Aux actes Dossier Sur le terrain - Conseil National de l'Ordre des Médecins
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médecins n° 59 | janv.-fév. 2019 Le bulletin de l’Ordre national des médecins Dossier Ma santé 2022 Des paroles aux actes Sur le terrain Un répit qui n’a pas de prix Entretiens croisés Quelle recertification pour les médecins ? www.conseil-national.medecin.fr
sommaire Retrouvez le bulletin, le webzine et la newsletter de l’Ordre en ligne sur www.conseil-national.medecin.fr 04. focus Démographie médicale : un constat en trompe-l’œil 06. en bref - 5 questions sur la cotisation 2019 - Débat de l’Ordre : le secret médical 09. e-santé Le dossier médical partagé 10. sur le terrain Un répit qui n’a pas de prix 12. entretiens croisés Quelle recertification pour les médecins ? le guide juridique 24. spécial élections 16 - Appel à candidatures pour une élection complémentaire au Conseil national de l’Ordre des médecins « Ma santé 2022 » 25. décryptage Des paroles aux actes LFSS 2019 : les points à retenir 26. en bref Le plan « Ma santé 2022 », présenté en septembre - Violence envers les médecins : une nouvelle dernier, préfigure une année 2019 placée sous le fiche de signalement signe de la réforme de notre système de santé. Mais - Résultat des élections départementales si ce plan a fait naître l’espoir d’avoir enfin une de l’Ordre des médecins réforme en profondeur et partagée par l’ensemble des professionnels de santé, de nombreuses 27. pratique interrogations et une certaine méfiance persistent - Observatoire pour la sécurité des quant à sa mise en œuvre sur le terrain. médecins : recensement national des incidents - La collaboration libérale - Les prescriptions anticipées 31. culture médicale restons connectés! 32. rencontre Dr Denis Mukwege, gynécologue-obstétricien, Sur le Web : www.conseil-national.medecin.fr directeur de l’hôpital de Panzi (Bukavu, Sud- Sur Twitter : suivez-nous sur @ordre_medecins Kivu, République démocratique du Congo), Par mail : conseil-national@cn.medecin.fr prix Nobel de la Paix 2018. Nous écrire : Conseil national de l’Ordre des médecins, 4, rue Léon-Jost, 75855 Paris cedex 17 médecins n° 59 janv.-fév. 2019
édito 3 DR 2019 : l’année de tous les espoirs… et de tous les dangers L’année 2019 s’annonce décisive. Pour notre pays d’abord, confronté à une situation de malaise et de tensions rarement atteintes à la fin de l’année 2018. Pour notre système de santé, ensuite, auquel nous sommes tous attachés et dont nous nous sentons coresponsables. En 2019, plus encore que les années précédentes, notre responsabilité commune sera grande : nous devrons être mobilisés pour une réforme en profondeur de notre système de santé. Celle-ci est urgente, et devra contribuer à renforcer notre cohésion nationale. Si la présentation du plan « Ma santé 2022 » avait, en septembre dernier, fait naître un réel espoir, aujourd’hui, à la veille de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, notre inquiétude est réelle : l’ambition réformatrice affichée politiquement pourrait laisser place à un débat technico-administratif. Les acteurs de terrain ne sont, à ce jour, pas associés à la rédaction du texte, sauf à envoyer des contributions écrites dont le devenir est incertain… Notre volonté de participer à la construction de la loi qui portera la réforme est réelle. Notre volonté de participer à la sortie de crise pour notre système de santé l’est tout autant. Nous ne voulons pas croire que la réforme politique annoncée par le président de la République et portée par la ministre laisse place à une succession de textes normatifs qui seraient adoptés par ordonnance. Allons-nous, en 2019, assister aux mêmes erreurs que par le passé ? Cela serait terrible. L’échec nous est encore moins permis car cette fois les diagnostics et les objectifs à poursuivre sont partagés par tous les acteurs, et de manière très lucide par la ministre de la Santé elle-même. Aujourd’hui, nous avons besoin de choix forts, nous avons besoin d’actes forts. Il faut passer des paroles aux actes, comme nous le développerons lors du prochain débat public au Cnom. Si cette réforme se maintient à la hauteur de nos ambitions collectives, les médecins en seront les premiers acteurs au quotidien. Je vous souhaite, au nom du Conseil national, une bonne année 2019. Dr Patrick Bouet Président du Conseil national de l’Ordre des médecins Ce numéro est distribué avec un supplément « Élections 2019 ». Directeur de la publication : D r Walter Vorhauer - Ordre des Médecins, 4, rue Léon Jost, 75855 Paris Cedex 17. Tél. : 01 53 89 32 00. E-mail : conseil-national@cn.medecin.fr – Rédacteur en chef : D r Jacques Lucas – Coordination : Isabelle Marinier Conception et réalisation : - 49, rue du Faubourg-Poissonnière, 75010 Paris – Responsable d’édition : Sarah Berrier Direction artistique : David Corvaisier – Maquette : Franck Widling – Secrétariat de rédaction : Alexandra Roy Fabrication : Sylvie Esquer – Couverture : iStock – Impression : Imprimerie Vincent – Dépôt légal : à parution – n° 16758 ISSN : 1967-2845. Ce document a été réalisé selon des procédés Tous les articles sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. respectueux de l’environnement. médecins n° 59 janv.-fév. 2019
4 focus Texte : Marine Loyen Démographie médicale : un constat en trompe-l’œil Derrière un bilan global relativement stable, les tendances observées ces dernières années se confirment et les inégalités entre les départements français et entre les spécialités se creusent… L’Atlas 2017 de la démographie médi- lantiques). Des disparités sont même sont même 6 460 de moins qu’en 2010. cale s’ouvre sur une nouvelle plutôt ras- criantes à l’échelle des métropoles, Au contraire, les spécialistes et chirur- surante : la relative stabilité du nombre entre différents quartiers, ou au sein giens sont en augmentation (+ 0,4 % et de médecins en activité régulière. En des départements, entre zone urbaine + 0,8 %), mais leur répartition est très effet, après de longues années de et zone rurale ou périurbaine. Les inégale et suit celle de la démographie baisse importante, la courbe semble départements les plus en crise sont médicale en général. Quelques spécia- se stabiliser : + 0,1 % en 2017, alors répartis selon la diagonale du vide, lités, dermatologie, ophtalmologie et que depuis 2010 les effectifs avaient du Nord-Est au Sud-Ouest et sont ceux psychiatrie, sont toutefois en baisse. perdu 9 points. Une stabilisation qui qui cumulent souvent les difficultés : Enfin, les médecins salariés (47,1 %) serait le premier résultat des réformes vieillissement, précarité, faible den- sont désormais plus nombreux que du numerus clausus entamées il y sité de services publics et de réseau ceux qui choisissent l’exercice libé- a plus de vingt ans. Le nombre de numérique. ral (42,6 %), confirmant une tendance médecins en activité pourrait même constatée depuis de nombreuses revenir à la hausse dès l’an prochain. Des spécialités en crise années. Seconde bonne nouvelle : le rééquilibre La spécialité la plus en crise est tou- hommes-femmes au sein de la profes- jours celle des généralistes, dont les sion. Onze départements (dont quatre effectifs ne cessent de plonger : ils + d’infos : https://www.conseil-national. en Île-de-France) comptent désormais étaient 336 de moins au 1er janvier medecin.fr/node/3037 une majorité de femmes parmi leurs 2018, par rapport au 1er janvier 2017. Ils médecins. Un creusement des inégalités Mais ces constats positifs ne masquent Point de vue de l’Ordre pas de nombreuses disparités régio- Dr Jean-Marcel Mourgues président de la section Santé publique du Conseil national de l’Ordre des médecins nales : ainsi, la Guyane voit sa popu- lation médicale augmenter de 3,4 % alors que celle de Mayotte diminue D’abord, les grandes évolutions de la inégalités se creusent : les moins bien de 2,1 %. En métropole, les régions qui démographie médicale sont à mettre dotés en 2010 ont enregistré une connaissent les plus fortes augmen- en perspective avec la démographie baisse continue de leur population tations sont les Pays de la Loire et la française : si le nombre de médecins a médicale jusqu’à aujourd’hui. Ce sont Bretagne, mais ces dernières connais- diminué depuis cinquante ans, la dans ces zones que les médecins sont saient un déficit très important que population française a quant à elle aussi les plus âgés, tout comme leur ces hausses ne peuvent combler. augmenté de 18 millions sur la même population, qui a tendance à cumuler Ces différences sont aussi très visibles période. Elle a aussi vieilli : + 3,1 ans les fragilités. La population médicale à l’échelle départementale, qui d’espérance de vie pour les femmes et a tendance à se concentrer de plus en + 5,1 ans pour les hommes en vingt ans. plus dans les métropoles, suivant la démontre un effet de métropolisation : La relative stabilité des effectifs géographie des CHU. Cela s’explique par exemple, si la Nouvelle-Aquitaine médicaux enregistrée par rapport à probablement par la localisation a un bilan positif (+ 0,7 %), les aug- l’année dernière ne s’accompagne des stages et internats. De même, mentations d’effectifs se concentrent malheureusement pas d’un l’exercice libéral est boudé par les sur seulement trois départements repeuplement des départements les jeunes médecins qui semblent rebutés (Haute-Vienne, Gironde, Pyrénées-At- plus en difficulté. Au contraire, les par les contraintes de ce modèle. médecins n° 59 janv.-fév. 2019
focus 5 LES CHIFFRES CLÉS DE LA DÉMOGRAPHIE MÉDICALE + 0,1 % de médecins en activité régulière par rapport au 1er janvier 2017 soit 222 médecins de plus Des disparités importantes dans les spécialités… 6 460 médecins À l’inverse : + 3 % d e spécialistes Quelques exceptions : généralistes de moins médicaux - les ophtalmologistes - les dermatologues entre 2010 et 2018 (-7,3 %). + 8 % de chirurgiens - les psychiatres Mais aussi dans les départements Variation du nombre de médecins en activité régulière entre 2017 et 2018 de 1,5 % à 12,2 % Guadeloupe de 0,7 % à 1,4 % Martinique de 0 % à 0,6 % de -0,1 % à -0,8 % Guyane de -0,9 % à -2 % de -2,1 % à -6,3 % La Réunion Mayotte Un métier de plus en plus salarié... … de plus en plus féminisé… … et vieillissant. LIBÉRAL SALARIÉ MIXTE 43 % 50,8 ans en moyenne Et les projections mettent en exergue 42 % 47 % de femmes des difficultés pour les années à venir : 11 % 57 % d’hommes > = 65 ans 60-64 ans 23 385 8 477 3 385 12 790 55-59 ans 21 142 14 962 50-54 ans 14 066 12 889 (- 5 points (+ 5 points (stable Soit 2 points de plus pour les femmes 45-49 ans 10 292 11 311 par rapport par rapport par rapport à 2010) à 2010) à 2010) par rapport à 2017 et 12 points 40-44 ans 35-39 ans 8 954 8 736 10 736 11 814 Sources : CNOM 2018 par rapport à 2010 ! < = 34 ans 9 101 16 040 médecins n° 59 janv.-fév. 2019
6 en bref 5 questions sur la cotisation 2019 Lors de la session budgétaire du 13 décembre 2018, conformément aux dispositions de l’article L. 4122-2 du code de la santé publique, le Conseil national a fixé le montant de la cotisation annuelle pour 2019 à 335 euros, sans changement par rapport à 2018. À quoi sert la cotisation ? principes fondamentaux de la déon- Existe-t-il d’autres La cotisation sert à financer les acti- tologie médicale ; exonérations ? vités de l’Ordre, à savoir : • faire entendre sa voix dans tous Les exonérations partielles ou totales • vous accompagner et répondre à les grands débats de santé nationaux relèvent de votre conseil départemen- vos questions sur les sujets juri- et internationaux, qu’ils portent sur tal. Lorsque ce dernier accorde des diques ou éthiques liés à l’exercice ; l’éthique ou les évolutions de l’exer- exonérations partielles, les quotités • être à vos côtés et aux côtés de cice médical. régionale et nationale sont réduites votre famille en cas de difficultés et Tous les médecins, quels que soient dans la même proportion. vous apporter si nécessaire une aide leur spécialité, leur lieu et leur mode Attention : les médecins de l’industrie adéquate (financière, organisation- d’exercice, bénéficient de ces ser- pharmaceutique ainsi que les méde- nelle…) grâce à l’entraide ; vices. cins scolaires, les médecins DIM et • vous accompagner lors d’un besoin les médecins de recherche sont rede- ou d’une volonté d’évolution profes- Lors d’une première inscription, vables d’une cotisation entière. sionnelle, grâce notamment aux com- le médecin doit-il payer sa missions de qualification et à la VAE cotisation ? Comment régler sa cotisation ? ordinale ; Les frais de première inscription Les médecins doivent s’acquitter de • veiller au maintien des compé- ayant été supprimés, les médecins leur cotisation dès le 1er trimestre de tences du corps médical et à sa pro- concernés doivent désormais s’ac- l’année (art. L.4122 2 du CSP). bité, dans l’intérêt des patients mais quitter d’une demi-cotisation la Vous pouvez régler votre cotisation : aussi de l’ensemble de la profession ; première année et d’une cotisation • en ligne sur le site www.conseil- • émettre des avis et des recom- entière les années suivantes. Ils sont national.medecin.fr mandations auprès des organismes exonérés de la première demi-coti- Ou à défaut : publics et du gouvernement au nom sation si l’inscription se réalise au • par chèque à renvoyer par la poste de la défense de la profession et des cours du dernier trimestre. à votre conseil départemental, • par carte bancaire si votre conseil est équipé, • ou par prélèvement automatique BON À SAVOIR géré désormais par votre conseil Cotisation de la « liste spéciale » : 133 € départemental. Cotisation des médecins retraités n’ayant plus aucune activité médicale rémunérée : 95 € (47,50 € pour le Conseil départemental Comment se répartit et 47,50 € pour le Conseil national) la cotisation ? Frais de dossier de qualification : 200 € (140,00 € pour le Conseil La cotisation est répartie entre les national et 60,00 € pour le Conseil départemental) différents échelons de l’Ordre de la Frais d’appels en matière de qualification : 100 € (entièrement manière suivante : pour le Conseil national) - Quote-part départementale : 162 € Cotisation catégories SCP/SEUSPFPL : 335 € - Quote-part régionale : 40 € - Quote-part nationale : 133 € médecins n° 59 janv.-fév. 2019
en bref 7 Débat de l’Ordre Le secret médical Le secret médical est au cœur de la relation de confiance avec le patient. Il se trouve pourtant régulièrement fragilisé et les situations particulières sont nombreuses. C’est pourquoi l’Ordre a choisi d’organiser un débat sur ce sujet, le 27 novembre. « Le secret médical est un pilier de la morale médicale », a réaffirmé le Dr Jean-Marie Faroudja, président de la section Éthique et déontologie du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) en préambule des échanges. Mais il se heurte parfois à la réalité de l’exercice… « Nous avons des demandes récurrentes de médecins, ne serait-ce que pour envoyer des photographies de plaie par mail », a par exemple relevé Anne Jauer, vice-présidente du Conseil national de anonymisé. » « Le secret est également tenu à rappeler le Dr Jacques Quillien, l’Ordre des infirmiers. partagé lorsqu’interviennent les méde- médecin de la compagnie d’assurances cins de l’Assurance maladie », a souligné Allianz. Le Dr Michel Malinet, médecin Secret et numérique le Dr Béatrice Rio, adjointe au directeur du travail, secrétaire général du conseil De nombreuses questions ont ainsi porté du réseau médical et des opérations de départemental de Vendée de l’Ordre des sur le secret médical à l’épreuve des gestion du risque de l’Assurance maladie. médecins, a quant à lui souligné que le nouvelles technologies de l’information La question du traitement et de l’exploi- médecin du travail est également tenu et de la communication. Le Dr Jacques tation de données de santé à vocation au secret puisqu’il « établit une restric- Lucas, vice-président du Cnom, délégué de recherche a également été abordée. tion d’aptitude ou une inaptitude sans général au numérique, a rappelé que Gaëlle Dumortier, conseillère d’État, préciser les raisons à l’employeur ». « l’informatique, si elle est bien utilisée, membre du Comité d’expertise sur l’in- L’attentat perpétré par un pilote de peut au contraire protéger les données », térêt public à l’Institut national des don- la Germanwings en 2015 a suscité de ajoutant que « le RGPD1 offre une plus nées de santé, a ainsi expliqué que « le nombreuses questions, son auteur grande efficience du secret médical ». principe est l’interdiction de traiter des ayant été identifié comme fragile sur Par ailleurs, l’exercice en équipe avec données personnelles de santé – dans le plan psychiatrique. « L’Ordre ne s’est notamment la question du partage des la même ligne que le secret médical –, pas positionné en faveur d’une nouvelle informations entre professionnels de mais le RGPD permet des dérogations dérogation, a expliqué le Dr Anne-Ma- santé a soulevé des interrogations. Le subordonnées à l’existence d’un intérêt rie Trarieux, vice-présidente de la sec- Dr François Simon, président de la sec- public et dans des conditions très strictes tion Éthique et déontologie du Cnom. tion Exercice professionnel du Cnom a de protection et de confidentialité des Le médecin est donc responsable et rappelé que la loi a « étendu la règle de données ». devra se justifier le cas échéant. » « J’ai l’accord implicite dans les équipes de du mal à penser, quand cela reste des soins à tous les lieux de prise en charge ». Secret à tout prix ? situations exceptionnelles, qu’un méde- Le Dr Mathilde Roze, généraliste à Paris Les débats se sont également attardés cin puisse être sanctionné pour avoir, exerçant dans un cabinet pluri-pro- sur la nécessité de protéger ce devoir du en conscience et réflexion, dévoilé un fessionnel, a apporté son témoignage : médecin, « y compris devant la justice élément qui a pu permettre ou permet- « Lorsque les dossiers sont discutés, ou face aux demandes des assurances », trait de sauver des centaines de vies », soit c’est entre confrères qui ont pris a insisté Marie-Annick Lambert, repré- a toutefois modéré le Dr Gilles Munier, en charge le patient, soit c’est avec des sentante de France Assos santé. « Il n’y vice-président du Cnom. médecins qui n’ont pas pris en charge a pas de secret partagé entre le méde- 1. RGPD : Règlement général sur la protection le patient et dans ce cas, le dossier est cin-expert et le médecin-traitant », a des données, entré en vigueur en mai 2018 médecins n° 59 janv.-fév. 2019
8 en bref Évaluation des pratiques de refus les de soins : un premier bilan tweets La Commission d’évaluation La Commission propose dans @ordre_medecins – 9 janvier Le saviez-vous ? 8 médecins sur des pratiques de refus de soins auprès son rapport un certain nombre 10 n’ont pas de médecin du Conseil national de l’Ordre des de recommandations pour traitant. Pourtant, les métiers médecins (Cnom) a remis son premier chacune de ces causes. Elle souligne du soin sont les premiers dans rapport à Agnès Buzyn, ministre des néanmoins qu’elle manque lesquels les cas de burn-out ont Solidarités et de la Santé. Le rapport actuellement d’informations et de été décrits par les chercheurs, relève trois principales catégories données statistiques. Les membres dès 1974. Tél. : 0800 800 854, de causes générant des refus de de la Commission estiment que du accessible 24h/24 et 7j/7 soins discriminatoires : temps leur est nécessaire pour mettre • la méconnaissance notamment en place ces études et poursuivre @ordre_medecins - 15 janvier des personnes concernées, de leurs leurs travaux. #GrandDebat | «Depuis de situations et de pathologies ; nombreux mois, nous avons • les difficultés de prise en charge de sans relâche porté la voix de nature financière et administrative ; + d’infos notre profession. Nous sommes https://www.conseil-national.medecin.fr/ • les difficultés de prise en charge sites/default/files/rapport_commission_ prêts à la porter, demain, dans de nature matérielle ou technique. refus_de_soins_aupres_du_cnom_2018.pdf le #GrandDebatNational.» Retour sur le discours des vœux du Président @BouetP >> https:// 13 000 www.conseil-national.medecin. fr/node/3073 #Bourgtheroulde @ordre_medecins - 15 janvier A lire dans @LeGene_hebdo : quels sont les déterminants et patients diabétiques ont été tirés au sort pour participer à la 3e édition les freins à l’installation des de l’enquête nationale Entred (Échantillon national témoin représentatif des médecins en France ? L’Ordre personnes diabétiques) réalisée par Santé publique France. Leurs médecins lance une enquête. Pour seront sollicités pour fournir des informations médicales complémentaires. participer, rendez-vous sur Toutes les garanties de respect de l’anonymat des patients et des médecins https://www.conseil-national. ont été données au Conseil de l’Ordre dans le cadre de cette étude. Nous medecin.fr/node/3043 invitons donc les médecins à répondre favorablement à cette enquête. #MardiConseil + d’infos http://invs.santepubliquefrance.fr/Etude-Entred-3 Lutte contre la prostitution Recherche médecins Fin 2016 ont été créées les de l’action sociale et des familles). et psychologique, d’où l’importance commissions départementales de Cette commission, chargée d’étudier qu’il y ait un médecin au sein de lutte contre la prostitution, le les situations individuelles des chaque commission proxénétisme et la traite des êtres personnes qui présentent une départementale. humains aux fins d’exploitation demande d’engagement dans un Pourtant, à ce jour, seuls seize sexuelle. Ces commissions, présidées parcours de sortie de la prostitution, départements auraient désigné un par le préfet du département, peut permettre à la personne médecin. Si vous êtes intéressé par comporte un médecin désigné par concernée de bénéficier d’un cette mission, n’hésitez pas à vous le conseil départemental de l’Ordre accompagnement visant à faciliter rapprocher de votre conseil des médecins (art. R. 121-12-7 du code l’accès aux soins sur le plan physique départemental. médecins n° 59 janv.-fév. 2019
e-santé 9 Le dossier médical partagé Début novembre a été lancée la nouvelle version du DMP, pilotée par l’Assurance maladie. Son ambition ? Simplifier la transmission des informations médicales entre professionnels de santé. Comment fonctionne-t-il ? À quoi et à qui va-t-il servir ? Éléments de réponse… Qui peut créer le DMP ? Comment le consulter Quelles sont les informations Tous les assurés peuvent créer leur et l’alimenter ? contenues dans le DMP ? DMP, seuls ou avec l’aide d’un pro- Pour consulter le DMP de votre Le DMP comprend les données d’iden- fessionnel de santé. Le DMP d’un patient, vous devez vous connecter tification du titulaire du dossier, patient se crée en quelques minutes depuis votre logiciel professionnel l’historique de soins de l’Assurance à partir du logiciel métier ou du site (dont les dernières versions de la plu- maladie sur les derniers 24 mois, les www.dmp.fr. Il vous faut identifier part d’entre eux intègrent les fonc- antécédents médicaux (tels que les le patient par la lecture de sa carte tionnalités du DMP et permettent pathologies, les allergies, etc.), les Vitale, informer le patient sur le DMP, d’y accéder en un clic). Pour les résultats d’examens médicaux (tels recueillir son consentement oral et médecins non équipés d’un logiciel que les comptes rendus d’analyses demander s’il souhaite un compte « DMP-compatible », la connexion biologiques, les examens d’imageries d’accès à son DMP. Une fois le DMP peut se faire directement sur le site médicales, etc.), les comptes rendus créé, le patient reçoit une confirma- www.dmp.fr, accès « Professionnels d’hospitalisation, les directives anti- tion par e-mail ou par courrier. de santé ». Insérez ensuite la carte cipées de fin de vie, les coordonnées Vitale du patient. Vous pouvez alors des proches à prévenir en cas d’ur- Qui peut y accéder ? remplir le DMP du patient avec les gence, de la personne de confiance, Le DMP relève du secret médical. La informations de santé utiles au bon du médecin traitant et des profes- consultation du DMP par un profes- suivi médical et accéder facilement sionnels de santé autorisés à accéder sionnel de santé requiert l’accord aux informations renseignées par les au dossier. explicite du patient. Le médecin autres professionnels de santé. traitant de chaque patient dispose d’un accès privilégié. Tout accès à un DMP par un professionnel de santé non autorisé constituerait un délit BON À SAVOIR passible de sanctions disciplinaires Afin d’inciter les médecins libéraux à s’équiper, la compatibilité du mais aussi pénales. Seule une situa- logiciel métier avec le DMP est l’un des nouveaux critères du forfait tion d’urgence justifie l’accès au DMP structure créé par la convention médicale. Le nombre de logiciels par un professionnel de santé sans métier « DMP-compatibles » s’accroît. La liste de ces logiciels accord préalable. Cependant, lors homologués à l’usage du DMP est disponible sur le site du Centre de la création de son DMP, le patient national des agréments (https://cnda.ameli.fr/). Grâce à leurs mises peut s’opposer à un tel accès en situa- à jour, ces logiciels intégreront en temps réel les améliorations de tion d’urgence en cochant une case l’ergonomie et des fonctionnalités du site DMP. réservée à cet effet. médecins n° 59 janv.-fév. 2019
10 sur le terrain Texte : Éric Allermoz | Photos : Julian Renard Lyon Un répit qui n’a pas de prix Accompagner un proche malade n’est pas de tout repos. Pour la première fois en France, une maison de répit soulage et prend soin des aidants épuisés. En France, entre 9 et 11 millions de personnes s’occupent d’un proche malade, handicapé, dépendant. Bien souvent malgré elles, sans y être pré- parées. Résultat, selon une étude de l’Insee, trois aidants sur quatre se sentent anxieux, surmenés ou isolés. À Tassin-la-Demi-Lune, près de Lyon, une maison de répit d’un genre nou- veau a ouvert ses portes en octobre. « Contrairement à un accueil tempo- raire, nous hébergeons l’aidé et son aidant. Nous sommes également la première structure intergénération- nelle, ouverte aux adultes comme aux enfants malades », détaille Mélanie Tacquard, directrice des lieux. À l’intérieur du grand bâtiment aux façades en bois, l’ambiance est chaleureuse, cosy. De larges baies vitrées donnent sur un parc arboré. Le personnel soignant, qui assure une surveillance médicale continue des résidents atteints par la mala- die, ne porte pas de blouse blanche. « Tout est fait pour se sentir comme La maison de répit emploie une vingtaine de personnels soignants, infirmières, à la maison », souligne Mélanie Tac- aides-soignantes, aides médico-sociales et s’appuie sur 80 bénévoles. quard. Équipe mobile de répit affectif… Ici, je suis écoutée, prise « Nous nous rendons au domicile de Adossée contre la bibliothèque, en compte. Les équipes sont là pour l’aidant pour évaluer sa situation, Brigitte discute avec une bénévole. Héloïse, mais aussi pour moi », confie son niveau d’épuisement, ses patho- Elle fait partie des premières pen- cette ancienne enseignante qui a logies non traitées faute de temps. sionnaires de la maison de répit. À quitté son poste pour s’occuper de sa Certains ont besoin d’un séjour à la ses côtés, sa fille Héloïse, 26 ans. Il fille. « Le projet de soin de la structure maison de répit. » y a deux ans, un accident de voiture est centré sur l’aidant », confirme le l’a plongée dans un état végétatif. Dr Géraldine Pouly, médecin au sein Un objectif de douze maisons Depuis, Brigitte veille sur Héloïse 24 de l’équipe mobile de répit associée régionales heures sur 24, 7 jours sur 7. « L’aidant à la maison. Celle-ci compte deux À la maison de répit, les aidants sont familial gère tellement de choses médecins, une infirmière, deux psy- libres d’aller et venir. De partir deux sur le plan médical, administratif, chologues et une assistante sociale. heures ou deux jours. Ils participent médecins n° 59 janv.-fév. 2019
sur le terrain 11 Mobiliers chaleureux, espaces de jeux pour les enfants, une vingtaine de chambres. Tout est fait pour que les aidants se sentent comme à la maison. En disposant de leur propre chambre, les aidants peuvent se Il suffit de feuilleter les pages du « livre d’or » de la maison de répit pour reposer et retrouver un peu d’intimité. comprendre ce que cette structure inédite en France apporte aux aidants. à des ateliers de yoga ou de réflexo- logie, profitent du jacuzzi ou de la salle de sport. Ils disposent de leur Témoignage propre chambre pour retrouver un Pr Matthias Schell, pédiatre oncologue au centre Léon-Bérard, à Lyon, spécialisé dans l’hospitalisation à domicile peu d’intimité. Ils sont conseillés pour voir comment améliorer leur quotidien (aide sociale, ménagère, « Le médecin doit soutien psychologique...). L’Assu- poser un regard de non médicales, en raison de rance maladie prend en charge une soignant sur l’aidant » l’épuisement des proches. La maison grande partie des coûts. Chaque de répit lui donne la possibilité de nuit revient à 20 euros par aidant « L’hospitalisation à domicile m’a s’occuper de sa santé et de se et aidé. Les maisons de répit pour permis de constater la charge qui ressourcer. La population vieillit, la les aidants existent déjà depuis pèse sur certaines familles aidantes dépendance va s’accentuer. La prise longtemps au Canada, en Belgique au quotidien. Elles sont acculées par en charge se fera de plus en plus à ou encore en Allemagne. L’ambition la fatigue, le stress, les démarches domicile et beaucoup reposera sur des fondations France Répit et OVE, administratives. Elles n’ont plus l’aidant. Notre rôle de médecin est de vie sociale. L’aidant n’a plus de poser un regard de soignant sur à l’origine du projet, est de créer un de temps pour lui et a tendance les aidants. Les médecins libéraux réseau de douze maisons de répit à s’épuiser physiquement et sont en première ligne pour détecter régionales. En attendant, Brigitte psychiquement. Trop dévoué, il les plus fragiles, les inciter à mieux file à Lyon retrouver une amie : « Je s’oublie. Résultat : les aidés risquent prendre soin d’eux et les orienter me ressource sans culpabiliser car d’être hospitalisés pour des raisons vers les associations spécialisées. » Héloïse est entre de bonnes mains ». médecins n° 59 janv.-fév. 2019
12 rubrique entretiens croisés Texte : Dominique Fidel, Sarah Berrier | Photos : DR Quelle recertification pour les médecins ? En France, la question de la recertification fait figure de serpent de mer depuis une vingtaine d’années. En 2015, dans son livre blanc Pour l’avenir de la santé, l’Ordre avait fait des propositions afin de mettre enfin en place un système de recertification répondant aux attentes des médecins, des patients et des objectifs de notre système de santé. Avec la remise du rapport du Pr Uzan, en novembre dernier, le concept pourrait devenir réalité… En début d’année, la ministre de la Santé, Et la valorisation ? 139 195 Agnès Buzyn, a souhaité instaurer une Le texte propose également un critère procédure d’actualisation régulière de valorisation qui porte sur l’ensemble des compétences des médecins. À sa des activités susceptibles de mettre en demande, un comité de pilotage présidé valeur le parcours du médecin : enseigne- par le Pr Serge Uzan a établi un rapport ment, encadrement d’étudiants, respon- professionnels de sur le sujet, remis début novembre. Ce sabilités professionnelles et territoriales. santé se sont inscrits dernier préconise une certification et La procédure de recertification devrait à au moins une action de DPC, une valorisation périodique du parcours reposer sur 15 à 30 jours de formation au 30 septembre professionnel et des acquis tous les six par an, constituant une feuille de route 2018. Ce nombre ans, qui concernerait tous les médecins, que chaque professionnel de santé pourra est en hausse de 7,8 % et tous les modes d’exercice. Le dispositif suivre via un espace numérique personnel sur un an. reposerait sur cinq critères d’évaluation, sécurisé. Le rapport recommande que la qui incluent notamment le parcours de démarche s’applique à tous les médecins Source : Agence nationale du développement développement personnel continu ainsi diplômés à partir de 2021, dans le cadre professionnel continu qu’une « démarche volontariste d’amé- du 3e cycle rénové des études médicales, lioration de la relation médecin-patient » et qu’elle soit ouverte à tous les autres et une démarche « personnelle et aidée » professionnels inscrits au tableau d’amélioration de la santé et de la qualité de l’Ordre des médecins, et fortement de vie du médecin. encouragée. médecins n° 59 janv.-fév. 2019
13 Dr Patrick Bouet, Pr Serge Uzan, Pierre Guillet, Sylvain Gautier, président du Conseil doyen honoraire de premier vice-président secrétaire général national de l’Ordre la faculté de médecine de l’ISNAR-IMG de l’ISNI des médecins Sorbonne Université Dr Patrick Bouet Pr Serge Uzan Il faut faire mieux ! Le système actuel est basé sur L’ancien président du Conseil de l’Ordre, le Pr Louis la réalisation obligatoire d’actions de formation, Portes, avait coutume de dire que « la pratique sans se préoccuper des contenus, à savoir s’ils médicale est une compétence et une conscience sont en cohérence avec les objectifs du système de rencontrant une confiance ». Un lien de confiance santé, de la pertinence des soins, de la qualité des durable implique des compétences entretenues soins… Il s’agit d’une vision très technocratique. dans la durée. La mise à jour permanente des Par ailleurs, la connaissance, mais surtout la connaissances et des compétences fait d’ailleurs compétence et l’expérience d’un professionnel l’objet d’un article entier du code de déontologie ! font que, dans sa pratique professionnelle, Si le principe est incontesté, sa transcription dans le médecin peut s’améliorer, devenir plus la vie quotidienne des praticiens n’est en revanche performant, abandonner certains domaines et au pas évidente. Plusieurs textes de loi se sont succédé contraire, se surspécialiser dans d’autres. Jusqu’à pour l’institutionnaliser : formation continue aujourd’hui, on ne se posait pas de questions sur obligatoire en 1996, participation à des programmes l’accompagnement du médecin tout au long de sa d’évaluation des pratiques professionnelles en 2005, carrière et ni sur la valorisation des parcours, c’est développement professionnel continu en 2011… Mais pourtant une priorité ordinale. ces mesures n’ont pas produit les effets escomptés alors même que les connaissances médicales progressent de plus en plus vite. Avec ce nouveau dispositif, nous souhaitons changer la donne. J’ajoute Quel regard portez- que les 15 à 30 jours évoqués dans le rapport, outre qu’ils ne sont qu’une suggestion, peuvent avoir de vous sur la situation nombreux « équivalents non présentiels » à partir des modalités d’exercice de chaque médecin. actuelle ? Pierre Guillet Sylvain Gautier Par le passé, la France avait déjà Depuis 2017, le DPC s’articule autour de trois modalités manifesté sa volonté de développer de déploiement : la formation continue via des contenus la formation médicale continue. Mais théoriques, la gestion de crise et l’évaluation des pratiques comme personne ne contrôlait les professionnelles. C’est un édifice plutôt conséquent auquel obligations et que rien n’avait été prévu il manquait cependant plusieurs briques importantes : pour valoriser les efforts accomplis, rien n’était prévu pour développer les capacités des la marge de progrès restait très médecins à interroger leurs pratiques sur la relation qu’ils importante… Du côté des internes, le entretiennent avec leurs patients. De même, il n’existait pas terrain est largement favorable à la mise d’outil dédié à la santé des médecins, et à leur qualité de vie en place d’un dispositif de certification au travail, alors même qu’on sait que notre profession est périodique, ne serait-ce que parce que la exposée à des risques psychosociaux non négligeables, en réforme du 3e cycle nous a habitués particulier dans les premières années d’exercice. à nous autoévaluer et à valider nos acquisitions au fil de l’eau. médecins n° 59 janv.-fév. 2019
14 entretiens croisés Sylvain Gautier Aux yeux de l’ISNI, le dispositif envisagé répond à une logique « gagnant-gagnant », qui ne peut qu’être vertueuse pour le système de santé français. Ce sera un vrai plus pour les professionnels, qui pourront conforter leurs compétences en s’assurant qu’elles restent d’actualité et entretenir ainsi le capital acquis à la sortie de leur internat. Les patients y gagneront aussi puisqu’ils auront en face Sylvain Gautier d’eux un médecin sûr de son exercice et de ses connaissances. Nous sommes aussi satisfaits de voir que la santé des médecins et la « Le dispositif envisagé relation médecin-patient feront partie des critères de certification. répond à une logique Nous serons d’ailleurs très attentifs aux propositions de formation “gagnant-gagnant”, qui seront élaborées sur ce plan par les Conseils nationaux professionnels (CNP) et le Collège de la médecine générale (CMG). qui ne peut qu’être vertueuse pour le système de santé français. » Dr Patrick Bouet Le principe de certification Il y a une prise de conscience sur le et de valorisation périodique porté par le rapport fait que le diplôme permet certes l’entrée dans le métier, mais vous paraît-il correspondre qu’ensuite, ce qui définit le parcours individuel d’un professionnel, c’est la façon dont il va exercer ce métier, et ce qu’attend sa spécialité de aux attentes de la profession ? cet exercice. Ce rapport acte le fait qu’une carrière professionnelle est quelque chose de « vivant ». Je souhaite que cela permette la bascule entre un système Pierre Guillet strictement basé sur une maquette Les mesures proposées dans le rapport du Pr Uzan universitaire, et un système qui va correspondent dans leur ensemble aux attentes des internes observer la façon d’exercer le métier, en général et de l’Isnar-IMG en particulier, qui a d’ailleurs de valoriser son expérience et de été associée à son comité de pilotage. Toutefois, certaines monter en compétence. Le rapport de nos propositions n’ont pas encore été prises en compte. ouvre aujourd’hui cette voie comme Je regrette notamment que l’Université n’ait pas plus de l’Ordre le demande. place dans le futur dispositif de formation continue alors même qu’elle est la seule garante de notre formation initiale ! De même, nous souhaiterions davantage de précisions sur les modalités de valorisation envisagées. Pr Serge Uzan Le concept de recertification n’a pas toujours été bien accueilli par les médecins. Certains craignaient de demeurer des « étudiants à vie », d’autres refusaient ce qu’ils assimilaient à un contrôle permanent. Dr Patrick Bouet C’est pour lutter contre ces a priori que nous avons conçu, dans « Ce rapport acte le rapport, un système centré non seulement sur une certification périodique mais aussi sur la valorisation des compétences du le fait qu’une carrière professionnel. Plus qu’une procédure de contrôle contraignante, nous professionnelle avons imaginé une démarche souple et dynamique qui renforcera la est quelque chose capacité des médecins à exercer une médecine de qualité et à prendre de “vivant”. » du recul vis-à-vis de leur exercice. médecins n° 59 janv.-fév. 2019
entretiens croisés 15 Sylvain Gautier Je rejoins le Pr Uzan pour souligner l’importance d’un essaimage à très large échelle, bien au-delà du cercle des jeunes diplômés. Et dans cette perspective, je pense aussi que l’un des principaux leviers de la réussite relèvera de la communication et de la pédagogie. Et sur ce plan, les internes actuels auront un vrai rôle à jouer ! Ce sera à nous de démontrer par notre exemple que la certification périodique est une démarche positive, constructive Pierre Guillet Je suis convaincu qu’une et finalement rassurante qui doit s’aborder sans appréhension. grande partie de la réussite de Le concept d’autoévaluation qui la sous-tend est assez nouveau ce projet dépendra des outils pour les professionnels de santé mais c’est une évolution culturelle qui seront mis à la disposition qui va dans le bon sens ! des médecins, à commencer par l’algorithme et les serveurs du futur espace numérique individuel. Pour l’instant, la question de leur financement n’a pas réellement été abordée. Pr Serge Uzan Pourtant elle est fondamentale Le succès dépendra effectivement étroitement de l’outil pour la pérennité de ce projet ! qui sera proposé aux médecins tout au long de leur Il faudra aussi s’intéresser parcours de certification. Mais nous devrons aussi nous rapidement à la communication assurer de ne laisser personne à l’écart en proposant un à mettre en place pour accompagnement adapté – confraternel et gratuit – accompagner la montée en aux médecins qui seraient en difficulté. À mes yeux, puissance du dispositif auprès l’un des principaux défis est de parvenir à construire du public le plus large possible. une procédure qui soit à la fois simple et attractive, engageante sans être intrusive, inclusive mais pas infantilisante. L’enjeu est clair : si nous nous contentons du public « obligé », à savoir les futurs médecins qui seront diplômés dès 2021, cette aventure n’aura qu’un intérêt limité. Il est impératif pour nous d’amener un maximum de médecins déjà en exercice à s’approprier la démarche sur la base du volontariat. Pr Serge Uzan « L’un des principaux défis Quelles seront, selon est de parvenir à construire une procédure qui soit à la vous, les conditions fois simple et attractive, de la réussite ? engageante sans être intrusive, inclusive mais pas infantilisante. » Dr Patrick Bouet Aujourd’hui, il nous faut désormais passer à l’acte Pierre Guillet II de la recertification. Cet enjeu est professionnel et doit rester dans les mains des professionnels, « Une grande partie de la réussite garanti par l’Ordre. Le système doit être simple, de ce projet dépendra des outils lisible et équitable et il ne fonctionnera que qui seront mis à la disposition si la dimension « revalorisation » du parcours des médecins. » individuel lui est liée. médecins n° 59 janv.-fév. 2019
16 9 chantiers et un projet de loi permettront la concrétisation du plan « Ma santé 2022 ».
17 dossier Textes : Sarah Berrier | Photos : Istock, Ministères sociaux/DICOM/G.D.Frenoy « Ma santé 2022 » Des paroles aux actes Le plan « Ma santé 2022 », présenté en septembre dernier, préfigure une année 2019 placée sous le signe de la réforme de notre système de santé. Mais si ce plan a fait naître l’espoir d’avoir enfin une réforme en profondeur et partagée par l’ensemble des professionnels de santé, de nombreuses interrogations et une certaine méfiance persistent quant à sa mise en œuvre sur le terrain. Le Cnom a ainsi souhaité rappeler un certain nombre de principes fondamentaux que les réformateurs ne devront pas oublier sous peine d’un nouvel échec… « Si notre système de santé reste l’un des plus performants au monde, il est Point de vue de l’Ordre confronté à de nouveaux défis. Nous Dr Patrick Bouet, président du Cnom devons à la fois agir pour préserver ce que nous avons reçu en héritage et pour moderniser un système de « Notre inquiétude est réelle » les professionnels de santé et le système de santé qui doit s’adapter aux enjeux L’ambition affichée Comme d’autres acteurs, santé. Nous ne voulons de notre temps… » Telle est l’am- d’un système de santé nous craignons que surtout pas accepter que bition affichée par le président de la qui se définirait l’ambition affichée soit la prise de conscience de République Emmanuel Macron, lors différemment, non plus finalement réduite l’urgence que nous de la présentation du plan « Ma santé du sommet vers le bas, à un débat technico- avons contribué à porter mais par une dynamique administratif. Nous ne laisse place à l’annonce 2022, un engagement collectif », le insufflée par le terrain voulons pas croire de simples priorités. 18 septembre 2019. et accompagnée par que la réforme politique Nous avons, comme Ce plan très large qui veut porter l’État, est forcément annoncée par le l’ensemble des acteurs « une transformation en profon- positive. Jusqu’à président, portée par la de la santé, pleinement deur de notre système de santé », se maintenant, aucune loi ministre, laisse place à pris part aux décline en 3 engagements prioritaires, n’avait regardé le une succession de textes nombreuses réunions de 5 actions prioritaires, 9 chantiers et 10 système de santé de normatifs, administratifs, groupe organisées par la mesures phares qui feront rapidement cette façon. Il y a donc majoritairement adoptés ministre de la Santé l’objet d’un projet de loi. Une nouvelle un changement de par ordonnance. Nous depuis plusieurs mois. paradigme dont nous ne voulons pas croire Nous y avons sans usine à gaz ? « Ce qui est certain, c’est ne pouvons que nous que cette réforme, qui relâche porté la voix de que si tous les acteurs partagent le réjouir. Mais à quelques devait être conçue en notre profession. Nous même diagnostic, ils ont également semaines de la partant des besoins des sommes prêts à la porter évolué dans la même direction sur présentation du projet Français, ne soit encore, demain, dans le les solutions à apporter, souligne le de loi en Conseil des finalement qu’un nouvel grand débat national Dr Patrick Bouet, président du ministres, notre empilement de normes, annoncé par le Conseil national de l’Ordre des inquiétude est réelle. asphyxiant davantage gouvernement. médecins n° 59 janv.-fév. 2019
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