Explications des analyses génétiques concernant la recolonisation des Alpes par le loup - Kora
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Explications des analyses génétiques concernant la recolonisation des Alpes par le loup • Introduction Le Laboratoire de Biologie de la Conservation (LBC), fondé en 1999, est une unité spécialisée du Département d'Ecologie et Evolution de l'Université de Lausanne, orientée vers les sciences appliquées. Il a été fondé et est actuellement dirigé par le Dr Luca Fumagalli, et en font partie deux techniciens de laboratoire ainsi que des étudiants en thèse et en master. Le LBC développe et employe des techniques de génétique moléculaire pour l'étude et la gestion de populations naturelles, en particulier celles menacées d'extinction. Ses prestations s'adressent aux organisations concernées par la gestion et la conservation de la biodiversité, représentées notamment par des agences gouvernementales, des ONG, des instituts universitaires, des privés ou des instances juridiques et douanières (dans le cas de braconnage d'espèces protégées). Le LBC a travaillé sur des espèces aussi variées que mammifères, oiseaux, poissons, reptiles et amphibiens, et pour le compte de nombreux pays européens. Depuis la fin des années 90, il est chargé par l'Office Fédéral de l'Environnement de développer des méthodes génétiques non-invasives pour étudier la recolonisation des Alpes suisses par de grands prédateurs tels que le loup et l'ours. L'analyse d'échantillons collectés de façon non-invasive sur le terrain (salive, crottes, poils, urine, ...) est extrêmement difficile techniquement à cause de la très faible quantité et mauvaise qualité de l'ADN présent dans ce type d'échantillon. Pour cette raison, une logistique et des protocoles particuliers doivent être mis en place, la durée des analyses est sensiblement plus longue que celle pour des échantillons conventionnels, et une proportion non négligeable d'échantillons ne donnera pas de résultats correctement interprétables. Le LBC fait partie d'un petit nombre de laboratoires à travers le monde qui propose ce genre d'analyses "à la carte". La figure 1 illustre en guise d'exemple le nombre d'analyses et le type d'échantillon que le LBC a analysé de 1999 à 2009 pour le mandat concernant la recolonisation des Alpes par le loup (Canis lupus) . -1-
La figure 2 montre la proportion des différentes espèces identifiées par séquençage de l'ADN au cours des années 1999 à 2009 pour le mandat concernant la recolonisation des Alpes par le loup (Canis lupus) . Le tableau 1 montre la première date où la présence d'un loup a été confirmée par analyse génétique dans les cantons suisses où l'espèce a transité au moins une fois. -2-
• Méthodes Pour les analyses non-invasives appliquées au loup, deux techniques sont essentiellement utilisées par le LBC: - le séquençage de l'ADN mitochondrial, qui permet d'identifier l'espèce qui est présente dans un échantillon et son origine géographique (lignée génétique). La précision de ce dernier point dépend en grande partie de l'espèce analysée et de son histoire démographique. Dans l'exemple du loup, nous pouvons par exemple déterminer sans ambiguïté que l'origine génétique des individus identifiés dans l'ensemble des Alpes à partir de la fin des années 80 est la péninsule italienne, car la variante génétique que l'on a détecté par séquençage chez la totalité de ces individus est présente uniquement dans les populations sauvages du sud et du centre de l'Italie et nulle part ailleurs dans le monde. - le génotypage microsatellite, qui permet d'identifier les individus en établissant des profils ADN individuels. Cette technique est beaucoup plus sensible à la faible quantité/qualité de l'ADN que le séquençage, et pour cette raison une partie des échantillons dont l'ADN a été préalablement sequencé avec succès ne pourront pas être génotypés. Les différentes étapes d'une analyse génétique pour identifier l'espèce et établir un profil ADN sont résumées ci-dessous: 1. Echantillonnage 10. Analyse et sur le terrain interprétation des données 2. Stockage des échantillons Laboratoire LBC 9. Génotypage des profils ADN par migration capillaire 3. Extraction de l'ADN présent dans les échantillons 8. Amplification de 8 microsatellites + 4. Amplification de marqueur du sexe l'ADN mitochondrial 5. Migration de l'ADN sur gel dans un champ électrique LOUP 6. Purification et 7. Analyse et séquençage de l'ADN interprétation des données Autres espèces -3-
Remarques: - les étapes 1 et 2 sont très importantes et vont influencer la suite des analyses. - dans les analyses non-invasives, les quantités d'ADN que l'on essaye d'extraire dans l'étape 3 sont souvent de l'ordre du picogramme (mille milliardièmes de gramme). - les échantillons (à l'exception des crottes) vont subir un traitement durant toute la nuit (env. 8 heures) précédant l'étape 3. - si lors de l'étape 5 les fragments souhaités ne sont pas détectés, un deuxième essai est entrepris à partir de l'étape 3 ou 4. Si celui-ci n'aboutit pas, l'échantillon en question fera partie de la catégorie "pas d'ADN". - lors des étapes 4 à 7, les écouvillons requièrent deux fois plus d'analyses que les autres échantillons. - lors de l'étape 7, nous allons trier les échantillons attribués au loup, et poursuivre les analyses avec ces derniers uniquement. - lors de l'étape 7, la superposition de plusieurs séquences due à la contamination par plusieurs espèces ne sera généralement pas lisible, et l'échantillon fera partie de la catégorie "non-interprétable". - l'étape 8 est répétée 8 fois pour chaque échantillon non-invasif (au total: 72 génotypages/échantillon), afin de minimiser le risque d'erreur dû à la faible quantité/qualité de l'ADN. - lors de l'étape 9, une proportion non-négligeable des échantillons ne donnera pas de résultats interprétables à cause de la mauvaise qualité de l'ADN dans les analyses non-invasives. Cette proportion est influencée par le type d'échantillon, la dégradation qu'il a subi sur le terrain, la qualité du stockage, la quantité d'ADN qui s'y trouvait, etc., et ne peut pas être déduite à l'avance. - lors de l'étape 10, les profils ADN sont comparés à une base de données afin d'identifier les nouveaux individus ou les individus déjà détectés auparavant. • Délais Il est difficile de fixer des délais très précis avec des échantillons non-invasifs, car plusieurs facteurs imprévisibles entrent en jeu lors des analyses, notamment des problèmes techniques liés à la mauvaise qualité des échantillons. De plus, certains appareils particulièrement onéreux sont en commun avec d'autres groupes de recherche de l'Université. Ainsi, l'accès à ces derniers dépend de leur utilisation par des dizaines d'autres personnes, ce qui peut engendrer un certain retard. En ligne générale, depuis la prise en charge des échantillons par le laboratoire il faut compter jusqu'à deux semaines pour les résultats concernant le séquençage de l'ADN mitochondrial et jusqu'à 3 semaines supplémentaires pour le génotypage microsatellite. En cas de problèmes techniques inattendus (par exemple panne d'un appareil), nous informerons si des délais supplémentaires sont à prévoir. -4-
• Echantillonnage sur le terrain et stockage La récolte des échantillons destinés à une analyse génétique peut être effectuée par des personnes n'ayant pas suivi de formation particulière. Néanmoins, il s'agit d'une étape cruciale pouvant limiter ou parfois même empêcher les études génétiques futures. En ligne générale, afin d'éviter toute contamination entre échantillons et avec de l'ADN humain, il est important de travailler avec des des mains et du matériel propres (par ex. scalpel propre, à usage unique ou stérilisé à la flamme, et exempt de traces appartenant à un autre individu) et de déposer les échantillons individuellement dans des tubes ou sachets étiquetés. Pour éviter la dégradation des échantillons, le stockage doit s'effectuer le plus rapidement possible après l'échantillonnage. Pour l'exemple particulier du loup, nous conseillons les techniques suivantes: - crottes: déposer une petite portion de la crotte dans un tube en la recouvrant complètement d'alcool 100% et bien refermer le couvercle pour éviter des fuites. Ce prélèvement sera destiné aux analyses génétiques. Le reste de la crotte sera déposé dans un sachet, et sera utilisé pour les analyses du régime alimentaire (J.-M. Weber). Les deux prélèvements doivent être étiquetés et envoyés à: Jean-Marc Weber, Sablons 30, 2000 Neuchâtel. Il est indispensable d'utiliser uniquement de l'alcool pur (éthanol ou alcool éthylique), et de ne pas employer de l'alcool dénaturé (comme par ex. l'alcool à brûler). Idéalement, il faudrait préparer un stock de tubes avec l'alcool avant de partir sur le terrain. Nous conseillons les tubes suivants: Flacons de comptage Roth, type Vial en LDPE, 20 ml. Peuvent être commandés à l'adresse www.carlroth.ch (article nr. 0794.1). - écouvillons (coton-tiges): frotter l'écouvillon autour des blessures des proies, en choisissant des blessures propres (peu ou pas de sang de la proie) afin de récolter l'éventuelle salive du prédateur. Utiliser un écouvillon par blessure. Déposer ensuite l'écouvillon dans un carton ou une enveloppe en papier, au sec et à température ambiante. Nous conseillons les écouvillons utilisés en routine par la police. - poils: vérifier que les poils ont la racine (bulbe), un poil coupé sans racine ne possède pas d'ADN. Déposer les poils dans une enveloppe en papier, au sec et à température ambiante. - urine dans la neige: prélever la partie de la neige qui contient l'urine, la déposer dans un tube avec couvercle, et la conserver au congélateur. - tissus: déposer quelques cm3 de tissu dans un tube et les recouvrir d'alcool 70-100%. Conserver à température ambiante ou au frigo. © 2010 - Université de Lausanne (Suisse) -5-
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