2016 LA RECHERCHE AU MUSÉE DU LOUVRE - HORS-SÉRIE - Le Journal du Louvre
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SOMMAIRE Le Journal du Louvre LA RECHERCHE 20 AU MUSÉE DU LOUVRE 2016 DESSINS Edme Bouchardon HORS-SÉRIE (1698-1762) Tête d’ange [détail] Vers 1724-1725, sanguine. 4 Avant-propos du président-directeur du musée du Louvre Inv. 24212 recto. 6 Rencontre avec Salvatore Settis, président du conseil scientifique 28 DIX PROJETS DE RECHERCHE CÉRAMIQUE DE SUSE Boisseau à décor d’arceaux et de soleils [détail] ÉTUDES MUSÉALES Suse I (4200-3800 av. J.-C.), prov. nécropole du tell de l’Acropole, terre cuite peinte. LES PUBLICS Sb 3146. Fouilles Jacques de Morgan. 10 Quelle valeur socio-économique du Louvre sur son territoire? A nne K rebs ÉTUDES DES COLLECTIONS 40 ARTISTES 20 L’œuvre dessiné d’Edme Bouchardon (1698-1762) Juliette trey CARREAUX IRANIENS Carreau de revêtement, prov. Damghan (?), Iran, céramique CONTEXTE ET PROVENANCE à décor de lustre métallique, 28 Les temps protohistoriques de Susiane (Iran). diam. 20 cm. OA 6319.9. Nouvelles études sur la céramique de Suse Legs C. Piet-Lataudrie, 1909. Fr Ançois bridey 40 Les carreaux iraniens à décor de lustre métallique des xiiie et xiv e siècles : « Medieval Kâshi Project » 50 CORPUS delphine M iroudot ICONOGRAPHIE MÉROÏTIQUE Gobelet peint de cobras protecteurs uræus 50 Le Répertoire d’iconographie méroïtique (RIM) coiffés du disque solaire vincent rondot ier- iiie siècle apr. J.-C., prov. Méroé (ville), terre cuite. AF 12839. CATALOGUE 62 Les peintures italiennes du xviiie siècle stéphAne l oire PHILOLOGIE 62 72 Les manuscrits de Delacroix doMinique de Font-r éAulx PEINTURES ITALIENNES FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES Francesco Guardi (1712-1793) 80 Les colonies grecques de mer Noire. Missions archéologiques Le Doge de Venise sur le Bucentaure, à San en Roumanie et en Bulgarie Nicolò di Lido, le jour de l’Ascension [détail]. A lexAndre bAr Alis Vers 1775-1780, huile sur toile. INV 319. Saisie révolutionnaire de la collection du comte de Pestre de Seneffe, 1797. ÉTUDES DES MATÉRIAUX ET TECHNIQUES MATÉRIAUX 100 90 L’utilisation de l’albâtre dans la sculpture française entre le xiv e et le xvie siècle p ierre-yves le pogAM VERRES VÉNITIENS Gobelet sur pied orné de deux portraits [détail] TECHNIQUES DE CRÉATION Fin du xve – début du xvie siècle (?), prov. Venise, verre bleu transparent, émaux polychromes, or. 100 CRISTALLO. Recherche sur les verres émaillés et dorés OA 7562. Legs baronne Salomon vénitiens de la Renaissance de Rothschild, 1922. Fr Ançoise bArbe et isAbelle biron 3
AVANT-PROPOS LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE AU LOUVRE par Jean-Luc Martinez — P r ésiden t -dir ecteur du musée du L ou v r e d ir ecteur de L a PubLication Plus grand musée du monde, le Louvre est aussi Lieu de recherche depuis sa création, le musée base de ces trois axes, le musée, toujours avec un important lieu de recherche scientifique. Dès du Louvre a appris à mieux formaliser sa poli- l’aide de son conseil scientifique, a sélectionné ma prise de fonctions, j’ai voulu réaffirmer cette tique de la recherche sous l’influence du modèle plus de deux cents projets de recherche, soit vocation, qui figure à l’article 2 du décret du académique et en raison de l’obligation qui est deux fois plus qu’il y a sept ans. Ces projets, de 22 décembre 1992, en répondant aux questions la nôtre de définir des programmes. Mon prédé- natures très différentes, affichent une ambition suivantes : quelle est, au xxie siècle, la responsa- cesseur, Henri Loyrette, dont je salue l’heureuse commune : celle de documenter les collections bilité du Louvre vis-à-vis de la communauté initiative, avait ainsi créé un premier conseil du Louvre, en les reliant à leurs origines phy- scientifique ? Comment définir la spécificité de scientifique et fait adopter un premier plan de la siques, historiques et géographiques, celle aussi sa recherche ? Comment rendre à celle-ci cohé- recherche au musée du Louvre pour les années de faire du Louvre un lieu de réflexion sur les rence et visibilité ? Avec l’aide des chefs de 2010-2015. Grâce à l’aide de son conseil scienti- missions et enjeux d’un musée au xxie siècle. départements et de la nouvelle direction de la fique, dont je remercie le président, M. Salvatore Si l’inauguration, le 5 juillet 2016, du Recherche et des Collections, nous croyons Settis, ainsi que les membres anciens et plus Centre Dominique-Vivant Denon inscrit expositions du Louvre et du musée national le L ouv re condu it, ma is ce nouveau Le Centre Dominique-Vivant Denon, inauguré avoir formulé une réponse pertinente pour ins- récents, le Louvre a publié en 2016 son deuxième « physiquement » dans ses murs l’ambition Eugène-Delacroix ainsi que les grands événe- rendez-vous sera l’occasion pour les chercheurs le 5 juillet 2016. Il est situé au deuxième étage de la cour Carrée, du côté de la porte des Arts, crire la recherche au Louvre au sein d’un réseau plan de recherche pour les années 2016-2020. scientifique du Louvre, l’autre enjeu essentiel ments de la vie du musée font l’objet d’un cata- de rendre compte eux-mêmes chaque année de à la place de l’ancienne Bibliothèque centrale des français et international. Il nous est apparu fon- Ce document stratégique, qui s’inscrit en cohé- concerne la diffusion des connaissances que ses logue. D’autres publications, comme les titres de dix projets présentés au conseil scientifique du musées nationaux (lire Grande Galerie nos 35 et 37). damental, en effet, d’articuler la recherche sur rence avec son projet scientifique et culturel, chercheurs produisent. Au Louvre, comme la collection «Solo», les ouvrages édités hors col- Louvre, qui offrent un aperçu fidèle de la diver- Contact : centre-vivant-denon@louvre.fr les collections, menée par les départements de détermine trois axes de recherche prioritaires : dans tous les musées, la recherche est bien sûr lection ou les catalogues sommaires et raisonnés, sité et de la richesse de l’activité scientifique du conservation désormais tous dotés d’un service les études muséales, qui traitent des questions d’abord visible dans l’accrochage des collec- permettent de rassembler des connaissances musée. Tout en garantissant un haut degré de d’études et de documentation équipé d’une relatives à l’histoire des collections, des musées, tions permanentes comme dans la politique actualisées sur les collections. À ces ouvrages rigueur et d’exigence, la ligne éditoriale et la bibliothèque de proximité, avec la recherche sur des présentations ainsi que de l’art des jardins d’expositions temporaires, tant il est vrai que j’ai voulu ajouter une autre publication, plus mise en page dynamique de ce hors-série en le palais, les jardins et le musée, dont la coordi- et de la connaissance du public ; l’étude des col- la recherche appliquée aux collections s’ex- souple et synthétique, pour rendre compte de assureront, je l’espère, une diffusion aussi large nation est confiée à la direction de la Recherche lections, qui regroupe les recherches sur les prime d’abord en montrant les œuvres, en les l’actualité de la recherche au Louvre. Après les que possible auprès de la communauté scienti- et des Collections. Cela permet d’offrir à la com- artistes, les ateliers et les écoles, le contexte et classant et donc en les étudiant. Pour autant, bulletins La Recherche au musée du Louvre, fique et du public amateur. munauté des chercheurs deux entrées possibles la provenance, les corpus d’œuvres et les cata- le Louvre peut compter sur d’autres outils de publiés de 2010 à 2014 mais peu diffusés, j’ai Magazine d’information scientifique, ce dans les champs d’étude sur le Louvre, en com- logues de collections, l’épigraphie et la philolo- diffusion : la programmation de l’Auditorium, souhaité qu’elle prenne la forme d’un hors-série hors-série est aussi un outil au service des cher- plément des programmes sur la matérialité et gie, et les fouilles ; enfin l’étude des matériaux l’organisation de journées d’étude, le site du magazine Grande Galerie, le Journal cheurs, destiné à les aider à relayer l’action les techniques des œuvres menés avec les labo- et des techniques qui, s’appuyant sur les analyses internet du musée ou encore l’ambitieuse du Louvre, une manière de signif ier que scientifique du musée auprès de leurs collègues ratoires dépendants du ministère de la Culture physiques et chimiques conduites par notre prin- politique d’édition attestent la présence perma- chaque grand événement du musée – exposition, et partenaires, en complément du plan de la et de la Communication (C2R MF, LR MH, cipal partenaire en la matière, le C2RMF, porte nente de la recherche dans la vie du musée. rénovation de salle, restauration – se fonde sur recherche au musée du Louvre. Il offre en outre IPANEMA, entre autres), et de ceux conduits sur la conservation préventive, la compréhension Le musée peut notamment compter sur la qua- un travail scientifique de longue haleine. Son une tribune supplémentaire à celles et ceux qui, par nos partenaires naturels au sein du ministère matérielle des œuvres ainsi que les recherches lité de ses éditions, dont la moitié des publica- format ne permet certes pas de rendre compte souvent dans l’ombre, écrivent la passionnante que sont l’École du Louvre et l’INHA. appliquées à la restauration des dessins. Sur la tions s’adresse au public scientif ique. Les de la totalité des quelque deux cents projets que histoire du Louvre. 4 5
ENTRETIEN AVEC SALVATORE SETTIS Page de droite Vue d’une salle de l’exposition «Edme Bouchardon (1698-1762). Une idée du beau» (du 14 septembre au 5 décembre 2016 au Louvre, puis du 10 janvier au 2 avril 2017 au J. Paul Getty Museum de Los Angeles) avec, au premier plan, L’Amour se faisant un arc de la massue d’Hercule 1750, marbre, 173 x 75 cm. Coll. musée du Louvre. « J’ai toujours pensé qu’un musée comme le Louvre était forcément un haut lieu de la recherche » r encontr e av ec le professeur s a lvator e s et tis , pr ésident du conseil scientifique propos r ecueillis pa r M a r ie c l a ir e G uill a r d -l e B our dellès Salvatore Settis préside le conseil scientifique du Louvre depuis sa création en 2011. Il revient sur son rôle à la tête de ce conseil et l’évolution de la politique de recherche au cours des six dernières années. l’observation d’une œuvre moins éloignée dans Après avoir quitté ce poste en 2010, j’ai occupé l’histoire dont elles sont un condensé. Lorsque, musée du Louvre, notamment au cours de mon avec chacun d’eux les potentialités qu’offre un le temps, comme La Tempête de Giorgione ou pendant un an la chaire du musée du Prado – là comme moi, on a passé sa vie de chercheur à année d’enseignement à la IVe section de conseil scientifique comme le nôtre, mais aussi encore les vidéos de Bill Viola? aussi une expérience d’«immersion» dans la vie l’université ou en institut de recherche, on peut l’École pratique des hautes études (1992- ses limites, et j’ai fait de mon mieux pour qu’il Je n’ai jamais occupé de poste pérenne dans d’un grand musée. Toutefois, la présidence du très bien (c’est même indispensable) adopter une 1993), j’ai toujours pensé qu’un musée comme soit utile à la vie du musée. Bien évidemment, un musée, mais j’ai passé beaucoup de temps à conseil scientifique du musée du Louvre, en plus démarche comparable à la mienne et se rappro- le Louvre, aux dimensions et aux ambitions un conseil scientifique n’a pas vocation à se subs- les visiter et à discuter avec celles et ceux qui y d’être un grand privilège, reste pour moi la meil- cher de la recherche dans les musées; de la même exceptionnelles, était forcément un haut lieu de tituer, ne serait-ce qu’en partie, au bouillonne- travaillent afin de comprendre leur mode de leure occasion de réfléchir sur ces sujets. manière, on peut travailler dans un musée tout la recherche, mais je ne m’étais jamais posé la ment quotidien d’une institution aussi complexe fonctionnement. À certaines périodes de ma car- en portant un vif intérêt aux questions théo- question cruciale qui allait ensuite, au sein du que le Louvre; il est important d’avoir conscience rière, j’ai été en contact plus étroit avec le travail On oppose souvent recherche académique ou riques. Il est tout à fait possible d’aborder les conseil scientifique, engendrer de passion- de cette limite, qui correspond à une réalité. quotidien de grands musées. De 1994 à 1999, universitaire et recherche ou étude des œuvres problèmes théoriques à travers l’étude de cas nantes discussions : comment créer un f il En revanche, dans les musées comme dans les Dans un premier temps, pouvez-vous nous j’ai dirigé le Getty Research Institute de Los dans les musées. Quelles sont pour vous les concrets et de « faire parler » les œuvres égale- conducteur entre les divers projets de recherche instituts de recherche, un conseil scientifique rappeler votre parcours et notamment votre Angeles, une entité distincte du J. Paul Getty spécificités de chacune de ces recherches et ment sous l’angle méthodologique ou théorique. menés par de nombreux acteurs, tout en pré- composé de membres extérieurs à l’institution connaissance du monde des musées? Museum mais très proche d’un point de vue à la comment s’enrichissent-elles mutuellement? Reste toutefois une différence de taille: les cher- servant, dans une certaine mesure, l’indépen- peut, par définition, proposer à ceux qui y tra- Salvatore Settis: J’ai toujours travaillé au sein fois topographique et institutionnel. Cette expé- S. S. : Cette opposition était particulièrement cheurs universitaires peuvent en général choisir dance et l’autonomie de chacun ? Pour illustrer vaillent tous les jours un regard extérieur sur d’universités et d’instituts de recherche. J’ai com- rience m’a été très utile car elle m’a donné à réflé- vivace aux États-Unis à l’époque où je travaillais librement leur objet d’étude (même si une auto- ma pensée par une métaphore tirée de l’opera leur mission ; il s’agira sans doute d’un regard mencé par me former à la philologie classique, chir sur les convergences et les écarts entre la au Getty. Une opinion largement partagée, que risation est nécessaire pour observer de près une seria, je voyais alors la recherche menée au plus naïf et moins au fait des détails, mais aussi à l’histoire antique et à l’archéologie grecque et recherche dans les musées et celle qui a lieu dans je qualifierais volontiers de «superstition», vou- sculpture ou une peinture et la « toucher du musée du Louvre comme une série d’arias et plus libre de faire émerger des questions que la romaine, avant de m’intéresser à d’autres sujets les milieux académiques ou dans les instituts de lait que la recherche académique ait une vocation doigt»), tandis que la recherche dans les musées de récitatifs, avec quelques duos et quelques force des habitudes aurait reléguées à la marge. de recherche, d’abord à l’histoire de la tradition recherche comme celui que je dirigeais alors. « théorique », tandis que la recherche dans les est souvent orientée par les impératifs de conser- quatuors, mais sans les chœurs. Au cours de ma carrière, j’ai été membre de classique, puis, de plus en plus, à l’histoire de l’art. Pendant des périodes plus brèves mais tout aussi musées aurait une portée éminemment « pra- vation, les nouvelles installations, les expositions plusieurs conseils scientifiques et, dans certains Au-delà de la spécialisation dans une période instructives, j’ai été chargé de diriger des cycles tique ». On sous-entendait que la théorie, plus à venir ou les catalogues à publier; une contrainte Comment voyez-vous le rôle du conseil scien- cas (au Getty Research Institute et à l’École nor- particulière, je m’intéresse à l’analyse du fonc- de conférences, les Isaiah Berlin Lectures à proche de la pensée philosophique, était, d’une «extérieure» qui, selon moi, constitue un terreau tifique et votre rôle en tant que président dans male supérieure de Pise), j’ai observé leur travail tionnement des instruments cognitifs à l’œuvre l’Ashmolean Museum d’Oxford en 2000, puis certaine manière, plus sophistiquée, voire plus très fertile pour la recherche. la stratégie de la recherche du Louvre? en tant que directeur de l’établissement. Avec le lorsque nous sommes confrontés à des contextes les Mellon Lectures à la National Gallery of Art noble. Je n’ai jamais cru à ces hiérarchies artifi- S. S. : Lorsque Henri Loyrette m’a proposé de recul, j’énoncerais cinq principes, en apparence culturels et à des artistes divers. Par exemple, de Washington en 2001. Aucune autre expé- cielles et, si tant est qu’il faille en établir une, Vous êtes depuis 2011 le président du conseil présider le conseil scientifique du musée du très simples mais difficiles à appliquer pleine- quelles sont les similitudes et les divergences rience similaire ne s’est présentée au cours des j’aurais personnellement tendance à donner la scientifique du musée du Louvre. Quelle idée Louvre, ce fut pour moi une heureuse surprise ment dans les faits, pour qu’un conseil scienti- entre l’approche philologique et cognitive que dix années qui ont suivi, pendant lesquelles je me primauté à la recherche dans les musées, celle-ci aviez-vous de la recherche menée au musée du et un grand honneur, sentiment qui s’est renou- fique puisse être utile : l’on adopte face à un monument antique, comme suis entièrement consacré à mes fonctions de étant davantage liée aux œuvres, aux probléma- Louvre quand vous avez été nommé? velé lorsque Jean-Luc Martinez m’a confirmé 1. veiller à ce que la composition du conseil la colonne Trajane, et celle que requiert directeur de l’École normale supérieure de Pise. tiques qu’elles recèlent, à leur matérialité, à S. S. : En tant que visiteur fidèle et assidu du dans ces fonctions. Naturellement, j’ai évoqué soit équilibrée entre membres extérieurs à 6 7
ENTRETIEN AVEC SALVATORE SETTIS Ci-contre Francesco Guardi me semble en soi représentative de la recherche une nouvelle matière à réflexion, sous forme de socio-économique du Louvre sur son territoire, (1712-1793) menée au musée du Louvre. Sans juger de la corpus ou de catalogues (c’est le cas des antiqui- plus directement liée à « l’actualité ». La Procession du doge qualité de tel ou tel projet, je voudrais souligner tés méroïtiques, de l’albâtre en France, des verres Ces projets de recherche, qui offrent déjà une de Venise à San Zaccaria leurs caractéristiques communes : qu’ils soient vénitiens, des peintures italiennes du xviiie siècle riche palette de réflexions, sont à la fois intime- Vers 1775-1780, huile sur toile, 68 x 101 cm. issus d’une exposition temporaire, comme les ou encore des manuscrits de Delacroix), ou bien ment ancrés dans les collections du musée et INV 324. dessins d’Edme Bouchardon, ou de fouilles en mettant en lumière les problématiques de pleinement adossés à la recherche scientifique Saisie révolutionnaire de archéologiques, comme le monde colonial grec contexte et de provenance (pour ce qui est de la actuelle. En ce sens, les discussions au sein du la collection du comte de conseil scientifique témoignent de la tendance Pestre de Seneffe, 1797. Aile Denon, 1er étage, «(...) ces projets se donnent pour objectif ambitieux actuelle, qui, selon moi, doit être encouragée, à salle 23. considérer tous ces sujets à travers le double Page de droite, à gauche de susciter le dialogue avec ce que le monde de la prisme de la qualité et de la méthodologie. En ce Apollonia du Pont qui concerne la qualité, chaque projet de recherche (Bulgarie). Vue aérienne du site de Messarité 4, recherche offre de meilleur (...)» s’apprécie selon les usages de son domaine d’étude; sur le plan méthodologique, en revanche, 475-275 av. J.-C. (dir. A. Baralis, K. Panayotova). de mer Noire, ces projets se donnent pour objec- céramique de Suse et du Medieval Kâshi ces projets peuvent constituer des sources d’ins- tif ambitieux de susciter le dialogue avec ce que Project). Tous ces projets de recherche se carac- piration mutuelle. Mon souhait le plus vif est Page de droite, à droite le monde de la recherche offre de meilleur, en térisent par une approche à la fois exploratoire que le travail du conseil scientifique continue à Gobelet sur pied orné de motifs d’écailles apportant aux chercheurs de toutes spécialités et systématique, y compris l’étude sur la valeur inciter la recherche à emprunter ce chemin. Fin du xve – début du xvie siècle (?), prov. Venise, verre bleu transparent, émaux polychromes, or, 15,8 x 9,6 cm. OA 7560. Legs baronne Salomon de Rothschild, 1922. Aile Richelieu, 1er étage, salle 18. l’institution et membres de droit, de façon que Depuis six ans, constatez-vous une évolution toute chose – y compris les activités du conseil la diversité des rôles nourrisse l’échange d’in- dans la stratégie de la recherche au musée du scientifique – doit être pensée dans l’objectif formations ; Louvre ? de servir sa mission historique de musée-monde 2. choisir les membres extérieurs pour leurs S. S.: Permettez-moi de reprendre la métaphore (ou de musée-modèle). C’est peut-être plus compétences et leur dynamisme culturel, mais opéristique que j’ai utilisée précédemment pour facile à dire pour moi qui ne fais pas partie du aussi pour leur aptitude à la discussion collé- poser la question en d’autres termes : outre les personnel du musée ! giale et leur curiosité intellectuelle ; arias, parfois des plus virtuoses, interprétées par Cela dit, j’aimerais ajouter que, ces dernières 3. adopter un mode de discussion qui permette chaque chercheur du musée, peut-on dire années, la constellation des projets de recherche d’évoquer tous les sujets et de poser toutes les aujourd’hui que le Louvre s’engage vers une menés au musée du Louvre a non seulement questions, y compris celles qui peuvent paraître expression chorale de son infini potentiel ? continué de croître, mais qu’elle s’est aussi candides ou gênantes ; Avant de répondre à cette question, je engagée dans la voie de l’expression « chorale », 4. inscrire à l’ordre du jour des discussions un souhaite rappeler un point évoqué à plusieurs ce qui est souhaitable mais toujours difficile nombre limité de sujets sélectionnés pour leur reprises dans nos discussions. Plus que tout pour un musée de cette ampleur, où chaque pertinence ; autre musée, le Louvre, par ses dimensions, la département est à lui seul plus grand que bien 5. créer un fil conducteur entre les différentes richesse et la qualité de ses collections, sa fré- des musées. Je voudrais également préciser que, réunions, dans la mesure où elles sont espacées quentation et surtout son histoire unique, a quand je parle de « choralité », je ne me réfère de plusieurs mois, et maintenir ce fil conduc- une responsabilité particulière. C’est le musée- pas seulement, comme on le fait souvent, aux teur en cas de renouvellement des membres monde par excellence : tout ce qui s’y passe technologies de l’information (qui en consti- du conseil. suscite immédiatement un écho planétaire. Il tuent une condition nécessaire mais non suffi- Le rôle du président d’un conseil scienti- faut bien avoir à l’esprit que, sans forcément le sante), mais aussi à l’esprit d’une communication fique doit se limiter à garantir son bon fonc- vouloir, le Louvre finit toujours par avoir entre les départements eux-mêmes et entre les tionnement, en stimulant la discussion et en valeur d’exemple. Il suffit de penser à Alexandre projets de recherche qui y sont conduits. faisant progressivement ressortir les points les Sokourov qui, dans son f ilm Francofonia plus susceptibles de donner lieu à des dévelop- (2015), choisit le Louvre comme point de vue Dans ce numéro de Grande Galerie dédié à pements. En ce qui concerne le conseil scienti- privilégié pour réfléchir à la signification de la la recherche, on peut découvrir dix projets fique du Louvre, il me semble que ces principes mémoire culturelle, mêlant les événements qui ont été présentés au conseil scientifique de bon fonctionnement (mais aussi de bon historiques de la Seconde Guerre mondiale à en 2016. Quels sont les conseils et remarques sens) ont été respectés, en parfaite entente avec un futur dystopique imaginaire (lire Grande que vous pouvez faire sur les sujets abordés ? le président-directeur. Galerie no 33). C’est pourquoi, au Louvre, S. S. : La diversité des projets présélectionnés 8 9
ÉTUDES DES COLLECTIONS / CORPUS LE RÉPERTOIRE D’ICONOGRAPHIE MÉROÏTIQUE pa r Vincent r ondot, dir ecteur du dépa rtement des a ntiquités égy ptien nes En septembre 2016, le département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre, associé à l’université Paris-Sorbonne et au Labex RESMED1, a lancé le projet de Répertoire d’iconographie méroïtique (RIM). Programme de dimension internationale, il a pour ambition de produire et de publier un ouvrage encyclopédique faisant le point sur notre connaissance de l’iconographie du royaume de Méroé. Les civilisations antiques du Soudan sont un domaine de recherche dans lequel le Louvre a choisi de s’investir dès 2007, avec l’ouverture d’une fouille dans « l’île de Méroé ». En 2010, l’exposition « Méroé, un empire sur le Nil » permettait au grand public de découvrir cette aventure archéologique (lire Grande Galerie no 11). Le musée du Louvre jouera de nouveau un rôle important dans l’étude de cette civilisation en accueillant en 2018 la 14e Conférence internationale des études nubiennes, puis, en 2020, en organisant avec le British Museum et le Museum of Fine Arts de Boston une exposition consacrée à l’histoire du royaume de Napata. 1. Ce projet bénéficie du concours du Labex RESMED (ANR-10-LABX-72) dans le cadre du programme Investissements d’avenir ANR-11-IDEX-0004-02. Vue des pyramides de Begrawiya Sud (actuel Soudan), nécropole royale près de l’ancienne capitale du royaume de Méroé.
ÉTUDES DES COLLECTIONS / CORPUS Le dieu à tête de lion Apédémak L’empire de Méroé Vers 100 av. J.-C., grès Carte extraite de Méroé. Un empire sur le Nil, 9 x 7,1 x 4,55 cm. cat. exp., Paris, Louvre, 2010, carte I. Inscrit dans le dos en caractères Dessin Nathalie Couton-Perche et Michel Baud. méroïtiques au nom du roi Taneyidamani. E 11157 B. Coll. musée du Louvre, aile Sully, 1er étage, escalier du Midi. L a civilisation méroïtique (300 av. J.-C. – 350 apr. J.-C.), dernier avatar des royaumes kouchites installés le long de la vallée du Nil moyen, est la plus ancienne civilisation d’Afrique subsaharienne dotée d’une écriture. C’est aussi, en Afrique, la plus méridionale des cultures à avoir été en contact avec les mondes hellénistique et romain par l’intermédiaire de son voisin septentrional, l’Égypte ptolémaïque devenue ensuite province impériale. Depuis la plus haute antiquité, en effet, elle en avait en partie intégré ce fonds culturel par des contacts répétés. Placé aux limites géographique et chronologique de ce processus, le royaume de Méroé présente ainsi l’occasion d’observer un syncrétisme unique, aboutissement de rela- tions permanentes entre une société culturel- lement africaine et une Égypte plurimillénaire par laquelle transitent désormais massivement les inf luences du monde méditerranéen. Le Répertoire d’iconographie méroïtique (RIM) se fixe pour objectif d’analyser et de décrire les modalités selon lesquelles le royaume méroï- tique s’est approprié tout un vocabulaire de formes exogènes, qu’elles soient égyptiennes, hellénistiques ou romaines, pour l’intégrer à son propre répertoire. L’iconographie est en effet la source do- cumentaire la plus à même de répondre aux questions d’acculturation et de transmission LES COLLECTIONS MEROÏTIQUES oiseaux, le ba étant la partie spirituelle de l’individu) qui sont posées de longue tradition historio- DU MUSÉE DU LOUVRE en grès sont ainsi venus enrichir ses collections. graphique et qui, désormais, tiennent une Le département des Antiquités égyptiennes du Mentionnons enfin des pièces d’origine inconnue, place importante dans la recherche. Du signe musée du Louvre conserve une collection d’objets telles deux têtes de statues-ba (de Basse-Nubie?), ethnique sur une céramique à la scène d’of- méroïtiques constituée au cours du xxe siècle, à ou encore des statuettes fragmentaires du dieu frandes sur la paroi d’un temple, elle est de la faveur de plusieurs dons et achats. Elle fut inau- Amon en serpentinite. loin la forme d’expression qui manifeste le gurée par l’acquisition en 1909 d’une statuette plus clairement l’hybridation de la culture d’Apédémak en grès au nom du souverainTaneyida- Bibliographie : Vandier (J.), « La vie des musées. Nou- méroïtique. Cette documentation demande mani et provenant des fouilles de John Garstang à velles acquisitions, musée du Louvre, département des aujourd’hui à être compilée et commentée au Méroé. Un lot provenant des mêmes fouilles fut antiquités égyptiennes », La revue du Louvre, 1966, 4-5, sein de l’outil de recherche collaboratif que ensuite acquis par Bénédite à Londres en 1913 et p. 236 ; Berger (C.), « Un enrichissement notable des col- se propose d’être le R IM. Son apport serait en 1928. Essentiellement composé d’objets en lections d’archéologie nubienne au musée du Louvre », d’autant plus utile que, en attendant que soit céramique fine et en faïence, il comprend égale- La revue du Louvre, 1999, 2, p. 31-34 ; Sackho-Autissier déchiffré le méroïtique (l’écriture du royaume ment deux tables d’offrandes en grès inscrites en (A.), « Quelques remarques sur le bloc Louvre E 25562 », de Méroé), notre connaissance de l’histoire cursive méroïtique, dont l’une est décorée d’une RdE, 56, 2006, p. 260-263 ; Sackho-Autissier (A.), « Le et de la culture de ce royaume africain dé- scène de libation. En 1996, le gouvernement sou- Soudan au musée du Louvre : un aperçu de la collection », pend presque exclusivement aujourd’hui des danais procéda au dernier partage de fouilles en in B. Gratien (éd.), Mélanges offerts à Francis Geus, informations fournies par l’archéologie et la faisant don au Louvre d’un ensemble provenant de CRIPEL, 26, 2006-2007, p. 313-322 ; Baud (M.), dir., Méroé. culture matérielle. la nécropole méroïtique de Sedeinga: des verreries, Un empire sur le Nil, Paris, Louvre, 2010 ; Sackho-Autis- Il faut préciser que, si la matière documen- de nombreux objets en céramique, des pointes de sier (A.), « Les faïences d’époque méroïtique conservées taire est volumineuse, elle reste adaptée à une flèches en fer, un anneau de cheville en bronze et au musée du Louvre. Technologie et production : les pré- approche exhaustive. S’agissant, par exemple, deux têtes de «statues-ba» (statues d’hommes- mices d’une recherche », Dotawo, 3, 2016, p. 29-39. des reliefs des temples, les complexes religieux 52 53
ÉTUDES DES COLLECTIONS / CORPUS Tambour de colonne orné de scènes de danse et de musique et déroulé de ses quatre panneaux réalisé par Christian Décamps. Prov. Méroé, faïence siliceuse, 41,5 x 34 cm. E 11522. Coll. musée du Louvre, aile Sully, 1er étage, escalier du Midi. LES CYLINDRES DE MÉROÉ Nous commençons seulement à comprendre les motifs et les thèmes Le cylindre en faïence siliceuse conservé au musée du Louvre (E 11522) qui décorent ces trois objets, et les figures reproduites ici illustrent les fait partie d’un ensemble de trois objets de forme comparable décou- progrès qui restent à faire, avec l’aide du RIM, dans l’élaboration et la verts par John Garstang à Méroé en 1914 et qui étaient probablement description de cette riche iconographie. destinés à gainer le fût d’une colonnette. Leur décor, divisé en quatre panneaux, relève des deux iconographies égyptienne et hellénistique. Bibliographie : Garstang (J.), Phythian-Adams (W. J.) et Sayce (A. H.), «Fifth Interim Report Selon le canon pharaonique, les quatre panneaux du cylindre aujourd’hui on the Excavations at Meroe in Ethiopia», LAAA, 7, 1914-1916, p. 13-14 ; Wenig (S.), Africa à Toronto (ROM 921.4.1) sont organisés en deux paires : une paire ornée in Antiquity: The Arts of Ancient Nubia and the Sudan. The Catalogue, Brooklyn, 1978, p. 91, de deux béliers passants affrontés, l’autre, de deux lions sous un disque fig. 76; Hofmann (I.), «Die glasiert Saülenfragmente von M200 (Meroe-Stadt)», BzS, 4, 1989, solaire, également passants et affrontés, et qu’accompagne, rampant p. 107-132; Török (L.), «Kush and the External World», Meroitica, 10, 1989, p. 133-134, fig. 105; à côté d’eux, un grand cobra en position d’attaque. Reconnaître les Trigger (B. G.), «The John Garstang Cylinders from Meroe, in the Redpath Museum at McGill dieux représentés par ces couples de béliers et de lions ne va pas de University», in C. Berger, G. Clerc et N. Grimal (dir.), Hommages à Jean Leclant, Le Caire, IFAO, soi ; Amon pour les premiers et Apédémak ou Mahès pour les seconds BdE, 106/2, 1994, p. 390-396 ; Török (L.), Meroe City: An Ancient African Capital. John Gars- doivent rester des conjectures provisoires. tang’s Excavations in the Sudan, Londres, 1997, p. 99-101, pl. 61, 67; Caubet (A.) et Pierrat-Bon- Le deuxième cylindre (Montréal, Redpath Museum of the McGill Uni- nefois (G.), Faïences de l’Antiquité. De l’Égypte à l’Iran, Paris, 2005, p. 190, no 508; Pierrat-Bon- versity, RM 2023.02.I.) conserve trois de ses quatre panneaux, eux nefois (G.), «Tambour ornemental à scènes bacchiques», in M. Baud (dir.), Méroé. Un empire sur Relevé du tambour en faïence du Louvre E 11522 aussi ornés, selon le canon pharaonique, des déesses Satis, Anoukis et le Nil, Paris, Louvre, 2010, p. 123; Török (L.), Hellenizing Art in Ancient Nubia 300 BC – AD 250 (B. G. Trigger, in Hommages à Jean Leclant, Le Caire, Institut français d’archéologie orientale, Bibliothèque d’étude, 1994, p. 395, cylindre III). Mout, toutes trois ailées. Le troisième – celui du Louvre – figure, selon and its Egyptian Models: A Study of «Acculturation», CHANE, 53, 2011, p. 135-139; Sackho- le canon hellénistique, cette fois, les scènes d’une danse, dionysiaque Autissier (A.), «Les faïences d’époque méroïtique conservées au musée du Louvre. Technologie en l’occurrence, à en juger par la présence d’un dieu Pan. et production: les prémices d’une recherche», Dotawo, 3, 2016, p. 34, no 14. 54 55
ÉTUDES DES COLLECTIONS / CORPUS Relevé du tambour méroïtiques dont nous connaissons le pro- Sudan National Museum de K hartoum, le en faïence de Méroé gramme décoratif complet sont seulement au Musée égyptien du Caire, le British Museum conservé au Redpath nombre de cinq : Grand Enclos M 100 et de Londres, l’Ashmolean Museum d’Oxford, Museum, McGill University, à Montréal temple du Lion M 1000 à Mousawwarat es- la Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague, (B. G. Trigger, in Soufra, temple à Amon N 100, temple N 200 le Museum of Fine Arts de Boston, pour ne Hommages à Jean et temple du Lion N 300 à Naga. L’autre mentionner que les plus importants. La Leclant, Le Caire, IFAO, Bibliothèque d’étude, ensemble important est représenté par les Section française de la direction des antiquités 1994, p. 393, cylindre II). parois intérieures des chapelles des pyramides du Soudan (SFDAS), l’Institut français d’ar- des nécropoles royales, à Begrawiya et au chéologie orientale du Caire, les universités Djebel Barkal, soit un total approximatif de qui font la promotion de l’archéologie souda- trente-deux petits monuments, décorés pour naise (Paris-Sorbonne, université de Lille 3) la majorité sur deux de leurs murs. Les autres et le CNRS seront, dans le système acadé- grandes séries présentant une iconographie mique français, les institutions partenaires riche et exploitable sont facilement classables les plus proches. en un nombre limité de documents : stèles Un comité scientifique international a été royales et privées, statuaire divine, royale et créé et a constitué un réseau de chercheurs privée, statuaire animale, glyptique des renommés dont le statut facilite les liens avec bagues-sceaux, décors peints, estampés ou au les institutions internationales. Il compte à ce peigne sur les céramiques, etc. Certains de ces jour treize membres : Abdel Rahman A li domaines ont déjà fait l’objet d’études Mohamed A hmed (directeur général de topiques dont plusieurs sont indiquées dans la National Corporation for Antiquities and la bibliographie. Museums), Charles Bonnet (membre de l’Institut), David Edwards (University of Le musée du Louvre au centre d’un réseau Leicester), Ghalia Garelnabi (directrice des international musées du Soudan), Pascale Linant de Le musée du Louvre, son département Bellefonds (CNRS – UMR 7041), Claude Les quatre panneaux des Antiquités égyptiennes avec sa section Rilly (CNRS – LLACAN UMR 8135), Sabah du tambour de colonne Nubie-Soudan, est l’institution centrale du Sadikh (directrice du Musée égyptien du orné de deux béliers dispositif d’élaboration du RIM. En tant que Caire), Neal Spencer (British Museum), Pierre et deux lions affrontés porteur du projet, le Louvre organisera autour Tallet (université Paris-Sorbonne), László Prov. Méroé, faïence siliceuse. du R IM la collaboration des institutions Török (Académie hongroise des sciences), ROM 921.4.1. partenaires, à commencer par celle des musées Simone Wolf (Deutsches Archäologisches Coll. Musée royal possédant des collections méroïtiques : le Institut, Berlin), Janice Yellin (Babson de l’Ontario, Toronto. 56
College, Wellesley, Massachusetts) et Michael recherches en Masters 1 et 2 ; actuellement, le Zach (Universität Wien). trésor de la candace (reine, chez les Kouchites) S’il s’appuie en premier lieu sur des cher- Amanishakhéto, dont les bijoux sont très cheurs confirmés, qu’il s’agisse des membres riches en iconographie divine, fait l’objet du département des Antiquités égyptiennes d’un mémoire de recherche de deuxième cycle ou des autres institutions, ce projet souhaite adapté aux objectifs du RIM. également jouer un rôle important dans la promotion des jeunes chercheurs et dans la Un projet scientifique aux applications formation des futurs cadres de la discipline. multiples Ainsi le RIM fait-il appel à des docteurs ou à La publication, prévue en 2022, prendra deux des étudiants auxquels il offre une première formes complémentaires : une version papier Déroulé du gobelet avec expérience de recherche ainsi que de suivi et une version numérique, à l’exemple de ce scène de musique et de danse réalisé par d’un projet scientifique. C’est dans ce cadre qui a été fait pour le Lexicon Iconographicum Christian Décamps. que l’École du Louvre est également sollicitée, Mythologiae Classicae (LIMC), projet qui a E 27493. notamment pour la réalisation de travaux de donné lieu à la publication d’un ouvrage Coll. musée du Louvre. GOBELET AVEC SCÈNE DE DANSE Le gobelet du Louvre E 11378, tant par son histoire que par l’originalité de son Bibliographie : Kendall (T.), « Ethnoarchaeology in Meroitic Studies », Meroitica, décor, est emblématique des progrès que l’étude de l’iconographie méroïtique 10, 1989, p. 658-666 ; Török (L.), « Meroitic Painted Pottery: Problems of Chronology va bientôt favoriser; la scène de danse qui orne ce gobelet est reproduite ici and Style », BzS, 2, 1987, p. 86-87 ; Pierrat (G.), « Peintres potiers d’Assouan du IVe pour la première fois grâce aux techniques d’imagerie disponibles aujourd’hui. au VIe siècle apr. J.-C. », La revue du Louvre, 1995, 5/6, p. 39-40, fig. 21 ; Kendall (T.), Trouvé par John Garstang à Méroé, le musée en fit l’acquisition à Londres en « Fragments Lost and Found: Two Kushite Objects Augmented », in P. Der Manuelian 1913. Quatre-vingts ans plus tard, un tesson lui appartenant (E 27493) fut identi- (dir.), Studies in Honor of William Kelly Simpson, Boston, 1996, p. 461-476 ; Török fié chez un collectionneur privé qui en fit don au musée, et un deuxième tesson (L.), Meroe City: An Ancient African Capital. John Garstang’s Excavations in the (E 8384, Liverpool) vint compléter en 1994 cette scène de danse funéraire. Sa Sudan, Londres, 1997, p. 261, fig. 128, x-25, pl. 221-222 ; Sackho-Autissier (A.), gestuelle pourrait trouver un écho dans le folklore soudanais actuel et rappelle la « Les représentations de Bès et de Satyres à l’époque méroïtique : syncrétisme ou moderne «danse du cou» (raqaba), réservée aux femmes. Composition, style confusion des emblèmes ? », in I. Caneva et A. Roccati (dir.), Acta Nubica, Rome, (rendu de la musculature des torses, par exemple) ou encore sûreté du trait ne 2007, p. 309, fig. 3-4 ; Sackho-Autissier (A.), « Un aspect de la religion méroïtique : connaissent que peu d’équivalents et la scène paraît être la synthèse de ce que vin et culte dionysiaque », in M. Baud (dir.), Méroé. Un empire sur le Nil, Paris, Gobelet avec scène de musique et de danse le décor incisé d’un grand bassin en bronze provenant du tumulus princier VI Louvre, 2010, p. 206 ; Török (L.), Hellenizing Art in Ancient Nubia 300 BC – AD 250 Terre cuite, d’el-Hobagi (SNM 26313), au IVe siècle, développe avec plus de détails1. and its Egyptian Models: A Study of « Acculturation », CHANE, 53, 2011, p. 270-273, 11,7 x 8,5 cm. pl. 106-107 ; David (R.) et Evina (M.), « La fine ware méroïtique, marqueur d’une E 11378, E 27493. 1. Voir Lenoble (P.), Dissaux (R. P.) et Reinold (J.), « A Funerary Dance of Political Meaning at Meroe », in E. Dagan (dir.), The Spirit’s Dance in Africa: Evolution, Transformation and Continuity in civilisation », Égypte, Afrique et Orient, 78, 2015, p. fig. 7. Don Schottlander : E 27493. Sub-Sahara, Montréal, Gallery Amrad African Art Publication, 1997, p. 36-41. Coll. musée du Louvre. 59
ÉTUDES DES COLLECTIONS / CORPUS Ci-contre BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE Détail du buste et de la tête du dieu-lion Chapman (S.) et Dunham (D.), « Decorated Temple du Lion N 300 Chapels of the Meroitic Pyramids at Meroe à Naga (Soudan). and Barkal », in The Royal Cemeteries of Kush, vol. 3, Boston, Museum of Fine Arts, 1952. Page de gauche Dittmar (J.) et Gamer-Wallert (I.), Der Relevé du décor du vase Löwentempel von Naq‘a in der Butana de bronze HBG VI/1/21 = SNM 26313. (Sudan) III. Die Wandreliefs, Wiesbaden, Scène de danse funéraire. L. Reichert, 1983. Extrait de P. Lenoble, Hofmann (I.) et Tomandl (H.), « Die El-Hobagi, une nécropole Bedeutung des Tieres in der meroitischen de rang impérial au Soudan central. Deux Kultur », Beiträge zur Sudanforchung, tumulus sur sept suppl. 2, Universität Wien, Institut für (à paraître), fig. 88. Afrikawissenschaften, 1987. Rondot (V.), « L’empereur et le petit prince. Les deux colosses d’Argo. Iconographie, symbolique et datation », in F. Alpi, V. Rondot et F. Villeneuve (dir.), La Pioche et la Plume. Autour du Soudan, du Liban et de la Jordanie. Hommages archéologiques à Patrice Lenoble, Paris, Presses universitaires Paris-Sorbonne, 2011, p. 413-440. Rondot (V.), « Égypte », in Thesaurus cultus et rituum antiquorum, vol. 8, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 2012, p. 314-331. Török (L.), The Royal Crowns of Kush: A Study encyclopédique, d’une part, à la mise en ligne disposent. Alors que l’encyclopédie imprimée la soudanologie et auprès des non-spécialistes, in Middle Nile Valley Regalia and Iconography de ses sources et à l’augmentation de ses cor- sera destinée aux chercheurs, la base de don- à savoir les égyptologues, les antiquisants clas- in the 1st Millennia BC and AD, Oxford, British pus, d’autre part. Cette publication réunira nées numériques du R IM aura également siques de l’ensemble du Bassin méditerranéen, Archaeological Reports, 1987. sous forme de notices classées par ordre vocation à s’ouvrir à un public plus large : en les africanistes, etc. Török (L.), « The Costume of the Ruler alphabétique (par exemple, « Apédémak », mettant à sa disposition pour la première fois La retombée scientifique attendue et natu- in Meroe: Remarks on its Origins and « candace », « costume royal », « cheval », « cro- les créations d’une civilisation encore trop peu relle du RIM sera un accès rapide et synthé- Significance », Archéologie du Nil moyen, codile », « prêtre », « soldat », etc.) les descrip- connue, elle fonctionnera et pourra être uti- tique à l’ensemble des sources iconographiques vol. 4, F. Geus, 1990, p. 151-202. tions analytiques des différentes composantes lisée comme un musée virtuel. d’une même culture antique d’Afrique subsa- Török (L.), « Iconography and Mentality: de l’iconographie du royaume de Méroé. En actualisant et en homogénéisant une harienne. Les différents aspects qui forment Three Remarks on the Kushite Way of L’ouvrage fournira en outre un commentaire documentation pour le moment dispersée, le le fonds culturel méroïtique y seront analysés Thinking », in V. W. Davies (dir.), Egypt synthétique sur l’origine d’un motif, l’évolu- RIM constituera une étape, tant pour sa dis- et richement documentés. La version numé- and Africa: Nubia from Prehistory to Islam, tion de son iconographie, ses principes de cipline que pour les autres champs de recherche rique et la publication, étroitement liées l’une Londres, British Museum Press, 1991, p. 195- composition et l’explication qui peut en être sur l’Antiquité. Parce qu’il renouvellera un état à l’autre, offriront deux moyens différents et 204. donnée. Une version numérique multilingue de la question qui a récemment connu des complémentaires de dif f usion de cette Török (L.), Hellenizing Art in Ancient Nubia offrira un accès aux collections muséales et progrès importants, le RIM donnera à l’Anti- connaissance. Chaque notice commentée de 300 BC-AD 250 and its Egyptian Models: archéologiques qui ont servi de support à quité soudanaise le statut scientif ique qui l’encyclopédie, en fournissant une synthèse A Study in « Acculturation », Culture and History l’élaboration des entrées du RIM, ainsi qu’un pourrait sembler pour le moment lui faire scientifique sur le sujet considéré, présentera of the Ancient Near East, vol. 53, Leyde, lien vers les notices numérisées de la publica- défaut. Cette « mise à niveau » documentaire, un état de l’art. La version numérique, outil E. J. Brill, 2011. tion. Cette base de données sera réalisée en par la synthèse qu’elle offrira, viendra remé- de fabrication du RIM et collection virtuelle, Wenig (S.), Untersuchungen zur Ikonographie collaboration avec les musées abritant des dier au manque de diffusion scientif ique continuera à générer de nouveaux sujets et der Darstellungen der meroitischen Königs- collections méroïtiques, dans l’objectif de au sein même de la discipline comme à l’inten- restera une référence que les nouvelles décou- familie und zu Fragen der Chronologie des créer des liens entre leurs bases respectives. tion des disciplines connexes. Il y a là un point vertes alimenteront. Nous formons le vœu que Reiches von Meroe, Internet-Beiträge zur Les missions archéologiques opérant au sur lequel il faut insister : le rôle de désencla- le fort potentiel de recherche du RIM contri- Ägyptologie und Sudanarchäologie, vol. XVII, Soudan seront également mises à contribution vement voulu pour le RIM est entendu prin- bue à une avancée capitale dans notre connais- Berlin, 2015. pour le matériel publié ou inédit dont elles cipalement auprès de disciplines autres que sance du royaume de Méroé. 60 61
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