FERNAND LEGER LE BEAU EST PARTOUT 20.05.2017 30.10.2017 - Centre Pompidou Metz
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SOMMAIRE 1. PRESENTATION GENERALE DE L’EXPOSITION……………....P.3 2. PLAN DE LA GALERIE 1……………………………….P.5 3. PARCOURS………………………………………....P.7 4. LE BEAU………………………………………….. P.36 5. FERNAND LÉGER ET LE CORBUSIER. VISIONS POLYCHROMES ... P.39 6. PISTES PÉDAGOGIQUES……………………………... P.53 7. DOCUMENTATION…………………………………... P.62 8. INFORMATIONS PRATIQUES………………………….... P.64 9. ATELIERS JEUNE PUBLIC……………………………... P.66 10. PROGRAMMATION ASSOCIÉE………………………….. P.68 En couverture : Fernand Léger, Les constructeurs (état définitif), 1950 Biot, musée national Fernand Léger Photo © RMN-Grand Palais (musée Fernand Léger) / Gérard Blot © ADAGP, PARIS, 2017 2 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
1. PRESENTATION GENERALE DE L’EXPOSITION FERNAND LEGER. LE BEAU EST PARTOUT 20 mai 2017 ! 30 octobre 2017 Galerie 1 Commissariat : Ariane Coulondre, Conservateur, Chef du service des collections au Centre Pompidou Témoin passionné d’un siècle foisonnant, Fernand Léger (1881 – 1955) est sans doute l’un des artistes modernes les plus célèbres. Généreux, curieux de tout et grand voyageur, il s’est intéressé tout au long de sa carrière à de nombreux domaines : la poésie, le cinéma, le cirque, la danse, l’architecture et l’urbanisme, etc. Attaché à créer des oeuvres à la fois modernes et populaires, il s’est beaucoup engagé en faveur du progrès social. Cette exposition exceptionnelle présente toutes les facettes de ce géant du XXème siècle. Le Centre Pompidou-Metz rend hommage à la personnalité exceptionnelle de Fernand Léger, peintre de la ville et de la vie moderne qui célébra les profondes mutations de son époque. L’exposition rétrospective Fernand Léger. Le beau est partout retrace le parcours du peintre sous un angle inédit, dressant le portrait d’un artiste curieux, fasciné par son temps et ouvert aux autres disciplines. Réunissant une centaine d’oeuvres majeures, cette manifestation explore les liens qu’entretient, tout au long de sa carrière, sa peinture avec la poésie, le cinéma, mais aussi l’architecture et le spectacle vivant, à travers ses multiples collaborations artistiques. Grâce aux prêts exceptionnels du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, et de grandes institutions, privées et publiques, françaises et étrangères, ce parcours thématique met en lumière sa recherche inlassable pour réinventer la peinture en la faisant sortir du cadre. Il souligne également le caractère toujours actuel de l’art de Fernand Léger, cherchant à concilier l’exigence d’un nouveau langage plastique à une dimension véritablement populaire. S’appuyant sur de nombreux documents d’archives, l’exposition révèle les différentes facettes de son travail et montre ainsi l’homme qu’il fut : le théoricien de la peinture, l’infatigable enseignant dans l’atelier duquel se formeront de nombreux artistes, le voyageur doué d’un sens peu commun de l’observation, l’artiste engagé en faveur du progrès social et de la démocratisation culturelle. 3 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
Fernand Léger, Le mécanicien, 1918 Huile sur toile, 65 x 54 cm Donation de Geneviève et Jean Masurel en 1979 Dépôt du Musée national d'art moderne / Centre de création industrielle LaM, Lille Métropole musée d'art moderne d'art contemporain et d'art brut, Villeneuve d'Ascq Copyright photographique : Philip Bernard © Adagp, Paris 2017 4 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
2. PLAN DE LA GALERIE 1 6 5 5 4 3 3 6 7 8 1 1 2 SORTIE ENTRÉE 1. LA CONCURRENCE DE LA VIE MODERNE 2. LETTRE ET POÉSIE : LA DYNAMIQUE DE L’ÉCRITURE 3. CINÉMA : L’IMAGE MOBILE ET LE GROS PLAN 4. DESSIN ET PHOTOGRAPHIE 5. CIRQUE ET DANSE : L’APOGÉE DU SPECTACLE POPULAIRE 6. MUR ET ARCHITECTURE : UN NOUVEL ESPACE POUR LE PEINTRE 7. PEINTRE, PROFESSEUR, VOYAGEUR 8. FERNAND LÉGER ET L’ENGAGEMENT POLITIQUE 5 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
Fernand Léger, La Fleur polychrome, [1952] Ciment et plâtre peints, 165 x 132 x 47 cm Achat de l’État, 1954 Attribution, 1955 numéro d’inventaire : AM 977 S Collection Centre Pompidou, Paris Musée national d’art moderne -‐ Centre de création industrielle © Centre Pompidou, MNAM-‐CCI/Philippe Migeat/Dist. RMN-‐GP © Adagp, Paris, 2017 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
3. PARCOURS Ce document reprend certains textes de salle, notamment pour les œuvres citées. Des rubriques « EN SAVOIR PLUS » aident les enseignants à approfondir leurs recherches. PREAMBULE : LA CONCURRENCE DE LA VIE MODERNE « L’existence des hommes créateurs modernes est beaucoup plus condensée et beaucoup plus compliquée que celle des gens des siècles précédents. La chose imagée reste moins fixe, l’objet en lui-même s’expose moins que précédemment. Un paysage traversé et rompu par une auto ou un rapide perd sa valeur descriptive mais gagne en valeur synthétique [...] L’homme moderne enregistre cent fois plus d’impressions que l’artiste du XVIIIe siècle ; par exemple, à tel point que notre langage est plein de diminutifs et d’abréviations. » Fernand Léger, in Fonctions de la peinture, Les réalisations picturales actuelles, 1914, p.40 SOUS-PARTIES CONTRASTE ET FRAGMENTATION, LES ANNEES CUBISTES ŒUVRES-CLES La couseuse, 1909 La Noce, 1911-1912 Les toits de Paris, 1912 MÉCANIQUE DE LA GUERRE ŒUVRES-CLES La Partie de cartes, 1917 Dessins de guerre ESTHÉTIQUE DE LA MACHINE ŒUVRES-CLES Les hélices, 1918 Le pot à tisane, 1918 La roue rouge, 1920 Elément mécanique, 1924 Fernand Léger fait très tôt le constat de l’état de contraste et d’intensité que représente la vie moderne : le spectacle du paysage urbain en pleine mutation, le bruit et la vitesse des machines et des automobiles, la couleur des réclames sur les murs, les produits manufacturés qui envahissent les vitrines, etc. Cette démultiplication des sensations représente par sa puissance esthétique une concurrence directe pour les artistes. Marquée d’abord par l’esthétique cubiste, la peinture de Fernand Léger rompt avec les conventions artistiques et cherche à transcrire ce morcellement de la vision et le rythme syncopé d’une société en plein essor. Se renouvelant tout au long de sa carrière, elle répond à la saturation des images, par une recherche d’efficacité visuelle et d’audace colorée, guidée par l’esthétique du contraste maximal. FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
Fernand Léger, Contraste de formes, 1913 Huile sur toile, 100 x 81 cm Donation de M. et Mme André Lefèvre en 1952 numéro d’inventaire : AM 3304 P Collection Centre Pompidou, Paris Musée national d’art moderne -‐ Centre de création industrielle © Centre Pompidou, MNAM-‐CCI/Jacques Faujour/Dist. RMN-‐GP © Adagp, Paris, 2017 Contraste de formes « En cherchant l’état d’intensité plastique, j’applique la loi des contrastes […]. J’organise l’opposition des valeurs, des lignes et des couleurs contraires… » Dans cet ensemble d’une quarantaine d’œuvres réalisées entre 1913 et 1914, les sujets traditionnels - personnages, paysages, natures mortes - sont brutalement décomposés en volumes géométriques, jusqu’à l’abstraction. L’impression de fragmentation et de rythme se ressent dans l’exécution rapide de la peinture, qui laisse visible le grain de la toile. D’AUTRES ŒUVRES La Noce Avec La Noce, présentée au Salon des Indépendants en 1912 où elle fait sensation, le jeune peintre affirme sa propre version du cubisme. Son format exceptionnel pour l’époque et son traitement radical en font une œuvre-manifeste. Un cortège nuptial défile verticalement autour d’un couple de mariés, dans un espace brouillé par des formes vaporeuses. La fragmentation des formes et la multiplication des points de vue font voler en éclats la perspective classique. La scène se distingue des grilles monochromes de Georges Braque et Pablo Picasso en conservant la puissance du volume et de la couleur. Dessins de guerre Mobilisé dès août 1914, Fernand Léger est retenu loin de ses pinceaux pendant trois ans. Les dessins qu’il réalise sur des supports de fortune à proximité immédiate du front rendent compte de son quotidien. L’artiste ne cherche pas à dépeindre la violence absurde des combats, dont il est témoin en tant que brancardier, mais plutôt à croquer les activités des soldats à Verdun. Certains de ces dessins, consacrés aux hommes jouant aux cartes ou aux éléments mécaniques, annoncent les sujets que Léger reprendra par la suite. 8 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
La Partie de cartes Fernand Léger peint cette œuvre exceptionnelle des années de guerre lors de sa convalescence dans un hôpital à Paris, à la fin de l’année 1917. Elle inaugure son retour à la peinture et à la vie civile, après trois années terribles passées au front. Réminiscence de la vie quotidienne dans les tranchées, cette scène rend hommage par son thème et son traitement géométrique à Paul Cézanne. Cette image d’une humanité robotisée marque l’aboutissement de ses recherches cubistes et les débuts de la période dite mécanique, qui dure jusqu’au milieu des années 1920. Les Hélices À son retour à la vie civile, Léger réalise de petites toiles éclatantes de couleur, à partir d’objets transformés en mécaniques joyeuses. Le motif de l’hélice, qui apparait déjà dans certains dessins de guerre, rappelle la fascination de l’avant-garde devant cette forme mécanique parfaite. Lors de sa visite au Salon de l’Aviation, accompagné par Constantin Brancusi et Marcel Duchamp ce dernier ne constate-t-il pas : « C'est fini la peinture. Qui fera mieux que cette hélice ? » Elément mécanique « J’aime les formes imposées par l’industrie moderne, je m’en sers, les aciers aux mille reflets colorés plus subtils et plus fermes que les sujets dits classiques », écrit Léger à son marchand Léonce Rosenberg. Jouant des effets de frontalité, de contraste et de dynamisme, l’engrenage composé d’un montage de lignes et de courbes se déploie verticalement, comme une figure puissante sur un fond uni. Version définitive d’un thème exploré longuement, cette grande toile est emblématique de sa période dite mécanique, entre 1917 et 1925. EN SAVOIR PLUS FERNAND LEGER ET LA GUERRE1 « Il n’y a pas plus cubiste qu’une guerre comme celle-là qui te divise plus ou moins proprement un bonhomme en plusieurs morceaux et qui l’envoie aux quatre points cardinaux. » Fernand Léger, Lettre à Jeanne, 28 mars 1915 Dès 1914, Fernand Léger participe à la première guerre mondiale qui, malgré les espoirs d’en finir avec un vieux monde à bout de souffle, restera une période extrêmement meurtrière, avec neuf millions de soldats morts sur le front. L’injustice planant entre les artistes préservés comme Pablo Picasso ou Juan Gris et les autres, jeunes peintres, poètes, écrivains, français ou étrangers, mobilisés pour la guerre, ce drame humain sans précédent influencera à tout jamais leur démarche artistique et leur rapport à l’humanité. En 1914, Fernand léger obtient un ordre de mobilisation générale en qualité de sapeur réserviste. Il sera envoyé dans le sud de la France, puis sur le front de la Marne où il exercera la fonction de brancardier. En 1915, Fernand Léger est blessé et obtient une permission de six jours. Il reviendra avec du matériel de dessin. C’est à cette date qu’il recommence à dessiner. La même année son ami Cendrars est gravement blessé, subissant une amputation de la main droite. En 1916, dès le mois de janvier Fernand Léger rentre à Paris lors de sa seconde permission. Il apprend que Guillaume Apollinaire est blessé à son tour. Fernand Léger quitte l’Argonne pour se retrouver près de Bar-le Duc. D’octobre à décembre, il participe à la grande « Noria » de Verdun, bataille qui durera 300 jours et 300 nuits, la plus sanglante des batailles. La « Noria » sur la Voie Sacrée sert à acheminer 2,5 millions de soldats français. En 1917, Fernand Léger est envoyé au front en Champagne, secteur moins exposé. Il obtient sa cinquième permission en juillet qui se prolonge par un séjour à l’hôpital de Villepinte, souffrant d’une asphyxie lors d’un bombardement. Le marchand d’art Léonce Rosenberg cherche à le 1 Source : Fernand Léger. Un correspondant de guerre à Louis Poughon, 1914-1918, Cahier du Musée National d’Art Moderne, Editions Centre Pompidou, 1990, p.6 9 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
rencontrer, ils signent un contrat dès le mois de décembre. Il réalise cette même année, sa très célèbre toile La partie de cartes. En 1918, au mois de mars, il obtient son retour à la vie civile. Le 11 novembre est signé l’Armistice, Guillaume Apollinaire est inhumé le même mois au cimetière du Père Lachaise. En février 1919, une exposition est consacrée à Fernand Léger à la galerie « L’effort moderne » chez Léonce Rosenberg. Extrait d’une lettre écrite à son ami Louis Proughon, avocat de formation, ami d’enfance et exempté de service militaire lors de la mobilisation.2 VERDUN 14-12-16 « Mon cher ami, (…)On quitte Verdun demain matin 5 heures pour aller au repos, on espère un mois. C’est les grandes vacances. Je pense aussi être à Paris dans peu de temps pour 8 jours. Je quitte Verdun avec plaisir tout de même. J’avoue que c’est peut-être là que j’ai encaissé les plus fortes émotions de ma vie. J’y ai fait des dessins je crois intéressants. (…). J’ai plus de résistance que je n’aurais cru. Je suis en parfaite santé malgré une hygiène de vie plutôt déplorable et des fatigues auxquelles rien ne m’avait préparé. Je me décerne le qualificatif de costaud. Tu permets ?(…) Verdun, ça c’est vraiment la guerre, c’est maximum quand je revois tout cela, surtout les premiers jours. Je me demande comment j’ai pu réaliser ce tour de force de rester 2 mois : c’est le moral qui m’a soutenu(…). Au revoir, mon cher Louis, au plaisir de te revoir et de causer de tout cela devant une bonne table. Ton vieil ami. F.Léger. » La lettre est le seul moyen de communication entre les soldats et leur famille, amis, compagne, épouse, durant la première guerre mondiale. Certaines sont écrites au front, d’autres au cantonnement. Une moyenne de mille lettres par soldat a été recensée, certains en écrivaient plusieurs par jour pour garder le contact avec leurs proches. 2 Source : Fernand Léger. Un correspondant de guerre à Louis Poughon, 1914-1918, Cahier du Musée National d’Art Moderne, Editions Centre Pompidou, 1990, p. 74-75 10 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
PARTIE 1 : LETTRE ET POÉSIE, LA DYNAMIQUE DE L’ÉCRITURE « Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d'aventure policières Portraits des grands hommes et mille titres divers » Guillaume Apollinaire, Zone, 1913 « Les exemples de rupture et de changement survenus dans l’enregistrement visuel sont innombrables. Je prendrai les plus frappants comme exemple. Le panneau-réclame imposé par les nécessités commerciales modernes, coupant brutalement un paysage, est une des choses qui ont fait le plus tempêter les gens dits…de bons goût. Il a même fait naitre cette stupéfiante et ridicule société qui s’intitule pompeusement La Société de protection des payages. » Fernand Léger, in Fonctions de la peinture, Les réalisations picturales actuelles, 1914, p.41 « Sur les boulevards deux hommes transportent dans une voiture à bras d’immenses lettres dorées ; l’effet est tellement inattendu que tout le monde s’arrête et regarde. Là est l’origine du spectacle moderne. » Fernand Léger, Le spectacle, lumière, image, objet-spectacle, juillet 1924 SOUS-PARTIES TYPOGRAPHIE ŒUVRES-CLES Nature morte, 1914 Le Typographe, 1919 POÉSIE URBAINE ŒUVRES-CLES Le Disque, 1918 Les Disques dans la ville, 1920 Le Pont du remorqueur, 1920 Nature morte ABC, 1917 Signaux, lettres, pictogrammes, autant de reflets de cette nouvelle poésie de la ville moderne, ponctuent les peintures de Fernand Léger dès les années 1920. L’artiste partage avec les poètes de l’avant-garde une même fascination pour le renouvellement des formes de la communication visuelle qu’apportent la publicité et la typographie. De Guillaume Apollinaire à Blaise Cendrars, de Vladimir Maïakovski à Paul Éluard, Fernand Léger entretient tout au long de sa vie des liens d’amitié avec de nombreux poètes. De là, naîtront des ouvrages conçus en collaboration, où le texte se mue en rébus, la lettre en matériau plastique. Lui-même doté d’un grand talent d’écriture, Léger n’hésitera pas à prendre la parole, publiant des textes variés, articles théoriques, récits de voyages ou écrits poétiques. 11 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
Fernand Léger, Le Cirque Médrano, 1918 Huile sur toile, 58 x 94,5 cm Legs de la Baronne Eva Gourgaud, 1965 numéro d’inventaire : AM 4316 P Collection Centre Pompidou, Paris Musée national d’art moderne -‐ Centre de création industrielle © Centre Pompidou, MNAM-‐CCI/Jacques Faujour/Dist. RMN-‐GP © Adagp, Paris, 2017 Le Cirque Medrano Léger exprime sa passion pour l’ambiance colorée des spectacles du cirque Médrano, fréquenté alors par les peintres et les poètes. Fragments urbains, acrobates et animaux sont saisis entre deux demi-disques, dans un mouvement circulaire rythmé par les contrastes de formes et de couleurs. Parmi de multiples signaux abstraits apparait l’affiche du spectacle, « MEDRA » pour Medrano, et « 8h1/2 », l’heure de la représentation. D’AUTRES ŒUVRES Nature morte Unique dans l’œuvre de Léger, cette étonnante composition est considérée comme le premier exemple d’un usage artistique du tampon encreur. Le peintre détourne cinq tampons administratifs pour créer une nature morte avec bouteille et verre. Il n’est pas indifférent qu’elle soit réalisée sur une feuille à en-tête de la revue Les Soirées de Paris, dirigée par Guillaume Apollinaire. Provenant de la collection du poète, défenseur du cubisme et inventeur des poèmes visuels (Calligrammes), elle montre le plaisir qu’a Léger à dessiner avec des lettres, même si ce « jeu de mots » se révèle plus pictural que littéraire. La Fin du monde filmée par l’ange N. D. Illustré de 22 dessins de Léger, cet ouvrage conçu comme un scénario signe l’une de ses collaborations majeures avec son ami, le poète Blaise Cendrars. Ces compositions tourbillonnantes jouent sur la typographie, l’esthétique publicitaire et déclinent la lettre sous toutes ses formes, en caractères d’imprimerie, au pochoir ou plus librement pour former des images. Se trouve ici pour 12 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
la première fois la dissociation de la couleur et du dessin que Léger explorera plus tard dans ses peintures. Le Typographe Travaillant à l’édition de La Fin du Monde filmée par l’ange N. D., Fernand Léger fréquente les ateliers d’imprimerie, qui lui inspirent la série du Typographe. Un artisan est ici assis à sa table de travail devant des caractères rouges et blancs. Léger considère que la révolution typographique a transformé la perception humaine, devenue plus précise et plus rapide. La lettre « R » évoque surtout les caractères de la rue, construits sur le principe du pochoir. Transformés en motifs plastiques, les fragments de lettres, aplats colorés et formes abstraites s’entrechoquent gaiement. Nature morte ABC Les trois premières lettres de l'alphabet deviennent ici le sujet même du tableau. Référence au nom d'un music-hall parisien fréquenté par les artistes, ABC peut aussi être lu comme une dédicace « A Blaise Cendrars ». Dans son recueil L'ABC du cinéma (1926), le poète ami de Léger fait l'éloge de la publicité « la plus belle expression de son époque, la plus grande nouveauté du jour, un Art ». Le peintre, qui partage cet engouement, imagine une typographie spécifique dans laquelle les trois lettres monumentales s’imbriquent dans une composition géométrique abstraite. Les Disques dans la ville Cette peinture majeure mêle dans une même image deux thèmes chers à Fernand Léger, la machine et le paysage urbain. Elle s’inspire des panneaux publicitaires de la place de Clichy, que le peintre admire lors de ses promenades dans la capitale avec Blaise Cendrars et Darius Milhaud. Les formes circulaires, évoquant les rouages mécaniques ou la pellicule de cinéma, sont associées à des éléments d’architecture ou de signalétique urbaine, des poutrelles métalliques et des lettres isolées qui créent un instantané dynamique de la grande ville moderne par effet de contraste. La Ville En 1952, l’éditeur Tériade sollicite Blaise Cendrars et Fernand Léger pour réaliser un livre illustré sur Paris. Dans les lithographies réalisées par le peintre, les lettres rythment le paysage urbain. Aux clins d’œil autobiographiques à son quartier – Léger dépeint la Ruche, la Coupole et Montparnasse – s’ajoutent les références aux motifs qui ont marqué sa peinture. La collaboration est interrompue par la mort de Léger en 1955. Les illustrations ne seront finalement publiées aux côtés du texte de Cendrars qu’en 1987. EN SAVOIR PLUS LA POÉSIE AU DÉBUT DU XXème SIECLE Fernand Léger sera proche de poètes tels que Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars, Yvan Goll, René Char, Paul Eluard, Vladimir Maïakovski. Au début du XXème siècle, deux grandes tendances ou périodes se distinguent.3 Tout d’abord l’Esprit Nouveau avec un renouvellement de la forme insufflé par Guillaume Apollinaire et Blaise Cendrars. Le poète prend toutes les libertés, recherche une écriture nouvelle : il peut explorer le calligramme selon Guillaume Apollinaire (poème dont l’écriture représente un dessin), abandonner la ponctuation, imaginer des vers libres. Les thèmes abordés 3SOURCE : Le surréalisme en poésie http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/surréalisme/95026 13 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
sont la ville, la modernité, le quotidien, etc. Il existe une véritable porosité entre ce renouveau poétique et les avancées de la peinture (début du cubisme). Puis apparaît la Poésie surréaliste, la poésie étant le genre littéraire privilégié des Surréalistes, sous l’impulsion d’André Breton. Ce mouvement, né en 1924 en réaction à la première guerre mondiale, dénonce la condition de l’homme en perte de repère dans un monde qui n’a plus de sens. Les recherches de Freud sur la psychanalyse influenceront les Surréalistes qui tentent d’atteindre l’inconscient. En lien avec le rêve, l’écriture automatique, l’association d’idées, l’opposition d’images (« la terre est bleue comme une orange », Paul Eluard) sont autant de procédés d’écritures utilisés par les poètes Surréalistes. Les thèmes de l’amour, la femme, l’engagement seront chers à Paul Eluard, Louis Aragon ou André Breton. Liberté de Paul Eluard, poème très engagé sera diffusé par avion aux résistants.4 BLAISE CENDRARS5 Blaise Cendrars ou Frédéric-Louis Sauser, est un écrivain, poète et journaliste, né en septembre 1887 à La Chaux-de-Fond en Suisse (lieu de naissance de Le Corbusier). Blaise Cendrars est un pseudonyme choisi pour la métaphore entre l’écriture et l’incandescence. « Ecrire c’est brûler vif, mais aussi renaitre de ses cendres » Blaise Cendrars. D’autres pseudonymes seront sa signature : Freddy Sausey, Frédéric Sausey, Jack Lee, Diogène. Blaise Cendrars publie ses premiers poèmes dès 1912 avec Les Pâques puis La Prose du Transsibérien après un grand voyage en Transsibérien, train reliant la Russie à la Chine. Toute sa vie sera sous le signe du voyage, de la découverte, de l’altérité, de l’itinérance. Dès la première guerre mondiale, il souhaite s’engager comme volontaire dans la Légion Etrangère, bien que de nationalité suisse, pour participer à ce conflit sans précédent. En 1915, perdant le bras droit dans un tir de mitraillettes, lors de la bataille de Champagne, il se retire du front et séjourne à l’hôpital. Démobilisé, il obtient la naturalisation française en 1916. « Que faire, que dire quand on était un écrivain qui commençait tout juste à se faire connaître, qui s’était forgé une place dans le milieu de l’avant-garde européenne et qui est menacé de ne plus être qu’un ancien combattant ? »6 Blaise Cendrars fréquente à Paris des artistes tels que Sonia et Robert Delaunay, Marc Chagall, Alexander Archipenko, Amedeo Modigliani, Guillaume Apollinaire, Fernand Léger. En 1918, n’en pouvant plus de ses souvenirs destructeurs de guerre, il écrit J’ai tué, premier livre illustré par Fernand Léger. Dans Dix-neufs poèmes élastiques, de 1919, il rend hommage à Marc Chagall et à Léger. Ce handicap le tourne progressivement vers le cinéma. Il devient l’assistant d’Abel Gance pour J’accuse et La Roue. Son ami Fernand Léger collaborera à ce dernier film pour la réalisation d’une affiche. En 1921, Blaise Cendrars passe à la réalisation mais sans grand succès. Passionné par l’Afrique, il écrit Anthologie nègre, dont la Création du monde sera adapté par les ballets suédois, avec des décors et des costumes de Fernand Léger. En 1926, son roman L’Or devient un succès international, confirmé par Moravagine, roman d’aventure. Dès 1930, il devient journaliste, grand reporter, correspondant de guerre en 1939. À partir de 1943, il revient sur ses souvenirs obsédants de guerre avec des récits autobiographiques tels que L’homme foudroyé, La main coupée. Il décède à Paris le 21 janvier 1961. LA MODERNITÉ POUR BLAISE CENDRARS ET FERNAND LEGER À partir de 1918, débute une grande amitié et une belle collaboration artistique entre Blaise Cendrars et Fernand Léger. Leur point de rencontre, comme l’écrit Anne Valley dans son article sur la Modernité, dans le catalogue de l’exposition7, est d’avoir connu la guerre, d’avoir rencontré 4 https://www.reseau-canope.fr/poetes-en-resistance/poetes/paul-eluard/ 5 http://www.bnf.fr/documents/biblio_cendrars.pdf 6 1917, Catalogue de l’exposition, sous la direction de Claire Garnier et de Laurent Le Bon, 2012, article de Michèle Touret, p.106 7 Fernand Léger, Catalogue de l’exposition, sous la direction de Ariane Coulondre, 2017, article d’Anne Valley, p.39 14 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
« le peuple de France ». Ces deux hommes sont très proches, pour eux, être moderne, c’est explorer le tissu urbain d’après-guerre où tout se « précipite violemment ». Ils partagent ensemble le goût de l’itinérance : « Aller flâner, sous prétexte, d’aller au peuple » disait Baise Cendrars. Leur zone de prédilection est le quartier Kremlin-Bicêtre, là où s’éveille la nuit, une population hétérogène, étrangère et marginale, une manière pour eux de s’encanailler, de faire un voyage dans les marges urbaines. L’authenticité de la vie moderne se trouve là, entre réalité et spectacle. Comme le souligne Anne Valley, cette immersion dans les zones populaires était, déjà au XIXème siècle, pour Victor Hugo ou pour Charles Baudelaire, une expérience sensorielle et inspirante. LES ANNÉES 1920 : OUVERTURE À D’AUTRES CHAMPS DE CRÉATION De 1908 à 1910, Fernand Léger, peintre associé à la mouvance cubiste, s’installe à La Ruche8, une cité d'artistes située dans le quinzième arrondissement de Paris, où il fait la connaissance des sculpteurs Ossip Zadkine, Alexander Archipenko, Jacques Lipchitz, et se lie d’amitié avec le peintre Robert Delaunay et les écrivains Blaise Cendrars, Guillaume Apollinaire. Fernand Léger n’est pas un solitaire et ce brassage de rencontres et d’échanges se poursuit après la guerre, dans la frénésie des « années folles » et de ses créations collectives. Il partage avec ses contemporains un besoin de distraction, dans les années d’après-guerre. Passionné de spectacles, il va fréquemment au bal populaire, au cinéma ou au cirque avec Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars ou Max Jacob. Pour Fernand Léger, le music-hall est un lieu de créativité, d’invention, et de synthèse des arts dans lequel il retrouve ses idées. Bien plus qu’un lieu de divertissement, c’est une matière première où puiser son inspiration. Il mène une réflexion similaire à propos du cirque, lieu de la prise de risque, de l’excitation et de la peur, avec ses couleurs en liberté et ses numéros qui se succèdent : le cirque comme métaphore du monde moderne. Dans les années 1920, période propice au bouleversement de l’ordre établi, à la négation du « goût bourgeois » et à l’abolition des frontières entre les arts, il approche des personnalités d’horizons différents : l’architecte Le Corbusier, le compositieur Darius Milhaud ou Arthur Honegger, le danseur Jean Börlin, le directeur de compagnie Rolf de Maré, le cinéaste Marcel L’Herbier. Conscient de la dimension restrictive de la peinture de chevalet pour exprimer une vision globale du monde moderne, il utilise les techniques et les supports les plus divers et multiplie les collaborations. Dès 1921 et jusqu’en 1950, impliqué dans un réseau d'amitiés artistiques, il participe à une dizaine de créations, en concevant des affiches, des décors et des costumes pour la scène (ballets, cirques, opéras) et le cinéma, en participant à des expériences cinématographiques ou en réalisant lui même un film : le Ballet mécanique. En se confrontant à d’autres champs artistiques et en nourrissant son art de ce dialogue, Fernand Léger relève le défi de la peinture au XXème siècle : la rendre aussi puissante que la vie moderne. 8 La Ruche, baptisée ainsi pour évoquer l'activité intense des artistes qui y vivent et y établissent leur atelier, est née en 1900 de la générosité du sculpteur Alfred Boucher (1850-1934) qui achète aux enchères le pavillon des vins de Gironde conçu par Gustave Eiffel pour l’Exposition Universelle de 1900, et l’installe 2, passage Dantzig, dans le quinzième arrondissement de Paris, au cœur du quartier Montparnasse. 15 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
PARTIE 2 : CINÉMA, L’IMAGE MOBILE ET LE GROS PLAN « Le cinéma et l’aviation vont bras dessus bras dessous dans la vie, ils sont nés le même jour…La Vitesse est la loi du monde. Le Cinéma est gagnant parce qu’il est vite et rapide. Il est gagnant parce qu’il fait sauter des tas de chiffons à retardement comme le programme et le rideau. Le drame ou la comédie s’avalent d’un seul coup, sans fermer l’œil, il s’encadre dans le rythme actuel tout naturellement. » Fernand Léger, in Fonctions de la peinture, A propos du cinéma (1930-1931), p.163 « Le cinéma, c’est l’âge de la machine. Le théâtre, c’est l’âge du cheval.» Fernand Léger, in Fonctions de la peinture, A propos du cinéma (1930-1931), p.165 « La raison d’être du cinéma, la seule, c’est l’image projetée. Cette image qui, colorée, mais immobile, captive toujours les enfants et les hommes, voilà qu’elle remue. On a suscité l’image mobile, le monde entier est à genoux devant cette merveilleuse image qui bouge. » Fernand Léger, 1922 « Le cinéma personnalise « le fragment », il l’encadre et c’est un « nouveau réalisme » dont les conséquences peuvent être incaculables. Un bouton de faux col, placé sous le projecteur et grossi cent fois, devient une planète irradiante. Un lyrisme tout neuf de l’objet transformé vient au monde, une plastique va s’échafauder sur ces faits nouveaux, sur cette nouvelle vérité. » Fernand Léger, in Fonctions de la peinture, A propos du cinéma (1930-1931), p.168 SOUS-PARTIES LA RÉVÉLATION CHARLOT ŒUVRE-CLE Charlot cubiste, 1924 LES EXPÉRIENCES FILMIQUES DE LÉGER ŒUVRES-CLES La roue, Abel Gance, 1922 L’Inhumaine, Marcel L’Herbier, 1924 Le Ballet mécanique, 1924 LE RÈGNE DE L’OBJET ŒUVRES-CLES Composition à la main et aux chapeaux, 1927 Nature morte au masque de plâtre, 1927 Le miroir, 1925 Nature morte (Le mouvement à billes), 1926 Feuilles et fruits, 1927 Fasciné par le personnage mécanique de Charlie Chaplin qu’il a découvert pendant la guerre, Léger oppose l’art neuf du cinéma à l’ancien modèle théâtral. Conscient du caractère populaire du septième art, il voit dans le film la possibilité d’une représentation dynamique, transfigurée par le rythme du montage et les effets de cadrage. Le peintre compose les affiches et décors de plusieurs films d’Abel Gance et de Marcel L’Herbier, avant de coréaliser en 1924 le Ballet mécanique, premier film sans scénario. Les potentialités infinies du gros plan et des angles de vues inédits sont exploitées en retour dans ses peintures, qui font des objets de la vie courante les nouveaux acteurs des intérieurs contemporains. 16 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
Fernand Léger, Charlot cubiste, [1924] Éléments en bois peints, cloués sur contreplaqué, 73,6 x 33,4 x 6 cm Dation en 1985 numéro d’inventaire : AM 1985-‐402 Collection Centre Pompidou, Paris Musée national d’art moderne -‐ Centre de création industrielle © Centre Pompidou, MNAM-‐CCI/Georges Meguerditchian/Dist. RMN-‐GP © Adagp, Paris, 2017 Charlot cubiste « Homme-image » né avec le cinéma, Charlot revient à plusieurs reprises dans l'œuvre de Léger sous la forme d’un arlequin désarticulé. Au début des années 1920, le peintre écrit le scénario d’un dessin animé, Charlot cubiste. Plusieurs versions tridimensionnelles du Charlot ont été conçues, sans doute pour ce film d’animation resté inachevé. L’assemblage modulable des planches de bois peintes permettait de décomposer et recomposer le corps-puzzle de la marionnette, qui revient, sous forme de clin d’œil, en 1924 dans le générique du Ballet mécanique. D’AUTRES ŒUVRES L'Inhumaine, extraits du film Marcel L’Herbier offre pour la première fois à Fernand Léger l’occasion de créer en trois dimensions, en lui confiant la réalisation de décors pour son film L’Inhumaine, vitrine de la modernité artistique. Dans la séquence finale du film, où le laboratoire futuriste imaginé par le peintre est en ébullition pour ressusciter l’héroïne, le réalisateur joue des éléments du décor grâce aux éclairages contrastés, à un montage heurté de plus en plus rapide. Le générique du film, qui reprend une composition peinte par Léger en 1918, met également en mouvement ses motifs mécaniques. La Ligne générale Arrivé à Paris en 1929, Serguei Eisenstein dit son admiration pour le Ballet mécanique, « jamais surpassé ». Des échos aux trouvailles de Léger se retrouvent dans La Ligne générale du cinéaste russe, qui reprend par exemple l’usage des lettres et des chiffres. Leur amitié réciproque résonne 17 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
également sur le plan des convictions politiques, comme le révèle leur correspondance entre 1931 et 1935. Composition à la main et aux chapeaux Réponse du peintre aux moyens du cinéma, cette grande composition met en scène les personnages principaux de son film : la découpe d’un profil féminin, quatre cuillères, trois panamas, deux bouteilles, une machine à écrire, etc. Les successions verticales ou horizontales d’objets, qui scandent la composition, renvoient non seulement au montage des plans cinématographiques, mais aussi à la répétition des photogrammes sur la pellicule du film. Dreams that money can buy Réalisé en exil aux Etats-Unis, Dreams that money can buy rassemble sept séquences oniriques que le cinéaste allemand Hans Richter confie à des artistes, dont Fernand Léger. Avec une fantaisie proche du surréalisme, le peintre emploie, à la place des acteurs, des mannequins de vitrines. Son tableau La Grande Julie, représentation d’une jeune mariée dansant et faisant du vélo, semble s’animer sur les paroles d’une chanson populaire. Cet intérêt pour la mise en mouvement des objets et le dynamisme de la roue renouent avec les thèmes du Ballet mécanique. EN SAVOIR PLUS CHARLIE CHAPLIN9 « La force des « mimes » comme Charlot et B.Keaton, c’est leur admirable ignorance et leur puissance d’instinct. Ils ont senti qu’ouvrir la bouche est stupide du moment qu’elle ne parle pas, et par cela ils sont devenus plus populaires. » Fernand Léger, in Fonctions de la peinture, A propos du cinéma (1930-1931), p.167 Charles Spencer Chaplin, né en 1889 à Londres, est acteur, réalisateur, scénariste, producteur, compositeur. Ses parents qui se séparent alors qu’il a à peine deux ans, sont des artistes issus du music-hall. Il connait une enfance difficile. Habitué à la pauvreté, il fréquente des foyers d’accueil avec son demi-frère Sydney. Dès l’âge de 10 ans, Charles se tourne vers une troupe de danseurs de claquettes pour enfants. Plus tard, il intègre la troupe Le Casey’s Club et devient un virtuose en matière d’imitation. Puis la Compagnie Karno le repère et l’embauche pour ses talents exceptionnels de comique. À 24 ans, il connaît Hollywood, engagé par la Keystone Comedy Company. Cette même année, il crée son personnage de Charlot, ses costumes, son maquillage, sa démarche. 1918 est l’année de la consécration. Connu dans le monde entier, il ouvre son propre studio et devient un an plus tard co-fondateur de la United Artists, maison de distribution indépendante. Les films tels que l’Emigrant (1917), Charlot soldat (1918), le Kid (1921), la Ruée vers l’or (1925), affirmeront son style et apporteront une nouvelle dimension créative au burlesque. Les progrès cinématographiques évoluent très rapidement. Bien que la technique des films sonorisés apparaisse, Charlie Chaplin souhaite conserver l’identité du cinéma muet et son langage universel, qui lui donnent une notoriété internationale. Les Temps modernes (1936) ne connaissent qu’un accompagnement musical. Sa première expérience de dialogues sonorisés apparaît en 1940 avec le Dictateur qui obtient un grand succès. Le film s’affirme plus politique, parodiant Hitler et Mussolini. Mais la popularité de Charlie Chaplin connaît quelques écueils en raison de ses liaisons avec des femmes très jeunes et des problèmes de reconnaissance de paternité. De plus, les autorités américaines voient en lui un ennemi, l’accusant de sympathiser avec le régime communiste. En 1952, alors qu’il doit se rentre à Londres pour présenter Les Feux de la Rampe, le gouvernement américain le menace de lui retirer son visa. Suite à ces tensions et accusations, il décide de s’établir en Suisse et, tout en poursuivant une 9 http://www.charliechaplin.com/fr/articles/22-Biographie 18 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
activité professionnelle et artistique toujours très dense, il abandonnera définitivement le personnage de Charlot. Il décède en 1977. FERNAND LÉGER ET LE CINÉMA10 Après la guerre de 1914-1918, Fernand Léger, grand admirateur de Chaplin et d’Eisenstein, noue des liens étroits avec le cinéma. En 1918, il illustre le livre de Blaise Cendrars La Fin du monde filmée par l'Ange N.D, conçu comme une suite de plans cinématographiques, et renoue avec le groupe de la revue Montjoie! 11 fondée en 1913 par l’intellectuel et critique italien Ricciotto Canudo. Ce dernier publie en janvier 1923, le Manifeste des sept arts, dans lequel il proclame : « Nous avons besoin du Cinéma pour créer l’art total vers lequel tous les autres, depuis toujours, ont tendu ». Fernand Léger est persuadé que le septième art (terme inventé par Canudo) peut devenir un art social moderne grâce à la fascination du public pour le mouvement des images projetées. La Roue, Abel Gance, 1922 Réalisateur : Abel Gance Assistant-réalisateur : Blaise Cendrars Scénariste : Abel Gance Directeurs de la photographie Léonce-Henri Burel, Marc Bujard, Maurice Duverger Compositeur de la musique originale : Arthur Honegger En 1921, Fernand Léger entre en contact avec Abel Gance, grâce à Blaise Cendrars, assistant réalisateur sur le film La Roue, et propose plusieurs projets d’affiches. Arthur Honegger compose la musique de la première version du film (d’une durée de presque neuf heures) dont l’un des morceaux est resté connu sous le nom de Pacific 231. 10 SOURCES Exposition Léger et le spectacle, du 1er juillet au 2 octobre 1995, Musée national Fernand Léger, Biot : http://www.grandpalais.fr/fr/system/files/field_press_file/dp_leger_et_le_spectacle.pdf Fernand Léger, Fonctions de la peinture, 1965, Éditions Denoël-Gonthier. Édition revue et augmentée, établie, présentée et annotée par Sylvie Forestier, Éditions Gallimard Paris, 2004. Site du Musée national Fernand Léger à Biot : http://musees-nationaux-alpesmaritimes.fr/fleger/l-le-musee-national-fernand-leger Laurent Véray « Un cinéma d'artistes », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 26 mars 2017. URL : http://www.histoire- image.org/etudes/cinema-artistes La Cinémathèque Française, Ballet Mécanique : www.cinematheque.fr/catalogues/restaurations-tirages/film.php?id=62284#restauration La Cinémathèque Française, Ciné-ressources-Fiches personnalisées, Marcel L’Herbier : http://cinema.encyclopedie.personnalites.bifi.fr/index.php?pk=13914 La Cinémathèque Française , Ciné-ressources-Fiches personnalisées, Abel Gance : http://cinema.encyclopedie.personnalites.bifi.fr/index.php?pk=9114 Centre Pompidou Paris. Dossier documentaire, Le mouvement des images : http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-mouvement_images/ENS-mouvement-images.htm Centre Pompidou Paris. Dossier documentaire, Fernand Léger : http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-Leger/ENS-leger.html Centre Pompidou-Metz. Dossier Découverte, Hans Richter : http://www.centrepompidou-metz.fr/sites/default/files/images/dossiers/2014.05-RICHTER.pdf Catalogue de l'exposition Fernand Léger, Le beau est partout, du 20 mai au 30 octobre 2017, Centre Pompidou-Metz. Textes : La Roue, Dreams that Money Can Buy, Ballet mécanique, de François Albera. Composition à la main et aux chapeaux,1927, de Ariane Coulondre. 11 La revue Monjoie ! fondée en 1913 par Ricciotto Canudo (1878-1923), « organe de l'Impérialisme artistique français, gazette bi- mensuelle illustrée » est une revue ouverte aux écrivains (Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars, Léon-Paul Fargue, Jacques Dyssord) mais de nombreux créateurs vont y contribuer, comme Fernand Léger, Igor Stravinsky, Albert Gleizes, Raymond Duchamp-Villon. Dans les locaux de la revue, Canudo organise les « Lundis de Montjoie! », temps d'échanges littéraires, artistiques et poétiques, qui réunissent notamment Robert Delaunay, André Dunoyer de Segonzac, Erik Satie, Fernand Léger, Blaise Cendrars, André Salmon, Marc Chagall, etc. 19 FERNAND LÉGER / DOSSIER DÉCOUVERTE
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