Faire reculer le mariage précoce par l'éducation des filles - Mariage d'enfant et éducation
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Rapport 2013 sur l’éducation des filles Mariage d’enfant et éducation Faire reculer le mariage précoce par l’éducation des filles
Sommaire RÉSUMÉ 3 INTRODUCTION 4 Définition du mariage d’enfant 5 Prévalence du mariage d’enfant 6 La lutte contre le mariage d’enfant : un enjeu majeur du développement 7 1 - Les causes multisectorielles du mariage d’enfant 8 A. La relation cyclique entre causes et conséquences 8 B. Un cadre législatif international insuffisant et/ou insuffisamment respecté 8 C. Les causes économiques 12 D. Les causes sociales et culturelles 13 2 - Éducation et mariage précoce des filles : le double lien 14 A. Le mariage précoce des filles : un obstacle à leur éducation 14 B. L’éducation des filles : un rempart au mariage précoce 16 C. Etudes de cas 19 3 - Un phénomène présent en France et indissociable 26 d’une problématique internationale 4 - Recommandations 29 A. Au niveau du gouvernement français 29 B. Au niveau des pays du Sud 29 C. Au niveau des organisations internationales et de l’ONU 31 Ce rapport a été rédigé par Michelle Perrot, Directrice Programmes et Plaidoyer de Plan France, assistée de Rosette Megnimeza Fongang et Lucille Terré. Avec la participation d’Isabelle Gillette Faye du GAMS pour la partie concernant la France. Plan France, octobre 2013. 02 R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s
Résumé Le mariage d’enfant constitue une violation des droits fondamentaux et un obstacle à l’atteinte de presque tous les Objectifs du Millénaire pour le Développement1. Selon le Fonds des Nations Unies pour la Population, si l’on n’agit pas pour inverser la tendance, ce sont plus de 140 millions de filles, dont 50 millions de moins de 15 ans, qui seront mariées entre 2011 et 2020, soit 39 000 par jour, la majorité en Asie du sud et en Afrique subsaharienne. La France, comme d’autres pays européens, est également affectée par le phénomène. L’impact du mariage précoce est, encore aujourd’hui, trop souvent évoqué uniquement en termes de santé (lien avec grossesses précoces, VIH/SIDA, droits sexuels et reproductifs, etc.), sans s’intéresser assez à ses effets sur l’éducation d’une part, et au rôle que peut jouer l’éducation dans la prévention des mariages d’autre part. C’est la raison pour laquelle Plan France a décidé de centrer sa campagne 2013 pour l’éducation des filles, et le présent rapport, sur cette relation « mariage-éducation ». En effet, lorsqu’une fille se marie tôt, cela entraîne généralement la fin de ses études si elle est scolarisée, lui ôtant in fine la possibilité de pouvoir prendre, dans sa vie d’adulte, des décisions concernant son travail, sa santé, son bien-être et celui de ses enfants. Inversement, on sait que plus la durée de scolarisation des filles est longue, moins elles ont de chances d’être mariées précocement. Le rapport 2012 du Fonds des Nations-Unies pour la Population indique que les filles ayant achevé le niveau d’éducation primaire ont une probabilité deux fois plus élevée de se marier plus tôt que celles ayant suivi une éducation secondaire ou supérieure, et les filles sans éducation primaire une probabilité trois fois plus élevée de se marier avant 18 ans que celles ayant achevé le cycle du secondaire ou du supérieur. Que faire pour mettre fin au mariage précoce ? Violation globale des droits humains, le mariage précoce nécessite une réponse globale, à même d’agir de façon multisectorielle sur des causes et des conséquences qui le sont tout autant. Dans cette approche intégrée, l’accès à une éducation de qualité joue un rôle clé. C’est ce que les différentes études de cas présentées dans ce rapport illustrent, dans différentes régions du monde. Les interventions visant à contrer cette pratique doivent inclure une coopération de tous les acteurs à tous les niveaux (international, national, communautaire, individuel) et porter entre autres sur : L’amélioration de l’accès à un enseignement primaire et secondaire de qualité, dans un environnement propice et sûr, à la fois pour les filles et pour les garçons ; Le développement et la mise en œuvre de législations efficaces pour combattre le fléau, notamment l’uniformisation de l’âge du mariage pour les filles et les garçons et l’application des sanctions ; L’engagement pour une remise en question des normes sociales et culturelles à travers une mobilisation forte des filles, des garçons, des parents (pères et mères) et des dirigeants politiques pour qu’ils modifient les pratiques qui sont sources de discrimination à l’égard des filles et pour que des perspectives sociales, économiques et civiques soient offertes aux filles et aux jeunes femmes ; L’appui aux filles déjà mariées à travers des possibilités de scolarisation et/ou de formation professionnelle, l’accès à des informations et des services en matière de santé (y compris la prévention de l’infection au VIH) et de protection contre les violences domestiques. R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s 03
« Aucune fille ne devrait être privée de son enfance, de son éducation, de sa santé et de ses aspirations. Pourtant, aujourd’hui, des millions de filles, chaque année, se marient avant leur majorité et ne peuvent donc pas exercer leurs droits. » Michelle Bachelet, Ancienne Directrice exécutive d’ONU-Femmes. Le droit des filles à ne pas être mariées avant leur majorité et sans leur consentement est l’un des droits les plus violés dans le monde2. Les adolescentes mariées, soit 14,2 millions de filles de moins de 18 ans par an, sont celles qui sont le plus exposées aux grossesses précoces, à la violence de leur partenaire et encourent le risque de ne pas sortir de la pauvreté, notamment du fait de l’interruption de leur éducation. Malgré l’ampleur et la gravité du phénomène, ce n’est que depuis le début du XXIème siècle que l’on voit apparaître les premières études internationales sur les mariages des enfants, reconnaissant ce phénomène comme violation des droits de l’enfant et frein majeur au développement. Ce n’est que tout récemment que, dans le cadre des réflexions sur les objectifs de développement post-2015, le sujet a émergé au plus haut niveau. 04 R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s
Définition du mariage d’enfant L a Convention des Nations Unies relative aux Droits Par ailleurs, le terme de « mariage d’enfant » est souvent de l’Enfant (CIDE) définit l’enfant comme « tout être associé au « mariage forcé », les enfants mariés étant humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité considérés comme incapables - en raison de leur âge - de est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est donner leur libre et plein consentement. Ils sont en effet très applicable ». Dans la logique de cette Convention, le Comité souvent victimes de violences et de pressions multiformes des droits de l’enfant de l’ONU a insisté sur le fait que l’âge de la part des membres de la famille ou de la communauté. minimal du mariage devait être de 18 ans pour les garçons Qu’il concerne les filles ou les garçons, le mariage d’enfant et les filles, avec ou sans le consentement parental. Cette est une violation des droits humains. position est également celle de la Déclaration Universelle Ce rapport s’intéresse à la situation particulière des filles, des Droits de l’Homme de 1948, qui stipule clairement que car même si les garçons ne sont pas épargnés, la question le mariage ne saurait se faire avant l’« âge nubile » et sans le concerne les filles en nombre bien plus considérable et avec « libre et plein consentement » des époux. une intensité très supérieure5. Dans plusieurs sociétés, alors que l’adolescence ouvre aux garçons des possibilités, elle Dans le cadre du présent rapport, le « mariage d’enfant » enferme souvent les filles et limite leur liberté individuelle. est entendu de manière large comme tout mariage - civil, religieux ou coutumier, avec ou sans enregistrement légal - dans lequel l’un ou les deux époux sont des enfants de moins de 18 ans. Ce seuil de 18 ans nous paraît approprié au regard de la position du Comité sur l’élimination Pourcentage des adolescents des discriminations à l’égard des femmes3 qui estime de 15 à 19 ans mariés que « lorsque les hommes et les femmes se marient, ils Garçons Filles assument d’importantes responsabilités. Ils ne devraient Afrique subsaharienne donc pas pouvoir se marier avant d’être en pleine maturité Niger 3.1 60.6 et capacité d’agir »4. Tchad 1.1 45.3 République Centre Africaine 8.1 42.4 Guinée Equatoriale 2.1 26.3 Terminologie : Mali 10.7 52.6 mariage d’enfant, mariage précoce Mozambique 8.4 44.8 Le mariage d’enfant désignant le mariage d’un garçon ou Asie d’une fille avant l’âge de 18 ans, soit avant qu’il soit en pleine maturité et capacité d’agir, renvoie aussi à l’idée Bangladesh 2.1 45.7 d’un mariage précoce. C’est la raison pour laquelle on Inde 5.3 27.3 parle également, dans ce rapport comme dans d’autres, Népal 7.0 28.9 de « mariage précoce » pour désigner le mariage d’enfant. Moyen-Orient Le terme de mariage d’enfant est celui préconisé par le Egypte 0.8 13.5 droit international et met l’accent sur une approche fondée Yémen 3.7 17.2 sur les droits humains, notamment l’égalité de genre. Le Amérique Latine et Caraïbes terme « mariage précoce » désigne une même réalité mais Cuba 5.5 23.1 est plus utilisé dans le langage courant et renvoie souvent implicitement au mariage précoce des filles, ces filles étant Colombie 3.9 17.0 beaucoup plus concernées par le phénomène que les République Dominicaine 4.6 26.7 garçons comme le montre le tableau ci-contre. Source : Division de la population des Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales, World Marriage Patterns 2012 R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s 05
Prévalence du mariage 39 000 filles Plus de de moins de 18 ans 18 ans et moins 15 ans et moins 60% sont mariées 34% 12% Soit 1 fille sur 3 Soit 1 fille sur 9 des femmes sont mariées avant leurs 18 ans dans chaque jour Le pourcentage des filles mariées dans les pays les quatres pays où le mariage des en développement. enfants est le plus répandu. Source : Résumé du rapport de Plan international, « Le droit d’une fille de dire non au mariage: lutter pour mettre fin au mariage précoce et pour que les filles restent à l’école » 2013, Données issues du Rapport de l’UNFPA 2012. s elon le Fonds des Nations Unies pour la Population, si l’on Bien que la tendance globale aille vers un léger retardement n’agit pas pour inverser la tendance, ce sont plus de 140 de l’âge légal du mariage, dans les pays en développement, millions de filles qui seront mariées entre 2011 et 2020 6, encore une fille sur neuf7, soit 12% d’entre elles, se marie dont 50 millions avant l’âge de 15 ans. Cela représente 14,2 avant l’âge de 15 ans et 34% se marient avant leur 18ème millions de filles par an, soit 39 000 mariages précoces par jour. anniversaire. Dans les pays les moins avancés, ces proportions augmentent : 17% des filles se marient avant 15 ans et 47% Les mariages d’enfants sont particulièrement fréquents en avant 18 ans8. Asie du Sud, en Afrique subsaharienne et dans certaines régions de l’Amérique latine. Les mariages d’enfants sont beaucoup plus fréquents en Le lien entre mariage d’enfant et zone rurale qu’en zone urbaine, comme en témoigne le l’enregistrement des naissances tableau ci-dessous : Dans les pays où les taux d’enregistrement des naissances sont faibles, il est difficile, voire impossible, de connaître l’âge des enfants qui sont mariés. Cela % de femmes de 20-24 ans mariées ou rend encore plus complexe la mesure du nombre de vivant maritalement avant 18 ans* mariages avant 18 ans, déjà sous-estimé du fait de leur Pays Total** Milieu Rural Milieu urbain caractère illégal dans de nombreux pays. Niger 74.5 83.5 42.1 Tchad 71.5 73.9 65.4 Bangladesh 66.2 70.3 53.3 Guinée 63.1 74.9 44.5 République 60.6 - - Centrafricaine Mali 55.0 76.5 60.4 Mozambique 51.8 65.5 40.6 Malawi 49.6 54.4 31.0 Burkina Faso 47.8 61.2 26.8 Madagascar 48.2 51.0 35.4 Sierra Leone 47.9 61.1 30.4 Erythrée 47.0 59.8 30.5 Inde 47.4 56.2 29.3 Ouganda 46.3 51.8 26.9 Somalie 45.3 52.4 35.2 Nicaragua 40.6 55.1 36.4 Zambie 41.6 53.3 26.2 Ethiopie 41.2 49.0 21.7 Nepal 40.7 42.9 26.9 République 39.6 50.4 35.6 Dominicaine Afghanistan 39.0 - - République Démocratique 39.0 - - du Congo Honduras 38.8 32.5 45.8 *Ces chiffres sont ceux de la base des données de l’UNFPA portant sur des enquêtes menées entre Nigéria 39.4 49.8 21.6 2000 et 2010 (DHS ans MICS) et de l’UNICEF (www.childinfo.org) ** Une autre source plus récente de l’UNICEF (2013) permet de constater une évolution de la Libéria 37.9 48.6 24.9 prévalence des mariages précoces dans certains pays : RCA 68%, Tchad 68%, Mozambique 56%, Moyenne 48.8 57.9 36.0 Burkina Faso 52%, Sierra Léone 44%. 06 R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s
La lutte contre le mariage d’enfant : un enjeu majeur du développement L es besoins et les droits des filles ont été insuffisamment pris en compte dans les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Pourtant, le seul phénomène du mariage d’enfant a des conséquences significatives sur l’atteinte de 6 des 8 Objectifs du Millénaire (cf. encadré9). De ce fait, il est capital de veiller à donner aux droits des filles et à la lutte contre le mariage d’enfant en particulier une place centrale dans l’agenda post-2015 qui sera fixé par la communauté internationale. D’après Lakshmi Sundaram, coordonnateur de l’initiative internationale « Filles Pas Epouses », la prévalence du mariage d’enfant devrait même être utilisée comme un indicateur de mesure du développement : « en utilisant le taux de mariages d’enfants comme indicateur pour suivre les progrès réalisés par rapport aux nouveaux objectifs, nous pouvons faire en sorte que les gouvernements luttent contre cette pratique et veillent à assurer le bien-être des filles de leur pays ». Le mariage d’enfant et les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) OMD 1 / Eradiquer l’extrême pauvreté et la faim : Le mariage précoce marque souvent la fin de l’éducation d’une fille, et le début d’une vie à la maison. Cette absence de scolarisation signifie également que les filles et les femmes qui doivent travailler pour gagner leur vie se retrouvent très souvent sans qualifications ni compétences. De ce fait, le mariage précoce des filles contribue à la « féminisation de la pauvreté ». Par ailleurs, les enfants des mères avec un faible niveau d’éducation et qui vivent dans la pauvreté ont plus de chances d’être malnutris. OMD 2 / Assurer l’éducation primaire pour tous : Le mariage d’enfant entraîne le retrait des filles de l’école, limite leurs opportunités de bénéficier d’une éducation alternative ou d’une formation professionnelle. A leur tour, les enfants de mères ayant un faible niveau d’éducation ont moins de chance eux-mêmes d’être scolarisés. OMD 3 / Promouvoir l’égalité de genre et autonomiser les femmes : Le mariage précoce et forcé renforce et exacerbe les inégalités entre hommes et femmes et peut limiter leur participation à la vie publique de leur communauté. En outre, les femmes mariées à un jeune âge ont un statut social inférieur et moins de pouvoir de décision dans leurs foyers que celles qui se marient plus tard. OMD 4 / Réduire la mortalité infantile : Les bébés nés d’adolescentes ont plus de chance d’être prématurés et moins de chance de survivre que ceux nés de femmes d’une vingtaine d’années ; les grossesses précoces augmentent les risques de mortalité et de morbidité maternelles et infantiles. OMD 5 / Améliorer la santé maternelle : Le mariage précoce et forcé compromet la santé sexuelle, reproductive et maternelle des filles et leur enfant. Une fille adolescente encourt deux fois plus de risque de mourir pendant l’accouchement qu’une femme d’une vingtaine d’années. Si elle donne naissance avant l’âge de 15 ans, le risque est 5 fois plus élevé. OMD 6 / Combattre le VIH/Sida, le paludisme et autres maladies : Le mariage précoce et forcé augmente le risque d’infection des filles au VIH, étant donné qu’elles sont moins aptes à négocier des rapports sexuels protégés avec leurs partenaires, souvent plus âgés. R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s 07
1. Les causes multisectorielles du mariage d’enfant A. La relation cyclique entre causes et conséquences10 L es causes et les conséquences du mariage d’enfant et en une protection insuffisante des enfants11 et un accès limité à particulier de celui des filles sont multifactorielles, comme une éducation de qualité, sans compter les situations de crises l’illustre le schéma ci-dessous. A l’origine du mariage (conflits, catastrophes naturelles…) qui viennent renforcer ce précoce, on note une combinaison de facteurs tels que des phénomène. Par ailleurs, les conséquences néfastes du mariage inégalités de genre ancrées dans un ensemble de normes précoce sont multiples et ne font qu’entretenir le cycle de la sociales et culturelles, un manque de ressources économiques, pauvreté. Isolement et Inégalités traumatisme de genre psychologique Analphabétisme Manque de et manque ressources Problèmes de économiques Violences, abus d’éducation santé reproductive et relations sexuelles forcées (mortalité infantile et maternelle) Causes Conséquences Conflits, Pratiques catastrophes et traditionnelles et urgences religieuses Conséquences sur la santé Analphabétisme Faible sexuelle et manque application (VIH et SIDA) d’éducation de la loi B. Un cadre législatif international insuffisant et/ou insuffisamment respecté Les lois nationales sont discriminatoires envers les filles 146 pays 105 pays Source : Résumé du rapport de Plan international, « Le droit d’une fille de dire Le nombre de pays où le mariage des enfants de moins de 18 ans est légal non au mariage: lutter pour mettre fin au avec le consentement des parents, par genre. mariage précoce et pour que les filles restent à l’école » 2013, Données issues du Rapport de l’UNFPA 2012. 08 R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s
Le mariage d’enfant : une violation des droits humains La CIDE souligne le droit pour un enfant de participer à la prise des décisions qui le concernent et impose aux Etats de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin aux pratiques traditionnelles néfastes pour sa santé et le protéger contre toutes formes d’exploitation et d’abus. Le mariage d’enfant est une violation flagrante de ces droits et l’une des principales entraves au développement. C’est donc à juste titre qu’il est pris en compte par un certain nombre d’instruments internationaux relatifs aux droits humains : 1948 : Déclaration universelle des droits de l’homme. 1979 : Convention sur l’élimination de toutes les formes L’article 16.2 de cette Déclaration énonce le droit pour de discrimination à l’égard des femmes. Elle prescrit sur les époux de donner leur consentement libre et plein au la base de l’égalité de l’homme et de la femme le même mariage. droit de contracter un mariage pour les femmes et les 1954 : Résolution 843 (IX) de l’Assemblée générale des hommes, et le même droit de choisir librement son conjoint Nations Unies sur la condition de la femme en droit et de ne contracter un mariage que de son libre et plein privé : coutumes, anciennes lois et pratiques portant consentement. L’article 16 souligne que les fiançailles et atteinte à la dignité de la personne humaine de la les mariages d’enfants n’ont pas d’effets juridiques et que femme. L’Assemblée générale des Nations Unies invite les toutes les mesures nécessaires, y compris des dispositions Etats à prendre toutes les mesures utiles en vue d’abolir législatives, doivent être prises afin de fixer un âge minimal totalement le mariage d’enfant et la pratique des fiançailles pour le mariage. des jeunes filles avant l’âge nubile et en instituant des 1981 : Charte africaine des droits de l’homme et des sanctions. peuples. Selon l’article 21, les mariages et les fiançailles 1964 : Convention des Nations Unies sur le d’enfants doivent être interdits et des mesures concrètes, y consentement au mariage, l’âge minimum du mariage. compris des dispositions législatives, doivent être prises pour Elle impose aux États signataires dans ses articles 1 et 2, fixer à 18 ans l’âge minimal du mariage. de fixer un âge minimum avant lequel les personnes ne 1984 : Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des peuvent légalement contracter mariage. Cette convention droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé à exige également que l’autorité compétente pour célébrer le Strasbourg le 22 novembre. Son article 5 stipule que « les mariage s’assure du libre consentement des parties, exprimé époux jouissent de l’égalité des droits et de responsabilités personnellement, en présence de témoins et après une de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs publicité suffisante. enfants au regard du mariage ». 1966 : Pacte international relatif aux droits civils et 2001 : Déclaration de Bamako du 29 Mars. Des ministres politiques, Article 23. Les Etats reconnaissent à l’homme africains francophones pour la protection de l’enfance et à la femme le droit de se marier et de fonder une famille à rappellent que « le consentement des futurs époux doit partir de l’âge nubile et disposent qu’aucun mariage ne peut être manifesté librement. Dans le cas contraire, le mariage être conclu sans le libre et plein consentement des futurs est nul et tout acte sexuel sera considéré comme violence époux. sexuelle ». 1966 : Pacte international relatif aux droits 2003 : Protocole à la Charte africaine des droits de économiques, sociaux et culturels. Les Etats parties l’homme et des peuples relatif aux droits des Femmes. reconnaissent que « le mariage doit être librement consenti Article 6. « Les États veillent à ce que l’homme et la femme par les futurs époux ». jouissent de droits égaux et soient considérés comme des R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s 09
partenaires égaux dans le mariage. A cet égard, les États adoptent les mesures législatives appropriées pour garantir que : a) aucun mariage n’est conclu sans le plein et libre consentement des deux ; b) l’âge minimum de mariage pour la fille est de 18 ans ». 2008 : Protocole Genre et développement de la communauté de l’Afrique australe. Ce protocole recommande l’adoption par les Etats de mesures législatives et administratives visant à assurer une égalité des droits dans le cadre du mariage. L’article 8(2) précise que la législation sur le mariage assurera que : a/ aucune personne ne se mariera avant l’âge de 18 ans, sauf indication contraire conforme à la loi, qui prend en compte les intérêts supérieurs de l’enfant ; b/ chaque mariage aura lieu avec le consentement plein et libre des deux parties ; c/ chaque mariage, y compris civil, religieux, traditionnel ou usuel, sera enregistré conformément aux lois nationales. 2011 : Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la Les difficultés d’application des violence domestique (Convention d’Istanbul). Un des buts législations nationales et internationales de cette convention est de concevoir un cadre global des « À quoi servent les lois ? Nous ne les voyons jamais en politiques et mesures de protection et d’assistance pour toutes application. Pour le moment, je n’ai jamais vu la police arrêter les victimes de violence à l’égard des femmes et des violences quelqu’un pour un mariage précoce. Les gens n’ont donc pas domestiques. Elle précise en son article 3 (f) que le terme peur de la loi ». Une enfant mariée, Bangladesh12. « femme » inclut les filles de moins de 18 ans. Les articles 32 La difficulté d’appliquer les législations internationales ou et 37 respectivement exigent des Etats parties qu’ils prennent nationales constitue un obstacle indéniable à la lutte contre des mesures législatives ou autres nécessaires pour que les le mariage précoce. La plupart des pays qui ont un taux de mariages contractés en ayant recours à la force puissent être mariage précoce élevé sont paradoxalement signataires annulables, annulés ou dissous sans faire peser sur la victime une de conventions et traités internationaux qui sanctionnent charge financière ou administrative excessive et qu’ils adoptent le mariage d’enfant et accordent une importance capitale les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en au droit des filles à l’éducation. Plusieurs raisons viennent infraction pénale le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, expliquer, sans la justifier, cette faible application des de forcer un adulte ou un enfant à contracter un mariage. engagements internationaux par les Etats : ▼ - L’absence de données statistiques : la nature même du mariage d’enfant, souvent illégal, résulte d’un manque de Si les textes ne manquent pas, on note cependant que données disponibles et fiables. Les cas ne sont souvent pas les plus récents sont régionaux (africains et européens). rapportés, ce qui a pour conséquences des statistiques faibles, Un cadre international serait souhaitable pour qui contribuent à minimiser le phénomène. permettre à tous les acteurs de disposer d’un cadre - La méconnaissance de la législation par les parents et les d’intervention commun, qui tienne compte également des dernières avancées en matière de bonnes pratiques. communautés ainsi que la méconnaissance par les enfants En ce sens, une résolution des Nations-Unies, telle que de leurs droits : dans de nombreux pays, il est très courant la demande PLAN, serait une avancée significative. que les enfants ne soient pas informés de leurs droits ou de leur statut juridique. Parfois, les parents et les membres des communautés dans leur ensemble ignorent la législation, ou encore refusent de reconnaître la qualité de sujets de droits13 10 R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s
aux enfants, ces derniers n’ayant de leur point de vue que - Des législations défavorables à la protection des filles : des devoirs et obligations. Dans les cas des familles et des légiférer contre le mariage précoce est une étape importante % de communautés où ces droits sont connus, les sanctions sont dans le processus d’éradication de cette pratique et de viva peu souvent appliquées, et peu dissuasives. l’affirmation des droits des enfants, en particulier des filles. Cependant, la façon dont la loi est encadrée peut avoir pour - La faiblesse des moyens de l’Etat pour faire appliquer résultat de légitimer les inégalités de genre. L’âge minimum du les lois et règlements : dans les pays pauvres en particulier, mariage (surtout avec le consentement des parents) peut être les contraintes financières et humaines impliquent que le inférieur pour les filles par rapport aux garçons dans 146 pays. système judiciaire et législatif ne dispose ni des fonds, ni du Le tableau ci-dessous illustre l’âge minimum légal du mariage personnel suffisants pour assurer l’application stricte des lois. pour les garçons et les filles dans les 10 pays présentant les Ceci est particulièrement vrai dans les communautés rurales plus hauts taux de mariage précoce au monde. Les zones grises où les enfants sont davantage victimes de mariage précoce représentent les pays où il est légal qu’une fille se marie plus et doivent parcourir de longues distances pour avoir accès à jeune qu’un garçon. la justice14. Âge minimum légal du mariage dans les 10 pays présentant les plus hauts taux de mariage précoce15 Pays Âge minimum Âge minimum % des femmes Cette situation n’est pas exclusive sans consentement des parents avec consentement des parents de 20-24 ans mariées à 18 ans aux pays du « Sud ». En France par exemple, ce n’est que depuis la Loi de 200616 que l’âge minimum légal pour le Filles Garçons Filles Garçons Niger 15 18 15 18 75 % mariage des jeunes femmes est passé de Tchad 15 18 - - 72 % 15 à 18 ans, alors que celui des garçons Bangladesh 18 21 - - 66 % était déjà fixé à 18 ans. De telles Guinée 18 18 - - 63 % inégalités ancrées dans la loi même viennent renforcer les normes sociales Mali 18 21 16 18 55 % justifiant les inégalités femmes/hommes. Mozambique 18 18 16 16 52 % Et dans certains cas, lorsque l’âge Malawi 18 18 15 15 50 % minimum du mariage est conditionné Madagascar 18 18 - - 48 % par le consentement des parents, on Sierra Leone 18 18 18 18 48 % constate que leur autorisation est Burkina Faso 16 20 16 18 donnée très facilement17. R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s 11
C. Les causes économiques du mariage d’enfant L e mariage d’enfant est plus fréquent dans les pays pauvres scolarisation sont importants : selon l’UNESCO, 68 pays dans le et affecte les foyers les plus défavorisés18. Un lien très monde n’ont toujours pas réalisé la parité entre les sexes dans étroit existe entre mariage d’enfant et faible niveau de l’enseignement primaire et les filles sont défavorisées dans 60 développement économique. Les parents dont la situation de ces pays. Au niveau du secondaire, les disparités entre les économique est difficile seront plus enclins à investir dans sexes en matière de scolarisation restent une préoccupation l’éducation de leurs garçons, qui sera considérée comme majeure malgré un léger recul, car, sur 137 pays disposant plus rentable que celle de leurs filles. De fait, dans les pays de données pour les années 1999 à 2000, le nombre de à faible revenu, seules 50% des filles sont inscrites au pays où l’on comptait moins de 90 filles scolarisées pour 100 premier cycle du secondaire. En Afrique, ce chiffre passe à garçons était de 28 dont 16 en Afrique subsaharienne et, 43% seulement19. Aussi, en l’absence d’opportunités d’emploi en 2010, ce chiffre est tombé à 22 pays dont 15 en Afrique décent et sûr, le mariage fait figure aux yeux de plusieurs subsaharienne21. parents de seule option viable pour sécuriser l’avenir des filles. La pauvreté pousse les filles à abandonner leur scolarité, Les situations de crises ce qui les rend vulnérables au mariage précoce. Dès lors, et de catastrophes naturelles l’une des interventions les plus efficaces pour prévenir le augmentent le risque de mariage mariage d’enfants consiste à réduire le coût économique « Après l’ouragan, les familles ont vu que leurs conditions de la scolarisation des filles pour les familles (ex. transfert de vie étaient médiocres et ont marié leurs filles. 50 % conditionnel/inconditionnel d’argent20). des filles ont ainsi quitté l’école. Dans les villages éloignés, Or, les filles non scolarisées dans le secondaire sont le taux est probablement de 70 à 75%. » Une jeune fille, particulièrement exposées au risque d’être mariées avant Barguna, Bangladesh22. leurs 18 ans. Les écarts entre filles et garçons en matière de 12 R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s
D. Les causes sociales et culturelles % de L es rôles sociaux dévolus à chaque sexe diffèrent d’une risque d’être victimes de violences sexuelles, et les parents culture et d’une génération à l’autre, et varient en voient quelquefois le mariage comme un moyen de protéger viva fonction d’autres facteurs tels que le statut économique, leur fille et, ce faisant, l’honneur de la famille : la Commission la classe sociale, le groupe ethnique, la caste, la religion, la de l’International Rescue Committee24 sur les réfugiés syriens séropositivité ou le handicap. Ces rôles sociaux et les normes a ainsi établi que le nombre de mariages précoces dans les sexuelles qui en découlent constituent des obstacles à la camps de réfugiés avait augmenté parce que les parents jouissance effective de leurs droits fondamentaux par les essayaient de protéger leurs filles du viol et leur famille du femmes, et par les filles en particulier. En effet, les inégalités déshonneur qui s’ensuivrait. Ce rapport indique également de genre sont une des causes sous-jacentes du mariage que la pauvreté subie par ceux qui vivent dans ces camps précoce des filles qui vient se combiner à d’autres facteurs conduit elle aussi les parents à marier leurs enfants afin de nature individuelle ou culturelle. A travers le monde, les d’alléger leur fardeau économique. femmes et les filles sont victimes d’une construction sociale Une autre étude25 menée par Plan International dans 4 pays qui leur octroie une place inférieure à celle des hommes et d’Afrique de l’Est et du Sud (Ethiopie, Zimbabwe, Mozambique des garçons. Elles se voient ainsi souvent attribuer le rôle du et Sud Soudan) a permis de mieux comprendre l’impact des « care », limité à la tenue du foyer, aux tâches domestiques crises sur la vie des filles. Au Zimbabwe par exemple, celles- ainsi qu’à l’éducation des enfants. Ce rôle social est également ci ont indiqué que lorsqu’elles ont abandonné l’école du fait ancré dans de nombreuses traditions, attitudes ou croyances des catastrophes naturelles, l’une des options de survie pour culturelles patriarcales qui empêchent les femmes d’avoir le elles et pour leurs familles résidait dans le mariage. L’étude même pouvoir de décision au sein du foyer et en société que a constaté que face à la famine, les filles sont susceptibles les hommes. d’abandonner l’école pour le mariage et peuvent aussi Par ailleurs, le mariage est également souvent perçu comme s’engager dans la prostitution et/ou le sexe transactionnel en l’un des moyens d’assurer l’avenir des filles et de les protéger : échange de nourriture. Au Sud Soudan, lorsque les ménages en Malaisie par exemple, le mariage précoce des filles est vu ont été confrontés à la crise alimentaire, les adolescentes par la population comme un moyen d’éviter ce qu’on appelle sont devenues plus vulnérables à un premier mariage ou à Maksiat, ou l’immoralité sexuelle. Ainsi, autant qu’un moyen un mariage forcé. Les personnes interrogées dans la localité de protéger les filles, le mariage est vu comme un moyen de Jonglei et dans les Etats du Lac ont affirmé que les filles se de sauvegarder l’honneur de la famille et d’éviter la honte marient souvent jeunes et contre leur volonté, en raison de la causée par des relations sexuelles hors mariage, même non pauvreté des familles, pour faire face à la crise. consenties. Les périodes d’instabilité et d’insécurité, comme les conflits et les catastrophes naturelles, peuvent augmenter le risque de mariage des adolescentes, puisque les familles y recourent comme moyen de survie et de protection. Ces situations augmentent la pression économique sur les ménages et de nombreuses familles qui n’auraient pas a priori envisagé le mariage pour leurs enfants finissent par y céder en dernier recours. L’insécurité alimentaire au Kenya par exemple a fait émerger le phénomène des « fiancées de la famine »23. Dans ce contexte, le taux de mariages d’enfants, parfois de filles âgées de seulement 7 ans, a augmenté. La pression provoquée par le conflit, les catastrophes et les urgences humanitaires n’est pas seulement économique. Pendant ces urgences, les adolescentes courent un plus grand R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s 13
2. ÉDUCATION ET MARIAGE D’ENFANT : UN DOUBLE LIEN « Mon mari m’a chassée après seulement trois mois de mariage. Ne sachant ni lire ni écrire, je ne connaissais pas mes droits. Si une fille est scolarisée, elle peut mieux défendre ses droits ». et l’éducation constitue un facteur crucial de la prévention du mariage chez les filles27. Face au mariage précoce, la clé de la protection et de développement des filles est l’éducation et Une adolescente divorcée, Natiaboani, Burkina Faso26. l’apprentissage. Il est important, pour des raisons personnelles et familiales, mais aussi sociales et économiques, de convaincre Un lien dual existe entre mariage d’enfant et éducation : les filles les parents de maintenir leurs filles à l’école et de leur garantir abandonnent plus souvent l’école à cause d’un mariage précoce l’éducation de base à laquelle elles ont droit28. A. Le mariage précoce des filles : un obstacle à leur éducation à une sous-déclaration du mariage précoce comme raison d’abandon scolaire. Cependant, l’expérience des programmes de PLAN dans le monde entier démontre que les parents investissent moins facilement dans l’éducation de leur fille car ils pensent à son mariage futur. Les filles de mères jeunes sans éducation ont des chances particulièrement élévées Ainsi, le mariage est l’une des principales causes d’abandon d’abandonner leur scolarité, de se scolaire pour les filles dans les pays où il est répandu et parfois marier jeunes et de perpétuer le cycle de la pauvreté une alternative à l’école lorsque les parents le considèrent ÉCOLE comme un moyen d’éviter à leur fille les violences de genre qui peuvent être commises à l’école et sur le chemin de l’école. Si les contraintes sociales et économiques peuvent être un facteur du mariage d’enfant, ce dernier peut également être Source : Résumé du rapport de Plan international, « Le droit d’une fille de dire non au mariage: lutter pour mettre fin au mariage précoce et pour que les filles restent à une conséquence de l’abandon des études par les filles30. Les l’école » 2013, Données issues du Rapport de l’UNFPA 2012. normes sociales et l’absence d’institutions de prise en charge réduisent très souvent la possibilité pour les filles d’aller à l’école tout en étant femmes ou mères31. Certaines filles retournent à « J’ai été très triste quand mon amie Limya qui était en 5ème a l’école après leur mariage mais généralement, l’augmentation soudainement été mariée. Elle a beaucoup pleuré. Ses parents du nombre de tâches ménagères et les grossesses les lui ont promis qu’elle pourrait continuer ses études après son empêchent de poursuivre leur éducation. Au Nigeria par mariage mais ils n’ont pas tenu leur promesse. Beaucoup de exemple, seulement 2 % des filles mariées ayant 15 ou 16 filles de ma région abandonnent l’école à cause des mariages ans vont à l’école, contre 69 % des filles non mariées32. En précoces ». Noha, 16 ans, Soudan Éthiopie, les filles restant à l’école après leur mariage finissent souvent par abandonner quand elles sont surchargées par les Il est très souvent considéré qu’une fille mariée, même responsabilités domestiques et parentales33. adolescente, devient de facto adulte et n’a plus besoin de poursuivre son éducation29. Le lien entre mariage précoce des filles et abandon scolaire est double : les filles qui abandonnent l’école ont plus de risque de se marier jeunes, et l’un des principaux motifs d’abandon de l’école est le mariage. Les parents avancent souvent le coût de l’éducation comme principale raison de déscolariser leurs filles, ce qui peut conduire 14 R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s
% de femmes de 20-24 ans mariées ou vivant maritalement avant 18 ans et par niveau d’éducation Abandonner l’école signifie souvent que les filles connaîtront des difficultés de lecture Pays Taux de Pas Education Education secondaire prévalence d’éducation primaire ou supérieure et d’écriture, ce qui aura un impact sur les générations futures (des jeunes mères qui Niger 74.5 81.1 62.7 17.2 Tchad 71.5 78.3 67.1 37.0 n’ont pas été scolarisées ne pourront pas être Bangladesh 66.2 82.0 80.0 57.2 capables de lire la notice de médicaments Guinée 63.1 72.7 47.9 27.3 pour elles et leurs enfants par exemple). Les République 60.6 - - - filles de mères sans éducation encourent Centrafricaine particulièrement le risque d’abandonner Mali 55.0 77.0 64.3 37.9 l’école à leur tour ou de ne pas continuer Mozambique 51.8 67.2 56.6 11.5 Malawi 49.6 65.6 62.2 16.4 au-delà des niveaux d’éducation minimaux, Burkina Faso 47.8 59.8 41.5 3.0 de se marier jeunes et de perpétuer le cycle Madagascar 48.2 67.9 52.9 27.6 de la pauvreté. Sierra Leone 47.9 64.2 51.8 12.1 Erythrée 47.0 64.1 53.3 12.0 Inde 47.4 76.5 61.8 27.2 Ouganda 46.3 66.8 58.4 13.8 Somalie 45.3 51.7 41.0 11.2 Nicaragua 40.6 69.1 62.5 25.2 Zambie 41.6 64.8 57.5 17.1 Ethiopie 41.2 62.9 37.5 10.3 Nepal 40.7 71.7 56.7 22.9 République 39.6 56.4 75.3 27.5 Dominicaine Afghanistan 39.0 - - - République 39.0 - - - Démocratique du Congo Honduras 38.8 62.9 51.4 18.9 Nigéria 39.4 82.1 53.8 12.5 Libéria 37.9 56.3 42.3 17.3 Moyenne 48.8 68.2 56.3 21.1 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Niger Tchad Bangladesh Guinée République Centrafricaine Mali Mozambique Malawi Burkina Faso Madagascar Sierra Leone Erythrée Inde Ouganda Somalie Nicaragua Zambie Ethiopie Népal République Dominicaine Afaghanistan République Démocratique du Congo Honduras Nigéria Libéria Moyenne Pas d’éducation Éducation primaire Éducation secondaire ou supérieure Pourcentage de femmes de 20-24 ans mariées ou vivant maritalement avant 18 ans R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s 15
B. L’éducation des filles : un rempart à leur mariage précoce d’adulte alors qu’elles n’ont pas atteint la maturité nécessaire L’éducation : un droit universel pour toutes (physique, mentale…) pour y faire face. les filles et tous les garçons Si la différence entre les filles n’ayant pas reçu d’éducation L’éducation est officiellement reconnue comme un droit et celles ayant reçu une éducation primaire est déjà notable de l’homme depuis l’adoption, en 1948, de la Déclaration (63% des filles mariées avant 18 ans n’ont pas eu d’éducation universelle des droits de l’homme. Ce droit a été réaffirmé dans contre 45%, ayant reçu une éducation primaire), l’écart de nombreuses conventions et politiques internationales34. devient très significatif entre le primaire et le secondaire (on Ces traités et initiatives reconnaissent le droit de tous les passe alors de 45% à seulement 20% de filles mariées avant enfants à un enseignement primaire gratuit et obligatoire, l’obligation de développer l’enseignement secondaire, qui doit 18 ans et ayant suivi une éducation secondaire ou plus37). prévoir des mesures visant à le rendre accessible à tous les Parvenir à faire aller les filles à l’école, et les y faire rester enfants, ainsi qu’un accès équitable à l’enseignement supérieur assez longtemps pour qu’elles acquièrent les compétences et la responsabilité de dispenser une éducation de base aux et les qualifications nécessaires à l’assurance d’un bon personnes qui n’ont pas suivi jusqu’à son terme l’enseignement primaire. La Convention des Nations Unies relative aux droits avenir, constitue le moyen le plus efficace pour combattre de l’enfant (1989) renforce et élargit encore le concept de leur mariage précoce. Selon l’UNICEF, si les écarts existants droit à l’éducation, en particulier par l’obligation de prendre au niveau de l’éducation des filles et des garçons étaient en compte, dans sa mise en œuvre, les quatre principes comblés, cela pourrait constituer, au-delà de l’augmentation fondamentaux de la Convention : la non-discrimination, du niveau d’éducation obtenu par les filles, un moyen efficace l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit à la vie, à la survie et au pour diminuer la fréquence de mariage d’enfant38. La clé pour développement de l’enfant. mettre fin à la pratique du mariage précoce est de s’assurer que les filles restent scolarisées et reçoivent une éducation L es filles ayant bénéficié d’une éducation secondaire ont de qualité, non seulement au cycle primaire mais également jusqu’à 6 fois moins de chance de se marier étant enfant35. jusqu’au premier cycle du secondaire. Pour ce faire il faut Mais dans 47 pays africains sur 54, les filles ont moins de davantage adapter l’éducation aux besoins spécifiques des 50% de chances d’accéder au cycle secondaire36, au niveau filles, en agissant pour rendre l’environnement éducatif plus mondial 97 pays n’ont pas atteint la parité entre les sexes ; dans propice en termes d’accès, de sécurité et de qualité. 43 d’entre eux, les filles sont les plus défavorisées.. Il est donc essentiel d’agir pour une meilleure scolarisation des filles dans le secondaire pour lutter efficacement contre leur mariage Accès au primaire et au secondaire : précoce. Malgré ces constats, le problème du mariage L’accès à la scolarisation des filles et des garçons aux niveaux précoce n’a été ajouté à l’agenda de développement mondial primaire et secondaire a connu une hausse considérable au que récemment. Très peu de politiques ou programmes de niveau mondial39. Cependant, des écarts sexospécifiques développement ciblent le cas particulier des filles mariées précocement, qui se retrouvent projetées dans une vie Plus d’éducation = moins de mariages précoces pour les filles 63% 20% sans éducation avec une éducation secondaire ou plus Le pourcentage des filles mariées avant 18 ans Source : Résumé du rapport de Plan international, « Le droit d’une fille de dire non au mariage : lutter pour mettre fin au mariage précoce et pour que les filles restent à l’école », 2013. Données issues du Rapport du FNUAP de 2012. 16 R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s
persistent, dans de nombreux pays40. Car même lorsqu’elles suivent sont autant de raisons qui incitent les filles à quitter sont scolarisées, les inscriptions à elles seules ne constituent l’école. Un des plus grands défis pour les adolescentes est pas un indicateur fiable de leur fréquentation effective des donc la transition du primaire au secondaire et l’achèvement cours, les filles faisant face à de nombreux obstacles qui des niveaux du collège et du lycée. Pour PLAN, le problème ne risquent de les forcer, plus que les garçons, à abandonner réside donc pas uniquement dans l’égalité du nombre de filles leurs études avant d’avoir achevé le cycle primaire complet. et de garçons qui s’inscrivent à l’école. Il est bien plus profond Au niveau mondial, le taux d’achèvement dans l’enseignement et concerne l’avenir de ces groupes et les filles en particulier primaire est de 87% chez les filles et 90% chez les garçons ; à un moment clé de leur éducation46. Il s’avère donc capital en Afrique subsaharienne, ce taux tombe à 64% chez les d’offrir aux filles non seulement un accès égal à l’enseignement filles contre 71% chez les garçons41. Au Malawi par exemple, primaire et secondaire, mais également de faire en sorte seules 31% des filles vont jusqu’au bout de l’enseignement qu’elles complètent ce dernier cycle scolaire. Pour ce faire, il primaire et à peine 11 % terminent le secondaire avec un convient de prendre en compte l’environnement économique, diplôme, avec des taux d’abandon chez les filles qui dépassent social et psychologique dans lequel elles grandissent et de largement ceux des garçons42. sensibiliser toutes les parties prenantes, à commencer par Les filles ont également nettement moins de possibilités de elles, les parents, les communautés et les autorités concernées. passer dans l’enseignement secondaire. Ce phénomène est accentué dans les zones rurales et pauvres. En Tanzanie Sécurité : Faire en sorte que les filles par exemple, un rapport de l’UNESCO note des disparités soient en lieu sûr à l’école importantes au niveau de la transition du primaire vers le secondaire : pour une centaine de garçons issus de Entre 500 millions et 1,5 milliard familles aisées de zone urbaine qui terminent le primaire, d’enfants sont victimes d’actes de violences chaque année47, le plus souvent à l’école48. il n’y a que 53 filles défavorisées de zones rurales43. En Guinée, 40% seulement des filles issues de familles Le harcèlement sexuel et la violence sont autant de facteurs pauvres achèvent l’école primaire contre 52% des garçons44. de l’abandon scolaire des filles. En conséquence, les filles Au Laos, une recherche menée par Plan international, dans les sont bien plus susceptibles d’être mariées plus tôt, pour communautés de Lahu, Khmu et Hmong, a permis de se rendre les protéger des conditions d’insécurité propres au milieu compte que les adolescentes font face à de multiples obstacles scolaire. S’assurer que les filles restent scolarisées plutôt lorsqu’il s’agit de poursuivre leur éducation secondaire ; leur qu’elles ne se marient ne sera une véritable option que si les taux d’admission est très inférieur à la moyenne nationale45. écoles sont perçues comme des endroits sûrs et sans risque Dans certaines de ces communautés, aucune fille n’avait par rapport à toutes les formes d’abus dont elles peuvent terminé le cycle secondaire dans la mesure où les pratiques être victimes. Le passage à la puberté des filles les expose trop traditionnelles sont plutôt en faveur du mariage des filles entre souvent à des phénomènes de violence basée sur le genre : 14 et 16 ans et que les femmes mariées ne sont pas envoyées harcèlement, violences physiques et sexuelles, exploitation à l’école. Les mariages précoces et les grossesses qui s’en- et/ou maltraitance de la part des professeurs, du personnel ou de leurs camarades. La violence basée sur le genre peut survenir partout où les élèves passent du temps : à l’école ou sur le trajet de l’école. Les toilettes, les salles de classe vides et les couloirs sont autant de lieux où des actes violents peuvent être commis. Le risque de viol, d’attouchements et de harcèlement sexuel ne se limite pas à l’enceinte de l’école. Le trajet de l’école (le long des routes, dans les arrêts de bus et de taxis) peut également être traumatisant pour de nombreuses élèves. Avec peu de femmes enseignantes et un taux élevé d’abandon scolaire de la part des filles, particulièrement au lycée, les écoles peuvent être considérées comme des lieux très masculinisés, des environnements hostiles aux filles. Dans certaines cultures conservatrices, l’absence d’enseignantes (surtout au lycée) est un motif sérieux que les parents invoquent pour R a p p o r t 2 013 s u r l’ é d u c at i o n d e s f i l l e s 17
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