Aux actes Dossier Sur le terrain - Conseil National de l'Ordre des Médecins

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Aux actes Dossier Sur le terrain - Conseil National de l'Ordre des Médecins
médecins                            n° 59 | janv.-fév. 2019
                         Le bulletin de l’Ordre national des médecins

                                                                         Dossier
                                                                         Ma santé 2022
                                                                         Des paroles
                                                                         aux actes

     Sur le terrain
      Un répit qui n’a
       pas de prix

 Entretiens croisés
   Quelle recertification
    pour les médecins ?

www.conseil-national.medecin.fr
Aux actes Dossier Sur le terrain - Conseil National de l'Ordre des Médecins
sommaire
                                                            Retrouvez le bulletin, le webzine
                                                            et la newsletter de l’Ordre en ligne sur
                                                            www.conseil-national.medecin.fr

 04. focus
 Démographie médicale :
 un constat en trompe-l’œil

 06. en bref
 - 5 questions sur la cotisation 2019
 - Débat de l’Ordre : le secret médical

 09. e-santé
 Le dossier médical partagé

 10. sur le terrain
 Un répit qui n’a pas de prix

 12. entretiens croisés
 Quelle recertification pour les médecins ?

 le guide juridique
 24. spécial élections

                                                 16
 - Appel à candidatures pour une élection
 complémentaire au Conseil national de
 l’Ordre des médecins
                                                            « Ma santé 2022 »
 25. décryptage                                             Des paroles aux actes
 LFSS 2019 : les points à retenir

 26. en bref                                     Le plan « Ma santé 2022 », présenté en septembre
 - Violence envers les médecins : une nouvelle   dernier, préfigure une année 2019 placée sous le
 fiche de signalement                            signe de la réforme de notre système de santé. Mais
 - Résultat des élections départementales        si ce plan a fait naître l’espoir d’avoir enfin une
 de l’Ordre des médecins                         réforme en profondeur et partagée par l’ensemble
                                                 des professionnels de santé, de nombreuses
 27. pratique                                    interrogations et une certaine méfiance persistent
 - Observatoire pour la sécurité des             quant à sa mise en œuvre sur le terrain.
 médecins : recensement national
 des incidents
 - La collaboration libérale
 - Les prescriptions anticipées

 31. culture médicale                            restons connectés!
 32. rencontre
 Dr Denis Mukwege, gynécologue-obstétricien,     Sur le Web : www.conseil-national.medecin.fr
 directeur de l’hôpital de Panzi (Bukavu, Sud-   Sur Twitter : suivez-nous sur @ordre_medecins
 Kivu, République démocratique du Congo),        Par mail : conseil-national@cn.medecin.fr
 prix Nobel de la Paix 2018.                     Nous écrire : Conseil national de l’Ordre des médecins,
                                                 4, rue Léon-Jost, 75855 Paris cedex 17

 médecins n° 59 janv.-fév. 2019
Aux actes Dossier Sur le terrain - Conseil National de l'Ordre des Médecins
édito                            3

                                                                                                                                                                      DR
           2019 : l’année de tous les espoirs…
           et de tous les dangers
           L’année 2019 s’annonce décisive. Pour notre pays d’abord, confronté à une
           situation de malaise et de tensions rarement atteintes à la fin de l’année 2018.
           Pour notre système de santé, ensuite, auquel nous sommes tous attachés
           et dont nous nous sentons coresponsables.
           En 2019, plus encore que les années précédentes, notre responsabilité commune
           sera grande : nous devrons être mobilisés pour une réforme en profondeur
           de notre système de santé. Celle-ci est urgente, et devra contribuer à renforcer
           notre cohésion nationale.
           Si la présentation du plan « Ma santé 2022 » avait, en septembre dernier, fait
           naître un réel espoir, aujourd’hui, à la veille de la présentation du projet de loi
           en Conseil des ministres, notre inquiétude est réelle : l’ambition réformatrice
           affichée politiquement pourrait laisser place à un débat technico-administratif.
           Les acteurs de terrain ne sont, à ce jour, pas associés à la rédaction du texte,
           sauf à envoyer des contributions écrites dont le devenir est incertain…
           Notre volonté de participer à la construction de la loi qui portera la réforme est
           réelle. Notre volonté de participer à la sortie de crise pour notre système de santé
           l’est tout autant. Nous ne voulons pas croire que la réforme politique annoncée par
           le président de la République et portée par la ministre laisse place à une
           succession de textes normatifs qui seraient adoptés par ordonnance.
           Allons-nous, en 2019, assister aux mêmes erreurs que par le passé ? Cela serait
           terrible. L’échec nous est encore moins permis car cette fois les diagnostics et les
           objectifs à poursuivre sont partagés par tous les acteurs, et de manière très lucide
           par la ministre de la Santé elle-même.
           Aujourd’hui, nous avons besoin de choix forts, nous avons besoin d’actes forts.
           Il faut passer des paroles aux actes, comme nous le développerons lors du
           prochain débat public au Cnom. Si cette réforme se maintient à la hauteur de nos
           ambitions collectives, les médecins en seront les premiers acteurs au quotidien.
           Je vous souhaite, au nom du Conseil national, une bonne année 2019.
           Dr Patrick Bouet
           Président du Conseil national de l’Ordre des médecins

Ce numéro est distribué avec un supplément « Élections 2019 ».

Directeur de la publication : D r Walter Vorhauer - Ordre des Médecins, 4, rue Léon Jost, 75855 Paris Cedex 17. Tél. : 01 53 89 32 00.
E-mail : conseil-national@cn.medecin.fr – Rédacteur en chef : D r Jacques Lucas – Coordination : Isabelle Marinier
Conception et réalisation :               - 49, rue du Faubourg-Poissonnière, 75010 Paris – Responsable d’édition : Sarah Berrier
Direction artistique : David Corvaisier – Maquette : Franck Widling – Secrétariat de rédaction : Alexandra Roy Fabrication :
Sylvie Esquer – Couverture : iStock – Impression : Imprimerie Vincent – Dépôt légal : à parution – n° 16758 ISSN : 1967-2845.             Ce document a été réalisé
                                                                                                                                          selon des procédés
Tous les articles sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs.                                                                   respectueux
                                                                                                                                          de l’environnement.

                                                                                                                            médecins n° 59 janv.-fév. 2019
Aux actes Dossier Sur le terrain - Conseil National de l'Ordre des Médecins
4
    focus
    Texte : Marine Loyen

    Démographie médicale :
    un constat en trompe-l’œil
    Derrière un bilan global relativement stable, les tendances observées
    ces dernières années se confirment et les inégalités entre les départements
    français et entre les spécialités se creusent…
    L’Atlas 2017 de la démographie médi-        lantiques). Des disparités sont même         sont même 6 460 de moins qu’en 2010.
    cale s’ouvre sur une nouvelle plutôt ras-   criantes à l’échelle des métropoles,         Au contraire, les spécialistes et chirur-
    surante : la relative stabilité du nombre   entre différents quartiers, ou au sein       giens sont en augmentation (+ 0,4 % et
    de médecins en activité régulière. En       des départements, entre zone urbaine         + 0,8 %), mais leur répartition est très
    effet, après de longues années de           et zone rurale ou périurbaine. Les           inégale et suit celle de la démographie
    baisse importante, la courbe semble         départements les plus en crise sont          médicale en général. Quelques spécia-
    se stabiliser : + 0,1 % en 2017, alors      répartis selon la diagonale du vide,         lités, dermatologie, ophtalmologie et
    que depuis 2010 les effectifs avaient       du Nord-Est au Sud-Ouest et sont ceux        psychiatrie, sont toutefois en baisse.
    perdu 9 points. Une stabilisation qui       qui cumulent souvent les difficultés :       Enfin, les médecins salariés (47,1 %)
    serait le premier résultat des réformes     vieillissement, précarité, faible den-       sont désormais plus nombreux que
    du numerus clausus entamées il y            sité de services publics et de réseau        ceux qui choisissent l’exercice libé-
    a plus de vingt ans. Le nombre de           numérique.                                   ral (42,6 %), confirmant une tendance
    médecins en activité pourrait même                                                       constatée depuis de nombreuses
    revenir à la hausse dès l’an prochain.      Des spécialités en crise                     années.
    Seconde bonne nouvelle : le rééquilibre     La spécialité la plus en crise est tou-
    hommes-femmes au sein de la profes-         jours celle des généralistes, dont les
    sion. Onze départements (dont quatre        effectifs ne cessent de plonger : ils        + d’infos : https://www.conseil-national.
    en Île-de-France) comptent désormais        étaient 336 de moins au 1er janvier          medecin.fr/node/3037
    une majorité de femmes parmi leurs          2018, par rapport au 1er janvier 2017. Ils
    médecins.

    Un creusement des inégalités
    Mais ces constats positifs ne masquent
                                                Point de vue de l’Ordre
    pas de nombreuses disparités régio-         Dr Jean-Marcel Mourgues président de la section
                                                Santé publique du Conseil national de l’Ordre des médecins
    nales : ainsi, la Guyane voit sa popu-
    lation médicale augmenter de 3,4 %
    alors que celle de Mayotte diminue          D’abord, les grandes évolutions de la        inégalités se creusent : les moins bien
    de 2,1 %. En métropole, les régions qui     démographie médicale sont à mettre           dotés en 2010 ont enregistré une
    connaissent les plus fortes augmen-         en perspective avec la démographie           baisse continue de leur population
    tations sont les Pays de la Loire et la     française : si le nombre de médecins a       médicale jusqu’à aujourd’hui. Ce sont
    Bretagne, mais ces dernières connais-       diminué depuis cinquante ans, la             dans ces zones que les médecins sont
    saient un déficit très important que        population française a quant à elle          aussi les plus âgés, tout comme leur
    ces hausses ne peuvent combler.             augmenté de 18 millions sur la même          population, qui a tendance à cumuler
    Ces différences sont aussi très visibles    période. Elle a aussi vieilli : + 3,1 ans    les fragilités. La population médicale
    à l’échelle départementale, qui             d’espérance de vie pour les femmes et        a tendance à se concentrer de plus en
                                                + 5,1 ans pour les hommes en vingt ans.      plus dans les métropoles, suivant la
    démontre un effet de métropolisation :
                                                La relative stabilité des effectifs          géographie des CHU. Cela s’explique
    par exemple, si la Nouvelle-Aquitaine       médicaux enregistrée par rapport à           probablement par la localisation
    a un bilan positif (+ 0,7 %), les aug-      l’année dernière ne s’accompagne             des stages et internats. De même,
    mentations d’effectifs se concentrent       malheureusement pas d’un                     l’exercice libéral est boudé par les
    sur seulement trois départements            repeuplement des départements les            jeunes médecins qui semblent rebutés
    (Haute-Vienne, Gironde, Pyrénées-At-        plus en difficulté. Au contraire, les        par les contraintes de ce modèle.

    médecins n° 59 janv.-fév. 2019
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focus        5

                            LES CHIFFRES CLÉS
                      DE LA DÉMOGRAPHIE MÉDICALE

     + 0,1 %
                                     de médecins en activité
                                     régulière par rapport
                                     au 1er janvier 2017
                                                                                                      soit   222
                                                                                                      médecins de plus

                                                Des disparités importantes dans les spécialités…

     6 460 médecins                                                    À l’inverse :
                                                                       + 3 % d e spécialistes
                                                                                                        Quelques exceptions :
     généralistes de moins                                                   médicaux
                                                                                                        - les ophtalmologistes
                                                                                                        - les dermatologues
     entre 2010 et 2018 (-7,3 %).                                      + 8 % de chirurgiens             - les psychiatres

                             Mais aussi dans les départements

     Variation du nombre
     de médecins en activité
     régulière entre 2017
     et 2018
         de 1,5 % à 12,2 %
                                                 Guadeloupe
         de 0,7 % à 1,4 %
                                                 Martinique
         de 0 % à 0,6 %

         de -0,1 % à -0,8 %
                                                 Guyane
         de -0,9 % à -2 %

         de -2,1 % à -6,3 %                      La Réunion

                                                 Mayotte

  Un métier de plus en plus salarié...                    … de plus en plus féminisé…                               … et vieillissant.

 LIBÉRAL        SALARIÉ            MIXTE
                                                                          43 %                     50,8 ans en moyenne
                                                                                                   Et les projections mettent en exergue
  42 %            47 %                                                     de femmes
                                                                                                   des difficultés pour les années à venir :

                                    11 %                                  57 %
                                                                           d’hommes
                                                                                                   > = 65 ans
                                                                                                   60-64 ans 23 385
                                                                                                                             8 477       3 385
                                                                                                                                                    12 790
                                                                                                   55-59 ans    21 142                                 14 962
                                                                                                   50-54 ans          14 066                        12 889
  (- 5 points    (+ 5 points        (stable         Soit 2 points de plus pour les femmes          45-49 ans              10 292                  11 311
 par rapport    par rapport       par rapport
    à 2010)        à 2010)          à 2010)         par rapport à 2017 et 12 points                40-44 ans
                                                                                                   35-39 ans
                                                                                                                            8 954
                                                                                                                             8 736
                                                                                                                                                 10 736
                                                                                                                                                   11 814
Sources : CNOM 2018
                                                    par rapport à 2010 !                           < = 34 ans                9 101                       16 040

                                                                                                                     médecins n° 59 janv.-fév. 2019
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6
    en bref

    5 questions sur
    la cotisation 2019
    Lors de la session budgétaire du 13 décembre 2018, conformément aux
    dispositions de l’article L. 4122-2 du code de la santé publique, le Conseil
    national a fixé le montant de la cotisation annuelle pour 2019 à 335 euros,
    sans changement par rapport à 2018.

    À quoi sert la cotisation ?               principes fondamentaux de la déon-        Existe-t-il d’autres
    La cotisation sert à financer les acti-   tologie médicale ;                        exonérations ?
    vités de l’Ordre, à savoir :              • faire entendre sa voix dans tous        Les exonérations partielles ou totales
    • vous accompagner et répondre à          les grands débats de santé nationaux      relèvent de votre conseil départemen-
    vos questions sur les sujets juri-        et internationaux, qu’ils portent sur     tal. Lorsque ce dernier accorde des
    diques ou éthiques liés à l’exercice ;    l’éthique ou les évolutions de l’exer-    exonérations partielles, les quotités
    • être à vos côtés et aux côtés de        cice médical.                             régionale et nationale sont réduites
    votre famille en cas de difficultés et    Tous les médecins, quels que soient       dans la même proportion.
    vous apporter si nécessaire une aide      leur spécialité, leur lieu et leur mode   Attention : les médecins de l’industrie
    adéquate (financière, organisation-       d’exercice, bénéficient de ces ser-       pharmaceutique ainsi que les méde-
    nelle…) grâce à l’entraide ;              vices.                                    cins scolaires, les médecins DIM et
    • vous accompagner lors d’un besoin                                                 les médecins de recherche sont rede-
    ou d’une volonté d’évolution profes-      Lors d’une première inscription,          vables d’une cotisation entière.
    sionnelle, grâce notamment aux com-       le médecin doit-il payer sa
    missions de qualification et à la VAE     cotisation ?                              Comment régler sa cotisation ?
    ordinale ;                                Les frais de première inscription         Les médecins doivent s’acquitter de
    • veiller au maintien des compé-          ayant été supprimés, les médecins         leur cotisation dès le 1er trimestre de
    tences du corps médical et à sa pro-      concernés doivent désormais s’ac-         l’année (art. L.4122 2 du CSP).
    bité, dans l’intérêt des patients mais    quitter d’une demi-cotisation la          Vous pouvez régler votre cotisation :
    aussi de l’ensemble de la profession ;    première année et d’une cotisation        • en ligne sur le site www.conseil-
    • émettre des avis et des recom-          entière les années suivantes. Ils sont    national.medecin.fr
    mandations auprès des organismes          exonérés de la première demi-coti-        Ou à défaut :
    publics et du gouvernement au nom         sation si l’inscription se réalise au     • par chèque à renvoyer par la poste
    de la défense de la profession et des     cours du dernier trimestre.               à votre conseil départemental,
                                                                                        • par carte bancaire si votre conseil
                                                                                        est équipé,
                                                                                        • ou par prélèvement automatique
      BON À SAVOIR                                                                      géré désormais par votre conseil
      Cotisation de la « liste spéciale » : 133 €                                       départemental.
      Cotisation des médecins retraités n’ayant plus aucune activité
      médicale rémunérée : 95 € (47,50 € pour le Conseil départemental                  Comment se répartit
      et 47,50 € pour le Conseil national)                                              la cotisation ?
      Frais de dossier de qualification : 200 € (140,00 € pour le Conseil               La cotisation est répartie entre les
      national et 60,00 € pour le Conseil départemental)                                différents échelons de l’Ordre de la
      Frais d’appels en matière de qualification : 100 € (entièrement                   manière suivante :
      pour le Conseil national)                                                         - Quote-part départementale : 162 €
      Cotisation catégories SCP/SEUSPFPL : 335 €                                        - Quote-part régionale : 40 €
                                                                                        - Quote-part nationale : 133 €

    médecins n° 59 janv.-fév. 2019
Aux actes Dossier Sur le terrain - Conseil National de l'Ordre des Médecins
en bref      7

Débat de l’Ordre
Le secret médical
Le secret médical est au cœur de la relation de confiance avec le patient.
Il se trouve pourtant régulièrement fragilisé et les situations particulières
sont nombreuses. C’est pourquoi l’Ordre a choisi d’organiser un débat
sur ce sujet, le 27 novembre.
« Le secret médical est un pilier de
la morale médicale », a réaffirmé le
Dr Jean-Marie Faroudja, président de la
section Éthique et déontologie du Conseil
national de l’Ordre des médecins (Cnom)
en préambule des échanges. Mais il se
heurte parfois à la réalité de l’exercice…
« Nous avons des demandes récurrentes
de médecins, ne serait-ce que pour
envoyer des photographies de plaie par
mail », a par exemple relevé Anne Jauer,
vice-présidente du Conseil national de         anonymisé. » « Le secret est également        tenu à rappeler le Dr Jacques Quillien,
l’Ordre des infirmiers.                        partagé lorsqu’interviennent les méde-        médecin de la compagnie d’assurances
                                               cins de l’Assurance maladie », a souligné     Allianz. Le Dr Michel Malinet, médecin
Secret et numérique                            le Dr Béatrice Rio, adjointe au directeur     du travail, secrétaire général du conseil
De nombreuses questions ont ainsi porté        du réseau médical et des opérations de        départemental de Vendée de l’Ordre des
sur le secret médical à l’épreuve des          gestion du risque de l’Assurance maladie.     médecins, a quant à lui souligné que le
nouvelles technologies de l’information        La question du traitement et de l’exploi-     médecin du travail est également tenu
et de la communication. Le Dr Jacques          tation de données de santé à vocation         au secret puisqu’il « établit une restric-
Lucas, vice-président du Cnom, délégué         de recherche a également été abordée.         tion d’aptitude ou une inaptitude sans
général au numérique, a rappelé que            Gaëlle Dumortier, conseillère d’État,         préciser les raisons à l’employeur ».
« l’informatique, si elle est bien utilisée,   membre du Comité d’expertise sur l’in-        L’attentat perpétré par un pilote de
peut au contraire protéger les données »,      térêt public à l’Institut national des don-   la Germanwings en 2015 a suscité de
ajoutant que « le RGPD1 offre une plus         nées de santé, a ainsi expliqué que « le      nombreuses questions, son auteur
grande efficience du secret médical ».         principe est l’interdiction de traiter des    ayant été identifié comme fragile sur
Par ailleurs, l’exercice en équipe avec        données personnelles de santé – dans          le plan psychiatrique. « L’Ordre ne s’est
notamment la question du partage des           la même ligne que le secret médical –,        pas positionné en faveur d’une nouvelle
informations entre professionnels de           mais le RGPD permet des dérogations           dérogation, a expliqué le Dr Anne-Ma-
santé a soulevé des interrogations. Le         subordonnées à l’existence d’un intérêt       rie Trarieux, vice-présidente de la sec-
Dr François Simon, président de la sec-        public et dans des conditions très strictes   tion Éthique et déontologie du Cnom.
tion Exercice professionnel du Cnom a          de protection et de confidentialité des       Le médecin est donc responsable et
rappelé que la loi a « étendu la règle de      données ».                                    devra se justifier le cas échéant. » « J’ai
l’accord implicite dans les équipes de                                                       du mal à penser, quand cela reste des
soins à tous les lieux de prise en charge ».   Secret à tout prix ?                          situations exceptionnelles, qu’un méde-
Le Dr Mathilde Roze, généraliste à Paris       Les débats se sont également attardés         cin puisse être sanctionné pour avoir,
exerçant dans un cabinet pluri-pro-            sur la nécessité de protéger ce devoir du     en conscience et réflexion, dévoilé un
fessionnel, a apporté son témoignage :         médecin, « y compris devant la justice        élément qui a pu permettre ou permet-
« Lorsque les dossiers sont discutés,          ou face aux demandes des assurances »,        trait de sauver des centaines de vies »,
soit c’est entre confrères qui ont pris        a insisté Marie-Annick Lambert, repré-        a toutefois modéré le Dr Gilles Munier,
en charge le patient, soit c’est avec des      sentante de France Assos santé. « Il n’y      vice-président du Cnom.
médecins qui n’ont pas pris en charge          a pas de secret partagé entre le méde-        1. RGPD : Règlement général sur la protection
le patient et dans ce cas, le dossier est      cin-expert et le médecin-traitant », a        des données, entré en vigueur en mai 2018

                                                                                                          médecins n° 59 janv.-fév. 2019
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    en bref

                                             Évaluation des pratiques de refus
       les                                   de soins : un premier bilan
       tweets                                La Commission d’évaluation                    La Commission propose dans
       @ordre_medecins – 9 janvier
       Le saviez-vous ? 8 médecins sur       des pratiques de refus de soins auprès        son rapport un certain nombre
       10 n’ont pas de médecin               du Conseil national de l’Ordre des            de recommandations pour
       traitant. Pourtant, les métiers       médecins (Cnom) a remis son premier           chacune de ces causes. Elle souligne
       du soin sont les premiers dans        rapport à Agnès Buzyn, ministre des           néanmoins qu’elle manque
       lesquels les cas de burn-out ont      Solidarités et de la Santé. Le rapport        actuellement d’informations et de
       été décrits par les chercheurs,       relève trois principales catégories           données statistiques. Les membres
       dès 1974. Tél. : 0800 800 854,        de causes générant des refus de               de la Commission estiment que du
       accessible 24h/24 et 7j/7             soins discriminatoires :                      temps leur est nécessaire pour mettre
                                             • la méconnaissance notamment                 en place ces études et poursuivre
       @ordre_medecins - 15 janvier          des personnes concernées, de leurs            leurs travaux.
       #GrandDebat | «Depuis de              situations et de pathologies ;
       nombreux mois, nous avons             • les difficultés de prise en charge de
       sans relâche porté la voix de         nature financière et administrative ;          + d’infos
       notre profession. Nous sommes                                                       https://www.conseil-national.medecin.fr/
                                             • les difficultés de prise en charge          sites/default/files/rapport_commission_
       prêts à la porter, demain, dans       de nature matérielle ou technique.            refus_de_soins_aupres_du_cnom_2018.pdf
       le #GrandDebatNational.»
       Retour sur le discours des vœux
       du Président @BouetP >> https://

                                               13 000
       www.conseil-national.medecin.
       fr/node/3073 #Bourgtheroulde

       @ordre_medecins - 15 janvier
       A lire dans @LeGene_hebdo :
       quels sont les déterminants et
                                               patients diabétiques ont été tirés au sort pour participer à la 3e édition
       les freins à l’installation des
                                               de l’enquête nationale Entred (Échantillon national témoin représentatif des
       médecins en France ? L’Ordre
                                               personnes diabétiques) réalisée par Santé publique France. Leurs médecins
       lance une enquête. Pour
                                               seront sollicités pour fournir des informations médicales complémentaires.
       participer, rendez-vous sur             Toutes les garanties de respect de l’anonymat des patients et des médecins
       https://www.conseil-national.           ont été données au Conseil de l’Ordre dans le cadre de cette étude. Nous
       medecin.fr/node/3043                    invitons donc les médecins à répondre favorablement à cette enquête.
       #MardiConseil
                                                + d’infos
                                               http://invs.santepubliquefrance.fr/Etude-Entred-3

    Lutte contre la prostitution
    Recherche médecins
    Fin 2016 ont été créées les              de l’action sociale et des familles).         et psychologique, d’où l’importance
    commissions départementales de           Cette commission, chargée d’étudier           qu’il y ait un médecin au sein de
    lutte contre la prostitution, le         les situations individuelles des              chaque commission
    proxénétisme et la traite des êtres      personnes qui présentent une                  départementale.
    humains aux fins d’exploitation          demande d’engagement dans un                  Pourtant, à ce jour, seuls seize
    sexuelle. Ces commissions, présidées     parcours de sortie de la prostitution,        départements auraient désigné un
    par le préfet du département,            peut permettre à la personne                  médecin. Si vous êtes intéressé par
    comporte un médecin désigné par          concernée de bénéficier d’un                  cette mission, n’hésitez pas à vous
    le conseil départemental de l’Ordre      accompagnement visant à faciliter             rapprocher de votre conseil
    des médecins (art. R. 121-12-7 du code   l’accès aux soins sur le plan physique        départemental.

    médecins n° 59 janv.-fév. 2019
e-santé                   9

Le dossier médical
partagé
Début novembre a été lancée la nouvelle version du DMP, pilotée
par l’Assurance maladie. Son ambition ? Simplifier la transmission
des informations médicales entre professionnels de santé. Comment
fonctionne-t-il ? À quoi et à qui va-t-il servir ? Éléments de réponse…

Qui peut créer le DMP ?                   Comment le consulter                      Quelles sont les informations
Tous les assurés peuvent créer leur       et l’alimenter ?                          contenues dans le DMP ?
DMP, seuls ou avec l’aide d’un pro-       Pour consulter le DMP de votre            Le DMP comprend les données d’iden-
fessionnel de santé. Le DMP d’un          patient, vous devez vous connecter        tification du titulaire du dossier,
patient se crée en quelques minutes       depuis votre logiciel professionnel       l’historique de soins de l’Assurance
à partir du logiciel métier ou du site    (dont les dernières versions de la plu-   maladie sur les derniers 24 mois, les
www.dmp.fr. Il vous faut identifier       part d’entre eux intègrent les fonc-      antécédents médicaux (tels que les
le patient par la lecture de sa carte     tionnalités du DMP et permettent          pathologies, les allergies, etc.), les
Vitale, informer le patient sur le DMP,   d’y accéder en un clic). Pour les         résultats d’examens médicaux (tels
recueillir son consentement oral et       médecins non équipés d’un logiciel        que les comptes rendus d’analyses
demander s’il souhaite un compte          « DMP-compatible », la connexion          biologiques, les examens d’imageries
d’accès à son DMP. Une fois le DMP        peut se faire directement sur le site     médicales, etc.), les comptes rendus
créé, le patient reçoit une confirma-     www.dmp.fr, accès « Professionnels        d’hospitalisation, les directives anti-
tion par e-mail ou par courrier.          de santé ». Insérez ensuite la carte      cipées de fin de vie, les coordonnées
                                          Vitale du patient. Vous pouvez alors      des proches à prévenir en cas d’ur-
Qui peut y accéder ?                      remplir le DMP du patient avec les        gence, de la personne de confiance,
Le DMP relève du secret médical. La       informations de santé utiles au bon       du médecin traitant et des profes-
consultation du DMP par un profes-        suivi médical et accéder facilement       sionnels de santé autorisés à accéder
sionnel de santé requiert l’accord        aux informations renseignées par les      au dossier.
explicite du patient. Le médecin          autres professionnels de santé.
traitant de chaque patient dispose
d’un accès privilégié. Tout accès à un
DMP par un professionnel de santé
non autorisé constituerait un délit         BON À SAVOIR
passible de sanctions disciplinaires        Afin d’inciter les médecins libéraux à s’équiper, la compatibilité du
mais aussi pénales. Seule une situa-        logiciel métier avec le DMP est l’un des nouveaux critères du forfait
tion d’urgence justifie l’accès au DMP      structure créé par la convention médicale. Le nombre de logiciels
par un professionnel de santé sans          métier « DMP-compatibles » s’accroît. La liste de ces logiciels
accord préalable. Cependant, lors           homologués à l’usage du DMP est disponible sur le site du Centre
de la création de son DMP, le patient       national des agréments (https://cnda.ameli.fr/). Grâce à leurs mises
peut s’opposer à un tel accès en situa-     à jour, ces logiciels intégreront en temps réel les améliorations de
tion d’urgence en cochant une case          l’ergonomie et des fonctionnalités du site DMP.
réservée à cet effet.

                                                                                               médecins n° 59 janv.-fév. 2019
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     sur le terrain
     Texte : Éric Allermoz | Photos : Julian Renard

     Lyon
     Un répit qui n’a pas de prix
     Accompagner un proche malade n’est pas de tout repos.
     Pour la première fois en France, une maison de répit soulage
     et prend soin des aidants épuisés.

     En France, entre 9 et 11 millions de
     personnes s’occupent d’un proche
     malade, handicapé, dépendant. Bien
     souvent malgré elles, sans y être pré-
     parées. Résultat, selon une étude de
     l’Insee, trois aidants sur quatre se
     sentent anxieux, surmenés ou isolés.
     À Tassin-la-Demi-Lune, près de Lyon,
     une maison de répit d’un genre nou-
     veau a ouvert ses portes en octobre.
     « Contrairement à un accueil tempo-
     raire, nous hébergeons l’aidé et son
     aidant. Nous sommes également la
     première structure intergénération-
     nelle, ouverte aux adultes comme aux
     enfants malades », détaille Mélanie
     Tacquard, directrice des lieux.
     À l’intérieur du grand bâtiment
     aux façades en bois, l’ambiance est
     chaleureuse, cosy. De larges baies
     vitrées donnent sur un parc arboré.
     Le personnel soignant, qui assure
     une surveillance médicale continue
     des résidents atteints par la mala-
     die, ne porte pas de blouse blanche.
     « Tout est fait pour se sentir comme         La maison de répit emploie une vingtaine de personnels soignants, infirmières,
     à la maison », souligne Mélanie Tac-         aides-soignantes, aides médico-sociales et s’appuie sur 80 bénévoles.
     quard.

     Équipe mobile de répit                     affectif… Ici, je suis écoutée, prise            « Nous nous rendons au domicile de
     Adossée contre la bibliothèque,            en compte. Les équipes sont là pour              l’aidant pour évaluer sa situation,
     Brigitte discute avec une bénévole.        Héloïse, mais aussi pour moi », confie           son niveau d’épuisement, ses patho-
     Elle fait partie des premières pen-        cette ancienne enseignante qui a                 logies non traitées faute de temps.
     sionnaires de la maison de répit. À        quitté son poste pour s’occuper de sa            Certains ont besoin d’un séjour à la
     ses côtés, sa fille Héloïse, 26 ans. Il    fille. « Le projet de soin de la structure       maison de répit. »
     y a deux ans, un accident de voiture       est centré sur l’aidant », confirme le
     l’a plongée dans un état végétatif.        Dr Géraldine Pouly, médecin au sein              Un objectif de douze maisons
     Depuis, Brigitte veille sur Héloïse 24     de l’équipe mobile de répit associée             régionales
     heures sur 24, 7 jours sur 7. « L’aidant   à la maison. Celle-ci compte deux                À la maison de répit, les aidants sont
     familial gère tellement de choses          médecins, une infirmière, deux psy-              libres d’aller et venir. De partir deux
     sur le plan médical, administratif,        chologues et une assistante sociale.             heures ou deux jours. Ils participent

     médecins n° 59 janv.-fév. 2019
sur le terrain          11

 Mobiliers chaleureux, espaces de jeux pour les enfants, une
 vingtaine de chambres. Tout est fait pour que les aidants se
 sentent comme à la maison.

  En disposant de leur propre chambre, les aidants peuvent se       Il suffit de feuilleter les pages du « livre d’or » de la maison de répit pour
  reposer et retrouver un peu d’intimité.                           comprendre ce que cette structure inédite en France apporte aux aidants.

à des ateliers de yoga ou de réflexo-
logie, profitent du jacuzzi ou de la
salle de sport. Ils disposent de leur
                                                 Témoignage
propre chambre pour retrouver un                 Pr Matthias Schell, pédiatre oncologue au centre Léon-Bérard,
                                                 à Lyon, spécialisé dans l’hospitalisation à domicile
peu d’intimité. Ils sont conseillés
pour voir comment améliorer leur
quotidien (aide sociale, ménagère,               « Le médecin doit
soutien psychologique...). L’Assu-               poser un regard de                            non médicales, en raison de
rance maladie prend en charge une                soignant sur l’aidant »                       l’épuisement des proches. La maison
grande partie des coûts. Chaque                                                                de répit lui donne la possibilité de
nuit revient à 20 euros par aidant               « L’hospitalisation à domicile m’a            s’occuper de sa santé et de se
et aidé. Les maisons de répit pour               permis de constater la charge qui             ressourcer. La population vieillit, la
les aidants existent déjà depuis                 pèse sur certaines familles aidantes          dépendance va s’accentuer. La prise
longtemps au Canada, en Belgique                 au quotidien. Elles sont acculées par         en charge se fera de plus en plus à
ou encore en Allemagne. L’ambition               la fatigue, le stress, les démarches          domicile et beaucoup reposera sur
des fondations France Répit et OVE,              administratives. Elles n’ont plus             l’aidant. Notre rôle de médecin est
                                                 de vie sociale. L’aidant n’a plus             de poser un regard de soignant sur
à l’origine du projet, est de créer un
                                                 de temps pour lui et a tendance               les aidants. Les médecins libéraux
réseau de douze maisons de répit                 à s’épuiser physiquement et                   sont en première ligne pour détecter
régionales. En attendant, Brigitte               psychiquement. Trop dévoué, il                les plus fragiles, les inciter à mieux
file à Lyon retrouver une amie : « Je            s’oublie. Résultat : les aidés risquent       prendre soin d’eux et les orienter
me ressource sans culpabiliser car               d’être hospitalisés pour des raisons          vers les associations spécialisées. »
Héloïse est entre de bonnes mains ».

                                                                                                              médecins n° 59 janv.-fév. 2019
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     rubrique

      entretiens croisés
     Texte : Dominique Fidel, Sarah Berrier | Photos : DR

     Quelle recertification
     pour les médecins ?
     En France, la question de la recertification fait figure de serpent de mer
     depuis une vingtaine d’années. En 2015, dans son livre blanc Pour l’avenir de
     la santé, l’Ordre avait fait des propositions afin de mettre enfin en place un
     système de recertification répondant aux attentes des médecins, des patients
     et des objectifs de notre système de santé. Avec la remise du rapport
     du Pr Uzan, en novembre dernier, le concept pourrait devenir réalité…

                                      En début d’année, la ministre de la Santé,    Et la valorisation ?

       139 195
                                      Agnès Buzyn, a souhaité instaurer une         Le texte propose également un critère
                                      procédure d’actualisation régulière           de valorisation qui porte sur l’ensemble
                                      des compétences des médecins. À sa            des activités susceptibles de mettre en
                                      demande, un comité de pilotage présidé        valeur le parcours du médecin : enseigne-
                                      par le Pr Serge Uzan a établi un rapport      ment, encadrement d’étudiants, respon-
       professionnels de              sur le sujet, remis début novembre. Ce        sabilités professionnelles et territoriales.
       santé se sont inscrits
                                      dernier préconise une certification et        La procédure de recertification devrait
       à au moins une
       action de DPC,                 une valorisation périodique du parcours       reposer sur 15 à 30 jours de formation
       au 30 septembre                professionnel et des acquis tous les six      par an, constituant une feuille de route
       2018. Ce nombre                ans, qui concernerait tous les médecins,      que chaque professionnel de santé pourra
       est en hausse de 7,8 %         et tous les modes d’exercice. Le dispositif   suivre via un espace numérique personnel
       sur un an.                     reposerait sur cinq critères d’évaluation,    sécurisé. Le rapport recommande que la
                                      qui incluent notamment le parcours de         démarche s’applique à tous les médecins
       Source : Agence nationale
       du développement
                                      développement personnel continu ainsi         diplômés à partir de 2021, dans le cadre
       professionnel continu          qu’une « démarche volontariste d’amé-         du 3e cycle rénové des études médicales,
                                      lioration de la relation médecin-patient »    et qu’elle soit ouverte à tous les autres
                                      et une démarche « personnelle et aidée »      professionnels inscrits au tableau
                                      d’amélioration de la santé et de la qualité   de l’Ordre des médecins, et fortement
                                      de vie du médecin.                            encouragée.

     médecins n° 59 janv.-fév. 2019
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Dr Patrick Bouet,               Pr Serge Uzan,                  Pierre Guillet,                Sylvain Gautier,
président du Conseil            doyen honoraire de              premier vice-président         secrétaire général
national de l’Ordre             la faculté de médecine          de l’ISNAR-IMG                 de l’ISNI
des médecins                    Sorbonne Université

 Dr Patrick Bouet                                                Pr Serge Uzan
 Il faut faire mieux ! Le système actuel est basé sur            L’ancien président du Conseil de l’Ordre, le Pr Louis
 la réalisation obligatoire d’actions de formation,              Portes, avait coutume de dire que « la pratique
 sans se préoccuper des contenus, à savoir s’ils                 médicale est une compétence et une conscience
 sont en cohérence avec les objectifs du système de              rencontrant une confiance ». Un lien de confiance
 santé, de la pertinence des soins, de la qualité des            durable implique des compétences entretenues
 soins… Il s’agit d’une vision très technocratique.              dans la durée. La mise à jour permanente des
 Par ailleurs, la connaissance, mais surtout la                  connaissances et des compétences fait d’ailleurs
 compétence et l’expérience d’un professionnel                   l’objet d’un article entier du code de déontologie !
 font que, dans sa pratique professionnelle,                     Si le principe est incontesté, sa transcription dans
 le médecin peut s’améliorer, devenir plus                       la vie quotidienne des praticiens n’est en revanche
 performant, abandonner certains domaines et au                  pas évidente. Plusieurs textes de loi se sont succédé
 contraire, se surspécialiser dans d’autres. Jusqu’à             pour l’institutionnaliser : formation continue
 aujourd’hui, on ne se posait pas de questions sur               obligatoire en 1996, participation à des programmes
 l’accompagnement du médecin tout au long de sa                  d’évaluation des pratiques professionnelles en 2005,
 carrière et ni sur la valorisation des parcours, c’est          développement professionnel continu en 2011… Mais
 pourtant une priorité ordinale.                                 ces mesures n’ont pas produit les effets escomptés
                                                                 alors même que les connaissances médicales
                                                                 progressent de plus en plus vite. Avec ce nouveau
                                                                 dispositif, nous souhaitons changer la donne. J’ajoute

Quel regard portez-                                              que les 15 à 30 jours évoqués dans le rapport, outre
                                                                 qu’ils ne sont qu’une suggestion, peuvent avoir de
vous sur la situation                                            nombreux « équivalents non présentiels » à partir des
                                                                 modalités d’exercice de chaque médecin.
actuelle ?

 Pierre Guillet                                       Sylvain Gautier
 Par le passé, la France avait déjà                   Depuis 2017, le DPC s’articule autour de trois modalités
 manifesté sa volonté de développer                   de déploiement : la formation continue via des contenus
 la formation médicale continue. Mais                 théoriques, la gestion de crise et l’évaluation des pratiques
 comme personne ne contrôlait les                     professionnelles. C’est un édifice plutôt conséquent auquel
 obligations et que rien n’avait été prévu            il manquait cependant plusieurs briques importantes :
 pour valoriser les efforts accomplis,                rien n’était prévu pour développer les capacités des
 la marge de progrès restait très                     médecins à interroger leurs pratiques sur la relation qu’ils
 importante… Du côté des internes, le                 entretiennent avec leurs patients. De même, il n’existait pas
 terrain est largement favorable à la mise            d’outil dédié à la santé des médecins, et à leur qualité de vie
 en place d’un dispositif de certification            au travail, alors même qu’on sait que notre profession est
 périodique, ne serait-ce que parce que la            exposée à des risques psychosociaux non négligeables, en
 réforme du 3e cycle nous a habitués                  particulier dans les premières années d’exercice.
 à nous autoévaluer et à valider nos
 acquisitions au fil de l’eau.

                                                                                               médecins n° 59 janv.-fév. 2019
14
     entretiens croisés

       Sylvain Gautier
       Aux yeux de l’ISNI, le dispositif envisagé répond à une logique
       « gagnant-gagnant », qui ne peut qu’être vertueuse pour le système
       de santé français. Ce sera un vrai plus pour les professionnels, qui
       pourront conforter leurs compétences en s’assurant qu’elles restent
       d’actualité et entretenir ainsi le capital acquis à la sortie de leur
       internat. Les patients y gagneront aussi puisqu’ils auront en face                                  Sylvain Gautier
       d’eux un médecin sûr de son exercice et de ses connaissances. Nous
       sommes aussi satisfaits de voir que la santé des médecins et la             « Le dispositif envisagé
       relation médecin-patient feront partie des critères de certification.      répond à une logique
       Nous serons d’ailleurs très attentifs aux propositions de formation        “gagnant-gagnant”,
       qui seront élaborées sur ce plan par les Conseils nationaux
       professionnels (CNP) et le Collège de la médecine générale (CMG).
                                                                                  qui ne peut qu’être
                                                                                  vertueuse pour le système
                                                                                  de santé français. »

        Dr Patrick Bouet
                                                          Le principe de certification
        Il y a une prise de conscience sur le             et de valorisation périodique
                                                          porté par le rapport
        fait que le diplôme permet certes
        l’entrée dans le métier, mais

                                                          vous paraît-il correspondre
        qu’ensuite, ce qui définit le parcours
        individuel d’un professionnel, c’est
        la façon dont il va exercer ce métier,
        et ce qu’attend sa spécialité de                  aux attentes de la profession ?
        cet exercice. Ce rapport acte le fait
        qu’une carrière professionnelle
        est quelque chose de « vivant ».
        Je souhaite que cela permette
        la bascule entre un système                          Pierre Guillet
        strictement basé sur une maquette                    Les mesures proposées dans le rapport du Pr Uzan
        universitaire, et un système qui va                  correspondent dans leur ensemble aux attentes des internes
        observer la façon d’exercer le métier,               en général et de l’Isnar-IMG en particulier, qui a d’ailleurs
        de valoriser son expérience et de                    été associée à son comité de pilotage. Toutefois, certaines
        monter en compétence. Le rapport                     de nos propositions n’ont pas encore été prises en compte.
        ouvre aujourd’hui cette voie comme                   Je regrette notamment que l’Université n’ait pas plus de
        l’Ordre le demande.                                  place dans le futur dispositif de formation continue alors
                                                             même qu’elle est la seule garante de notre formation initiale !
                                                             De même, nous souhaiterions davantage de précisions
                                                             sur les modalités de valorisation envisagées.

                                                    Pr Serge Uzan
                                                    Le concept de recertification n’a pas toujours été bien accueilli par
                                                    les médecins. Certains craignaient de demeurer des « étudiants à vie »,
                                                    d’autres refusaient ce qu’ils assimilaient à un contrôle permanent.
                            Dr Patrick Bouet
                                                    C’est pour lutter contre ces a priori que nous avons conçu, dans
      « Ce rapport acte                             le rapport, un système centré non seulement sur une certification
                                                    périodique mais aussi sur la valorisation des compétences du
     le fait qu’une carrière                        professionnel. Plus qu’une procédure de contrôle contraignante, nous
     professionnelle                                avons imaginé une démarche souple et dynamique qui renforcera la
     est quelque chose                              capacité des médecins à exercer une médecine de qualité et à prendre
     de “vivant”. »                                 du recul vis-à-vis de leur exercice.

     médecins n° 59 janv.-fév. 2019
entretiens croisés         15

 Sylvain Gautier
 Je rejoins le Pr Uzan pour souligner l’importance d’un essaimage
 à très large échelle, bien au-delà du cercle des jeunes diplômés.
 Et dans cette perspective, je pense aussi que l’un des principaux
 leviers de la réussite relèvera de la communication et de la
 pédagogie. Et sur ce plan, les internes actuels auront un vrai rôle
 à jouer ! Ce sera à nous de démontrer par notre exemple que la
 certification périodique est une démarche positive, constructive
                                                                                      Pierre Guillet
                                                                                      Je suis convaincu qu’une
 et finalement rassurante qui doit s’aborder sans appréhension.
                                                                                      grande partie de la réussite de
 Le concept d’autoévaluation qui la sous-tend est assez nouveau
                                                                                      ce projet dépendra des outils
 pour les professionnels de santé mais c’est une évolution culturelle
                                                                                      qui seront mis à la disposition
 qui va dans le bon sens !
                                                                                      des médecins, à commencer
                                                                                      par l’algorithme et les serveurs
                                                                                      du futur espace numérique
                                                                                      individuel. Pour l’instant, la
                                                                                      question de leur financement
                                                                                      n’a pas réellement été abordée.
    Pr Serge Uzan                                                                     Pourtant elle est fondamentale
    Le succès dépendra effectivement étroitement de l’outil                           pour la pérennité de ce projet !
    qui sera proposé aux médecins tout au long de leur                                Il faudra aussi s’intéresser
    parcours de certification. Mais nous devrons aussi nous                           rapidement à la communication
    assurer de ne laisser personne à l’écart en proposant un                          à mettre en place pour
    accompagnement adapté – confraternel et gratuit –                                 accompagner la montée en
    aux médecins qui seraient en difficulté. À mes yeux,                              puissance du dispositif auprès
    l’un des principaux défis est de parvenir à construire                            du public le plus large possible.
    une procédure qui soit à la fois simple et attractive,
    engageante sans être intrusive, inclusive mais pas
    infantilisante. L’enjeu est clair : si nous nous contentons
    du public « obligé », à savoir les futurs médecins qui
    seront diplômés dès 2021, cette aventure n’aura qu’un
    intérêt limité. Il est impératif pour nous d’amener un
    maximum de médecins déjà en exercice à s’approprier
    la démarche sur la base du volontariat.

                                                                                                  Pr Serge Uzan

                                                                               « L’un des principaux défis
         Quelles seront, selon                                                 est de parvenir à construire
                                                                               une procédure qui soit à la
         vous, les conditions                                                  fois simple et attractive,
         de la réussite ?                                                      engageante sans être
                                                                               intrusive, inclusive mais
                                                                               pas infantilisante. »

                                                                  Dr Patrick Bouet
                                                                  Aujourd’hui, il nous faut désormais passer à l’acte
                        Pierre Guillet                            II de la recertification. Cet enjeu est professionnel
                                                                  et doit rester dans les mains des professionnels,
« Une grande partie de la réussite                                garanti par l’Ordre. Le système doit être simple,
de ce projet dépendra des outils                                  lisible et équitable et il ne fonctionnera que
qui seront mis à la disposition                                   si la dimension « revalorisation » du parcours
des médecins. »                                                   individuel lui est liée.

                                                                                                médecins n° 59 janv.-fév. 2019
16

     9 chantiers
     et un projet de
     loi permettront la
     concrétisation du plan
     « Ma santé 2022 ».
17

 dossier
Textes : Sarah Berrier | Photos : Istock, Ministères sociaux/DICOM/G.D.Frenoy

« Ma santé 2022 »
Des paroles aux actes
Le plan « Ma santé 2022 », présenté en septembre dernier, préfigure
une année 2019 placée sous le signe de la réforme de notre système de santé.
Mais si ce plan a fait naître l’espoir d’avoir enfin une réforme en profondeur
et partagée par l’ensemble des professionnels de santé, de nombreuses
interrogations et une certaine méfiance persistent quant à sa mise en œuvre
sur le terrain. Le Cnom a ainsi souhaité rappeler un certain nombre de
principes fondamentaux que les réformateurs ne devront
pas oublier sous peine d’un nouvel échec…

« Si notre système de santé reste l’un
des plus performants au monde, il est       Point de vue de l’Ordre
confronté à de nouveaux défis. Nous         Dr Patrick Bouet, président du Cnom
devons à la fois agir pour préserver
ce que nous avons reçu en héritage
et pour moderniser un système de
                                            « Notre inquiétude est réelle »                          les professionnels de
                                                                                                     santé et le système de
santé qui doit s’adapter aux enjeux         L’ambition affichée        Comme d’autres acteurs,       santé. Nous ne voulons
de notre temps… » Telle est l’am-           d’un système de santé      nous craignons que            surtout pas accepter que
bition affichée par le président de la      qui se définirait          l’ambition affichée soit      la prise de conscience de
République Emmanuel Macron, lors            différemment, non plus     finalement réduite            l’urgence que nous
de la présentation du plan « Ma santé       du sommet vers le bas,     à un débat technico-          avons contribué à porter
                                            mais par une dynamique     administratif. Nous ne        laisse place à l’annonce
2022, un engagement collectif », le
                                            insufflée par le terrain   voulons pas croire            de simples priorités.
18 septembre 2019.                          et accompagnée par         que la réforme politique      Nous avons, comme
Ce plan très large qui veut porter          l’État, est forcément      annoncée par le               l’ensemble des acteurs
« une transformation en profon-             positive. Jusqu’à          président, portée par la      de la santé, pleinement
deur de notre système de santé », se        maintenant, aucune loi     ministre, laisse place à      pris part aux
décline en 3 engagements prioritaires,      n’avait regardé le         une succession de textes      nombreuses réunions de
5 actions prioritaires, 9 chantiers et 10   système de santé de        normatifs, administratifs,    groupe organisées par la
mesures phares qui feront rapidement        cette façon. Il y a donc   majoritairement adoptés       ministre de la Santé
l’objet d’un projet de loi. Une nouvelle    un changement de           par ordonnance. Nous          depuis plusieurs mois.
                                            paradigme dont nous        ne voulons pas croire         Nous y avons sans
usine à gaz ? « Ce qui est certain, c’est
                                            ne pouvons que nous        que cette réforme, qui        relâche porté la voix de
que si tous les acteurs partagent le        réjouir. Mais à quelques   devait être conçue en         notre profession. Nous
même diagnostic, ils ont également          semaines de la             partant des besoins des       sommes prêts à la porter
évolué dans la même direction sur           présentation du projet     Français, ne soit             encore, demain, dans le
les solutions à apporter, souligne le       de loi en Conseil des      finalement qu’un nouvel       grand débat national
Dr Patrick Bouet, président du              ministres, notre           empilement de normes,         annoncé par le
Conseil national de l’Ordre des             inquiétude est réelle.     asphyxiant davantage          gouvernement.

                                                                                                    médecins n° 59 janv.-fév. 2019
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