SCENARIOECO - Société Générale
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N° 36 septembre 19 SCENARIOECO SG Études économiques et sectorielles Croissance en décrochage L’activité mondiale est entrée dans un ralentissement synchronisé, avec une nouvelle perte de vitesse prévue à l’horizon 2020-21. Les grandes banques centrales devraient assouplir davantage leur politique monétaire en maintenant les taux d'intérêt bas plus longtemps. La baisse des taux d’intérêt dans les économies avancées devrait favoriser les flux de capitaux vers les marchés émergents, mais le ralentissement de l’activité mondiale reste un frein pour ces derniers. Plusieurs facteurs alimentent le ralentissement à l’échelle mondiale. Un premier facteur, qui pèse encore, est le resserrement passé de la politique économique en Chine et les effets des tensions commerciales avec les États-Unis. Compte tenu du niveau d'endettement croissant, les autorités chinoises adoptent une approche prudente en matière d'assouplissement des politiques. Aux États-Unis, le cycle des profits des entreprises se retourne et les efforts visant à rétablir les marges devraient peser sur l'investissement et l'emploi. Par ailleurs, la politique budgétaire deviendrait moins accommodante aux États-Unis à l’horizon des élections présidentielles fin 2020. Le ralentissement du commerce mondial pèse lourdement sur le secteur manufacturier de la zone euro. L’incertitude liée au Brexit constitue un obstacle supplémentaire, de même que les tensions commerciales et les incertitudes géopolitiques en cours. En outre, nous notons un retournement du cycle des profits dans plusieurs grandes économies de la zone euro. A moyen terme, une relance budgétaire plus agressive représente un risque à la hausse pour nos perspectives. Toute résolution favorable des tensions commerciales et du Brexit offre également un potentiel de surprise positive. Achevé de rédiger le 24/09/2019 Merci de consulter le disclaimer à la fin du document
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 Table des matières SYNTHESE CONJONCTURELLE................................................................................................. 3 SOUTIEN A LA CROISSANCE, SOUTENABILITE DES DETTES… ................................................... 7 PREVISIONS ECONOMIQUES .................................................................................................. 11 ZONE EURO ........................................................................................................................... 13 ALLEMAGNE .......................................................................................................................... 15 FRANCE .................................................................................................................................17 ITALIE ................................................................................................................................... 19 ESPAGNE ............................................................................................................................... 21 ROYAUME-UNI ..................................................................................................................... 23 ETATS-UNIS ......................................................................................................................... 25 JAPON .................................................................................................................................. 27 CHINE ................................................................................................................................... 29 INDE ...................................................................................................................................... 31 BRESIL.................................................................................................................................. 33 RUSSIE ................................................................................................................................. 35 AMERIQUE LATINE ............................................................................................................... 39 ASIE EMERGENTE ................................................................................................................. 41 PAYS DU GOLFE ................................................................................................................... 43 EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE .......................................................................................45 DONNEES ECONOMIQUES ET FINANCIERES ...........................................................................47 CONTACTS............................................................................................................................. 51 DISCLAIMER ......................................................................................................................... 52 2
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 SYNTHESE CONJONCTURELLE ECONOMIE MONDIALE La dynamique de croissance de l’économie mondiale continue de ralentir. Les données indiquent déjà une perte de vitesse significative du commerce international, qui concerne principalement les biens d’investissement et de consommation durables. Les données montrent que le secteur des services résiste toujours bien, ce qui a contribué à renforcer l’emploi, la confiance des consommateurs et la consommation privée. Pourtant, les enquêtes les plus récentes montrent que le sentiment des entrepreneurs dans les services et la confiance des consommateurs commencent à céder. Notre scénario central table sur une activité mondiale nettement affaiblie, la croissance du PIB des pays avancés ralentissant à 1.2% en 2020 et 0.8% en 2021 contre 1.7% en 2019. Dans les économies en développement, on s’attend à ce que l’expansion se modère également, alors que la Chine est en perte de vitesse. Plusieurs facteurs alimentent le ralentissement à l’échelle mondiale. En Chine, le resserrement passé de la politique économique et les tensions commerciales avec les États-Unis représentent des facteurs défavorables. De plus, compte tenu du niveau élevé d'endettement, les autorités chinoises adoptent une approche prudente en matière d'assouplissement du policy mix. Aux États-Unis, le cycle de profit des entreprises se retourne et les efforts visant à rétablir les marges devraient peser sur l'investissement et l'emploi. La politique budgétaire devrait également donner moins d’impulsion à l’économie américaine et nous ne voyons que peu de place pour un changement de politique majeur dans ce domaine avant l’élection présidentielle de 2020. Le ralentissement du commerce mondial pèse lourdement sur le secteur manufacturier de la zone euro. L’incertitude liée au Brexit constitue un obstacle supplémentaire, de même que les tensions commerciales et les incertitudes géopolitiques en cours. En outre, nous notons un retournement du cycle des profits dans plusieurs grandes économies de la zone euro. Les évolutions spécifiques de nombreux marchés émergents, dont l’Argentine, qui a récemment fait face à une forte volatilité de sa devise, accentuent le ralentissement. Renforçant l’incertitude, les tensions au Moyen-Orient se sont récemment intensifiées. ÉCONOMIES AVANCEES Aux États-Unis, la croissance du PIB a ralenti au deuxième trimestre 2019, passant de 3,2 % au premier trimestre 2019 à 2 % (taux annualisé). La fin de la relance budgétaire à la mi-2019 et la baisse des résultats des entreprises – la hausse des 3
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 droits de douane et des coûts du travail induisant une contraction des marges – vont peser sur l’économie. Il existe un risque grandissant que la prochaine vague de mesures protectionnistes, qui couvrira les biens de consommation, freine les dépenses des ménages. L’économie américaine devrait progresser à un rythme de 2,3 % en 2019, avant de ralentir à 1,5 % en 2020 et à 0,8 % en 2021. Dans la zone euro, le rythme d’activité devrait se réduire d’un tiers de son niveau de 2019 en 2021 alors que le secteur manufacturier continue de se contracter. Les tensions commerciales peuvent se répercuter sur les chaînes d’approvisionnement mondiales et pénaliser les entreprises multinationales, y compris celles situées dans la zone euro. L’éventualité d’un Brexit sans accord pèse également sur le sentiment du marché. La croissance des services demeure solide, au profit des marchés du travail, mais les incertitudes croissantes pourraient se traduire par une baisse de la confiance des consommateurs. La croissance devrait diminuer et s’établir à 0,7 % en 2020 et 0,4 % en 2021, contre 1,1 % cette année. Sur fond de difficultés mondiales, l’économie française reste robuste et devrait dépasser l'Allemagne en termes de croissance, mais avec des finances publiques plus faibles et des rigidités structurelles dont la résolution n’est que très progressive. L’économie britannique fait face à une volatilité politique sans précédent. Notre scénario central est compatible avec soit un Brexit « coopératif » sans accord, dans lequel le Royaume-Uni et l'UE27 cherchent à minimiser les dégâts, soit un accord sur le Brexit qui laisse toujours une incertitude significative sur les relations futures avec l'UE27 et sur la politique domestique. La croissance du PIB du Royaume-Uni devrait s’établir à 0,9 % en 2019 et à 0,2 % seulement en 2020. Au Japon, la consommation privée reste forte, mais les tensions commerciales pèsent sur la confiance des entreprises. Les chiffres indiquent une forte diminution des exportations vers l’Asie. La hausse imminente de la taxe à la consommation devrait en outre peser sur le pouvoir d’achat. L’activité devrait ralentir au cours des deux prochaines années, poussant la croissance en deçà de son potentiel d’ici à 2021. MARCHES EMERGENTS Les effets négatifs des droits de douane et le ralentissement de la demande mondiale ont accentué la pression sur l’économie chinoise, déjà aux prises avec un ralentissement structurel. La Chine a engagé des mesures d’assouplissement monétaire et budgétaire pour soutenir l’activité et éviter un atterrissage brutal, tout en gardant un œil sur la stabilité future. Nous anticipons un ralentissement de la croissance du PIB à 5,8 % et 5,5 % en 2020 et 2021, contre 6,2 % en 2019. 4
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 Les difficultés résultant du ralentissement du commerce affaiblissent la croissance dans les économies émergentes d’Asie, même si cette région continue d’enregistrer la plus forte croissance dans le monde. L’expansion devrait se tasser en Europe émergente, sauf en Turquie, où un rééquilibrage est déjà en cours et pèse sur l’activité. La croissance de l’Amérique latine et de l’Afrique subsaharienne devrait légèrement progresser en 2020-2021. Bien que les conditions financières demeurent favorables, surtout après l’assouplissement monétaire opéré aux États-Unis, les entreprises des marchés émergents sont confrontées à d’importantes échéances entre 2019 et 2021 et restent vulnérables à l’évolution de la confiance des marchés. Sur fond de doutes sur sa capacité à rembourser sa dette, l’Argentine a fait face à une forte volatilité de sa devise et a introduit des restrictions sur les sorties de capitaux. BANQUES CENTRALES La Fed a jusqu’à présent abaissé ses taux de 50 pb depuis juillet à 1.75-2 % et nous pensons qu’elle réduira progressivement les coûts d’emprunt à 0-0.25% en 2021. Le 17 septembre, et pour la première fois en dix ans, la Fed a injecté des liquidités sur le marché monétaire à court terme, après une hausse de près de 10% des taux de repo j /j. Cela suggère un manque de réserves excédentaires dans le système, laissant entrevoir une probabilité croissante que la Fed reprenne les achats d'actifs et élargisse davantage son bilan, qui pourrait également se justifier du fait de la taille du déficit budgétaire. La BCE mène aussi une politique accommodante et a abaissé son taux de dépôt le 12 septembre. Elle a également annoncé de nouvelles opérations de refinancement à long terme ciblées (TLTRO) et d’autres mesures d’assouplissement quantitatif. A l’avenir, de nouveaux assouplissements sont attendus. Dans un contexte de taux d’intérêt déjà bas, l’inquiétude plus générale réside dans le fait qu’un nouvel assouplissement stimulera peu l’économie réelle. Il n’est donc pas surprenant que même la BCE ait appelé à un rôle accru de la politique budgétaire. La Banque du Japon devrait maintenir sa politique monétaire accommodante et son programme d’assouplissement quantitatif jusqu’en 2021 au moins. MARCHES FINANCIERS L’appétit pour le risque sur les marchés mondiaux a augmenté en septembre, mais les signes de retournement mondial et de forte incertitude sur le plan politique devraient maintenir les rendements des obligations souveraines à des niveaux historiquement bas, voire négatifs pour les actifs « sûrs » des principaux pays européens et du Japon. 5
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 L’attitude conciliante des banques centrales et la baisse des rendements obligataires dans les économies avancées favorisent les flux de capitaux vers les marchés émergents. Pourtant, la forte incertitude à l’égard des tensions commerciales et de la croissance mondiale reste un obstacle, laissant peu de potentiel haussier pour les devises des marchés émergents. Le RMB perd du terrain dans un contexte de tensions commerciales avec les États-Unis et se négocie à la mi- septembre à un niveau proche de USD/CNY 7.10. On pourrait s’attendre à une volatilité plus marquée si les tensions commerciales s’intensifiaient. Le dollar s’est redressé par rapport à la plupart des devises depuis la mi-juin 2019, sur fond de signes de ralentissement de la croissance mondiale. Nous nous attendons à ce que le dollar américain reste ferme au cours des deux prochaines années. Le billet vert devrait se déprécier à partir de 2022 en prévision d’une reprise cyclique de l’activité mondiale. D’importantes émissions de bons du Trésor américain, liées à des déficits budgétaires élevés, contribueraient également à affaiblir le dollar à long terme. 6
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 SOUTIEN A LA CROISSANCE, SOUTENABILITE DES DETTES… Malgré des taux d’intérêt historiquement bas et des injections de liquidité massives depuis plusieurs années, la croissance mondiale commence à s’affaisser avant même que les politiques monétaires n’aient eu le temps de se normaliser. Ceci alimente les questions sur la marge de manœuvre des banques centrales et sur les limites à la baisse des taux d’intérêt. Aujourd’hui les regards se tournent vers les gouvernements avec l’idée que des politiques budgétaires plus expansionnistes pourraient ou devraient accompagner les banques centrales. Cependant, les ratios d’endettement public des pays développés atteignent des niveaux jamais observés en temps de paix alors que les ratios d’endettement des pays émergents sont en hausse. Là, le débat se focalise sur la capacité des gouvernements à mener une relance budgétaire. AFFAISSEMENT DE LA CROISSANCE Depuis la crise financière de 2008-2009, les grandes banques centrales ont massivement baissé leurs taux directeurs et injecté des quantités inédites de liquidités dans le système financier afin, entre autres, de couper court au risque systémique, resolvabiliser les agents endettés et relancer la croissance via le crédit. Ces injections ont alimenté divers débats sur les effets potentiels de telles politiques, notamment sur les risques : trappe à liquidité, effets redistributifs avec hausse des inégalités, bulles financières voire hyperinflation à terme. Le débat porte aujourd’hui sur l’efficacité concrète des politiques monétaires dites « non conventionnelles » ainsi que sur les limites d’un environnement de taux durablement bas voire négatifs. L’économie mondiale lutte pour un nouveau souffle de croissance depuis le rebond post Lehman. Ce souffle semblait être retrouvé à partir de la fin de 2016 sous l’effet combiné de la reprise de l’investissement dans les pays développés, des effets d’un prix du pétrole moins cher, de la relance budgétaire américaine, de la relance chinoise et finalement, de la reprise du commerce mondial qui avait permis une accélération synchronisée de la croissance mondiale. Cet environnement validait les perspectives d’une normalisation des politiques monétaires. La Réserve Fédérale des Etats Unis avait commencé à relever graduellement son taux directeur fin 2015 ainsi qu’à réduire son bilan début 2018. De son côté, la BCE avait annoncé la fin de 7
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 son programme d’achat net de titres pour la fin 2018 et laissait entrevoir un début de hausse de taux pour 2019. Or la fin du cycle vertueux démarré en 2016 semble avoir eu lieu plus rapidement que prévu avec la montée des incertitudes politiques en Europe, la guerre commerciale entre les Etats Unis et la Chine et le Brexit. Le point d’inflexion des politiques monétaires a eu lieu à la fin 2018 dans un environnement de taux d’intérêt américains et de pétrole en hausse provoquant une baisse très marquée des prix d’actifs. Les banques centrales semblent donc piégées dans une situation dans laquelle l’efficacité du soutien monétaire à la croissance tend à s’éroder alors que le niveau élevé de valorisation d’actifs financiers rend une véritable normalisation dangereuse. Croissance faible malgré les taux bas Source : SG Etudes économiques et sectorielles Source : SG Etudes économiques et sectorielles Dans ce contexte, les politiques monétaires sont redevenues expansionnistes repoussant aux calendes les perspectives de normalisation. En zone euro notamment, la politique monétaire redevient expansionniste avant même d’avoir pu faire le moindre mouvement de normalisation. Les perspectives de baisse des taux directeurs en zone euro ont provoqué des réactions du président américain accusant la BCE de manipuler le taux de change. Ces débats autour de la guerre des monnaies sont particulièrement intenses dans le contexte actuel de tensions commerciales. Les marges de manœuvre de la politique monétaire semblent aujourd’hui réduites. LA PROVIDENCE FISCALE Dans son discours de politique monétaire du 12 septembre dernier, Mario Draghi, président de la BCE, a clairement appelé les gouvernements de la zone euro avec des marges de manœuvre à stimuler la demande par un soutien budgétaire. Ce discours faisait écho à son discours de Jackson Hole de 2014 où il mettait en garde contre les politiques budgétaires procycliques qui ont contribué à la crise de dettes souveraines démarrée en 2010. Depuis quelques temps aussi, l’ancien conseiller économique du FMI, Olivier Blanchard, entre autres, recommande aux 8
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 gouvernements de profiter de l’environnement de taux bas voire négatifs pour financer des programmes de relance. L’appui budgétaire pourrait cibler notamment la hausse de l’investissement public dans les domaines de l’environnement, du numérique et la R&D. MAIS LA QUESTION DE LA SOUTENABILITE DES DETTES DEMEURE D’autres voix comme le FMI dans son « Moniteur des finances publiques » d’avril dernier, mettent en garde contre un excès de confiance, notamment dans les pays développés, dans la mesure où l’environnement de taux bas n’a pas vocation à durer et que la hausse de l’endettement public augmente la vulnérabilité des pays à des hausses de coûts de financement si la perception des marchés sur la solvabilité des gouvernements venait à se détériorer. En effet, le niveau d’endettement public dans les pays développés est à des niveaux record, jamais observés en temps de paix même si le service de la dette est à des niveaux historiquement bas compte tenu du niveau des taux d’intérêt (c’est l’argument qui sous-tend les défenseurs des politiques de relance). En revanche, du côté des pays émergents, les ratios de dette publique sont plus faibles que pour les développés mais en hausse constante avec un service de la dette qui a eu tendance à augmenter. La question est de savoir pour combien de temps les taux d’intérêt vont il rester à ces niveaux-là dans le monde développé. Compte tenu de la difficulté devant laquelle se trouvent les banques centrales à normaliser leurs politiques non conventionnelles (faible croissance et dette élevée) l’environnement de taux bas risque de durer (c’est notre scénario central). Dans ce contexte, certaines voix s’élèvent, même si de manière plus marginale, pour recommander le financement direct des gouvernements par leurs banques centrales. On parle actuellement de « Modern Monetary Theory » (MMT) pour définir ce courant d’opinion qui attribue le monopole de la monnaie au souverain. L’idée derrière est que les bilans de la banque centrale et du gouvernement ne font qu’un et que le déficit public peut toujours se financer par la création monétaire. Il n’y aurait pas à se soucier excessivement de la solvabilité de l’Etat dans le cadre des expansions budgétaires. La politique budgétaire défini ainsi l’arbitrage entre inflation et chômage et la politique monétaire assure en permanence la solvabilité de l’Etat. Il s’agit là d’une inversion des fonctions des outils de politique économique actuels. En effet, la vision dominante est que le ciblage du couple optimal inflation/chômage doit être effectué par la politique monétaire alors que la politique budgétaire doit être en accompagnement tout en assurant le respect de la contrainte de solvabilité inter-temporelle de l’Etat. La MMT irait donc à l’encontre du credo développé dans les années 80 et qui préconisait l’indépendance des banques centrales pour combattre l’inflation. Le 9
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 dérapage inflationniste des années 70 avait fait apparaître les limites de la passivité des banques centrales dans le cadre d’un soutien trop importants de la croissance par les politiques macro-économiques. Néanmoins, aujourd’hui, la lutte contre l’inflation semble avoir été remportée et les grandes banques centrales des pays développés détiennent déjà une part importante des dettes publiques de leurs pays respectifs. Dans ce contexte, la MMT plaide en faveur d’un financement monétaire direct du déficit budgétaire. Sans aller jusque-là, de nombreuses questions restent en suspens comme l’impact de politiques économiques durablement expansionnistes sur les niveaux de dette globale (publique et privée), sur l’efficacité de ces politiques dans des économies ouvertes et avec des régimes de changes flexibles et potentiellement volatiles. Dans tous les cas, la question du soutien budgétaire se pose aujourd’hui et devrait demeurer au centre des débats. Dans notre scénario central, nous envisageons un léger soutien budgétaire sur l’horizon de prévision, essentiellement porté sur l’investissement public. Un effort plus important et synchronisé des politiques budgétaires pourrait nous amener à réviser nos prévisions à la hausse. Une relance par l’investissement correctement ciblée pourrait augmenter la croissance potentielle à moyen terme sans mettre a priori en danger les finances publiques. En revanche, une politique plus agressive de soutien à la consommation conduirait à une accélération à court terme mais n’aurait pas d’effet durable et conduirait à une croissance plus faible et des ratios de dette en hausse. Ratios de dette publique élevés ou en hausse Economies développées Economies émergentes 110 10 55 15 100 50 9 13 45 90 8 40 11 80 7 35 9 70 30 6 7 60 25 50 5 20 5 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2007 2009 2011 2013 2015 2017 Dette (% du PIB) Service de la dette (% des taxes, ech d) Dette (% du PIB) Service de la dette (% des taxes, ech d) Source : SG Etudes économiques et sectorielles Source : SG Etudes économiques et sectorielles 10
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 PREVISIONS ECONOMIQUES Croissance réelle du PIB (% GA) 2018 2019e 2020p 2021p 2022p Marchés développés 2,2 1,7 1,2 0,8 1,3 Etats-Unis 2,9 2,3 1,5 0,8 1,4 Japon 0,8 1,0 0,5 0,4 0,7 Royaume-Uni 1,4 0,9 0,2 0,5 1,5 Euro zone 1,9 1,1 0,7 0,4 1,0 Allemagne 1,5 0,6 0,5 0,2 0,9 France 1,7 1,4 0,8 0,7 1,1 Italie 0,7 0,1 -0,1 0,0 0,7 Espagne 2,6 2,1 1,1 0,7 1,2 Marchés émergents 4,5 4,1 4,5 4,4 4,4 Asie 6,0 5,6 5,5 5,4 5,3 Chine 6,6 6,2 5,8 5,5 5,2 Inde 6,8 6,0 6,4 6,3 6,6 Europe Centrale & Orientale 3,0 1,3 2,2 2,2 2,3 Russie 2,2 1,6 1,5 1,5 1,5 Turquie 2,6 -2,5 2,5 3,0 3,0 Amérique Latine 1,7 1,6 2,4 2,8 2,8 Brésil 1,1 1,3 2,0 2,2 2,1 Moyen-Orient & Asie Centrale 0,8 0,7 3,2 2,4 2,3 Afrique 3,4 3,6 3,8 3,8 4,1 Monde 3,7 3,2 3,3 3,1 3,3 Toutes les moyennes (régionales, classification économique) sont calculées en utilisant des PIB exprimés en parités de pouvoir d'achat (PPA), qui sont les taux de conversion monétaires qui égalisent le coût d’un panier de biens normalisé dans les différents pays. Indice des prix à la 2018 2019e 2020p 2021p 2022p consommation (% GA) Etats-Unis 2,5 2,0 2,1 1,7 2,1 Japon 1,0 0,9 1,6 0,5 0,5 Royaume-Uni 2,5 1,9 2,4 1,3 2,0 Euro zone 1,8 1,2 1,4 1,1 1,2 Allemagne 1,9 1,4 1,5 1,2 1,2 France 2,1 1,3 1,3 1,1 1,1 Italie 1,2 0,7 0,8 0,6 0,9 Espagne 1,7 0,9 1,4 1,1 1,3 Chine 2,1 2,5 2,5 2,0 2,1 11
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 fin de période 08/2019 2019p 2020p 2021p 2022p Taux d'intérêt, % États-Unis Taux objectif des Fed funds (borne haute) 2,25 1,75 1,00 0,25 0,25 Emprunts d'État à 10 ans 1,62 1,45 1,15 1,30 1,90 Zone euro Taux de refinancement 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 Taux de dépôt -0,40 -0,50 -0,60 -0,60 -0,60 Emprunts d'État à 10 ans Allemagne -0,63 -0,65 -0,60 -0,40 0,20 France -0,34 -0,30 -0,20 0,05 0,60 Italie 1,40 1,00 1,90 2,10 2,70 Espagne 0,16 0,15 0,35 0,60 1,10 Royaume-Uni Bank rate 0,75 0,75 0,50 0,50 0,50 Emprunts d'État à 10 ans 0,49 0,75 0,80 0,95 1,50 Japon Taux facilité de dépôt complémentaire -0,10 -0,07 -0,07 -0,07 -0,07 Emprunts d'État à 10 ans -0,23 0,00 0,00 0,00 0,00 Taux de change EUR / USD 1,11 1,10 1,10 1,10 1,15 EUR / GBP 0,92 0,95 0,95 0,90 0,90 GBP / USD 1,22 1,16 1,16 1,22 1,28 EUR / JPY 118,2 115,5 115,5 115,5 126,5 USD / JPY 106,2 105,0 105,0 105,0 110,0 USD / CNY 7,1 7,2 7,2 7,3 7,3 Prix pétroliers (Brent), USD/baril 59,8 65,0 65,0 65,0 65,0 12
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 ZONE EURO La croissance a fléchi à 1,1 % en 2019 et ralentira de nouveau en 2020- 2021 avant de repartir en 2022 Face à l’assombrissement des perspectives, la BCE a adopté des mesures de stimulus, dont la réactivation de ses achats nets d’actifs Les risques restent majoritairement baissiers. L’éventualité d’une relance budgétaire coordonnée est positive mais hautement incertaine. La croissance aura continué de ralentir en 2019, à 1,1 %, grevée par la décélération synchrone des exportations et de l’industrie. Les effets de bords sur l’économie domestique sont encore limités, mais seront plus mordants en 2020-2021, entraînant un nouvel affaiblissement de la croissance (qui tombera à 0,4 % en 2021) et une remontée du taux de chômage. Le freinage des exportations continuera en 2020-2021 avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, une croissance plus modérée de l’économie chinoise et le retournement cyclique attendu aux Etats-Unis. Les exports repartiront en 2022 grâce à la dissipation de l’incertitude liée au Brexit et au soutien des politiques économiques. Le fléchissement des exportations et de l’industrie aura des effets de bord sur le reste de l’économie en 2020-2021 Exportations de la zone euro Croissance du PIB par secteur en zone euro Volume, MM3m, GA, % Volume, GA, % 8 15 6 10 5 4 0 2 -5 0 -10 -2 -15 -20 -4 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2015 2016 2017 2018 2019 Total Total Etats-Unis Royaume-Uni Turquie Manufacturier Reste de l'UE28 Reste du monde Construction Chine Services Source: Refinitiv Datastream Source: Refinitiv Datastream Source : Eurostat, SG Etudes économiques et sectorielles Source : Eurostat, SG Etudes économiques et sectorielles Résiliente en 2019 grâce au dynamisme du marché du travail, une politique budgétaire légèrement expansionniste et la vive croissance du crédit, la demande intérieure marquera le pas en 2020-2021. Elle ne repartira que légèrement en 2022. Affectés par le fléchissement de leurs revenus et l’incertitude persistante, entreprises et ménages reporteront leurs dépenses d’investissement. La hausse du chômage pèsera sur la consommation qui poursuivra en 2020-2021 le ralentissement entamé en 2019. La demande publique restera globalement stable 13
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 sur l’horizon de prévision, reflétant l’orientation globalement expansionniste de la politique budgétaire. Avec le freinage de la demande globale, les entreprises répercuteront la modération des coûts salariaux unitaires sur leurs prix. Par conséquent, l’inflation sous-jacente ralentira sur l’horizon de prévision. Face à l’assombrissement des perspectives, la BCE a adopté en septembre un nouveau train de mesures. Elle a notamment abaissé son principal taux directeur de 10 pb à -0,50 % et annoncé la réactivation de son programme d’achat d’actifs, à hauteur de 20 mds EUR par mois à partir de novembre et pour une durée indéterminée. Un système de paliers sera mis en œuvre sur la rémunération des réserves excédentaires à partir de novembre pour limiter l’impact des taux négatifs sur le canal de transmission bancaire. Enfin, les conditions des TLTRO III ont été assouplies et leur maturité rallongée. Les risques entourant notre scénario sont majoritairement baissiers. En tête de liste, un Brexit sans accord constitue un risque significatif. La situation politique en Italie demeure une source majeure d’incertitude et la tenue d’élections anticipées en 2020 est un scénario qui ne peut être écarté. L’industrie (allemande notamment) souffrirait fortement d’un rehaussement des tarifs douaniers sur les importations américaines de véhicules. A l’inverse, une relance budgétaire coordonnée au sein de l’Union monétaire améliorerait les perspectives de croissance. L’éventualité d’un tel scénario reste toutefois très incertaine. Zone euro 2018 2019p 2020p 2021p 2022p PIB en volume, % GA 1,9 1,1 0,7 0,4 1,0 Consommation des ménages 1,3 1,2 0,9 0,6 0,7 Consommation publique 1,0 1,2 1,2 1,3 1,3 Investissement 2,0 2,4 0,6 0,1 0,9 Exportations de biens & services 3,4 2,3 1,5 0,3 2,1 Importations de biens & services 2,6 2,7 2,1 0,9 2,0 Inflation, % 1,8 1,2 1,4 1,1 1,2 Inflation sous-jacente 1,0 1,0 1,1 0,8 0,7 Revenu disponible brut (RDB) en volume, % GA 1,6 2,2 1,3 1,1 1,1 Epargne des ménages, % du RDB 11,9 13,0 13,3 13,7 14,0 Chômage, % de la population active 8,2 7,7 7,8 8,1 8,2 Solde budgétaire, % du PIB -0,5 -0,3 -0,6 -1,0 -1,1 Dette publique, % du PIB 85,3 84,4 83,9 84,5 84,8 Solde courant, % du PIB 2,9 2,5 2,2 2,0 1,9 14
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 ALLEMAGNE La croissance freinera en 2019-2021, avant de repartir en 2022 grâce au rebond des exportations. Avec l’affaiblissement de la demande globale, l’inflation sous-jacente décélérera sur l’horizon de prévision. Un Brexit sans accord et une guerre commerciale dans le secteur automobile constitue le principal risque baissier à notre scénario. Après avoir fortement ralenti en 2018, la croissance glissera sous son potentiel en 2019, à 0,6 %, grevée par une nouvelle décélération des exportations et le déstockage des constructeurs automobiles. En 2020-2021, la transmission du ralentissement global à l’économie domestique amplifiera le freinage de la croissance et provoquera une remontée du taux de chômage. En 2020-2021, la décélération du commerce mondial et de la production manufacturière globale sera accentuée par la sortie du Royaume-Uni de l’UE, une croissance plus modérée en Chine et le retournement cyclique attendu aux Etats- Unis. Les exportations, en fort ralentissement en 2019, se contracteront à cet horizon avant de repartir en 2022 sous l’effet du stimulus américain. Les difficultés de l’industrie, très orientée à l’export, se transmettent à l’économie Source : Refinitiv, SG Etudes économiques et sectorielles Source : Refinitiv, SG Etudes économiques et sectorielles La demande intérieure restera vigoureuse en 2019, avant de marquer le pas en 2020- 2021. L’économie est au plein-emploi et le partage du revenu se fait dorénavant en faveur des ménages. La consommation privée sera ainsi restée dynamique en 2019. Toutefois, le recul des exportations et les difficultés de l’industrie se répercuteront progressivement sur l’économie domestique, notamment par le canal de l’emploi. Avec la hausse du chômage et le tassement du revenu des ménages, la consommation privée perdrait ainsi en vigueur en 2020-2021. 15
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 Stable en 2019, la croissance de l’investissement freinera fortement en 2020 avant de se contracter en 2021. Le recul de la profitabilité et de la demande, dans un contexte d’incertitude forte, conduira les entreprises à reporter leurs dépenses. Du côté des ménages, l’ajustement sur le marché du travail devrait modérer l’investissement résidentiel. Enfin, même s’il restera dynamique, l’investissement public ne compensera qu’en partie le recul de l’investissement privé, qui ne repartira pas avant 2022. Avec le ralentissement de la demande globale, il sera difficile pour les entreprises d’augmenter leurs prix, même si les pressions salariales resteront vives en 2019- 2020. Par conséquent, l’inflation sous-jacente ralentira sur l’horizon de prévision. Les risques entourant notre scénario sont nombreux. A court terme, un Brexit sans accord et le rehaussement par les Etats-Unis des tarifs douaniers sur leurs importations de véhicules pèserait lourdement sur la filière automobile, déjà en difficulté depuis 2018. A l’inverse, le débat grandissant sur le bien-fondé d’une relance budgétaire constitue un risque haussier à notre scénario. Son avènement reste néanmoins hautement incertain. Allemagne 2018 2019p 2020p 2021p 2022p PIB en volume, % GA 1,5 0,6 0,5 0,2 0,9 Consommation des ménages 1,2 1,4 0,8 0,4 0,7 Consommation publique 1,4 2,0 1,5 1,3 1,2 Investissement 3,5 3,0 0,6 -0,1 1,1 Exportations de biens & services 2,3 0,9 -0,4 -0,1 1,8 Importations de biens & services 3,7 2,6 0,5 0,5 1,9 Inflation, % 1,9 1,4 1,5 1,2 1,2 Inflation sous-jacente 1,3 1,2 1,1 0,9 0,8 Revenu disponible brut (RDB) en volume, % GA 1,9 1,7 1,4 -0,1 0,2 Epargne des ménages, % du RDB 11,0 11,3 11,8 11,3 10,9 Chômage, % de la population active 5,2 5,1 5,7 6,2 6,6 Solde budgétaire, % du PIB 1,5 1,0 0,5 -0,4 -0,6 Dette publique, % du PIB 61,1 59,1 58,2 58,2 58,2 Solde courant, % du PIB 7,6 6,8 6,2 5,6 5,0 16
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 FRANCE La croissance décélérera à 1,4 % en 2019 avant de ralentir davantage en 2020-2021 et rebondir en 2022 L’inflation sous-jacente fléchira sur l’horizon de prévision, reflétant la décélération des coûts salariaux unitaires Un regain de tensions sociales en réaction aux réformes à venir grèverait davantage la demande intérieure La croissance aura poursuivi sa décélération en 2019, à 1,4 %, sous l’effet d’exportations moins vigoureuses et du freinage de l’investissement des ménages. En 2020-2021, les effets de bord du ralentissement mondial sur l’économie domestique et les délocalisations dans le secteur automobile grèveront davantage la croissance, qui tombera à 0,7 % en 2021. L’activité repartira en 2022, tirée par le rebond du commerce mondial et l’assouplissement des politiques économiques. La dynamique du commerce extérieur se dégradera jusqu’en 2021. Un freinage des exportations est attendu en 2020-2021, dans le sillage de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, de l’affaiblissement de l’économie allemande et du retournement cyclique aux Etats-Unis. En parallèle, l’arrêt de la production par les constructeurs français de plusieurs modèles automobiles dopera les importations de véhicules en 2020. Ce n’est qu’en 2022 que les exportations repartiraient, soutenues par la reprise progressive du commerce mondial. Le fléchissement de la demande extérieure et de la production automobile pèsera sur la croissance en 2020-2021 Exportations par destination Production automobile Valeur, MM3m, T/T, % 60 3 5 4 40 2 3 2 20 1 1 0 0 0 -1 -2 -20 -1 -3 -4 -40 -2 2017 2018 2019 Total Etats-Unis -60 -3 Zone euro Chine et Hong-Kong 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 Reste de l'UE, hors RU Reste de l'Asie Production automobile (% GA, éch. g) Royaume-Uni Suisse Tendance récente de la production (enquête INSEE, normalisée) Source: Refinitiv Datastream Source: Refinitiv Datastream Source : INSEE, SG Etudes économiques et sectorielles Source : INSEE, SG Etudes économiques et sectorielles Le fléchissement de la demande extérieure aura des effets de bord sur l’économie domestique dès 2020, via l’emploi et l’investissement. Ce dernier marquera assez rapidement le pas, notamment celui des entreprises, qui se contractera en 2021. L’investissement en logement des ménages restera atone, particulièrement si le recentrage des mécanismes de soutien public (Pinel, prêts à taux zéro…) se poursuit. 17
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 L’emploi freinera également dès 2020, contribuant à la remontée du taux de chômage. La consommation des ménages se montrera résiliente dans un premier temps, soutenue par les mesures socio-fiscales adoptées dans le sillage du mouvement des gilets jaunes. Mais avec la dégradation des conditions sur le marché du travail (le chômage avoisinera 9,5 % en 2022), les ménages ralentiront leurs dépenses en 2021-2022. La consommation publique compensera en partie les effets sur l’activité, le gouvernement exploitant des conditions de financement très favorables en 2021-2022. Avec l’affaiblissement de la demande globale et de la dynamique des coût salariaux unitaires, les entreprises modéreront leurs prix de vente. L’inflation sous-jacente diminuera donc sur l’horizon de prévision. Avec la relance budgétaire attendue en 2021-2020 et la déviation du PIB de sa trajectoire tendancielle, le déficit public se creusera pour atteindre 4 % en creux de cycle. Le ratio de dette publique passerait ainsi au-dessus du seuil des 100 % sur l’horizon de prévision. Les risques sur notre scénario restent majoritairement baissiers. Notamment, la demande intérieure pourrait de nouveau pâtir d’un regain de tensions sociales en réaction à la réforme des retraites et de l’assurance-chômage. Par ailleurs, la filière automobile souffrirait certainement de mesures protectionnistes américaines à l’égard du secteur. En revanche, la consommation pourrait surprendre à la hausse, les ménages ayant jusqu’à présent épargné une partie du revenu libéré par les mesures socio-fiscales du gouvernement. France 2018 2019p 2020p 2021p 2022p PIB en volume, % GA 1,7 1,4 0,8 0,7 1,1 Consommation des ménages 0,9 1,2 1,0 0,7 0,7 Consommation publique 0,8 0,9 1,2 2,2 2,2 Investissement 2,8 2,6 1,2 0,3 1,0 Exportations de biens & services 3,5 2,6 2,3 0,6 3,2 Importations de biens & services 1,2 2,5 3,0 1,6 2,9 Inflation, % 2,1 1,3 1,3 1,1 1,1 Inflation sous-jacente 0,9 0,6 1,0 0,8 0,8 Revenu disponible brut (RDB) en volume, % GA 2,7 3,6 2,4 1,4 1,4 Epargne des ménages, % du RDB 14,2 15,1 15,2 15,0 14,9 Chômage, % de la population active 8,8 8,2 8,6 9,2 9,6 Solde budgétaire, % du PIB -2,5 -3,2 -2,6 -4,0 -4,1 Dette publique, % du PIB 98,4 98,9 99,4 101,8 103,8 Solde courant, % du PIB -0,6 -1,2 -1,2 -1,2 -1,1 18
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 ITALIE Le PIB se contracterait légèrement en 2020 et stagnerait 2021, affecté par l’incertitude politique et le ralentissement mondial Le déficit budgétaire, stable en 2019, se dégraderait en 2020 du fait de mesures fiscales expansionnistes et de la contraction du PIB La situation politique reste très instable et de nouvelles élections sont probables en 2020 L'économie italienne a stagné au T2 et l’on attend une croissance nulle pour les 2 prochaines années. En 2019, le commerce extérieur a fortement contribué à la croissance, tandis que la demande intérieure pâtit d’un fort déstockage. En 2020 et 2021, la demande externe serait beaucoup plus faible du fait de la concrétisation du Brexit et de l’intensification des tensions commerciales au niveau mondial. Le PIB italien se redresserait en 2022 à 0,7 % avec la reprise du cycle européen. La demande intérieure resterait atone sur les deux prochaines années. Le cycle d’investissement prendrait fin à la fois pour des raisons d’offre et de demande. Côté offre, les entreprises seraient bridées par de faibles taux de marge dans un contexte où le taux d’utilisation des capacités de production a commencé à baisser. Et côté demande, le climat des affaires resterait dégradé du fait de l’instabilité politique, avec un risque élevé de nouvelles élections en 2020. L’investissement en biens d’équipement se contracterait sur les deux prochaines années tandis que l’activité serait atone dans le secteur de la construction. Le commerce de détail résiste L’investissement se contracte Source : Refinitiv, SG Etudes économiques et sectorielles Source : Refinitf, SG Etudes économiques et sectorielles En 2020 et 2021, la consommation des ménages resterait positive mais ne soutiendrait que très faiblement la croissance. Les ménages pâtiraient d’une hausse du chômage (de 10,3 % en 2019 à 12,1 % en 2022), mais le revenu disponible continuerait de progresser grâce à une légère hausse des salaires. Celle-ci serait néanmoins à peine suffisante pour compenser la hausse des prix et le pouvoir d’achat des ménages stagnerait. Le taux d’épargne, qui a sensiblement progressé en 19
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 2019, baisserait légèrement en 2020 et se stabiliserait en 2021. En 2022, la consommation des ménages progresserait un peu plus rapidement grâce à la légère hausse du pouvoir d’achat. Côté finances publiques, le déficit budgétaire pour 2019 serait moins dégradé qu’anticipé, bénéficiant notamment de meilleures rentrées fiscales suite au passage à la facturation électronique pour la TVA au 1er janvier et la détente des taux longs au S2-2019. De 2,2 % en 2019, le déficit se dégraderait à 2,7 % en 2020 et serait proche de 3 % en 2021 et 2022. Dans ce contexte, la dette publique attendrait 136 % du PIB en 2021 contre 132 % en 2018. La politique budgétaire garderait un caractère expansionniste en 2020, avec une impulsion légèrement moindre que celle anticipée avant le changement de gouvernement, grâce à un probable retour en arrière sur le quota 100 pour les retraites et une réforme fiscale moins coûteuse que la flat tax. Le nouveau gouvernement (Conte II) s’est engagé à annuler la hausse automatique de la TVA (de 22 % à 25 %) qui interviendrait au 1er janvier 2020 en l’absence de mesures budgétaires compensatoires, estimées à 15 Mds€. La préparation du projet de budget qui doit être envoyé à Bruxelles avant le 15 octobre comporte un risque de tensions importantes au sein de la nouvelle coalition entre le Parti démocrate et le Mouvement 5 étoiles, qui pourraient se matérialiser en 2020 et donner lieu à de nouvelles élections. Les tensions pourraient également résulter de la dégradation des perspectives de croissance qui pèsera sur les recettes publiques et compliquera la tâche du gouvernement. Si le spread italien a perdu près de 100bp entre juin et septembre, nous anticipons un retour à 250bp au cours de l’année 2020 du fait de la détérioration des finances publiques et de l’instabilité politique. En effet, le risque d’avoir aux prochaines élections (au plus tard en 2023) un gouvernement d’extrême droite avec une forte composante eurosceptique reste élevé. Italy 2018 2019p 2020p 2021p 2022p PIB en volume, % GA 0,7 0,1 -0,1 0,0 0,7 Consommation des ménages 0,6 0,4 0,3 0,3 0,5 Consommation publique 0,2 0,1 0,4 0,1 0,1 Investissement 3,2 1,8 -1,9 -0,9 0,7 Exportations de biens & services 1,4 3,2 1,7 0,1 1,6 Importations de biens & services 1,8 1,3 1,9 0,3 1,0 Inflation, % 1,2 0,7 0,8 0,6 0,9 Revenu disponible brut (RDB) en volume, % GA 0,7 1,0 0,1 0,4 0,7 Epargne des ménages, % du RDB 9,8 10,3 10,1 10,1 10,3 Chômage, % de la population active 10,6 10,2 11,2 11,9 12,1 Solde budgétaire, % du PIB -2,1 -2,2 -2,7 -2,9 -2,9 Dette publique, % du PIB 132,2 133,2 134,8 136,3 136,7 Solde courant, % du PIB 2,5 3,1 3,0 3,0 3,2 20
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 ESPAGNE Après cinq ans de fort dynamisme, la croissance ralentirait à 1,1 % en 2020 et 0,7 % en 2021 L’inflation serait contenue en 2019 et 2020 malgré la hausse du salaire minimum Le paysage politique est très fragmenté et de nouvelles élections auront lieu le 10 novembre L’économie espagnole est restée très dynamique au premier semestre, bénéficiant notamment d’un rebond du commerce extérieur. Le PIB devrait néanmoins ralentir à 2,1 % cette année, puis 1,1 % en 2020 et 0,7 % en 2021. L’économie espagnole pâtirait du ralentissement de la croissance en zone euro et des conséquences du Brexit, notamment sur le secteur touristique, avant de rebondir en 2022 à 1,2 %. La demande interne serait toujours le moteur principal de l’économie alors que les tensions commerciales pèseraient sur les exportations. La consommation des ménages ralentirait dès 2019 après plusieurs années de forte croissance, et ce malgré la hausse du salaire minimum. En effet, les ménages espagnols ont largement puisé dans leur épargne ces dernières années – notamment pour financier l’achat de voitures et de biens durables – et profiteraient d’un regain de pouvoir d’achat en 2019 pour redresser leur taux d’épargne. Le taux de chômage toucherait son point bas à 14,1 % en 2019, proche de son niveau structurel, puis progresserait à partir de 2020 avec le retournement du cycle de croissance. Il atteindrait plus de 15 % en 2022. Soutien du commerce extérieur au S1 Le taux de marge se dégrade Source : Refinitiv, SG Etudes économiques et sectorielles Source : Refinitiv, SG Etudes économiques et sectorielles L’investissement ralentirait sensiblement dès 2020 après six années de forte progression, sur fond d’incertitude liée au Brexit et aux tensions politiques en Italie. Enfin, la hausse des salaires proches du salaire minimum va continuer à éroder les marges des entreprises et peser sur leurs capacités d’autofinancement. L’activité dans le secteur de la construction serait également moins dynamique, après trois 21
ScénarioÉco N° 36 | septembre 19 années de forte croissance de l’investissement. La délivrance de nouveaux permis de construire stagne déjà depuis un an. Le Brexit aurait un impact non négligeable sur l’économie de la péninsule. Le Royaume-Uni est le quatrième marché d’exportation pour les produits espagnols, principalement dans le secteur des transports (automobile, trains et aéronautique) et de l’alimentaire (fruits et légumes). L’enjeu est de taille également pour le secteur touristique puisque le pays a accueilli l’an dernier 16 millions de visiteurs britanniques (premier marché). Enfin, il pourrait y avoir un impact migratoire important : on estime entre 800,000 et 1 million le nombre de britanniques qui vivent au moins une partie de l’année en Espagne. Ce sont principalement des personnes retraitées sensibles à la question de l’accès aux soins médicaux qui pourrait être rendu plus difficile après le Brexit. Malgré une large victoire du PSOE aux élections du 28 avril, Pedro Sanchez n’a pas réussi à mettre en place un gouvernement de coalition, qui aurait nécessité l’appui de Podemos et des nationalistes basques, ainsi que l’abstention des catalans. La position de Podemos sur le conflit catalan, partisans d’un referendum d’auto- détermination, a constitué un facteur bloquant et les tensions sont susceptibles de s’accroître à l’automne avec le verdict attendu de la Cour Suprême dans le procès des indépendantistes. Les espagnols retourneront donc aux urnes le 10 novembre 2019, pour la quatrième fois en seulement cinq ans. Le déficit public est revenu sous la barre des 3 % du PIB en 2018, alors qu’il était encore à 10,5 % en 2012. La politique budgétaire resterait globalement neutre en l’absence de mesures de relance majeures et le déficit se stabiliserait autour de 2,5 % du PIB à l’horizon de notre prévision. La dette publique baisserait légèrement en 2019 et 2020 à 96 % du PIB et retrouverait en 2022 son niveau de 2018 (97 % du PIB). Espagne 2018 2019p 2020p 2021p 2022p PIB en volume, % GA 2,6 2,1 1,1 0,7 1,2 Consommation des ménages 2,3 1,6 1,3 0,9 1,1 Consommation publique 2,1 1,8 1,5 1,2 1,2 Investissement 5,3 2,4 0,4 0,2 1,1 Exportations de biens & services 2,3 1,7 1,5 0,3 1,9 Importations de biens & services 3,5 0,7 1,7 0,5 1,5 Inflation, % 1,7 0,9 1,4 1,1 1,3 Revenu disponible brut (RDB) en volume, % GA 1,7 2,6 1,5 0,9 1,3 Epargne des ménages, % du RDB 6,6 7,5 7,6 7,7 7,9 Chômage, % de la population active 15,3 14,1 14,4 15,1 15,4 Solde budgétaire, % du PIB -2,5 -2,1 -2,2 -2,5 -2,5 Dette publique, % du PIB 97,1 96,3 96,2 97,0 97,1 Solde courant, % du PIB 0,9 0,7 0,7 0,6 0,8 22
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