Investissement : gare aux fausses bonnes idées

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Investissement : gare aux fausses
bonnes idées

Commentaire

Que les marchés soient haussiers ou                                 difficilement ignorer, mais qui n’offrent aucun
baissiers, les investisseurs institutionnels/                       avantage sur le long terme. Nombreuses sont                Auteur
particuliers et leurs conseillers recherchent                       les personnes pourtant avisées qui se                      Jeff Molitor,
des idées d’investissement capables                                 laissent berner par ces fausses bonnes idées,              Directeur des
d’accroître leurs performances, de réduire                          et ce en partie sous l’effet de biais identifiés           investissements
                                                                                                                               en Europe
leurs risques, voire les deux à la fois. Que                        par les recherches en finance
cela entre dans le cadre de leurs                                   comportementale, notamment l’aversion aux
responsabilités ou d’un besoin, ils                                 pertes et la confiance excessive.1
réfléchissent à de nouvelles idées pour
améliorer le profil de leurs portefeuilles.                         Cet article a pour objectif de mettre en garde
                                                                    les investisseurs en toute franchise et de les
Bien que toutes les nouvelles idées                                 sensibiliser à cette problématique en leur
d’investissement ne soient pas dénuées                              présentant des exemples d’idées a priori
d’intérêt, ces innovations répondent trop                           bonnes qui n’ont pas fonctionné et en les
souvent à un besoin actual ou constituent                           aidant à déceler les pièges des marchés
une « solution parfaite » aux défis des                             d’aujourd’hui.
années passées. En règle générale, ces
solutions ont vocation à mieux maîtriser les                        En conclusion, nous pensons que les
risques sur un marché baissier et volatil ou                        investisseurs peuvent éviter les fausses
à capter davantage le potentiel d’un marché                         bonnes idées en :
haussier. Pour mieux évaluer ces                                    • respectant en permanence une définition
opportunités, les investisseurs doivent                                précise du succès en matière
comprendre parfaitement les hypothèses                                 d’investissement : quel est votre objectif
sur lesquelles elles reposent et éviter de                             et pour quelles raisons ? Si votre objectif
prendre une décision émotionnelle motivée                              n’est pas atteint, quelles sont les
par l’extrapolation des performances                                   conséquences/coûts ?
historiques. C’est particulièrement vrai dans
des contextes de bulle ou de correction,                            • identifiant et en évaluant les moteurs de
lorsque les émotions prennent le dessus.                              performance : Pour quelle(s) raison(s) leur
Dans ces circonstances, les investisseurs                             approche est-elle censée fonctionner ?
peinent souvent à discerner les vraies «                              Dans quelle(s) circonstance(s) leur
innovations » des « fausses bonnes idées                              approche peut-elle ne pas fonctionner ?
», à savoir les idées d’investissement                                Leur approche est-elle dépendante du
convaincantes ou séduisantes que l’on peut                            cycle ou des conditions de marché ?

1 Pour un résumé des principes de finance comportementale, cf. : Behavioural Finance: Understanding how the mind can help or
  hinder investment success, de Byrne et Utkus, Vanguard Asset Management, 2010.

Réservé exclusivement aux Investisseurs professionnels, selon la définition de la Directive MiF.
Il a pour unique objectif de former et d’informer. Il ne constitue pas une recommandation ni une
sollicitation d’achat ou de vente de placements.
Connaître ses objectifs                             Cet article offre un panorama rétrospectif de
                                                    plusieurs innovations qui se sont révélées
Comme l’écrivait Lewis Carroll : « Si vous          être des fausses bonnes idées. Ces
ne savez pas où vous allez, n’importe quel          stratégies et concepts ont tous suscité un vif
chemin vous y mènera ». En l’absence d’une          intérêt pour des raisons valables mais leurs
définition claire du succès et de garde-fou         défauts ont fini par décevoir les
capables de vous maintenir sur le bon               investisseurs. Nous espérons qu’après avoir
chemin, tout concept laissant espérer des           lu cet article, vous serez davantage en
performances élevées ou une volatilité              mesure de faire la distinction les fausses
potentiellement plus faible peut sembler            bonnes idées et les innovations financières
intéressant. En définitive, les investisseurs       dignes d’intérêt.
doivent avoir une vision claire des profils de
rendement/risque qui sont adéquats pour un          130/30
ensemble d’actifs donné. En d’autres termes,        • Concept – Autoriser une équipe de
quelle performance ont-ils besoin d’atteindre         gérants spécialisés (ou un modèle
sur une période donnée et quels risques               quantitatif) à utiliser l’intégralité de ses
sont-ils ou non disposés à prendre ?                  expertises pour évaluer et sélectionner
                                                      des titres financiers. Permettez-lui
Voici quelques questions à se poser si vous           d’investir plus de 30 % des actifs du
envisagez d’adopter une nouvelle stratégie            portefeuille dans des titres censés avoir
d’investissement :                                    un important potentiel haussier et de
• La comprenez-vous clairement ?                      vendre à découvert des actifs censés
                                                      avoir un important potentiel baissier, à
• Quels sont ses moteurs de performance ?             hauteur de 30 % du portefeuille.

• Semble-t-elle « trop belle pour être vraie » ?    • Attrait – Ce concept promettait des
                                                      performances plus élevées et des
• Pourquoi une stratégie spécifique serait-elle       portefeuilles plus efficients. Les
  capable de générer des performances                 investisseurs pensaient obtenir 30 %
  solides à l’avenir ?                                d’alpha en plus sur les paris à la hausse et
                                                      également 30 % de plus sur les positions
• Dans quelles circonstances pourrait-elle            vendeuses, sans recours à l’effet de
  échouer ?                                           levier. Pour les investisseurs
                                                      institutionnels, la perspective d’une valeur
• Quelles hypothèses implicites vous laissent         ajoutée supplémentaire de 60 % sans
  à penser que cette approche fonctionnera ?          accroître la volatilité était trop bonne pour
                                                      être ignorée. L’acceptation collective de
• Quel est le talent du gérant ?                      ce type de stratégie et l’émulation qui en
                                                      a découlé ont également créé un contexte
• Des inefficiences de marché exploitables            propice. Les stratégies 130/30 ont été
  (et susceptibles de disparaître)?                   fréquemment évoquées lors de
                                                      nombreuses conférences, elles ont
• Avez-vous remis en question vos                     bénéficié d’une large couverture
  hypothèses pour vérifier que votre analyse          médiatique dans la presse spécialisée et
  ne repose pas sur des opinions erronées ou          promues par une multitude de sociétés de
  des biais comportementaux ?                         conseil. Cette stratégie adoptait une
                                                      approche typique du secteur des hedge
• Votre société a-t-elle le talent et l’expertise     funds mais, malgré des frais plus élevés
  pour mettre en œuvre cette stratégie, soit          que les fonds long-only traditionnels, était
  directement soit en sélectionnant et en             assortie de prix plus faibles que ceux
  contrôlant des gérants externes ?                   pratiqués par les véritables hedge funds.
• Résultat – Peu de sociétés de gestion ont      • Résultat – Cette approche faisait
  réussi à générer l’alpha anticipé par les        l’hypothèse et dépendait fortement de
  calculs rétrospectifs de leurs modèles.          l’existence en continu de marchés
  Parmi les approches utilisées, beaucoup          liquides. Mais les pressions vendeuses
  reposaient sur des modèles présentant un         sur les titres détenus dans les produits
  biais en faveur du style de gestion value        d’assurance de portefeuille ont
  (titres décotés). Mais lorsque de                déclenché une violente correction le 19
  nombreux modèles quantitatifs ont été            octobre 1987. Les gérants de produits
  mis à mal lors de la seconde partie de la        d’assurance de portefeuille n’ont pas pu
  dernière décennie, les adeptes des               réduire assez rapidement l’exposition aux
  portefeuilles 130/30 ont perdu sur les           actions de leurs clients, et comme le
  deux tableaux : les positions acheteuses         marché était caractérisé par une
  supplémentaires ont sous-performé les            multitude de vendeurs face à de rares
  positions vendeuses, créant ainsi un             acheteurs, les investisseurs n’ont pas pu,
  système générateur d’alpha négatif. Les          comme ils l’avaient anticipé, se réfugier
  investisseurs ont donc payé des frais plus       vers les actifs obligataires. Les produits
  élevés que pour un fonds long-only               d’assurance de portefeuille se sont donc
  traditionnel, mais pour des performances         effondrés et ont largement contribué au
  inférieures.                                     krach d’octobre 1987. Les promesses
                                                   alléchantes se sont révélées illusoires.
Assurance de portefeuille
• Concept – Élaborée par des professeurs         Fonds de hedge funds
  émérites de l’Université de Berkeley en        • Concept – Les fondations (endowments)
  Californie, cette stratégie répliquait de        des universités telles que Yale, fortes
  manière synthétique l’approche d’une             d’équipes étoffées et de dispositifs
  option de vente sur un portefeuille. Les         sophistiqués, ont gagné l’admiration de
  investisseurs pouvaient ainsi accroître leur     nombreux investisseurs depuis qu’elles
  exposition (ou laisser leur allocation se        ont commencé à investir avec succès
  renforcer démesurément) aux actifs               dans les actifs dits « alternatifs »
  risqués (actions par exemple) au-delà de         (comme les hedge funds). Grâce à une
  leurs objectifs à long terme tant que la         sélection judicieuse des meilleurs hedge
  valeur de ces derniers continuait à              funds, les fondations de haut vol ont
  augmenter. L’exposition pouvait être             enregistré des performances plus
  allégée dès que la performance relative          robustes et moins volatiles que si elles
  des titres fléchissait et liquidée à tout        avaient utilisé des portefeuilles long-only
  moment.                                          traditionnels. Les institutions plus
                                                   modestes et les particuliers étaient
• Attrait – Cette approche a séduit de             enthousiastes à l’idée de participer à une
  nombreux responsables de fonds de                stratégie qui proposait des performances
  pension et comités de fonds                      attractives et une faible corrélation avec
  d’investissement espérant pouvoir doper          les actions. Mais sans les équipes et
  leur « rendement total » sans prendre de         l’expertise des grandes fondations, il leur
  risque supplémentaire, ce qui leur               fallait adopter une approche différente
  conférait un avantage par rapport à leurs        pour s’exposer à un panel diversifié de
  pairs. L’assurance de portefeuille semblait      gérants.
  donc offrir un scénario gagnant-gagnant.
• Attrait – Avec les fonds de hedge funds,             Apparu au début des années 70, le
  les institutions plus modestes                       concept des « Nifty Fifty » faisait
  bénéficieraient d’une équipe                         référence à un groupe d’entreprises
  professionnelle capable d’évaluer, de                jugées si robustes qu’une seule décision
  sélectionner et de surveiller les hedge              était possible à leur égard : acheter leurs
  funds sous-jacents, expertises dont elles            actions et les conserver ad vitam
  ne disposaient pas en interne.                       æternam. Vingt-cinq ans plus tard, les
                                                       valeurs technologiques ont fait fureur, les
• Résultat – Les investisseurs ont                     entreprises de ce secteur étant jugées à
  naïvement considéré que les hedge funds              l’avant-garde d’une nouvelle ère dans les
  constituaient une classe d’actifs à part             domaines des communications, de la
  entière. En réalité, ils regroupent un vaste         distribution, etc. Entre 2001 et 2007, les
  ensemble de stratégies de gestion active             titres adossés à des crédits
  dénuées de mécanisme de génération de                hypothécaires (MBS) semblaient offrir
  performance similaire à ce qui existe pour           des rendements mirifiques, durables et
  les actions, les obligations et les liquidités.      faiblement risqués.
  En outre, nombre de sociétés proposant
  des fonds de hedge funds étaient plus             • Attrait – Pour les investisseurs
  douées pour vendre le concept que pour              institutionnels et les particuliers, difficile
  évaluer et sélectionner les gérants. Le fait        de ne pas être perturbé par des
  d’ajouter leurs propres frais (par ex. 1 %          questions du genre « Qu’est-ce que j’ai
  des actifs et 10 % des gains) aux                   manqué » ? Que savent-ils que je ne
  commissions déjà élevées des gérants                sache pas ? Et si j’ai tort de ne pas
  (par ex. sur le modèle « 2 et 20 ») ne              m’engager.... ? » En réalité, un
  laissait que des miettes aux clients.               investisseur avisé sait faire preuve
  Souvent, le pool de gérants était loin              d’humilité et n’hésite pas à remettre en
  d’être aussi diversifié que promis, et se           question ses propres hypothèses. En
  révélait toujours corrélé aux actions.              outre, à mesure que ces concepts
  Finalement, seuls quelques rares fonds de           continuent à surperformer, les
  hedge funds ont donné le change, alors              investisseurs ont de plus en plus de mal
  que certains n’étaient rien d’autre que des         à résister la tentation.
  chaînes de Ponzi.
                                                    • Résultat – De la bulle de la tulipe aux
Le momentum                                           Pays-Bas au 16ème siècle jusqu’à
• Concept – Au moins une fois par                     aujourd’hui, les tendances
   génération, un concept capte toute                 d’investissement liées au momentum
   l’attention des investisseurs. Ces                 finissent généralement mal.
   concepts ont en commun leur historique             L’effondrement des Nifty Fifty en 1973-
   de performance récent : ils surperforment          74, le krach des valeurs Internet en 2001
   toutes les autres idées d’investissement.          et le début de la crise financière
   Les investisseurs s’exposant très tôt à            mondiale en 2007 sont autant de preuves
   ces concepts obtiennent généralement               du prix à payer pour avoir voulu surfer
   des performances très élevées, alors que           sur le momentum des marchés.
   ceux qui ont tardé à se positionner                Là-encore, chercher à savoir précisément
   cherchent à voir si leurs effets bénéfiques        pourquoi une idée peut fonctionner est
   vont se prolonger. Aucun investisseur              bien plus important que de s’attarder sur
   n’apprécie de rester sur la touche. Dans la        ses performances passées.
   quasi-totalité des cas, il existe des
   arguments suffisants pour rationaliser ou
   justifier la pertinence d’une idée
   d’investissement, voire sa pérennité.
L’alpha portable                               Sélection des titres selon le ratio Sharpe
• Concept – Les produits dérivés               • Concept – L’un des piliers de la théorie
   permettent de « collecter » l’alpha, à        moderne de portefeuille est le concept
   savoir le talent du gérant en matière de      de maximisation de la performance par
   sélection des titres ou des classes           unité de risque. Bill Sharpe a d’ailleurs
   d’actifs, que le bêta du marché soit          remporté le Prix Nobel d’économie pour
   positif ou négatif. Autrement dit, cette      son travail sur ce sujet. Cette approche
   démarche permet de distinguer le talent       présente également un intérêt
   de sélection du gérant et l’évolution du      indiscutablement intuitif dans la mesure
   marché sous-jacent en se couvrant             où elle fait l’hypothèse de la
   du bêta.                                      rémunération la plus élevée possible
                                                 pour le risque réellement pris.
• Attrait – Cette stratégie promettait des
  performances positives dans toutes les       • Attrait – Le ratio Sharpe se calcule
  conditions de marché. En couvrant              aisément en utilisant les performances
  l’exposition au marché, un gérant              historiques. Il est simple et facilement
  talentueux pouvait accumuler de l’alpha        compréhensible car il permet d’établir
  quand les marchés progressaient, se            des classements clairs. Rien d’étonnant
  repliaient ou étaient volatils. Par            donc à ce que cette notion ait aussi
  exemple, si un marché subissait une            séduit les membres des comités
  baisse de 8,5 % sur une année donnée           d’investissement.
  mais que le gérant perdait seulement 7
  % (après imputation des coûts) après         • Résultat – Le ratio Sharpe n’a jamais eu
  avoir vendu des contrats à terme sur le        vocation à devenir un outil de sélection
  marché sous-jacent en début d’année, le        des titres financiers. En donnant un rôle
  portefeuille enregistrerait une                central aux données historiques, on
  performance de 1,5 %.                          suppose qu’il est possible de prévoir les
                                                 performances, la volatilité et les
• Résultat – Les résultats se sont révélés       corrélations à partir de l’observation du
  au mieux mitigés. Lorsque les gérants se       passé. Les ratios Sharpe « historiques »
  sont trompés, leurs erreurs ont été            sont très efficaces pour déterminer les
  amplifiées par l’effet de levier. En fait,     actifs qui se sont bien comportés sur
  presque aucun gérant n’a réussi à créer        une période passée spécifique
  de la valeur, et l’existence d’« une poche     Malheureusement, comme les marchés
  d’alpha disponible » attendant d’être          et les environnements évoluent, ce qui a
  exploitée via une exposition aux actions       fonctionné jadis sur une période donnée
  ou aux obligations s’est révélée n’être        peut, ultérieurement, ne pas reproduire
  qu’une vaste illusion.                         les mêmes résultats. Ceux qui ont utilisé
                                                 ce ratio pour sélectionner des titres, des
                                                 gérants ou des stratégies ont été
                                                 nombreux à payer le prix d’avoir pensé
                                                 que l’avenir serait pareil au passé.
Portefeuilles à performance absolue               Éviter les fausses bonnes idées
• Concept – Les investisseurs devraient
  plus chercher à générer une performance         Il est bien plus facile d’identifier les fausses
  absolue régulière qu’une performance            bonnes idées d’investissement après s’être
  relative robuste. Compte tenu des               laissé berner par l’une d’entre elles . Les
  vicissitudes régulières des classes             décisions d’investissement sont trop
  d’actifs, les investisseurs ont davantage       souvent influencées par le concept même
  intérêt à s’exposer à des portefeuilles         d’une idée et l’attrait qu’elle présente,
  capables d’offrir des performances              déterminés la plupart du temps par son
  raisonnables quel que soit le contexte          succès récent. Les investisseurs ne doivent
  d’investissement.                               pas se contenter de ces attributs tape-à-
                                                  l’œil, mais plutôt chercher à comprendre ce
• Attrait – Dans le sillage de la crise           qui a fait le succès récent de la stratégie et
  financière de 2008-2009, les portefeuilles      les raisons pour lesquelles elle pourrait ou
  et les stratégies de portefeuille qui, durant   non fonctionner à l’avenir.
  la crise, ont enregistré non sans mal des
  performances moins erratiques que les           Quelle que soit l’opportunité
  portefeuilles traditionnels ont été très        d’investissement, il est primordial d’avoir
  prisés. La capacité de résistance face aux      dès le début une idée claire et objective de
  chocs de marché a été l’un des critères         votre situation (par ex. actif/passif ou
  favoris des investisseurs.                      dépenses prévues, capacité à tolérer la
                                                  volatilité, aptitude à identifier les talents,
• Résultat – Certaines stratégies ont certes      capacité à évaluer les idées) et la définition
  tenu leur rang. Mais très peu de                que vous vous faites du « succès ». Après
  portefeuilles ont offert la sécurité promise    tout, les gisements d’actifs financiers
  et démontré leur capacité de résistance         n’existent que pour répondre à un besoin
  dans toutes les circonstances. Les              futur.
  gérants ne bénéficient tout simplement
  d’aucun outil (ou d’aucune connaissance         A chaque portefeuille devrait correspondre
  suffisante de l’avenir) pour prévoir les        une idée précise du succès, par exemple le
  événements futurs et construire le « bon        financement d’un régime de retraite sur une
  portefeuille ». Plus concrètement, la           période donnée ou procurer des flux
  plupart des fournisseurs de portefeuilles à     opérationnels pérennes dans le cas d’une
  performance absolue ont fait des                fondation. Pour évaluer de nouvelles
  promesses qu’ils n’ont pas pu tenir.            propositions d’investissement, commencez
                                                  par vous interroger sur la manière dont une
                                                  idée peut contribuer/entraver votre succès.
L’un des exemples les plus connus du               Quels sont fausses bonnes idées
risque induit par l’absence d’une définition       d’aujourd’hui ?
claire du succès est la réticence historique
de nombreux fonds de pension à                     En gardant à l’esprit ces observations
prestations prédéfinies à adopter une              rétrospectives, essayons de déterminer
stratégie de gestion actif-passif (ALM). Aux       quelles sont les concepts d’investissement
États-Unis, beaucoup de ces fonds ont              séduisants d’aujourd’hui qui seront
souffert du dilemme de Lewis Carroll : ils         considérés comme de fausses bonnes
n’ont pas été en mesure de définir le              idées d’ici quelques années.
succès en termes de résultat
d’investissement précis par rapport à leur         Quelques candidats potentiels : la
passif. Ils ont préféré :                          multiplication des types d’indices, les
• maximiser la performance absolue pour            obligations catastrophes et l’approche
   conserver un niveau supérieur au taux de        smart beta.
   rendement supposé du régime ; ou,
                                                   Les obligations catastrophe
• rester proches d’un « groupe de pairs »          Les obligations catastrophe (connues sous
  de fonds de pension.                             le nom anglais de cat bonds) constituent un
                                                   exemple très intéressant. Outre les
En réalité, la seule raison d’être d’un fonds      performances potentielles qu’elles
de pension à prestations définies est de           proposent, l’intérêt qu’elles présentent est
financer des engagements. Il n’y a aucun           clair et témoigne de la propension actuelle
avantage à ne pas minimiser le risque              des investisseurs à délaisser les classes
extrême (celui d’une explosion des                 d’actifs traditionnelles pour diversifier leurs
engagements concomitante à une baisse              expositions.
des taux), alors qu’il est relativement simple
de faire coïncider la durée de vie des actifs      Définition
avec celle des passifs. Toutefois, il était        Une obligation catastrophe est un titre de
bien plus facile de trouver des sponsors           dette à haut rendement émis par une
intéressés par l’assurance de portefeuille         compagnie d’assurance ou de réassurance.
dans les années 1980 ou les stratégies             Elle verse un rendement à l’acheteur à
130/30 entre 2001 et 2008 que de trouver           moins que ou jusqu’à ce que l’émetteur
des régimes disposés à instaurer un cadre          subisse une perte liée à une catastrophe
de gestion actif-passif. Les décideurs se          prédéfinie, comme par exemple un ouragan
fixaient trop souvent des objectifs                Le principal et les intérêts sont souvent
inadéquats, ce qui leur permettait de              reportés voire complètement « annulées »
justifier l’utilisation des nouvelles stratégies   par l’acheteur/investisseur lorsqu’une
de « rendement total ».                            catastrophe se produit.

                                                   Quel est leur attrait ?
                                                   Puisque la quantité et la gravité des
                                                   événements météorologiques déterminent
                                                   la performance d’investissement des
                                                   obligations catastrophes, ils doivent être
                                                   complètement indépendants des facteurs
                                                   économiques et, partant, de la performance
                                                   des marchés actions et obligataires
                                                   traditionnels. En outre, le surcroît de
                                                   rendement offert par les obligations
                                                   catastrophe par rapport aux obligations
                                                   traditionnelles tranche clairement avec le
                                                   rendement réel négatif des dettes
                                                   souveraines de grande qualité.
Les questions à (se) poser                        L’approche Smart beta
L’intérêt suscité par les obligations
catastrophe auprès des investisseurs              Tout le monde ou presque parle aujourd’hui
institutionnels est assez légitime. Mais en y     des approches « smart beta », mais de quoi
regardant de plus près, on constate que ces       s’agit-il vraiment ? Comme un « smart phone
instruments soulèvent des questions               », est-ce une idée révolutionnaire capable de
auxquelles les investisseurs doivent savoir       transformer radicalement un secteur d’activité
répondre avant de les intégrer dans leur          et nos styles de vie ? Peut-être pas.
portefeuille.
                                                  Qualifier ces stratégies de smart («
Premièrement, sur quoi se basent les              intelligentes » en anglais) implique qu’elles
investisseurs pour évaluer la prime intégrée      offrent des solutions d’investissement de
dans le rendement par rapport à la probabilité    qualité supérieure. En réalité, les marchés
d’une catastrophe, météorologique ou autre        sont trop efficients pour offrir des « solutions
? Le comité d’investissement possède-t-il         d’investissement miracles » reposant sur des
l’expertise pour s’assurer que la prime de        règles précises. Et il y a beaucoup trop de
rendement reflète fidèlement le risque sous-      gens intelligents qui cherchent à identifier et
jacent ? Pour les météorologues, il est           à exploiter les inefficiences de marché.
difficile d’évaluer correctement la probabilité
et l’amplitude des graves événements              L’idée de répliquer un indice non capi-pondéré
climatiques, et complètement impossible           repose sur l’« imperfection » supposée des
pour les simples amateurs. Face à genre           indices capi-pondérés, car l’on fait alors
d’opportunité, les investisseurs doivent se       l’hypothèse que les marchés sont inefficients.
poser des questions spécifiques :                 Pour appuyer leurs arguments, les adeptes de
• Qui est l’émetteur ? Existe-t-il un déficit     cette approche mettent en avant la
   d’information entre l’investisseur et          surpondération des titres chers par le marché.
   l’émetteur ?                                   Pour cela, ils utilisent des données
                                                  historiques censées prouver que si un indice
• Quel est le motif de l’émission ? Les           avait pondéré ou sélectionné des titres selon
  obligations catastrophe étant censées           d’autres critères (que la capitalisation
  protéger l’émetteur en cas de risque,           boursière), cet indice aurait surperformé
  l’investisseur accepte les « risques            l’indice traditionnel.
  extrêmes » et vend une assurance à
  l’émetteur. Avez-vous vraiment les              Le problème avec ce type de solutions c’est
  connaissances nécessaires pour vendre           qu’elles séduisent par leur capacité supposée
  une assurance à une compagnie                   à relever les défis d’hier. Le marché actions
  d’assurance ?                                   est un « jeu à somme nulle » : à chaque
                                                  gagnant correspond un perdant. Si une
                                                  stratégie reposant sur des règles simples se
                                                  démarque pendant une période, l’efficience
                                                  des marchés et le principe de retour à la
                                                  moyenne finissent toujours par s’imposer et
                                                  par rogner les « gains ».
Les stratégies sur indices efficients (smart     Une gestion active qui ne dit pas son nom ?
beta) appartiennent en général à l’une des       Pour utiliser de manière efficace les
quatre catégories suivantes :                    stratégies smart beta, il est nécessaire
• Stratégies actives fondées sur des règles      d’avoir une idée précise d’une part de
  prédéfinies                                    l’évolution future du couple rendement/risque
• Stratégies fondées sur les bêtas               du segment de marché représenté par
  factoriels                                     l’approche smart beta et, d’autre part, des
• Stratégies de bêta                             segments du marché qui sont exclus
• Le data mining (et ses miracles)               puisque, par définition, aucun segment n’est
                                                 éternellement privilégié ou délaissé. A de
Stratégies actives fondées sur des règles        nombreux égards, l’approche smart beta
prédéfinies                                      évoque la tendance à la « rotation sectorielle
Cette approche de gestion consiste à             » de ces dernières décennies : populaire
appliquer des règles précises pour               mais rarement performante. De plus, elle
sélectionner un échantillon du bêta ou           n’est pas sans rappeler le market timing, une
recalculer la pondération du marché dans         approche qui déçoit pourtant très souvent
son ensemble. Ces règles prévoient deux          ses adeptes.
types de sélection :
• Sélection négative – exclusion des             Aussi tentantes qu’elles puissent paraître,
   valeurs possédant des caractéristiques        ces stratégies ne doivent en aucun cas être
   non souhaitées (ratio cours/ bénéfice         considérées comme des « générateurs
   élevé ou grande capitalisation boursière)     perpétuels d’alpha ». Certaines peuvent se
                                                 révéler performantes pendant un temps,
• Sélection positive – sélection de valeurs      mais les stratégies fondées sur des règles ou
  possédant des caractéristiques                 des biais factoriels prédéfinis et capables de
  recherchées (« durabilité » ou gestion         battre le marché sur de longues périodes
  indicielle basée sur les fondamentaux)         (avant et après imputation des frais)
                                                 n’existent tout simplement pas. Dans le cas
De telles règles ont tendance à créer des        contraire, cette caractéristique aurait disparu
portefeuilles adaptés aux conditions de          par le jeu des arbitrages.
marché des années précédentes. Cela
revient à se préparer pour la dernière           Utiliser des solutions et des produits sur
guerre, ce qui est rarement une solution         indices efficients – au détriment des indices
d’avenir.                                        conventionnels – revient à mettre en pratique
                                                 ses prévisions d’évolution du couple
Le data mining (et ses miracles)                 rendement/risque d’un segment spécifique
Certains portefeuilles sont construits suivant   du marché, en étant convaincu d’être
des critères précis qui, pris isolément,         rémunéré pour cette prise de risque.
peuvent paraître étranges, voire
déconcertants s’ils sont combinés. Par           La plupart des investisseurs qui y ont recours
exemple, certaines stratégies obligataires       doivent s’estimer plus smart que le reste du
smart beta utilisent des variables telles que    marché, ou bien sont prêts à accepter un
la surface totale d’un pays pour déterminer      couple rendement/risque atypique en raison
sa pondération dans le portefeuille, tout en     d’un besoin ou d’un biais particulier.
prévoyant, sans raison précise, une
exposition importante aux devises de pays
émergents.
Le pari de ces personnes s’estimant
au-dessus de la moyenne est le suivant :
l’échantillon sélectionné enregistrera de
meilleures performances – absolues ou
corrigées du risque – sur la période
considérée, à partir de la mise en place de la
stratégie smart beta. Pour d’autres,
l’approche reviendra à accepter une
performance plus faible que celle du marché
en raison d’une préférence quelconque
(faible volatilité, approche ISR, etc.).

Pour résumer, il ne faut pas
systématiquement considérer les stratégies
smart beta comme des solutions permettant
de mieux gérer les problématiques
d’exposition au marché. Il faut donc les
utiliser avec beaucoup de prudence car,
comme toutes les autres stratégies, elles
auront leurs périodes de sous- et de
surperformance. L’histoire du market timing
nous enseigne une chose essentielle :
essayer de profiter des décalages de
valorisation des stratégies smart beta n’est
pas une solution viable. Un conseil aux
investisseurs : attention à ce que vous
achetez. Vous devez comprendre ce
qu’implique la stratégie smart beta que vous
avez choisie, vous devez connaître, par
conséquent, les segments de marché que
vous évitez et, surtout, vous devez faire
preuve d’intégrité lorsque vous évaluez votre
capacité (ou celle de votre société) à juger du
moment le plus propice pour acheter ou
vendre.
Conclusion

Investir avec succès n’est pas un exercice
aisé. Cela nécessite du discernement, de la
discipline, des objectifs clairement définis et
une connaissance des marchés financiers.
Considérer l’activité d’investissement
comme une course ou une compétition et
non comme une démarche de financement
d’un objectif futur peut vous faire
succomber aux fausses bonnes idées
d’investissement. Savoir ce que vous
achetez et la nature de la contribution de
cet investissement peut déjà vous aider à
atteindre votre objectif.

Les investisseurs ont à disposition de
nombreuses innovations , comme les
contrats à terme et les CDS, pour gérer
efficacement le risque et les performances,
mais leur tâche première consiste à
décrypter les nouvelles idées pour identifier
et comprendre les principes et les
hypothèses qui les sous-tendent. Ce n’est
qu’après avoir étudié ces facteurs qu’ils
pourront déterminer si l’opportunité qui se
présentent à eux est crédible ou s’il s’agit
du de la dernière « fausse bonne idée »
en date.
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