L'Espace-test agricole comme outil des collectivités territoriales - OpenEdition Journals

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L'Espace-test agricole comme outil des collectivités territoriales - OpenEdition Journals
Géocarrefour
                           94/4 | 2020
                           Varia

L’Espace-test agricole comme outil des collectivités
territoriales
The farm incubator as a tool for local authorities

Pierre-Mathieu Le Bel et Marine Pizette

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/geocarrefour/15374
DOI : 10.4000/geocarrefour.15374
ISSN : 1960-601X

Éditeur
Association des amis de la Revue de géographie de Lyon

Référence électronique
Pierre-Mathieu Le Bel et Marine Pizette, « L’Espace-test agricole comme outil des collectivités
territoriales », Géocarrefour [En ligne], 94/4 | 2020, mis en ligne le 14 mai 2020, consulté le 16 mai
2020. URL : http://journals.openedition.org/geocarrefour/15374 ; DOI : https://doi.org/10.4000/
geocarrefour.15374

Ce document a été généré automatiquement le 16 mai 2020.

© Géocarrefour
L’Espace-test agricole comme outil des collectivités territoriales   1

    L’Espace-test agricole comme outil
    des collectivités territoriales
    The farm incubator as a tool for local authorities

    Pierre-Mathieu Le Bel et Marine Pizette

    Les auteurs remercient les personnes qui se sont prêtées aux entretiens, les membres du RENETA,
    ainsi que les chercheurs du PSDR4 USUS dans lequel ce travail s’inscrit.

    Introduction
1   Le dernier recensement agricole français fait état de la perte de près de 200 000 actifs
    agricoles entre 2000 et 2010 et de 26 % de ses exploitations. En 2015, en France, 885 000
    personnes (chef d’exploitation, coexploitant, conjoint, actif non-salarié) travaillaient de
    manière régulière dans les exploitations du secteur. C’est moins de 4 % de la population
    active du pays (contre plus de 35 % au milieu du XXe siècle). Les agriculteurs partant en
    retraite ont du mal à transmettre leur exploitation. Leurs enfants reprennent plus
    rarement l’exploitation familiale et, lorsque les exploitations trouvent repreneurs, c’est
    généralement au profit de l’agrandissement d’une exploitation existante plutôt que
    d’un nouvel agriculteur. Cet agrandissement rend ensuite plus difficile encore
    l’installation de nouveaux porteurs de petits projets agricoles.
2   Pour autant, « il n’y a pas de crise des vocations agricoles » (Martin, 2016) : on trouve de
    nouveaux porteurs de projets, bien qu’on observe une évolution des profils
    sociologiques chez ces derniers. Il s’agit surtout d’agriculteurs hors cadre familial (HCF)
    et non issus du territoire où ils désirent s’implanter (ASP, 2009). Ils s’installent avec une
    conception différente de l’agriculture et du travail agricole, préférant les petites
    exploitations et une pratique plus raisonnée de l’agriculture (Martin, 2016 ; Le Blanc,
    2011). Les premières difficultés qu’ils rencontrent concernent l’accès au foncier, le coût
    élevé de l’investissement de départ, le manque de réseau et de connaissance du
    territoire ainsi que le manque de formation. Cela a pour conséquence de fragiliser la
    pérennisation des installations ou de la ralentir fortement (InPact, 2016).

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L’Espace-test agricole comme outil des collectivités territoriales        2

3   Face à ces constats, des dispositifs d’appuis existent parmi lesquels on trouve les
    espaces-test agricoles. Un espace test-agricole (ETA) est un dispositif réversible d’accès
    au foncier pour des individus qui souhaitent tester leur projet agricole. Peu de
    contributions scientifiques ont à ce jour abordé directement et exclusivement les ETA.
    Cavalier (2013) l’a fait en détaillant leur fonctionnement et s’arrêtant la contribution
    des structures associatives qui l’anime ainsi qu’à l’accompagnement et l’installation des
    porteurs de projet. Le présent article renverse la perspective en s’arrêtant plutôt aux
    collectivités territoriales où ils s’implantent. Nous chercherons à comprendre ce que les
    espaces-test représentent pour les collectivités territoriales. Pourquoi les collectivités
    territoriales s’engagent-elles dans des projets d’espace-test, et de quelle manière ? En
    quoi peuvent-ils constituer pour elles des objets spatiaux intégrateurs dans le
    déploiement de politiques publiques locales ?
4   Dans ce texte, le terme de collectivité territoriale embrasse aussi bien les collectivités
    territoriales au sens strict (communes, départements…) que les EPCI. Les données
    mobilisées proviennent de visites de terrains, d’observations non participantes à des
    comités de pilotage d’ETA, et surtout de 25 entretiens semi-dirigés individuels conduits
    entre janvier 2017 et août 2019 au sein de 7 collectivités et 6 ETA avec des agents des
    collectivités territoriales, élus et chargés de mission, animateurs et accompagnateurs,
    tous impliqués dans un projet d’ETA, en fonctionnement ou en construction (fig. 1).
    Nous ne mentionnons que la structure d’appartenance et la fonction des personnes
    interrogées afin de préserver autant que possible leur anonymat. Les collectivités
    territoriales agissant dans des espaces-test sont la Communauté de communes Val de
    Drôme et Valence, Romans Agglomération, Agglomération de Limoges, Monts du
    Lyonnais, Mond’Arverne Communauté, Billom Communauté et Mond’Arvene
    communauté, réunis en Syndicat mixte d’étude et d’aménagement du territoire
    (tableau 1).

    Tableau 1 : Synthèse des ETA à l’étude et de leurs liens aux collectivités

                                                     Rôle       de     la
                      Collectivité/                                         Objectif de la Projet               alimentaire
     ETA                              Productions Collectivité dans
                      lieu-test                                             collectivité          territorial
                                                     l’ETA

                                                                            • Manque en
                                                     Foncier,
                                                                            maraîchage bio
                                                     bâtiment, forage,
                      Limoges                                          • Demande en Oui
     Pouss & bio                      Maraichage     financement,
                      Métropole
                                                     accompagnement produits locaux
                                                     sur les débouchés / restauration
                                                                       collective

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L’Espace-test agricole comme outil des collectivités territoriales   3

                                                                           • Volonté de
                                                                           transmission
                                                                           d’une ferme
                  Communauté de
                                Vache                                      • Combattre la
     Ferme     de communes
                                laitière et Financement                    baisse des actifs Non
     l’Arbiche    Mont       du
                                maraichage                                 agricoles
                  Lyonnais
                                                                           •Développement
                                                                           de     circuits-
                                                                           courts

                  Syndicat Mixte
                  d’Etude     et
                  d’Aménagement
                  Touristique                                       • Revalorisation
                                                   Local technique,
                  (SEAT),                                           de terrains
     Ecopôle du                                    forage/
                  regroupant     Maraichage                         • Demande de Oui
     Val d’Allier                                  irrigation,
                  Communautés                                       porteur       de
                                                   financement,
                  de communes                                       projet
                  de
                      Mond’Arverne
                      et Billom.

                                                                           • Préservation
                                                                           des paysages
     Verger-test      Mond’Arverne                 Bâtiment,
                                      Pommes/jus                           Et du savoir- Non
     des Cheires      Communauté                   financement
                                                                           faire      local
                                                                           traditionnel

                   ETA en archipel  Maraichage/
                                                  Foncier, forage,
     La Fabrique donc multisite à   petits fruits
                                                  Matériel de la
     Paysanne (à Valence                                            • Combattre la
                                                  ferme,
     l’origine Les Romans Agglo     Plantes                         baisse des actifs Oui
                                                  financement,
     compagnons et Communauté       aromatiques                     agricoles
                                                  accompagnement
     de la terre)     de commune du et
                                                  sur les débouchés
                      Val de Drôme  médicinales

                                                    Foncier,
                      Un           ETA                               • Manque en
                                                    bâtiments,
                      permanent et                                   maraîchage bio
                                        Maraichage, financement,
                      des lieux test en
     Etamine                            brebis      accompagnement • Demande en
                      archipel        à
                                        laitière    sur          les produits locaux
                      Roannais
                                                    techniques et le / restauration
                      agglomération                                  collective
                                                    débouché

5   Dans chacun des exemples abordés, nous verrons que le rôle de la collectivité est
    central dans la réalisation des projets. La seconde partie fera ressortir les motivations
    poussant les collectivités à s’engager dans leur mise en place. La consolidation de
    politiques territoriales et le renforcement de l’attractivité des territoires ressortent
    comme des motivations majeures des élus et chargés de mission locaux. Cela fait
    ressortir le rôle de l’ETA comme objet spatial intégrateur idoine pour la mise en place

    Géocarrefour, 94/4 | 2020
L’Espace-test agricole comme outil des collectivités territoriales   4

    de politiques publiques locales. La prochaine partie détaille cette notion d’objet spatial
    intégrateur avant de poursuivre plus avant dans la définition de l’ETA et le rôle des
    collectivités au sein ces dispositifs.

    L’ETA, un objet spatial intégrateur pour saisir les
    politiques publiques locales ?
6   Plusieurs contributions ont souligné la place de l’aliment comme interface entre les
    politiques publiques et les initiatives citoyennes (Morgan, 2009 ; Lardon et al., 2016)
    ainsi que comme champ d’action transversal où se rejoignent de multiples compétences
    publiques en santé, éducation, environnement, etc. (Wiskerke 2010 ; Lamine et al.,
    2012). De nombreuses collectivités se saisissent justement de l’agriculture en ce qu’elle
    participe d’un ensemble de relations autour de l’alimentation (comme les Projets
    alimentaires territoriaux que nous évoquerons plus loin). Lardon et al (2016 ; 2017)
    considèrent l’aliment comme objet spatial intégrateur positionné à l’intersection du
    produit agricole, de la marchandise et de l’objet de projets collectifs. Cela lui attribue la
    capacité à fédérer les actions autour du développement territorial. Ces objets sont dits
    intégrateurs en ce qu’ils possèdent une capacité à rassembler des acteurs multiples et
    variés derrière des enjeux qui se recoupent. À travers ces objets « les acteurs
    s’approprient bien une vision prospective du territoire » (Lardon et al., 2016, p. 275).
         « [C]e sont des objets spatiaux, tant matériels comme les réseaux de drainage en
         plaine, les terrasses dans la colline ou les zones de production agricole, qu’idéels
         comme le fleuve, support de mobilité, ou le réseau de fermes, lieu de rencontre
         entre mondes agricole et urbain, qui ont du sens pour les acteurs. L’intérêt est que,
         quel que soit le thème abordé en entrée, ces objets spatiaux lient, relient et
         interagissent, contribuant ainsi à un ancrage concret dans le territoire, tant dans
         les pratiques des agriculteurs que dans les stratégies des politiques, mais
         contribuant aussi à une visée pour le futur, parce que référés aux objets du
         quotidien et aux enjeux de demain » (Lardon et al., 2016, p. 282).
7   Lardon et al. (2017) soulignent cependant les limites de l’aliment comme objet
    intégrateur en ce qu’il peine à constituer un objet intermédiaire entre monde agricole
    et monde urbain. On peut également se questionner sur l’opérationnalisation en termes
    de politiques publiques nécessaires au rassemblement des acteurs derrière de tels
    objets intégrateurs. À travers l’usage qu’en font les collectivités territoriales, nous
    verrons que les ETA constituent des objets spatiaux intégrateurs qui permettent
    justement d’incarner sur le terrain les politiques publiques locales et de rassembler les
    acteurs.
8   Des travaux font ressortir de manière globale une volonté de prise en compte des
    enjeux agricoles au sein des politiques publiques par les collectivités territoriales,
    « échelon privilégié et incontournable de mise en œuvre des politiques d’action
    sociale » (Avenel, 2017). L’action agricole est peu à peu prise en charge par les
    intercommunalités qui peuvent ainsi agir sur le développement local et le foncier
    agricole (Martin, 2016 ; Thareau et Fabry, 2013 ; Jarrige et Perrin, 2017). Thareau et
    Fabry font ainsi ressortir l’influence de la participation de la collectivité locale à la
    définition des formes d’agriculture légitimes sur le territoire par la défense de systèmes
    dominants localement ou par le soutien au développement de systèmes minoritaires.
    Des stratégies foncières sont mises en œuvre dans cette optique, dont l’acquisition.

    Géocarrefour, 94/4 | 2020
L’Espace-test agricole comme outil des collectivités territoriales   5

     L’acquisition publique de foncier agricole peut permettre d’empêcher l’urbanisation et
     d’orienter vers des pratiques agricoles durables.
9    Les stratégies foncières ont une importance croissante au sein des collectivités pour
     définir une politique agricole et alimentaire (Barthès et Bertrand, 2016 ; Perrin, 2014 ;
     Margetic, Rouget et al., et Jarrige et Perrin, 2017). Cependant, comme action isolée, elles
     ne sont pas suffisantes pour impulser une dynamique agricole locale. En effet, les
     collectivités font face à des limites financières et temporelles qui nécessitent la mise en
     place de partenariats, par exemple des conventions de stockage avec la SAFER (Martin,
     2016). Perrin questionne également la légitimité de l’échelon communal sur ces
     questions et préconise de travailler à un niveau intercommunal. Certains évoquent
     succinctement les ETA parmi les stratégies de développement territorial. C’est le cas de
     Margetic et al. (2016) qui analysent les différentes motivations à la mobilisation du
     foncier des métropoles. Ils évoquent la création d’un ETA en région lilloise dans le
     cadre d’une démarche multi partenariale, qui est vu comme une « co-construction d’un
     bien public à enjeu collectif ». Dans leur conclusion, ils soulignent sans le nommer
     explicitement le caractère désormais incontournable et intégrateur d’une politique
     foncière qui devient le pilier d’un projet alimentaire local impactant d’autres volets tels
     que la nutrition, la santé ou le bien-être et prenant en compte de nouveaux acteurs.
10   L’ETA est un dispositif concret à travers lequel les acteurs sont intégrés via, d’une part,
     l’action de la ou des associations portant le dispositif et, d’autre part, les politiques
     publiques locales. L’avantage de s’arrêter au rôle intégrateur de l’ETA comme
     déclinaison de l’action foncière des collectivités est que, contrairement à l’aliment
     conçu soit comme produit, soit comme marchandise, soit comme objet d’action
     collective, il est conçu par les collectivités comme un outil d’action sur un territoire.
     Mobilisés à la fois par des acteurs associatifs, des porteurs de projet individuels et des
     acteurs publics, comment les ETA s’articulent-ils à l’action des collectivités ?
11   Lardon et al. (2016, p. 282) écrivaient qu’« [i]l serait nécessaire d’analyser ce processus
     d’apprentissage collectif par des objets spatiaux ayant du sens pour les dynamiques territoriales,
     en distinguant les types d’acteurs concernés et les modalités de passage de l’individuel au
     collectif ». Nous cherchons à répondre en partie à cet appel puisque nous nous penchons
     ici sur ce qui caractérise les motivations et manières de faire des collectivités
     territoriales dans leur instrumentalisation des ETA.

     Géocarrefour, 94/4 | 2020
L’Espace-test agricole comme outil des collectivités territoriales   6

     Figure 1 : Localisation des ETA étudiés

     Comment fonctionne un espace-test agricole ?
12   L’ETA permet à une personne, qui peut être non issue du milieu agricole ou en
     reconversion professionnelle, de tester un projet en conditions réelles et réversibles
     sur une période oscillante entre 1 et 3 ans tout en réduisant les risques associés à
     l’acquisition de foncier. Un espace-test est un dispositif où convergent quatre fonctions
     autour d’un testeur ou porteur de projet. La première est la fonction couveuse qui met
     à disposition un cadre juridique où le testeur s’inscrit (par un contrat d’appui au projet
     d’entreprise, CAPE par exemple) et où il reçoit de l’aide-comptable. La seconde est la
     fonction pépinière qui donne l’accès à des moyens de production. Cela peut prendre la
     forme d’accès à du foncier, des bâtiments ou du matériel. La troisième fonction est celle
     d’accompagnement technique, mais surtout humain de l’acquisition graduelle des
     compétences requises par le projet agricole du testeur. Ces différentes composantes du
     test peuvent être portées par une seule organisation, mais sont le plus souvent le fait de
     plusieurs structures. La quatrième fonction, celle de l’animation, concerne la mise en
     cohérence des trois fonctions précédentes autour du testeur et de son projet. Elle peut
     être portée par un autre acteur ou par un acteur assumant l’une des trois premières
     fonctions. Les testeurs n’ont ainsi que très peu d’investissement à apporter pour se
     tester. Cet apport varie en fonction de chaque ETA, de rien du tout à un forfait annuel,
     voire un capital de départ. On soulignera donc la différence d’avec les pépinières
     d’entreprises qui ne rassemblent pas ces fonctions et pour qui l’évaluation du succès
     des projets repose sur des indicateurs comptables classiques comme le chiffre d’affaires
     alors qu’un test a du succès si le porteur de projet peut à la fin prendre une décision
     éclairée sur son activité, y compris celle de ne pas s’installer. Ces dispositifs de test, qui
     préexistaient dans d’autres secteurs d’activité (Favrelière, 2009), sont rassemblés
     depuis 2012 en un Réseau national des ETA (le RENETA). Ce réseau compte près de 80

     Géocarrefour, 94/4 | 2020
L’Espace-test agricole comme outil des collectivités territoriales   7

     membres et permet leur mise en relation tout en facilitant le partage d’expériences de
     plus de 500 porteurs de projet.
13   L’ETA est donc le dispositif permettant la réalisation du test, qui se déroule sur un lieu-
     test. Ce dernier est dépendant de la structure mise en place et de la conception du test.
     Ce lieu peut être un espace mis à disposition dans une ferme, une ferme entière en
     transmission, ou d’autres types de terrains. Il peut être mis à disposition par la
     structure d’ETA, par un particulier, par une collectivité territoriale ou une association,
     comme Terre de Liens1. Le lieu-test peut être permanent, lorsque le terrain aura
     vocation à rester en test en voyant se succéder les testeurs, ou bien provisoire s’il est
     décidé que le testeur s’y installera définitivement au terme de la période de test. Un
     ETA peut comprendre plusieurs lieux-test et sera donc dit « en archipel ». Chaque
     structure créée est ainsi unique du fait de son fonctionnement, son territoire et les
     partenaires prenant part au projet. Car un espace-test se base généralement sur un
     multipartenariat et peut compter des structures associatives (telles que des
     Associations pour le développement de l’emploi agricole et rural -ADEAR-, des
     groupements d’agriculteurs biologiques, ou Terre de Liens, par exemple), des
     collectivités territoriales, des couveuses d’entreprises ou couveuses d’activités et
     d’emplois (CAE), l’enseignement agricole, la chambre d’agriculture. L’acteur à l’origine
     du projet est lui aussi variable ainsi que les types de partenariats établis entre tous.
14   Nous insistons sur le fait que l’ETA n’est pas qu’un lieu physique. Il inclut un lieu-test,
     mais il est constitué de la rencontre des acteurs responsables des quatre fonctions
     autour d’un porteur de projet qui teste son activité sur un lieu. Le dispositif de test sert
     évidemment au porteur de projet (Cavalier, 2013 ; Le Bel, 2020), mais il peut également
     être saisi comme outil par d’autres acteurs, dont les collectivités. C’est cette possibilité
     de rencontre entre plusieurs acteurs qui se saisissent de l’ETA comme socle de projet
     qui lui donne son caractère intégrateur.

     La mise en place de l’ETA
15   Dans toutes les situations étudiées, une collectivité est, sinon à l’origine, du moins
     partie prenante au déclenchement du projet. Les projets émergent généralement d’une
     constatation : un manque (maraîchage bio dans le Roannais), la baisse du nombre des
     actifs agricoles (à Limoges), un problème de transmission d’activité (Monts du
     Lyonnais), une perte des paysages traditionnels (Mond’Arvene), ou une demande
     croissante de produits locaux de la part de la population (Limoges, Roannais, Monts du
     Lyonnais …).
16   À partir de ces constats, une structure d’ETA est créée pour un projet si aucun n’existe
     déjà sur le territoire. En Auvergne, l’association Ilots Paysans assume la fonction
     d’accompagnateur et d’animation d’ETA notamment dans un projet de Verger-test qui
     nait de la rencontre avec Mond’Arverne Communauté et Terre de Liens autour d’un
     diagnostic partagé : la conservation des espaces de vergers traditionnels est menacée
     par la perte au profit d’autres cultures (principalement céréalières) ou par le passage
     progressif à l’état sauvage s’ils ne sont pas entretenus. Dans la Drôme et dans le cas de
     l’Ecopôle du Syndicat mixte, les collectivités ont pu dès le départ s’appuyer sur le
     travail d’associations accompagnatrice d’ETA (les Compagnons de la terre et Ilots
     Paysans, respectivement). Selon un chargé de mission, les Communautés de communes
     impliquées dans les projets ne prennent pas part à la structure d’ETA : « La communauté

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L’Espace-test agricole comme outil des collectivités territoriales   8

     de communes ne [fait] pas partie de l’ETA, mais [est] toujours en appui. C’était un choix
     volontaire de ne pas porter l’espace test parce qu’il y a une asso, mais c’est un projet qu’on
     supporte [sic] parce qu’il correspond à la politique agricole du territoire et qu’il rentre dans nos
     priorités ».
17   Si la structure n’est pas préexistante, elle est alors créée en réunissant les collectivités
     et d’autres acteurs du territoire impliqués de près ou de loin dans le monde agricole.
     C’est le cas dans le Roannais avec la création d’Etamine, et dans les Monts du Lyonnais,
     au moment des entretiens2. C’est le cas également de la nouvelle structure drômoise, la
     Fabrique Paysanne qui succède aux Compagnons de la terre, à propos de laquelle une
     chargée de mission expose : « L’acteur principal qui gère le projet c’est nous, on est le
     dénominateur commun avec tous les partenaires […] déjà parce qu’on est propriétaire du terrain
     donc ça change un peu la donne, mais après ce sera le collectif quoi ».
18   Le rôle des collectivités varie dans le temps et peut passer d’une situation où la
     collectivité est pleinement partie prenante de la structure d’espace-test, participant à
     la prise des décisions, et dirigeant le projet (Limoges par exemple), à une collectivité
     qui se désengage de la structure et laisse l’espace-test gérer le projet en prenant part
     uniquement à des événements ponctuels (comme à Mond’Arverne Communauté). Il
     importe également d’opérer une distinction entre la collectivité et les acteurs la
     représentant (élu, chargé de mission), qui ne sont pas toujours présents dans la durée.
     Cela peut faire varier le statut plus ou moins prioritaire du projet d’ETA dans la
     collectivité. En regard des fonctions de l’ETA, les collectivités peuvent aussi s’investir
     de diverses façons.

     Quelle implication de la collectivité ?

19   Les collectivités adoptent toutes un rôle de pépinière, c’est-à-dire qu’elles fournissent à
     minima le foncier pour mettre en place le lieu-test, voire le bâtiment. Mais
     l’engagement de la collectivité auprès des ETA varie. Il faut distinguer entre les
     collectivités qui sont intégrées au projet depuis le début, qui adoptent le rôle de
     pépinière, voire participent à l’accompagnement, en plus de soutenir financièrement le
     projet (Limoges ; Roannais ; Valence Roman Agglo), et les collectivités intégrées plus
     tardivement au projet. Ces dernières sont sollicitées pour du soutien financier
     principalement, et peuvent être impliquées dans la gouvernance du projet et dont le
     rôle de pépinière s’oriente plutôt vers le matériel agricole et le bâti (Saint Etienne
     Métropole dans Monts du Lyonnais ; Val de Drôme ; le Syndicat mixte à Billom
     Communauté ; Mond’Arverne). L’évolution du rôle conféré à la collectivité, ou le rôle
     qu’elle s’octroie vont influer sur son implication dans le projet.
20   Ainsi, la métropole de Limoges met du foncier à disposition de l’espace-test, des
     moyens de production et des bâtiments en plus d’un accompagnement sur les
     débouchés pour les porteurs de projet. De la même manière, dans le cas du projet de
     Roannais Agglomération, la collectivité fournit un lieu à la structure d’espace-test, en
     plus d’un forage pour l’irrigation, des serres et une chambre froide, mais également du
     personnel pour une aide au démarrage. Valence Roannais Agglo, de son côté, a recentré
     son implication uniquement sur la mise à disposition de terrain et la réalisation d’un
     forage, mais ne fournit pas de matériel aux porteurs de projet. Dans le cas de Billom
     communauté on trouve aussi une fonction de pépinière et la volonté de mettre à
     disposition les installations et le matériel, mais faute de moyens financiers, ceux-ci sont

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L’Espace-test agricole comme outil des collectivités territoriales   9

     pour l’instant fournis par l’association Ilots Paysans. Enfin, du côté du Verger-test de
     Mond’Arverne, la collectivité ne met à disposition des porteurs de projet que le
     bâtiment, le foncier étant une propriété de Terre de Liens, ainsi que les vergers
     appartenant à Ilots Paysans. Quelques collectivités s’engagent davantage en proposant
     un accompagnement humain (Limoges, Roannais Agglo), et d’autres complètent leur
     implication en participant au recrutement. C’est le cas des deux collectivités de la
     Drôme, dont les agents participent au recrutement des porteurs de projet en
     coordination avec tous les autres partenaires. Pour un chargé de mission Valence
     Romans Agglomération, « pour le recrutement, c’est nous et les partenaires pour évaluer le
     projet, pour faire bien comprendre ce que c’est qu’un espace-test, que ce ne soit pas juste une
     opportunité foncière, que c’est bien une dynamique un peu particulière ». Et selon un chargé
     de mission de la Communauté de communes Val de Drôme, l’« idée [est] d’avoir une grille
     de critères commune. Un porteur de projet n’a pas forcément une compétence agricole, mais s’il
     n’a pas de diplôme, il faut qu’il ait de l’expérience au moins ».

     Les financements et contrats

21   L’implication des collectivités au sein des projets de test repose en grande partie sur
     leur capacité à cofinancer le projet. En effet, sur les sept collectivités enquêtées, une
     seulement participe en prenant uniquement en charge l’achat et les frais du bâtiment,
     les six autres ajoutent une contribution financière sous forme de subventions. Elles
     financent le projet, seules ou en associant d’autres collectivités. Pour l’un de ses
     chargés de mission, la Communauté de communes Val de Drôme par exemple «
     intervient depuis le démarrage avec un soutien financier au budget agricole annuel et d’un point
     de vue technique avec les chargés de mission, sur les statuts des pp, [porteur de projet]
     portages, montage financier… ». Cinq font appel aux fonds du programme LEADER et aux
     subventions régionales quand elles existent.
22   L’engagement de la collectivité et des autres participants au projet est quelquefois
     officialisé dans des contrats ou des conventions-cadres. Ces derniers définissent le
     fonctionnement de l’espace-test, et la répartition des rôles au sein de ce projet, comme
     il en a été convenu pour le projet du verger-test par exemple, ou encore dans le cas de
     Limoges. Parfois, des conventions financières sont également signées entre quelques
     acteurs (entre la SEM et Monts du Lyonnais ou encore entre Limoges Agglomération et
     BGE). On trouve également d’autres contrats liés à l’usage du foncier, principalement
     des baux ruraux. Ces baux ruraux, parfois environnementaux, sont signés entre un
     propriétaire foncier et un usager agricole. Dans le cas d’un ETA, le propriétaire peut
     être un particulier, une commune, une communauté de communes, la structure
     d’espace-test, le testeur lui-même ou encore une association comme Terre de Liens qui
     permet l’exploitation agricole de son terrain moyennant loyer. Une clause
     environnementale peut être ajoutée, c’est le cas lorsque Terre de Liens, qui promeut les
     pratiques durables, est propriétaire. Ilots Paysans et Terre de Liens mobilisent
     également le bail rural environnemental à domaine congéable. Cette convention
     particulière permet de définir et de gérer le fait que le foncier soit la propriété de Terre
     de Liens, tandis que l’espace-test Ilots Paysans est gestionnaire des arbres fruitiers
     (Chargé de mission Mond’Arverne Communauté). Au-delà des structures mises en place
     et des sommes investies, les motivations qui poussent les collectivités à accueillir un
     ETA sur leur territoire vont au-delà de l’acquisition de compétence du testeur.

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L’Espace-test agricole comme outil des collectivités territoriales   10

     Quelles motivations à créer un ETA ?
     Un outil au service de politiques existantes

23   Pour l’ensemble des collectivités interrogées, l’ETA constitue d’abord un outil au
     service d’une politique plus large. Il s’intègre dans un projet plus vaste, qu’il ait été
     décidé par la collectivité ou amené depuis l’extérieur par le monde associatif. Il
     constitue, par exemple, un élément concret d’une politique agricole et d’une politique
     alimentaire émergente à l’échelle locale ou encore un moyen d’attirer de nouveaux
     agriculteurs.

     Politique agricole et de développement local

24   Les enjeux attachés aux ETA entrent couramment dans le champ des politiques
     agricoles. L’action dans ce domaine d’activité par une collectivité dépend entre autres
     de son histoire. Par exemple, à Billon Communauté on compte plusieurs élus qui
     proviennent du secteur agricole. Le développement de l’action agricole de la part des
     collectivités dépend aussi des organisations professionnelles agricoles présentes sur le
     territoire, de leur structuration et de leurs relations avec les élus. Cela peut avoir des
     conséquences sur la volonté des élus à agir sur la politique agricole, et la manière dont
     ils agissent, soit en opposition à la chambre avec le risque de ne pas être suivi par les
     agriculteurs du territoire, soit en coopérant.
25   L’un des leviers à la disposition des collectivités pour intervenir sur la politique
     agricole est d’agir sur le foncier. Six des sept collectivités consultées ont eu recours à
     des stratégies foncières. C’est le principal axe permettant de soutenir les projets comme
     les ETA. Pour un élu communal Mond’Arverne Communauté, c’est « une opération
     intéressante qui permet d’avoir un embryon de politique agricole et qui ne coûte pas grand-chose
      ».
26   Parfois, la collectivité possède déjà des terres comme à l’agglomération drômoise de
     Valence, Romans Agglomération, parfois elle fait l’acquisition de terrains agricoles
     comme dans l’agglomération de Limoges. Depuis 2006, la SAFER informe les élus des
     mouvements fonciers de leur commune à travers une veille foncière. Elles peuvent
     aussi s’impliquer à travers des conventions signées avec la SAFER pour du stockage
     foncier temporaire ou du portage foncier (Léger-Bosch, 2015). Ces conventions
     permettent aux collectivités de s’impliquer lorsqu’il y a une « inadéquation de calendrier
     entre cédant et repreneurs de fermes » (Martin, 2016, p. 58). L’action sur le foncier peut
     également être facilitée par l’intervention de Terre de Liens, qui acquiert du foncier
     agricole grâce à des dons et à de l’épargne solidaire de citoyens ou en devenant elle-
     même acquéreuse. L’acquisition est la principale stratégie foncière concernant le
     développement de l’ETA pour la Communauté de communes Val de Drôme. La
     collectivité a été l’une des premières à mettre en place une politique de stockage
     foncier en 2014 en collaboration avec la SAFER.
27   L’orientation de la politique agricole peut également passer par des logiques
     d’incitation, c’est-à-dire, l’encouragement, explicite ou non, à orienter les productions
     agricoles dans une direction donnée. Ces incitations peuvent passer par de la
     démonstration (montrer aux autres agriculteurs que des alternatives existent en
     termes de production, de débouchés…), mais aussi par la valorisation de certaines

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L’Espace-test agricole comme outil des collectivités territoriales   11

     productions (créer du débouché, de l’accompagnement technique…). À Mond’Arverne
     Communauté, où le projet de territoire est en cours d’élaboration, le président du
     Syndicat mixte compte, à partir de l’exemple de l’ETA entre autres, réussir à réorienter
     les agriculteurs « arrivés au bout de leur système » vers d’autres productions. L’ETA est
     ici conçu comme un espace de démonstration visant à convaincre et servir de modèle
     en faveur d’une transition écologique. Ainsi, le Président du syndicat mixte « (je) ne
     veux pas opposer l’agriculture conventionnelle et l’agriculture bio, mais malgré tout, les
     conventionnels, on a à se poser des questions, c’est un modèle qui sera une péripétie de l’histoire
     je pense […] j’espère que ce sera vite oublié. De toute façon, je pense que le modèle il ne tiendra
     pas ».
28   L’ETA sert ainsi de justification d’une politique agricole et alimentaire locale
     émergente, ou à tout le moins d’illustration des orientations possibles privilégiées. En
     ce sens, il est intégrateur, car s’y retrouve des politiques publiques agricoles et
     alimentaires Les premières concernent la production et la mise en marché alors que les
     secondes touchent la transformation et la consommation (Fouilleux, 2008). Pour
     certaines collectivités, il permet d’engager les prémices de cette politique, comme pour
     Monts du Lyonnais, ou alors il vient en renforcement d’une politique existante et d’une
     démarche de plus en plus fréquente de développement d’une agriculture de proximité
     (Guiomar, 2011). Cette politique d’intervention sur le foncier agricole participe
     également de la compétence d’aménagement du territoire et de développement local
     qui sont un enjeu central de la coopération intercommunale. Cela ressort des entretiens
     des agents des collectivités, lorsqu’il s’agit d’évoquer la redynamisation de territoires
     en déprise. On le retrouve également avec l’idée de faire connaître les rôles de
     l’agglomération, comme l’évoque un chargé de mission de Valence Romans Agglo : «
     Comme c’est un peu emblématique et symbolique, l’idée c’est aussi un peu de permettre de faire
     connaitre l’agglo sur cette thématique-là en se disant que les territoires, via la commune ou via
     les approches d’agriculture urbaine ou d’aménagement du territoire, sont des acteurs
     d’aménagement du territoire et donc de la préservation de l’agriculture, et qu’on a un rôle de
     facilitateur ».

     Circuits courts alimentaires

29   Liée aux politiques alimentaire ou agricole, la valorisation des circuits courts participe
     d’un dynamisme économique du territoire et de mise en avant de la production locale
     et du territoire (Chiffoleau, 2017). Les ETA appuyés par les collectivités sont perçus
     comme étant susceptibles de participer à l’instauration ou la pérennisation de ces
     circuits courts. On note chez les collectivités interrogées une volonté politique de la
     part de collectivités locales de territorialiser l’offre alimentaire et de revenir à une
     production locale qui mette en avant les atouts régionaux. On trouve dans les
     entretiens une récurrence de certaines expressions liées aux circuits courts telles
     qu’« accompagner l’économie circulaire », « tissu économique local et alimentation de
     qualité », « réseaux de distribution locale », « soutenir la production locale »,
     « développement économique local ». Cette volonté découle également des porteurs de
     projet, qui pour la plupart souhaitent privilégier la vente en circuit court qui leur
     permettrait une meilleure valorisation de la production, une réduction de la distance
     entre le producteur et le consommateur, ainsi qu’une évolution des rapports à
     l’alimentation et l’agriculture.

     Géocarrefour, 94/4 | 2020
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30   Les collectivités vont donc encourager et favoriser la vente en circuit court en
     proposant des débouchés, par exemple en offrant un contrat avec la cantine scolaire, en
     mettant en relations les testeurs d’activité avec les consommateurs ou les systèmes de
     revente en circuits courts. Elles accompagnent les porteurs de projet jusqu’à, parfois,
     imposer un quota à respecter : la métropole de Limoges prévoit de demander que 20 %
     de la production des porteurs de projet soit distribuée à la restauration scolaire au sein
     de l’agglomération, la restauration collective étant l’un des points d’ancrage du projet
     d’espace-test agricole. Selon un chargé de mission de Limoges Métropole, « ce sera une
     condition d’entrée en test ». Cependant les autres collectivités interrogées laissent le
     champ libre aux porteurs de projet concernant leurs débouchés et proposent
     essentiellement un accompagnement. C’est ce que rappelle un chargé de mission
     Valence Romans Agglo : « sur les tests on a demandé qu’il y ait une dynamique de circuits
     courts, pas une exclusivité évidemment, mais qu’ils puissent faire le lien […] Le rôle de la
     communauté de communes est aussi de faire le lien avec les réseaux de distribution locale, les
     points de vente collectifs, marchés, paniers, ou les autres opérateurs, comme la restau(ration)
     co(llective) par exemple ».
31   La promotion des circuits courts est donc un aspect important dans la mise en place des
     ETA conçu comme devant recréer un lien entre les différents acteurs du territoire. Pour
     les porteurs de projet, cette dimension leur permet de construire leur réseau de
     consommateurs et ainsi d’amener les testeurs à s’installer définitivement sur le
     territoire en sortie de test.

     Projet Alimentaire Territorial

32   Quelques collectivités placent l’ETA au cœur du projet alimentaire territorial 3 (PAT).
     L’imbrication des ETA à des PAT peut servir à lever les réticences de certains acteurs,
     politique notamment, en s’inscrivant dans une politique alimentaire plus large encore.
     Pour les collectivités plus urbaines, les enjeux agricoles constituent parfois une
     nouveauté. C’est le cas de l’agglomération de Limoges, où la chargée de mission qui
     s’occupe du montage de projet d’ETA a fait face à des réticences de la part de la
     Direction Générale, concernant la légitimité de l’agglomération à travailler sur le
     domaine agricole alors qu’elle n’avait pas de compétence spécifique en agriculture. Ces
     réserves se sont dissipées quand l’initiative a été intégrée à un PAT. C’est également le
     cas de la métropole stéphanoise qui envisageait ainsi au sujet de l’ETA des Monts du
     Lyonnais, selon son chargé de projet agricole : « Ça nous intéressait parce que nous, on se
     posait beaucoup de questions par rapport à ces espaces-test, on savait bien qu’il en faudrait un
     sur le sud de la Loire donc on était très moteur pour en faire un, mais on n’a jamais eu le courage
     de provoquer l’occasion, donc là, ce projet, c’était vraiment une opportunité ».
33   Limoges pose son projet de test d’activité agricole, en création, « comme maillon
     essentiel, mais pas unique » d’un PAT. L’un des objectifs principaux de ce futur espace-
     test sera de fournir les cantines scolaires en produits locaux, selon une volonté actée
     par les élus. Dans le cas du Syndicat mixte qui porte le projet d’Ecopôle dans lequel se
     déploie un ETA, son président note « les connexions transversales entre tous les projets, ETA,
     PCAET, PAT, … ». Il place ainsi non seulement l’ETA au sein de son PAT, mais il l’inclut
     également comme un outil du plan climat, air, énergie territoriale. Dans la région
     drômoise, l’ETA est également vu comme un outil au service du PAT, comme le fait
     remarquer la chargée de mission de Valence Romans Agglomération, en évoquant
     l’élaboration d’une stratégie agricole « globale » : « Ce qui est intéressant c’est que ça s’est

     Géocarrefour, 94/4 | 2020
L’Espace-test agricole comme outil des collectivités territoriales   13

     articulé avec tout le reste de la politique agricole, stratégie alimentaire, enjeu foncier, avec plein
     d’autres choses, donc c’est comme ça que ça a recollé et que ça a pris tout son sens dans un
     dispositif bien plus global que juste l’approche espace-test, qui n’aurait pas eu de sens par lui
     tout seul au milieu de nulle part ».
34   Le PAT, lancé en 2014, encourage la relocalisation de l’alimentation dans un contexte
     où des porteurs de projets sont de plus en plus enclins à s’intégrer dans des circuits
     courts. Dans les ETA comme dans les PAT, ce n’est pas uniquement le plan en tant que
     tel qui attire l’intérêt des différents acteurs, mais bien l’articulation de différents
     niveaux d’action et de répercussions. « Si c’est juste posé comme ça au milieu de nulle part
     sans aucune stratégie autour, dira un chargé de mission Valence Romans Agglo, ça parait
     compliqué, par contre s’il y a une action avec un projet agricole ou un projet alimentaire avec
     une volonté de favoriser la production, c’est un outil intéressant ». L’espace-test est donc un
     outil au service de politiques publiques aux yeux des acteurs des collectivités. Il
     présente également d’autres avantages que sont la mise en avant d’un territoire
     agricole et sa redynamisation grâce à l’installation de nouveaux actifs ainsi que le
     moyen d’un apprentissage collectif au service du territoire.

     Un instrument d’attractivité territoriale

35   À travers la prise en considération de la politique agricole et l’incitation à la création de
     circuits-courts, l’adoption d’ETA par les collectivités participe de la promotion du
     territoire. Le test d’activité agricole est posé comme un accomplissement du territoire,
     de la collectivité. L’ETA doit en conséquence être vu. Il importe d’en faire un espace
     pédagogique qui s’adresse à la population, à travers la mise en place d’activités
     scolaires, de circuits pédagogiques ou de lieux de rencontre collectifs. C’est le cas à
     Valence Romans Agglo où l’expression « enjeu pédagogique » apparaît à plusieurs
     reprises dans l’entretien mené auprès du chargé de mission. C’est le cas également à
     l’Ecopôle de Billom communauté, explicitement affiché comme un lieu de
     démonstration et de pédagogie dans lequel l’ETA s’intègre. Pour le Président du
     Syndicat mixte, non seulement l’ambition est qu’il soit un « lieu d’apprentissage et de
     diffusion », mais au-delà, « il faudrait 10-15 ETA dans la région qui seraient des lieux de
     démonstration, que les gens aillent voir ».
36   L’ETA peut aussi être un espace de démonstration à destination d’autres collectivités,
     afin de faciliter le transfert d’expérience, à l’exemple de l’ETA de Billom communauté,
     dont la chargée de projet assume l’« idée d’être un modèle dans les démarches pour
     transposer ailleurs »4. Le lieu-test est donc toujours objet de démonstration, mais cette
     fois avec pour objectif l’essaimage d’une démarche et le retour d’expérience. On
     retrouve cette situation dans le Val de Drôme, ce que décrit un chargé de mission de la
     Communauté de communes : « L’argument c’est de dire que l’ETA de la Communauté de
     communes Val de Drôme c’était l’ETA des ETA : un des premiers espace-test en France, un des
     fondateurs du RENETA, donc on ne peut pas laisser toute cette expérience, cette capitalisation
     d’expérience […] il faut faire une transmission aux acteurs du territoire pour se rappeler
     l’histoire de ce projet, prendre conscience de ce qui a fonctionné, dysfonctionné ».
37   Cette volonté de montrer l’accomplissement de la collectivité est visible à travers des
     articles de presse dans les magazines des intercommunalités notamment, ou sur les
     sites web locaux, ou encore par la présence à des fêtes de villages. Lors d’un comité
     technique, le chargé de projet d’une collectivité territoriale a également proposé

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L’Espace-test agricole comme outil des collectivités territoriales   14

     d’accoler sur les produits de l’ETA une étiquette mettant en avant l’implication de la
     commune. Les inaugurations de lieux-test fournissent donc des opportunités de mise
     en visibilité, comme le note un chargé de mission de Mond’Arverne Communauté : « les
     élus vont adorer, couper du ruban, communiquer à fond, c’est hyper consensuel, c’est royal pour
     eux [les élus] » peut-être aussi pour ça que le projet a été adopté aussi vite : peu de moyens, très
     visible et marche bien, pas un pari trop risqué ». Le constat est le même chez un autre
     chargé de mission : « On coupe les rubans, tout le monde se glorifie un peu ». La dimension
     du temps politique prend alors toute son importance, notamment lorsque c’est un
     projet porté et monté par la collectivité plutôt que par un acteur extérieur. Dans le cas
     du projet de Limoges par exemple, la chargée de mission responsable de l’espace-test
     précise qu’il est impératif qu’un porteur de projet soit installé en test d’ici 2019 afin
     d’avoir quelque chose de concret à montrer.
38   On assiste de la sorte à une mise en avant des réalisations de la collectivité et des élus.
     Les élus assument la fierté qu’ils tirent de la réalisation : « un projet public doit être
     présenté comme un récit et faire rêver ». De manière plus pragmatique, une chargée de
     mission de Val de Drôme explique, en parlant des élus : « mais oui ils en sont fiers, comme
     le fonds d’intervention foncière, ils en sont fiers … Il y a beaucoup de travail de fond de la
     Communauté de communes, mais du coup avoir aussi des actions phares comme ça c’est
     important ». À l’inverse, certains acteurs disent se garder de trop communiquer sur les
     ETA avant qu’ils ne soient considérés par les élus comme « propres » et « présentables »
     5
       .
39   Davantage qu’un espace de démonstration, l’ETA peut être appréhendé comme un outil
     de redynamisation du territoire, grâce aux installations futures espérées sur la zone du
     test, ou dans la région. Ces installations correspondent à des attentes de toutes les
     collectivités mettant en place des ETA. Attentes qu’on trouve chez les chargés de
     mission, mais surtout chez les élus qui ont moins conscience que le test peut ne pas
     déboucher sur une installation et qui sont en demande de retombées visibles. Un
     chargé de mission de Val de Drôme déclare à ce propos : « Ce que je veux dire c’est que si
     c’est des financements agricoles il faut un peu installer, sinon on prend des financements du
     fonds social européen ou de l’aide sociale parce qu’on aide des gens dans une reconversion
     professionnelle, c’est autre chose ».
40   Lorsque l’ETA n’engendre pas d’installations, certains élus appréhendent d’avoir à
     rendre des comptes à leurs collègues ou à l’intercommunalité, et doivent expliquer que
     l’évaluation des retombées d’un ETA doit se faire sur un temps long. Pour un élu de
     Roanne, « il faut voir ça sur 10 ans, on peut pas faire de bilan avant. Moi c’est comme ça que je
     vais essayer de le vendre ». Selon un chargé de mission de Valence Romans Agglo,
     l’espace-test permet ainsi de « créer une dynamique d’installation avec un enjeu économique,
     pédagogique et environnemental, parce qu’on y met la dimension qu’on veut, c’est un outil hyper
     intéressant ».

     L’ETA comme mécanisme d’apprentissage

41   Au-delà des installations, la redynamisation des territoires peut également passer par
     l’implication de la population du territoire concerné, par la mise en réseau créée par
     l’ETA même ou par la démarche pédagogique qui s’y inscrit. Par démarche
     pédagogique, nous n’entendons pas exclusivement la transmission descendante de
     savoir vers du public scolaire. Cela peut être le cas tel que l’intention affichée à Billom

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