Fiction Nuit blanche, le magazine du livre - Érudit

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Nuit blanche, le magazine du livre

Fiction

Numéro 118, printemps 2010

URI : https://id.erudit.org/iderudit/61086ac

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Éditeur(s)
Nuit blanche, le magazine du livre

ISSN
0823-2490 (imprimé)
1923-3191 (numérique)

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Citer ce compte rendu
(2010). Compte rendu de [Fiction]. Nuit blanche, le magazine du livre, (118),
18–27.

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                                                                                https://www.erudit.org/fr/
commentaires fiction
  thriller, roman                                                                                   en 2009, aussi intéressant que le précédent
                                                                                                    tout en étant fort différent (178 secondes,
                                                                                                    David).
                                                                                                        « Vivre, c’est naître lentement », lui
                                                                                                    confie Saint-Exupéry en citant un extrait de
                                                                                                    Pilote de guerre. Et elle de constater qu’elle
                                                                                                    « [s]’éveille chaque jour un peu plus ».
                                                                                                    Reprenant le cours de sa vie, elle lui raconte
                                                                                                    comment elle est devenue pilote et sa
                                                                                                    passion pour le vol, les difficultés reliées au
                                                                                                    fait qu’elle était la seule femme pilote dans
                                                                                                    sa compagnie, son choix de la maternité en
                                                                                                    assumant son rôle de mère de trois filles, ce
                                                                                                    dont elle est fière mais qui lui coûte sa
                                                                                                    licence, et sa découverte de l’écriture, elle
                                                                                                    qui se définit comme « auteure » tout en
                                                                                                    souhaitant devenir « écrivaine ».
                                                  critiques. L’adaptation que le réalisateur            D’anecdotes en pensées, le lecteur ren-
Patrick Senécal                                   Podz a fait du roman Les sept jours du            contre, en même temps que Saint-Exupéry,
HELL.COM                                          talion a notamment été présentée au               une femme sensible qui écrit fort bien et
Alire, Québec, 2009, 557 p. ; 32,95 $             dernier Festival du film de Sundance, en          qui chemine lentement vers elle-même,
                                                  janvier dernier, remportant un bon succès,        cherchant « à rejoindre la petite fille
Drogue, sexe et rock’n’roll ? Pas vraiment,       dit-on.                                           qu’[elle a] été » afin de mieux comprendre
non, plutôt drogue, sexe extrême et vio-              Patrick Senécal est né en 1967 à              le sens de sa vie.
lences multiples. Pornographie, perversité        Drummondville et a déjà été maintes fois              Elle qui a déjà rêvé, petite, d’être peintre
et fantasmes sans retenue. Tortures et viols.     primé ou nominé : prix Saint-Pacôme du            mais qui n’a jamais osé, illustre son livre
Meurtres et horreurs illimitées. L’enfer,         meilleur roman policier québécois (2007),         d’aquarelles qui ponctuent son texte. Mais
quoi, tel que le suggère le titre Hell.com. Pas   prix Masterton pour le roman francophone          contrairement au caractère naïf des dessins
reposant, Patrick Senécal, écrivain à succès      (2006) ou nomination au prix du public du         de Saint-Exupéry dans Le petit prince, ses
qui aime bien naviguer dans l’épouvante.          Salon du livre de Montréal (2007).                tableaux sont d’un délicat réalisme.
    Il faut affectionner le genre et vouloir                                 Michèle Bernard            Douceur et tendresse, charme et délica-
plonger dans un thriller sanglant à souhait.                                                        tesse habitent cette œuvre qui, tout en
Regarder davantage du côté de Misery que                                                            traçant le portrait de son auteure, nous
du philosophique Le fléau (The Stand) de          Katia Canciani                                    invite à redécouvrir l’œuvre de Saint-
Stephen King.                                     LETTRE À SAINT-EXUPÉRY                            Exupéry.
    Les adeptes de Senécal apprécieront           Fides, Montréal, 2009, 70 p. ; 22,95 $                                           David Lonergan
l’intrigue pour le moins démoniaque et le
mélange fascination-répulsion qui alter-          Il est des textes qui s’inscrivent entre les
nent sans se démentir tout au long du livre.      genres de la littérature. Dans un moment de       Gilles Archambault
« Vous croyez que le Diable connaît chacun        doute sur elle-même, Katia Canciani a             NOUS ÉTIONS JEUNES ENCORE
de ses damnés ? L’enfer est trop vaste, il        choisi d’inviter Antoine de Saint-Exupéry à       Boréal, Montréal, 2009, 163 p. ; 19,95 $
comporte une multitude d’antichambres. »          s’asseoir avec elle à la terrasse d’un café,
Les relations qu’entretient le protagoniste et    pensant qu’il était le seul qui puisse la         Pierre-André est un écrivain septuagénaire
riche homme d’affaires Daniel Saul avec ses       comprendre et la conseiller. Et Saint-            qui n’a pas publié de roman depuis cinq
parents, son fils, sa copine Marie et son ex      Exupéry a accepté.                                ans. Il est un « vieil homme », comme il se
– ou alors avec son passé d’enfant gâté – lui         Cette Lettre à Saint-Exupéry n’est donc       qualifie lui-même, et il est conscient que sa
donnent une certaine consistance psycho-          pas une lettre ni un monologue car le célèbre     vie tire à sa fin. Il vient d’ailleurs d’ap-
logique et humaine. « Son esprit devient          aviateur-écrivain répond aux nombreuses           prendre la mort de Maxime, qui a été son
confus, il ne combat plus la douleur, ni          interrogations de son interlocutrice. S’en-       meilleur ami. Pourtant, c’est l’homme qui
l’humiliation, ni l’horreur. »                    suit un touchant texte dans lequel Canciani       lui a jadis ravi sa femme, Marthe. Mais il ne
    Auteur de romans – une dizaine entre          tente de faire le point sur son vécu et sur       leur en a jamais vraiment voulu, ni à l’une
1994 et 2009 –, de nouvelles et de scéna-         ses choix de vie.                                 ni à l’autre, pour cette trahison. À preuve, il
rios, Senécal connaît aussi l’adaptation de           À l’époque de l’écriture, elle avait publié   a accueilli Marthe à bras ouverts quand elle
quelques-uns de ses livres au cinéma, dont        un très beau roman, Un jardin en Espagne          lui est revenue, après quelques années.
Sur le seuil d’Éric Tessier (2003). Du même       (David, 2006), deux ou trois ouvrages pour        Jusqu’à ce qu’elle le quitte à nouveau, mais
réalisateur, le 5150, rue des Ormes est sorti     la jeunesse et s’engageait, difficilement,        pour vivre seule cette fois-ci. La présence
sur les écrans en octobre 2009, divisant les      dans l’écriture d’un second roman, publié         de sa fille Éloïse a sans doute compté pour

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beaucoup dans la sérénité avec laquelle           Premier roman
Pierre-André a accueilli le départ de
Marthe et de Maxime. S’il a conscience de

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ne pas avoir été un très bon mari, il s’est               e parcours personnel de François Moreau, tel que décrit en
certainement montré un meilleur père.                     quatrième de couverture, ressemble à celui du personnage
   Lorsqu’il apprend le décès de Maxime, il               central du livre, qui s’appelle d’ailleurs François.
se rend chez son ex-épouse afin de la                  L’auteur a le mérite de s’être bâti une vie trépidante, digne
réconforter, ou à tout le moins de l’accom-        d’être racontée, susceptible d’intéresser, de faire rêver la
pagner en cette journée particulière. Ce           moyenne des gens qui se trouvent plutôt dans un quotidien où
sera l’occasion pour eux de se remémorer           le travail, la famille, l’accumulation de biens, de responsabilités,
de bons moments de leur existence, comme           d’attaches, constituent un lot considérable qui suffit à meubler
de moins bons. Des étapes de leur vie              l’existence.
commune ainsi que des épisodes auxquels                Faire partie de la bohème, la troupe de ceux, en général des artistes, qui marchent
Maxime a participé. Éloïse, qui se présente        en dehors des sentiers, c’est faire un choix tout en ayant l’air de refuser d’en faire.
elle aussi à l’appartement de sa mère,             C’est un concept abstrait, une affaire de jeunes, de fous, de pauvres, d’idéalistes, vu
participe également à cet exercice de              de l’œil de ceux qui n’en sont pas.
remémoration. Et Philippe, un jeune                    Telle que présentée par François Moreau, la bohème, c’est une recherche
écrivain ami et admirateur de Pierre-André         incessante de sens, une odeur persistante de large, une histoire de vie à construire,
est là, virtuellement, dans la pensée de           de gens à rencontrer. Ce sont des aventures amoureuses à vivre avec toute l’intensité
celui-ci.                                          de la jeunesse, en prenant le risque que l’amour meure en cours de route, dans le
   Les lecteurs de Gilles Archambault              corps d’une femme magnifiquement malade, et renaisse dans le regard d’une autre,
savent à quoi s’attendre quand ils ouvrent         toujours la même au fond.
l’une de ses œuvres. Bien que les pro-                 De Montréal à Bruxelles, à Paris, à Londres, à Madrid ; d’un port à une gare, à une
tagonistes ne soient pas les mêmes d’un            station de bus ; du dessous d’un pont à une chambre de bordel, à un hôtel sordide ;
roman à l’autre, on a tout de même l’im-           d’une connaissance à un contact, à un agent, à un ami ; d’une satisfaction animale à
pression qu’un ami poursuit, sur le ton de         une relation torride, à un amour passionné ; de l’indifférence sentimentale à
la confidence, une conversation déjà               l’inquiétude morbide ; de la pauvreté à l’aisance ; de l’essai à la réussite ; du bonheur
entamée lors d’une précédente rencontre.           parfait au malheur profond ; la bohème de François Moreau est un voyage à faire, en
Une conversation dans laquelle il se raconte       bonne compagnie, main dans la main de celui qui, revenu au Québec, nous donne
et fait part de ses angoisses, de ses fai-         romans, pièces de théâtre et surtout, nous communique le goût du voyage et de la
blesses. On comprend que, comme l’estime           découverte humaine, si précieux à l’écriture.
Pierre-André dans Nous étions jeunes                                                                                     Réjeanne Larouche
encore, « [l]’enfant qu’il avait été, l’homme
qui en était résulté, [on] aurait pu en trou-
ver la trace dans les romans plus ou moins         François Moreau
autobiographiques qu’il avait publiés ».           LA BOHÈME
   Les lecteurs assidus de Gilles                  Triptyque, Montréal, 2009, 189 p. ; 19 $
Archambault retrouveront avec plaisir dans
ce nouveau roman l’ambiance à laquelle ils
sont habitués. Quant à ceux qui n’ont pas
encore découvert cet écrivain québécois un      par le Marchand de feuilles. Mum, un court       tente. Désirée endure ce calvaire jusqu’au
peu méconnu, ils pourraient être agréa-         roman graphique, présente le récit d’une         jour où elle parvient à un âge lui permet-
blement surpris.                                enfance marquée par la possessivité exces-       tant de s’opposer à sa mère et de refuser le
                             Gaétan Bélanger    sive d’une mère. C’est le premier livre publié   statut auquel elle se voit contrainte depuis
                                                par l’auteure.                                   sa naissance. Pour remplacer le poupon
                                                     Mum vient de donner naissance à une         devenu trop récalcitrant, Mum adoptera un
Céline Guichard                                 petite fille. Elle la nomme Désirée. Comme       chien. Désirée, elle, prendra la clé des champs
MUM                                             s’il s’agissait d’une poupée, de façon mala-     par le rêve et l’imagination.
Marchand de feuilles, Montréal, 2009,           dive, elle retire une satisfaction un peu mal-       En quatrième de couverture, cette his-
113 p. ; 19,95 $                                saine à la dorloter. Elle éprouve un plaisir     toire à la fois simple et exubérante est
                                                maniaque à la coiffer et à la peigner, elle      décrite comme un « conte cruel imprégné
Céline Guichard est française et vit à Angou-   se montre complètement obsédée par la            de beauté ». En fait, l’intérêt premier de ce
lême, une petite ville renommée pour son        chevelure de l’enfant. Elle se donne énor-       livre se situe sans doute sur le plan pictural,
important festival de bandes dessinées.         mément de peine à lui prodiguer divers           car c’est avec maîtrise que Guichard pro-
L’auteure a derrière elle un parcours en art    soins capillaires. En quelque sorte, Désirée     pose un véritable choc visuel. Les couleurs
visuel et ses œuvres ont déjà illustré les      se présente telle une enfant-objet, victime      sont criardes et opèrent un effet chromatique
pages couvertures de deux ouvrages édités       de la démesure d’une génitrice omnipo-           parfaitement communicatif. De son côté, le

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commentaires fiction
 théâtre, roman, anthologie
                                                                                                    Dirk Wittenborn
                                                                                                    LE REMÈDE ET LE POISON
                                                                                                    Trad. de l’américain par Josée Kamoun
                                                                                                    Seuil, Paris, 2009, 418 p. ; 34,95 $

                                                                                                    Avec Le remède et le poison (Pharmakon
                                                                                                    en anglais), Dirk Wittenborn signe un
                                                                                                    cinquième roman qui tient à la fois du
                                                                                                    thriller, de la saga familiale, du récit
                                                                                                    autobiographique et qui décline sur
                                                                                                    plusieurs décennies les liens que les
                                                                                                    membres de la famille Friedrich vont
                                                                                                    développer avec les substances qui pro-
                                                                                                    mettent de réparer les blessures de l’âme.
                                                                                                        En 1951, quand débute le roman,
                                                                                                    William T. Friedrich est un jeune marié
                                                                                                    heureux, père de quatre enfants et un
dessin se montre tout aussi expressionniste.    jouent à l’autruche au lieu d’affronter leur        brillant spécialiste de la psychométrie.
Les personnages sont représentés laids et       réalité. Après la sortie de la mère du péni-        Enseignant à Yale, il est passionné par la
hideux, la mère est dessinée obèse et son       tencier, le dénouement de la pièce est sur-         chimie du cerveau et rêve de mettre au
visage est inharmonieux. L’enfant également     prenant, d’une humanité déchirante. Sa              point la pilule du bonheur. L’occasion lui en
n’a rien du joli chérubin. Les sentiments       jeune sœur et son (ex-)petit ami l’accueil-         est offerte quand une collègue, Bunny
tordus de Mum sont illustrés par des traits     lent, troublés, chacun possédant sa propre          Winton, l’informe de l’existence d’une
sinueux. À certaines pages, des serpents        vision du drame qui s’est joué il n’y a pas si      plante de Nouvelle-Zélande, le gai kau dong,
sortent littéralement de son corps. Pas de      longtemps, dans un petit appartement où le          censée posséder des vertus exceptionnelles
lignes gracieuses ici, mais plutôt des coups    berceau de l’enfant disparu trône encore.           pour redonner le bonheur aux esprits
de crayon nerveux et hachurés qui rendent           Tant pis, seconde œuvre de ce livre,            affligés. Ayant réussi à se procurer des
parfaitement compte d’un univers fictionnel     traite de la séparation d’un couple, et du          spécimens de cette plante miracle, ils
aux limites de la perversité.                   même coup de deux enfants. Encore une               décident tous les deux d’en mesurer les
                        Louis-Martin Savard     fois, deux réalités s’affrontent, deux par-         effets réels sur des cobayes humains.
                                                celles d’un tout, bien gardées dans l’esprit            Parmi les volontaires se trouve un jeune
                                                de chacun. La réunion familiale est doulou-         surdoué aux idées suicidaires, Caspar
Alain Beaulieu                                  reuse, voire impossible, entre cette mère et        Padrak. Après l’absorption de l’extrait de
TERRES AMÈRES                                   sa fille qu’elle a abandonnée très jeune, et        gai kau dong, Padrak voit sa vie trans-
TEXTES POUR LE THÉÂTRE                          entre son mari et le fils que la mère a eu          formée du tout au tout. Mais, alors qu’il est
Québec Amérique, Montréal, 2009,                peu après la séparation, et qui n’a jamais          au faîte d’une réussite sociale fulgurante, et
251 p. ; 24,95 $                                connu son père jusqu’à un drame dont il est         pour des raisons qui resteront inexpliquées
Alain Beaulieu, professeur et romancier,        l’auteur. La mère a vécu avec le fils, le père      jusqu’à la fin du roman, il tente de tuer
aborde cette fois-ci l’écriture dramatique,     avec la fille. Tant pis, c’est tant pis pour tous   William après avoir assassiné sa collègue
publiant deux pièces de théâtre dans son        les choix erronés, mais inévitables, et toutes      Bunny. La police lui mettra la main au collet
livre Terres amères. Ce titre rappelle la       les conséquences non assumées qui en                et l’enfermera dans un asile psychiatrique.
mère, celle qui berce son enfant, mais aussi    découlent.                                          Toutefois, au terme de l’aventure, la famille
la terre qui nous porte, avec toutes nos            Dans les deux œuvres, l’inéluctable che-        Friedrich aura perdu un de ses membres.
amertumes d’êtres humains.                      min de la vie se fait, la conscience reprend            La deuxième partie du roman s’ouvre au
    Materna, la première des deux pièces,       ses droits… On perçoit que chaque vérité            moment où Zach, le cadet des Friedrich,
met en scène quatre personnages qui nous        est toujours celle d’une perception. Dans           entreprend de raconter le parcours qui l’a
livrent des dialogues remplis de réalisme,      Materna, le doute plane sur la culpabilité          mené des ruisseaux de pêche de son
où la vérité est poignante. La difficulté       de la mère ; dans Tant pis, on interroge la         enfance à la cure de désintoxication de
d’accepter notre beauté tout comme notre        pertinence des secrets entretenus dans la           cocaïne de sa quarantaine. Né dans l’ombre
laideur d’hommes et de femmes ordinaires        volonté de protéger. À trop vouloir protéger,       d’un mort, il n’arrive pas à trouver ses mar-
en est un des thèmes. Dans ce drame fami-       il arrive que l’on blesse. La question est          ques dans le monde qui l’entoure malgré
lial de bébé secoué, pour lequel la mère de     lancée : sur quoi se fondent nos perceptions        ses succès d’écrivain. Mêlée à l’histoire de
l’enfant décédé est emprisonnée, à tort ou      d’un drame ? Une œuvre qui nous laisse              ses tâtonnements douloureux, la destinée
à raison, selon la lecture qu’on en fait, on    avec un regard aiguisé sur la société et sur        plus ou moins heureuse de ses frère et
trouve aussi toute la tragédie humaine de       les êtres humains qui la composent.                 sœurs nous est donnée par bribes. Le
ceux qui se sentent délaissés, et de ceux qui                                      Mélanie Rivet    roman se clôt sur l’image d’un père déçu,

                                                       N0 118 . NUIT BLANCHE . 20
sans être amer, qu’aucun de ses enfants            Fragments du monde (la suite)
n’ait atteint les objectifs auxquels il espérait
les voir arriver.

                                                   A
    En dépit d’emprunts trop voyants à John                près Mercredi soir au Bout du monde, Hélène Rioux
Irving dans la première partie, d’une                      convie de nouveau ses lecteurs à suivre ses personnages
intrigue qui peine à trouver son souffle                    dans son deuxième tome des Fragments du monde. Et
dans la seconde et malgré une tendance             encore une fois, ils seront séduits par l’habileté et la finesse de
parfois à forcer le trait, le remarquable          la toile que Rioux tisse d’un bout à l’autre des treize chapitres
talent de conteur de Dirk Wittenborn               d’Âmes en peine au paradis perdu.
rachète amplement ces faiblesses. Avec                 Cette fois-ci encore, tout commence au restaurant Au Bout
verve, ironie et causticité, Le remède et le       du monde, trois mois après la mort tragique de Doris qui clôt
poison parle des regrets et des tristesses de      Mercredi soir au Bout du monde. En ce 21 mars, le solstice du printemps ressemble
l’existence, sans s’engluer dans le lyrisme        plutôt à une morne journée hivernale, les employés et les habitués du petit
ou le pathos. C’est là la marque d’une             restaurant ont l’âme en peine, et Julie, la nouvelle serveuse, essaie à la fois d’enterrer
plume fine. Un plaisir de bout en bout.            la Jenny d’autrefois et d’oublier Stéphane. Certains attendent : Concha, des nouvelles
                                  Yvon Poulin      de Fédor ; Eva, son départ contesté pour la Floride ; François, une lettre de Stéphane,
                                                   qui ne viendra jamais. D’autres espèrent : Béatrice, qui se rend à un rendez-vous ;
                                                   Andy, entiché d’un beau Russe ; Ernesto Liri, en route vers sa ville natale. Tandis que
Sous la dir. de Bruno Roy                          Daphnée, la blonde aux yeux bridés, participe à une émission de téléréalité, son père
Illustré par Diane Dufresne                        et sa deuxième femme vivent en plein désarroi depuis la disparition de Fanny. Et
LES CENT PLUS BELLES CHANSONS                      Victoria, la célèbre critique culinaire, termine à Montréal son périple autour du
DU QUÉBEC                                          monde…
Fides, Montréal, 2009, 225 p. ; 49,95 $                En toile de fond de ce second fragment du monde, Hélène Rioux multiplie les
                                                   clins d’œil au grand écrivain italien Dante Alighieri et à son œuvre. Un Dante,
Ce livre de grand format contient les              toujours aussi vertueux dans cet autre monde où le voilà obligé de côtoyer Sade qui,
paroles – sans les partitions – de cent chan-      lui, l’est toujours aussi peu, d’ailleurs susceptible et mécontent d’apprendre que
sons québécoises ou traditionnelles                l’enquêteur d’une série policière télévisée porte le même prénom que lui !
choisies par Bruno Roy (1943-2010), auteur             Il n’est pas indispensable d’avoir lu Mercredi soir au Bout du monde pour
respecté et spécialiste de la musique d’ici        apprécier cette nouvelle publication de l’écrivaine et traductrice littéraire. On
depuis plus de trente ans (souvenons-nous          referme cependant Âmes en peine au paradis perdu avec non seulement le goût de le
de son excellent Panorama de la chanson            reprendre aussitôt pour repérer les traces du fil qui se dévide en reliant cet étonnant
au Québec, Leméac, 1977). On y recon-              univers romanesque mais aussi de lire ou de relire le premier roman-gigogne
naîtra en ordre chronologique les textes de        d’Hélène Rioux. Et, bien sûr, on attend les récits du solstice d’été de Fragments du
plusieurs de nos « classiques » : « Quand les      monde III…
hommes vivront d’amour » de Raymond                                                                                            Linda Amyot
Lévesque, « Sur l’perron », une chanson inter-
prétée par la jeune Dominique Michel, puis
« Frédéric » de Claude Léveillée, « Mon pays »     Hélène Rioux
de Gilles Vigneault, « La Manic » de Georges       FRAGMENTS DU MONDE II
Dor, « Lindberg » de Claude Péloquin,              ÂMES EN PEINE AU PARADIS PERDU
interprétée par Robert Charlebois, et              XYZ, Montréal, 2009, 278 p.; 25 $
plusieurs autres. Je me réjouis de trouver ici

                                                      N0 118 . NUIT BLANCHE . 21
commentaires fiction
 roman                                                                                             années, Johannes, un illustrateur à la pige,
                                                                                                   doit refaire un contrat. Son client lui a laissé
                                                                                                   le week-end pour illustrer la jalousie, tâche
                                                                                                   dont il n’arrive pas à s’acquitter. Sur un
                                                                                                   coup de tête, il prend le train pour Zurich et
                                                                                                   se rend dans le petit village suisse où vivent
                                                                                                   toujours ses parents qu’il n’a pas revus
                                                                                                   depuis son départ soudain à dix-huit ans.
                                                                                                   Au fil de ses déambulations sur les traces
                                                                                                   de sa jeunesse, Johannes se rappelle son
                                                                                                   grand-père qui parlait le romanche, ses
                                                                                                   camarades d’école dont Wullshleger avec
                                                                                                   qui les relations ont toujours été troubles et
                                                                                                   empreintes d’une certaine rivalité, son oncle
                                                                                                   Fons qui possédait une petite porcherie en
                                                                                                   haut de la montagne, et surtout sa cousine
                                                                                                   Adalina. Mais ses souvenirs réveillent aussi
                                                                                                   des sentiments de plus en plus lourds, tortu-
les textes de « Marie-Hélène » de Sylvain        thologies : à vouloir représenter équita-         rants qui trouveront leur dénouement sur
Lelièvre, de « Mes blues passent pus dans        blement toutes les époques et ne pas              cette montagne suisse où tout a commencé…
porte » de Pierre Huet pour Gerry Boulet,        accorder trop d’espace à certains paroliers           Scénographe, metteur en scène, drama-
mais aussi d’indéniables succès de la            pourtant plus grands que nature, on a mis         turge, scénariste et écrivain, Silvio Huonder
radio, comme « Quelle belle vie », unique        ici sur le même pied des artistes émergents       vit à Berlin. Né à Chur en Suisse, il dirige
chanson à succès de Gilles Rivard (disparu       (regroupés dans les 30 dernières pages) et        également un atelier d’écriture à l’Univer-
prématurément), ou encore « Aimes-tu la          des pionniers d’envergure internationale,         sité de Berne. Paru à l’origine en 1997 et
vie comme moi ? » de Boule Noire. Les trans-     comme les Félix Leclerc, Gilles Vigneault,        réédité en 2009 en Allemagne, Adalina,
criptions sont intégrales : « Ça boé de la ro-   Robert Charlebois, Jean-Pierre Ferland et         premier roman de Huonder traduit en
bine pis ça r’garde les vitrines » (dans « Les   Michel Rivard, qui sont restés inégalés.          français, démontre une maîtrise remar-
pauvres » de Plume Latraverse).                  Pour ma part, j’aurais certainement doublé        quable. Au fur et à mesure que le lecteur
    On peut comprendre que c’est la qualité      la présence de ces derniers, quitte à restrein-   suit Johannes Maculin dans le dédale des
des textes, plus que la musique, l’inter-        dre celle accordée à la nouvelle génération.      ruelles de la petite ville suisse au cœur des
prétation ou le succès d’une pièce qui ont                                       Yves Laberge      montagnes, il sent monter une tension de
servi de critères dans le choix opéré. Ainsi,                                                      plus en plus prégnante qui oscille sans
l’auteur a retenu « La Gaspésienne pure                                                            cesse entre les événements dramatiques du
laine » de La Bolduc, et non sa célèbre          Silvio Huonder                                    passé et un immédiat qui dérape. De façon
turlutte « J’ai un bouton su’l bout d’la         ADALINA                                           très habile, l’auteur effectue de constants
langue ». Toutefois, la sélection devient        Trad. de l’allemand par Dina Regnier              allers et retours entre passé et présent jusqu’à
discutable après 1965 ; j’aurais certai-         Sikiric’ et Nathalie Eberhardt                    la scène finale, douloureuse, qui boucle le
nement inclus « Gens du pays » de Gilles         La dernière goutte, Strasbourg, 2009,             parcours de son personnage.
Vigneault, « Qu’est-ce que ça peut ben faire »   285 p. ; 35,95 $                                      L’écriture de Silvio Huonder, moderne et
de Jean-Pierre Ferland et « Si Dieu existe »                                                       vive, est bien rendue par la traduction avec,
de Claude Dubois. La musique pop des             Nouvellement diffusée au Québec par Édi-          pour seul bémol, ces étonnantes coupures
années 1960 reste un peu négligée ; pour-        presse, La dernière goutte « aime le verbe,       dans le rythme des monologues ou des
quoi ne pas reconsidérer « Blue jeans sur la     les mots, ce qui claque, ce qui fuse, ce qui      dialogues indirects (par exemple : « Dans
plage » de Claude Domingue et Louise             gifle et qui griffe et qui mord » et se spécia-   le ciel il y a, dit Fausch, des trous noirs » ;
Rousseau pour les Hou-Lops ? Une chanson         lise dans la défense de « textes aux univers      « Quels dieux, dit-il, sur la montagne » ;
si inoubliable que l’on croirait presque qu’il   forts, grotesques, bizarres ou sombres », pour    « Je reviens, dit Maculin, plus tard » ; « J’me,
s’agit d’une traduction d’un succès              reprendre les termes de la page d’accueil de      dit-il, sens mal »). Effets stylistiques que
américain. Et on ne trouve rien ici de Lynda     son site. Si les neuf autres titres publiés par   les traductrices ont respectés ou héritage de
Lemay... Pourquoi cet oubli ? Bruno Roy          la petite maison d’édition strasbourgeoise        la structure de la langue allemande peut-
nous invite par ailleurs à découvrir quel-       sont aussi intéressants qu’Adalina de Silvio      être ? On ne sait trop, mais la lecture en
ques belles chansons méconnues, comme            Huonder, ça promet.                               est quelquefois désarçonnante. Il s’agit là
« Les enfants d’un siècle fou » de Francine          Ni grotesque ni bizarre cependant,            cependant d’un très minime bémol pour
Hamelin et Marie-Claire Séguin.                  Adalina raconte une histoire d’amour et de        un roman d’une grande force dont les
    Je crois que le principal problème de ce     culpabilité. Celle que porte le narrateur,        images, saisissantes, nous happent et nous
florilège réside dans l’exigence d’équilibre     Johannes Maculin, depuis près de vingt            poursuivent.
qui demeure implicite dans ce genre d’an-        ans. Installé à Berlin depuis de nombreuses                                         Linda Amyot

                                                        N0 118 . NUIT BLANCHE . 22
Un cinquième recueil
Yannick Haenel
JAN KARSKI

                                                   L
Gallimard, Paris, 2009, 188 p. ; 31,50 $                 e cinquième recueil de Sylvie Massicotte réunit des
                                                         nouvelles où partir rime avec rupture, vieillissement,
Dans Jan Karski,Yannick Haenel rappelle la               mortalité et deuil. Il ne s’agit pas ici de la frénésie qui
mémoire de Jan Kozielewski, passé à                accompagne le départ pour un voyage, mais plutôt de la
l’histoire sous son nom de résistant et qui,       douleur de voir les autres vieillir puis partir, ou encore du
pendant la Seconde Guerre mondiale, servit         constat que certains désirs puissent disparaître dans un univers
d’agent de liaison entre la Résistance et le       qui se fissure entre les êtres. À partir de là, que reste-t-il ?
gouvernement polonais en exil. Dans son                Si, comme l’écrit l’auteure dans l’étonnante nouvelle « Le vrai du faux », « [p]artir
livre, Haenel s’intéresse surtout à ses efforts    est un mot si court… Un mot plein. Une valise éclatée sur un tapis roulant
pour mettre fin à l’extermination des Juifs        d’aéroport », il ne semble pas étonnant que les personnages tentent d’échapper à des
en Pologne.                                        ruptures qui les déchirent. À travers les non-dits qui portent une charge émotive, que
    Son ouvrage, un hybride entre compte-          ce soit des malaises, des souhaits ou des regrets, les personnages cherchent à éviter
rendu et fiction, se divise en trois parties.      une situation dans laquelle ils seront bientôt projetés, à fuir un ailleurs ou un futur
La première résume l’entretien que                 dans lequel ils ne se trouvent pas encore. Partir de là et non d’ici. Pensons par
Kozielewski/Karski a accordé à Claude              exemple à la fille, dans la première nouvelle du recueil, « Puisque c’est comme ça »,
Lanzmann pour son film Shoah dans lequel           qui constate, une fois son père décédé, que sa mère vieillit et qui paraît porter le
il raconte sa visite clandestine du ghetto de      deuil de sa famille au complet, ou encore à cette autre femme, dans la dernière
Varsovie en 1942. La seconde relate ses            nouvelle, « La petite pièce », qui raconte au psychologue son expérience au salon
activités de résistant, ses emprisonnements,       funéraire devant sa mère inerte, voyant celle-ci pour la dernière fois ; un recueil qui
ses évasions, sa torture par la Gestapo, sa        du début à la fin plonge dans le deuil.
fuite à Londres et ses efforts pour faire              Pour tenter de donner sens à leur vie, et aussi pour ne pas basculer dans la folie,
connaître au monde libre le sort qui était         la passion ou la déraison, certains personnages choisiront de se rattacher aux petits
réservé au peuple juif.                            objets, comme la boîte de cigares, dans « Là-haut », qui rappelle au protagoniste
    Dans la troisième partie, Haenel recourt       quelques souvenirs d’enfance. D’autres, au contraire, largueront les amarres comme
à ce qu’il appelle « l’histoire intuitive » pour   cette femme qui laisse tout pour partir avec un ancien amant de voyage dans
nous plonger dans la conscience de Karski.         « Roberto », récit dans lequel on appréciera l’apparition surprenante du destinataire
Le discours qu’il lui prête sur la culpabilité,    à la toute fin, donnant sens aux guillemets qui encadrent la nouvelle.
individuelle et collective, sur le poids et la         Bref, ces vingt courtes nouvelles, livrées dans une écriture fidèle à celle que l’on
nécessité du silence, sur l’omniprésence du        connaît de Massicotte, mettent en scène une fois encore de petits moments réels et
mal et le sens de la foi ou sur les malheurs       simples, où les êtres sont bouleversés par la fragilité de l’instant et l’aspect fugitif de
d’une Pologne toujours perdante est bril-          l’existence.
lant, pénétrant et, sans doute, fonda-                                                                                     Nicolas Davignon
mentalement juste. Alors pourquoi cette
impression que tout cela sonne faux ?
    Peut-être parce que l’homme d’action           Sylvie Massicotte
des deux premiers chapitres s’accorde mal          PARTIR DE LÀ
avec les méditations rétrospectives imagi-         L’instant même,Québec,2009,77 p.;14$
nées par Haenel. En outre, la relation cari-
caturale de la rencontre de Karski avec

                                                      N0 118 . NUIT BLANCHE . 23
commentaires fiction
 roman, biographie romancée                                                                       que ses chroniques s’étaient retrouvées
                                                                                                  dans ce curieux cercle littéraire, elle veut en
                                                                                                  apprendre plus sur ces gens et sur la
                                                                                                  manière dont ils ont vécu les années de
                                                                                                  guerre. Il se dégage de ces échanges
                                                                                                  épistolaires un attachant portrait de l’en-
                                                                                                  traide humaine en période de crise. N’était
                                                                                                  de l’humour, qui sauve ici la mise, l’étalage
                                                                                                  de bons sentiments porterait sans doute
                                                                                                  ombrage à l’éloge de la lecture qui se
                                                                                                  dégage de ce roman.
                                                                                                                           Jean-Paul Beaumier

                                                                                                  Anne Wiazemsky
                                                                                                  MON ENFANT DE BERLIN
                                                                                                  Gallimard, Paris, 2009, 247 p. ; 32,95 $
Roosevelt, son dialogue imaginaire avec le       principal, Miss Juliet Ashton, son éditeur, la
tableau de Rembrandt, Le cavalier polonais,      sœur de ce dernier et les habitants de l’île     Dans cette biographie romancée, Anne
censé représenter l’âme de la Pologne, les       qui forment ce curieux cercle littéraire qui a   Wiazemsky raconte les amours de ses
références ponctuelles à Schoenberg ou à         vu le jour de manière pour le moins spon-        parents, Claire Mauriac et Yvan, prince
Kafka paraissent relever davantage de la         tanée, voire loufoque, afin d’échapper à un      Wiazemsky, comte Levachov, surnommé
sensibilité de l’auteur plutôt que de celle de   interdit allemand au moment de l’occu-           Wia. Car l’auteure, petite-fille de François
son personnage.                                  pation de l’île. L’occupant avait alors banni    Mauriac, est bien… cette enfant de Berlin.
   L’histoire de Jan Kozielewski valait mille    tout rassemblement après certaines heures            Berlin, 1945. Claire est ambulancière de
fois d’être racontée et le livre de Haenel       sous peine de sanctions sévères. Les insu-       campagne à la Croix-Rouge française, par
mérite d’être lu pour l’élégance de sa           laires, comme tant d’autres sur le continent,    devoir et par goût de l’aventure. Un peu
plume, l’acuité de son regard et pour ce         étaient soumis à un rationnement strict,         aussi pour fuir sa famille bourgeoise, son
qu’il dit de la souffrance oubliée de la         notamment en ce qui concernait la con-           illustre père, sa mère conformiste, ses frères
Pologne. Mais, pour rencontrer le vrai Jan       sommation de viande. De telles situations        et sœur omniprésents. La benjamine
Karski, il faudra sans doute lire le récit que   sont toujours source d’inventivité, de sur-      étouffe dans ce milieu si conventionnel.
lui-même fit de sa vie de résistant dans         croît lorsqu’il est question de survie.          « Un peu intimidée, Claire s’installe dans le
Mon témoignage devant le monde, Histoire         L’immolation secrète d’un cochon, dont on        fauteuil réservé aux visiteurs. Son père
d’un État secret, paru chez Point de mire en     aura su soustraire l’animal au recensement       l’observe en silence, avec un léger sourire
2004.                                            animalier auquel les forces d’occupation se      énigmatique. »
                                 Yvon Poulin     prêtaient, sera ici le déclencheur de réu-           Des tâches dures attendent pourtant la
                                                 nions dont le motif premier avait permis         jeune Mauriac, mais elle y fait face. Dans les
                                                 d’échapper aux sanctions, mais qui peu à         fours crématoires, elle ramasse les cendres
Mary Ann Shaffer et Annie Barrows                peu épouse sa véritable raison d’être : les      de ses compatriotes assassinés. Elle tra-
LE CERCLE LITTÉRAIRE                             insulaires, après s’être repus, découvrent       vaille à libérer les « malgré-nous » détenus
DES AMATEURS D’ÉPLUCHURES                        qui Les lettres de Sénèque traduites du          par les Soviétiques. Elle est généreuse avec
DE PATATES                                       latin, qui la biographie d’un dénommé            l’ennemi défait. « Le jour où je suis allée
Trad. de l’américain par Aline Azoulay-          Charles Lamb, poète et essayiste anglais         chercher les corps des fusillés, je n’osais pas
Pacvon                                           d’origine galloise du XIX e siècle, qui          y aller tant j’avais peur d’en connaître un. »
Nil, Paris, 2009, 391 p. ; 29,95 $               l’Anthologie Oxford de la poésie moderne,            Un côté léger aussi, d’enfant gâtée,
                                                 1892-1935, dont la sélection de poèmes a         étonnant à cette époque difficile de l’après-
Les éditions Nil occupent un créneau             été laissée aux soins d’un certain Yeats,        guerre. « Où trouver du vernis à ongle, un
populaire dont les livres font recette. L’un     précisera l’heureux élu qui aura à rendre        matériel de manucure ? » Pourtant, elle voit
des derniers titres parus, Le Cercle             compte de sa lecture aux autres membres          bien que « [l]’Allemagne est un pays ruiné
littéraire des amateurs d’épluchures de          du cercle.                                       où tout manque : la nourriture, les loge-
patates, ne fait pas exception à la règle. Le        Au fil des lettres qu’échangent les          ments, les vêtements ».
roman emprunte la forme épistolaire et           insulaires avec Juliet Ashton, prend forme le        Comme dans un roman un peu fleur
relate la vie d’une petite communauté            véritable motif romanesque. Cette dernière,      bleue, l’amour triomphe. Après avoir connu
anglo-normande habitant l’île de Guer-           après avoir produit des billets humo-            de nombreuses difficultés, Claire et Yvan
nesey durant l’année ayant suivi la fin de la    ristiques pour un quotidien londonien            se marient, sous la recommandation de
Deuxième Guerre mondiale à travers               durant la guerre, est à la recherche d’un        Troyat, « un ex-Russe comme Wia, exilé
l’échange de lettres entre le personnage         sujet pour son prochain livre. Ayant appris      comme Wia, naturalisé Français, toujours

                                                        N0 118 . NUIT BLANCHE . 24
comme Wia ». Ils ont deux enfants, Anne,            Au nord de l’imaginaire
cette enfant de Berlin née en 1947, et Pierre
dit Wiaz, le dessinateur né à Rome en 1949.

                                                     L
    Fiction et témoignage, le récit biogra-                e Nord est un lieu de défi, de recommencement, où chacun
phique est riche du patrimoine épistolaire                 fait face à ses limites et à sa solitude. Dans ces lieux
familial, telles les lettres de Claire à ses               austères, perdus, hostiles, il est vital de puiser dans ses
parents – « Chère adorable petite maman » –          ressources pour affronter l’adversité qui ne manquera pas
ou d’Yvan à ses imposants beaux-parents.             d’advenir. Il n’est guère étonnant que ce lieu vaste et imprécis,
Mon enfant de Berlin a été sélectionné               contrôlé que de biais par la civilisation technicienne, soit
pour le Renaudot 2009.                               devenu pour les écrivains un espace imaginaire à investir, un
                            Michèle Bernard          univers fertile pour camper des intrigues qui y acquièrent une densité, une
                                                     universalité du seul fait de placer des individus face aux éléments et à la présence
                                                     pas toujours rassurante de leur semblable.
Monique LaRue                                            C’est ce qu’a fait Trevor Ferguson dans son roman Train d’enfer, que les éditions
L’ŒIL DE MARQUISE                                    de la Pleine lune rééditent avec la sortie de son adaptation cinématographique.
Boréal, Montréal, 2009, 381 p. ; 28,50 $             Martin Bishop est un adolescent orphelin qui s’engage sur un chantier voué à
                                                     l’édification du chemin de fer du Grand Lac des Esclaves. Le jeune est responsable du
Monique LaRue a du cran. Après avoir                 livre de comptabilité, ce qui le met rapidement en conflit avec son supérieur
traité de l’enseignement au cégep – en               autoritaire qui gère les fonds à son propre profit. Histoire à propos de l’éthique dans
particulier celui de la littérature – dans La        des situations extrêmes, où la dignité humaine est mise à mal par la soif d’argent et
gloire de Cassiodore qui lui a d’ailleurs valu       de pouvoir, le roman est marqué par des urgences en opposition. D’abord celle de la
le prix du Gouverneur général 2002, la voilà         compagnie, qui impose une cadence infernale aux ouvriers exténués, puis celle de
qui traduit sous forme romanesque avec               Martin, happé par la frénésie de se faire une place dans ce monde hostile et d’y
son tout récent titre, L’œil de Marquise,            acquérir un statut, celle enfin d’un récit écrit d’un seul souffle, qui ponctue le temps
la très complexe problématique de notre              en accéléré, mais pas ses phrases. Chaque énoncé coule sans virgules, créant un
identité nationale et son cortège de                 torrent narratif où les coupures et les hésitations ne sont pas les bienvenues. Ce train
questions connexes.                                  d’enfer imposé à tous, lecteur compris, entraîne le drame : Martin est exclu du
    De l’attentat à la bombe dans l’édifice          chantier, il doit vivre tel un vagabond dans la forêt menaçante avec les autres
abritant les bureaux de l’Impôt fédéral à            destitués. Cette société de marginaux, Martin, par sa vivacité d’esprit, doit la mettre
Montréal en 1966 (dans la réalité, celui de          à sa main et l’orienter vers sa liberté et la justice. Le défi du Nord est alors grandiose,
la Bourse de Montréal) au projet annulé de           mais relevé par la droiture de Martin, malgré les souillures qu’il doit se résigner à
reconstitution de la bataille des plaines            commettre pour maintenir ses idéaux.
d’Abraham en 2009 en passant par les deux                Le roman de Ferguson additionne les aventures, les discours apocalyptiques, les
référendums, le commentaire de Jacques               descriptions lyriques du paysage afin de baliser la vieille confrontation entre l’idéa-
Parizeau sur l’argent et le vote ethnique, le        lisme et le pragmatisme. Les outrances, les facilités, les péripéties rocambolesques
code de Hérouxville destiné aux immi-                sont fréquentes, mais le talent (capacité à camper les personnages, bon dosage entre
grants et la Commission Bouchard-Taylor              action et description, dialogues savoureux, ambiguïtés bien placées) de conteur de
sur les accommodements raisonnables,                 Ferguson distille une joie de narrer qui lisse néanmoins ces aspérités.
Marquise observe la multitude de change-                                                                                          Michel Nareau
ments qui ont façonné le tissu social
québécois malgré ou en raison des polé-
miques, frustrations, remises en question,           Trevor Ferguson
désillusions, prises de position extrémistes         TRAIN D’ENFER
et valses-hésitations de toutes sortes.              Trad. de l’anglais par Ivan Steenhout
Taisant ses propres idées, Marquise raconte,         Pleine lune, Lachine, 2009, 303 p. ; 24,95 $
commente et tente de cerner les irrémé-
diables dissensions entre ses deux frères
tout aussi opposés par leurs opinions
politiques que par leur personnalité res-         les liens noués avec une foule de person-         athée ; Carmen, une jeune femme d’origine
pective : l’aîné, Louis, sûr de lui et volon-     nages au fil des décennies : Osler, voisin        mexicaine nostalgique de son pays natal
taire, un indépendantiste convaincu et            et ami de la famille Cardinal, pour qui           qui aura un fils de sa brève liaison avec
parfois buté qui a flirté avec le terrorisme      l’« oppression » dont souffrent les               Doris et deviendra plus tard la compagne
dans sa jeunesse, et le cadet Doris, solitaire,   Flamands en Belgique est similaire à celle        de Louis ; Noriko, amie d’origine japonaise
ombrageux et silencieux, obnubilé par le          des Canadiens français ; Virginia, première       de Doris qui deviendra le parrain de son
racisme et indifférent aux revendications         épouse de Louis, une artiste photographe          fils ; et surtout Jimmy Graham dont le père
des nationalistes. L’un comme l’autre seront      anglophone de Westmount ; Salomon, le             concierge a trouvé la mort dans l’attentat
cependant profondément transformés par            mari de Marquise, issu d’une famille juive        aux bureaux de l’Impôt fédéral…

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commentaires fiction
  roman                                                                                             qui feront plus tard de la jeunesse le plus
                                                                                                    insoutenable des deuils à porter. La force
                                                                                                    première de Besson – et pas seulement
                                                                                                    dans ce livre-ci –, c’est de toujours parvenir
                                                                                                    à maintenir à portée de main, à flanc de
                                                                                                    caresse, cette étrange et secrète profondeur
                                                                                                    de toute amitié : le désir. Car il n’y a pas
                                                                                                    d’amitié véritable, pas d’intimité sans un
                                                                                                    immense et insatiable attrait pour le corps
                                                                                                    de l’autre, et ce, quel que soit son sexe. En
                                                                                                    effet, ce que nous aimons chez les êtres que
                                                                                                    nous aimons, n’est-ce pas d’abord leur
                                                                                                    corps qui nous le donne à aimer ? Un fron-
                                                                                                    cement de sourcils dans la lumière trop
                                                                                                    crue, une veine saillante sur l’avant-bras,
                                                                                                    un certain drame dans le regard, une douce
                                                                                                    retenue dans la voix ?
    Avec une plume vigoureuse, Monique                                                                  Or, en embrassant ces rencontres impor-
LaRue propose un roman très dense et              Philippe Besson                                   tantes, marquantes, c’est la vie que nous
rapide, aux ramifications qui frôlent parfois     LA TRAHISON DE THOMAS SPENCER                     embrassons, la vie dans ce qu’elle a de plus
l’excès – l’épisode au Japon, le lien filial      Julliard, Paris, 2009, 265 p. ; 29,95 $           inattendu, de plus surprenant, de plus sai-
entre Marco Tremblay et Jimmy Graham et                                                             sissant. C’est la vie entière, celle-là même
le destin de Salomon scellé par un jeune          Il existe peu d’écritures aussi sensibles et      qui aura tôt fait de se charger de nous pousser
Amérindien – où le récit, voyageant entre         déchirantes, aussi charnelles que celle du        vers d’autres rencontres. Et c’est là que se
présent et passé, traite avec audace d’un sujet   romancier Philippe Besson. Après le trou-         jouera le drame de Thomas Spencer : aimer
infiniment sensible à travers de nombreux         blant Un homme accidentel, il nous pro-           Claire MacMullen. L’aimer au risque d’ané-
personnages. Trop peut-être ? En effet, les       pose maintenant La trahison de Thomas             antir son meilleur ami. Que choisir entre
Louis, Doris, Virginia, Jimmy, Carmen et          Spencer. Cette fois encore, Besson nous met       honorer les serments passés et céder aux
autres arrivent mal à vraiment nous tou-          en présence des désordres du désir et nous        promesses d’avenir ? Refuser la passion
cher. Tout se passe comme si la complexité        force à explorer les limites qu’un homme          amoureuse par fidélité amicale, est-ce alors
de leurs motivations et de leur personnalité      peut être conduit, par amour, par passion, à      trahir le mouvement même de la vie, la raison
s’évanouissait sous le poids de la théma-         transgresser.                                     même de la chair ? Une chose est certaine :
tique ; ils apparaissent ainsi comme des              L’histoire est celle de l’amitié qui unit     quelqu’un perdra, quelqu’un souffrira à
figures archétypales symbolisant les diver-       Paul Bruder et le narrateur Thomas Spencer.       mort, quelqu’un s’en voudra à mort. Et, pire
ses positions qui s’affrontent au sein de la      Amis d’enfance pour la vie, tendres com-          que des blessures, les traces de toute cette
société québécoise sur cette vaste question       plices d’adolescence, ils sont à bien des         histoire seront de véritables trous, d’atroces
de l’identité nationale. Néanmoins, L’œil de      égards tout l’un pour l’autre : l’épaule où       vides, de terribles béances où sombrer sans
Marquise mérite amplement lecture ne              pleurer, la main à retenir, les lèvres auxquel-   merci.
serait-ce que pour cette audace et les ques-      les se pendre. Ensemble, ils partagent le             Le roman de Besson, sous un récit tout
tions qu’il véhicule auxquelles personne ne       désœuvrement des jours d’été, l’appel des         simple, cache de grandes hantises : ne
peut rester indifférent.                          grands espaces à découvrir, les inoubliables      sommes-nous pas tous, chacun d’entre nous,
                                 Linda Amyot      frissons de toutes ces grandes premières          du seul fait d’appartenir au vivant, donc au

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mouvant, voués à trahir ? Ne sommes-nous             du haschisch, en fabriquant un avion ou en         ressent depuis sa séparation. La crise de la
pas tous à la fois et le pire et le meilleur, l’un   rassemblant leurs économies pour rendre            cinquantaine. Pourquoi pas un congé d’un
et l’autre de surcroît impossibles à dépar-          visite aux « Polonaises » (des prostituées).       an ? Pourquoi pas à Villerey où elle loue la
tager ? Lequel d’entre nous peut affirmer                Chez Mingarelli, ni les phrases ni les         maison qui abritait le Café Villerey.
n’être pas fait de mille bévues et de mille          émotions ne sont compliquées. Son écri-                Parallèlement, l’instituteur à la retraite,
ratés, de mauvaises décisions et de choix dou-       ture, désarmante de simplicité, n’en parvient      Léandre Arcand, observe minutieusement les
teux, de bonheurs massacrés et de désastres          pas moins, à force de traits sobres, d’ellipses    quelques mouvements qui animent son vil-
encore lancinants ? Et surtout lequel peut           et de non-dits, à soulever une vaste émo-          lage. L’arrivée de l’étrangère suscite de nom-
dire si l’on se remet un jour d’avoir déçu ?         tion en son lecteur. On verra le petit Sachs       breux remous, ce qu’il s’empresse de noter.
                              Alexandre Lizotte      faire trois rêves et trois cauchemars, et son          Fragile dans ce qu’elle est, Florence a
                                                     père tenter de le consoler avec du melon           toujours obéi à ce que les autres décidaient
                                                     d’eau ; Fedia faire traverser la rivière à un      pour elle et son installation à Villerey ne
Hubert Mingarelli                                    mystérieux vieillard ou boire du café dans         change pas cette attitude. Installée dans un
LA PROMESSE                                          un thermos. Êtres et événements ont des            café fermé, elle succombe à la pression de le
Seuil, Paris, 2009, 138 p. ; 24,95 $                 contours peu finis ; on n’en sait pas plus         rouvrir, devenant ainsi restauratrice malgré
                                                     que ce qu’il y a à en savoir. Tout le charme de    elle, ce qui lui permet de découvrir les
Hubert Mingarelli est l’auteur d’une œuvre           Mingarelli vient de cette expressive réserve.      habitants dont certains lui apportent une
discrète mais estimée, comptant à ce jour                                           Patrick Bergeron    façon plus simple et plus saine de voir le
quinze romans, dont un prix Médicis                                                                     monde et de se voir. Étape transitoire vers
(Quatre soldats, 2003) et cinq titres parus                                                             une plus grande autonomie : à la fin de
dans des collections dédiées à la jeunesse.          Michèle Matteau                                    l’été, elle ferme le restaurant, et quand vient
D’inspiration autobiographique, La pro-              DU CHAOS POUR UNE ÉTOILE                           le temps de retourner à son travail, elle sait
messe promène un regard ému sur l’amitié             L’Interligne, Ottawa, 2009,                        qu’elle n’aura plus à se prouver, ni à plaire à
masculine et la relation d’un père et son fils.      256 p. ; 19,95 $                                   tout prix, mais à tout simplement être ce
    Dans ce petit roman aux allures de longue                                                           qu’elle est. Et puis, peut-être y a-t-il un
nouvelle, deux récits s’entrecroisent. D’une         La vie passe-t-elle par Villery Station, ce        avenir entre elle et Léandre…
part, le narrateur décrit une journée dans la        petit village de 112 habitants de l’est de             Du chaos pour une étoile se construit
vie de Fedia. Contrairement à ses habitudes,         l’Ontario ? À en croire Florence, l’héroïne        autour de Florence et de Léandre dans une
Fedia est allé naviguer sans emmener son fils        du roman Du chaos pour une étoile de               alternance de chapitres aux tonalités diffé-
Sachs.Autre fait inhabituel, il est parti muni       Michèle Matteau (L’Interligne), on peut en         rentes. Écrits à la première personne, ceux
d’une petite boîte contenant des cendres et          déduire que oui. Du moins une certaine             de Florence évoquent un journal personnel,
réveillant le souvenir d’un lien brisé. Le récit     renaissance. Revenant de nuit de chez des          tandis que ceux de Léandre entremêlent
de cette journée est entrecoupé de retours en        amis chez qui elle a fêté ses 53 ans, contrainte   journal personnel et narration omnisciente.
arrière, jusqu’à l’époque où, longtemps aupa-        de prendre une déviation, elle se perd dans        Ce jeu de formes dynamise la lecture et per-
ravant, naissait l’amitié de Fedia et de Vassili.    l’épais brouillard et se retrouve, en panne        met de mieux saisir la façon dont les deux
Apprentis matelots dans une école de méca-           qui plus est, dans ce restant de village qu’elle   personnages font face à ce qu’ils vivent.
nique navale, les deux jeunes gens se sont           quitte au matin sans volonté d’y retourner.            Sans être une grande œuvre, ce roman,
promis de ne jamais se perdre. À l’école de              Mais cette recherchiste à Radio-Canada         habité d’un rythme vif et à la construction
la flotte, la vie n’était pas gaie, l’établisse-     Ottawa vit une crise existentielle née en          intéressante, est charmant par l’évocation
ment appliquant une structure militaire.             partie à cause de l’insatisfaction que lui         de la vie de ce village et sympathique par la
Les deux amis s’en évadaient en allant voir          procure son travail (une critique sévère, mais     façon dont sont mis en scène les personnages.
la lune se mirer sur la Baltique, en fumant          méritée de RC), et de la solitude qu’elle                                        David Lonergan

                                                            N0 118 . NUIT BLANCHE . 27
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