HÉBERGEMENT D'URGENCE : APPROCHES NOUVELLES, PROJETS HYBRIDES - DES EXEMPLES DANS LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS
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SYNTHÈSE / ATELIER / POUR ALLER PLUS LOIN HÉBERGEMENT D’URGENCE : APPROCHES NOUVELLES, PROJETS HYBRIDES DES EXEMPLES DANS LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS FÉVRIER 2021 © Yes We Camp ATELIER PARISIEN D’URBANISME apur.org
Une étude sur les nouvelles approches liées à l’hébergement dans le Grand Paris L’étude « Hébergement d’urgence : ap- à des constructions modulaires. L’étude proches nouvelles, projets hybrides », présente ensuite différentes initiatives dont le présent document propose une citoyennes et solidaires à destination synthèse, examine de nouvelles dé- des personnes sans-abri ou en situation marches en lien avec l’hébergement de mal-logement. En expérimentant de d’urgence dans la Métropole du nouvelles formes d’hébergement et d’ac- Grand Paris. Ce travail s’inscrit dans compagnement des publics hébergés ou à la continuité de plusieurs travaux de la rue, l’ensemble de ces démarches réin- l’Apur, qu’ils concernent directement terroge les modalités et la place de l’hé- les dispositifs d’hébergement et de lo- bergement d’urgence dans la ville. gement adapté 1 ou, dans une perspec- tive plus large, les nouvelles manières Si l’étude est centrée sur la Métropole de « faire la ville » (La ville autrement 2, du Grand Paris, les projets qui y sont Équipements et services publics 2030 3). décrits connaissent un essor à l’échelle nationale (Coco Velten à Marseille, L’étude porte sur deux types d’initiatives, L’Autre Soie à Lyon, etc.). analysées à partir d’une revue documen- taire approfondie, d’entretiens et de vi- La présente synthèse revient en quatre sites de terrain. Neuf sites incluant une points sur les enseignements issus de offre d’hébergement d’urgence selon l’étude en y insérant de courtes pré- des approches nouvelles et hybrides sentations des lieux analysés, qui sont sont d’abord examinés. Ces derniers asso- décrits de façon plus approfondie dans cient le plus souvent un centre d’héberge- l’étude, et en y ajoutant les prises de ment à d’autres usages (locaux d’activité, parole d’acteurs de ces projets, réunis espaces de création, équipements ouverts lors d’un atelier le 14 janvier 2021. Une au public extérieur, etc.). Ils sont pour la dernière partie propose quatre pistes de plupart mis en œuvre dans le cadre d’opé- réflexion pour aller plus loin. rations intercalaires et recourent parfois L’hébergement dans le Grand Paris Fin janvier 2020, 3 601 personnes d’hébergement en Île-de-France au sans-abri et sans solution d’héberge- 31 décembre 2019 5. Plus de 60 % de 1 – Apur, Les dispositifs d’hébergement et de ment étaient dénombrées à Paris lors ces places sont localisées dans la Mé- logement adapté dans la Métropole du Grand Paris, mai 2018. de la troisième édition de la Nuit de la tropole du Grand Paris, avec environ 2 – Apur, La Ville Autrement : Initiatives citoyennes, Solidarité 4. À l’échelle du Grand Paris, 33 000 places d’hébergement pérenne urbanisme temporaire, innovations, innovations les estimations oscillent entre 6 000 et et 24 000 places en hôtel. Les opéra- publiques, plateformes numériques, juillet 2017. 3 – Apur, Équipements et services publics 2030, 9 000 personnes en situation de rue. tions mises en avant dans l’étude, qui mars 2020. demeurent circonscrites en nombre 4 – Apur, Les personnes en situation de rue à Paris, L’État, par l’intermédiaire de la Di- de places, doivent ainsi être replacées la nuit du 30-31 janvier 2020, novembre 2020. 5 – Hors nuitées hôtelières financées par rection régionale et interdéparte- dans ce contexte plus large d’une offre les départements au titre de l’aide sociale à mentale de l’hébergement et du loge- conséquente mais insuffisante au re- l’enfance (ASE), dans le cadre du dispositif ment (DRIHL), finance 94 650 places gard des besoins. hivernal et migrant. 2
HÉBERGEMENT D’URGENCE : APPROCHES NOUVELLES, PROJETS HYBRIDES – SYNTHÈSE – ATELIER LES PLACES D'HÉBERGEMENT PÉRENNE L’HÉBERGEMENT PÉRENNE NOMBRE DE PLACES L’HÉBERGEMENTS PÉRENNE Nombre de places (en CHU, CHRS, HUAS, CPH, CADA et HUDA) Plus de 500 De 250 à 500 De 100 à 250 De 50 à 100 Moins de 50 Aucune place Limite EPT Sources : socle de données hébergement et logement adapté, 0 3 km échelle redimention traitement DRIHL-SOEE - 31/12/2018, avec complément Apur 2020 par rapport au taux par ex ici : 47 % 0 2 km Nombre de places (*) (*) CHU, CHRS, HUAS, CADA, HUDA, CPH plus de 500 de 250 à 500 0 3 km échelle de la carte o de 100 à 250 de 50 à 100 moins de 50 Sources : socle de données hébergement et logement adapté, Total MGP = 25 103 traitement DRIHL-SOEE - 31/12/2018, avec complément Apur Total IDF = 39 858 ASE 2020 LES PLACES MOBILISÉES À L’HÔTEL (LA NUIT DE L’ENQUÊTE) L’HÉBERGEMENT EN HÔTEL NOMBRE DE PLACES L'HÉBERGEMENT EN HÔTEL Nombre de places mobilisées à l'hôtel Nuit du 30 au 31 décembre 2018 Plus de 500 De 250 à 500 De 100 à 250 De 50 à 100 Moins de 50 Aucune place Limite EPT Sources : socle de données hébergement et logement adapté, 0 3 km échelle redimention traitement DRIHL-SOEE - 31/12/2018, avec complément Apur 2020 par rapport au taux par ex ici : 47 % 0 2 km Nombre de places mobilisées (*) (*) la nuit de l’enquête, du 30 au 31 Décembre 2018 plus de 500 de 250 à 500 0 3 km échelle de la carte o de 100 à 250 de 50 à 100 ATELIER PARISIEN D’URBANISME moins de 50 Sources : socle de données hébergement et logement adapté, 3 Total MGP = 24 418 traitement DRIHL-SOEE - 31/12/2018, avec complément Apur Total IDF = 39 709 ASE 2020
Hébergement, 1. nouvelles approches En dépassant certaines contraintes ur- La majorité de ces projets ont aussi la banistiques et réglementaires ou en particularité de réunir au sein d’un « La Promesse de l’Aube, la PADAF à étant portées par des montages parte- même lieu différents usages et pu- Antony ou le Bastion de Bercy ne sont nariaux inédits, les approches mises blics. En faisant cohabiter un ou plu- pas dans la ville, bien que très proches de en exergue permettent de déployer de sieurs centres d’hébergement avec la ville. […] Comment on les met dans la nouvelles places d’hébergement, tout d’autres publics et activités, ils réin- ville ? C’est une vraie question pour nous. en expérimentant de nouvelles modali- terrogent les projets sociaux classiques Sinon, le site devient comme un village tés d’accompagnement des publics. et expérimentent de nouvelles formes qui s’enferme sur lui-même. » d’accompagnement pour les personnes J. Rosier, RATP Innovation foncière, solidaire hébergées. Ces sites constituent ainsi (ancienne directrice du Bastion de Bercy) et mixte des espaces de rencontre possible entre Les projets étudiés innovent tout d’abord des personnes qui ont peu l’habitude de dans le type de foncier mobilisé et les se croiser : résidents hébergés, associa- solutions architecturales déployées. tions, artistes, artisans, entreprises de La plupart sont intercalaires : en accé- l’ESS, riverains, etc. dant à des espaces vacants ou sous-utili- sés, bâtis ou non, ils s’installent dans les Les démarches décrites associent sou- interstices des opérations d’aménage- vent des acteurs issus de mondes ment et d’urbanisme. Ils peuvent prendre divers, aux ressources complémen- appui sur des solutions modulaires faci- taires et travaillant en synergie (ac- litant leur installation ou bien nécessiter teurs publics des collectivités et des des travaux plus ou moins conséquents services d’État, opérateurs et financeurs de sécurisation, d’adaptation et d’appro- du secteur de l’hébergement, industries priation des espaces disponibles. culturelles et créatives, structures de l’économie sociale et solidaire, etc.). Certains acteurs ont dans ce cadre noué des partenariats durables, comme le triptyque Plateau urbain – Yes We Camp – Aurore. Temporalité, localisation et visibilité Parmi les neuf sites analysés, huit ont été ouverts dans le cadre d’une occupation intercalaire, donc temporaire. La majori- té se situe à Paris ou dans une commune de la petite couronne. L’accès à ces es- paces temporairement disponibles favo- © Yes We Camp rise l’ouverture de nouvelles structures d’hébergement directement en cœur de ville, bien que certains centres soient Les Grands Voisins 4
HÉBERGEMENT D’URGENCE : APPROCHES NOUVELLES, PROJETS HYBRIDES – SYNTHÈSE – ATELIER situés dans des sites plus difficiles d’ac- La temporalité et la localisation de ces cès et à la localisation moins attractive. projets facilitent par ailleurs la mise en « Il est très intéressant de voir où sont Les participants à l’atelier du 14 janvier avant des publics « inaudibles » 6 en va- situés les centres d’hébergement à 2021 ont ainsi souligné l’enjeu que repré- lorisant leur pouvoir d’agir et en offrant l’échelle du Grand Paris. À Paris, il y a sentent la localisation et l’accessibilité une certaine visibilité à l’héberge- beaucoup de choses. […] Mais il y a tout des sites dans la perspective d’un pos- ment et aux personnes hébergées. un pan du territoire qui n’est pas du tout sible essaimage de telles démarches. exploité. Je pense que le développement Enfin, l’influence de ces projets tempo- de l’hébergement dans tout le Grand Dans le même temps, certains partici- raires peut dépasser le temps du pro- Paris est un enjeu fort. » pants de l’atelier du 14 janvier 2021 ont jet et orienter les projets urbains et S. Habchi, Aurore mis en évidence les possibilités d’un dé- d’aménagement à venir. C’est le cas ploiement de ce type de projets au-delà des Grands Voisins par exemple : un du cœur de la Métropole du Grand centre d’hébergement et une pension Paris, en particulier dans les secteurs de famille ont été intégrés au futur pro- en déficit de places d’hébergement, afin jet d’écoquartier, alors que ce n’était de rééquilibrer l’offre sur le territoire initialement pas prévu. 6 – Braconnier, C. et Mayer, N. (dir.), 2015, Les inaudibles : sociologie politique des précaires, métropolitain tout en renforçant la ca- Paris, Presses de Sciences Po. pacité totale d’hébergement. © Apur – Vincent Nouailhat HÉBERGEMENT D’URGENCE © Yes We Camp LES SITES ÉTUDIÉS © Aurore La Promesse de l’Aube La Maison Marceau Les Grands Voisins Novembre 2016 – novembre 2022 Octobre 2019 – juin 2021 Janvier 2015 – octobre 2020 ➤ 200 hébergés ➤ 55 hébergés ➤ 600 hébergés puis 100 ➤ Personnes isolées, familles ➤ Femmes en situation de précarité ➤ Personnes isolées et de vulnérabilité Coubron Saint- Aubervilliers Les Pavillons- Courtry Saint-Ouen Denis Bobigny sous- Clichy Bois Pantin Courbevoie Bondy Levallois Le Raincy Montfermeil Nanterre Perret 18e Noisy © Yes We Camp le-Sec Neuilly- 17e 19e Puteaux sur-Seine Gagny Villemomble © Apur Les Lilas Romainville Chelles 9e 10e Les Cinq Toits Rueil- 8e Bagnolet Rosny- sous-Bois Le CHS Séraphine de Senlis Septembre 2018 – fin 2021 Malmaison Novembre 2017 – indéterminé 2e ➤ 350 hébergés Suresnes 34 hébergés ➤ Neuilly- 16e 3e Montreuil Plaisance Neuilly- ➤ Personnes isolées, familles Bois de 1 er 11e 20 e ➤ Femmes isolées de plus de 45 ans,Gournay- sur-Marne Boulogne sur-Marne 7e femmes avec enfants Fontenay- Saint 4e sous-Bois Cloud 6e Champs- Garches sur- 5e Vincennes Le Perreux- Marne sur-Marne 15e Bry-sur-Marne 12e Nogent- sur-Marne Noisy-le- Grand © Luca Nicolao 14e 13 e Bois de Villiers- Ville- Vincennes sur-Marne d'Avray Issy Vanves Charenton- © Aurore les-M. le-Pont Joinville- Malakoff le-Pont Champigny- Montrouge Saint- sur-Marne Le centre Jourdan Gentilly Ivry-sur- Seine Maurice Le Bastion de Bercy et la Maison des réfugiés Chaville Arcueil Décembre 2017 – 2024 Juin 2019 – octobre 2021 Châtillon ➤ 308 hébergés Le Plessis- Trévise ➤ 280 hébergés Meudon Bagneux ➤ Personnes isolées, Saint-Maur- familles Chennevières- Clamart des-Fossés sur-Marne ➤ Personnes isolées, familles Fontenay- Cachan aux-Roses © Jean-Baptiste Gurliat – Ville Villejuif Vitry- Créteil Vélizy- Ormesson- sur-Seine sur-Marne La Queue- Villacoublay Bourg- Le Plessis- en- Robinson la-Reine L'Haÿ- Brie Sceaux les-Roses Bonneuil- Noiseau sur-Marne Châtenay- © Massimo Hulot Malabry Sucy-en-Brie de Paris Choisy-le-Roi Chevilly- Larue Valenton Bièvres Fresnes Thiais Le centre pour migrants Verrières- le-Buisson Antony d’Ivry-sur-Seine Boissy- L’HUDA d’Antony et la PADAF Villeneuve- Limeil- Janvier 2017Saint- – décembre 2021 Santeny Saint- Léger Mars 2017 – 2024 Rungis Orly Brévannes Georges ➤ 450 hébergés ➤ 234 hébergés Villeneuve- ➤ Migrants (femmes isolées, couples, ➤ Hommes isolés Massy le-Roi familles), public intracommunautaire ATELIER PARISIEN D’URBANISME 5
Les Grands Voisins : un terrain d’expérimentation devenu modèle À partir de 2011, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris d’espaces extérieurs) limite alors la capacité d’héberge- (AP-HP) déplace progressivement ses services hors du site ment du site (qui passe de 600 à 100 places). Saint-Vincent de Paul (14e) et confie certains bâtiments va- cants à l’association Aurore. L’association y gère alors un, Jusqu’à sa fermeture fin 2020, les Grands Voisins ont reposé puis trois centres d’hébergement. sur le principe de mixité entre trois publics : • les habitants (personnes accueillies dans les centres d’hé- Le projet prend un nouveau tournant en 2014 quand l’hô- bergement ainsi qu’une dizaine de salariés de Yes We pital cesse définitivement ses activités sur le site. L’asso- Camp ayant fait le choix de vivre sur place) ; ciation signe une convention d’occupation temporaire avec • les occupants (associations, start-up, artisans et artistes l’AP-HP puis récupère officiellement la gestion du site en bénéficiant de locaux à un loyer inférieur au prix du décembre 2014, dans l’attente de la construction d’un futur marché) ; écoquartier. • les visiteurs extérieurs (bénévoles et grand public, le site étant ouvert au public depuis la fin de l’année 2015). L’association Aurore est rapidement rejointe par Plateau Urbain et Yes We Camp. Les trois structures se rassemblent autour de la volonté de créer un lieu d’expérimentations sociales inédit, qui permettrait de favoriser l’insertion par la mixité et la création de communs. Initialement prévue pour une durée de deux ans et demi, l’occupation temporaire est finalement prolongée de six mois, puis complétée par une deuxième saison. La saison 2 (2018-2020) est pensée comme une phase de préfigura- tion du futur quartier. L’expérience se poursuit, mais les gestionnaires doivent libérer une partie du terrain pour le © Yes We Camp lancement des travaux. La réduction de l’espace occupé de plus de la moitié (de 20 000 m2 de bâtis et 15 000 m2 d’es- paces extérieurs occupés à 10 000 m2 de bâtis et 3 500 m2 Les 48 h de l’agriculture urbaine (mai 2019) Dépasser les contraintes et réversibles a permis d’installer des Les contraintes réglementaires et juri- et être réactif chambres dans un ancien parking-ga- diques sont, aux dires d’acteurs, dépas- Les projets étudiés démontrent qu’il rage difficile à aménager. sables grâce au recours à des dispositifs est possible de dépasser certaines adaptés, tels que les conventions d’oc- contraintes urbanistiques et ar- De manière générale, les projets décrits cupation temporaire, qui encadrent chitecturales. Le recours à des pro- illustrent la réactivité des acteurs les risques anticipés par les proprié- cédés modulaires, comme c’est le cas impliqués. Au fur et à mesure des ex- taires et les besoins d’assurance des dans quatre des neuf projets étudiés, périences, les gestionnaires ont déve- gestionnaires et des opérateurs. Les est une des façons de dépasser ces loppé une habileté à investir rapide- contraintes financières apparaissent contraintes. Au Bastion de Bercy par ment des lieux divers (anciens parking, quant à elles plus complexes, mais des exemple, des modules ont pu être ins- hôtel particulier, caserne de gendar- solutions ont été trouvées pour chacun tallés sur des zones réglementairement merie, par exemple) et à construire des des sites étudiés. non constructibles par l’intermédiaire projets au service des publics hébergés d’un permis précaire. Au centre Jour- mais aussi des quartiers dans lesquels dan, le choix d’installations modulaires ils s’insèrent. 6
HÉBERGEMENT D’URGENCE : APPROCHES NOUVELLES, PROJETS HYBRIDES – SYNTHÈSE – ATELIER La Promesse de l’Aube : un centre modulaire et temporaire en lisière du bois de Boulogne En 2015, la Ville de Paris met à dis- L’ouverture du centre est l’objet de position d’Aurore un terrain situé vives critiques et de quelques inci- en lisière du Bois de Boulogne afin dents violents. Fortement médiatisées d’installer un nouveau centre d’hé- à ses débuts (critiques de riverains et bergement. Construits entièrement tensions avec la mairie du 16e arron- avec des modules, les bâtiments dissement), les relations du centre au pourront être démontés, déplacés quartier se sont progressivement apai- et réutilisés sur un autre site aux sées. Fin 2019, l’occupation temporaire termes de l’occupation. Le choix du est prolongée de trois ans. modulaire s’est notamment impo- Le centre accueille en moyenne 200 sé en raison du classement en zone personnes, dont 34 familles et 85 per- verte de la zone par le PLU, ren- sonnes isolées (environ 25 femmes et dant le site réglementairement non 60 hommes). Une quarantaine d’en- constructible. En cinq mois, les mo- fants sont scolarisés au sein du quar- dules sont préfabriqués puis instal- tier. De nombreuses activités propo- © Aurore lés. Le CHU Promesse de l’Aube est sées aux hébergés sont assurées par inauguré en novembre 2016. des riverains bénévoles. Le Bastion de Bercy : la culture comme levier d’intégration et d’ouverture sur l’extérieur Dans la continuité de la Promesse de l’Aube, le CHU Bastion Afin de dépasser les difficultés d’accès au site, enclavé entre de Bercy est le deuxième centre d’hébergement d’urgence des infrastructures routières, le Bastion de Bercy se veut ou- ouvert par Aurore entièrement modulable et démon- vert sur l’extérieur. Les aménagements des espaces communs table. Situé dans le 12e arrondissement de Paris en sur- et verts permettent l’organisation d’activités en extérieur, ac- plomb de l’échangeur géant du périphérique et de l’auto- cessibles aux personnes hébergées mais aussi à des riverains. route A4, le centre se trouve sur un site classé au titre des monuments historiques. Après seulement douze mois dédiés aux études, aux autorisa- tions et à la construction, le centre d’hébergement a ouvert le 11 décembre 2017, pour une durée de sept ans. Sur une surface totale occupée de 4 800 m2, le centre se structure en deux bâ- timents de quatre niveaux. Au rez-de-chaussée, ces bâtiments accueillent les locaux dédiés aux associations, des espaces partagés, les bureaux de l’association gestionnaire Aurore et quelques chambres accessibles aux personnes à mobilité ré- duite (PMR). Les étages abritent la majorité des chambres (in- dividuelles ou familiales), quelques bureaux de l’association Aurore et des salles d’activités (ateliers de couture, de pote- rie, etc.). Les familles, les femmes isolées et les hommes isolés © Aurore occupent des zones du bâtiment distinctes. ATELIER PARISIEN D’URBANISME 7
Le centre pour migrants d’Ivry-sur-Seine : une prise en charge globale des migrants nouvellement arrivés Fin 2016, la Ville de Paris ouvre en concertation avec l’État et s’impose face au délai imparti et à la portance limitée des l’association Emmaüs Solidarité un centre de premier accueil bassins et doit permettre la réutilisation des bâtis au terme pour migrants nouvellement arrivés à la Porte de la Chapelle, de l’occupation temporaire. Ensuite, l’association souhaite la Bulle pour migrants (18e). Sur le même site, un centre de que l’espace soit traité en quartiers pour éviter la sensation mise à l’abri temporaire (La Halle) assure l’hébergement pro- de foule sur un site hébergeant 450 personnes. visoire de 400 hommes isolés. Face à l’hétérogénéité des pu- blics accueillis, le souhait d’ouvrir un second site à destination En janvier 2017, et après quatre mois de travaux, le centre des femmes isolées, des couples et des familles émerge rapi- ouvre pour une durée de cinq ans. Particularité du centre, dement. La Ville de Paris propose la mise à disposition d’une les personnes hébergées ont accès, au sein même du site, ancienne usine de traitement des eaux située à Ivry-sur-Seine à une école intégrée et à un pôle santé. À terme, les mo- et dont elle est propriétaire. Le site doit permettre la mise à dules seront démontés en décembre 2021 pour laisser place l’abri des migrants pendant quelques semaines et un dé- au chantier du projet « Manufacture sur Seine », lauréat but de prise en charge globale (administrative, sanitaire, so- de « Réinventer la Seine ». Une réinstallation des modules ciale) avant de les réorienter vers les structures dédiées. peut être envisagée à proximité, sur des terrains destinés à faire partie du même projet urbain mais dont les travaux ne La commande d’Emmaüs Solidarité, maîtrise d’ouvrage et commencent que plus tard (la dernière phase ne doit débu- gestionnaire du site, est double. L’utilisation de modulaires ter qu’en 2030). © Jean-Baptiste Gurliat – Ville de Paris © Apur Plusieurs enjeux autour potentiels. Cela semble d’autant plus sur des sites de propriété publique. du déploiement de centres important dans le contexte sanitaire, L’accès à de nouveaux sites nécessite intercalaires économique et social lié à la crise de de mobiliser davantage de proprié- Plus-value sociale, visibilité de pu- la Covid-19, dans lequel la question de taires, mais le manque de lisibilité sur blics trop souvent exclus, réactivité et la disponibilité des sites se pose diffé- les modalités de mise en œuvre de ces souplesse sont autant d’arguments en remment. Le développement du télétra- projets ainsi qu’une méconnaissance faveur du déploiement plus large des vail par exemple ou encore la moindre du cadre réglementaire actuel peuvent opérations hybrides, temporaires ou présence de touristes au cœur des mé- représenter des freins à une impli- pérennes, en milieu bâti ou sur foncier tropoles peuvent offrir des possibilités cation plus conséquente des acteurs libre. Toutefois, certains enjeux sont nouvelles pour certains espaces, à court privés. Le projet de la Maison Mar- apparus à l’analyse des projets. ou plus long terme. ceau dans le 8e arrondissement à Paris est à ce titre singulier, au sens où il a En premier lieu, un recensement plus Cette question se double d’un enjeu de non seulement été déployé sur un site systématique des fonciers disponibles mise à disposition des sites repérés de propriété privée mais c’est aussi ce pourrait favoriser la réactivité et la ca- et recensés. À ce jour, la majorité des propriétaire privé qui a été à l’initiative pacité d’intervention des opérateurs projets intercalaires se développent de la démarche. 8
HÉBERGEMENT D’URGENCE : APPROCHES NOUVELLES, PROJETS HYBRIDES – SYNTHÈSE – ATELIER En deuxième lieu, si le caractère tem- présence sur le site. L’instabilité qui en poraire des projets n’est pas une diffi- résulte peut mettre en difficulté leurs culté en soi, il peut le devenir lorsque projets, le processus d’orientation des les temporalités des projets évoluent publics, et ainsi la continuité de leur et qu’il existe une incertitude sur la accompagnement. Ce constat peut « Le transitoire et le temporaire nous durée totale de la mise à disposition être élargi à tous les locataires du site, ont permis d’expérimenter beaucoup des sites. D’une part, les travaux de qu’ils soient artistes, entrepreneurs de de choses. […] Mais comment sortir du rénovation et de mise aux normes sont l’ESS ou artisans. transitoire et pérenniser les projets à réalisés en fonction de la temporalité grande échelle ? […] On n’a pas encore définie à l’avance, qui peut être très Le caractère temporaire des pro- de projets hybrides à grande échelle courte, et ne sont souvent pas adap- jets questionne de manière générale qui soient vraiment pérennes, avec une tés à des durées plus longues. Cette « l’après » : que ce soit pour les publics activité d’hébergement d’urgence au incertitude peut également mettre en hébergés (vers où aller et être orien- cœur de ces projets. […] Comment faire difficulté la mise en œuvre des pro- tés ?), pour les structures parties pre- pour que le temporaire ne devienne pas jets par les gestionnaires, notamment nantes (où se réinstaller ?) ou pour les un palliatif et que l’on puisse sortir de en termes de ressources humaines gestionnaires et opérateurs (comment cette phase expérimentale ? » (recours plus fréquents à des contrats repositionner les équipes mobilisées W. Dufourcq, Aurore courts). D’autre part, l’allongement des une fois le projet terminé ? Comment délais bouscule l’anticipation par les stocker, adapter et réutiliser les modu- personnes accueillies de la fin de leur laires une fois l’opération terminée ?). Le centre Jourdan et la Maison des réfugiés : un projet social dans un ancien garage-parking Au sud du 14e arrondissement, la Régie Immobilière de la familles. Au rez-de-chaussée, la Maison des Réfugiés est Ville de Paris (RIVP) entreprend la restructuration d’un ouverte au public et accueille des événements variés (ate- bâtiment dont elle est propriétaire, anciennement occupé liers d’insertion professionnelle, activités culturelles et par un garage Citroën en rez-de-chaussée et par un parking sportives, concerts, etc.). dans les étages. L’occupation temporaire doit prendre fin en octobre 2021, Le démarrage des travaux n’étant prévu qu’au printemps date à laquelle débuteront des travaux de restructuration 2021, la RIVP propose la mise à disposition temporaire du bâtiment. La RIVP envisage d’y aménager, à l’hori- du site à l’association Emmaüs Solidarité, qui prévoit d’y zon 2023, une résidence étudiante de 60 studios meublés, ouvrir un centre d’hébergement d’urgence. Malgré des des locaux d’activités dédiés aux métiers de l’artisanat et contraintes liées au bâti, un centre d’hébergement d’ur- quelques commerces. La Maison des Réfugiés s’installera gence de 280 places est ouvert en quelques semaines. quant à elle définitivement dans l’ancien lycée Jean Quarré (19e), site qu’elle partagera avec une médiathèque. Parallèlement, la Ville de Paris mène une réflexion sur l’ou- verture d’un lieu qui permettrait de centraliser les informa- tions et les initiatives dédiées à l’accueil et à l’intégration des personnes réfugiées, au sens large (migrants, deman- deurs d’asile, réfugiés statutaires et bénéficiaires de la pro- tection subsidiaire) : une Maison des Réfugiés. À l’issue d’un appel à projets lancé par la municipalité, Emmaüs Solidarité devient gestionnaire du projet, qu’elle coanime avec l’association Singa. © Luca Nicolao L’ensemble du site ouvre en juin 2019, pour une durée de deux ans. Le centre d’hébergement d’urgence (CHU) ac- cueille des personnes isolées (hommes et femmes) et des ATELIER PARISIEN D’URBANISME 9
Mixité d’usages 2. et de publics, attentes et contraintes Les neuf sites examinés innovent dans Mixité, des attentes fortes les types de structure et de modali- Dans les différents cas, la mixité est consi- tés d’accueil envisagés. Ils proposent dérée comme un vecteur possible d’in- ainsi à certaines personnes en situation sertion sociale et professionnelle des d’exclusion des solutions nouvelles et personnes hébergées. Le postulat est adaptées à leurs besoins, qu’elles ne que les interactions sociales, les échanges trouvent parfois pas dans le système et les interconnaissances peuvent faci- d’hébergement classique. liter l’émergence de réponses sociales nouvelles face à des parcours de vie et des Des projets hybrides besoins toujours uniques. à plusieurs niveaux Le terme « hybride » choisi pour qualifier Cette ambition d’une mixité dans les ces projets recouvre plusieurs réalités : usages et les publics constitue une ori- • L’hybridité « dans le temps », ginalité et une innovation en soi. Elle lorsque les projets s’inscrivent sur des se fonde sur une logique d’expérimen- sites intercalaires et/ou modulaires : tation pour laquelle les attentes sont l’espace occupé n’est pas assigné à un fortes, mais demeurent à évaluer. C’est seul usage et accueille différentes ac- dans ce sens que les acteurs impliqués tivités sur le long terme ; appellent à développer des mesures • L’hybridité dans « l’espace », lorsque d’impact social de ces projets. différentes activités sont réunies en un même lieu afin de favoriser la co- habitation de personnes aux profils, aspirations et projets différents. « Comment démontrer l’impact social La mixité peut s’observer : de ces lieux pour les personnes que l’on • à l’échelle du centre d’héberge- accompagne ? […] Je n’ai aucun doute ment, quand le centre privilégie l’ac- là-dessus, mais il faut que l’on arrive à cueil de différents profils (hommes le démontrer. De prime abord, ce n’est isolés, femmes isolées, familles avec pas du tout évident de vouloir ouvrir enfants, etc.) plutôt qu’une spéciali- les centres, de vouloir y installer des sation autour d’un public particulier ; riverains, des artisans ou des artistes. […] • et/ou à l’échelle du site, quand il Comment démontrer cet impact social ? accueille à la fois un ou des centre(s) Et comment le montrer à la fois pour les d’hébergement et d’autres structures hébergés, les riverains et les élus ? » (associatives, entreprises de l’ESS, W. Dufourcq, Aurore équipements, etc.), équipements et services. 10
HÉBERGEMENT D’URGENCE : APPROCHES NOUVELLES, PROJETS HYBRIDES – SYNTHÈSE – ATELIER Cette mixité peut aussi constituer un sociaux, économiques et d’animation moyen de résilience par la construc- de certains quartiers. Elle facilite la tion collective de réponses aux besoins mise en place d’un écosystème d’ac- teurs à la recherche de réponses col- lectives. Cela s’est notamment illustré lors de la crise sanitaire de 2020 liée à la Covid-19. Certains sites ont mis à disposition leurs ressources pour ré- pondre à l’urgence sociale. Aux Grands Voisins par exemple, les cuisines du restaurant « l’Oratoire » ont été mises à disposition du collectif Raliment (Les Maraudeurs by Wanted Community, Yes We Camp, Ernest, Linkee et Re- fugee Food Festival). Sur les 100 000 repas distribués par le collectif entre © Michaël Mosset mars et juin 2020, près de 40 000 repas ont ainsi été préparés dans les cuisines des Grands Voisins. Les Cinq Toits Le CHS Séraphine de Senlis : un centre d’hébergement imbriqué avec un Ehpad et une crèche Ce projet est issu d’une réflexion commune entre l’asso- Depuis 2020, le CHS est en cours de transformation. À la ciation Arfog-Lafayette, spécialisée dans la prise en charge suite d’une demande de la DRIHL d’accueillir davantage des femmes victimes de violence, et l’association Monsieur de personnes, il est prévu qu’une partie des studios soit Vincent, intervenant dans l’accompagnement des per- réservée à des femmes avec enfants (ayant entre un et six sonnes âgées et des personnes handicapées. Le directeur de ans). Sur les 34 studios, 14 resteront à terme occupés par un l’association Arfog-Lafayette a souhaité mener un projet à public de femmes « vieillissantes » et les 20 autres seront destination des femmes à la rue « vieillissantes », pour occupés par des femmes avec enfants. lesquelles il constate un manque de structures dédiées. Le CHS Séraphine de Senlis est une structure pérenne. À Les réflexions se concrétisent en 2017. L’association Mon- moyen terme, l’ouverture du centre à des femmes avec en- sieur Vincent envisage d’ouvrir un établissement d’héber- fants ouvre la voie à de nouveaux projets entre le centre gement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) dans d’hébergement et la crèche. Certaines places de la crèche un immeuble récemment réhabilité par Paris Habitat. L’as- seront réservées aux femmes hébergées. sociation Esperem, tout juste créée, demande qu’une partie du site soit réservée à l’accueil d’un Centre d’hébergement et de stabilisation (CHS) à destination des femmes de plus de 45 ans ayant eu un parcours de rue ainsi qu’à l’ouverture d’une crèche. À son ouverture en novembre 2017, le projet réunit ainsi un centre d’hébergement accueillant 34 femmes de plus de 45 ans ayant connu un parcours de rue, un Ehpad et une crèche. La proximité entre les trois structures et la dimension intergénérationnelle du projet sont perçues comme un vecteur de lien pour les personnes les plus © Apur isolées socialement. ATELIER PARISIEN D’URBANISME 11
Organiser la mixité communs, notamment de restauration, pour favoriser la rencontre peuvent par exemple être propices à La simple juxtaposition des publics ne des échanges plus informels. Cela peut « Dans cette étude, le caractère hybride suffit pas à créer du lien. Elle peut même enfin passer par l’activation de dis- est vraiment mis en avant comme un bel engendrer des difficultés supplémen- positifs spécifiques, comme dans le atout, aussi bien pour les ménages et les taires si elle n’est pas accompagnée. cas de la PADAF, des Grands Voisins ou hébergés que pour les professionnels. » des Cinq Toits au travers du recours au L. Bodet, AFFIL Pour accompagner la mixité, les ges- Dispositif Premières Heures (DPH) pour tionnaires des sites peuvent s’appuyer l’insertion professionnelle des résidents sur différents leviers. La définition hébergés directement sur site. d’un projet commun entre les diffé- rentes structures se traduit par exemple Les réponses varient selon le type de par l’organisation formelle de temps projet : les publics impliqués sont diffé- d’échanges pour organiser la vie col- rents, que ce soit dans leurs profils (ges- lective du site. L’accompagnement de tionnaires, hébergés, locataires, etc.) ou la mixité nécessite aussi une délimi- dans leur culture professionnelle (tra- tation claire des espaces privés, pu- vailleurs sociaux, gestionnaires asso- blics et partagés afin que chacun ait et ciatifs, entrepreneurs de l’ESS, artistes trouve sa place. La création d’espaces et artisans, etc.). La Maison Marceau : la réussite de la mixité des usages à petite échelle Courant 2019, la Caisse de retraite interprofessionnelle des du projet qui favorise leur rencontre. Initialement prévue professions libérales (Cipav) entame une réflexion sur le pour 14 mois, l’occupation temporaire a été étendue et devenir d’un ensemble de bureaux situé avenue Marceau, doit prendre fin en juin 2021. dont elle est propriétaire. Le projet de réhabilitation prévu pour le site est retardé en l’attente du permis de construire, ce qui laisse le bâtiment inoccupé pendant un certain temps. En interne, les équipes de la Cipav envisagent alors de confier leurs locaux pour qu’y soit mené un projet soli- daire et temporaire. À l’issue d’un appel à projets, la Cipav se rapproche de Plateau urbain, avec qui elle signe une convention d’occupation tem- poraire : les locaux sont mis à disposition de la coopérative pour une durée minimale de quatorze mois, à titre gracieux. © Aurore L’association Aurore est intégrée au projet, choisie pour y gé- rer un centre d’hébergement de femmes en situation de précarité et de vulnérabilité. Le duo Plateau Urbain – Au- rore se retrouve une nouvelle fois pour coordonner un projet mixte : Plateau urbain est responsable de la gestion des es- paces d’activités, Aurore du centre d’hébergement d’urgence. La Maison Marceau ouvre officiellement ses portes en oc- tobre 2019. Le centre accueille 55 femmes isolées, sans © Mathieu Menard solution d’hébergement et en voie d’insertion. Les liens entre les deux structures, les résidents et les occupants des espaces d’activités, sont facilités par la petite échelle 12
HÉBERGEMENT D’URGENCE : APPROCHES NOUVELLES, PROJETS HYBRIDES – SYNTHÈSE – ATELIER L’HUDA d’Antony et la PADAF : l’insertion par l’emploi, vecteur de lien entre les deux structures Le projet se situe dans les 25 000 m² de l’ancien entrepôt laissent ensuite la place aux chantiers du futur quartier An- logistique d’Universal Music à Antony, laissé vacant depuis tonypôle et de la nouvelle gare d’Antony (future ligne 18 2015 et racheté par l’Établissement Public Foncier d’Île-de- du réseau Grand Paris Express). Le tissu urbain actuel de- France (EPFIF). L’association Aurore et la coopérative Pla- vrait disparaître pour être remplacé par un quartier mixte teau Urbain se partagent la gestion du site jusqu’en 2024. accueillant 440 logements, des commerces, de l’hôtellerie et un pôle d’activités, le « campus de l’innovation ». Depuis 2017, le site abrite un centre HUDA (Hébergement d’urgence des demandeurs d’asile), qui accueille 230 rési- dents. Géré par l’association Aurore, il héberge des hommes seuls en attente de l’instruction de leur demande d’asile ainsi que quelques réfugiés statutaires en attente de réorientations. Une centaine de porteurs de projets sont par ailleurs accueillis au sein de la PADAF, une plateforme mutualisée de réemploi ouverte par Plateau Urbain en 2018. Plus de 250 personnes travaillent sur le site. Parmi elles, 14 réfugiés hébergés dans le centre HUDA travaillent au sein de différentes structures pré- sentes à la PADAF via le Dispositif Premières Heures (DPH). © Massimo Hulot L’occupation des anciens locaux d’Universal est fixée jusqu’en 2024. Il est prévu que le centre HUDA et la PADAF « On est bousculés dans notre manière de voir l’accompagnement social. […] On n’est pas toujours prêts à accepter que le « tiers aidant » soit un artiste qui est installé dans le même espace et qui va créer du lien avec la personne hébergée. Mais il va peut-être finir par devenir un référent pour cette personne. […] Le travail social ce n’est rien d’autre que de défendre l’égalité, la mixité et la transformation sociale. […] Pour autant cela nous expose et nous questionne sur nos manières d’agir, pas simplement à l’intérieur de nos centres mais aussi vers l’extérieur, vers le conseil de quartier, vers les habitants et © Mathieu Menard © Massimo Hulot avec les personnes accueillies. » S. Habchi, Aurore HUDA d’Antony La Maison Marceau ATELIER PARISIEN D’URBANISME 13
Des projets ouverts 3. à la ville Une des particularités des sites étudiés riveraines pour encourager l’inclusion concerne leur objectif d’intégration et et l’intégration des publics hébergés « Ce que l’on tente de faire c’est de passer d’ouverture au quartier environnant dans la ville. Il s’agit là d’un enjeu non de centres d’hébergement assez isolés, et à la ville. Alors que les structures seulement de communication (se faire qui peuvent susciter la peur et une vision d’hébergement demeurent le plus sou- connaître, déconstruire certains préju- négative des personnes que l’on héberge, vent des espaces fermés au public, l’am- gés portés sur les centres d’héberge- à des lieux ressources et solidaires, qui bition de la plupart des projets étudiés ment ou sur les personnes hébergées) répondent aux besoins des territoires est d’ouvrir les sites tout en préservant mais aussi de valorisation du site et du dans lesquels on s’installe. » l’intimité des publics hébergés. Le suc- quartier. Certains lieux proposent dans W. Dufourcq, Aurore cès des Grands Voisins a par exemple cette optique une programmation riche entraîné l’arrivée de nombreuses per- en activités culturelles, artistiques ou sonnes, obligeant la fermeture du site artisanales, ainsi que des services et (et du bar) à certains horaires pour pré- des équipements ouverts sur le quar- server l’intimité et la qualité de l’hé- tier, mis à disposition des personnes bergement des personnes accueillies. hébergées mais aussi des riverains, des L’ouverture au quartier doit ainsi être professionnels ou d’autres visiteurs. pensée, accompagnée et équilibrée. En accueillant des événements et des équipements ouverts au public, les Dans le cas des projets mixtes, les par- Cinq Toits deviennent par exemple un ties prenantes souhaitent favoriser nouveau lieu de services de proximité, les liens entre personnes hébergées, que les riverains peuvent investir et structures occupantes et populations s’approprier. © Luca Nicolao La Maison des réfugiés, hall central 14
HÉBERGEMENT D’URGENCE : APPROCHES NOUVELLES, PROJETS HYBRIDES – SYNTHÈSE – ATELIER Dans de nombreux cas, les sites hybrides ces expériences sont autant d’illustra- deviennent des lieux d’engagement ci- tions de la possibilité d’innover sociale- « Les communs sont fondamentaux. Ce toyen. Des bénévoles y apportent leurs ment et de façon inclusive, en associant sont des espaces où la rencontre se fait, ressources et s’y impliquent de façon des personnes parfois éloignées sociale- où la mixité s’expérimente. Ça ne sert à concrète, en lien direct ou indirect avec ment à partir d’un espace de rencontres rien de faire de la mixité si on ne crée pas les personnes hébergées. Finalement, et d’interactions. les conditions pour qu’elle puisse exister. […] Je ne vois pas pourquoi on fermerait nos sites à la vie dans la cité. Il faut banaliser cette rencontre. Notre plus- value est là. […] Les personnes accueillies sont aussi des acteurs de la solidarité, elles n’en sont pas que les bénéficiaires. » S. Habchi, Aurore © Aurore Les Cinq Toits Les Cinq Toits : un lieu d’hébergement et d’innovation sociale ouvert sur le 16e arrondissement Au sud du 16e arrondissement, un nouveau projet d’occu- Aurore et d’autres partenaires. Six bâtiments sont rassem- pation intercalaire se dessine à l’été 2018. Sur le boule- blés autour d’une cour centrale, pour une surface occupée vard Exelmans, la Ville de Paris envisage la construction d’environ 4 500 m2. En février 2020, 350 personnes sont hé- de logements sociaux dans l’ancienne caserne Chalvidan. bergées sur le site et réparties dans trois centres. À l’issue Les gendarmes ayant quitté les lieux, le bâtiment est inoc- de l’occupation temporaire, un projet comprenant des lo- cupé en attendant le lancement des travaux de réhabilita- gements sociaux, un centre d’hébergement d’urgence, une tion. La Ville associe alors Aurore, avec qui elle signe une pension de famille et une crèche est prévu. convention d’occupation temporaire. La convention sera renouvelée avec Paris Habitat, devenu propriétaire de la majorité du site. L’association souhaite réitérer l’expérience d’un urba- nisme transitoire au service du social. Les principes forts de l’occupation intercalaire de la caserne de Reuilly (12e) ou des Grands Voisins (14e) – mixité des publics, des usages ainsi que cogestion du site dans le second cas – sont de nouveau sollicités. © Yes We Camp Aux Cinq Toits, les centres d’hébergement gérés par Aurore côtoient ainsi des espaces de travail coordonnés par Plateau Urbain et des équipements ouverts aux publics cogérés par ATELIER PARISIEN D’URBANISME 15
Accompagner la 4. solidarité citoyenne La dernière partie de l’étude s’écarte des le déploiement d’un autre type d’accueil, centres hybrides pour se centrer sur les directement au domicile de particuliers, « L’intérêt de l’étude est de mettre côte à solidarités actives qui animent la Mé- qui se décline de diverses manières : ac- côte des grands projets et des approches tropole du Grand Paris. Deux types de cueil chez l’habitant, tiny houses pour plus diffuses et informelles. » projets y sont présentés : le projet lan- l’accueil des réfugiés, etc. D’abord spon- J-B. Roussat, Caracol cé dans le cadre du budget participatif tané, s’organisant via les réseaux sociaux parisien « Des abris pour les personnes et les réseaux militants, « l’hébergement sans domicile » ainsi que des initiatives citoyen » s’est institutionnalisé (avec d’accueil de personnes à la rue chez des la mise en place d’un appel à projets particuliers. de la Dihal par exemple), bien qu’il ne concerne à ce stade que quelques cen- L’engagement de citoyens dans la lutte taines de personnes accueillies en Île- contre le sans-abrisme et le mal-loge- de-France. Souvent géré par des asso- ment illustre la vigueur des solidarités ciations comme JRS, Singa ou Réfugiés dans la Métropole. Ces initiatives té- Bienvenue, à qui revient l’orientation moignent d’un désir d’engagement des publics et leur accompagnement et d’une réelle sensibilisation des social personnalisé, ce type d’héberge- citoyens aux questions d’inégalités ment citoyen valorise la rencontre et face au logement, ce qui constitue l’échange. La plus-value attendue est aussi un argument pour convaincre da- une meilleure intégration et insertion vantage les élus de tous bords de la né- des publics, notamment étrangers. cessité d’intervenir au service de l’hé- bergement et des mal-logés. Ces approches demeurent néanmoins marginales en nombre de personnes En complément de l’analyse du concernées et ne répondent qu’à une projet « Des abris pour les personnes partie spécifique de besoins. Elles sans domicile fixe », l’étude met en avant constituent un complément à une offre © Quatorze © Quatorze Le programme IMBY : accueil de réfugiés dans des maisonnettes installées dans le jardin de particuliers 16
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