Gorilla Journal Journal de Berggorilla & Regenwald Direkthilfe - Berggorilla & Regenwald Direkthilfe eV

 
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Gorilla
                         Journal
Journal de Berggorilla & Regenwald Direkthilfe
No. 57, décembre 2018

De l’application        L’impact du          Club des Amis       Donnes-moi tes
de la loi dans          voisinage sur        des Gorilles dans   crottes, je te dirai
Itombwe                 l’espacement des     la forêt d’Ebo      qui tu es
                        gorilles de Bwindi
BERGGORILLA & REGENWALD DIREKTHILFE

Table des matières                            Auteurs                                     chef du projet des Gorilles de Tshiabe-
                                                                                          rimu dans le Parc National des Virunga
R. D. Congo                              3       Dr. Ekwoge Enang Abwe est Di-            pour le compte de la Gorilla Organiza-
De l’application de la loi militarisée        recteur du Ebo Forest Research Pro-         tion. Il a été nommé en 2018 conser-
à l’application de la loi avec les            ject au Cameroun. Il est investi dans la    vateur du secteur du Mont Tshiaberi-
communautés dans Itombwe                 3    conservation des gorilles depuis 2005       mu du Parc National des Virunga. En
Réserve Naturelle d’Itombwe :                 et il se consacre depuis 2008 au suivi      2017, il est devenu Directeur de la Ré-
Une initiative féminine locale           5    et à la collecte de données écologiques     serve d’Itombe.
Qu’en est-il de la firme Banro dans           sur les gorilles d’Ebo.                         Daniel M. Mfossa est le coordina-
la RNI ?                                 6       Dr. Augustin K. Basabose a dirigé        teur du Club des Amis des Gorilles de
Bio-surveillance des grands singes            plusieurs études consacrées à la biodi-     l’Ebo Forest Research Project. Il pré-
au moyen de pièges photogra-                  versité dans l’Albertine Rift. Il a fondé   pare son doctorat à l’université ERAIFT
phiques dans Kahuzi-Biega                 7   et préside la Primate Expertise (PEx),      de Kinshasa et effectue des recherches
Omari Ilambu 1959–2018                    9   une ONG consacrée à la recherche sur        sur les gorilles d’Ebo et leur habitat.
Ouganda                                  11   les primates et la conservation dans la         Dr. Bethan Morgan est chef du pro-
L’impact du voisinage sur les                 RDC. Il dirige actuellement le Labo-        gramme en l’Afrique Centrale de la So-
habitudes d’espacement des                    ratoire de Primatologie du Centre de        ciété Zoologique de San Diego, Centre
gorilles de Bwindi                       11   Recherche en Sciences Naturelles de         pour la Reproduction des Espèces en
Gorilles                                 13   Lwiro.                                      Danger (CRES), Programme Interna-
Club des Amis des Gorilles dans                  Laura Hagemann prépare un doc-           tional de terrain au Cameroun.
la forêt d’Ebo                           13   torat à l’Institut Max Planck d’Anthro-         Dr. Leonard K. Mubalama est le
Donnes-moi tes crottes, je te dirai           pologie Evolutive à Leipzig, Allemagne.     responsable du programme du WWF
qui tu es                                17   Elle consacre principalement sa thèse       du Sud-Kivu, dans l’est de la RDC. Il
Un schéma de categori­sation du               à l’inférence génétique dans la dyna-       participe aux activités de classement
braconnage                               21   mique des populations de gorilles du        d’Itombwe depuis 2010.
                                              Parc National de Loango au Gabon.               Victory Paluku est garde à l’ICCN
                                                 Félix Igunzi est employé à Itombwe       où il exerce actuellement la fonction de
                                              depuis 2014. Ses occupations princi-        chef adjoint des gardes de la Réserve
                                              pales sont la recherche scientifique et     naturelle d’Itombwe.
Gorilla Journal 57, décembre 2018             le monitoring.                                  Dr. Martha M. Robbins est assis-
 Editeur : Angela Meder                          Gentil Kambale travaille pour le         tante de recherche à l’Institut Max
 Augustenstr. 122, 70197 Stuttgart,           compte du WWF à Itombwe depuis 5            Planck pour l’Anthropologie Evolutive.
­Allemagne                                    ans. Il est actuellement chef de projet     Elle étudie l’écologie comportementale
 E-mail : meder@berggorilla.org               par intérim d’Itombwe.                      des gorilles depuis 1990.
 Traduction : Yves Boutelant, Jean-              Deo Kujirakwinja coordonne les               Dr. Nicole Seiler est chercheuse
 Pascal Guéry, Julia Peguet, Florence         travaux de la Wildlife Conservation         post­ doctorale à l’Institut Max Planck
 Perroux                                      Society (WCS) au Rift Albertin et est       d’Anthropologie Evolutive. Elle étu-
 Réalisation : Angela Meder                   l’un des principaux ornithologues du        die les modèles de déplacement sur le
 Couverture : L’équipe de monitoring          Congo.                                      long terme des gorilles de Bwindi, ain-
 du CAG utilisant un GPS et une bous-            Jean Claude Kyungu Kasolene a            si que l’utilisation des habitats des go-
 sole pour s’orienter dans la forêt           dirigé la Réserve de Gorilles de Tay-       rilles dans le Parc National de Loango.
 Photo: ZSSD/Daniel Mfossa                    na ainsi que la Réserve de Gorilles de          Jean de Dieu Wasso travaille pour
                                              la communauté de Walikale, et a été         l’Africapacity/Rainforest     Foundation
Addresse de l’organisation :                                                              Norway à Bukavu.
Berggorilla & Regenwald Direkthilfe                                                           Dr. Liz Williamson est assistante
c/o Burkhard Broecker                         Relation bancaire :                         de recherche à l’Université de Stirling
Juedenweg 3                                   IBAN DE06 3625 0000 0353 3443 15            et coordinatrice de la liste des espèces
33161 Hoevelhof, Allemagne                    BIC SPMHDE3E                                menacées de l’UICN pour le taxon
E-mail : broecker@berggorilla.org             Suisse :                                    grands singes. Elle a commencé son
Site web :                                    IBAN CH90 0900 0000 4046 1685 7             travail de terrain sur les grands singes
http://www.berggorilla.org                    BIC POFICHBEXXX                             en 1982.

2 Gorilla Journal 57, décembre 2018
R. D. CONGO

De l’application de la loi                   Même s’il y a eu des changements, les        gées ont été créées pendant la colo-
                                             interventions pour appliquer la loi ont      nisation et basées sur de restrictions
militarisée à l’application                  été et sont encore conduites par des         imposées aux communautés locales.
de la loi avec les commu­                    gardes armés soutenus par les forces         L’approche basée sur les amendes et
nautés dans la Réserve                       armées (Marijnen 2017).                      les restrictions a été mise en œuvre
d’Itombwe                                       Avec les changements de gouver-           depuis et les restrictions sur les res-
                                             nance des aires protégées, les prati-        sources sont toujours appliquées d’une
Les approches de conservation en Ré-         ciens de la conservation ont mis en          manière ou d’une autre, malgré l’exis-
publique Démocratique du Congo ont           doute l’approche exclusive des pa-           tence de certaines approches et pro-
évolué des approches coercitives et de       trouilles pour les aires protégées qui       cessus de collaboration.
haut en bas vers des approches adap-         ont été créées, comme Itombwe, grâce            Conformément à la loi 014 sur la
tatives de cogestion (Inogwabini 2014;       à une approche participative (Kuji-          conservation de la RDC (Journal Offi-
Pelissier et al. 2015; Kujirakwinja et al.   rakwinja et al. 2018). Depuis le classe-     ciel 2014), les écogardes sont autori-
2017, 2018). Les communautés étaient         ment de la réserve, la direction d’Itom-     sés à porter des armes pour patrouil-
exclues des interventions de conserva-       bwe a mis en place des comités de            ler et sont habilités à procéder à des
tion telles que l’application des lois de    gouvernance communautaires afin de           arrestations et à se défendre en cas
protection de la nature. Les commu-          faire participer les représentants de        d’échanges d’armes à feu avec des
nautés ont été principalement prises         la communauté à la gestion de la ré-         braconniers et d’autres forces armées
pour cibles et identifiées comme des         serve. En outre, pour répondre aux           menaçant leur travail et leur vie. Dans
braconniers et associées à la dégrada-       défis de gestion et à la gestion ineffi-     divers endroits, des tentatives ont été
tion de la forêt et à la dépletion des es-   cace de la réserve, les membres de           menées pour inciter les communautés
pèces (Oates 2002; Moreto & Lemieux          la communauté et leurs dirigeants ont        à effrayer les animaux près des vil-
2015). Avec les changements globaux          été impliqués dans diverses activités        lages pour les forcer à retourner dans
et sur le terrain qui arrivent, des mo-      de conservation, soit pour soutenir les      la forêt (par exemple, le Massif des
dèles innovants ont été mis en place         interventions en cours, soit pour en diri-   Virunga avec « Humain et Gorille » –
afin de préserver les zones protégées,       ger certaines.                               HUGO).
particulièrement dans les pays où les           Les approches de gestion à Itom-
agences gérant les aires protégées           bwe sont en cours d’ajustement pour          Vers l’implication des communau-
sont faibles et manquent de moyens           s’adapter aux processus de collabo-          tés locales dans les interventions
techniques et financiers (Borrini-Feye-      ration. Bien que des gardes armés            des forces de l’ordre à Itombwe
rabend et al. 2004; Berdej et al. 2015).     continuent à patrouiller dans certaines      La Réserve Naturelle (RN) d’Itombwe a
                                             zones de la réserve. Des communau-           été légalement établie en 2006 et ses
                                             tés ont été chargées de patrouiller          limites ont été validées par le gouver-
                                             dans des zones situées dans les aires        neur du Sud-Kivu en 2016 à la suite
                                             de gestion entourant leurs villages. Le      d’une implication plus large des parties
                                             processus repose sur des structures          prenantes. Elle couvre environ 6000
                                             de gouvernance communautaires éta-           km avec moins de 50 gardes et un
                                             blies, un accord local pour la surveil-      financement insuffisant (voir Baruka
                                             lance de la communauté, des forma-           2015). Baruka a constaté que la RN
                                             tions et des patrouilles dans les zones      d’Itombwe était sous-financée à envi-
                                             clefs. En conséquence, la couverture         ron 80 % de ses besoins en 2015. Elle
                                             de la réserve par les patrouilles a aug-     est l’un des fiefs des derniers gorilles
                                             menté par rapport à l’année précé-           de Grauer (Gorilla beringei graue-
                                             dente.                                       ri). Malheureusement, les gorilles et
                                                                                          d’autres espèces (chimpanzés, élé-
                                             Approches policières en Répub-               phants, etc.) sont menacées par le
                                             lique Démocratique du Congo                  braconnage traditionnel et armé, l’ex-
Limites de la Réserve d’Itombwe              Les zones protégées en RDC sont              ploitation minière et la fragmentation
dans différentes entités administra­         un héritage de la colonisation (Harroy       de l’habitat par l’agriculture et l’éle-
tives locales (Chefferie et secteurs)        1993; Van Schuylenbergh 2009; Pouil-         vage (Plumptre et al. 2016; Spira et
                     Carte: ICCN RNI         lard 2016). La plupart des aires proté-      al. 2017).

                                                                                          3 Gorilla Journal 57, décembre 2018
R. D. CONGO

   Pour relever le défi de patrouiller        tratifs. Les secteurs sont priorisés         nées sur la base du protocole de
cette zone avec un soutien financier          selon la présence d’espèces-cibles           collecte de données de l’ICCN.
insuffisant, en accord avec les struc-        nécessitant des actions de conser-           Ils ne suivent pas de formation pa-
tures de gouvernance établies par la          vation, en particulier les gorilles          ramilitaire. Leur rôle principal est la
communauté locale, les membres de             (Gorilla beringei graueri). Une fois         surveillance écologique (espèces
la communauté ont été formés à la             les comités sélectionnés, un accord          et activités humaines) ainsi que le
conduite de patrouilles et au soutien         est signé entre l’ICCN, les commu-           signalement d’activités illégales.
d’autres interventions telles que la dé-      nautés et les ONG d’appui finan-             Dans les cas où les éclaireurs se
marcation des limites.                        cier – ONG internationales et natio-         déplacent avec des gardes, ce sont
   Le processus de création des               nales. L’accord spécifie les activités       les gardes qui peuvent arrêter les
groupes de patrouille comprenait :            clefs, les résultats et le calendrier.       délinquants, sur la base des lois en
                                           b. Sélection de la communauté. La               vigueur.
a. Accord opérationnel entre l’ICCN et        sélection des éclaireurs par les          d. Patrouilles et rapports. Les éclai-
   les comités communautaires pour            structures de gouvernance locales            reurs communautaires sont équi-
   les patrouilles. La RN d’Itombwe a         se fait sur la base de critères              pés du matériel nécessaire à la
   établi six comités de gouvernance          convenus tels que savoir lire et             collecte de données. Ils recueillent
   communautaires. Ils constituent le         écrire, être en forme, apprendre et          des données sur les espèces sau-
   fondement de l’approche commu-             utiliser le matériel de terrain tel que      vages qu’ils voient et les activi-
   nautaire en tant qu’interface avec         GPS, smartphone pour la collecte             tés humaines qu’ils constatent,
   l’ICCN (Institut Congolais pour la         de données à l’aide de l’application         ainsi que toutes caractéristiques
   Conservation de la Nature) dans            Cybertracker.                                écologiques qui pourraient éclai-
   les      communautés    respectives.    c. Formation de scouts communau-                rer la gestion des stratégies
   Cette approche est basée sur la            taires sélectionnés. Les éclai-              ou induire des changements.
   stra­té­gie de conservation actuelle       reurs sélectionnés dans la com-              Les données collectées par les
   des communautés (ICCN 2015).               munauté sont formés par les                  membres des communautés sont
   Les comités sont sélectionnés en           gardes forestiers principaux et les          envoyées au quartier général du
   fonction de leurs secteurs adminis-        directeurs pour la collecte de don-          parc et sont saisies à l’aide du lo-
                                                                                           giciel SMART (Spatial Monitoring
                                                                                           And Reporting Tool) qui archivent
                                                                                           et analysent les données des pa-
                                                                                           trouilles pour les aires protégées de
                                                                                           RDC.
                                                                                        e. Partage d’information. Une fois les
                                                                                           données analysées, les résultats
                                                                                           sont partagés avec les communau-
                                                                                           tés lors de leurs réunions, pour des
                                                                                           actions ultérieures sur le terrain. De
                                                                                           plus, les éclaireurs sont habitués à
                                                                                           planifier de futures patrouilles avec
                                                                                           les communautés.

                                                                                        Leçons tirées
                                                                                        a. Mis en confiance et collabora-
                                                                                           tion. Les patrouilles communau-
                                                                                           taires mises en place ont redonné
                                                                                           confiance aux communautés et aux
                                                                                           organismes de conservation, qui
Couverture des patrouilles par les membres des communautés avec                            participent directement aux activités
comme observations clefs (les pièges, les observations de chimpanzés et                    de conservation.
de céphalophes, etc.)                                                                   b. Augmenter la couverture de pa-
                                                         Carte: ICCN RNI                   trouille et la protection des cibles

4 Gorilla Journal 57, décembre 2018
R. D. CONGO

   de conservation. La participation          nateurs extérieurs ;                             tory consultations and zoning. Oryx online,
   des communautés aux patrouilles          – jalousie et conflits au sein des com-            49–57
                                                                                               Kujirakwinja, D. et al. (2016): Participatory
   a permis de combler les défis du           munautés ;                                       mapping in the Itombwe Nature Reserve. Go-
   nombre insuffisant de gardes pour        – conflits d’intérêts entre les éco-               rilla Journal 53, 9–12
   couvrir la réserve. Par conséquent,        gardes (rangers) et les éclaireurs               Marijnen, E. (2017): The ‘green militarisa-
   les communautés ont couvertes des          communautaires ;                                 tion’ of development aid, the European Com-
                                                                                               mission and the Virunga National Park, DR
   zones qui auraient pu ne pas être        – complicité de braconniers et d’éclai-            Congo. Third World Quarterly 38, 1566–1582
   couvertes par des gardes en raison         reurs communautaires pour du bra-                Moreto, W. D. & Lemieux, A. M. (2015): Poa-
   de l’insécurité. Les communautés           connage.                                         ching in Uganda: Perspectives of Law En-
                                                                                               forcement Rangers. Deviant Behavior 36,
   étant de la région, elles connaissent                                                       853–873
   mieux la région et tous les sentiers.    Pour répondre à ces défis, il est pro-             Oates, J. F. (2002): Politicians and poachers:
   Par exemple, en avril 2008, des          posé qu’un accord ou un manuel pra-                the political economy of wildlife policy in Africa.
   éclaireurs de la communauté ont ar-      tique et opérationnel détaillé soit éla-           Book Review. Human Ecology 30
                                                                                               Pelissier, C. et al. (2015): Aires protégées
   rêté un braconnier avec un fusil de      boré et mis en œuvre par les parties               d’Afrique Centrale. Etat 2015. P. 256 in:
   chasse. Le braconnier a été signalé      concernées. Mais en plus, la direction             Doumenge, C. et al. (eds.): Aires protégées
   aux autorités locales et à l’ICCN.       devrait s’assurer que les autorités tra-           d’Afrique Centrale. Etat 2015. Kinshasa,
c. Partage de ressources. En signant        ditionnelles et politiques locales soient          Yaoundé (OFAC)
                                                                                               Plumptre, A. J. et al. (2016): Catastrophic de-
   des accords avec les communau-           impliquées dans la mise en application             cline of world’s largest primate: 80% loss of
   tés et en finançant des patrouilles,     du processus.                                      Grauer’s gorilla (Gorilla beringei graueri) po-
   elles bénéficient d’allocations pour      Deo Kujirakwinja, Léonard Mubalama,               pulation justifies critically endangered status.
                                                                                               PLoS ONE 11
   subvenir aux besoins des ménages.          Jean Claude Kyungu, Victory Paluku,              Pouillard, V. (2016): Conservation et captures
   Cela a été perçu comme un moyen                  Gentil Kambale, Félix Igunzi et            animales au Congo belge (1908–1960). Vers
   de partager l’argent de la conserva-                        Jean de Dieu Wasso              une histoire de la matérialité des politiques
   tion avec les communautés.                                                                  de gestion de la faune. Revue histoire 679,
                                            Les activités des patrouilles communautaires       577–604
d. Prise de conscience pratique. La                                                            Spira, C. et al. (2017): The socio-economics of
                                            ont été financées par WWF, USAID-CARPE,
   participation des membres des com-       Africapacity, Rainforest UK, Berggorilla & Re-     artisanal mining and bushmeat hunting around
   munautés aux patrouilles dans la ré-     genwald Direkthilfe, La Vallée des Singes à        protected areas: Kahuzi–Biega National Park
                                                                                               and Itombwe Nature Reserve, eastern Demo-
   serve a fait écho à l’ouverture de       travers le Conservatoire pour la Protection des
                                                                                               cratic Republic of Congo. Oryx online 2017,
   l’ICCN à la cogestion et au soutien      Primates, RACOD et ICCN.
                                                                                               136–144
   des communautés. Lors d’un atelier,                                                         Van Schuylenbergh, P. (2009): Entre délin-
                                            Références                                         quance et résistance au congo belge: l’inter-
   un représentant des communautés
                                            Baruka, G. (2015): Analyse des financements        prétation coloniale du braconnage. Afrique et
   a déclaré que l’approche devrait être    des aires protégées en République Démocra-         histoire 7, 25–47
   étendue à d’autres domaines.             tique du Congo (RDC). Université Senghor
                                            Berdej, S. et al. (2015): Governance and com-
Conclusion
                                            munity conservation. 2. Nova Scotia
                                            Borrini-Feyerabend, G. et al. (2004): Sharing      Réserve Naturelle
Les pratiques de gestion de la conser-      power: learning by doing in co-management          d’Itombwe : Une initiative
vation ont évolué pour inclure diverses     of natural resources throughout the world.
parties prenantes à différents niveaux      Tehran (IIED and IUCN/CEESP/CMWG)                  féminine locale pour venir
afin de réduire les menaces anthro-
                                            Harroy, J.-P. (1993): Contribution à l’histoire    en aide aux familles de
                                            jusque 1934 de la création de l’institut des
piques sur les espèces clefs. À Itom-       parcs nationaux du Congo belge. Civilisations      gardes-parcs
bwe, les pratiques de patrouille com-       41, 427–442
                                            ICCN (2015): Stratégie nationale de conser-
munautaires ont été testées et prouvent     vation communautaire dans les aires proté-
                                                                                               Femmes Leaders pour l’Environne-
qu’il est possible de travailler avec les   gées de la RDC (2015–2020). Page 56. ICCN,         ment, Unies pour sa Restauration
communautés pour la conservation à          Kinshasa, DRC                                      (avec pour sigle FLEUR) est une as-
long terme. Cependant, certains défis       Inogwabini, B. (2014): Conserving biodiversity     sociation apolitique créée en 2009 à
                                            in the Democratic Republic of Congo: a brief
doivent être pris en compte, car l’ap-      history, current trends and insights for the fu-   l’initiative d’une femme de garde-parc
proche n’en est encore qu’au stade ex-      ture. Parks 20, 101–110                            désirant orienter les activités de l’as-
périmental :                                Journal Officiel (2014): Loi sur la conservation   sociation vers l’aspect socio-écono-
                                            de la nature. Page Journal Officiel de la Répu-
                                                                                               mique des ménages de gardes-parcs
                                            blic Démocratique du Congo
– la durabilité de l’approche étant don-    Kujirakwinja, D. et al. (2018): Establishing the   de la Réserve Naturelle d’Itombwe
  né qu’elle est soutenue par des do-       Itombwe Natural Reserve: science, participa-       (RNI), dans la province du Sud-Kivu.

                                                                                                5 Gorilla Journal 57, décembre 2018
R. D. CONGO

  Qu’en est-il de la firme Banro dans la RNI ?
  Après plusieurs investigations et vérifications sur le terrain, la direction du
  site de la RNI regrette de devoir confirmer que la Société Banro y effectue
  non seulement des travaux d’exploration et de prélèvements d’échantil-
  lons, mais a également construit des installations dans la réserve en chef-
  ferie de Luindi, comme on peut le voir sur la carte. Ces travaux ont eu lieu
  en dépit des engagements pris par Banro lors d’une réunion avec le WWF
  à Kinshasa, et ce malgré les recommandations émises lors des réunions
  entre Banro et la Société civile Sud-Kivu pendant les années précédentes.           Membres de la FLEUR asbl en
     La Réserve Naturelle d’Itombwe (RNI) a été créée en 2006 par arrêté              pleine activité socio-économique
  ministériel N° 038/CAB/MIN/ECN-EF/2006 du 11 octobre 2006 et s’étend                                    Photo: Félix Igunzi
  sur une superficie d’environ 5732 km2. Cette aire protégée d’intérêt national
  relevant de la catégorie VI de l’UICN est située dans le Massif d’Itombwe et        Le faible niveau de vie de la plupart
  vise à protéger les paysages et habitats naturels les plus emblématiques et         des ménages de gardes-parcs a ins-
  significatifs en termes de biodiversité. Le Massif d’Itombwe fait partie des        piré la création de cette initiative fémi-
  sites prioritaires du fait de son importance biologique, tant au niveau global      nine locale qui a permis de venir en
  qu’au niveau du Rift Albertin. L’arrêté N° 01/008/CAB/GP – SK du 25 février         aide à plusieurs familles de gardes-
  1998 portant sur des mesures de sauvegarde de la faune et de la flore des           parcs. La FLEUR asbl a contribué à
  Monts d’Itombwe par le Gouverneur de Province du Sud-Kivu traduisait                l’auto-prise en charge des femmes de
  déjà l’intérêt majeur des autorités politiques pour ce sujet au plus fort de        gardes-parcs dans leur dimension so-
  la guerre à l’est de la République Démocratique du Congo. L’obtention en            ciale, éducative, économique et éco-
  juin 2016 de la reconnaissance officielle de la configuration physique des          logique. Voici un résumé de ses acti-
  limites de la RNI par l’arrêté provincial N° 16/026/GP/SK du 20 juin 2016 a         vités :
  officialisé les limites actualisées de la RNI, qui avaient été définies lors d’un
  processus de délimitation participative avec les parties prenantes locales,         Dans le domaine économique
  ce qui lui a conféré une superficie de 5732 km2 et un périmètre de 568 km.          Une cantine privée appuyée par Berg-
                                                            Jean Claude Kyungu        gorilla et portant le nom de cette as-
                                                                                      sociation a permis d’occuper environ
                                                                                      30 épouses de gardes du parc. Ces
                                                                                      femmes, longtemps sans occupation,
                                                                                      arrivent désormais à pallier aux be-
                                                                                      soins de leurs ménages à la grande sa-
                                                                                      tisfaction de leurs maris et de la com-
                                                                                      munauté locale.

  Violation de la loi 014/003 du 11 février 2014 en rapport à ses articles 25
  et 74 relatifs à l’interdiction de toute activité incompatible avec la conserva-    Clôture de lʼannée scolaire 2017–
  tion, et définissant les infractions et les peines relatives en cas d’exploita-     2018 à la satisfaction de certains
  tion minière dans une aire protégée.                                                enfants des gardes-parc
                                                                                                          Photo: Félix Igunzi

6 Gorilla Journal 57, décembre 2018
R. D. CONGO

                                           l’hôpital général de Mwenga, un hôpi-     té demeurent dans le secteur de basse
                                           tal d’intérêt public pour la communau-    altitude du PNKB, la situation s’est
                                           té locale. Les membres ont procédé        beaucoup améliorée sur le terrain, ce
                                           à l’aménagement de pépinières avec        qui a permis à la direction du parc de
                                           entre autres des espèces ornemen-         reprendre le suivi, principalement dans
                                           tales et fruitières.                      le secteur des hautes terres.
                                                                                         La surveillance systématique de
                                           Dans le domaine du social                 la faune sauvage associée à des pa-
                                           L’union et la cohésion sociale instau-    trouilles régulières de gardes constitue
                                           rées par l’association ont renforcé la    une composante essentielle en matière
Activités génératrices des revenus         confiance réciproque et le sens des       de gestion d’une aire protégée, car elle
de la FLEUR asbl                           responsabilités des femmes d’éco-         renseigne sur l’efficacité du travail en-
                   Photo: Félix Igunzi     gardes face aux défis quotidiens de       trepris en ce qui concerne les change-
                                           leur vie.                                 ments observés dans les populations.
Dans le domaine de santé et éduca-            Jean Claude Kyungu et Félix Igunzi     Malheureusement, peu d’aires proté-
tion                                                                                 gées disposent d’informations précises
Les recettes issues de la cantine sont                                               de suivi sur des périodes de temps pro-
gérées par un comité entièrement fémi-     Bio-surveillance à long                   longées.
nin. Elles sont réparties selon les be-    terme des grands singes                       En 2017, Primate Expertise (PEx),
soins des ménages considérés comme         au moyen de pièges                        une organisation non-gouvernemen-
prioritaires. Ainsi, en 2018, 30 % des     photographiques dans le                   tale congolaise dédiée à la recherche
recettes de la FLEUR asbl ont été af-                                                sur les primates et à leur conservation,
fectées aux soins médicaux de 36 en-
                                           Parc National de Kahuzi-                  a débuté un programme de suivi dans
fants de la RNI et 35 % affectées aux      Biega                                     le Parc National de Kahuzi-Biega avec
frais scolaires de 27 enfants.                                                       des pièges photographiques. Primate
                                           Le Parc National de Kahuzi-Biega          Expertise a conclu une convention
Dans le domaine de l’agriculture et        (PNKB) abrite une faune et une flore      opérationnelle avec les autorités du
élevage                                    exceptionnelles et représente un site
L’agriculture de subsistance, la mise      majeur du Rift Albertin,
                                                              Utu
                                                                     l’une
                                                                         28° des
                                                                             E   ré-Musenge
en place de jardins potagers et l’éle-     gions d’Afrique les plus riches en ma-
vage de lapins font partie des activités   tière de biodiversité.          Itebero                           Parc National
quotidiennes et obligatoires de chaque        Le secteur des hautes terres du                              de Kahuzi-Biega
membre de la FLEUR asbl.                   PNKB est dominé par la forêt mon-               Hombo         DEMOCRATIC
                                                                                                         REPUBLIC OF
                                           tagneuse où l’on rencontre à la fois                           THE CONGO
Dans le domaine d’écologie et ges-         les gorilles de Grauer (Gorilla berin-
tion des ressources naturelles             gei graueri) et les chimpanzés de l’est
                                                                                               Lu

La FLEUR asbl a reboisé une étendue        (Pan troglodytes schweinfurthii).
                                                                                                 ho

de 42,5 hectares localisée à l’ouest de        Les activités humaines illégales font                                        2° S
                                                                                                  ho

                                                                                                                   Kalehe
                                           peser de lourdes menaces sur la bio-
                                           diversité de Kahuzi et l’instabilité poli-
                                                                                                             uzi

                                                                                       Luka                                Lake
                                           tique qui sévit dans la région depuis                                           Kivu
                                                                                                           Kah

                                           deux décennies a entraîné une dimi-
                                           nution massive du nombre de grands                                      Tshibati
                                           mammifères. Les grands singes et les
                                                                                                             ga

                                                                                                                   Tshivanga
                                                                                                            Bie

                                           éléphants ont particulièrement souffert
                                           denational
                                               cette instabilité puisque la quasi-to-                                  Cyan-
                                                       park border                                                     gugu
                                           talité
                                              roadde la  population d’éléphantsLugulu
                                                                                 et la
Célébration de la JIF 2018 avec des        moitié de la population    de gorilles ont
                                                                    Nzovu                                         Bukavu
                                              river
                                                                                                                           Ruzi

membres de la FLEUR asbl                   été abattues dans le secteur de hauteNgoma
entourées de leurs maris                      mountain
                                           altitude   du   parc  (Yamagiwa
                                                                      Lubimb 2003).
                                                                                                                               zi

                                                       0     20 km
                                                                             e                               Walungu
                   Photo: Félix Igunzi     Même si des poches isolées d’insécuri-

                                                                                      7 Gorilla Journal 57, décembre 2018
R. D. CONGO

                                                                                       des ateliers de formation pour le per-
                                                                                       sonnel des parcs nationaux où les
                                                                                       assistants locaux acquièrent de l’ex-
                                                                                       périence et des connaissances en
                                                                                       matière de collecte de données spé-
                                                                                       cifiques, améliorant ainsi leur aptitude
                                                                                       à suivre l’évolution des différents ob-
                                                                                       jectifs de conservation, y compris la
                                                                                       dynamique des populations de grands
                                                                                       singes.

                                                                                       Méthodologie
                                                                                       Les pièges photos ont systématique-
                                                                                       ment été installés au sein d’une zone
                                                                                       quadrillée de 20 km2 composée de car-
                                                                                       rés de 1 x 1 km disposés sur la zone
                                                                                       centrale du domaine vital des grands
Un dos argenté gorille de Grauer conduisant un groupe de 3 femelles                    singes. A l’intérieur de cette zone, 10
adultes, chacune transportant un petit dépendant                                       transects linéaires de 4 km chacun ont
                                                                                       été tracés le long desquels nous avons
parc lui permettant de mettre en place      piégés par des collets et par consé-       enregistré des informations sur les
un programme de bio-surveillance sys-       quent gravement blessés, ce qui peut       grands singes et les autres animaux
tématique utilisant des pièges photo-       entraîner la perte d’un membre ou leur     sauvages à l’aide des pièges photo-
graphiques. Le programme est mis en         mort.                                      graphiques.
œuvre en collaboration avec le PNKB.           Le projet comprend un volet non né-        Pour analyser les espèces animales
Il s’agit du tout premier programme de      gligeable relatif au renforcement des      partageant le même habitat que les
suivi à long terme utilisant de façon       capacités. Le renforcement des com-        grands singes, 24 pièges photos ont
systématique les pièges photos pour         pétences locales et la formation du per-   été posés (16 le long de 8 transects
étudier des espèces animales particu-       sonnel des aires protégées de l’ICCN       linéaires et 8 en bordure du parc pour
lièrement insaisissables et partageant      constituent la clé du succès pour la       identifier les animaux impliqués dans
le même habitat que les grands singes       conservation à long terme des gorilles
au sein du parc national.                   de Grauer. Primate Expertise anime                                  continué p. 10
    Le programme permet aussi de do-
cumenter les caractéristiques compor-
tementales clés des grands singes non
habitués de Kahuzi et de déterminer
comment ces caractéristiques obser-
vées, combinées aux données éco-
logiques, peuvent permettre de com-
prendre les variations existant entre les
systèmes sociaux des grands singes
en Afrique. En outre, les pièges pho-
tos peuvent permettre de comprendre
comment les blessures causées par
les collets impactent le comportement
des grands singes, et notamment celui
des individus non habitués difficiles à
observer en forêt. Même si les grands
singes ne sont pas forcément les cibles
des chasseurs de viande de brousse,
beaucoup d’entre eux se retrouvent          Gorille femelle adultes transportant un petit dépendant

8 Gorilla Journal 57, décembre 2018
R. D. CONGO

                                        Omari Ilambu 1959–2018
                                        Omari Ilambu était un défenseur de la nature très aimé et très respecté qui
                                        nous a quittés subitement en novembre 2018. Omari a travaillé pendant près
                                        de 30 ans pour l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN),
                                        la Wildlife Conservation Society (WCS) et le Fonds Mondial pour la Nature
                                        (WWF). Ici, ses anciens collègues du WWF se souviennent de lui.

                                         Omari a été notre collègue en République Démocratique du Congo de 2005 à
                                         2013. Il a rejoint le WWF en 2005 en tant que Conseiller pour le Parc National
                                         de la Salonga où il a entrepris, aux côtés de l’ICCN et d’autres partenaires, la
                                         tâche herculéenne de revitaliser le système d’application de la loi et la gestion
                                         de l’un des plus grands parcs nationaux du monde – une contribution essen-
                                         tielle à la protection des valeurs universelles de ce site du patrimoine mondial
                                         en péril. En parallèle, il n’a jamais perdu de vue l’importance de travailler sans
                                         relâche pour établir des relations avec les communautés vivant à l’intérieur et
                                         en périphérie du parc ainsi qu’avec les responsables locaux et provinciaux.
                                         En 2008, Omari est devenu responsable pour l’ensemble du paysage de la
Salonga, où il a continué à assurer la coordination entre de nombreux partenaires et à jeter les bases du modèle de
cogestion développé aujourd’hui par l’ICCN et le WWF. De 2012 à 2013, Omari a été Conseiller Senior en matière
d’aires protégées pour le programme national du WWF visant à renforcer la planification et la gestion du réseau des
aires protégées considérées dans le contexte contemporain de la RDC. Dans le cadre des évaluations de terrain
conduites dans les régions reculées du pays, l’expérience et le leadership d’Omari ont été une source d’inspiration
pour les jeunes professionnels de l’équipe. Sa profonde compréhension et sa connaissance des défis auxquels fait
face la biodiversité de la RDC, à propos de laquelle il était si enthousiaste, ont fourni d’importantes orientations aux
réflexions du programme sur l’avenir du réseau national des aires protégées.
    Omari était unique. Il n’a jamais été désabusé par l’environnement difficile de la conservation en RDC et a plutôt
maintenu son intégrité innée, son attitude positive, son enthousiasme et son plaisir au contact de la nature. Nous
avons beaucoup de bons souvenirs
d’Omari – un en particulier capture
l’essence d’Omari. En 2006, Omari
a accueilli une délégation en visite
à Monkoto. Il était si enthousiaste
à l’idée de présenter le parc et ses
habitants au groupe, et l’itinéraire
comprenait quelque chose de spé-
cial, une « surprise » dans la forêt.
C’était quelque part au-delà de Lo-
kofa et pour l’atteindre, nous avons
eu droit à une longue marche dans
la boue jusqu’aux cuisses. Quand
nous sommes arrivés, la grande
surprise était ... une forêt de Gilber-
tiodendron ! Omari était si heureux,
si fier. C’est l’Omari dont nous nous
souviendrons toujours.
    Paya de Marcken, Cyril Pélissier
                          et Lisa Steel Omari Ilambu (à gauche)
                                              Photos: dessus Richard Carroll/WWF-US, dessous Lisa Steel/WWF-DRC

                                                                                     9 Gorilla Journal 57, décembre 2018
R. D. CONGO

                                                                                         pièges photographiques. PEx a besoin
                                                                                         de fonds supplémentaires pour pouvoir
                                                                                         procéder à cette étude. Les babouins
                                                                                         sont de loin ceux qui sont le plus obser-
                                                                                         vés lors de raids sur les cultures.

                                                                                         Conclusion
                                                                                         Grâce aux vaillants gardes et trackers
                                                                                         du PNKB, l’activité se poursuit malgré
                                                                                         le manque de fonds pour financer les
                                                                                         opérations mensuelles sur le terrain.
                                                                                         Nous avons besoin de rations alimen-
                                                                                         taires pour le courageux personnel du
                                                                                         parc qui travaille dans des conditions
                                                                                         difficiles afin de protéger les gorilles de
                                                                                         Grauer et la faune sauvage extrême-
                                                                                         ment menacés. Nous avons désespé-
Trois femelles chimpanzés adultes transportant leur petit et se déplaçant                rément besoin d’autres pièges photos
seules avec des individus immatures, loin des mâles adultes                              car ce programme important n’a pour
                                                                                         l’instant couvert qu’une petite partie du
les attaques des cultures). Les pièges       adultes chimpanzés : trois femelles go-     secteur de haute altitude du PNKB. Il
photos étaient ensuite visités une fois      rilles adultes avec des jeunes non se-      faut en effet installer plus de pièges
par mois afin de télécharger les don-        vrés conduits par un dos argenté et         caméras dans des zones variées du
nées enregistrées.                           des chimpanzés femelles se déplaçant        parc afin d’évaluer les différences en
                                             avec leurs petits non sevrés et leurs       matière de richesse de la faune entre
Résultats du programme à mi-                 jeunes loin des mâles adultes, une ca-      les sites. Nous sommes très reconnais-
parcours                                     ractéristique sociale souvent observée      sants au Japan Monkey Center et à
Les données pour 10 mois consécutifs         dans d’autres populations de chimpan-       Wild Earth Allies de nous avoir fourni
(décembre 2017 à septembre 2018)             zés étudiées à long terme. On observe       les quelques pièges photographiques
sont disponibles. Plusieurs centaines        que les femelles chimpanzés créent          avec lesquels nous avons commencé
d’heures d’images de faune sauvage           des liens sociaux forts et durables         cette importante activité.
ont été enregistrées mais doivent en-        avec d’autres femelles, même en ab-                     Augustin Kanyunyi Basabose
core être analysées pour évaluer la          sence de partenaires étroitement ap-
                                                                                         Références
densité et l’abondance des différentes       parentés (Lehmann & Boesch 2009).           Lehmann, J. & Boesch, C. (2009): Sociality of
espèces animales partageant le même          Les différences de sexe dans les sché-      the dispersing sex: the nature of social bonds
habitat que les grands singes dans le        mas d’association des chimpanzés va-        in West African female chimpanzees, Pan tro-
Parc National de Kahuzi-Biega. Une           rient considérablement selon les sites      glodytes. Animal Behaviour 77 (2), 377–387
                                                                                         Pepper, J. W. et al. (1999): General grega-
analyse préliminaire a révélé que 40         en Afrique (Pepper et al. 1999) et il       riousness and specific social preferences
espèces de vertébrés ont été identi-         est intéressant de connaître le modèle      among wild chimpanzees. International Jour-
fiées au sein de l’habitat des gorilles de   qui peut être appliqué aux chimpanzés       nal of Primatology 20, 613–632
                                                                                         Yamagiwa, J. (2003): Bush-meat poaching of
Grauer grâce aux 24 pièges photogra-         de Kahuzi en observant les séquences        larger mammals and the crisis of conservation
phiques posés dans le PNKB.                  des pièges caméras.                         in the Kahuzi-Biega National Park, Democra-
    Les enquêtes sur les grands singes           Il n’existe pas d’information suf-      tic Republic of Congo. Journal of Sustainable
utilisant des pièges photos donnent          fisante sur les espèces animales im-        Forestry 16, 115–135
de très bons résultats car elles ren-        pliquées dans les attaques sur les
seignent sur certaines caractéristiques      cultures, ce qui engendre des conflits
comportementales socio-écologiques           entre la direction du parc et les fer-
d’animaux non habitués. Les photos           miers voisins. PEx a démarré un pro-
montrent des images d’une famille de         gramme afin de documenter les ani-
gorilles sauvages (non habituée aux          maux quittant la forêt et franchissant la
hommes) et un groupe de femelles             lisière du parc grâce aux données des

10 Gorilla Journal 57, décembre 2018
OUGANDA

L’impact du voisinage                      maine vital) sur un mois ou une an-        activités à certains endroits. Ces zones
                                           née, ou la fréquence à laquelle ils re-    sont appelées le domaine vital de l’ani-
sur les habitudes                          tournent dans certaines zones. Pour        mal. Les domaines vitaux de différents
d’espacement des gorilles                  les espèces vivant en groupe, tous ces     groupes ne se chevauchent pas for-
de Bwindi                                  modèles semblent être influencés par       cément et peuvent demeurer fixes à
                                           l’accès à la nourriture mais aussi par     l’emplacement, ce qui permet géné-
Trouver de la nourriture et des parte-     des facteurs sociaux, tels que la taille   ralement un accès exclusif à tout ou
naires est vital pour tous les animaux,    des groupes, mais également par les        partie du domaine vital. Les animaux
afin qu’ils grandissent, maintiennent      groupes voisins. Comprendre com-           avec de telles habitudes d’espacement
leurs fonctions métaboliques et se re-     ment ces facteurs affectent les habi-      sont appelés territoriaux. Pour main-
produisent. La manière dont les ani-       tudes d’espacement des animaux est         tenir l’exclusivité, les animaux territo-
maux utilisent leur environnement pour     fondamental pour comprendre l’abon-        riaux excluent activement leurs congé-
trouver nourriture et partenaires se re-   dance et la répartition des animaux, la    nères d’une zone déterminée. Pour ce
flètent dans leurs habitudes d’espace-     capacité biotique, le choix de l’habitat   faire, ils utilisent une défense active :
ment ou dans la manière dont ils uti-      ainsi que pour mieux gérer les groupes     par exemple, les loups sont agressifs
lisent leur habitat. Les habitudes d’es-   et leur conservation.                      envers leurs voisins, les chimpanzés
pacement peuvent décrire la distance          D’une manière générale, les ani-        patrouillent les limites de leur territoire
parcourue quotidiennement par les          maux ne se promènent pas sans but          et les lions utilisent un marquage olfac-
animaux, leur rayon d’action (ou do-       dans l’environnement. Ils limitent leurs   tif pour signaler l’exclusion. Ces com-
                                                                                      portements suscitent alors une réac-
                                                                                      tion d’évitement par les congénères.
                                                                                      En revanche, les domaines vitaux
                                                                                      d’autres animaux peuvent se chevau-
                                                                                      cher et leurs emplacements peuvent
                                                                                      varier. Cela ne permet généralement
                                                                                      pas un accès exclusif de ces zones
                                                                                      par des groupes uniques. Les ani-
                                                                                      maux qui évoluent dans ce type de
                                                                                      domaine vital sont considérés comme
                                                                                      non-territoriaux. Les espèces non-ter-
                                                                                      ritoriales, telles que les éléphants ou
                                                                                      les babouins olives, n’excluent pas ac-
                                                                                      tivement les voisins de leur domaine
                                                                                      vital, qui présente des chevauche-
                                                                                      ments étendus avec les domaines
                                                                                      du voisinage (Brown & Orians 1970;
                                                                                      Burt 1946). Chez les animaux territo-
                                                                                      riaux, les modèles d’espacement sont
                                                                                      largement déterminés par la compéti-
                                                                                      tion entre groupes. En revanche, pour
                                                                                      les animaux non-territoriaux, on pense
                                                                                      que le rôle de la concurrence avec le
                                                                                      voisinage ne joue qu’un rôle faible,
                                                                                      mais pour l’instant on comprend en-
                                                                                      core assez mal ce rôle (Adams 2001).
                                                                                          Les gorilles sont un modèle intéres-
                                                                                      sant pour étudier le rôle de la concur-
                                                                                      rence entre groupes. Ils sont connus
                                                                                      pour le haut degré de chevauchement
Domaines vitaux des 13 groupes d’étude de gorilles du Parc National de                de leurs domaines vitaux entre groupes
Bwindi, Ouganda (figure modifiée d’après Seiler et al. 2017)                          voisins, sur tous les sites où ils ont été

                                                                                      11 Gorilla Journal 57, décembre 2018
OUGANDA

étudiés (Caillaud et al. 2014; Ganas &       cueilli des données de localisation         cun leurs zones centrales de qualité
Robbins 2005). Les gorilles se nour-         sur les habitudes de répartition de 13      et qu’elles s’excluent mutuellement en
rissent principalement de végétation         groupes de gorilles de montagne ha-         grande partie. Cela suggère que les
herbacée, disponible en abondance, et        bitués à l’homme, pendant environ un        groupes voisins sont dans une stra-
ils semblent ne pas défendre leur nour-      an et demi. Pour obtenir des données        tégie active d’évitement, bien que les
riture. Les gorilles de montagne sont        de localisation simultanées sur tous les    gorilles d’une manière générale ne
donc qualifiés comme étant non-territo-      groupes habitués, nous avons fait ap-       défendent pas leurs domaines vitaux.
riaux. Cependant, la concurrence entre       pel à 11 assistants locaux formés à la      Cela pose la question de savoir com-
les groupes est intense quant à la quête     recherche et au terrain pour nous aider     ment les gorilles évitent leurs voisins
de partenaires sexuels. Cette compéti-       dans cette collecte. Nous avons pu tra-     et maintiennent ces zones vitales cen-
tion pour l’accouplement est fortement       vailler avec des groupes situés dans        trales, qui s’excluent largement, et ce,
liée aux rencontres entre groupes voi-       les quatre zones principales de Bwindi:     sans défendre leur domaine vital.
sins, qui est la seule occasion que les      Buhoma, Ruhija, Rushaga et Nkuringo.           Il existe trois possibilités vraisem-
femelles ont de passer d’un groupe               Notre analyse a révélé que les          blables qui pourraient expliquer que
à l’autre. Lors de ces rencontres, les       groupes de gorilles voisins étaient         leur comportement conduise à un tel
mâles se montrent agressifs envers les       confrontés à une concurrence entre          schéma. Premièrement, nous pensons
mâles étrangers pour empêcher à la           groupes. Plus la densité de gorilles à      que les gorilles pourraient se souve-
fois leurs femelles de partir dans l’autre   proximité d’un groupe est élevée, plus      nir des lieux de rencontre entre les
groupe, mais également pour éviter           la zone utilisée par un groupe sur un       groupes et éviteraient ces zones par la
l’infanticide de leur progéniture. La plu-   mois est petite et moins souvent un         suite. Deuxièmement, les gorilles pour-
part des rencontres entre groupes sont       groupe se verra retourner vers cer-         raient utiliser les coups à la poitrine
caractérisées par des signaux agres-         taines zones. De plus, après une ren-       pour localiser puis éviter leurs voisins.
sifs entre mâles impliquant des dé-          contre entre deux groupes, on a ob-         Troisièmement, ils peuvent utiliser les
monstrations de force et des coups à         servé une augmentation de la distance       signes d’une recherche de nourriture,
la poitrine ; en revanche, seule une très    parcourue par ces groupes ce jour-là.       tels qu’une végétation piétinée, des
petite proportion implique des agres-        Malgré le chevauchement important du        excréments et des restes de nourri-
sions physiques. De plus, malgré un          domaine vital entre les groupes voi-        ture, pour éviter les zones précédem-
chevauchement étendu des domaines            sins, les zones centrales, c’est-à-dire     ment utilisées par des groupes voisins.
vitaux entre les groupes, les rencontres     les zones d’utilisation intensive de leur   De telles habitudes d’espacement qui
se font rares ; elles se produisent envi-    domaine vital, étaient en grande partie     évitent la concurrence avec les voisins
ron une fois par mois chez les gorilles      mutuellement exclusives. Enfin, nous        peuvent avoir des conséquences im-
de montagne (Sicotte 1993; Robbins &         avons montré que les groupes rédui-         portantes pour la conservation de cette
Sawyer 2007).                                saient leur utilisation des zones pré-      espèce en danger critique d’extinction.
    Pour étudier le rôle de la concur-       cédemment utilisées par leurs voisins.      Le fait d’avoir des zones centrales ex-
rence entre les groupes de gorilles de       Tous ces résultats suggèrent que les        clusives réduit la quantité d’espace dis-
montagne dans le Parc National Impé-         groupes cherchent à s’éviter les uns        ponible pour chaque groupe et dimi-
nétrable de Bwindi, en Ouganda, nous         les autres.                                 nue donc la capacité biotique de Bwin-
avons examiné l’effet des groupes                En conclusion, nos résultats four-      di malgré des ressources alimentaires
voisins (en densité de groupes et fré-       nissent l’une des premières preuves         abondantes. Nos résultats soulignent
quence des rencontres entre groupes)         de la concurrence entre groupes de          qu’il pourrait ne pas y avoir de distinc-
sur les habitudes d’espacement des           gorilles de montagne. Nous avons clai-      tion claire entre animaux territoriaux et
groupes. Nous avons ainsi quanti-            rement démontré que même dans les           non-territoriaux, car des animaux, tels
fié la distance parcourue quotidienne-       espèces non-territoriales, telles que       que les gorilles de montagne de Bwin-
ment, la taille du domaine vital sur un      les gorilles de montagne, les voisins       di, peuvent combiner certains aspects
mois et la fréquence des visites répé-       influent de manière fondamentale sur        du comportement territorial avec un
tées vers des parties spécifiques de         les habitudes d’espacement et que les       comportement non-territorial.
leur domaine vital. Nous avons égale-        mouvements des groupes semblent                  Nicole Seiler et Martha M. Robbins
ment examiné comment et quand les            limités par le voisinage. Notre étude
groupes de gorilles voisins utilisent les    est la première à montrer que, mal-
                                                                                         Nous remercions chaleureusement la Ugan-
zones partagées de leurs domaines            gré le chevauchement des domaines           da Wildlife Authority (l’Autorité de la Faune
vitaux. Pour ce faire, nous avons re-        vitaux, les groupes de gorilles ont cha-    Sauvage d’Ouganda), le Ugandan Natio-

12 Gorilla Journal 57, décembre 2018
GORILLES

nal Council of Science and Technology (le
Conseil National Ougandais pour la Science                             Bataba                                            gorilla
                                                                                         Ndokmen Nord
et la Technologie), l’Institute of Tropical Forest                                                                       distribution
Conservation (l’Institut pour la Conservation
des Forêts Tropicales), le Berggorilla & Re-
genwald Direkthilfe e. V., le Deutscher Aka-                                                          Iboti
demischer Austauschdienst (l’Office allemand
d’échanges universitaires), la Max Planck So-                                        Locndeng
ciety, et un merci spécial à tous les assis-                                                         Mopoun Locnanga
tants de recherche rigoureux et dévoués et             Ndokbagengue
au personnel du Parc de Bwindi. Nous remer-
cions également Roger Mundry et Christophe                              Njuma
Boesch pour leur aide dans cette recherche.                                                        Bekob

                                                                          Proposed                     Sah’aa
Articles originaux                                     Ndokama            Ebo National Park
Seiler, N., Boesch, C., Mundry, R.,
Stephens, C. & Robbins, M. M.
(2017): Space Partitioning in Wild,
Non-Territorial Mountain Gorillas: The                                      Ebo’oh
Impact of Food and Neighbours. Royal                         Mamba
Society Open Science 4 (11), 170720
Seiler, N., Boesch, C., Stephens, C. et
al. (2018): Social and Ecological Cor-
relates of Space Use Patterns in Bwin-
di Mountain Gorillas. American Jour-
nal of Primatology 80 (4), e22754                        0   3   6      12 km
Références
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                                                                                                tifiques en 2002 dans la forêt d’Ebo
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Journal of Mammalogy 24, 346–352
Caillaud, D. et al. (2014): Mountain Gorilla         conservation de l’habitat                  Global a démarré un programme de
Ranging Patterns: Influence of Group Size and        des gorilles par les                       recherche sur la biodiversité et de sen-
Group Dynamics. American Journal of Prima-
tology 76, 730–746                                   communautés locales                        sibilisation à la conservation dans la
Ganas, J. & Robbins, M. M. (2005): Ranging           dans la forêt d’Ebo                        région appelé Ebo Forest Research
Behavior of the Mountain Gorillas (Gorilla be-                                                  Project (EFRP). Entre autres objectifs,
ringei beringei) in Bwindi Impenetrable Natio-       La forêt d’Ebo est l’une des plus vastes   l’EFRP évalue la biodiversité de la fo-
nal Park, Uganda: A Test of the Ecological
Constraints Model. Behavioral Ecology and            étendues arborées intactes du hot spot     rêt en menant des inventaires annuels
Sociobiology 58 (3), 277–288                         de biodiversité du Golfe de Guinée         des grands mammifères et encourage
Robbins, M. M. & Sawyer, S. C. (2007): In-           (Morgan et al. 2011). Elle est actuelle-   les communautés à s’engager dans la
tergroup Encounters in Mountain Gorillas of
Bwindi Impenetrable National Park, Uganda.
                                                     ment en cours de classement en parc        conservation de la biodiversité par le
Behaviour 144 (12), 1497–1520                        national par le gouvernement du Ca-        biais de partenariats et d’une collabo-
Sicotte, P. (1993): Inter-Group Encounters           meroun. La forêt abrite un assemblage      ration avec un large éventail d’acteurs
and Female Transfer in Mountain Gorillas: In-        unique de primates dont une petite         dans la zone forestière d’Ebo (Mfossa
fluence of Group Composition on Male Be-
havior. American Journal of Primatology 30,          population de gorilles, l’une des plus     et al. 2017). L’un de ces acteurs ma-
21–36                                                importantes populations de chimpan-        jeurs est le « Club des Amis des Go-
Wang, M. & Grimm, V. (2007): Home Range              zés du Nigéria-Cameroun et de drills,      rilles » (CAG) constitué par un réseau
Dynamics and Population Regulation: An In-
                                                     ainsi que l’une des deux populations       de « gardiens des gorilles » volontaires
dividual-Based Model of the Common Shrew
Sorex araneus. Ecological Modelling 205              restantes de colobes de Preuss (Mor-       issus des trois communautés les plus
(3–4), 397–409                                       gan 2010). Après la première observa-      proches du domaine vital des gorilles.

                                                                                                13 Gorilla Journal 57, décembre 2018
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