ESSAIS SUR LES CONTRATS DYNAMIQUES AUTO-EX ECUTOIRES - CHRISTIAN CALM 'ES - UNIVERSIT E DU QU EBEC 'A MONTR EAL
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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL ESSAIS SUR LES CONTRATS DYNAMIQUES AUTO-EXÉCUTOIRES THÈSE PRÉSENTÉE COMME EXIGENCE PARTIELLE DU DOCTORAT EN SCIENCES ÉCONOMIQUES CHRISTIAN CALMÈS AOÛT 2002
TABLE DES MATIERES AVANT-PROPOS ii LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES iii RESUM E iv INTRODUCTION 1 CHAPITRE I 11 DE MAIN INVISIBLE ET LA PERSISTANCE DES CYCLES D'AFFAIRE: LA POIGNEE UN SURVOL 1.1 Introduction 11 1.2 Le modele ABG et quelques extensions 16 1.3 Mises en evidence empirique des contrats auto-executoires 21 1.4 Contrats auto-executoires et cycles d'a aire 26 1.5 Conclusion 31 CHAPITRE II 33 SELF-ENFORCING LABOUR CONTRACTS AND THE DYNAMICS PUZZLE 2.1 Introduction 33 2.2 Why use self-enforcing wage contracts? 36 2.3 The theoretical framework 39 2.3.1 Description of the assumptions 39 2.3.2 De nition of a self-enforcing contract 40 2.4 The model 42 2.4.1 Description of the model 42 2.4.2 Endogenous rigidity of the labour-income dynamics 43 2.5 Computations and results 47 2.5.1 Calibration 47 2.5.1 Computation of Vmax s 48 2.5.1 The full-commitment Pareto frontier 49 2.5.1 Solving the limited-commitment case 50 2.6 Conclusion 50 CHAPITRE III 54 FINANCIAL MARKET IMPERFECTION, INVESTMENT AND PRECAUTION 54 3.1 Introduction 54
3.2 The Investment-Cash Flow Sensitivity: A Short Overview 58 3.3 The Precautionary Motive 60 3.4 A splitting criterion based on the Z-score 64 3.4.1 Cash Flow and Financial Expectations 66 3.4.2 Investment and Financial Expectations 70 3.5 Conclusion: Some Macroeconomic Implications 73 CONCLUSION 80 BIBLIOGRAPHIE 84
AVANT-PROPOS Partant de re exions inspirees par mes mentors, j'ai voulu que ma dis- sertation porte sur l'engagement partiel. Cette these propose une lecture des phenomenes economiques se basant sur l'idee d'une con ance limitee entre les agents. J'illustre comment cette idee peut faire l'objet d'un cadre theorique permettant une analyse originale des cycles economiques. La dis- sertation est d'inter^et pour l'analyse de politiques publiques. Toutefois, il ne s'agit que des lineaments d'un cadre theorique. REMERCIEMENTS Je remercie Clelia Chambon, etudiante a l'UQAH, pour son soutien. Je remercie Michele Boldrin, professeur a l'universite de Mineapolis, Steve Am- bler, Pierre Fortin, Stephane Pallage, Louis Phaneuf, professeurs a UQAM, Christian Sigouin, professeur a l'universite Concordia, Christian Zimmer- mann, professeur a UQAM, de m'avoir inspire ces travaux. Je dedie cette these a feu le commandant Pierre Calmes, et a feu son epouse, Lea Begon. ii
LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES Tableau 2.1 The Structural parameters 48 Tableau 2.2 The Spot Market 49 Tableau 2.2 Slope of the full-commitment frontier 49 Tableau 3.1 Cash Flow Hoarding (dependent variable: cash ow/total asset) 67 Tableau 3.2 Net Working Capital versus past Cash Flow (dependent variable: change in cash ow) 69 Tableau 3.3 Cash Flow Hoarding and Debt (dependent variable: cash ow) 69 Tableau 3.4 Investment-Cash Flow Sensitivity (dependent variable: Investment) 71 Tableau 3.5 Overinvestment and Financial Health (dependent variable: overinvestment) 71 Tableau 3.6 Overinvestment of Troubled Firms 72 Tableau 3.7 Overinvestment of Financially Distressed Firms 73 Figure 2.1 Full-commitment pro t 52 Figure 2.1 Dynamics of consumption and hours 53 iii
RESUME Cette these propose une lecture des phenomenes economiques se basant sur l'idee d'une con ance limitee entre les agents. J'illustre comment cette idee peut faire l'objet d'un cadre theorique permettant une analyse originale des politiques economiques et des cycles d'a aire. Le but de la these est d'etudier les implications du rel^achement de l'hypothese classique de l'agent representatif. Je pars d'une forme insti- tutionnelle, ou, au contraire, les agents economiques di erent les uns des autres. Dans ce contexte d'agents heterogenes, j'utilise le concept theorique de con ance limitee entre agents. J'introduis des contrats dynamiques auto- executoires a la Thomas et Worrall entre employeurs et employes: c'est-a- dire des relations de travail ou le pouvoir de negociation evolue de sorte que les relations perdurent malgre la presence d'opportunites externes. Les proprietes dynamiques de ce type de contrat di erent de celles qu'impliquent un modele classique. Dans les modeles usuels, le salaire est determine en fonction de la productivite du travailleur. De ce fait, le salaire tend a ^etre plus exible que ne le suggerent les evidences empiriques. Cer- tains modeles introduisent des rigidites de salaires ad hoc a n de se rap- procher du comportement observe des salaires. Dans le cadre que j'utilise, ces rigidites emergent directement du modele. Elles s'accompagnent de pro- prietes dynamiques qui concordent mieux avec les donnees. Le concept d'engagement partiel permet de generer des rigidites en- dogenes absentes des modeles classiques, caracterises par une equilibration libre et parfaite des marches. Le cadre theorique que j'aborde introduit donc la possibilite d'imperfections de marche, et c'est la raison pour laquelle il iv
constitue un outil prometteur d'analyse des politiques publiques. v
INTRODUCTION Perspective epistemologique Lorsque l'on prend en compte les depenses publiques, la politique scale ou la politique monetaire, le pouvoir explicatif d'un modele macroeconomique usuel est sensiblement ameliore. Cela est particulierement le cas si l'on sup- pose qu'il existe des imperfections de marche necessitant l'intervention de l'etat. En revanche, ces imperfections n'emergent generalement pas des modeles: elles sont imposees. C'est ce constat initial qui a motive ma con- tribution. Comme l'explique cette introduction, je construis un modele ou l'imperfection de marche est endogene: elle provient du partage de risque entre agents confrontes a des opportunites externes -et donc en engagement partiel dans leur relation. L'introduction decrit les implications du rel^achement de l'hypothese classique de l'agent representatif. J'expose les proprietes d'une forme in- stitutionnelle ou, au contraire, les agents economiques di erent les uns des autres. Je montre comment le concept de con ance limitee entre ces agents permet de generer des rigidites endogenes absentes des modeles classiques. Ces derniers sont caracterises par une equilibration libre des marches. En revanche, le cadre theorique que je presente introduit la pos- sibilite d'imperfections de marche. Dans ce contexte d'agents heterogenes, J'introduis des contrats dynamiques auto-executoires a la Thomas et Wor- rall entre employeurs et employes: c'est-a-dire des relations de travail ou le pouvoir de negociation evolue de sorte que les relations perdurent malgre la presence d'opportunites externes. Les proprietes dynamiques de ce type de contrat di erent de celles qu'impliquent un modele classique. Dans les modeles usuels, le salaire est determine en fonction de la productivite du travailleur. De ce fait, le salaire 1
tend a ^etre plus exible que ne le suggerent les evidences empiriques. Cer- tains modeles introduisent des rigidites de salaires ad hoc a n de se rap- procher du comportement observe des salaires. Dans le cadre que j'utilise, ces rigidites emergent directement du modele. Elles s'accompagnent de pro- prietes dynamiques qui concordent mieux avec les donnees. J'explique que, pour cette raison, le cadre theorique que je decris con- stitue un outil prometteur d'analyse des politiques publiques. Pour expliquer la dynamique de l'emploi, les uctuations economiques de la production des biens, de la consommation, ou de l'investissement, entre autres, on a generalement recours a un cadre d'analyse emprunte a la theorie economique. Il s'avere generalement plus approprie qu'un cadre base sur une approche politique, sociologique ou autres. En e et, l'un des inter^ets speci ques de l'approche economique est de permettre une evaluation plus directe des consequences des politiques macroeconomiques et nancieres comme, par exemple, la politique monetaire de la banque centrale, ou la politique budgetaire et scale de l'autorite publique. Clairement, meilleur est le cadre theorique, plus eÆcace sont ces politiques. Lorsque l'on etudie les modeles macroeconomiques usuels, on remar- que qu'ils expliquent souvent la dynamique economique sans introduire l'autorite publique. Ces modeles decrivent les principaux agregats reels (tels que par exemple la production nationale, la consommation, l'investissement, l'emploi) en supposant l'absence de gouvernement. Parfois l'on introduit des elements tels que les depenses publiques, la scalite ou l'o re de monnaie emanant de la banque centrale. Mais l'on suppose generalement un r^ole ad hoc pour le gouvernement, ces elements entrant de maniere exogene dans les modeles. On retrouve souvent cette omission dans le cadre d'analyse usuel. Ce cadre se fonde sur l'hypothese de l'agent representatif (selon le paradigme 2
de Robinson Crusoe). Il s'inspire de la theorie classique en ce sens qu'il sup- pose que l'economie est soumise a une incertitude purement exogene quant a l'etat futur de l'environnement economique, i.e. de la nature. L'hypothese fondamentale sous-jacente est que le systeme economique est perturbe par des chocs aleatoires -\God Plays dice". Ces chocs naturels agissent ex- nihilo sur la technologie de production des biens. Dans ce contexte, le modele illustrant le paradigme de Robinson Crusoe postule que tous les agents economiques doivent agir en fonction des di erents etats envisage- ables de la nature. Dans sa conception la plus etroite, ce cadre theorique s'appuie egalement sur une hypothese institutionnelle fondamentale: on considere que tous les agents peuvent ^etre representes par un m^eme agent \moyen", Robin- son Crusoe. Cet agent representatif, anticipant les realisations futures des chocs, decide donc de sa strategie economique intertemporelle dans un en- vironnement incertain. C'est-a-dire que l'on depeint l'economie en partant du calcul que fait l'agent representatif quant a son niveau de consomma- tion, son niveau d'epargne, sa quantite de travail ou la quantite des biens a produire, pour tous les etats futurs de la nature et toutes les dates futures possibles. La meilleure strategie intertemporelle possible est de nie comme un equilibre. Cet equilibre est classique en ce sens qu'il est caracterise dans un environnement incertain ou les marches sont libres dans leur fonction- nement. Par ailleurs, le degre d'inter^et public de cet equilibre est mesure par la satisfaction economique qu'il apporte a l'agent. La strategie optimale est celle qui maximise l'utilite de la consommation et du loisir en presence de chocs (technologiques). Ce critere, qui speci e les preferences de l'agent, constitue la troisieme hypothese fondamentale sur laquelle repose le cadre theorique classique. 3
La formulation originale du modele associe a cette approche est due a Kydland et Prescott (1982). En determinant la strategie optimale de l'agent representatif a partir du calcul rationnel de son utilite intertem- porelle esperee, c'est-a-dire tenant parfaitement compte des trois fondamen- taux economiques (technologie, forme institutionnelle, preferences), on peut analyser les cycles d'a aire. Bien que methodologiquement incontournable, ce modele ne permet pas une analyse ne des politiques publiques. En e et, le modele canonique, compte tenu de sa speci cation, fournit avant tout un eclairage sur la dynamique macroeconomique insuee par les chocs technologiques. Il est donc essentiellement developpe du c^ote de l'o re, \supply side". Aussi, bien que permettant une lecture interessante de l'evolution des principaux agregats macroeconomiques reels, par con- struction et stricto senso, le courant etroit de litterature engendre par les travaux de Kydland et Prescott (1982) est peu apte a renseigner sur les e ets des politiques monetaires par exemple, tel qu'illustre dans les travaux de Cooley et Hansen (1995), entre autres. Par ailleurs, m^eme si la theorie des cycles reels d'a aires (RBC) que ces auteurs ont inspire est fortement ancree sur des hypotheses classiques, il existe une autre explication plausible des uctuations mettant davantage l'emphase du c^ote de la demande. Dans son ancienne conception, cette ex- plication theorique proposee par Keynes (1936), o re l'avantage de perme- ttre de facto l'analyse de politiques economiques. Cela vient du fait qu'elle repose sur des lois psychologiques fondamentales rationalisant les rigidites economiques et legitimant les interventions gouvernementales. La speci cite centrale de la conception keynesienne de l'economie reside dans sa representation intuitive des comportements erratiques des salaries. Selon Keynes, le caractere \animal spirit" (i.e. \esprits animaux" -Descartes) 4
des menages ou des investisseurs conditionne les uctuations de court terme, par le truchement de la demande \there is no God playing dice, we are". C'est precisement dans cette mesure que l'intervention publique peut trou- ver son bien fonde. En e et, alors que le gouvernement dispose de peu d'instruments pour pallier les chocs d'o re, il peut en revanche in uencer la demande pour en limiter les perturbations. En tant qu'agent economique a part entiere, le decideur public peut entre autres decider du niveau des depenses publiques, des taxes, ou de l'in ation pour minimiser les ecarts de la production nationale par rapport a la tendance naturelle. Alors que le modele classique de croissance economique se base sur l'evolution liberale du capital et le mecanisme de substitution intertem- porelle de la consommation, le modele keynesien repose essentiellement sur les rigidites observees sur le marche du travail. Le corps d'hypotheses permettant de rationnaliser l'existence des institutions publiques est plus generalement cristallise par des imperfections dans le fonctionnement des marches. Toutefois, m^eme si le cadre theorique keynesien presente un attrait indeniable pour l'analyse de politiques, il sou re, a l'instar du cadre clas- sique, de limitations importantes. On peut douter de son caractere general dans la mesure ou, dans sa conception etroite, il tend a evacuer la con- tribution observee des chocs d'o re a la variance de la production et des principaux agregats. C'est la raison pour laquelle un troisieme courant de litterature s'est developpe, qui fait la synthese neoclassique des apports des deux courants. Le modele a agent representatif propose dans ce cadre retient generalement les hypotheses classiques relatives aux fondamentaux. En outre, il integre les apports de la conception keynesienne en introduisant des rigidites de salaire, de prix, et toutes sortes d'imperfections de marche permettant aux 5
chocs de demande de contribuer a la variance des agregats. Ce cadre permet donc a la fois de rendre compte de la dynamique de l'economie reelle, et d'analyser les politiques economiques. Malheureuse- ment, m^eme s'il est par nature plus complet, le modele de la synthese neoclassique repose sur des hypotheses de rigidites generalement ad hoc. Par ailleurs, ses proprietes dynamiques, bien que generalement meilleures que celles d'un modele purement RBCiste, sont encore assez eloignees de celles que suggerent les donnees statistiques -au moins quantitativement, voire m^eme parfois qualitativement. Les tenants de cette approche, comme Rotemberg et Woodford (1996), Ambler Phaneuf et Guay (1999), Gali (1999), et bien d'autres, contribuent donc a la litterature en considerant des alterations dans les trois hypotheses classiques fondamentales. Bien que la plupart des travaux se concentrent sur la modi cation des hypotheses relatives a la technologie ou aux preferences, certains travaux cherchent a modi er l'hypothese de l'agent representatif. Il est legitime de considerer cette hypothese institutionnelle comme peu at- trayante, malgre ses avantages analytiques evidents. En e et, l'idee d'une economie composee d'un continuum d'individus homogenes et isolement au- togeres est peu realiste. Cependant, m^eme dans le cas des modeles a agents heterogenes, il est assez rare de considerer des jeux sensiblement di erents de celui de Robin- son Crusoe. En regle generale, on ne considere pas vraiment les interactions strategiques qui peuvent exister entre les di erents agents economiques. Les travaux de Azariadis (1975), Baily (1974) ou Gordon (1974) font presque une exception en la matiere. Cherchant a mieux expliquer le ch^omage, ces auteurs ont elabore des modeles a agents heterogenes ou employeurs et employes interagissent. En revanche, le contexte de con ance totale entre agents qui y est suppose 6
engendre des strategies dominantes. Pour considerer plut^ot des equilibres de Nash, c'est-a-dire des equilibres qui tiennent totalement compte des in- teractions qui existent entre les agents, il faut supposer au contraire un engagement partiel des agents dans la relation. Avec les travaux de Danthine et Donaldson (1992) mais surtout de Boldrin et Horvath (1995), le cadre d'analyse macroeconomique base sur le concept d'interactions strategiques et de con ance limitee fait un premier pas prometteur. Ces auteurs montrent en e et que des rigidites salariales en- dogenes generees par des contrats dynamiques entre employes et employeurs permettent de mieux rendre compte de la dynamique macroeconomique. Le point est important. L'idee consiste a introduire les rigidites keynesiennes observees sur le marche du travail, sachant par les travaux de Modigliani (1944) que ce marche joue un r^ole crucial dans l'explication des uctua- tions. Dans ce cadre, on se trouve donc a la fois a endogeneiser des rigidites generalement supposees ad hoc (cf. Taylor 1980), et a alterer l'hypothese institutionnelle classique relative a l'agent representatif. Dans la mesure ou les rigidites salariales sont reconnues pour leurs e ets macroeconomiques probants, cette approche semble pertinente. Quanti er rigoureusement une rigidite en la supposant plut^ot ad hoc est d'ailleurs une pratique assez controversee dans la litterature. On peut aussi legitimement imaginer que l'endogeneisation d'une rigidite au sein d'un modele economique permette de mieux comprendre l'origine et l'e et de cette rigidite. L'idee d'envisager un monde ou les individus di erent fondamentale- ment par leurs dotations, leurs possibilites, leurs objectifs est egalement plus realiste que celle qui interprete l'economie en supposant une institu- tion autogeree. Boldrin et Horvath (1995) parle d'une classe de capitalistes ayant a aire a une classe de travailleurs. Ces classes doivent s'entendre pour produire un surplus economique mutuellement avantageux, dans le cadre de 7
la relation par laquelle ils sont partiellement engages. Cette representation intuitive des institutions est d'autant plus interessante qu'elle permet de considerer les cas de strategies dominantes comme cas limites. En mettant les interactions strategiques entre les di erents agents au centre de la modelisation macroeconomique, on peut ainsi illustrer toute la richesse sociale qu'implique l'idee d'un environnement incertain ou les agents ont une con ance limitee les uns envers les autres. C'est a partir des travaux de Thomas et Worrall (1988) sur les contrats dynamiques que cette idee peut s'operationnaliser. Ces auteurs sont en e et les premiers a pro- poser un modele microeconomique ou l'engagement partiel entre employes et employeurs genere des equilibres de Nash. Toutefois, dans le contexte de leur modele, il n'est pas question d'expliquer la dynamique macroeconomique. M'appuyant sur les travaux precurseurs de Sigouin (2000), j'aborde cette question. La these que j'avance propose une lecture des phenomenes economiques bases sur l'idee d'une con ance limitee entre les agents. J'illustre comment les relations de con ance entre des agents di erents peuvent faire l'objet d'un cadre theorique permettant une lecture originale des uctuations. Le premier essai precise de maniere plus rigoureuse pourquoi les contrats dynamiques de travail entre employeurs et employes peuvent constituer un element central dans l'explication des uctuations economiques. J'y presente une revue de litterature sur les contrats dits auto-executoires, a la Thomas et Worrall. Ce type de contrats formalise une relation implicite (poignee de main invisible) entre agents economiques, dans un contexte d'incertitude. Ce qui motive la relation est le fait que l'interaction durable, i.e. la con ance entre agents, permet a chacun de mieux se proteger contre les mauvaises realisations de la nature. Comme les parties engagees dans la relation ont toujours la possibilite d'amorcer d'autres relations exclu- 8
sives, ou de gerer individuellement les risques encourus, on doit concevoir une relation ou le pouvoir de negociation des entrepreneurs et des salaries evolue de maniere endogene a n de garantir la durabilite de l'entente -d'ou l'appellation de contrat auto-executoire. Dans la deuxieme partie de la these, j'aborde un cadre theorique clas- sique generalise. Je formalise une economie avec incertitude technologique exogene, dans un modele ou les agents presentent des preferences conven- tionnelles en matiere de consommation et loisir, mais ou l'hypothese institu- tionnelle se fonde sur la con ance limitee entre entrepreneurs et travailleurs. En introduisant cette alteration dans le corps d'hypotheses de la synthese neoclassique, on permet aux interactions strategiques entre agents de jouer un r^ole preponderant. L'objet de cet essai est alors d'etudier la dynamique macroeconomique qu'implique cette modi cation sensible. Le modele cree dans cet essai est deliberement simpli e. Il permet, en se basant sur la methode de programmation developpee par Sigouin (1999), d'etudier dans quelle mesure les contrats a la Thomas et Worrall peuvent engendrer des proprietes dynamiques correctes. A l'aide de ce type de contrat de salaire endogene, j'etudie les proprietes dynamiques qu'ils impliquent pour l'economie. Entre autres, le modele genere des revenus d'emploi beaucoup plus rigides que ceux que l'on obtient dans un cadre classique. Ce resultat renforce l'idee de Boldrin et Horvath (1995) a l'e et que l'environnement de con ance limitee delivre de meilleures proprietes que le cadre conventionnel. Le dernier essai vise a corroborer empiriquement les resultats theoriques avances par Sigouin (1999) a propos du marche du capital. La con - ance limitee ne joue pas seulement un r^ole sur le marche du travail, mais egalement sur le marche du capital. J'utilise une variable de stress nancier, le Zscore, pour classer les en- 9
treprises en fonction de leur sante nanciere. Pour chaque classe, j'etudie le comportement de l'investissement des entreprises. Les resultats suggerent que les entreprises en mauvaise situation nanciere tendent a surinvestir. La raison en est qu'elles cherchent a se premunir contre le risque de fail- lite. Ces resultats peuvent ^etre interpretes a la lumiere du cadre theorique que j'etudie. En e et, dans ce cadre, et tel que demontre par Sigouin (1999), la dynamique de l'investissement peut comporter une composante de precaution permise par un partage de risque. Les implications macroeconomiques de ces resultats sont aussi discutees. On peut envisager une mesure agregee des conditions du credit basee sur une variable de stress nancier (e.g. le Zscore agrege). Il est possible que ce genre de variable soit susceptible d'expliquer de maniere signi cative l'evolution de l'in ation ou de la production. En outre, selon Zingales et Kaplan (1995), il est important de noter que le conservatisme et la precaution peut expliquer le caractere asymetrique de la politique monetaire. Ses e ets contraction- nistes sont plus directs et prononces que ses e ets expansionnistes. 10
CHAPITRE I DE MAIN INVISIBLE ET LA POIGNEE LA PERSISTANCE DES CYCLES D'AFFAIRE: UN SURVOL 1 L'objet de cette revue de la litterature est de mettre en evidence les implications des rigidites de salaire liees au partage de risque pour la replication de certains faits stylises concernant la persistance des cycles d'a aire. Il s'agit de montrer les e ets potentiels du partage de risque entre entreprises et employes sur la dynamique de l'emploi et de la consommation agreges et donc de la production agregee; faits que les modeles macroeconomiques traditionnels sont incapables de reproduire. En particulier, j'expose les proprietes que des contrats auto- executoires confere au salaire reel, a l'emploi et la consommation agreges, et comment ces proprietes sont susceptibles de pallier les insuÆsances, au chapitre de la dynamique et de la persistance, des mecanismes de propagation interne de ces modeles usuels. 1 Introduction Le partage de risque et l'enigme de la dynamique Ambler, Guay et Phaneuf (1999) montrent le double r^ole que jouent les rigidites de salaires dans l'explication de certains faits stylises relatifs aux cycles d'a aire. D'une part, l'intro- duction de rigidites salariales permet de rendre compte, en partie, de la forme en cloche de la 1 Cet essai a circule precedemment sous le titre \La theorie des contrats de travail auto-executoires et ses implications macroeconomiques: un survol de la litterature". Je remercie pour leurs suggestions: Emmanuel Hakizimana, Paul Makdissi, Stephane Pallage, Bruce Shearer, Christian Sigouin, Valerie Vierstraete, Christian Zimmermann. 11
reponse de l'emploi et de la production aggregee a des chocs transitoires, telle qu'empiriquement observee. D'autre part, elle permet egalement de rendre compte, en partie, de l'autocorrelation empirique du taux de croissance de la production aggregee. Pour la plupart des modeles macroeconomiques usuels, ces deux faits stylises constituent une enigme. En e et, les modeles d'equilibre general dynamiques ne disposent generalement pas de mecanismes de propagation internes suÆsants pour rendre compte du double phenomene d'ampli cation et de propagation persistante des chocs. Dans Ambler, Guay et Phaneuf (1999), la nature des rigidites salariales susceptibles de resoudre l'enigme de la dynamqiue n'est pas formellement explicitee, mais le modele suggere que ces rigidites sont, pour bonne part, a l'origine de l'ampli cation et de la propagation des uctuations economiques. Un tel resultat impose l'idee que certaines formes de rigidites engendrent une volatilite superieure dans les modeles. Clari er la nature de ces rigidites en cherchant a etudier dans quelle mesure elles peuvent constituer une propriete aussi fon- damentale que le pro l des preferences ou la nature de la technologie constitue donc un enjeu. On peut endogeneiser les relations entreprises-employes de di erentes manieres. On peut recourir a la theorie des salaires d'eÆcience, aux modeles insiders/outsiders, on peut intro- duire les syndicats, les problemes de matching. Ces elements sont generalement exploites pour etudier des questions relatives au ch^omage, entre autres. Neanmoins, si l'on s'interesse plut^ot aux proprietes dynamiques des modeles macroeconomiques usuels, en ce qui concerne l'endogeneisation des rigidites de salaire, les contrats auto-executoires constituent une alter- native plus appropriee. En e et, leurs proprietes intrinseques les quali ent particulierement pour representer le type de rigidites a m^eme d'expliquer l'enigme de la dynamique. Description des contrats auto-executoires Les contrats de travail auto-executoires concernent les engagements implicites entre em- ployeurs et employes, ainsi que l'ensemble des aspects des relations de travail ne pouvant faire l'objet de recours legaux. Il s'agit de relations implicites dans la mesure ou chacune des deux parties a un inter^et a l'entente. Toutefois, m^eme si une entente est mutuellement avan- 12
tageuse ex-ante il se peut que surviennent des opportunites exterieures susceptibles d'amener l'une des parties a renoncer a la relation de long terme. Pour que l'entente perdure il faut tenir compte des problemes d'engagement auxquels font face les parties contractantes, c'est- a-dire qu'il faut introduire des contraintes rendant le contrat auto-executoire. La distinction entre contrats auto-executoires et contrats implicites reside precisement dans le fait que ces derniers ne tiennent pas compte des problemes d'engagement. Les contrats implicites font abstraction du probleme d'engagement par l'hypothese d'un e et de \lock-in" garantissant l'engagement des parties (reputation, servitude, facteur travail xe). Dans un contexte d'incertitude sur la realisation d'une variable aleatoire (generalement un choc a la production) touchant les gains des parties, le contrat auto-executoire est motive par un besoin d'assurance, l'une des parties etant plus averse au risque que l'autre. Un contrat de travail auto-executoire speci e le salaire a percevoir par les employes et les heures de travail, pour toutes les realisations possibles de la variable aleatoire. Pour qu'il soit auto- executoire il faut inclure, pour chaque partie ne pouvant s'engager, une contrainte telle que le gain anticipe de cette partie au sein de la relation reste a tout moment au moins egal a celui qu'elle aurait en dehors du contrat. Les opportunites hors contrat sont representees par un marche au comptant (\spot market"). Il s'agit d'un marche ou le salaire est exible, les employes etant payes a leur productivite marginale et subissant pleinement les uctuations de la variable aleatoire. Pour illustrer les di erences entre contrats explicites, implicites et auto-executoires on peut prendre l'exemple des relations de couple. Un mariage est un contrat explicite, ayant valeur legale, avec des contraintes legalement executoires. Une vie maritale (concubinage) est un contrat implicite, une entente qui n'est pas necessairement auto-executoire dans la mesure ou elle peut ^etre rompue. Mais si le couple arrive a prendre parfaitement en compte le fait qu'a tout moment chacun peut ^etre tente par une relation avec un tiers, ou le celibat, et que les avantages de la relation implicite sont determines en fonction des opportunites exterieures, on est dans le cadre d'une entente auto-executoire. L'entente est implicite, mais en outre le couple se soustrait aux tentations en faisant varier le partage de surplus et le pouvoir de negociation selon les circonstances. Dans ce contexte on inclut donc des contraintes 13
qui traduisent l'arbitrage que chacun fait entre l'utilite de la relation et les opportunites qui s'o rent a lui. Evidemment, la personne la plus tentee par la separation, i.e. dont la contrainte est mordante, a le plus de pouvoir de negociation au sein du couple, l'autre devant alors accepter des compromis pour garantir la perennite de l'union. En n, il est a noter que tout contrat explicite, tel que le mariage par exemple, peut comporter une composante implicite ou auto-executoire. L'origine des contrats auto-executoires l'origine, l'idee des contrats de travail auto-executoires est formulee pour repondre aux A insuÆsances de la macroeconomie en ce qui a trait a l'explication des uctuations de l'emploi et aux problemes souleves par la formalisation du sous-emploi. Il s'agit aussi pour les pre- miers auteurs de proposer une approche alternative a la courbe de Phillips en se fondant sur des bases microeconomiques moins contestables. La necessite de cette theorisation parti- culiere du marche du travail remonte au moins a Modigliani (1944) qui identi e la mauvaise formulation du fonctionnement du marche du travail comme la principale de cience de la macroeconomie. Selon cet auteur, l'incapacite de la macroeconomie a rendre compte cor- rectement des uctuations economiques provient d'un mauvais traitement du marche du travail et des relations employes-employeurs. Les premiers modeles portent sur des contrats purement implicites, (i.e. sans probleme d'engagement) et donc non auto-executoires. Ils datent du debut des annees soixante-dix. Ils sont dus a Azariadis (1975), Baily (1974), et Gordon (1974), et sont couramment ap- peles modeles ABG. Ils sont elabores pour expliquer les phenomenes non walrasiens relatifs a l'emploi, notamment le ch^omage, mais egalement pour formaliser l'ecart observe entre salaire et productivite marginale du travail (P mT dans la suite). Une autre ambition est d'introduire la theorie des organisations au niveau agrege pour etudier dans quelle mesure un comportement de la rme qui s'ecarterait de la simple maximisation des pro ts peut avoir un e et sur le fonctionnement theorique du marche du travail. L'endogeneisation des relations de travail En d'autres termes, a l'origine, la motivation premiere de cette approche consiste a appro- 14
fondir les fondements microeconomiques du marche du travail pour mieux rendre compte de regularites empiriques que la theorie macroeconomique ne peut expliquer. Une ambi- tion directement liee a cette motivation est de renforcer les fondements theoriques de la macroeconomie keynesienne. Plus precisement, le modele ABG doit apporter une contribu- tion rigoureuse a la litterature sur les rigidites nominales. En e et, ces rigidites ont sou- vent tendance a ^etre exogenes dans les modeles keynesiens (Hicks (1937) et neo-keynesiens (Patinkin (1956), Clower (1965), Solow et Stiglitz (1968), Benassy (1975), Dreze (1975) Mal- invaud (1977)) sans ^etre veritablement justi ees, alors m^eme qu'elles conditionnent fortement la nature des predictions de ces modeles. Les implications des contrats implicites, et plus generalement celles de l'endogeneisation des relations de travail, sont donc importantes pour la recherche en macroeconomie. En e et, ces developpements peuvent, dans une certaine mesure, contribuer a expliquer plusieurs faits stylises diÆciles a elucider dans le cadre standard de la macroeconomie moderne. Parmi les regularites empiriques posant probleme, on retrouve le fait qu'au cours du cycle les salaires reels uctuent moins que la productivite moyenne du travail ou l'emploi (Hall (1980)). Justi er theoriquement ce phenomene est utile: aux Etats-Unis, lors de la grande depression de 1929 a 1933 l'emploi et la productivite ont considerablement chute alors que les salaires reels tendaient a augmenter legerement. Un autre fait observe, generalement occulte dans les modeles, concerne les negociations salariales. Alors que l'on sait que la plupart du temps, les taux de salaires nominaux sont xes plusieurs periodes a l'avance, d'un a trois ans en moyenne, rares sont les modeles macroeconomiques tentant d'endogeneiser cet aspect du marche du travail, voire simplement d'en tenir compte. Or, il se trouve qu'en periode de recession cette pratique institutionnelle ne promeut pas l'emploi, sauf cas extr^eme. D'autres observations sur le fonctionnement du marche du travail peuvent ^etre prises en compte. En fait, la plupart des aspects relatifs au marche du travail ne sont pas re etes par l'approche walrasienne utilisee dans les modeles usuels. C'est le cas, par exemple, pour le fort lien traditionnellement observe entre l'employe et son entreprise. Aux-Etats-Unis, plus de 15
70% des mises a pied ne sont que temporaires. La plupart des employes mis a pied retrouvent un emploi aupres de leur employeur d'origine (Feldstein 1975, Lilien 1980, Katz 1984). Un travailleur masculin adulte occupe pendant vingt ans ou plus un m^eme travail (Hall 1982) et son taux de rotation decline avec l'^age: les changements de profession se deroulent souvent en debut de carriere. Si un jeune employe reste au m^eme poste assez longtemps, il a de fortes probabilites de s'y maintenir pour toute sa vie active (Mincer et Jovanovic 1981, Randolph 1983) 2 . Malgre les diÆcultes techniques a integrer les contrats auto-executoires dans des modeles d'equilibre general dynamique, et nonobstant l'existence de theories alternatives, il y a un aspect empirique particulier pour lequel le partage de risque s'impose. Compte tenu que les contrats de travail de type auto-executoires illustrent un lissage non seulement intertem- porel, mais egalement intratemporel de la consommation, ils constituent en e et une forme de rigidite particuliere, a m^eme d'expliquer l'enigme de la dynamique (i.e. l'ampli cation et la propagation des chocs dans les modeles). C'est ce que tente de montrer ce papier. Il s'agit d'aborder des developpements relatifs aux contrats auto-executoires ayant des impli- cations directes pour la replication des faits stylises relatifs a la dynamique de l'emploi et de la consommation agrege et donc de la production agregee. La deuxieme section decrit le modele ABG d'origine et quelques extensions ulterieures. La troisieme section porte sur la mise en evidence empirique de l'existence de contrats de travail de type auto-executoire. La quatrieme section, centrale, montre les implications de ces contrats pour la dynamique macroeconomique. La derniere section conclut sur les avenues de recherche possibles. 2 Le modele ABG et quelques extensions Le modele ABG 2 Il est possible que la duree moyenne des relations de travail varie d'une epoque a l'autre: on sait que depuis le debut des annees quatre vingt elle s'est reduite aux Etats-Unis. Toutefois, le fait que ces relations aient un caractere durable ne peut ^etre nie. Dans tous les cas elles ont une duree qui excede celle des contrats de salaires executoires. 16
Les premiers modeles faisant reference a la notion de contrat implicite datent du debut des annees soixante-dix. Ils sont dus a Azariadis (1975), Baily (1974), et Gordon (1974). Ils precedent la venue des modeles a contrats auto-executoires qui s'en inspirent. Ils partent de l'intuition selon laquelle le maintien dans le temps d'une relation de travail doit creer une rente, un surplus a partager entre employes et employeurs. Cette rente doit aussi creer un di erentiel de remuneration pour les employes: a cause de la rente qu'ils tirent de leur relation durable avec leurs employeurs, ils n'ont pas necessairement d'incitations a rechercher des opportunites d'emploi sur le marche. Mais, surtout, cette rente eventuelle rompt la necessite d'un arbitrage intratemporel entre salaires courants, valeur de l'entreprise et conditions de marche du travail (Rosen 1985). Dans ce cas, c'est plut^ot la valeur presente anticipee des salaires qui concerne les protagonistes (employes et employeurs), pas seulement le salaire courant. Cette idee a son tour en amene une autre. Si le salaire courant ne joue pas un r^ole preponderant dans le cadre des relations de travail durables, il est donc intuitivement possi- ble de formaliser l'ecart observe entre P mT et salaire par le truchement de ces relations. En fait, ces modeles vont supposer que, dans un cadre a information symmetrique, employes et employeurs ont des degres d'aversion au risque di erents, et qu'il y a donc un inter^et com- mun a partager le risque. Azariadis (1975) evoque un transfert de risque des employes vers les employeurs: dans les modeles ABG les producteurs sont generalement neutres au risque. C'est ce partage de risque qui est a l'origine de la rente que les parties tirent de la relation contractuelle et qui constitue donc le motif de cette relation. La durabilite de la relation importe aux travailleurs car ils sont averses au risque et cherchent a se premunir contre les uctuations de leur salaire: le contrat leur procure cette assurance et leur fournit le surplus d'utilite voulu. Les producteurs, etant moins averses au risque, voire neutres comme cela est souvent suppose dans cette litterature, sont les pourvoyeurs naturels de l'assurance re- quise par les travailleurs. Generalement, on suppose que les travailleurs ne peuvent s'assurer autrement a n de simpli er la formalisation. Les producteurs tirent une rente de la relation de travail dans la mesure ou ils peuvent recuperer la di erence entre salaires et P mT en periode de haute conjoncture. Ils exercent en outre le plein contr^ole sur l'emploi. 17
Pour completer la description du modele ABG il faut preciser qu'on occulte au depart les problemes d'engagement: les contrats sont executoires soit a cause d'un e et de \lock-in" (reputation, servitude), soit parce qu'ils sont optimaux ex-post (Hart et Holmstrom 1985). Il est probable que les auteurs qui ont fonde cette theorie aient ete conscients de cette limite mais qu'a l'epoque la manipulation des contraintes dynamiques posaient vraissemblablement probleme, sinon au niveau theorique du moins au niveau de la resolution. En outre, on n'introduit aucune heterogeneite de la main d'uvre. De plus, le modele de base ne comprend pas de capital: seul l'input travail entre dans la fonction de production des entreprises. Par ailleurs, le risque intervient au niveau de la production: on introduit une variable aleatoire a ectant le niveau de production. Cette variable re ete les incertitudes sur la demande et les chocs technologiques. Generalement, on suppose aussi la \connaissance commune" et une information symetrique. Toute l'information requise est connue de tous les protagonistes: c'est une maniere de formaliser les anticipations rationnelles.3 La distribution de probabilite et la realisation ex-post de la variable aleatoire sont connues et egalement observees sans co^ut par les diverses parties contractantes. Le contrat en tient donc compte: il s'etablit de maniere contingente sur la base de cette variable. En n, on peut illustrer la structure du contrat. Azariadis (1983) mentionne que l'on peut voir le producteur comme une entite possedant trois p^oles. Le premier opere sur la production en achetant les services des travailleurs et en les creditant en retour de leur P mT . Le deuxieme joue le r^ole d'assureur: il fournit des transferts aux employes (T ), leur procurant des indemnites ou des penalites selon la realisation de la variable aleatoire. Le troisieme p^ole paie nalement les travailleurs un salaire nominal compose de la P mT et du transfert: w = P mT + T . Le transfert joue comme un moderateur car il reduit les uctuations de la remuneration. En e et, lorsque la conjoncture est bonne, P mT est elevee et T prend une valeur negative, le salaire est donc inferieur a P mT . Dans le cas contraire P mT est plus faible mais T prend une valeur positive si bien que w est alors superieur a P mT . Ceci illustre comment le partage de risque permet de formaliser le decouplage entre P mT et w, 3 Comme je ne m'interesse pas ici aux problemes de ch^ omage, mais exclusivement aux proprietes dy- namiques des modeles macroeconomiques, les versions ABG a information assymetrique sont exclues. 18
et la rigidite du salaire. Quelques extensions: l'engagement partiel Les premiers developpements sur les contrats implicites ont toutefois suscite quelques contro- verses au point d'^etre pour un temps abandonnes. Hormis les problemes lies a l'hypothese d'information symmetrique, qui ne concernent pas le present survol, la principale lacune du modele ABG est qu'il suppose l'absence d'opportunites exterieures comparables a celles qu'apportent la relation, ecartant donc de-facto les problemes inevitables d'engagement. Des extensions se sont donc developpees pour contrecarrer ces lacunes. Plut^ot que de pretendre a l'exhaustivite, je presente ici des developpements ayant des implications macroeconomiques directes quant a la replication des faits stylises relatifs a la dynamique et a la persistence de l'emploi agrege (et donc de la production agregee). Pour etablir la pertinence de l'approche par le partage de risque, McLeod et Malcom- son (1989) fournissent plusieurs resultats theoriques montrant sa superiorite par rapport a l'approche principal-agent. Leur principale preoccupation est d'illustrer comment la theorie des contrats auto-executoires est susceptible de produire des contrats plus realistes, en meilleur accord avec les contrats reellement observes. Ils etablissent ainsi plusieurs pro- prietes inherentes a ces contrats. Pour qu'un contrat soit auto-executoire, ils montrent qu'il suÆt que le surplus genere par la relation contractuelle soit assez eleve. Ils montrent aussi que la forme du contrat ne permet pas de determiner la nature du partage du surplus entre les parties contractantes, et comment la forme du contrat depend de ce partage. Ils ex- posent egalement les conditions pour qu'un contrat auto-executoire soit impermeable a la renegociation dans un contexte d'equilibre sur le marche du travail. Dans ce contexte, ils etablissent aussi qu'une grande variete de partages du surplus peut ^etre soutenue comme des equilibres. En conclusion, ils con rment la pertinence de la theorie des contrats auto- executoires comme une alternative elegante a l'approche principal-agent mais insistent sur la preponderance du r^ole joue par les croyances des individus dans l'emergence et la forme que rev^etent les relations contractuelles, suggerant donc de bien motiver la nature du partage de surplus suppose dans la modelisation. 19
D'autres travaux pertinents vis-a-vis l'enigme de la dynamique, precisent la nature des con- trats auto-executoires. Ils visent a pallier une lacune importante des contrats implicites, a savoir l'absence de contraintes d'engagement. Ce faisant, ils permettent de mieux rendre compte du comportement du salaire individuel. Par exemple, on peut citer les contribu- tions de Bengt Holmstrom sur la forme de la rigidite a laquelle les modeles ABG avec contraintes d'engagement conduisent. Holmstrom (1983) suppose que seuls les producteurs peuvent s'engager. Cela entra^ne une rigidite partielle des salaires individuels: les salaires sont rigides a la baisse, mais pas necessairement a la hausse car les travailleurs sont toujours susceptibles de rompre leur lien avec leurs entreprises en presence d'opportunites exterieures (en raison donc des problemes d'engagement de la part des employes). Holmstrom (1983) suppose aussi un contrat de duree nie (deux periodes) et montre qu'en derniere periode le travailleur pouvant renier son engagement est assure de percevoir au moins le salaire wal- rasien (ce resultat est connu sous le nom de \Holmstrom back-loading result"). Tout au long de la relation de travail, le salaire individuel est donc theoriquement stable ou croissant. Une consequence directe de ce comportement du salaire est qu'il rationnalise l'idee qu'a competences egales un travailleur ayant de l'anciennete soit relativement mieux remunere. Harris et Holmstrom (1982) etablissent egalement le r^ole joue par l'experience: les contrats auto-executoires expliquent comment, ceteris paribus, un travailleur plus experimente est generalement mieux remunere dans le cas ou il n'y a pas de servitude involontaire (i.e. cas ou le facteur travail est mobile sans co^ut). Une autre consequence liee a la nature de la rigidite engendree par un contrat auto-executoire est que le salaire agrege, bien que globalement exible a la baisse comme a la hausse, presente un degre d'adherence (\stickiness") superieur a celui du salaire walrasien (Holmstrom 1981). D'autres contributions majeures ont permis de preciser les avantages de la theorie des con- trats auto-executoires. Pour eclaircir les proprietes dynamiques de ces contrats, Thomas et Worrall (1988) se placent dans le cas d'une relation contractuelle de long terme (duree in nie), abandonnant le cas des deux periodes plus frequemment utilise. Outre la mise en evidence de la rigidite a la baisse des salaires, Thomas et Worrall (1988) proposent une regle simple de nissant le salaire. Ils utilisent les hypotheses habituelles dans la litterature 20
sur les contrats auto-executoires: les producteurs presentent toujours un degre d'aversion pour le risque inferieur a celui des travailleurs, les producteurs fournissent la seule assurance disponible pour les travailleurs. Les agents disposent d'une information symetrique sur la variable aleatoire. Les travailleurs sont mobiles et peuvent donc toujours acceder au marche du travail hors entreprise et recevoir le salaire walrasien (i.e. la P mT ) et il y a donc un probleme d'engagement de leur part, dont il est explicitement tenu compte. Dans ce con- texte, il s'agit donc encore d'etablir un contrat qui incite les travailleurs a rester deles a leurs entreprises. Dans Thomas et Worrall (1988) les salaires sont aussi rigides a la hausse. En e et, ils de nissent des contraintes contractuelles auto-executoires analogues pour les employeurs, a n de s'assurer que leurs opportunites exterieures ne soient pas preferables. Toutefois, l'enjeu ici est d'expliciter la forme du contrat de travail auto-executoire. On formule le contrat a l'aide d'une regle endogene de xation des salaires: le salaire est de ni pour garantir aux travailleurs une utilite actualisee au moins egale a celle que leur procurerait le fait d'^etre sur le marche du travail hors contrat (marche au comptant ou \spot market") inde niment. Cette contribution est interessante puisqu'elle fournit une operationnalisation de la theorie des contrats auto-executoires. Toutefois, il faut supposer qu'un travailleur ayant brise le contrat se retrouve inde niment hors contrat pour eviter le probleme de bris de contrat. Concommitamment, cela implique une duree in nie des contrats. Les di erentes extensions theoriques du modele ABG caracterisent donc, dans le cas de l'hypothese de partage de risque avec engagement partiel, la forme de rigidites salariales que permet de generer cette approche. Des travaux importants permettent egalement d'etablir explicitement des contrats de travail auto-executoires. 3 Mises en evidence empirique des contrats auto-executoires En parallele de ces developpements, de nombreux travaux empiriques se sont multiplies pour venir renforcer l'inter^et de l'approche. L'une des contributions les plus importantes est celle de Beaudry et DiNardo (1991). A partir de donnees microeconomiques, ils decrivent com- 21
ment les contrats auto-executoires sont supportes par les observations. Beaudry et DiNardo (1991) precisent en particulier que les salaires individuels sont a ectes par les conditions economiques passees et presentes, ce qui identi e un phenomene inconciliable avec l'approche standard des salaires exibles, mais en accord avec la theorie des contrats auto-executoires. En partant d'un modele simple integrant des contrats de travail avec partage de risque, ces auteurs etablissent les liens entre w et les conditions passees du marche du travail. A l'aide de donnees du PSID (Panel Study of Income Dynamics), et du CPS (Current Popula- tion Survey), Beaudry et DiNardo (1991) suggerent qu'un modele de contrat implicite avec mobilite sans co^ut du facteur travail dans l'esprit de Hart et Holmstrom (1982) (mais ici supposant une relation de long terme) decrit mieux ces liens qu'un modele a salaire exible ou qu'un modele contractuel avec mobilite co^uteuse du travail (modele a mobilite limitee). Ce sont les conditions d'engagement (\self-enforcing constraints") qui permettent d'etablir cette evidence empirique. En e et, pour que la relation soit e ectivement durable, il faut que les employes n'aient pas d'opportunite de travail preferable en dehors de leur entreprise. Aussi le caractere auto-executoire des relations contractuelles integre dans la theorie des contrats auto-executoires fournit-il un moyen simple d'evaluer son degre de coherence ou de l'in rmer empiriquement. En outre, le modele a mobilite illimitee (i.e. avec probleme d'engagement) suggere que les contrats sont xes en fonction des conditions du marche du travail, c'est-a-dire qu'ils dependent des meilleures conditions du marche depuis le debut de la relation; le taux de ch^omage correspondant a cette periode constitue donc une variable (proxy) signi cative dans la determination du salaire indiviuel. Pour evaluer le potentiel du modele a mobilite illimitee il suÆt donc de montrer que les salaires dependent davantage du taux de ch^omage minimum enregistre au cours du contrat que des autres taux de ch^omage. En e et, a ce taux de ch^omage minimum sont associees les conditions du marche du travail les plus favorables aux employes. Il se trouve justement que l'estimation des trois modeles concurrents revele que le taux de ch^omage maximum rencontre au cours de la relation, ainsi que le taux de ch^omage de la periode initiale (cas de la mobilite limitee) de cette relation sont non signi catifs. De plus, le taux de ch^omage courant est trouve non signi catif, ce qui vient con rmer les 22
lacunes du modele a salaire exible. Ils indiquent que les resultats empiriques sont coherents avec la theorie des contrats auto-executoires. Leur principale contribution est de mettre en evidence le fait que les salaires dependent de l'histoire passee du marche du travail (\history dependent") lorsqu'on utilise le taux de ch^omage comme temoin de cette histoire. Comme le taux de ch^omage minimum de la periode contractuelle est le plus signi catif, ce que suggere le modele a mobilite illimitee, ce dernier semble fournir l'explication la plus valable de la determination des salaires individuels. Beaudry et DiNardo (1995) etablissent aussi le fait que les modeles a contrats de travail auto- executoires avec contraintes d'engagement predisent que les salaires dependent des conditions de marche passees. Ils sont in uences par les conditions economiques initiales dans lesquelles ils sont xes ainsi que par les meilleures conditions du marche du travail qui prevallent au cours de la relation contractuelle. Ceci cree une variation en coupe transversale dans la croissance des salaires individuels reliee aux conditions de marche dans lesquelles chaque contrat demarre. Ce phenomene de dependance historique du salaire est veri e dans l'etude empirique menee dans Beaudry et DiNardo (1995), et corrobore Beaudry et DiNardo (1991). McDonald et Worswick (1999) con rment aussi ce comportement des salaires dans le cas canadien. Les resultats empiriques sont coherents avec le modele de contrats auto-executoires et indiquent l'importance des conditions economiques passees dans la determination des salaires courants. Ces resultats suggerent que ces conditions constituent une caracteristique generale commune aux economies developpees. McDonald et Worswick (1999) precisent aussi que la sensibilite du salaire individuel aux conditions exterieures de marche decro^t avec l'an- ciennete du travailleur, ce qui constitue un fait stylise supplementaire dont la theorie devrait tenir compte. D'autres evaluations alternatives viennent con rmer la superiorite des modeles a contrats auto-executoires sur les modeles a salaires exibles. Beaudry et DiNardo (1995) etudient les determinants des heures travaillees dans un contexte ou le partage de risque est sus- ceptible d'in uencer les relations contractuelles. Ils considerent l'environnement usuel de la litterature: un modele de partage de risque a information symetrique avec problemes d'engagement. Ils montrent que cette classe de modeles predit que les heures ne sont in u- 23
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