Introduction à la biodiversité, services écosystémiques et socio-écosystèmes - ANNEXE A - ECOBIOSE

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Introduction à la biodiversité, services écosystémiques et socio-écosystèmes - ANNEXE A - ECOBIOSE
ANNEXE A

  Introduction à la
biodiversité, services
 écosystémiques et
 socio-écosystèmes
Introduction à la biodiversité, services écosystémiques et socio-écosystèmes - ANNEXE A - ECOBIOSE
CHAPITRE   Annexe A

Introduction aux concepts et enjeux :
biodiversité, services écosystémiques
et socio-écosystèmes

           Ce chapitre a pour objectif de présenter les différents concepts et thématiques cen-
           trales du rapport sur l’évaluation du rôle de la biodiversité dans les socio-écosystèmes
           de la Région Nouvelle-Aquitaine. La biodiversité représente l’ensemble du vivant, sous
           toutes ses facettes : génétique, spécifique, fonctionnelle, ou écosystémique. Ses dyna-
           miques complexes soutiennent le bon fonctionnement des écosystèmes terrestres et
           marins qui fournissent un ensemble de services écosystémiques primordiaux pour les
           sociétés humaines. Des valeurs marchandes et non-marchandes sont rattachées aux
           différents types de contributions de la nature aux sociétés. Les écosystèmes et les acti-
           vités humaines s’articulent mutuellement au sein de socio-écosystèmes qui influencent
           les secteurs économiques et le patrimoine socio-culturel des territoires. La biodiver-
           sité remplit de nombreuses fonctions déterminant non seulement la résilience des
           socio-écosystèmes mais aussi leur adaptabilité face aux changements globaux. Or, la
           biodiversité est partout menacée et en déclin, entraînant la sixième extinction de masse
           de l’histoire du vivant. Plusieurs pressions contribuent à cette crise majeure : change-
           ment d’utilisation des terres, surexploitation des ressources naturelles, réchauffement
           climatique, pollution et espèces invasives. Ces pressions et leurs impacts sur le vivant
           ont des conséquences directes sur le bien-être humain. Les transformations sociétales
           qui s’imposent impliquent ainsi des politiques publiques renforçant la conservation de
           la biodiversité ainsi que sa valorisation à l’échelle régionale à travers la gouvernance des
           socio-écosystèmes.

                                                 2
Introduction à la biodiversité, services écosystémiques et socio-écosystèmes - ANNEXE A - ECOBIOSE
SOMMAIRE                 Annexe A

 A.1 Emergence du concept de                                                               A.4 Rôle de la biodiversité dans les
           biodiversité..................................... 4                                          services écosystémiques et socio-
A.1.1. QU’EST-CE QUE LA « BIODIVERSITÉ » ?......................... 4
                                                                                                        écosystèmes ?............................. 21
                                                                                             A.4.1. B
                                                                                                     IODIVERSITÉ ET FONCTIONNEMENT DES
A.1.2. LES DIFFÉRENTES FACETTES DE LA BIODIVERSITÉ... 4
                                                                                             SOCIO-ÉCOSYSTÈMES (SERVICES SUPPORTS).......................21
A.1.3. L ES DYNAMIQUES, DÉTERMINANTS ET EFFETS
                                                                                             A.4.2. L
                                                                                                     E CAPITAL ADAPTATIF DES ESPÈCES.......................21
DE LA BIODIVERSITÉ............................................................. 7
                                                                                             A.4.3. B
                                                                                                     IODIVERSITÉ & CITOYENS.........................................22
 A.2 Les services écosystémiques..... 10
                                                                                             A.5 Quel est l’état de la
A.2.1. QUE RECOUVRE LE CONCEPT DE SERVICE
                                                                                                        biodiversité ?............................... 22
ÉCOSYSTÉMIQUE ?............................................................... 10
                                                                                             A.5.1. L ES PRINCIPALES PRESSIONS SUR LA
A.2.2. LE MILLENIUM ECOSYSTEM ASSESSMENT :
                                                                                             BIODIVERSITÉ ..................................................................... 22
CLASSIFICATION DES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES......... 10
                                                                                             A.5.2. EROSION DE LA BIODIVERSITÉ AU
A.2.3. DE LA BIODIVERSITÉ AU BIEN-ÊTRE HUMAIN :
                                                                                             NIVEAU MONDIAL...................................................................24
LE MODÈLE EN CASCADE..................................................... 12
                                                                                             A.5.3. CONSÉQUENCES DE L’ÉROSION DE LA
A.2.4. R ENDRE OPÉRATIONNEL LE CADRE DES SERVICES
                                                                                             BIODIVERSITÉ.........................................................................25
ÉCOSYSTÉMIQUES : ENJEUX ET DÉFIS.............................. 16

 A.3 Les socio-écosystèmes.............. 17                                                 A.6 Politiques publiques pour la
                                                                                                        conservation et la gestion
                                                                                                        de la biodiversité ?...................... 26
A.3.1. D ÉFINITION ET HISTOIRE D’UN CONCEPT
ÉMERGENT........................................................................... 17
                                                                                             A.6.1. C ONSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ ..................... 26
A.3.2. P ROPRIÉTÉS ET DYNAMIQUES DES
SOCIO-ÉCOSYSTÈMES........................................................ 19                 A.6.2. VALORISATION DE LA BIODIVERSITÉ DANS LES
                                                                                             SOCIO-ÉCOSYSTÈMES..........................................................27
A.3.3. S OCIO-ÉCOSYSTÈMES ET AMÉNAGEMENT
DU TERRITOIRE.................................................................... 20
                                                                                              A.7 Bibliographie............................... 28

                                    Rédacteurs :
                                    Théo Rouhette1 & Vincent Bretagnolle2

                                    Remerciements :
                                    Valérie Barbier (ARB-Nouvelle-Aquitaine), Olympe Delmas (CEBC –
                                    CNRS), Justine Delangue (Comité français de l’UICN), Pascale Garcia
                                    (LIENs), Sophie Kerloc’h (Région Nouvelle-Aquitaine)
                                    1) theo.rouhette@cebc.cnrs.fr (Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC), CNRS, Villiers-en-
                                       Bois)
                                    2) vincent.bretagnolle@cebc.cnrs.fr (Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC), CNRS, Villiers-
                                       en-Bois)

                                                                                         3
Introduction à la biodiversité, services écosystémiques et socio-écosystèmes - ANNEXE A - ECOBIOSE
CHAPITRE           Annexe A

  A.1               Emergence du concept de
                    biodiversité
          A.1.1.     Qu’est-ce que la « biodiversité » ?
Le concept de « biodiversité » est apparu très récemment                   des enjeux éthiques et moraux, notamment en terme de jus-
dans l’histoire des sciences naturelles. Le terme, formé par               tice environnementale ou de considération des êtres vivants
la contraction de « diversité biologique », est en effet évoqué            non-humains, animaux ou végétaux (Engels et al., 2011;
pour la première fois en 1988 lors du colloque « The Natio-                Martin et al., 2013). La dimension transversale de la biodiver-
nal Forum on BioDiversity » à Washington. Cet évènement                    sité en fait donc un enjeu politique majeur dans le contexte
fondateur était piloté par Edward O. Wilson, un biologiste                 contemporain, de l’échelle territoriale à l’échelle mondiale.
et entomologiste considéré comme le père de cette notion                   Cette irruption de la biodiversité sur la scène politique et
grâce à son livre « Biophylia » publié en 1984, et son article             économique internationale est d’autant plus frappante et légi-
« La crise de la diversité biologique », publié en 1985. La                time que les données scientifiques s’accordent sur le constat
« biodiversité », pour l’écologue Robert Barbault, désigne « la            de sa rapide dégradation et sur la diminution de sa capacité
vie, dans ce qu’elle a de divers » : c’est la diversité du monde           à fournir aux sociétés les biens et services dont elles dé-
vivant sur Terre, à différentes échelles de l’espace et du                 pendent (Rockström et al., 2009; Cardinale et al., 2012).
temps. La biodiversité est donc la somme totale de toutes
les variations biologiques, des gènes aux écosystèmes
(Purvis & Hector, 2000). Ainsi la biodiversité est plus que la

                                                                                 La biodiversité est
collection d’espèces animales et végétales : c’est la diversité
de la vie à tous ses niveaux d’organisation, y compris toutes

                                                                                 définie par la Convention
les interactions avec le milieu naturel et les interactions des
êtres vivants entre eux. Quelques années après l’apparition

                                                                                 sur la Diversité
du terme, en 1992, l’article 2 de la CBD (Convention sur la
Diversité Biologique), signée lors du Sommet de Rio, proposa

                                                                                 Biologique comme :
la définition de la biodiversité qui devint la définition officielle
pour les traités internationaux (voir encadré). Cette définition
inclut implicitement l’homme. La biodiversité dépasse donc
le cadre purement écologique ou biologique, puisque ses                          « la variabilité des organismes vivants de
contributions aux sociétés humaines sont les fondations de                       toute origine y compris, entre autres, les
secteurs économiques entiers et forment la base de nom-
                                                                                 écosystèmes terrestres, marins et autres
breuses cultures, de traditions et de patrimoines socio-cultu-
rels (De Groot et al., 2010). Au-delà de la notion de diversité                  écosystèmes aquatiques et les complexes
biologique, la biodiversité est devenue un enjeu sociétal                        écologiques dont ils font partie ; cela com-
majeur qui, comme le climat, concerne l’ensemble de la com-                      prend la diversité au sein des espèces et entre
munauté internationale et des citoyens du globe.                                 espèces ainsi que celle des écosystèmes »
                                                                                 (CBD, 1992).
Les savoirs et les ressources que la biodiversité génère, et
par extension leurs exploitations et usages, ont par ailleurs
des implications juridiques et sociales variées qui posent

          A.1.2.     Les différentes facettes de la biodiversité
La biodiversité est généralement décrite selon l’échelle                   cerner les rôles de la biodiversité dans les milieux naturels et
biologique à laquelle elle est analysée, des petites échelles              anthropisés.
propres à la biologie cellulaire voire moléculaire, à celle des
individus, enfin aux larges échelles de l’écologie des pay-                • Diversité génétique :
sages et des écosystèmes. Trois entités biologiques et éco-                La première échelle d’observation et d’analyse de la diversité
logiques dont les dynamiques correspondent à différentes                   biologique est l’échelle génétique. En biologie évolutive, la
échelles spatiales sont très souvent utilisées pour structurer             diversité génétique correspond au degré de variation des
et définir la biodiversité : celle des gènes, celle des espèces            caractéristiques génétiques au sein d’une même espèce.
et celle des écosystèmes. Par ailleurs, le « groupe fonction-              Un gène (ou un ensemble de gènes) est le support d’infor-
nel » représente une autre unité conceptuelle intermédiaire                mations héréditaires à la base du vivant et le déterminant
entre les espèces et les écosystèmes qui permet de mieux

                                                                       4
Introduction à la biodiversité, services écosystémiques et socio-écosystèmes - ANNEXE A - ECOBIOSE
CHAPITRE         Annexe A

         du trait particulier d’un organisme, comme un attribut                 pendants : une plus grande diversité de gènes permettrait
         morphologique. La diversité génétique d’une espèce est                 ainsi de maintenir un plus haut niveau de diversité d’espèces
         une part essentielle de sa capacité d’adaptation dans son              (Lankau & Strauss, 2007).
         milieu naturel. Avec plus de variation dans son patrimoine
         génétique, une population issue de cette espèce augmente               • Diversité spécifique :
         ses chances de posséder les allèles (une version particulière          À un niveau biologique supérieur se situe l’échelle de la di-
         d’un gène) qui lui permettront le moment venu de s’adapter             versité des espèces (Figure A.1). Il existe une multitude de
         aux changements de conditions environnementales, comme                 définitions du concept d’espèce. Une des définitions les plus
         une perturbation climatique. Dépendante de la taille de la             classiques est la définition biologique de l’espèce, fondée
         population étudiée, la diversité génétique est par ailleurs gé-        sur le principe de fécondité : d’après Ernst Mayr, un évolu-
         nérée par un certain nombre de processus biologiques, parmi            tionniste et ornithologiste pionnier de la biologie évolutive
         lesquels figurent le brassage génétique (pendant la produc-            au XXe siècle, une espèce est un groupe ou une population
         tion des gamètes et au cours de la reproduction sexuée) et             d’individus capables de se reproduire entre eux. D’autres fac-
         les mutations avantageuses (Amos & Harwood, 1998). La                  teurs permettent de définir une espèce, comme les critères
         mutation génétique constitue la deuxième voie d’adaptation             morphologiques, phylogénétiques ou écologiques. La diver-
         des espèces, aussi appelée microévolution. Néanmoins, les              sité spécifique d’un milieu se mesure de plusieurs façons : la
         mutations restent des évènements rares et la plus grande               richesse spécifique désigne simplement le nombre d’espèces
         partie de la diversité génétique dans une population est le            cohabitant dans un milieu donné, mais des outils statistiques
         fait de la reproduction sexuée et des migrations (mélanges             et des indices prenant en compte l’abondance (indice de Shan-
         de populations). Cette diversité constitue le capital adaptatif        non) et les gradients spatiaux (diversité alpha, beta et gamma)
         de l’espèce : elle permet aux divers mécanismes évolutifs de           ainsi que la distance génétique entre les espèces (la diversité
         modifier et de sélectionner les traits qui sont les plus adaptés       phylogénétique), permettent de détailler et d’affiner la mesure
         aux nouvelles conditions environnementales. Sur le long-               de la diversité en espèces. Ces mesures permettent notam-
         terme, cet échelon de diversité permet donc à une espèce               ment d’étudier l’impact de la biodiversité sur les propriétés des
         d’assurer sa survie par le maintien de populations dans des            communautés écologiques et des écosystèmes, comme leur
         environnements en mutation. Une étude portant sur le lien              stabilité ou leur productivité (Cadotte et al., 2012).
         entre diversité génétique et diversité spécifique – c’est-à-dire
         des espèces (voir ci-après)– a par ailleurs prouvé que ces
         deux niveaux de diversité sont complémentaires et co-dé-

          FIGURE      Quelques espèces de la Région Nouvelle-Aquitaine : à gauche, l’aigrette garzette en plumage nuptial ; au centre-haut,
            A.1       un criquet ; au centre-bas, une abeille domestique sur une marguerite commune ; à droite, un muscari à toupet.

© CEBC-CNRS

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Introduction à la biodiversité, services écosystémiques et socio-écosystèmes - ANNEXE A - ECOBIOSE
CHAPITRE          Annexe A

• Diversité fonctionnelle :                                              • Diversité des écosystèmes :
Toutes les espèces cohabitant dans un milieu naturel for-                La diversité des écosystèmes et des biomes correspond au
ment une communauté écologique. Dans ces communau-                       niveau d’organisation de la biodiversité aux échelles spa-
tés hétérogènes, certaines espèces, bien que distinctes sur              tiales les plus grandes. Un écosystème est un milieu naturel
le plan génétique et taxonomique, ont des caractéristiques               ou anthropisé constitué de communautés écologiques (la
impactant le fonctionnement de l’écosystème de manière                   biocénose) en interactions avec les composants abiotiques
similaire : appelées « traits fonctionnels », ces caractéris-            (c’est-à-dire non-vivants) de leur environnement (le biotope).
tiques peuvent être de nature morphologique, phénologique                Le biotope inclut les éléments hydrologiques, atmosphériques
ou physiologique.                                                        et géologiques : c’est-à-dire l’eau, l’air et le sol. Un écosystème
                                                                         est donc une unité du vivant formée par un groupement de
De même, ces traits fonctionnels peuvent aussi catégo-
                                                                         différentes guildes écologiques en interrelations entre elles
riser des espèces ayant des réponses similaires à des
                                                                         (nutrition, parasitisme, prédation…) et avec leur environnement
facteurs environnementaux. L’analyse et la catégorisation
                                                                         (minéraux, air, eau, climat). La diversité des écosystèmes et
des espèces selon leurs traits fonctionnels forment des
                                                                         des interactions entre ces composants biotiques et abiotiques
groupes distincts, aussi appelés « guildes fonctionnelles ».
                                                                         forment ainsi des paysages naturels variés sur l’ensemble d’un
Le nombre et l’abondance de ces groupes donnent une
                                                                         territoire (comme nous le verrons plus loin, l’Homme à travers
mesure de la diversité fonctionnelle d’une communauté.
                                                                         ses actions sur les écosystèmes est également un acteur
Ces groupes fonctionnels constituent ainsi une échelle
                                                                         majeur). A cette échelle, dite échelle écosystémique, les pay-
d’organisation de la biodiversité, permettant d’analyser et
                                                                         sages sont déterminés entre autres par des flux de matières
d’étudier les relations entre biodiversité et fonctionnement
                                                                         qui circulent entre le biotope et la biocénose : par exemple,
des écosystèmes, comparées aux mesures classiques de
                                                                         un atome de carbone ou d’azote peut ainsi être stocké dans
la diversité génétique ou spécifique (Hooper et al., 2005).
                                                                         un arbre, puis rejoindre le sol par décomposition, avant d’être
Parmi les groupes fonctionnels à la base des écosystèmes
                                                                         réabsorbé par la végétation, consommé par un herbivore et
figurent notamment les décomposeurs, les prédateurs,
                                                                         émis dans l’atmosphère par respiration. Chaque écosystème
les producteurs primaires ou encore les pollinisateurs.
                                                                         possède donc des dynamiques spécifiques de flux de matière
Les groupes fonctionnels sont tous interdépendants. Ces
                                                                         et d’énergie entre la biocénose et le biotope. Bien que la déli-
dépendances peuvent être schématisées sous la forme de
                                                                         mitation spatiale des écosystèmes soit variable, comme celle
réseaux « trophiques » où les espèces sont situées selon
                                                                         des groupes fonctionnels, les espaces à la frontière entre deux
leur position dans les différentes chaînes alimentaires de
                                                                         écosystèmes possèdent des dynamiques écologiques parti-
leur communauté écologique.
                                                                         culières : ils sont appelés des écotones.

      La coévolution entre les guildes fonctionnelles et espèces.
      Parmi les relations entre les groupes fonctionnels d’une communauté d’espèce, deux espèces peuvent
      s’influencer au point de se transformer mutuellement : c’est la coévolution. Elle peut se produire entre des
      espèces antagonistes, comme une proie et son prédateur, ou entre des espèces mutualistes, comme les pol-
      linisateurs et les plantes à fleurs. Un exemple bien connu des sociétés humaines est la constante adaptation
      des bactéries aux antibiotiques : les humains et les bactéries pathogènes coévoluent dans un cycle constant
      de résistance et d’adaptation réciproques.

La structure des écotones fournit notamment des indicateurs
sur les évolutions géographiques de la distribution des écosys-
tèmes, ce qui est particulièrement pertinent dans le contexte
du changement climatique. A une échelle plus large, les éco-
systèmes forment des unités appelées biomes ou écorégions.
Ils sont caractérisés par la végétation qui y prédomine : le
WWF (World Wild Fund ou Fonds Mondial pour la Nature) en
a proposé 14 pour les milieux terrestres (Olson et al., 2006). A
l’échelle terrestre, la distribution des biomes est directement
corrélée à deux facteurs climatiques : la précipitation et la tem-
pérature. Ces deux facteurs interagissent pour former une car-
tographie complexe allant de la toundra des régions polaires
aux forêts tropicales des régions équatoriales (Figure A.2).

                                                                           © Thierry Degen

                                                                     6
Introduction à la biodiversité, services écosystémiques et socio-écosystèmes - ANNEXE A - ECOBIOSE
CHAPITRE              Annexe A

                                                               Carte des biomes terrestres classifiés selon la végétation obtenue de la base de données sur les écorégions
                                                   FIGURE
                                                     A.2       terrestres du globe du WWF (World Wildlife Fund). Les données montrent la répartition globale de la végétation
                                                               terrestre pour les 825 écorégions et 14 biomes mondiaux.
© licence d’attribution Creative Commons 2.5

                                                    Forêts de feuillus humides                Forêts de conifères tempérées              Prairies et brousses d’altitude
                                                    tropicales et subtropicales                Forêts boréales et taïga                   Toundra
                                                     orêts de feuillus sèches tropicales
                                                    F                                           rairies, savanes et brousses
                                                                                                P                                           Forêts, bois et maquis
                                                    et subtropicales                            tropicales et subtropicales                  méditerranéens
                                                   Forêts de conifères tropicales et          Prairies, savanes et brousses              Déserts et brousses xériques
                                                    subtropicales                               tempérées                                   Mangroves
                                                    orêts de feuillus et forêts mixtes
                                                    F                                          Prairies et savanes inondables
                                                    tempérées

                                                            A.1.3.    Les dynamiques, déterminants et effets de la biodiversité
                                               La biodiversité possède donc de multiples facettes dépen-             des processus écosystémiques comme la production
                                               dantes de l’échelle spatiale, de l’échelle biologique (des            primaire (Crutsinger et al., 2006). Ces interactions sont
                                               gènes aux écosystèmes), et des catégories d’organisation              par ailleurs soumises à des rétroactions qui maintiennent
                                               (diversité taxonomique, fonctionnelle, phylogénétique).               et influencent simultanément la diversité dans chaque
                                               Les forces et processus qui maintiennent ces différents               échelle (Lankau & Strauss, 2007).
                                               types de diversité sont généralement étudiés séparé-
                                                                                                                     De l’échelle locale à l’échelle globale, la diversité s’orga-
                                               ment, mais il existe des interactions complexes entre ces
                                                                                                                     nise, se distribue et évolue selon des facteurs qui créent
                                               échelles. Ainsi, la composition d’une communauté écolo-
                                                                                                                     des dynamiques spatiales et temporelles complexes,
                                               gique influence la sélection de traits morphologiques par-
                                                                                                                     autant sur le temps évolutif que sur le temps court. A
                                               ticuliers, suggérant le rôle de la diversité spécifique d’un
                                                                                                                     l’origine, la théorie de la stabilité écologique a d’abord
                                               milieu sur la diversité génétique d’une espèce (Strauss
                                                                                                                     considéré que la biodiversité était un facteur de stabilité
                                               & Irwin, 2004). A l’inverse, la diversité génotypique d’une
                                                                                                                     des écosystèmes : plus un milieu était biologiquement
                                               population de plantes peut déterminer non seulement la
                                                                                                                     divers, plus ces dynamiques étaient a priori stables et ten-
                                               diversité spécifique des arthropodes associés, mais aussi
                                                                                                                     dant vers une communauté « climax » (Clements, 1936).

                                                                                                                 7
Introduction à la biodiversité, services écosystémiques et socio-écosystèmes - ANNEXE A - ECOBIOSE
CHAPITRE         Annexe A

© Oliver Brosseau

       Cependant, dès 1972 et les travaux mathématiques de               rogène. A l’échelle globale, la diversité spécifique des
       Robert May, un chercheur australien pionnier de l’écologie,       milieux terrestres augmente des pôles vers l’Équateur. Ce
       des découvertes théoriques et empiriques démontrèrent             gradient latitudinal est corrélé à la température moyenne
       que les écosystèmes et la biodiversité évoluent selon             et la disponibilité en eau. Avec plus d’énergie, sous forme
       des équilibres instables et dynamiques, particulièrement          d’eau et de chaleur, plus d’organismes peuvent être sou-
       depuis l’augmentation de l’influence des activités hu-            tenus et donc plus d’espèces et de diversité grâce à une
       maines sur les milieux terrestres et marins (May, 1976).          disponibilité énergétique plus élevée. Des hypothèses
       Plus récemment, les deux approches ont été réconciliées,          non-énergétiques existent également, comme la surface
       et la diversité apparaît bien comme un facteur stabili-           et le volume plus élevés des tropiques comparés aux
       sant (Loreau & de Mazancourt, 2013). Ces propriétés               hautes latitudes (« théorie neutraliste de la biodiversité »)
       dynamiques en constante évolution et soumises à des               ou encore la théorie du changement climatique, qui se
       changements d’équilibres et à des effets de seuils, créent        base sur le fait que le climat, ayant connu des extrêmes
       une distribution géographique de la diversité très hété-          de chaleur et des glaciations, a été le plus propice
                                                                         pendant le plus longtemps dans les régions à basse
                                                                         latitude créant des conditions plus stables pour l’évo-
                                                                         lution et la diversification des espèces (Turner, 2013).
              L’Anthropocène                                             La biogéographie enrichit ces approches macro-écolo-
                                                                         giques en y incorporant d’autres processus comme l’im-
                                                                         migration, la colonisation, l’extinction, dans un contexte
              L’Anthropocène est un terme proposé pour                   spatialement explicite. Les moteurs de l’évolution (sélec-
              caractériser l’époque géologique de l’histoire             tion naturelle, mutation génétique, dérive) interagissent
              de la Terre durant laquelle les activités hu-              avec les processus spatiaux de la diversité à toutes ces
              maines ont un impact global significatif sur               échelles, et produisent, par exemple, l’endémisme, c’est-
              les écosystèmes terrestres et marins. L’es-                à-dire la présence naturelle d’un groupe biologique exclu-
              pèce humaine agit ainsi comme un facteur de                sivement dans une région géographique délimitée. Mais à
              changement et déterminant global au même                   l’époque moderne, qui est celle de l’Anthropocène, de la do-
                                                                         mestication, de l’ingénierie génétique et de l’intervention
              titre que le climat ou la géologie. D’autres
                                                                         humaine dans les processus évolutifs, des pressions sé-
              termes, comme le Capitalocène, proposent                   lectives d’origine humaine sont générées qui modifient les
              de désigner l’ère industrielle comme le déter-             trajectoires évolutives des humains comme des non-hu-
              minant de ce changement, plutôt que l’espèce               mains (Ellis, 2015), avec des impacts majeurs pour la
              humaine en soit. Le concept fait par ailleurs              gestion de la biodiversité et l’adaptation aux changements
              l’objet d’âpres débats au sein de la commu-                environnementaux (Sarrazin & Lecomte, 2016).
              nauté scientifique.

                                                                     8
Introduction à la biodiversité, services écosystémiques et socio-écosystèmes - ANNEXE A - ECOBIOSE
CHAPITRE           Annexe A

                                                                                      L’expérience de
                                                                                      Cedar Creek
                                                                                      La station de recherche biologique
                                                                                      de Cedar Creek (Cedar Creek Ecosys-
                                                                                      tem Science Reserve, Université du
                                                                                      Minnesota), a réalisé des travaux de re-
                                                                                      cherche pionniers sur la relation entre
                                                                                      la diversité végétale et la productivité
                                                                                      de biomasse. L’équipe du Dr Tilman a
                                                                                      mis en évidence la manière dont les
                                                                                      processus de complémentarité des
                                                                                      niches permettent à des parcelles avec
                                                                                      une plus grande diversité spécifique
                                                                                      de produire plus de biomasse que les
                                                                                      monocultures, produisant jusqu’à 2,7
      © Davild Tilman (UMN)                                                           fois plus dans des parcelles avec 16
                                                                                      espèces cultivées (Tilman et al., 2001).

Les bénéfices de la diversité sur les fonctions écosys-               cité adaptative (Oliver et al., 2015), et vers la résilience
témiques font l’objet d’études empiriques et expérimen-               économique ou sociale. Le rôle de la biodiversité dans la
tales. La première série d’expérimentation a concerné                 résilience des écosystèmes est étudié à travers les fonc-
la productivité et la production primaire (expérience de              tions écosystémiques spécifiques, comme la stabilité et
Cedar Creek en 2001 – voir encadré). La diversité spé-                la productivité, ou les mécanismes d’adaptation et de to-
cifique peut augmenter la productivité en augmentant la               lérance. En ce qui concerne la stabilité des écosystèmes,
probabilité que les différentes espèces de la communauté              un nombre important d’études démontre une relation
utilisent des ressources complémentaires ou la probabilité            positive entre diversité et stabilité, mais d’autres résultats
qu’une espèce particulièrement productive ou efficace soit            empiriques contredisent cette affirmation : réalisant une
présente dans la communauté. Ainsi, une diversité élevée              méta-analyse de plus de 64 relations diversité-stabilité,
d’espèces végétales peut influencer la productivité totale            Ives & Carpenter (2007) ont montré que sur les 59 études
en permettant globalement d’exploiter plus efficacement               utilisant des mesures de stabilité classiques (susceptibili-
les ressources du sol (nutriments et eau ; Cleland, 2011).            té à l’invasion, variabilité, résistance, et élasticité), 69% des
Cette relation est aussi observée pour la diversité fonc-             relations étaient positives et 14% étaient négatives. Les
tionnelle : la biomasse aérienne augmente avec le nombre              mécanismes écologiques pouvant expliquer cette relation
de groupes fonctionnels (Hector et al., 2002).                        incluent l’effet portfolio, aussi appelé l’hypothèse d’as-
                                                                      surance. Ce principe, inspiré des sciences économiques,
Les dynamiques spatiales et temporelles de la biodiver-
                                                                      postule que la diversité engendre plus de variation de la
sité, souvent caractérisées par des équilibres instables,
                                                                      composition en espèces et groupes fonctionnels, qui aug-
engendrent des changements pouvant être progressifs ou
                                                                      mente la redondance et la complémentarité fonctionnelle
rapides, réversibles ou irréversibles. La capacité d’un éco-
                                                                      et réduit les risques de pertes fonctionnelles dans une
système à revenir éventuellement à son état initial après
                                                                      communauté après une perturbation, en particulier dans
une perturbation, et en tous cas à maintenir sa structure et
                                                                      des contextes environnementaux hautement stochas-
ses fonctions, est appelée la résilience. Celle-ci peut être
                                                                      tiques et imprévisibles (Schindler et al., 2015).
mesurée par son élasticité (vitesse de retour à l’état initial)
et son amplitude (distance maximale à l’état initial au-de-
là de laquelle l’écosystème change d’état). La notion de
résilience écologique, inspirée des théories des systèmes
dynamiques, a été introduite par l’écologue canadien C.S.
Holling pour décrire la persistance des systèmes naturels
face à des changements de variables écosystémiques
d’origine naturelle ou anthropique (Holling, 1973). Depuis,
la résilience écologique s’est élargie vers une analyse des
multiples états stables alternatifs des écosystèmes et
de leur capacité à résister à des changements de régime
par des réorganisations internes, c’est-à-dire leur capa-

                                                                  9
Introduction à la biodiversité, services écosystémiques et socio-écosystèmes - ANNEXE A - ECOBIOSE
CHAPITRE           Annexe A

  A.2               Les services écosystémiques
          A.2.1.     Que recouvre le concept de service écosystémique ?
La biodiversité a un rôle pivot dans les processus écologiques
qui sous-tendent le fonctionnement des écosystèmes : la
résilience, la stabilité et la productivité des écosystèmes sont
dépendantes de la biodiversité (Oliver et al., 2015). Or, les                   « La valeur des services
composants biotiques et abiotiques des écosystèmes consti-
tuent les principales ressources naturelles dont les sociétés                   écosystémiques et
humaines ont besoin : sans ces ressources, elles ne pourraient
assurer leur subsistance et leur développement (Carpenter                       du capital naturel du
et al., 2009). Au même titre que les conditions climatiques
ou que les sources d’énergies, la biodiversité a donc un rôle                   monde » (Costanza et al., 1997)
crucial pour les sociétés humaines par son influence directe
et indirecte sur les écosystèmes (Díaz et al., 2006). De ce                     Paru en 1997, la publication de cet article porté
constat de dépendance est née la notion de ‘service’ : les éco-                 par Costanza et ses collaborateurs constitue
systèmes et leurs composants, de par leur productivité et leurs                 une étape clé dans le développement de l’ap-
fonctionnements, délivrent à l’humanité un certain nombre de
                                                                                proche des services écosystémiques et de leur
bénéfices sans lesquels elle ne pourrait survivre et évoluer.
Nos sociétés et le bien-être humain sont en effet construits                    évaluation monétaire. La valeur économique
sur notre dépendance à la biodiversité (Sandifer et al., 2015).                 des services rendus par toute la biosphère a
                                                                                été estimée à $33 000 milliards en moyenne
Le terme « services écosystémiques », ou encore « contri-                       annuelle (pour un PIB mondial de $18 000 mil-
butions de la nature à l’homme », désigne l’ensemble des
                                                                                liards, en 1997). Citée plus de 20 000 fois dans
bénéfices provenant de la nature dont les sociétés font usage.
Cette notion est apparue pour la première fois sous le terme                    la littérature scientifique, cette publication met
de « services environnementaux » dans un rapport de 1970 sur                    en avant pour la première fois l’importance
l’Etude des problèmes environnementaux critiques (Wilson &                      économique des services écosystémiques
Matthews, 1970). Bien que de nombreuses variations du terme                     pour le bien être humain. Ces travaux ont ce-
aient été proposées, c’est aujourd’hui le terme « services éco-                 pendant suscité de nombreux débats acadé-
systémiques » qui est prédominant. Le concept s’est ensuite                     miques sur la méthodologie et la légitimité de
développé à partir de la fin des années 1990, afin de mettre                    l’évaluation monétaire du capital naturel.
l’accent sur la valeur instrumentale de la nature, c’est-à-dire
l’utilité de la biodiversité pour les sociétés. La notion connait
un intérêt exponentiel à partir de la fin des années 1990, avec
                                                                           en un modèle dominant de politique et de gestion environ-
la publication d’un article de Costanza et al. (1997) qui évalue
                                                                           nementale. En effet, son usage croissant tant dans le monde
la valeur économique générée par les écosystèmes à travers
                                                                           scientifique que dans l’action publique a fait des « services
la production de services écosystémiques. Historiquement,
                                                                           écosystémiques » un concept central de la conservation et de
le terme a tout d’abord eu une utilité pédagogique, se concen-
                                                                           la valorisation de la biodiversité, formalisant la dépendance
trant sur la nécessité d’illustrer par la métaphore du ‘service’ la
                                                                           des sociétés humaines au fonctionnement des écosystèmes
dépendance des sociétés aux écosystèmes (Norgaard, 2010).
                                                                           (Fisher et al., 2009).
Mais en quelques années, la métaphore s’est transformée

          A.2.2.      Le Millenium Ecosystem Assessment : classification des services
                      écosystémiques
Il existe plusieurs définitions des services écosystémiques.               obtenus des écosystèmes». Ainsi, au-delà de l’impératif
Historiquement, la principale est celle du Millenium Eco-                  moral de préserver la biodiversité, l’idée sous-entendue par
system Assessment (MEA), qui les définit comme les                         ce concept est qu’il existe également un impératif utilitaire,
« bénéfices que les sociétés obtiennent des écosystèmes »,                 et donc anthropocentré. Le MEA a mobilisé un réseau de
qu’il convient donc de protéger ou de gérer. Harrington et                 1300 experts afin d’analyser non seulement la valeur mais
al. (2010) rappellent cependant la notion subjective que                   aussi l’état actuel des services écosystémiques à l’échelle
traduit ce concept : les services écosystémiques sont plu-                 mondiale. Après 4 ans, le MEA a publié une série de rap-
tôt « les bénéfices que les humains reconnaissent comme                    ports décrivant l’état des écosystèmes et des services. Le

                                                                      10
CHAPITRE         Annexe A

rapport fait état de la dégradation ou de l’usage non-durable        depuis celle du MEA (MEA, 2005). Nous présentons ici la
de près de 60% des services écosystémiques, avec des                 plus récente classification (Tableau A.1), issue du CICES
conséquences majeures sur le développement, la pauvreté              V5.1 (Common International Classification of Ecosystem
et l’adaptation aux changements environnementaux. Afin               Services), qui distingue 3 catégories de services écosysté-
de mieux comprendre ce que sont les services écosys-                 miques :
témiques, plusieurs classifications ont été développées

TA B L E AU
              Classification des services écosystémiques, d’après The Common International Classification of Ecosystem
   A.1        Services (CICES).

 Groupe de services               Services écosystémiques
 Approvisionnement                Plantes terrestres cultivées pour la nutrition, les matériaux ou l'énergie
 (Biotique)                       Plantes aquatiques cultivées pour la nutrition, les matériaux ou l'énergie
                                  Animaux élevés pour la nutrition, les matériaux ou l'énergie
                                  Plantes sauvages (terrestres et aquatiques) pour la nutrition, les matériaux ou l'énergie
                                  Animaux sauvages (terrestres et aquatiques) pour la nutrition, les matériaux ou l'énergie
                                  Matériel génétique de plantes, d'algues ou de champignons
                                  Matériel génétique provenant d'animaux
                                  Autre
 Approvisionnement                Eau de surface utilisée pour la nutrition, les matériaux ou l'énergie
 (Abiotique)                      Eau souterraine utilisée pour la nutrition, les matériaux ou l'énergie
                                  Autres produits aqueux de l'écosystème
                                  Substances minérales utilisées pour la nutrition, les matériaux ou l'énergie
                                  Substances non minérales ou propriétés d'écosystème utilisées pour la nutrition, les
                                  matériaux ou l'énergie

 Régulation &                     Gestion de déchets ou de substances toxiques d'origine anthropique par des processus
                                  vivants (par ex. bioremédiation, séquestration)
 Maintenance
 (Biotique et Abiotique)          Régulation des nuisances d'origine anthropique (atténuation du bruit, réduction de l’odeur)
                                  Régulation des débits de base et des événements extrêmes
                                  Maintien du cycle de vie, protection de l'habitat et de la ressource génétique (pollinisation,
                                  dispersion des graines)
                                  Lutte contre les parasites et les maladies
                                  Régulation de la qualité du sol
                                  Conditions de l'eau (conditions chimiques eaux douces et salées)
                                  Composition et conditions atmosphériques
                                  Autres

 Culturel                         Interactions physiques et expériences sensibles avec l'environnement naturel
 (Biotique et Abiotique)          Interactions intellectuelles et représentatives avec l'environnement naturel (éducation,
                                  création de savoir, expérience esthétique)
                                  Interactions spirituelles, symboliques et autres avec l'environnement naturel
                                  Autres caractéristiques biotiques ayant une valeur de non-utilisation (valeur existentielle)
                                  Autres

                                                                11
CHAPITRE          Annexe A

1. Les services d’approvisionnement : cette caté-                        Dans Ecobiose, nous nous sommes largement inspirés
gorie couvre tous les matériaux et produits nutritionnels,               de la classification du CICES, que nous avons cepen-
non-nutritionnels et énergétiques obtenus grâce aux écosys-              dant légèrement amendée au regard de nos objectifs, et
tèmes. Ces services sont divisés en produits de la biomasse              nous sommes en fait rapprochés de la classification qui
(nourriture végétale et animale, bois, fibres), en matériels             a aussi été utilisée dans le cadre d’EFESE, l’évaluation
génétiques (graines, gènes, organismes) et en ressources                 française des Services écosystémiques (EFESE, 2017;
aquatiques (eaux de surface, et eaux souterraines).                      Thérond et al., 2017). Notre classification des effets de
                                                                         la Biodiversité sur les services socio-économiques et
2. Les services de régulation et de mainte-                              culturels s’articule ainsi autour des effets directs sur la
nance : cette catégorie couvre toutes les formes de                      production (notamment de biomasse, qu’il s’agisse de
régulation de l’environnement qui affectent la santé, la                 rendements des cultures, de la production de vins ou de
sécurité et le confort humain. Ces services sont divisés en              bois, de miel, de la biomasse de poissons pêchés etc.) ;
deux catégories :                                                        une deuxième catégorie concerne le rôle de la biodiver-
                                                                         sité sur les services indirects, c’est-à-dire les fonctions
         I. La transformation des intrants biochimiques                 écosystémiques qui contribuent à et soutiennent la pro-
          et physiques d’origine humaine dans les écosys-                duction, comme la pollinisation ou le contrôle biologique.
          tèmes : comme la régulation des nuisances, le                  Viennent ensuite la catégorie des effets sur les services
          recyclage des déchets et des substances toxiques.              de régulation, incluant les gaz à effet de serre, la qualité
         I I. La régulation de conditions physiques, chimiques          de l’eau ou de l’air, le recyclage de la matière organique, la
          et biologiques diverses. Cela inclut la pollinisation,         détoxification (eau, sols), les crues etc. Enfin, viennent les
          la décomposition, le contrôle de l’érosion, des ma-            services socio-culturels, qui peuvent avoir des retombées
          ladies, et des bioagresseurs, ainsi que la régulation          économiques (chasse, écotourisme) ou non (valeur patri-
          du climat (la température, les précipitations, et les          moniale, paysages, culture).
          catastrophes naturelles)

3. Les services socio-culturels : cette catégorie
couvre les bénéfices non-matériels qui affectent les états
physiques et mentaux des humains.
         •C
           es services sont divisés en bénéfices directs
          et indirects de l’interaction avec la nature et
          couvrent les apports culturels, les valeurs reli-
          gieuses et spirituelles, les contributions récréa-
          tives, touristiques, esthétiques et patrimoniales
          ainsi que les systèmes de savoirs locaux et
          traditionnels.

                                                                           © Thierry Degen

         A.2.3.     De la biodiversité au bien-être humain : le modèle en cascade
À travers les services écosystémiques, les sociétés hu-                  structure des écosystèmes, base à partir de laquelle l’inte-
maines utilisent et bénéficient des écosystèmes, de leurs                raction avec le biotope génère des fonctions écologiques. Le
ressources et des espèces qui y vivent. Le cadre des services            modèle en cascade est ainsi constitué d’une chaîne formant
écosystémiques permet de rendre visibles les valeurs écono-              un continuum allant de l’écologie aux sphères économiques
miques, sociales, culturelles et patrimoniales de la nature et           et socio-culturelles (Figure A.3). La représentation linéaire
de la biodiversité (Fisher et al., 2009). Les différents services        du modèle en cascade a toutefois été perçue comme trop
sont ainsi impliqués dans les aspects les plus fondamentaux              simplificatrice de processus dynamiques et complexes ne
de la qualité de vie de chaque citoyen. Fondé sur les services           suivant pas des liens de causalités directes ; ainsi d’autres re-
écosystémiques, le « modèle en cascade » permet de visuali-              présentations ont été développées qui rendent mieux compte
ser de façon simplifiée cette relation d’interdépendance entre           de la complexité des interactions entre les systèmes éco-
l’environnement et les sociétés humaines au travers des ser-             logiques, économiques et sociaux (Costanza et al., 2017).
vices rendus. Ce modèle connecte la structure biophysique                Dans le cadre d’Ecobiose, nous avons utilisé cette approche
des écosystèmes avec la valeur sociétale des différents                  conceptuelle pour structurer l’analyse des socio-écosys-
biens et services qu’ils apportent (Potschin & Haines-Young,             tèmes régionaux.
2017). Il considère la biodiversité comme un élément de la

                                                                    12
CHAPITRE         Annexe A

      Le capital naturel
      Le capital naturel se réfère à la totalité du stock des ressources naturelles : cela inclut le sol, l’air, l’eau, la
      géologie et l’ensemble des organismes vivants. Ainsi, là où le capital naturel est considéré comme le stock
      de ressources, les services écosystémiques correspondent aux flux de biens et services produits par les pro-
      cessus écologiques du capital naturel. Il constitue le moyen de production de ces biens et services. Notion à
      l’origine économique, le concept de capital naturel est une forme complémentaire aux autres types de capi-
      taux, comme le capital humain, le capital financier, le capital intellectuel ou le capital technologique. Le terme
      ‘capital’ est utilisé pour reconnecter l’économie humaine à ses dimensions et dépendances écologiques. Ce
      concept est également utilisé comme outil de comptabilité pour l’évaluation quantitative de la valeur d’un
      écosystème, contrastant ainsi avec les approches économiques classiques qui sous-estiment ou omettent
      d’inclure les contributions de la nature aux secteurs économiques et à la société au sens large.

Les étapes du modèle en cascade
• Structure et processus biophysiques : la structure est l’ensemble des entités biotiques ou abiotiques composant un
écosystème, c’est-à-dire son architecture biophysique. Les processus biophysiques correspondent aux flux de matière et d’éner-
gie entre les éléments de la structure.

• Fonctions écologiques : les fonctions écologiques sont ici désignées comme « services de support » car elles résultent
des processus des écosystèmes et supportent la production des biens et services écosystémiques. Cela inclut par exemple le
cycle des nutriments, la formation du sol et la production primaire.

• Services écosystémiques : ces services correspondent aux fonctions écologiques et leurs effets dans l’écosystème qui
sont utilisés activement ou passivement par l’Homme. Ils sont toujours en lien direct avec l’écosystème qui les génère : ils parti-
cipent ainsi à ses dynamiques et à son fonctionnement et ne peuvent être dissociés de la structure biophysique de l’écosystème.
Ces fonctions ne deviennent « services » que parce qu’ils ont un bénéficiaire humain.

• Biens & bénéfices : aussi désignés par le terme « avantage », les bénéfices diffèrent des services car ils correspondent au
moment où le bien-être humain est directement impacté, ce qui nécessite l’interaction du service avec d’autres formes de capital
(comme un apport industriel ou artisanal). Les bénéfices sont les choses matérielles et non-matérielles extraites de l’écosys-
tème et qui ne participent plus à son fonctionnement.

• Valeurs : la valeur des bénéfices dérivés des écosystèmes est le dernier échelon du modèle en cascade ; les valeurs
dépendent du type d’usage du bénéfice, du contexte social et culturel ainsi que de la catégorie du service auquel elles sont
rattachées. Plusieurs modèles issus des théories de la valeur ont pu catégoriser l’ensemble des valeurs attribuées à ces biens
et services. Le cadre de la valeur économique totale a ainsi été appliqué à la biodiversité et aux services écosystémiques (Che-
vassus-au-Louis et al., 2009). Le cadre conceptuel de l’Évaluation Française des Ecosystèmes et des Services Ecosystémiques
(EFESE), comme beaucoup d’autres, distingue ainsi différents types d’usages dépendants de la nature du service. Parmi ces
types d’usages, on retrouve :
         • Usage direct avec prélèvement > prestations directement consommables, provenant de l’usage direct de nourriture,
           de biomasse ou encore de bois
         • Usage direct sans prélèvement > valeurs des services socio-culturels, comme une contribution récréative ou psycho-
           logique
         • Usage indirect > avantages fonctionnels comme les fonctions écologiques, hydrologiques et climatiques et autres
           services de régulation
         • Usage potentiel futur ou optionnel > conservation des habitats, durabilité de la fourniture des services
A chaque usage correspond un type de valeur associée. Il existe aussi des valeurs de non-usage des écosystèmes et de leurs
services, désignées par le terme « patrimoine naturel » dans l’EFESE. Ces valeurs s’appliquent notamment aux valeurs patrimo-
niales, aussi valeurs dites d’héritage, qui concerne la conservation pour les générations futures ; mais aussi aux valeurs intrin-
sèques attribuées à la biodiversité, valeurs dites « d’existence », concernant notamment les espèces menacées.

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