GALILEO : La nature stratégique du projet enfin assumée

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GALILEO : La nature stratégique du projet enfin assumée
GALILEO : La nature stratégique du projet enfin assumée

                  Extrait du Euros du Village
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                              GALILEO : La nature
                stratégique du projet enfin
                                                         assumée
                                                                      - Analyses - Analyse -

                                                                                      Date de mise en ligne : mercredi 19 dcembre 2007

Description :

Le 29 novembre dernier, les ministres européens des Transports se sont enfin mis daccord sur le financement et les modalités de réalisation de Galileo. Après
léchec du Partenariat Public-Privé en mai 2007, suite au refus des industriels dengager les fonds nécessaires, et laccumulation de quatre années de retard par
rapport au pan original, le projet Galileo semble remis sur les rails. Un financement intégral par le budget communautaire et la promesse de retombées
industrielles équilibrées pour les Etats membres ont été les ingrédients de ce sauvetage in extremis. Retour sur les enjeux et défis dun projet stratégique.
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GALILEO : La nature stratégique du projet enfin assumée

Le 29 novembre dernier, les ministres européens des Transports se sont enfin mis daccord
sur le financement et les modalités de réalisation de Galileo. Après léchec du Partenariat
Public-Privé en mai 2007, suite au refus des industriels dengager les fonds nécessaires, et
laccumulation de quatre années de retard par rapport au pan original, le projet Galileo
semble remis sur les rails. Un financement intégral par le budget communautaire et la
promesse de retombées industrielles équilibrées pour les Etats membres ont été les
ingrédients de ce sauvetage in extremis. Retour sur les enjeux et défis dun projet stratégique.

Un enjeu stratégique : réduire la dépendance
technologique vis-à-vis des Etats-Unis
Projet en développement, Galileo devrait aboutir à la mise en place dun système européen de positionnement et
radionavigation par satellite, mettant ainsi fin au monopole du GPS (Global Positionning System) américain. La
Russie dispose également dun système de navigation par satellite, Glonass, mais qui nest pas pleinement
opérationnel. Lenjeu est donc similaire à celui dAriane dans le domaine de laérospatial ou dAirbus dans celui de
laviation : acquérir une indépendance technologique et réduire les risques de chantage de la part des autorités
américaines (en cas de désaccord diplomatique ou militaire par exemple, les autorités américaines pourraient
bénéficier, avec laccès aux services GPS, dun moyen de pression puissant).

Les Etats-Unis étaient au départ hostile au projet Galileo, de la même manière quils létaient vis-à-vis dAriane dans
les années 1960-1970. Encore en 2001, ladministration américaine envoyait à Bruxelles une lettre critique,
soulignant lexistence et le bon fonctionnement du GPS. En 2002, suite au lancement du programme par le Conseil,
les Américains ont rapidement changé dattitude, cherchant, de façon pragmatique à éviter une guerre
technologique. Après un an de négociation, un accord signé le 28 décembre 2004 réconciliait les deux parties en
prévoyant linteropérabilité et la possible coopération entre les deux systèmes.
GALILEO : La nature stratégique du projet enfin assumée
Galileo comme lun des grands projets de la stratégie de Lisbonne, mettant en avant ses impacts attendus en
matière demploi et de part de marché des entreprises européennes.

Chronologie

    19 janvier 1994 : résolution du Conseil concernant la contribution européenne à la mise en place dun système
mondial de navigation par satellite.
    21 janvier 1998 : Communication de la Commission « Vers un réseau transeuropéen de positionnement et de
navigation comprenant un stratégie européenne pour un système mondial de navigation par satellite » COM (98)
0029.
    2000 : lancement du concept de Galileo par la Commission
    7 mars 2001 : le Conseil met en place un financement pour le projet Galileo.
    26 mars 2002 : le Conseil valide la phase de développement de Galileo.
    Mai 2003 : mise en place de lentreprise commune Galileo (GJU Galileo Joint Undertaking), sous la
responsabilité conjointe de la Commission européenne et de lESA (European Space Angency).
    10 décembre 2004 : le Conseil Transport autorise le déploiement opérationnel de Galileo
    12 juillet 2004 : création de lAutorité de Surveillance de Galileo (GSA Galileo Surveillance Authority), une
agence communautaire en charge de la gestion et du contrôle de lutilisation des fonds affectés au programme.
    28 décembre 2004 : accord USA-UE permettant linteropérabilité techniques des systèmes GPS et Galileo.
    27 juin 2005 : GJU accorde la concession au projet joint des 2 consortiums iNavSat et Eurely.
    décembre 2005 : le Conseil décide de la répartition géographique des installations de Galileo : le siège
administratif sera situé à Toulouse, le siège opérationnel à Londres, alors que Munich, Rome et Londres
hébergerons chacun un centre de contrôle et dévaluation.
    8 décembre 2006 : Livre Vert sur les applications de navigation par satellite COM (2006) 769.
    28 décembre 2005 : lacement du premier satellite Galileo.
    23 mars 2007 : le Conseil Transport fixe aux entreprises formant le consortium le 10 mai comme date butoir pour
arriver à un accord. Sans accord, le Conseil précise que le consortium perdrait la concession. Le Conseil donne
également mandat à la Commission pour mener une évaluation du projet et élaborer des pistes alternatives pour sa
mise en Suvre.
    16 mai 2007 : la Commission propose 6 scenarii pour le futur, allant du statut-quo à la prise en charge complète
par la puissance publique, et plaide en faveur dun financement public du lancement des 30 satellites et de leur
exploitation par le secteur privé.
    8 juin 2007 : le Conseil Transport reporte à Octobre 2007 la décision sur les modalités de financement de Galileo.
    6 septembre 2007 : La Commission retire son appel doffre à concession pour les phases de déploiement et
dopération de Galileo
    19 septembre 2007 : Publication dune Communication sur lavenir de Galileo et proposition de révision
budgétaire visant à réaffecter 2,4 millions deuros au programme Galileo
    23 novembre 2007 : le Conseil Budget adopte la décision de financement communautaire intégral de Galileo
    28-29 novembre 2007 : le Conseil Transport approuve le plan de financement et les modalités opérationnelles de
Galileo

Des bénéfices attendus pour une large gamme de
secteurs dactivité

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Daprès les publications officielles, Galileo devrait bénéficier à une large gamme de secteurs dactivité transports
routiers, maritimes et aériens, énergie, télécommunication, loisirs, agriculture, pêche, finance, travaux publics, etc.
Galileo utilisera la même technologie que le GPS, mais avec un degré de précision supérieur, une meilleure fiabilité
et une garantie de continuité du service. Ainsi, en permettant, à partir dun récepteur individuel, de connaître la
position, en principe au mettre près, dune personne ou celle dun objet (véhicule, bateau, troupeau de bétail, etc.), le
système devrait faciliter la recherche ditinéraire, le contrôle de vitesse, lutilisation de systèmes de guidage ou
encore le sauvetage de personnes en danger. Galileo pourrait aussi connaître des applications dans le secteur de
lassurance (pour la recherche de voitures volées ou le suivi certifié de marchandises), la prospection pétrolière,
lagriculture de précision ou encore la gestion du fret. La gamme des applications potentielles reste encore difficile a
déterminée ce qui explique le fort degré dincertitude au sujet des retombées industrielles et financières du projet.

Une architecture complexe pour un projet simple ?
Le programme Galileo est géré par GJU (Galileo Joint Undertaking), une entreprise commune à la Commission
européenne et à lESA (European Space Agency) une première dans lhistoire. La Commission agit sur mandat du
Conseil et apporte une contribution financière importante au projet par le biais du Programme Cadre pour la
Recherche et le Développement (PCRD) et des Réseaux Transeuropéens. LESA, agence intergouvernementale de
17 Etats membres, contribue financièrement et apporte son savoir-faire technique en matière de technologie
spatiale.

Les objectifs du programme ont été définis lors du Conseil Transport du 26 mars 2002. Galileo vise ainsi à assurer
quatre types de services :
   un service de base, ouvert et gratuit, correspondant à lutilisation grand public du GPS ;
   un service commercial, plus précis, accessible contre paiement dune redevance ;
   un service vital (Safety of Life) de très haute qualité, destiné aux applications mettant en jeu la vie humaine, telles
que la navigation aérienne et maritime ;
   un service de recherche et de sauvetage ;
   un service gouvernemental (PRS Public Regulated Service) pour les applications dans les domaines de la
protection civile et de la sécurité nationale.

Le programme comprend deux volets principaux : un volet spatial la mise en orbite de 30 satellites géostationnaires
 et un volet au sol la mise en place de centres de contrôle et de mission pour créer les messages de diffusion,
détecter les anomalies et améliorer en continue la performance du système. La qualité du système est un objectif clé
du programme, puisquil sagit de remédier aux lacunes du GPS telles que le manque de précision des signaux, la
couverture aléatoire des régions de hautes altitudes et les ruptures de signaux.

En décembre 2005, le Conseil Transport a décidé de la répartition géographique des installations Galileo : le siège
administratif sera situé à Toulouse, le siège opérationnel à Londres, alors que Munich, Rome et Londres
hébergerons chacun un centre de contrôle et dévaluation.

Sur le plan temporel, le projet suit un développement en trois phases :
   une phase de définition du système, qui prit fin avec la publication en 2002 du document définissant les missions
de Galileo (Galileo Mission High Level Definition Document) ;
   une phase de développement du système, consistant en la définition et la production des composants du système
(satellites, récepteurs et composants au sol) ;
   une phase de déploiement et de commercialisation, qui va du déploiement et de la gestion des satellites à la
commercialisation des services GPS.

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Une fois opérationnel, Galileo pourrait avoir des applications militaires intéressantes pour les armées nationales. La
possibilité dutiliser Galileo pour des applications militaires nest pas exclue, mais nest pas non plus explicitement
prévue en raison de la réticence de certains Etats membres.

Léchec du partenariat public-privé
Initialement, il était prévu de confier la définition et le développement du système à lentreprise commune GJU et de
déléguer son déploiement et son exploitation au secteur privé, par le biais dun contrat de concession. Le GJU a
ainsi publié en 2003 un appel doffre auquel ont répondu deux consortiums concurrents, iNavSat et Eurely. Après
des mois de tractations, la concession a finalement été confiée à une offre jointe des deux consortiums. Selon les
termes de la concession, la construction et le lancement du système devait être assurés par un partenariat
public-privé (PPP) réunissant lUnion européenne et huit industriels (le géant de laérospatiale EADS, les français
Thales et Alcatel-Lucent, le britannique Inmarsat, litalien Finmeccanica, les espagnols AENA et Hispasat et le duo
allemand Deutsche Telekom - Centre aérospatial allemand). Selon les termes du PPP initial, le développement et le
déploiement des infrastructures de Galileo, dont le coût est estimé à 3,4 Milliards deuros (pour un coût total de 10
Milliards deuros si lon inclut lexploitation du système), devait être financé à hauteur de un tiers (1 Milliard deuros)
par le budget communautaire et de deux tiers par les industriels formant le consortium.

Deux ans plus tard, léchec de cette configuration était patent. Alors que quatre ans de retards ont été accumulés par
rapport aux projections initiales, le consortium iNavSat-Eurely na pas encore établi le contrat répartissant entre ses
membres les charges dinvestissement. La principale raison de cet échec est liée aux incertitudes quant aux
retombées économiques du projet. Du fait de lexistence du GPS, déjà disponible gratuitement et assurant une
couverture quasi mondiale, la plus value économique du projet risque dêtre limitée. Un certain nombre dEtats
membres sont également intervenus dans le dossier pour exiger un juste retour (une part dinvestissement sur leur
territoire proportionnelle à la part de leur entreprise nationale dans le capital du consortium). LAllemagne, lItalie, le
Royaume-Uni et la France notamment nont eu cesse de se disputer les retombées du programme à chacune de ses
étapes.

Assumer le caractère stratégique du projet par un
financement public intégral du programme
Face au blocage des négociations le Conseil de lUnion décidait de poser un ultimatum aux industriels pour la
conclusion dun accord dici au 10 mai 2007, menaçant de leur retirer la concession en cas déchec. Lultimatum
nayant pas été respecté, la Commission fut chargée délaborer des scenarii alternatifs pour sortir de limpasse. La
préférence de la Commission allait clairement au financement public total du déploiement des opérations, afin
daboutir à un système opérationnel à lhorizon 2012. Lexploitation du système serait, dans une seconde phase,
confiée au secteur privée, sous le contrôle de lAutorité de Surveillance (GSA Galileo Surveillance Authority). Le
partenariat public-privé ninterviendrait donc que dans cette phase ultérieure.

Le 8 juin 2007, Jacques Barrot soutenait cette dernière option devant les Ministres des Transports, mais un accord
ne put être trouvé et la décision fut de nouveau reportée. Le désaccord portait non pas sur le principe dun
financement public mais sur sa source : alors que la Commission, le Parlement et la plupart des Etats membres
soutiennent un financement issu du budget communautaire, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et lAllemagne
souhaitaient passer par lESA, afin de bénéficier du principe de juste retour.

Le 19 octobre 2007, la Commission proposait de redéployer les fonds non utilisés de la PAC à lissue des années

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2007 et 2008 (et donc en principe perdus) vers la ligne budgétaire correspondant au programme de navigation par
satellite. Jusquà fin novembre, lAllemagne insistait encore sur un financement par le biais de lESA. Se retrouvant
isolé, le ministre allemand du budget sest rangé à la majorité lors du Conseil ECOFIN (réunion des ministres de
l'économie et des finances des 27 Etats membres de l'UE) du 23 novembre, actant ainsi le financement intégral du
déploiement de Galileo par le budget communautaire.
[JPG - 6,3 ko] Dalia Grybauskaité

Le succés de la négociation sur Galiléo est aussi celui de la Commissaire aux questions budgétaires qui a su
défendre la proposition de financement de la Commission européenne face à l'hostilité de certains Etats membres.

Pour adopter ce redéploiement des 2,4 milliards deuros nécessaire à la réalisation du programme, il a fallu réviser
les Perspectives financières (cadre pluriannuel de financement des actions de lUE) une première depuis 14 ans !
Le Parlement européen, autorité budgétaire au même titre que le Conseil, a joué un rôle crucial dans ce processus
grâce à son soutien à la proposition de départ de la Commission.

Le 28-29 novembre, le Conseil Transport était de nouveau le lieu dâpres négociations au sujet de Galileo. Pour
tenter daccélérer la prise de décision, le Commissaire Jacques Barrot déclarait quen labsence daccord avant la fin
de lannée, le projet serait tout bonnement abandonné. Un plan révisé fut finalement adopté afin de résoudre les
questions de financement, de gouvernance et de procédures dappel doffre industriel. Ce dernier point fut
particulièrement délicat car il sagissait de trouver un équilibre entre garanties de mise en concurrence et répartition
équitable des travaux de construction entre les Etats membres. Cette difficulté fut résolue grâce à la formule suivante
:
   division du programme en 6 segments (pour éviter le monopole dune entreprise) ;
   application de règles de « non-accumulation » (un groupe ne peut être contractant au principal que dans deux
segments au plus)
   obligation de sous-traitance (le contractant au principal doit sous-traiter près de 40% des opérations auprès
dautres entreprises).

Cette formule permit de répondre aux craintes de lAllemagne, mais pas de lever les objections de lEspagne. Les
Espagnols, qui demandaient à accueillir lun des centres de contrôle au sol du système sur leur territoire, ont du se
contenter dun centre de sûreté et furent les seuls sur 27 Etats membres à voter contre le plan révisé. La majorité
qualifiée étant de mise, le plan révisé a été adopté. Le domaine (réseaux transeuropéens) étant soumis à la
codécision, le Parlement a ici encore été un acteur clé de la décision finale. Désormais, le programme Galileo va
pouvoir réellement démarrer mais avec quatre ans de retard et seul un des 30 satellites déjà en orbite, Galileo
pourrait bien nêtre opérationnel quen 2014 au lieu de 2008 comme prévu initialement.

Au final, le passage au financement public aura soulevé la question de la nature même du programme Galileo.
Est-ce un projet de conquête de parts de marché auquel cas une prise en charge industrielle du projet est justifiée
ou est-ce un projet stratégique, et donc politique, pour lEurope auquel cas un financement public simpose, comme
pour bien dautres initiatives de la politique spatiale européenne, dAriane à la base de Kourou ? Avec la validation
du financement par le budget communautaire, le retour à la bonne vieille méthode des grands programmes démontre
que lEurope a résolu une ambiguïté handicapante et assume désormais pleinement le caractère stratégique du
projet.

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