué par la convic-
tion que la fin des temps est proche (cette perspective apocalyptique est assez répandue à
l'époque dans divers groupes juifs contestataires).
Les esséniens de Qumran se considéraient comme «les fils de lumière» opposés aux «fils
des ténèbres». Ils formaient une communauté d'hommes, probablement célibataires, ayant
choisi de vivre en marge et se préparant avec ferveur à la fin des temps et à la victoire finale
sur le mal. La règle imposait un idéal de détachement et de pureté très exigeant (il y avait de
nombreux rites de purification par l'eau) ainsi que des temps réguliers de prières et d'études
des textes. Les biens matériels étaient obligatoirement mis en commun. Les esséniens
s'opposaient au Temple de Jérusalem. Ils jugeaient qu'il était tombé entre les mains de
prêtres impies. Ils attendaient un messie* qui viendrait parachever leur œuvre salutaire. On
trouve aussi mention, dans les manuscrits, d'un «maître de justice» opposé au «prêtre
impie» (celui du Temple). Ce «maître de justice» est difficilement identifiable. Certains
experts y voient la désignation du chef de la communauté, d'autres celle de son fondateur,
un réformateur chassé du Temple, peut-être un siècle avant notre ère.
Jésus était-il un essénien?
L'attente de la fin des temps, la préfiguration du messie dans la figure du maître de justice,
l'opposition avec le Temple ... Le lien est vite fait entre ces croyances esséniennes et celles
des premiers chrétiens. Il est d'ailleurs antérieur à la découverte des textes de Qumrân. «Le
christianisme est un essénisme qui a largement réussi », affirmait déjà Ernest Renan à la fin
du XIXe siècle. Le roi de Prusse Frédéric II avait aussi écrit à D'Alembert, en octobre 1790:
«Jésus était proprement essénien. »
Dès 1950, André Dupont-Sommer, secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres soutenait dans ses Aperçus préliminaires sur les manuscrits de la mer Morte:
«Le maître galiléen, tel que nous le présentent les écrits du Nouveau Testament, apparaît à
bien des égards comme une étonnante réincarnation du maître de justice ( ... ) » Les liens
supposés, voire possibles, entre esséniens et premiers chrétiens prêtent toujours à
discussion. En particulier autour de trois points essentiels:
1) Jean-Baptiste. Il a exercé son activité à proximité de Qumrân, il était célibataire et
annonçait l'avènement imminent du Royaume de Dieu. Il est donc fort probable qu'il ait
connu quelque chose de cette communauté, voire qu'il y soit passé avant de s'en détacher.
Toutefois, rien ne permet de l'affirmer avec certitude.
2) Jésus et le maître de justice. Le rapprochement est tentant, mais il existe cependant des
différences importantes entre leurs deux enseignements. Le maître de justice s'adresse à un
petit groupe de disciples retirés du monde, tandis que Jésus propose son enseignement à
tous, le plus souvent sous la forme de paraboles, et entend offrir sa vie «pour la multitude ».
En outre, si l'on en croit le témoignage de Flavius Josèphe dans son Histoire des Juifs, les
esséniens «rejetaient les femmes, les pécheurs et les infirmes », alors que les Évangiles
nous montrent un Jésus entouré de femmes, de pécheurs et d'infirmes ... au grand dam
d'ailleurs de ses détracteurs.
3) La première communauté chrétienne. Certaines pratiques esséniennes ont pu avoir une
influence sur les premiers chrétiens: le repas communautaire ou la mise en commun des
biens, par exemple, tout comme les textes apocalyptiques et l'attente messianique (qui est
d'ailleurs partagée par d'autres groupes juifs). Des rapprochements ont été faits aussi entre
un texte de Qumran qui applique à un être mystérieux le titre de «Fils de Dieu, Fils.du Très-
Haut» et l'Évangile de Luc, I , 26-38. De même, l'expression «pauvre en esprit» (Matthieu, v,
3) «n'a de parallèle qu'à Qumran mais qui dit proximité littéraire ou thématique ne dit pas
nécessairement dépendance », explique le spécialiste de Qumrân J.-P. Lémonon.
Certes, il n'en demeure pas moins que les ressemblances sont suffisamment frappantes
pour qu'on puisse parler sinon d'influence, au moins de convergences, qui traduisent un état
d'esprit commun permettant de mieux comprendre la naissance et l'enracinement du
christianisme dans le contexte juif de l'époque. Selon Florentino Gracia-Martinez, professeur
à l'université de Louvain et directeur du Qumrân Institut de l'université de Groningen: «L'idée
que, dans les textes qumrâniens, nous trouverions déjà développés chacun des éléments
qui forment l'image, multiforme et complexe, du Messie du Nouveau Testament (Messie,
prêtre, serviteur, Fils de Dieu) me semble prouvée et incontestable, excepté l'image du
Serviteur souffrant et rédempteur; que tous ces éléments aient été cumulés dans une seule
personne n'est pas impensable, mais rien dans la documentation qui nous est parvenue ne
l'atteste encore; que cette personne ait été le maître de justice attendu à la fin des temps
n'est jamais avancé dans les textes.»

                       « Code da Vinci : l’enquête » : Pp 142 147

Constantin et le christianisme
En 306, à la mort de son père Constance Chlore, Constantin, âgé de vingt-six ans, est
proclamé empereur par son armée. Il ne règne encore que sur la Gaule et la Bretagne. Allié
à Licinius, Constantin devient le maître de l'Empire romain d'Occident après la victoire du
pont Milvius en 312, près de Rome, contre l'armée de Maxence. Licinius et Constantin sont
des «païens» adeptes du monothéisme solaire; pourtant, dans le but de pacifier l'Empire et
conscients de l'importance prise par le christianisme, ils décident d'accorder aux chrétiens la
liberté du culte et la restitution de leurs biens. L'Empire avait en effet connu une certaine paix
religieuse durant la période de tolérance instaurée par l'empereur Gallien à partir de 260.
Mais, en 303, l'empereur Dioclétien avait relancé les persécutions contre les chrétiens.
Le premier acte majeur de Constantin et de Licinius à l'égard du christianisme est l'édit de
Milan prononcé en 313, qui est resté dans l'histoire comme un exemple de tolérance
religieuse. En voici les termes essentiels: «Nous, Constantin et Licinius, nous étant
rassemblés à Milan pour traiter des affaires qui concernent l'intérêt et la sécurité de l'Empire,
nous avons pensé que, parmi les sujets qui devaient nous occuper, rien ne serait plus utile à
nos peuples que de régler d'abord la façon d'honorer la Divinité. Nous avons résolu
d'accorder aux chrétiens et à tous les autres la liberté de pratiquer la religion qu'ils préfèrent,
afin que la Divinité qui préside dans le ciel soit propice aussi bien à nous qu'à ceux qui vivent
sous notre domination.»
Constantin était-il chrétien? Selon la légende, sa conversion remonterait à la victoire de 312.
En réalité, il s'est seulement fait baptiser sur son lit de mort, en 337. Et, c'est vrai, la part de
conviction personnelle et de pragmatisme politique dans l'adhésion de Constantin au
christianisme reste difficile à établir. Il n'était pas un enfant de chœur; beaucoup de ceux qui
lui ont résisté l'ont payé de leur vie, y compris dans sa propre famille (il assassina sa femme
Fausta et son fils aîné Crispus ...). Toujours est-il que Constantin soutient les chrétiens, au
contraire de Licinius, qui règne sur la partie orientale de l'Empire et qui, après s'être brouillé
avec Constantin, multiplie les mesures contre cette communauté.
En 324, Constantin bat militairement Licinius, le fait exécuter et réunifie l'Empire. En 330,
l'empereur fait de la ville grecque de Byzance sa capitale, Constantinople. Les premiers
grands monuments chrétiens datent de son règne. Il finance la basilique du Latran et de
Saint-Pierre à Rome, les églises du Saint-Sépulcre à Jérusalem, des Saints-Apôtres et de
Sainte-Sophie à Constantinople ... La tolérance de Constantin à l'égard des chrétiens prend
la forme d'une bienveillance active. Elle se traduit notamment par des mesures fiscales. Il
reconnaît également une juridiction particulière aux évêques, tout en contrôlant de près leurs
activités. Mais parallèlement, et comme ses successeurs jusqu'en 382, Constantin conserve
le titre traditionnel de pontifex maximus qui fait de lui l'autorité suprême des religions
païennes. Comme l'affirme le Da Vinci code, Constantin instaure par une loi, en 321, le
repos dominical. C'est certainement une mesure favorable aux chrétiens, qui ont pris
l'habitude de se retrouver ce jour-là pour célébrer la résurrection du Christ. Mais cette
mesure agrée aussi aux païens, notamment aux nombreux adeptes du culte de Mithra, qui
ont fait de cette journée le «jour du soleil».
Constantin a-t-il fait du christianisme la religion officielle de l'Empire romain, comme le
soutient le Da Vinci code? Faux. C'est l'empereur Théodose (il règne de 379 à 395, soit près
de quarante ans après la mort de Constantin) qui impose le christianisme comme seule
religion reconnue dans l'empire. En 391, une loi interdit à Rome tous les actes cultuels du
paganisme, des sacrifices de «victimes innocentes» (les animaux) jusqu'à la simple visite au
temple. Un édit étend ces mesures en Égypte, où son application provoque de nombreux
affrontements, parfois très violents et meurtriers, notamment à Alexandrie, entre les païens
et les chrétiens de plus en plus convaincus de leur proche victoire sur l'idolâtrie. Un an plus
tard, en 392, un deuxième édit élargit ces interdictions à tout l'Empire, en les renforçant. TI
est désormais prohibé d'adorer les idoles jusque dans sa propre maison, en privé, sous
peine de graves amendes et de confiscation des biens: «Toute maison où l'encens aura
brûlé appartient au fisc. »
Le concile de Nicée
Revenons à Constantin, soixante ans plus tôt. L'empereur convoque en 325 le concile de
Nicée, mai~ ce concile n'a rien à voir avec la constitution du canon des Écritures
chrétiennes. S'il traite de questions d'organisation et de discipline de l'Église, il s'inscrit sur-
tout dans le cadre des graves affrontements doctrinaux qui ont divisé le christianisme durant
le IVe siècle. Le plus important d'entre eux porte sur une question centrale pour une religion
monothéiste: comment le Dieu unique pouvait-il être trois, le Père, le Fils et l'Esprit? Le
concile de Nicée constitue ainsi la première étape de la formulation de la doctrine du Dieu
trinitaire du christianisme.
Ainsi c'est l'arianisme, la doctrine d'Arius (256336), un prêtre d'Alexandrie, qui est à l'origine
de la crise qui a conduit à la convocation du concile de Nicée. Le professeur Michel Meslin,
l'un des meilleurs historiens du christianisme antique, explique dans L'Encyclopédie des
religions que «pour Arius, les personnes divines au sein de la Trinité ne peuvent être égales
ni confondues. La marque absolue de la divinité est, en effet, d'être non seulement incréée,
mais aussi inengendrée. Or seule la personne du Père répond à cette définition. Le Fils de
Dieu ne peut donc pas être aussi pleinement Dieu, puisqu'il a été engendré par le Père: Dieu
second, il occupe une place intermédiaire entre le Dieu le plus transcendant et la création.
Ainsi Arius aboutit à un monothéisme strict, absolu.» Malgré sa condamnation par l'Église
d'Alexandrie, les idées d'Arius trouvent de nombreux partisans, y compris auprès des
évêques de différentes communautés chrétiennes dans l'Empire.
Soucieux d'apaiser un conflit qui ne cesse de s'envenimer et répondant à l'attente des
évêques qui lui demandent de trancher le débat, Constantin convoque distinction du Père,
du Fils et de l'Esprit: une seule nature (substance) en trois personnes. La règle de foi définie
à Constantinople reprend et précise celle de Nicée en affirmant aussi, contre ceux qui la
niaient, la divinité de l'Esprit saint. Cette formule de la foi chrétienne (le symbole de Nicée-
Constantinople) est inchangée jusqu'à aujourd'hui et elle est commune à toutes les Églises
chrétiennes. Mais l'arianisme s'est répandu entre-temps dans les marges de l'Empire,
notamment chez les peuples germains (Goths et Wisigoths) évangélisés par des
missionnaires ariens. L'arianisme ne disparaîtra vraiment qu'après la conversion du roi des
Wisigoths d’Espagne, Recarède I° en 589.
(…)
« Code da Vinci : l’enquête » : Pp147 157

Apocryphes et canon des Écritures chrétiennes
Reprenons la lecture du Da Vinci code: «La Bible, telle que nous la connaissons aujourd'hui, a
été collationnée par un païen, l'empereur Constantin» (p. 289). «Et c'est là que se place le
virage décisif de l'histoire chrétienne. Constantin a commandé et financé la rédaction d'un
Nouveau Testament qui excluait tous les Évangiles évoquant les aspects humains de Jésus, et
qui privilégiait - au besoin en les "adaptant" - ceux qui le faisaient naître divin. Les premiers
Évangiles furent déclarés contraires à la foi, rassemblés et brûlés ( ... ). Détail intéressant, tous
ceux qui préféraient les Évangiles apocryphes à ceux que Constantin avait sélectionnés furent
considérés comme hérétiques» (p. 293).
Ces assertions sont historiquement inexactes:
Constantin ne s'est jamais préoccupé de la rédaction d'une Bible chrétienne officielle. La
constitution du canon des Écritures chrétiennes est un processus d'élaboration par étapes qui se
déroule au cours des ne, Ille et IVe siècles, donc avant et après Constantin, et qui ne s'appuie
pas sur une autorité centrale incontestable, telle que l'incarnera plus tard le Vatican pour l'Église
catholique romaine.
De manière très synthétique, voici quelles sont les principales étapes de l'institution des
Écritures chrétiennes.
- Justin, qui écrit à Rome vers 150, relate qu'on y lisait les Mémoires des apôtres. On sait en
effet qu'au ne siècle circulaient de nombreux textes racontant les faits, les, gestes et les paroles
de Jésus, ainsi qué des lettres et des textes apocalyptiques attribués aux apôtres. Aucune
institution n'avait encore décidé que tel ou tel texte était authentique ou faux.
- Le premier à élaborer une sélection stricte de textes chrétiens fut Marcion. Rejetant l'héritage
juif du christianisme, il veut concentrer l'essentiel du message chrétien dans l'Évangile de Luc
(dans une version arrangée par ses soins) et quelques épîtres de Paul. Sa tentative sera
considérée comme une hérésie. Mais, selon les historiens, elle a sûrement contribué à inciter à
faire un tri dans les écrits en circulation.
- Le fragment de Muratori - du nom du bibliothécaire milanais qui a découvert ce document en
1740 daté du VIlle siècle -, se réfère à Pie, évêque de Rome mort en 154, et affirme notamment
l'existence, à cette époque, des quatre Évangiles de Marc, Luc, Matthieu et Jean, des Actes des
apôtres attribués à Luc ainsi que des treize épîtres de Paul. Le fragment de Muratori indique
ainsi quels sont les critères de sélection; l'ancienneté des textes (il faut qu'ils soient au plus
proche de l'origine) et le lien avec les apôtres (l'apostolicité).
- Vers la fin du ne siècle, Irénée, évêque de Lyon, dresse une liste des quatre Évangiles
(Matthieu, Marc, Luc et Jean) qui constitue, selon lui, la «Bonne Nouvelle». Il s'attaque aussi aux
hérésies et notamment à la gnose, non conforme à la foi chrétienne véritable.
- Eusèbe de Césarée présente, dans son Histoire ecclésiastique (écrite vers 325), les livres lus,
à la fin du ne siècle, dans les Églises d'Orient: les quatre Évangiles, les Actes des apôtres, les
lettres de Paul et la lettre aux Hébreux, les premières lettres de Pierre et Jean, ainsi .que
d'autres ouvrages- qui ne seront pas retenus dans le canon définitif comme, par exemple, une
Apocalypse de Pierre ou la Lettre de Clément de Rome aux Corinthiens (considérés comme des
apocryphes qui, sans être contraires à la doctrine chrétienne, ne sont pas «inspirés» par Dieu).
- Au cours du IVe siècle se fait ressentir la nécessité de distinguer une fois pour toutes les livres
considérés comme «inspirés », de ceux qui ne le sont pas. C'est ce à quoi s'attellent différents
conciles régionaux. Durant cette période, aux critères de sélection déjà évoqués (1' ancienneté,
l’apostolicité, la vérité de la foi proclamée) s'en ajoute un autre: on retiendra les textes les plus
couramment utilisés par les communautés chrétiennes, tant pour l'enseignement que pour la
liturgie. En 360, au concile de Laodicée, la discussion sur les Livres saints ne débouche pas sur
un accord. En 382, le concile de Rome dresse une liste (celle qui restera) des textes qui
composent les divines Écritures, comportant les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament. Le
concile d'Hippone, en 393, reprend la même liste. En 397, enfin, le concile de Carthage confirme
ce choix - avec, en plus, l'Apocalypse de Jean - en décidant qu'en dehors de ces «Écritures
canoniques rien ne doit être lu dans l'Église sous le nom de divines Écritures ».
Même si l'on peut contester l'élaboration d'une telle liste et la répartition entre livres canoniques
(retenus) et apocryphes (rejetés), on est loin de la thèse brownienne d'un coup de force de
l'Église qui décide, sous l'impulsion de l'empereur, de constituer du jour au lendemain le canon
des Écritures chrétiennes et de brûler tous les autres ouvrages! Seul élément historiquement
vrai dans la thèse du Da Vinci Code : une fois la Bible chrétienne constituée, les thèses gnostiques
sont systématiquement condamnées ... et cela se fait parfois dans un bain de sang, comme lors
de la répression du catharisme au Moyen Âge.
Il faudra attendre le XVIe siècle et la Réforme protestante pour que le canon des Écritures
chrétiennes soit remis en cause. Aujourd'hui, protestants et catholiques ne sont pas d'accord sur
«l'authenticité» de quelques livres de l'Ancien et du Nouveau Testament. Mais ils s'accordent en
revanche sur le rejet des apocryphes gnostiques, dont l'intérêt leur apparaît plus historique que
spirituel.
L'Évangile selon Jésus
Un mot encore à propos des écritures chrétiennes.
Dan Brown écrit: «Les documents du Graal comportent des dizaines de milliers de pages de
renseignements (...). Parmi eux se trouvent les "Documents puristes" - des dizaines de milliers
de pages de textes non retouchés datant d'avant Constantin, écrits par les premiers fidèles de
Jésus, qui vénèrent en lui un maître et un prophète totalement humain. On pense que le Graal
conserve également la légendaire source Q - un manuscrit dont le Vatican lui-même reconnaît
l'existence. Il s'agirait du document rassemblant les enseignements de Jésus, qui pourraient être
écrits de sa propre main ( ... ). Pourquoi Jésus n'aurait-il pas rédigé la chronique de son
ministère? C'est une pratique courante à l'époque» (p. 320).
Cette affirmation mérite une explication. Comme toujours, Dan Brown construit bon nombre
d'inventions autour d'un élément historique véritable. Ici, le fait authentique est la mention de la
source Q, le reste reprend une rumeur infondée concernant l'Évangile gnostique de Thomas. De
quoi s'agit-il? Parmi les textes apocryphes, certains ont sans doute été élaborés à la même
période (fin du 1er siècle) que les Évangiles canoniques, ces différents textes ayant
recueilli par écrit des traditions orales. C'est certainement le cas, selon de nombreux
historiens, de l'Évangile de Thomas découvert à Nag Hamadi. Ce texte est très
rapidement traduit dans différentes langues occidentales, mais une rumeur continue
d'affirmer qu'il contiendrait des vérités dérangeantes pour l'Église. Une autre voudrait
en faire le texte le plus proche de la source Q, voire la source Q elle-même ...
L'existence supposée de cette source Q remonte à une hypothèse faite par le bibliste allemand
Friedrich Scheiermacher en 1832, qui s'était livré à une comparaison très poussée des. trois
Évangiles de Marc, Luc et Matthieu, dits «synoptiques », c'est-à-dire présentant de nombreuses
correspondances. Selon lui, Luc et Matthieu auraient utilisé l'Évangile de Marc, antérieur au leur,
ainsi qu'un autre texte, perdu (car de nombreux passages communs aux Évangiles de Luc et'
Matthieu ne figurent pas chez Marc). L'hypothèse de cette source (die Quelle, en allemand) est
prise très au sérieux par la plupart des biblistes contemporains, mais ce n'est qu'une piste de
travail qui reste discutée. Friedrich Scheiermacher imaginait ce document hypothétique comme
un recueil de paroles de Jésus. L'Évangile de Thomas, qui comporte cent quatorze paroles de
Jésus, a la même forme que cette source hypothétique. Certains affirment que ces deux textes
n'en font qu'un ... bien que l'Évangile de Thomas ne corresponde absolument pas aux critères
de correspondances avec les synoptiques recherchés par les biblistes! Une rumeur de plus
concernant les apocryphes gnostiques.
Quant à l'affirmation selon laquelle Jésus aurait pu écrire lui-même ses propres enseignements,
elle n'est pas en soi totalement à exclure, mais elle se heurte à de nombreuses objections.
Même l'Église catholique reconnaît aujourd'hui que les auteurs attribués aux Évangiles relèvent
probablement de la pseudépigraphie (attribution d'un texte à un personnage qui fait autorité).
Ces textes reflètent les enseignements retenus par les communautés qui leur étaient proches.
On n'est même pas certains que toutes les épîtres de Paul retenues dans le canon aient
vraiment été écrites par lui. Les historiens du christianisme soulignent en effet que, dans l'attente
eschatologique d'une fin des temps imminente qui marquait les chrétiens du 1° siècle et du
début du II°, il est peu vraisemblable qu'on se soit beaucoup préoccupé de mettre par écrit la vie
et les enseignements de Jésus dès sa disparition. Alors de son vivant, et encore plus, par lui-
même ...
La lutte contre le féminin sacré
Mais le principal reproche adressé à Constantin et à l'Église catholique par les personnages de
Brown est finalement d'avoir voulu lutter contre le féminin sacré pour promouvoir une religion
uniquement masculine. C'est la raison majeure qui aurait motivé la mise à l'écart des textes
apocryphes censés révéler la place centrale de Marie Madeleine dans l'Église primitive et son
union avec Jésus. «Selon le Prieuré, l'empereur Constantin et ses successeurs masculins ont
substitué au paganisme matriarcal la chrétienté patriarcale. Leur doctrine diabolisait le féminin
sacré et visait à supprimer définitivement de la religion le culte de la Déesse» (p. 251).
«Autrefois célébrées comme un chaînon indispensable de l'éducation spirituelle, les femmes ont
été définitivement bannies de tous les cultes du monde. On ne trouve pas plus de femmes
rabbins que de femmes prêtres ou imams. L'acte jadis sacré du hieros gamos-l'union sexuelle
entre l'homme et la femme, par laquelle chacun des deux accède à la plénitude spirituelle - ce
"mariage saint" fut condamné comme une profanation. Les hommes, qui considéraient autrefois
l'acte sexuel comme un moyen de communiquer avec Dieu, se sont mis à craindre leur désir
comme étant l' œuvre du diable, associé à sa complice favorite, la femme» (p. 252).
Même si la démonstration est truffée d'amalgames, d'approximations et d'inventions pures et
simples, cette question du féminin sacré et de son refoulement par le christianisme antique est
incontestablement la plus pertinente que pose le roman de Dan Brown. Avant d'y venir,
rappelons quelques faits concernant le culte de la grande Déesse et la place du féminin dans le
paganisme de l'Antiquité.
De la grande Déesse au Dieu mâle
Les préhistoriens s'accordent pour dire que, dans une longue période s'étageant du
paléolithique au mégalithique, les peuples d'Europe et du MoyenOrient adoraient une grande
Déesse primordiale, une divinité féminine dont la fonction maternelle se doublait parfois d'une
fonction érotique. Des gravures sur pierre et des sculptures la représentant ont été retrouvées
sur des sites archéologiques indéniablement cultuels. (Lire à ce sujet La Grande Déesse,
mythes et sanctuaires de Jean Markale.) Dans les sociétés primitives, le pouvoir féminin de
donner la vie était perçu comme un grand mystère et considéré comme divin. La plupart de ces
sociétés étaient de type matriarcal, la vie sociale étant basée sur le calendrier lunaire et le temps
perçu comme cyclique plutôt que linéaire.
La fin de la vénération des déesses en Europe de l'Ouest a probablement eu lieu quelques
milliers d'années avant J-C., quand les Indo-européens envahirent l'Europe par l'est. Ils
apportèrent alors la croyance en des dieux mâles. Le culte des déesses s'est progressivement
mêlé au culte de ces dieux mâles pour produire une grande variété de religions païennes (le
terme païen se réfère ainsi aux anciennes religions polythéistes des Celtes, des Germains, des
Romains, des Grecs, des Égyptiens, des Babyloniens, etc.). Les mythes de Sumer racontent le
formidable combat, vers 3000 avant notre ère, des premiers héros mâles, en quête de
divinisation, contre la Déesse. L'amant géniteur de cette Déesse, symbolisé sous les traits du
Taureau fécondant, s'unissait à elle au cours d'une grande fête annuelle qui constituait le centre
de la liturgie, puis il mourait sacrifié.
Puis commença le déclin du statut de la femme et l'apparition de sociétés patriarcales. C'est au
culte des déesses qu'est venu s'attaquer Yahvé, proclamé Dieu Père unique. Yahvé, sans doute
le premier Dieu célibataire, sans contrepartie féminine, de toute l'histoire ! Avec le judaïsme et le
christianisme, les religions païennes furent supprimées et le principe féminin fut refoulé
progressivement du champ religieux. Le Dieu, le Prêtre et le Père remplacèrent les figures de la
Déesse, de la Prêtresse et de la Mère. Dans tous les systèmes religieux issus de la Bible, c'est-
à-dire le judaïsme, le christianisme et l'islam, c'est le concept d'un Dieu aux traits typiquement
masculins qui domine, et les hommes se sont arrogés tous les pouvoirs religieux.
Retour du féminin sacré ... excepté dans le clergé
Le Da Vinci code vise juste sur cette question cruciale. Toutefois, il est faux d'attribuer cette
révolution à Constantin. Le patriarcat lui est bien antérieur, comme la méfiance de l'Église à
l'égard des femmes (qu'il suffise de relire les textes de Paul !). Mais, comme nous l'avons déjà
rappelé, ce refoulement du principe féminin était intenable trop longtemps et, sous la pression
de la dévotion populaire, l'Église favorisa dans un premier temps le culte de la Vierge Marie qui
se substitua parfois trait pour trait à certaines figures antiques de la grande Déesse. Il fallait
adapter le modèle en l'épurant de tout ce qui rappelait les fêtes orgiaques et la prostitution
sacrée, qui encombrait le souvenir de la grande Déesse aux multiples noms:
Ishtar (Sumer), Nout ou Isis (Égypte), Épona (Gaule celtique), Baalat (Phénicie), Astarté
(Canaan), Aphrodite- Vénus (monde gréco-romain), etc. La Madone, la Vierge Marie, qui prend
la place de toutes les déesses de l'Antiquité, est édulcorée et sans sexualité, confinée à son rôle
maternel. Si les déesses primordiales des mythologies anciennes étaient fécondées par le ciel,
par l'air, ou par le feu, voire par un serpent, la mère de Jésus fut fécondée par l'Esprit saint, la
troisi~me personne divine de la sainte Trinité chrétienne.
L'occultation du personnage central de Marie de Magdala par les apôtres et les premiers
théologiens chrétiens tient sans doute davantage à un réflexe machiste qu'à la thèse de son
union avec Jésus évoqué par Dan Brown. Mais, comme nous l'avons rappelé, le personnage de
Marie Madeleine deviendra à partir du Moyen Âge une figure mythique, un archétype féminin qui
assumera la polarité érotique confisquée à la Vierge Marie.
La place de plus en plus importante que prendront ces deux grandes figures féminines de
l'Evangile dans la piété populaire (et dans le dogme catholique, pour ce qui est de la Mère de
Jésus) ne doit cependant pas faire oublier que Dieu reste encore typiquement· masculin (Père,
législateur, Tout-puissant) dans le christianisme comme dans les autres religions monothéistes
... et que les femmes sont encore globalement exclues des fonctions religieuses majeures.

                       Une étude sérieuse par Jean-Claude DUBS :

                                   Les manuscrits de Qumrân

                   Source : http://www.la-bible.net/article.php?refart=qumran

                   Jean-Claude DUBS, Bibliste, chercheur associé au CNRS, auteur avec
                   Jean-Pierre Bagot de l'ouvrage « Pour lire la Bible »

                   Le mot-clef « Qumrân » n'apparaît pas moins de 288 fois dans le volume
                   de la Nouvelle Bible Segond. Cette proportion sans exemple dans le passé,
                   souligne à elle seule le crédit que l'on apporte aujourd'hui à cette source
                   ancienne. Rappelons que cette dernière n'est pas sans mérite puisqu'elle
                   permet de se rapprocher d'au moins 1000 ans des origines de la Bible.
                   Avec la bibliothèque de Qumrân on a pu plonger en plein dans
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