Handicap & politique - Edudoc CH
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Handicap & politique Edition 2 mai 2016 En point de mire La contribution d’assistance et ses maladies d’enfance Une vie autonome grâce à la contribution d’assistance : tel était le but. Le chemin reste toutefois encore long. « Handicap et politique » dresse un premier bilan intermédiaire après quatre ans d’application.
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 Table des matières Editorial Egalité Un réel développement s’impose__________________________________ 3 Améliorer la participation des personnes en situation de handicap_______________________________________________ 18 Interview : Edith Nüssli En point de mire La contribution d’assistance remplit-elle ses objectifs ?_______________________________________________ 4 Interview : Catherine Rouvenaz La scène du handicap La contribution d’assistance, Brésil : l’inclusion fait l’école ______________________________________ 21 Marianne Schaffner entre y avoir droit et l’obtenir ________________________________________ 6 Simone Leuenberger 115 ans d’engagement___________________________________________________ 23 Suzanne Auer L’autonomie, grâce à la responsabilité, à la solidarité et aux robots____________________________________________ 8 Le cœur à la bonne place ____________________________________________ 25 Edith Nüssli Suzanne Auer Politique sociale Tour d’horizon en matière de politique sociale_________________________________________________________11 Catherine Rouvenaz Ursula Schaffner LAI : la bataille pour les intérêts est engagée_____________________________________________________________________ 13 Ursula Schaffner Consultation : des prestations complémentaires moins chères___________________________________ 15 Simone Leuenberger Non à la sélection le 5 juin 2016 !________________________________ 17 Catherine Rouvenaz Photo page titre : Pourra-t-on soigner les maladies d’enfance de la contribution d’assistance ? La question reste ouverte. Photo : màd 2
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 Editorial Un réel développement s’impose d’assistance après quatre bonnes années ? A lire le rapport de l’Office fédéral des assurances sociales OFAS « La contribution d’assistance remplit-elle ses objectifs ? » , il serait positif. Le commentaire d’une per- Stephan Hüsler sonne concernée est plus critique ( « la contribution d’assistance entre discours et réalité » ). L’assistance Président AGILE.CH est pourtant essentielle afin que de nombreuses per- Photo : màd sonnes avec handicap puissent participer de plein droit à la société en bénéficier d’une égalité de traitement, Après l’assurance maladie, l’assurance-invalidité (AI) comme le prévoit la Convention des Nations Unies re- est la plus importante des assurances en cas d’incapa- lative aux droits des personnes handicapées CDPH. cité de travail pour cause de maladie. Quelque 450’000 L’article « L’autonomie grâce à la responsabilité indivi- personnes bénéficient de ses prestations. duelle, à la solidarité et aux robots » vous fera découvrir comment réaliser cette participation, et les moyens ne Dans les années 80, l’économie sociale de marché manquent pas. s’est transformée en une économie néolibérale. Les obstacles aux échanges commerciaux ont été éliminés, Les réformes de l’AI semblent avoir adopté un cycle les entrepreneurs sont devenus quadriennal. En effet, le délai de la des dirigeants et les directeurs gé- « L’assistance est essen- consultation relative au si insidieux néraux des PDG. Qui n’était pas à « développement continu de l’assu- même de tenir le rythme perdait tielle pour de nom- rance-invalidité » était fixé au 18 son emploi. L’AI a donc commencé breuses personnes avec mars dernier. Dans l’article « LAI : à crouler sous les nouvelles de- handicap. » la bataille pour les intérêts est en- mandes. Faute de moyens, plutôt gagée » , vous découvrirez les prises que d’allouer des mesures d’aide à la réinsertion, on de positions des différents partis et des organisations. allouait des rentes. Conséquence : dès l’an 2000, les Vous trouverez également un résumé des réponses aux révisions de la LAI se sont succédé. D’abord en 2004, consultations sur la réforme des PC, ainsi qu’un aperçu puis en 2008 et en 2012, on a raboté les prestations des thèmes actuels de politique sociale. et durci les conditions d’octroi, allant jusqu’à les refu- ser à des groupes entiers. Les articles ci-après le révèlent : la pression sur les personnes avec handicap sera maintenue dans les an- Parallèlement à cette tendance, en 2012 nous avons nées à venir, et pourrait même augmenter. Il est donc reçu un petit « susucre » : la contribution d’assistance, grand temps de développer l’assurance-invalidité pour introduite en quelque sorte du bout des lèvres. qu’elle devienne un jour une véritable assurance de Craignent une nouvelle opportunité d’abus, les poli- réinsertion et qu’elle assure sous forme de rentes l’exis- tiques ont opté pour une règlementation d’octroi très tence des personnes n’étant plus à même de travailler stricte. Quel est le bilan intermédiaire de la contribution pour des raisons de santé. 3
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 En point de mire La contribution d’assistance remplit-elle ses objectifs ? La contribution d’assistance (CDA) souffle cette année 4 bougies. L’occasion d’interroger l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) sur les maladies d’enfance de cette prestation. Maryka Laâmir, responsable de la contribution d’assistance à l’OFAS, répond aux questions de « Handicap & politique » . Maryka Laâmir, comment l’OFAS évalue-t-il la réus- Comment expliquer cette disparité ? site de la CDA à ce jour ? Au début, cette surreprésentation était très forte. On Ses buts sont atteints. Selon le premier rapport d’éva- comptait 54 % d’API de degré grave en 2012, mais cette luation, trois quart des bénéficiaires de la CDA sont très proportion a diminué depuis, passant de 44 % en 2013 satisfaits du gain d’autonomie et estiment que la charge à 36 % en 2014. Les chiffres de 2015 nous diront si la de leur entourage diminue. tendance se poursuit. Selon l’étude « Wohn- und Be- Seuls 1’213 adultes et 235 enfants bénéficiaient de la CDA fin 2014, contre 3’000 visés. Pourquoi si peu ? L’approche de la CDA est inédite. La personne handi- capée devient employeur, ce qui s’inscrit dans une perspective d’autodétermination mais demande du courage, d’où une certaine retenue. La charge adminis- trative liée au modèle de l’employeur peut être dissua- sive. Justement, ce modèle ne devrait-il pas être assoupli ? Quid des personnes frappées de handicap psychique ou sensoriel ? La charge administrative liée au modèle de l’employeur peut Il n’y a pas de raison que le modèle de l’employeur avoir un effet dissuasif. Photo : màd ne convienne pas aux malvoyants. Certains ont une activité indépendante et savent établir des dé- treuungssituation von Personen mit Hilflosenentschä- comptes. Il est vrai que d’autres types de handicaps digung der IV » (trad : Conditions de logement et de peuvent trouver ce modèle malaisé, mais une ouver- prise en charge des bénéficiaires d’une allocation pour ture à d’autres modèles devrait être analysée en dé- impotent de l’AI), seuls 14 % des bénéficiaires d’API de tail. A noter que nous prenons en charge des pres- niveau faible ont des dépenses supérieures au montant tations de conseil à hauteur de 1’500 francs pour de leur allocation. Plus de 70% des bénéficiaires d’une permettre aux bénéficiaires de se familiariser avec API faible ont des dépenses mensuelles de 464 francs ce modèle. au maximum. Si la CDA est modique, il se peut qu’ils y renoncent en raison de la charge administrative. Ce Les bénéficiaires d’API de degré grave sont beaucoup constat s’applique aussi aux personnes avec handicap plus nombreux à toucher une CDA que ceux de de- psychique ou sensoriel, dont la plupart perçoivent une grés moyens et faibles, plutôt visés par la prestation. API de degré faible. 4
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 Seuls 2.9% de mineurs bénéficient d’une CDA. Ne continu de l’AI. Quant aux assurés avec troubles faudrait-il pas lever l’interdiction d’engager des psychiques, ils y ont normalement accès. Si leur capa- membres de la famille comme assistants ? cité à exercer leurs droits civils est limitée, ils peuvent Contrairement aux adultes, les enfants ont droit, en en bénéficier s’ils travaillent ou suivent une formation. plus de l’API, au supplément pour soins intenses (SSI), La CDA peut aussi fournir des prestations telles qu’aide dont l’initiative parlementaire Joder demande une aug- à la concentration, dans les situations de crise, etc. mentation. Si cette initiative est acceptée, la charge financière des parents sera considérablement allégée. Les maladies d’enfance de la CDA pourraient être La CDA a été introduite pour décharger les parents, non corrigées puisque la neutralité des coûts semble être pour les rémunérer. L’évaluation du projet pilote, qui garantie, au vu du faible nombre de bénéficiaires ? permettait la rémunération des parents, le révèle : un Le nombre de bénéficiaires est inférieur aux prévisions allègement n’a que rarement eu lieu car la famille conti-mais les coûts sont supérieurs. Donc la neutralité des nue à fournir de l’aide. coûts n’est pas garantie à long terme. S’agissant d’une prestation récente, il serait prématuré de procéder Deux tiers des bénéficiaires de CDA n’utilisent pas la maintenant à des changements. Une évaluation est en totalité du montant auquel ils auraient droit. N’est-ce cours et la conclusion, attendue pour 2017, nous don- pas un signe de difficulté de gestion ? nera une vision plus globale. Alors, on pourra estimer L’évaluation des besoins se fonde sur une enquête à si des changements sont souhaitables et réalisables. domicile et représente le maximum possible. L’assuré décide ensuite quelle part de besoins couvrir par l’as- Interview : Catherine Rouvenaz sistant. Près de la moitié des bénéficiaires d’une CDA Secrétaire romande, AGILE.CH sont confrontés à des difficultés de recrutement, ce qui peut en effet constituer un obstacle. Le prochain rap- port d’évaluation nous apportera plus de réponses à ce sujet. i Un des objectifs de la 7e révision de l’AI est de soutenir les enfants, les jeunes et les assurés atteints Informations détaillées : de troubles psychiques dans leur réadaptation. Evaluation intermédiaire de la contribution d’assistance, Ne serait-ce pas l’occasion d’assouplir les conditions 2014 Office fédéral des assurances sociales (en allemand, d’octroi de la CDA pour ces groupes-cibles ? avec résumé en français et italien) Les conditions d’octroi de la CDA pour les enfants et Le texte complet de l’initiative Joder les jeunes s’inscrivent déjà dans le développement 5
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 En point de mire La contribution d’assistance, entre y avoir droit et l’obtenir Depuis quatre ans, les personnes handicapées vivant chez elles et nécessitant une aide au quotidien ont droit à la contribution d’assistance. Comment cette nouvelle prestation AI a-t-elle vu le jour ? Quels sont ses points faibles ? Contribue-t-elle à mettre en œuvre la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées ? Commentaire. Selon l’évaluation de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), trois quarts des bénéficiaires de la contribution d’assistance en sont satisfaits et appré- cient ce gain d’autonomie. C’est évolution est réjouis- sante. Cependant, lorsqu’évaluation il y a, il faut tou- jours tenir compte de la situation de départ. Potentiel de développement Avant l’introduction de la contribution d’assistance, les personnes gravement handicapées recevaient tout juste 60 francs par jour pour couvrir leurs besoins d’as- sistance. Sans l’apport de bénévoles et de la famille, il n’était donc pas possible d’habiter chez soi et d’avoir une vie sociale. Cette situation s’est nettement amélio- rée. La contribution d’assistance permet en effet de couvrir jusqu’à huit heures d’aide par jour. Celles et ceux qui ont besoin de plus restent dépendants de l’aide bénévole, certes une bonne chose en soi, mais qui rabaisse le ou la bénéficiaire au rang de demandeur. Ceci contredit l’article 19 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées qui revendique un mode de vie indépendant et la par- ticipation à la société. Dans ce domaine, la contribution d’assistance a encore un potentiel de développement. Modèle de l’employeur restrictif La limitation au modèle de l’employeur constitue un autre problème. Si je veux profiter de la contribution Simone Leuenberger. Photo : Helena Miethlich d’assistance, je dois engager mon assistant sur la base d’un contrat de travail. Même Maryka Laâmir, de l’OFAS, l’engagement de personnel de ménage a été considé- convient que cette situation peut être dissuasive. Néan- rablement facilité. Mais un autre problème subsiste, moins, la charge administrative évoquée n’est pas non moins important : suivant la nature de l’aide re- l’unique problème, et ce dernier vient du reste d’être quise, un contrat de travail n’est pas toujours envisa- atténué. En effet, pour lutter contre le travail au noir, geable, voire approprié. Si une personne malvoyante a 6
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 besoin qu’on l’accompagne à une réunion qui se tient la journée. La contribution d’assistance a notamment en un lieu inhabituel, elle a besoin d’aide pour l’aller et été créée dans le but de soulager les proches. Mais le retour mais pas durant le temps de la réunion. Qui dans quelle mesure peut-on parler de soulagement lors- accepterait de se faire engager pour deux fois 15 qu’une tierce personne entre dans votre chambre la minutes avec une pause non rémunérée de trois à nuit pour aider votre épouse à se tourner, alors que quatre heures entre temps ? Non seulement cette pra- vous dormez à ses côtés ? tique est totalement déconnectée de la réalité, mais elle favorise les conditions de travail précaires qu’on Problème de recrutement ? souhaite justement combattre. Le plus simple, pour de Il est intéressant de constater que de nombreux béné- tels cas, serait de financer un élargissement de l’offre ficiaires n’utilisent pas la totalité du montant de la de prestations des gares ou des taxis par la contribution contribution d’assistance qui leur est octroyée. Dans d’assistance. l’interview, il est question de problèmes liés au recru- tement, mais la solution semble floue. Les salaires ver- Un dédommagement pour les proches est sés avec la contribution d’assistance sont-ils trop bas ? pertinent 50 francs pour une présence nocturne n’est pas ce La disposition stipulant que les proches ne peuvent pas qu’on peut qualifier de salaire de ministre ! Ou les temps être dédommagés par la contribution d’assistance d’intervention sont-ils trop courts ? Comme déjà évo- s’éloigne tout autant de la réalité. Prenons l’exemple qué, la contribution d’assistance ne permet pas de ré- d’un couple qui dort dans le même lit. Jusque-là, rien munérer les temps morts. Seules les heures effective- d’anormal, non ? Imaginons qu’en raison de son han- ment travaillées peuvent être payées. Ou alors, le travail dicap, l’épouse ait besoin d’aide pour se tourner. Pour d’assistante ou d’assistant n’est-il pas encore assez pouvoir bénéficier de la contribution d’assistance, elle connu ? doit embaucher une personne externe pour passer la nuit chez elle afin de l’aider à changer de position, alors Une autre piste que son époux dort à côté. La contribution d’assistance doit en tout cas permettre de renforcer la 7e révision de l’AI, explique Maryka Laâ- Si l’époux se charge de cette tâche, il ne perçoit rien. mir. Bizarre qu’il n’en soit pas fait mention dans les Précisons que l’assistance nocturne est épuisante, sur- documents relatifs à la procédure de consultation. Il tout si elle est fournie sur des années. En étant dédom- revient donc aux organisations de personnes handica- magé, Monsieur pourrait diminuer son temps de travail, pées de signaler encore et encore les maladies d’en- ce qui n’aurait rien d’aberrant. Seulement voilà, per- fance de la contribution d’assistance afin de les sur- sonne ne prend en charge la perte de gain. Certes, il monter et de faire de cette prestation un instrument serait possible de rémunérer l’aide fournie la nuit par pertinent pour mettre en œuvre la Convention des le mari avec l’allocation pour impotent, qui peut être Nations Unies relative aux droits des personnes handi- utilisée librement. Mais le forfait nocturne serait déduit capées, et ce pour toutes les personnes en situation de la contribution d’assistance. En résumé : les per- de handicap. Nous restons vigilants ! sonnes qui paient l’assistance nocturne fournie par leur partenaire avec l’allocation pour impotent disposent de Simone Leuenberger moins d’argent pour couvrir leurs besoins d’aide durant Collaboratrice scientifique Politique sociale, AGILE.CH 7
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 En point de mire L’autonomie, grâce à la responsabilité, à la solidarité et aux robots Les personnes en situation de handicap mènent une vie autodéterminée. Un but en soi. La contribution d’assistance est un moyen d’y parvenir. Y en a-t-il d’autres ? « Handicap et politique » aborde la question avec Roland Gossweiler, expert en politique sociale, et le conseiller national PDC Christian Lohr. « En ce qui concerne la vie autonome, j’accorde de plus clare le conseiller national PDC Christian Lohr au début en plus d’importance à ce que nous pouvons apporter de l’entrevue. Le débat ne doit pas se réduire à l’encou- en tant que personnes en situation de handicap » , dé- ragement, au soutien et à l’assistance. « La question essentielle est de savoir comment les gens vivent la dépendance. Le fait est que je suis dépendant jour après jour, heure après heure. » Pour réduire sa dé- pendance, il tente de faire le plus de choses possible seul. « Ainsi je me sens libre, et cela m’ouvre des chances. » Pour Roland Gossweiler aussi, l’indépendance dans l’absolu est une chimère. Les personnes en situation de handicap dépendent d’un entourage humain com- pétent. Lorsqu’on a besoin d’une aide bénévole, on dépend de son état de santé et de son agenda. Il est « Celui qui le souhaite doit pou- voir acheter des prestations d’aide individuelles spécifiques à son handicap » Christian Lohr souvent difficile d’organiser quelque chose spontané- ment. « Pour moi, être indépendant reviendrait à ne plus dépendre de qui que ce soit » , explique le chargé Christian Lohr, 54 ans, a étudié l’économie et travaille comme de politique sociale à l’Union suisse des aveugles. journaliste et publiciste. Il est par ailleurs professeur dans plu- sieurs hautes écoles spécialisées. En raison des lésions causées L’indépendance grâce à la technique par le Contergan, il est né sans bras et avec des jambes difformes. Il a été durant 14 ans président de Plusport Sport Handicap Suisse Il se demande si la robotique et les véhicules automo- et est membre du comité directeur de Pro Infirmis depuis 1999. En teurs permettraient l’indépendance. « Peut-être qu’un 2011, il a été élu au Conseil national dans les rangs du PDC. Chris- jour, un robot m’accompagnera à la séance à Berne et tian Lohr est célibataire et habite Kreuzlingen. Photo : Edith Nüssli m’indiquera le chemin. » Il pourrait aussi s’exercer à 8
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 trouver le chemin du bureau à l’aveuglette. Pour les séances sporadiques, ce serait différent. « Se déplacer de façon autonome dans l’espace public demande aux personnes aveugles et malvoyantes des efforts consi- dérables. » Lui préfère se faire accompagner, pour arriver en forme à la séance. Christian Lohr signale que le robot devrait supporter les humeurs de Roland Gossweiler, ce qui les fait marrer tous les deux, et le principal intéressé de rétorquer : « les réactions à mes humeurs peuvent être programmées. » D’après Christian Lohr, la technique permet beaucoup de choses, mais elles ne sont pas financées. « Lorsque les personnes en situation de handicap ne sont pas en mesure de mettre à profit leurs compétences faute de moyens, cela porte préjudice à la société » . Roland Gossweiler ajoute que la rapidité des avancées techno- logiques est certes impressionnante, mais tout cela coûte très cher. « Les personnes malvoyantes agissent souvent selon le principe : ‹On ne modifie pas ce qui fonctionne›. » Indépendance et responsabilité vont de pair S’ensuit une longue discussion sur l’importance de la responsabilité individuelle. « L’indépendance signifie de plus en plus : je fais ce que je veux » , regrette Chris- Roland Gossweiler, 57 ans, est entrepreneur. Paysagiste de for- tian Lohr. « Or, elle implique aussi une prise de respon- mation, il travaille aujourd’hui comme conseiller. Il est adolescent sabilité pour soi et son entourage. Chaque personne lorsqu’il apprend que sa rétine est altérée. Il est aveugle depuis environ 20 ans. Chargé de politique sociale à l’Union suisse des aveugles et engagé dans d’autres instances d’organisations d’en- « Je plaide pour un équilibre traide, Roland Gossweiler habite Engelburg SG. Il est marié de- puis 34 ans, il a 2 filles et 5 petits-enfants. Photo : Edith Nüssli entre autodétermination et responsabilité sociale. » société. Aujourd’hui, ceux qui ne sont pas directement concernés par le handicap ne s’y intéressent pas. Il Roland Gossweiler serait nécessaire de sensibiliser la société, à commen- cer par l’inclusion à l’école. D’après Christian Lohr, les devrait s’efforcer de parvenir à l’indépendance » . Ro- personnes en situation de handicap devraient être sen- land Gossweiler plaide pour un équilibre entre autodé- sibilisées à la façon dont elles se comportent en socié- termination et responsabilité sociale. Pour lui, la soli- té. Selon lui, si les personnes handicapées faisaient darité ne veut pas seulement dire être là pour les autres, partie intégrante de la société, l’article de la Convention mais les comprendre. « Je dois me comporter de ma- des Nations Unies relative aux droits des personnes nière responsable, pour moi et pour l’autre. » Pour handicapées se rapportant à un mode de vie autonome Christian Lohr, « il ne serait pas bon de se réfugier dans serait superflu. « C’est ma vision des choses » , tel est la solidarité pour fuir la responsabilité individuelle. » son message principal. La solidarité est un socle Contribution d’assistance : individuelle et flexible Tous deux s’accordent à dire que la solidarité a régres- En attendant, la contribution d’assistance reste un élé- sé ces dernières décennies. Finalement, il ne s’agit plus ment important de la vie autonome. Selon nos deux que de la manière dont nous nous comportons dans la interlocuteurs, la réglementation actuelle est trop ri- 9
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 gide et éloignée de la réalité. Roland Gossweiler pose S’entraider entre personnes concernées trois exigences claires. Premièrement, le modèle de D’après nos deux interlocuteurs, si le modèle de l’em- l’employeur ne devrait pas être obligatoire ; deuxième- ployeur reste obligatoire, il faudra plus d’argent pour ment, le travail des proches devrait être dédommagé, acheter les prestations administratives. Le fait que les et enfin, il conviendrait d’ajuster l’évaluation des be- organisations de personnes handicapées endossent soins des personnes malvoyantes. Sa vision consiste le rôle d’aide n’est pas une solution. « On risque de à proposer des prestations d’assistance moyennant voir surgir de nouvelles formes de dépendance » , es- honoraires. « Même les personnes sans handicap ne time Christian Lohr. Pour Roland Gossweiler, l’idéal peuvent pas toutes s’improviser employeurs » , argu- serait que les personnes en situation de handicap mente-t-il. travaillent les unes pour les autres, comme l’aveugle et le paralytique, qui forment un tandem complémen- Christian Lohr insiste : « la réglementation doit être taire. » L’aveugle pourrait pousser le fauteuil roulant, orientée en fonction des besoins des personnes concer- tandis que la personne paralysée lui indiquerait le nées, et non de ceux de l’administration. Celui qui le chemin. Cette idée séduit Christian Lohr. Ainsi, la souhaite doit pouvoir acheter des prestations d’aide boucle des dépendances mutuelles serait bouclée et individuelles spécifiques à son handicap. » Et le politi- équilibrée. cien de faire remarquer que la réglementation actuelle représente le maximum qu’on peut exiger dans le Edith Nüssli contexte politique qui est le nôtre. Responsable de la communication ad intérim, AGILE.CH 10
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 Politique sociale Tour d’horizon en matière de politique sociale Les contours de la politique du Parlement, avec ses nouvelles majorités, prennent forme. Le Conseil national en particulier, a montré au cours des trois premiers mois de la nouvelle législature dans quels domaines il entend économiser en démantelant les prestations étatiques. Programme de législature 2015 - 2019 Prestations complémentaires : augmentation des Fin avril, le Conseil national a tenu une session spéciale loyers maximaux gelée pour examiner le programme de législature 2015 - 2019 En février 2016, la nouvelle majorité bourgeoise de la de la Confédération. Cet agenda politique gouverne Commission de la sécurité sociale et de la santé pu- mental se décline en trois lignes directrices : prospéri- blique du Conseil national (CSSS-N) a redéfini le cap. té, cohésion nationale et sécurité. Etroitement coor- Alors qu’à l’automne dernier la CSSS-N avait encore donné avec le plan financier, il fixe 16 objectifs et 60 reconnu la nécessité, après une bonne quinzaine d’an- mesures qui ont un dénominateur commun : la retenue nées, d’adapter les loyers maximaux pris en considé- en matière de dépenses. ration pour le calcul des prestations complémentaires, elle a décidé en février dernier de geler le dossier Cette prudence n’a cependant pas suffi à la nouvelle jusqu’à la fin de l’année. Cette décision prise à une majorité parlementaire, soucieuse avant tout d’alléger courte majorité n’a pas été guidée prioritairement par les charges de l’économie. La Chambre du peuple a les besoins des personnes vivant avec peu de moyens, demandé entre autres au Conseil fédéral d’introduire mais par les intérêts financiers des cantons et de la un mécanisme d’intervention pour garantir le finan Confédération. cement de l’AVS à long terme. Ont été supprimés du programme : la révision de la loi sur l’égalité entre Résultats d’exploitation de l’AVS et de l’AI moins femmes et hommes ainsi qu’un plan d’action en faveur bons que prévus des travailleurs âgés. Le Conseil national souhaite en Les résultats d’exploitation 2015 de l’AVS et de l’AI sont outre diminuer l’offre de transports publics et réduire en recul, principalement en raison de la nette dégrada- l’aide pour le paiement des primes d’assurance-mala- tion de la performance boursière. Pour l’AVS, les pertes die, sans parler de la diminution des investissements sur placements s’élèvent à 237 millions de francs et dans la formation et l’aide au développement. Ainsi am- pour l’AI à 31 millions de francs, par rapport à l’année puté, le programme sera transmis au Conseil des Etats. précédente. Le résultat d’exploitation de l’AVS est de –559 millions de francs, tandis que celui de l’AI se Les premiers effets du glissement à droite du Parlement chiffre à 614 millions de francs. Ce montant a été af- sont tangibles. Une telle volonté de démanteler les ac- fecté au remboursement de la dette envers l’AVS. Avec quis sociaux est un signal négatif pour tous les dossiers ce versement, l’AI a remboursé 2,715 milliards de francs ayant trait à la politique du handicap et à la politique à l’AVS depuis le 1er janvier 2011. sociale. De l’autre côté, les entreprises continueront à recevoir des cadeaux fiscaux, sans pour autant être Le mauvais résultat d’exploitation de l’AVS a fourni de incitées à engager des personnes en situation de han- nouveaux arguments à la majorité bourgeoise parle- dicap. A noter qu’avant cette session spéciale, la Com- mentaire lors des débats sur le programme de la légis- mission de l’économie et des redevances du National lature en faveur de l’introduction d’un frein à l’endette- a voté une baisse d’impôts de 4 milliards de francs. La ment dans l’assurance-vieillesse (cf. ci-dessus). Or, rigueur budgétaire a décidément une dimension très quelques semaines plus tôt, alors que la Confédération unilatérale et la politique des caisses vides un bel ave- annonçait à la surprise générale un excédent de nir devant elle. recettes de 2,3 milliards de francs, des politiciens de 11
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 gauche comme de droite prônaient encore un assou- lité. Sa pérennité, son financement et les obstacles à plissement du frein à l’endettement dans les dépenses son développement y sont aussi analysés. Dans ce rap- fédérales et proposaient d’affecter les futurs excédents port, rédigé en réponse à un postulat déposé en 2010 de la Confédération au financement de l’AVS. par l’ex-conseiller aux Etats thurgovien Philipp Stähelin, le gouvernement propose une série de mesures pour Allongement de l’espérance de vie des hommes : promouvoir l’offre de soins et améliorer la prévention nouveau défi pour les caisses de pensions des maladies psychiques. Le Conseil fédéral exprime Le rendement des placements suscite des discussions en outre sa volonté d’assurer le financement à long non seulement dans le 1er pilier (AVS et AI), mais aus- terme des structures de soins intermédiaires (cliniques si dans la prévoyance professionnelle. Les caisses de de jour). La mise en œuvre des mesures proposées pensions peinent à atteindre le rendement prescrit par implique aussi bien les cantons que les différents ser- la loi, pour garantir le versement des rentes. Taux d’in- vices de la Confédération et les fournisseurs de pres- térêt trop bas, marché des actions pas suffisamment tations. C’est la raison pour laquelle le gouvernement rentable et franc suisse trop fort : voilà ce qui explique les approuvera l’automne prochain. AGILE.CH veille au les importantes pertes dues au change pour les place- grain. ments à l’étranger. Les caisses de pensions doivent encore faire face à un autre problème : en raison de Catherine Rouvenaz l’allongement de l’espérance de vie des hommes, ceux- Secrétaire romande, AGILE.CH ci perçoivent des rentes du 2e pilier plus longtemps. Les solutions proposées sont maigres et peu inno- Ursula Schaffner vantes : baisser le taux de conversion et donc les rentes, Responsable de la politique sociale et de la défense des intérêts, et/ou adopter des stratégies de placement plus ris- AGILE.CH quées. Cette évolution ne devrait pas trop toucher celles et ceux qui ont un bas de laine. Ils peuvent même espérer de nouvelles baisses d’impôts (cf. plus haut). La majo- rité des Suisses approuve sans nul doute les décisions i de leurs nouveaux élus fédéraux, qui protègent mani- festement ceux qui vivent déjà bien. Et les autres n’ont Rapport sur l’avenir de la psychiatrie en Suisse qu’à prendre davantage de responsabilité individuelle, se serrer la ceinture et travailler plus longtemps. Sources : Le Temps, Tribune de Genève, Tages-Anzeiger, NZZ, divers communiqués de la Confédération, des can- Avenir de la psychiatrie en Suisse tons et des partis parus entre le 26 janvier et le 27 avril Un récent rapport du Conseil fédéral considère l’offre 2016 de soins psychiatriques en Suisse comme étant de qua- 12
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 Politique sociale LAI : la bataille pour les intérêts est engagée Mi-mars 2016, 71 organisations, partis et associations de défense d’intérêts s’étaient exprimés sur le projet de 7e révision de la loi sur l’assurance-invalidité (LAI). Pour les partis bourgeois, les prestations AI sont trop étendues. Les organisations de personnes handicapées, le PS et les syndicats veulent un réel développement continu. Pour rappel : dans le dernier projet de révision de la LAI, deux petites formations politiques lors des élections de le Conseil fédéral propose de mieux soutenir les jeunes 2015 se traduit par une diminution des ressources dans en situation de handicap au moment du passage de les secrétariats centraux. l’école à la vie professionnelle. Sa volonté est en outre d’accompagner et de soutenir par des mesures ciblées On relève de manière générale qu’à l’exception du PS, les personnes souffrant de troubles psychiques pour les les partis n’ont pas pris position de manière très nuan- aider à conserver leur emploi ou à en retrouver un. La cée sur les mesures proposées. Les thèmes majeurs révision doit être parvenir à une neutralité des coûts. des partis bourgeois sont la diminution de la dette et, par conséquent, les mesures d’économies. En lisant Partis ces réponses, on se demande même s’ils ont lu les Ce qui frappe, en parcourant les prises de position, propositions détaillées faites par l’Office fédéral des n’est pas uniquement leur contenu, mais leur volume. assurances sociales (OFAS) et saisi la mesure de leur Ainsi, celles de l’UDC, du PLR, du PDC et du PBD ne impact sur les personnes concernées. dépassent pas deux pages chacune. Le PS détaille son avis sur 13 pages ; les Verts et les Verts libéraux ne se L’UDC rejette cette révision de la LAI au motif qu’elle prononcent pas. La perte de sièges enregistrée par ces étend les prestations au lieu de les diminuer. Le parti exige que les mesures existantes soient appliquées de manière plus stricte et que la pression sur les assurés soit accrue. D’après le PLR, le projet ne prévoyant pas assez d’économies, il faudrait le rejeter. Il y renonce toutefois, demandant plutôt de reprendre les écono- mies prévues dans la révision « 6b » , et que les coûts liés aux créations de postes dans les offices AI soient compensés par une diminution idoine au Département fédéral de l’intérieur. Le PDC approuve, quant à lui, les objectifs de la révision, mais critique le fait que la ré- duction de la dette ne soit pas au centre des préoccu- pations. Le PBD est favorable à une révision, mais sou- haite qu’elle serve en premier lieu à réaliser des économies supplémentaires, par exemple par le biais d’un nouveau système de rentes avec une rente entière à partir d’un degré d’invalidité de 80 %. Le PS salue généralement les grands axes de la réforme et se prononce de manière nuancée sur les différentes mesures préconisées. Il se demande cependant si cer- ©Max Spring 13
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 taines propositions vont réellement avoir les effets es- redire à ce que les personnes handicapées se voient comptés puisque les employeurs ne sont pas obligés verser des salaires d’apprentis conformes au marché, de collaborer. elles relèvent que les cas d’indemnités journalières trop élevées sont rares et que le changement de système Syndicats et organisations patronales proposé ne résoudra pas le problème du manque de L’Union syndicale suisse (USS) et Travail.Suisse se fé- postes de travail. licitent des objectifs poursuivis et sont opposés à toute mesure d’économies supplémentaire. L’USS fait valoir L’adaptation de la liste des infirmités congénitales et que dans le cadre des précédentes révisions de la LAI, les nouveaux critères de définition soulèvent de grandes suffisamment d’économies ont été réalisées sur le dos inquiétudes chez les personnes en situation de handi- des assurés. Travail.Suisse estime que l’assainissement cap. Elles craignent en effet que de nombreuses infir- des finances de l’AI avance comme prévu. Les deux mités soient supprimées et que les parents doivent faire faîtières posent des questions critiques sur l’une ou face à des coûts considérables. Leurs craintes sont l’autre mesure exposée et suggèrent au Conseil fédéral attisées par l’opacité des coûts chiffrés dans le projet, de revoir sa copie, notamment concernant les indem- sachant que la liste est déjà retravaillée par des « ex- nités journalières pour les jeunes. perts » . Les personnes handicapées exigent d’être associées à l’« actualisation » de cette liste, étant les Si l’Union patronale suisse se prononce en faveur de la mieux placées pour juger des situations. D’après elles, 7e révision de la LAI, elle exige clairement davantage un véritable développement continu de l’AI devrait im- de mesures d’économies. Elle propose en outre qu’à pliquer que la contribution d’assistance soit aménagée l’avenir, le versement des rentes n’intervienne qu’à pour permette aux bénéficiaires de mener une vie in- partir de 30 ans. Elle rejette par ailleurs l’idée d’une dépendante (lire également la rubrique « En point de convention de collaboration entre l’OFAS et les organi- mire » , p. 4 à 10). sations faîtières du monde du travail. L’Union suisse des arts et métiers n’est, quant à elle, pas foncièrement Prochaines étapes opposée à une telle convention, mais elle ne peut pas L’OFAS va dépouiller les prises de position jusqu’à cet souscrire aux objectifs poursuivis par la révision qui, été, et le message du Conseil fédéral devrait être pré- selon elle, ne permettent pas de réaliser suffisamment senté aux Chambres cet automne. Parallèlement, d’économies. C’est pourquoi elle prône, tout comme le d’autres projets de réforme comme la révision de la LPC PBD, un système de calcul avec une rente entière ver- (lire le compte rendu à la p. 15) et le programme de sée à partir d’un degré d’invalidité de 80 %. stabilisation de la Confédération seront concrétisés. De plus, le Conseil national va entamer le débat sur la Pré- Personnes en situation de handicap et leurs orga- voyance vieillesse 2020. Tous ces projets ont un impact nisations sur les personnes nécessitant des prestations AI. Les personnes handicapées et leurs organisations sont en principe favorables à la 7e révision de la LAI et aux Les personnes en situation de handicap vont devoir objectifs visés. Elles rejettent cependant en bloc toute fournir maintenant un important travail d’information mesure d’économie additionnelle et doutent de la neu- et de persuasion auprès des parlementaires pour faire tralité des coûts de cette réforme. La plupart des orga- en sorte que leurs revendications ne soient pas consi- nisations critiquent également l’absence d’un véritable dérées comme quantité négligeable. AGILE.CH et les contrôle de l’efficacité des coûteuses mesures d’inté- personnes concernées se préparent activement pour gration proposées, arguant que leur utilité ne s’avère cette étape. que si les bénéficiaires trouvent effectivement un travail et sont en mesure de le garder. Leurs avis divergent sur Ursula Schaffner le changement de système de calcul tel que proposé Responsable de la politique sociale et de la défense des intérêts, pour les indemnités journalières. Si elles n’ont rien à AGILE.CH 14
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 Politique sociale Consultation : des prestations complémentaires moins chères Les propositions de réforme des prestations complémentaires sont majoritairement admises, avec toujours les mêmes velléités de la droite qui souhaite davantage d’économies et de la gauche qui n’en veut pas. A la lecture des réponses à la consultation, AGILE.CH réalise qu’il sera difficile de t rouver des alliés pour lutter contre le démantèlement social. Lors du débat sur les prestations complémentaires, les bénéficiaires de l’AI sont souvent oubliés. Photo : AGILE.CH D’abord le positif : personne ne met en question le sys- suisse est plus concrète : les PC ne devraient être ver- tème des prestations complémentaires (PC). Le PS re- sées qu’aux personnes ayant moins de 50 000 francs lève même qu’à l’origine, les PC n’étaient censées être de fortune. Plusieurs partis sont d’avis que l’abaisse- qu’une solution provisoire jusqu’à ce que les rentes du ment des franchises sur la fortune proposé par le 1er pilier permettent de couvrir les besoins vitaux. Ses Conseil fédéral est insuffisant. Toute autre solution ne demandes de relever les rentes AVS et AI sont couvertes reviendrait, selon eux, qu’à « protéger la fortune des par celles de la droite, pour laquelle les efforts d’écono- héritiers au détriment des contribuables » . Il faudrait mies ne vont pas assez loin. Augmenter les rentes serait aussi réduire les dépenses pour les enfants. Argument pourtant le meilleur moyen de réduire les coûts liés aux récurrent dans les prises de position : les familles à bas PC, comme le souligne aussi l’Union syndicale suisse. revenus ne devraient pas avoir moins d’argent à la fin du mois que les bénéficiaires de PC. Carpe diem... avec le minimum vital ! Les avis divergent sur les conditions d’octroi des PC. On suggère en outre de mieux désenchevêtrer les La droite propose de serrer la vis. L’Union patronale tâches entre la Confédération et les cantons selon la 15
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 devise « qui paie commande » . Cantons, communes et seules ou presque à évoquer la situation de personnes villes craignent un transfert vers l’aide sociale si les pro- handicapées qui dépendent des PC quasiment toute positions gouvernementales étaient mises en œuvre. leur vie. Dans ces cas, il ne peut pas être question de protéger la fortune ; on peut tout au plus se demander Le relèvement des montants maximaux pris en compte si l’abaissement des franchises permettrait encore de au titre du loyer pour le calcul des PC est une autre se payer des funérailles dignes. Les personnes souf- pomme de discorde, bien que cette question ne fasse frant de troubles psychiques sont elles aussi oubliées. pas partie des propositions mises en consultation. En Or, si elles ne travaillent pas en dépit d’une capacité de décembre 2014, le Conseil fédéral a proposé de les travail reconnue, c’est souvent faute d’emplois à temps augmenter, mais la Commission de la sécurité sociale partiel adaptés. On propose néanmoins de leur recon- et de la santé publique du Conseil national a décidé en naître un revenu « hypothétique » , ce qui les pénalise- février dernier de geler ce dossier jusqu’à fin 2016. Les rait encore davantage. uns prétendent que le relèvement des loyers réduit à néant les économies proposées, tandis que les autres Il reste encore beaucoup à faire pour persuader l’esta- menacent de ne pas entrer en matière sur le projet de blishment politique que les prestations complémen- réforme des PC si cette augmentation, demandée de- taires ne sont pas un luxe, mais un moyen de mener puis longtemps, n’est pas mise en œuvre. une vie digne et d’être socialement intégré, comme le stipule la Convention de l’ONU en faveur des droits des Bénéficiaires de rentes AI passés outre personnes handicapées. La majorité des prises de position ne se prononce que sur les prestations versées en complément à l’AVS. Les Simone Leuenberger organisations de personnes handicapées sont les Collaboratrice scientifique Politique sociale, AGILE.CH 16
Handicap & politique Edition 2 – mai 2016 Politique sociale Non à la sélection le 5 juin 2016 ! En tant que faîtière d’organisations de personnes avec handicap et membre du mouvement « Préférer la diversité à la sélection » , AGILE.CH demande que la Loi fédérale sur la procréation médicalement assistée (LPMA) soit pourvue de garde-fous. Grâce au référendum, le peuple pourra doter la loi de garde-fous. Photo : màd Telle qu’adoptée par le Parlement, cette loi est en effet doit être renvoyée au Parlement. Nous recommandons beaucoup trop laxiste. Son champ d’application a été donc de voter non le 5 juin prochain. considérablement élargi et le nombre d’embryons à développer in vitro est en inadéquation avec les néces- Catherine Rouvenaz sités d’un traitement contre la stérilité. Secrétaire romande, AGILE.CH Avec la LPMA, le diagnostic préimplantatoire (DPI) de- vient un examen de routine et se détourne de son but : permettre aux couples porteurs d’une maladie grave i d’éviter de la transmettre à leur enfant. En outre, la LPMA sert le marché de la médecine procréative, au L’argumentaire complet d’AGILE.CH détriment d’une médecine éthique et accessible. Tous les arguments de « Préférer la diversité à la sélection » Grâce au référendum lancé en 2015, la LPMA peut et 17
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